La mission commune d'information sur la prise en charge de la dépendance et la création du cinquième risque réunit, autour d'une table ronde, les offreurs de services et d'hébergement en institution. Sont présents Thierry d'Aboville, secrétaire général de l'union nationale des associations d'aide à domicile en milieu rural (Unadmr), Florence Arnaiz-Maume, déléguée générale du syndicat national des établissements et résidences privés pour personnes âgées (Synerpa), David Causse, coordonnateur du pôle santé-social à la fédération des établissements hospitaliers et d'assistance privés à but non lucratif (Fehap), Emmanuel Verny, directeur général de l'union nationale des associations de soins et services à domicile (Unassad), Muriel Jamot, adjointe en charge du secteur social et médicosocial à la fédération hospitalière de France (FHF), Alain Villez, conseiller technique sur les personnes âgées de l'union nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (Uniopss).
Je suis heureux de vous accueillir pour nous aider à poursuivre une réflexion que le Sénat a engagée depuis plusieurs années et qui a déjà donné lieu, au sein de notre mission d'information, à un rapport d'étape en juillet 2008. Je vous propose que nous tentions d'abord de dresser un état des lieux : depuis la publication de notre dernier rapport, des réformes importantes sont intervenues sur lesquelles nous souhaiterions recueillir votre sentiment. Puis vous nous direz ce que sont les attentes de vos fédérations dans la perspective de réformes à venir dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012.
Un certain nombre des mesures que nous préconisions dans nos travaux depuis la mise en place de la mission sur la prise en charge de la dépendance ont été reprises dans les projets de loi successifs de financement de la sécurité sociale. Plusieurs concernent directement les établissements que vous gérez. Je pense notamment à la réforme de la tarification des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), en 2009, ou à la réintégration des médicaments dans la dotation soins des Ehpad - il est vrai partielle, le Gouvernement n'étant pas allé aussi loin que nous le préconisions à la suite des craintes exprimées par certains quant à l'impact de la mesure sur les officines locales de pharmacie. Par ailleurs, la gouvernance du secteur médico-social a été profondément modifiée par la loi « hôpital, patients, santé, territoires », qui a créé les agences régionales de santé (ARS) dont nous espérons qu'une fois administrativement bien assises - c'est-à-dire lorsqu'elles auront assimilé les nombreuses circulaires qu'elles ont reçues ! - elles apporteront les réponses que l'on attend d'elles.
Nous aimerions connaître votre point de vue sur ces dispositions, les effets concrets qu'elles ont eus pour vous et savoir si des correctifs vous paraissent souhaitables pour améliorer la prise en charge des personnes dépendantes. La Cour des comptes, dans ses conclusions de 2005, reprises en 2009, dénonçait le manque de coordination des acteurs, soulignait l'importance du reste à charge, regrettait le manque de transparence des tarifs, déplorait la grande hétérogénéité dans la qualité des établissements et les disparités constatées dans les modalités d'attribution de l'allocation personnalisée d'autonomie (Apa). Nous aimerions connaître, là-dessus, votre sentiment. Quel bilan à mi-parcours, enfin, tirez-vous du plan Solidarité grand âge (PSGA) et du plan Alzheimer, qui viendront à échéance en 2012 ?
L'aide à domicile connaît de grandes difficultés, liées à des problèmes de financement. Elle souffre d'une grande disparité de la tarification qui peut aller, d'un département à l'autre, de 16,50 euros à 22 euros. La loi de finances pour 2011 n'est, hélas !, pas de nature à faciliter les choses. Les fédérations nationales ont attiré l'attention sur les dangers de l'article 90 du projet de loi, devenu l'article 200 du texte définitif, relatif à la suppression des exonérations de charges pour les services à la personne : elles en craignent les effets pervers pour les publics les plus fragilisés - ceci indépendamment de la question des quinze points du particulier employeur. Conséquence de cette disposition, les coûts de prise en charge seront augmentés de 3 euros à 4 euros, sans parler du renchérissement de 30 centimes à 40 centimes de l'heure d'intervention du personnel administratif.
M. Baroin, pressé par les membres de notre commission, qui étaient montés au créneau, nous avait pourtant fait valoir que les publics fragilisés ne seraient pas concernés.
Ils le sont pourtant, dès lors que pour les personnels d'intervention sociale et familiale - qui sont seuls à intervenir directement auprès des familles grâce au financement des caisses d'allocations familiales, de l'aide sociale à l'enfance et des services de protection maternelle et infantile (PMI), l'article 90 conduit à la suppression des dispositions les concernant au III bis de l'article L. 241-10 du code de la sécurité sociale. Aujourd'hui, on peut certes fonctionner grâce à l'abattement Fillon, mais l'impact en est considérablement réduit du fait que les rémunérations des personnels dépassent souvent le plafond d'1,6 Smic. D'où ce renchérissement de 3 à 4 euros par heure d'intervention, sur un coût horaire de 32 à 35 euros. Nous craignons un désengagement des financeurs vis-à-vis de ces personnels qui réalisent un vrai travail social, jouent un rôle de prévention, et interviennent souvent auprès de parents isolés en situation difficile.
Si je comprends bien, on ne peut bénéficier des allègements de charges pour ces personnels, dès lors que leur salaire dépasse 1,6 Smic et vos conventions collectives font qu'une grande partie d'entre eux dépasse ce plafond ? Et vous ne pouvez plus bénéficier de l'exonération qu'autorisait le III bis de l'article L. 241-10 du code de la sécurité sociale ?
En effet, avec les mêmes conséquences pour les personnels administratifs, dont le coût se renchérit également. L'impact est donc réel sur les publics les plus fragiles. Le secteur ne sait pas comment il va fonctionner dans les mois à venir.
On ne manquera pas de les interpeller, car, en matière de tarification, on constate de grandes disparités d'un département à l'autre. Mieux vaut être vieux dans certains départements que dans d'autres...
Pour ce qui est de la loi HPST, nous en sommes globalement satisfaits. Elle introduit plus de cohérence dans les politiques publiques et nous permet d'avoir un interlocuteur unique. Elle reconnaît, également, les centres de soins infirmiers et définit leurs missions. Elle crée, en outre des passerelles entre évaluation externe et certification pour le réseau ADMR (aide à domicile en milieu rural). Tout cela est positif.
Nous nous interrogeons cependant sur la place du médico-social au sein des ARS. Outre que nos rencontres avec les directeurs généraux et leurs équipes ont fait apparaître une certaine méconnaissance du secteur, nous constatons que celui-ci ne pèse pas lourd en termes budgétaires, alors que son impact est important en termes d'emploi. Un autre souci concerne les appels à projet : il nous semble important que les acteurs de la société civile que sont les associations puissent être une force de proposition, en faveur de l'innovation sociale.
Le plan Solidarité grand âge est intéressant. Cependant, si beaucoup a été fait pour les Ehpad, le domicile reste le parent pauvre : il conviendrait, via les services de soins infirmiers à domicile (Ssiad), d'accélérer les choses.
Pour ce qui concerne le plan Alzheimer, nous nous sommes engagés dès le départ dans l'expérimentation, en nous appuyant sur nos équipes mobiles en Ssiad, avec des résultats positifs.
Je représente le premier syndicat national des établissements de retraite privés lucratifs du secteur des Ehpad. Pour nous, le tableau est très sombre. Les mesures de convergence adoptées en 2009 à l'initiative de Mme Létard, qui avait constaté que la tarification pouvait aller du simple au triple, et préconisait la convergence vers un plafond, partaient d'un bon sentiment, mais se pose, depuis, le cruel problème de leur application. Alors que ces dispositions devaient entrer en vigueur au 1er janvier 2010, le décret d'application n'est toujours pas sorti. Son projet avait pourtant été soumis aux fédérations, et nous en avions largement débattu : il doit mettre en place le tarif plafond et la tarification à la ressource. Il devait également régler la question de la globalisation des dépenses de soins, en prévoyant l'intégration, au-delà d'un certain seuil de soins, des dépenses de médecine libérale et de kinésithérapie, ainsi que de médicament. Les auteurs du décret sont même allés plus loin que ce que vous aviez envisagé, pour faire en sorte que tous les établissements puissent prétendre au tarif global et à la tarification à la ressource. Nous étions parvenus à un accord, mais nous n'avons toujours rien vu venir : il semble que le décret reste bloqué dans quelque tiroir. En revanche, si toutes les mesures autorisant une convergence vers le haut restent gelées, il n'en va pas de même de l'écrêtement vers le bas.
Il est vrai que ce décret là n'est pas sorti non plus, mais que cela n'empêche pas la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) et la direction générale de la cohésion sociale d'anticiper. Ouvrir des contentieux est certes toujours possible, mais le fruit en arrive trop tard...
A cela s'ajoute que les belles années des lois de financement sont derrière nous. Il fut un temps où les mesures nouvelles en faveur des personnes âgées s'élevaient à 800 millions d'euros ; elles ont depuis été divisées par deux puisqu'elles ne sont que de 400 millions pour 2011.
Une norme de financement sort chaque année par arrêté.
Quelle catégorie de personnes dépendantes devait être visée par la globalisation des dépenses de soins ? Quel groupe iso-ressources (Gir) ?
L'appréciation ne doit pas se faire par Gir, mais plutôt en fonction du niveau de dépendance de l'établissement, mesuré via le Gir moyen pondéré soins (GMPS).
Il n'est précisément pas non plus fixé. Cela étant, tout le monde devrait à terme passer au forfait global. Les gouvernements successifs, depuis trois ou quatre ans, nous y encouragent, avec l'idée que c'est là le moyen de contenir la dépense. Mais pour mettre en place ce type de mesure, il faut qu'une fongibilité soit possible. Or, les établissements ne sont pas autorisés à y avoir recours. On nous dit que, tant qu'il n'y aura pas de transfert de l'enveloppe de soins de ville vers le médico-social, il ne pourra y avoir de tarif global. Les adhérents du Synerpa sont particulièrement mal dotés et ne voient pas venir le rattrapage, puisque la convergence vers le haut est bloquée. Et cela tandis que la CNSA et la DGCS organisent d'ores et déjà, pour les établissements au-dessus de la norme, la convergence vers le bas : les économies ainsi réalisées n'iront pas aux établissements les plus mal financés, mais repartiront vers Bercy !
Quant au plan Solidarité grand âge, il offrait l'occasion d'une meilleure médicalisation des établissements. Mais il semble que le processus soit grippé, puisque l'on ne signe plus de conventions tripartites.
La création des ARS est positive : elle a permis de regrouper les services. Mais nous constatons que les agences appellent aujourd'hui au secours sur le médico-social. La CNSA n'a pas débloqué les dotations 2010. Elle ne le fait qu'au compte-gouttes : 30 millions en septembre, 60 millions il y a quelques jours. Quant à l'enveloppe dite UHR-Pasa, qui doit bénéficier à des unités d'hébergement renforcées - qui accueillent des patients souffrant d'un Alzheimer perturbateur pour leurs voisins - et à des pôles d'activité de soins adaptés - soit des unités de jour visant à stimuler les patients atteints d'un Alzheimer -, elle est certes importante, mais il y a eu si peu de labellisations en 2010 que la plupart des crédits n'ont pas été dépensés. La CNSA a froidement annoncé dès septembre qu'il y aurait 100 millions de crédits non consommés en 2010. Et cela alors que les établissements ont cruellement besoin d'une meilleure médicalisation ! Franchement, la coupe est pleine !
En ce qui concerne les médicaments, les établissements n'ont jamais demandé leur réintégration dans le forfait soins, même si cela peut être à terme un moyen de maîtriser la dépense. En tout état de cause, ils n'accepteront jamais la réintégration à un niveau d'évaluation aussi faible que celui que retient l'assurance maladie, qui le compte pour 2,75 euros par jour et par patient, quand nous l'évaluons à 5 euros. Si un montant aussi faible devait être retenu, nous manquerions dès le mois d'octobre du moyen de payer les médicaments de nos résidents, avec les risques de sélection sur les traitements les plus coûteux qu'une telle situation pourrait entraîner...
N'est-il pas prévu de prendre en compte une liste de médicaments plus coûteux ?
Oui, mais là encore, nous sommes en désaccord, sur le principe, avec l'assurance maladie. Nous avons des traitements très lourds, à multithérapies : si l'on ne peut intégrer dans la liste que quelques médicaments parmi les plus coûteux, on n'y arrivera pas.
J'ai de fait souligné à plusieurs reprises, et dernièrement encore lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, les risques de sélection des patients qui pouvaient résulter d'une réintégration mal conduite des médicaments dans le forfait soins. Je suis convaincue que les établissements, qui conservent des listes d'attente, seront amenés à écarter les patients requérant des traitements trop onéreux.
On peut aussi se demander si les patients qui suivent des traitements très lourds ne devraient pas être accueillis, plutôt qu'en Ehpad, en établissements de soins de suite...
Le suivi est tout autre.
Je vous remercie d'avoir réuni autour de cette table à la fois les acteurs assurant l'accueil en Ehpad et ceux qui assurent les soins à domicile, car nous formons un ensemble indissociable.
La Fehap a soutenu la création des ARS, dont le fonctionnement nous semble comme un miroir de notre propre constitution. Le décloisonnement des secteurs sanitaire et médico-social est une orientation favorable aux parcours de soins et à une mise en cohérence sans perte de qualité, dans une logique d'efficience. Cela étant, le problème de gouvernance qui est le nôtre ne s'en trouve pas modifié, puisqu'il ne s'agit que d'une réorganisation interne à l'Etat. Pour nous, la bipolarité décisionnelle entre Etat et conseils généraux reste la même. A ceci près cependant que les directeurs d'ARS sont en meilleure position pour négocier avec les conseils généraux.
La loi HPST, si nous étions dans un contexte de financement normal, nous conviendrait. Mais le manque d'argent change la donne. Cette année, les dotations régionales de la CNSA, qui n'est pas responsable de cette situation, se révèlent inférieures aux engagements qui avaient été pris par l'Etat - tant pour le monde du handicap qu'en matière de signature de conventions tripartites. Les ARS se trouvent ainsi en position fort inconfortable, au moment même où elles ont besoin de se faire accepter par le secteur médico-social. La conférence des gestionnaires du handicap estime à mille le nombre de places bloquées en raison d'un manque de crédits de 20 millions d'euros. Le déblocage de crédits au coup par coup, par décret, ne constitue qu'un palliatif.
Cette situation produit un décalage étonnant, qui inverse en quelque sorte la logique de fongibilité asymétrique : le dépassement de l'Ondam dans le secteur de la tarification à l'activité contraint à un effort global de maîtrise qui pèse sur l'ensemble des secteurs financés par l'assurance maladie et particulièrement sur le médico-social. Derrière la protection symbolique qui lui est accordée, ce gel des crédits à plus large échelle se traduit, pour le médico-social, par de réelles difficultés.
L'aggravation des dépassements de l'Ondam hospitalier est à l'origine des ponctions opérées sur les crédits non consommés de l'Ondam médico-social.
Notre fédération n'a pas souhaité l'instauration de tarifs plafonds, mais elle est légaliste, et puisque la loi a été votée, elle n'adoptera pas de position hostile. Nous estimons, en revanche, qu'il importe d'adapter le dispositif. Les outils d'évaluation que sont la grille Aggir et la « coupe Pathos » ne livrent pas une vérité intangible. On ne saurait les faire parler sans prendre en compte une marge d'incertitude de 10 %. Les tarifs plafond doivent donc être établis avec mesure. Car leur paradigme recouvre des réalités de gestion très diverses, les charges fiscales et sociales étant très différentes selon les opérateurs. Notre fédération est au reste satisfaite que le Parlement ait adopté un principe de clarification de ces charges, tant en matière de soins que d'hébergement. Voyez l'exemple des départements d'outre-mer (Dom), avec les 20 % supplémentaires de points statutaires à la Réunion, ou l'indemnité de vie chère aux Antilles : voilà qui influe considérablement sur le coût de la main d'oeuvre. Pénaliser ainsi les résidents de ces territoires témoigne d'une fâcheuse méconnaissance du terrain.
J'en viens à la question du médicament. Sur un coût de journée de 100 euros, dont 60 euros pour l'hébergement, l'assurance maladie ne finance que 25 euros, via le forfait de soins - je mets de côté les 15 euros de l'Apa, financés par les départements. Le médicament représente pour nous 5 euros par jour. Songez que, pour les gestionnaires, une juste évaluation constitue un enjeu majeur : notre budget est calibré au millimètre ; il est sans rapport avec celui dont dispose les établissements de soins de suite. La réintégration des médicaments dans le forfait soins devrait donc être pour nous, plutôt qu'une mesure systématique, une option de gestion. De même pour les honoraires des praticiens médicaux : si l'assurance maladie veut encourager leur intégration, elle doit retenir un instrument tarifaire favorable. L'obligation légale nous fait peur parce que les gestionnaires que nous sommes savent bien que, dès lors qu'une mesure est rendue obligatoire par la loi, l'Etat et l'assurance maladie n'en tiennent plus compte dans la réalité des charges. Rien n'interdit de remplacer une mauvaise option par une bonne et nous nous félicitons que Mme Bachelot nous ait annoncé, il y a deux jours, qu'elle renonçait à imposer un tarif global automatique, qui pourrait avoir des effets pervers sur les patients à pathologies lourdes. C'est une mesure de sagesse.
On ne saurait imputer aux conseils généraux, qui ont à faire face à une diminution des droits de mutation et aux incertitudes attachées à l'évolution de la contribution économique territoriale, la responsabilité des disparités de tarification selon les territoires. C'est là bien plutôt un problème qui engage la République dans son entier : nos droits sociaux doivent-ils être conditionnés à notre lieu de résidence ? Il y a là une vraie question pour la péréquation.
Le problème touche les établissements aussi bien que les services de soins à domicile. Certains conseils généraux demandent aux maisons de retraite de ne pas augmenter leurs tarifs d'une année sur l'autre, alors que leurs charges croissent...
Quant au manque de transparence des tarifs, la Fehap avait proposé un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 sur la comparabilité des tarifs d'hébergement ; il a été adopté, mais le décret d'application de cette disposition ne respecte pas l'intention du législateur.
J'en viens à la campagne budgétaire. Notre secteur souffre d'une image assez désenchantée, et nous sommes à l'affût de bonnes nouvelles pour attirer des jeunes. Mais la succession des annonces est trompeuse : les crédits annoncés pour le plan Alzheimer, par exemple, ne constituent pas des moyens supplémentaires, mais une simple réallocation des fonds du plan Solidarité grand-âge.
Le plan Alzheimer reposait sur de très bonnes idées, comme les unités d'hébergement renforcé pour les malades les plus difficiles, et sur de moins bonnes : on a ainsi créé de nouveaux métiers, comme les assistants de soins en gérontologie, sans se préoccuper de leur formation ni de l'articulation de leur rôle avec celui des aides soignants et du personnel médico-psychologique. De même, ont été créés des pôles d'activité et de soins adaptés, qui ne se développent pas car toutes les organisations professionnelles ne s'entendent pas sur le contenu du cahier des charges de ces structures... La nouvelle précipitation dans laquelle les réformes sont menées empêche l'adhésion des professionnels et des corps intermédiaires que nous sommes.
Je serai plus court et plus direct que mes collègues. Notre réseau vient en aide chaque jour à 650 000 personnes âgées à domicile. En son sein grondent l'exaspération et la révolte. Le Gouvernement a imposé au Sénat l'article 90 du projet de loi de finances, au moyen du vote bloqué.
Nous avons déposé un nouvel amendement dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 2010, mais il devrait connaître le même sort.
Je n'ai guère d'espoir... Les explications du Gouvernement sont trompeuses. Cette mesure frappera les publics fragiles, et notamment les familles. Le Gouvernement veut-il adopter une politique anti-familiale ? Nous travaillons auprès de 40 000 familles en difficulté sociale, par le biais des aides sociales à l'enfance, de l'assistance à la parentalité, des mesures judiciaires d'aide aux familles... Si cette mesure entre en vigueur, tout cela risque de disparaître en six mois. Le coût de nos interventions auprès des personnes âgées et handicapées augmentera de 2 % à 5 %. Croyez-vous que le secteur privé lucratif ou les particuliers employeurs prendront le relais ?
Nous espérons que Mme Bachelot, qui connaît bien ce domaine, sortira de l'inertie des gouvernements précédents. Ni le rapport de 2005 de la Cour des comptes, ni celui de l'inspection générale des affaires sociales (Igas) sur la gestion de l'Apa, ni la table ronde organisée par le Gouvernement le 22 décembre 2009 sur le financement de la dépendance, ni le rapport de la mission « Vivre chez soi » n'ont été suivis d'effets. Par ailleurs, le Gouvernement refuse de publier le rapport commun des inspections générales des affaires sociales, des finances et de l'administration sur la situation économique du secteur de la prise en charge de la dépendance : sans doute ses conclusions gênent-elles...
On met en cause notre gestion opaque...
C'est ce que dit la Cour des comptes, qui dénonce un manque de transparence des tarifs et une hétérogénéité de l'offre de soins entre établissements.
Je rappelle que je ne représente que les associations de services à domicile. Nos principaux financeurs sont les conseils généraux, aux côtés des caisses d'allocations familiales et des régimes de retraites.
Nous attendons des décisions. Le plan Solidarité grand âge concernait à peine notre secteur ; quelques-unes de nos équipes participent au plan Alzheimer, mais comment généraliser le dispositif ? J'ajoute qu'il est aberrant d'élaborer des plans par pathologie, au lieu de prendre en compte la perte d'autonomie dans sa globalité, souvent caractérisée par de multiples pathologies.
Notre société doit affronter les problèmes posés par le vieillissement. Cela prendra du temps. En attendant, nous demandons la mise en place d'un fonds d'intervention d'urgence, doté de 50 à 100 millions d'euros. Il suffirait de ne pas reverser les excédents de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) à l'assurance maladie ! Les difficultés financières sont telles que certaines structures sont placées en liquidation judiciaire. Il faut les aider à tenir un ou deux ans, avant la grande réforme de 2013. Si rien n'est fait, les victimes seront les personnes âgées et les salariés du secteur.
La fédération hospitalière de France représente non seulement des établissements de santé, mais aussi des établissements médico-sociaux. Nous assurons la moitié de l'offre gérontologique, en maison de retraite autonome ou rattachée à un hôpital.
La FHF, légitimiste, a toujours appliqué les réformes votées. Mais nous sommes farouchement hostiles à la convergence tarifaire dans le secteur médico-social. On prétend pouvoir économiser sur les forfaits-soins, mais ceux-ci financent pour 95 % l'emploi de salariés, c'est-à-dire d'assistantes sociales et d'infirmiers. Certains établissements sont-ils trop médicalisés ? Les écarts s'expliquent par des raisons historiques. Dans l'ensemble, les établissements manquent de personnel soignant : 38 % des Ehpad sont concernés par la convergence, mais 3,9 % seulement affichent un ratio d'encadrement de personnel soignant supérieur à 0,6 personnel soignant par résident, conformément aux recommandations du PSGA.
Une partition a été opérée en 2007 entre les lits relevant du secteur médico-social et ceux du secteur sanitaire, mais la convergence concerne aussi bien les Ehpad que les unités de soins de longue durée (USLD) ! Pas moins de 70 % des unités, publiques à 95 %, sont touchées par la convergence ; là encore, le personnel soignant est le premier menacé.
On dispose d'outils d'évaluation, comme le Gir moyen pondéré soins (GMPS) ou l'outil Pathos. Mais les coupes Pathos, destinées à évaluer les soins nécessaires des personnes âgées dépendantes, sont systématiquement revues à la baisse par les médecins-conseils de l'assurance maladie, avec les conséquences que l'on imagine pour la tarification des Ehpad ! Le tarif plafond est fixé chaque année sans concertation, et sans que l'on sache ce qu'il couvre.
En outre, la convergence n'est pas liée à la qualité des soins : certains établissements, médiocres, verront leurs moyens augmenter, d'autres, plus vertueux, seront ponctionnés.
Il est incompréhensible que les excédents de la CNSA, incapable de dépenser ses crédits, ne soient pas employés au bénéfice des personnes dépendantes : 100 millions d'euros cette année, 150 millions d'euros l'année dernière, ont été restitués à l'assurance maladie, alors que l'on espère gagner 13 millions d'euros par la convergence ! Celle-ci ne servira pas à mieux médicaliser les établissements, mais tout juste à financer ce qui existe.
En ce qui concerne la gouvernance, la création des ARS ne remet pas en cause le rôle primordial des conseils généraux. Cette réforme était souhaitable : qu'une même autorité soit responsable des crédits sanitaires et médico-sociaux ne peut qu'encourager les coopérations et restructurations.
S'agissant de la réintroduction des médicaments dans les forfaits-soins des Ehpad, nous préférons que l'on laisse à chaque établissement la liberté de s'organiser à sa guise. Le Gouvernement peut rehausser le tarif global s'il souhaite que les établissements se chargent des médicaments, mais le maintien d'un tarif partiel est indispensable, afin d'éviter toute discrimination à l'entrée entre les patients.
J'attire votre attention sur un point : il est vrai que les établissements publics sont soumis à des charges sociales et fiscales plus faibles que les établissements privés, mais ils assument l'ensemble des charges en cas d'absence pour maladie. Cela fait des années que nous demandons à la CNSA une analyse comparative des coûts entre établissements !
L'Uniopss regroupe 23 unions régionales et 140 adhérents nationaux, et représente à la fois des organismes privés à but non lucratif qui gèrent des établissements d'hébergement et des associations d'aide et de soins infirmiers à domicile.
Sur la situation de l'aide à domicile, je partage entièrement l'avis de MM. d'Aboville et Verny. Les engagements pris lors de la table ronde du 22 décembre 2009 organisée par le Gouvernement n'ont pas été respectés. L'article 90 adopté dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2011 aura des conséquences catastrophiques : dans la nébuleuse des services à la personne, on n'a fait aucun cas des spécificités des publics fragiles.
La création des ARS doit permettre de décloisonner la gestion des secteurs sanitaire et médico-social. Mais nous avons toujours face à nous deux interlocuteurs, l'Etat et les départements, ce qui pose des problèmes de planification. Les ARS vont bientôt publier les schémas régionaux de l'organisation médico-sociale (Sroms), mais on n'a pas remis en cause le dogme de la deuxième phase de la décentralisation : confier aux conseils généraux le pilotage des politiques publiques en direction des personnes âgées, par le biais de schémas départementaux !
Le contexte budgétaire est sombre. La réforme de la tarification est néfaste : moins légitimistes que la FHF, nous avons d'emblée voulu infléchir cette politique, qui touche les établissements sociaux aussi bien que les médico-sociaux. On inverse le processus d'élaboration des budgets des établissements, en passant d'une logique ascendante - les établissements faisaient part de leurs besoins à l'autorité chargée de la tarification - à une logique descendante - des tarifs plafonds, véritables carcans, sont désormais imposés. L'avis du comité national d'organisation sanitaire et sociale (Cnoss) sur les projets de décrets est sans appel. Il était prévu de modifier les clés de répartition entre les trois composantes de la tarification en établissement - le tarif « soins », le tarif « dépendance » et le tarif « établissement » - pour augmenter la part des dépenses de personnel aide-soignant prises en charge par l'assurance maladie, afin de diminuer le reste à charge incombant aux résidents, mais cette mesure n'est plus à l'ordre du jour et on se contente d'une possibilité d'expérimentation de prise en charge au-delà de 70 % pour les seuls postes nouveaux, sous réserve du respect des tarifs plafonds ! La forfaitisation des dépenses de soins et de dépendance fait même craindre une hausse des tarifs d'hébergement : le décret l'interdit, mais que faire si les coûts ne sont pas couverts ? Faudra-t-il licencier du personnel ?
Nous sommes farouchement opposés à la réintégration des médicaments dans le forfait soins des établissements : ceux-ci doivent être libres de choisir entre le tarif global et le tarif partiel, car ils ne sont pas responsables des prescriptions des médecins libéraux. Les conventions entre les établissements et les médecins traitants devraient être rendues obligatoires.
Le plan Solidarité grand âge affichait des objectifs généreux, comme l'augmentation du taux d'encadrement dans les établissements accueillant des personnes très dépendantes, qui reste cependant subordonnée à la mise en place de la tarification au GMPS. Le dispositif Pathos, destiné à l'origine à évaluer les besoins en soins des personnes âgées, est en effet devenu un outil de tarification, et les coupes Pathos sont revues systématiquement à la baisse. Le slogan du « libre choix du lieu de vie » était volontariste : on prévoyait d'augmenter de 40 % le volume des soins infirmiers à domicile. Mais si les promesses de créations de places au sein des Ehpad ont été tenues, ce n'est pas le cas pour les soins à domicile. Je ne suis pas sûr que le projet de loi de financement pour 2011 permette la création des cinq mille places prévues...
Le financement du plan Alzheimer n'est qu'un effet d'optique, puisqu'on n'a fait que réallouer les fonds du PSGA.
La création des maisons pour l'autonomie et l'intégration des malades Alzheimer (Maia) répond sans doute à une bonne intention, même si l'on peut s'interroger sur la superposition des structures spécialisées par pathologie. Mais après une période expérimentale portant sur quatorze maisons, on prévoit de n'en créer que trente-cinq pour toute la France... On annonçait l'ouverture de postes de « gestionnaires de cas » ; cela me rappelle le programme Déclic ou les postes de coordonateurs des années 1980 : après avoir fait preuve de volontarisme pendant un ou deux ans, l'Etat se désengage !
Pour justifier les disparités de taux de médicalisation entre établissements, Mme Jamot a invoqué des raisons historiques. Il n'est reste pas moins qu'une homogénéisation est nécessaire.
L'article 90 du projet de loi de finances pour 2011 me pose problème. Lors des auditions préparatoires à l'examen du projet de loi de financement, M. Baroin nous a assuré que cet article visait les coachs particuliers de gymnastique ou les clowns pour enfants, mais que les publics fragiles - personnes âgées ou handicapées, parents d'enfants handicapés...- ne seraient pas pénalisés. Si j'en crois vos arguments, nous avons été trompés. J'aimerais en savoir davantage.
Vous êtes nombreux à avoir dénoncé la précipitation du Gouvernement, l'accumulation des effets d'annonce non suivis effets. La mission commune d'information, de son côté, travaille depuis deux ans dans la sérénité, et je ne doute pas que M. le rapporteur nous fasse bientôt des propositions. Quoi qu'il en soit, comptez sur la vigilance du groupe CRC-SPG !
Je voudrais revenir sur l'inclusion des médicaments dans le forfait soins des établissements. Pour diminuer le coût exorbitant de la dialyse, on cherche à développer la dialyse péritonéale à domicile. Or le domicile d'une personne âgée, ce peut être un Ehpad. Mais la dialyse péritonéale n'y est pas prise en charge ! On incite donc les personnes âgées à se rendre dans des centres où la dialyse revient plus cher. Il faut mettre un terme à cette absurdité !
A vous en croire, l'article 90 du PLF pèsera sur les familles fragiles. Le Gouvernement nous assure du contraire : il argue du fait que la loi Fillon permet de réduire les charges sociales sur les salaires jusqu'à 1,3 ou 1,6 fois le Smic. Ce point demande à être éclairci. L'enjeu est crucial pour les départements, car, en dernier recours, c'est aux conseils généraux que l'on demandera de payer ! Or ils n'en ont plus les moyens. Il est insupportable que les excédents du CNSA soient reversés à l'assurance maladie.
Ce débat montre que l'impact sur les établissements des mesures prises depuis le PLFSS pour 2009 et la loi HPST demande à être évalué. Le rapport que nous publierons en janvier confrontera les points de vue des différents acteurs.
La réforme de la dépendance interviendra au plus tôt dans le cadre du projet de loi de financement pour 2012, et plus vraisemblablement après l'élection présidentielle. Contrairement à ce qu'il a d'abord semblé, le jeu reste ouvert : ira-t-on vers une cinquième branche, un cinquième risque, une assurance obligatoire sans incitation fiscale ? Tout le travail que nous avons accompli est remis en cause. Il nous faudra nous revoir une fois que vous aurez dialogué avec la ministre chargée des solidarités.
Mme Desmarescaux et M. Doligé ont bien identifié le problème : de quelque côté que nous nous tournions, nous entendons un son de cloche différent.
Vous êtes injuste : le Sénat a réglé en partie la question du différentiel de charges.
Il faut éclaircir les points litigieux avec le ministère : nous pensions avoir réglé la question des 100 millions d'euros d'excédent de la CNSA.
Nous avions pensé améliorer la solvabilité des personnes âgées isolées ou atteintes de maladies neurodégénératives en revalorisant le plafond d'aide et en renforçant les plans d'aide, ce qui aurait requis de solliciter les patrimoines élevés et d'augmenter la part de financement de l'Etat, pour la rendre égale à celle des départements.
Pour diminuer le reste à charge en établissement, nous pensions transférer les dépenses d'animation-service social et une partie des charges d'agents de services du tarif d'hébergement vers le tarif dépendance, et, en guise de compensation, d'alléger la charge reposant sur les établissements en reportant les emplois d'aides-soignants sur le tarif de soins, financé par l'assurance maladie. Nous avions aussi évoqué une échelle dégressive de versement de l'Apa dans les établissements afin de soulager les revenus moyens, et des référentiels de coûts d'hébergement opposables.
J'ai été sensible à votre argumentation : les réformes récentes donnent le sentiment de s'acheminer vers une maîtrise comptable de la dépense, qui ne prend pas suffisamment en compte l'efficience et la qualité. Les outils d'évaluation comme l'outil Pathos sont utilisés à des fins purement comptables.
Quant au conventionnement entre médecins de ville et établissements, c'est une suggestion intéressante.
Pouvez-vous nous faire part de votre sentiment sur les différentes pistes proposées par notre mission ainsi que de vos propres réflexions sur la réforme de la prise en charge de la dépendance ?
La réforme du cinquième risque est de votre compétence. Si l'on veut diminuer le reste à charge des patients, il faut solliciter soit l'assurance maladie, soit les conseils généraux par le biais de l'Apa ou de l'aide sociale, soit les résidents. Je ne vois pas d'autre solution. C'est pourquoi je ne crois pas que cette réforme puisse être achevée avant 2013 : la question de son financement est trop complexe à résoudre. Faut-il créer une nouvelle journée de solidarité ? Supprimer des dépenses inutiles ?
On ne pourra pas diminuer le reste à charge si le Gouvernement persiste à imposer de nouvelles normes de sécurité, d'hygiène et de qualité aux établissements. Leur rénovation était nécessaire, c'est à présent chose faite. Mais on nous oblige encore, par exemple, à équiper nos six mille établissements d'un groupe électrogène...
Autre exemple : les établissements doivent ouvrir à la fois des accueils de jour et des pôles d'activités et de soins adaptés ! Ce sont les résidents qui paient la facture.
Je me demande même si l'on n'attendra pas le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 pour publier le décret tarifaire, afin de faire croire à une réforme d'ampleur...
D'ailleurs les mesures incluses dans le projet de loi de financement ne peuvent concerner que la sécurité sociale. Toute mesure relative à l'assurance privée serait un cavalier. La véritable réforme n'aura pas lieu avant 2013.
L'article 90 du projet de loi de finances, d'une part, supprime la réduction de quinze points de cotisations patronales et, de l'autre, abroge le III bis de l'article L. 241-10 du code de la sécurité sociale. On parle de porter l'avantage à dix points : c'est hors sujet ! Le Gouvernement annonce un gain de 450 millions d'euros, mais le surcroît de cotisations sur les prestations destinées aux publics fragiles s'élèvera tout au plus à 150 millions d'euros. Je vous adresserai une note sur la question.
Le Gouvernement joue sur les mots. Certes, les avantages fiscaux consentis aux publics fragiles ne sont pas remis en cause.
Ce sont nos coûts d'intervention qui augmenteront. Les conséquences sur les personnes âgées ou handicapées seront de nature indirecte. Les exonérations dites « Aubry » ne concernaient que le personnel d'intervention alors que les exonérations dites « Borloo » ont été étendues à l'ensemble des salariés. Or le personnel administratif et d'encadrement n'est généralement pas éligible au dispositif Fillon, qui ne porte que sur les bas salaires !
Quant à l'intervention sociale auprès des familles, elle ne bénéficiait traditionnellement d'aucune réduction de charges, sauf sur les bas salaires ; or les techniciens de l'intervention sociale et familiale n'y sont pas éligibles. Le financement est assuré par les conseils généraux, par le biais de l'aide sociale à l'enfance. Dans ce domaine, nos coûts d'intervention augmenteront de 10 % à 15 % !
L'Etat transfère ainsi de nouvelles charges sur les conseils généraux et les caisses de sécurité sociale ainsi que l'a clairement établi le rapport Jamet. Nous serons contraints d'augmenter nos tarifs, de diminuer nos volumes d'intervention et de procéder à des licenciements. Cela, nous l'avons expliqué au mois de juillet au cabinet du Premier ministre. Le Gouvernement répond qu'il est difficile de distinguer les publics fragiles des autres, et que toute exception risque d'être déclarée inconstitutionnelle. Cependant nous avons formulé des propositions. Nul ne défend les coachs à domicile ! Je remarque que le Gouvernement fragilise ainsi les entreprises de services à la personne dotées d'un agrément simple, qu'il a pourtant contribué à créer il y a cinq ans...
Et on va maintenant les mettre au panier... Quoi qu'il en soit, des solutions existent. On peut réécrire le III bis de l'article L. 241-10 du code de la sécurité sociale afin que le coût de l'ensemble des interventions auprès des personnes handicapées et des familles soit pris en compte. Le coût de l'amendement que nous proposions n'était que de 93 millions, en-dessous, donc, du fameux seuil des 100 millions.
Permettez-moi de revenir sur la question de la dialyse. François Autain sait fort bien ce qu'il en est de l'insuffisance rénale chronique terminale... Le problème qu'il a évoqué concerne les Ehpad et les établissements de soins de suite. On l'a signalé à de multiples reprises au Gouvernement. Il faut que les associations de dialyse, qui portent près de 80 % des soins hors centre, beaucoup moins onéreux, puissent intervenir en complément des équipes de soins de suite et des Ehpad. Certaines caisses primaires accordent aujourd'hui des dérogations en ce sens. C'est heureux, mais il faudrait que cela devienne le droit commun.
Je n'ai aucune défiance personnelle, monsieur Doligé, envers le directeur de la CNSA et ses équipes. Cependant, les repères ont été bouleversés, ces deux dernières années, par les rapports successifs de l'inspection générale des finances et de l'inspection des affaires sociales. Ainsi la CNSA, d'instance garantissant la sanctuarisation des crédits destinés au médico-social qu'elle devait être, selon l'objectif du gouvernement Raffarin en 2004, se transforme aujourd'hui en une agence de trésorerie du médico-social. La tentation de l'assurance maladie comme des pouvoirs publics est de la considérer, non comme l'affectataire de fonds destinés au médico-social, mais comme une institution gestionnaire, qui n'alloue de crédits que si elle y est autorisée, dans un esprit très différent de celui qui avait présidé à la réforme de 2004.
En ce qui concerne le différentiel de charges, nous sommes pleinement d'accord avec la FHF sur le fait que toute mesure doit s'appuyer sur une analyse précise et objective - ce qui explique que Jean Leonetti, président de la FHF, ait souscrit à l'amendement de compromis voté dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Nous ne pensons pas que le secteur public sera systématiquement pénalisé par cette analyse comparative, mais nous constatons qu'il existe une très grande hétérogénéité des situations. Voyez les établissements et les services gérés par les centres communaux d'action sociale : ils sont exonérés de la taxe sur les salaires et de la TVA. Ils ont pourtant accès au fonds de compensation de la TVA pour leurs dépenses d'investissement. L'application d'un même tarif plafond sera inéquitable pour les deux secteurs, public et privé. D'où l'utilité du rapport au Parlement qui doit permettre de fonder la décision publique sur des bases incontestables.
Pour répondre à la question de Guy Fischer sur l'équilibre du système, je relève que le rôle de la loi de financement pour 2012 sera d'assurer la péréquation de l'Apa, en amenant également l'Etat à assurer un cofinancement plus proche de 50 % que des 28 % actuellement constatés. Il n'est pas d'autre voie. Vous nous avez néanmoins interrogés sur le recours sur succession. Il suscite de fortes réserves chez les professionnels. Les personnes âgées sont souvent très prévoyantes. Si le recours est autorisé, elles seront tentées de ne pas demander le bénéfice des prestations dont elles ont pourtant besoin. Il serait regrettable de les conduire ainsi, dans le souci de ne pas pénaliser leurs descendants, à organiser leur propre maltraitance... Cela étant, une telle procédure peut être pertinente s'agissant du gîte et du couvert.
La question du reste à charge en établissement ne constitue pas un problème relevant de la loi de financement ni de l'assurance maladie, ni de l'Apa, mais plutôt des tarifs d'hébergement. L'assurance ne saurait se substituer à la solidarité - d'autant que cela poserait un problème constitutionnel. Je rappelle que le reste à charge en établissement a été évalué par l'inspection générale des affaires sociales à 70 000 euros pour un séjour de quatre ans. Afin de mutualiser ce risque, il n'est pas interdit de mobiliser les leviers assurantiels. Et pourquoi ne pas mobiliser, s'agissant du gîte et du couvert, l'obligation alimentaire ? Quant au recours sur succession, pourquoi serait-il réservé aux seules personnes dans le besoin ? La loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (Tepa) prévoit 2 milliards d'euros destinée à une baisse de la fiscalité sur les successions. Il me semble très bizarre de songer à un recours sur succession concernant uniquement les personnes dans le besoin, sans réfléchir à l'équité globale de l'imposition du patrimoine.
La question du recours sur succession doit être liée à la réforme de la fiscalité du patrimoine.
S'agissant de l'allocation dégressive, il serait utile que votre rapport comporte des éléments d'analyse indispensables mais que, hélas !, le ministère qui les possède, n'a jamais divulgués. Je veux parler du montant de l'aide personnalisée au logement (APL) et des montants combinés, dans l'allocation unique dégressive, de l'Apa, de l'APL et de la défiscalisation des dépenses d'hébergement.
Nous manions ici des concepts symboliquement très lourds de sens. Pourquoi faire une différence selon l'âge et les pathologies, entre l'enfant handicapé, l'adulte handicapé, la personne âgée ? Selon nous, les barrières d'âge ne sont pas justifiées. Il faut, en revanche, tenir compte des capacités contributives, qui ne sont pas les mêmes selon que l'on est handicapé depuis toujours et incapable de travailler ou que l'on a versé des cotisations et que l'on dispose d'un revenu de remplacement. Faut-il des systèmes solidaires ou doit-on prôner l'assurance et le « chacun pour soi » ? Les solutions ne doivent pas être seulement techniques et financières. Elles doivent être aussi socialement acceptables. Or il existe, à cet égard, un espace de faisabilité : les contrats solidaires, les complémentaires de santé. Il n'y a pas de différence entre l'aide à la toilette en établissement, en maison de retraite ou à domicile. Il convient de réfléchir à des solutions fondées sur un continuum de vie. Les Français vont en maison de retraite parce qu'ils pensent qu'ils y seront bien soignés. Il n'existe pas un tel clivage conceptuel entre vie en bonne santé et perte d'autonomie.
Pour répondre à Sylvie Desmarescaux, je précise que certains établissements sont historiquement mieux dotés parce qu'ils sont issus des sections de cure médicale. Il faudra un certain temps afin que les autres n'assurent à leur niveau. N'affirmons surtout pas qu'ils sont trop dotés ! On peut leur appliquer une moindre progression des crédits, mais aucune maison de retraite n'est trop riche en soins, c'est-à-dire, concrètement en aides soignantes !
Non ! Il s'agit de médicalisation.
Il y a une vraie question préalable à toute réforme du financement de la dépendance. Pour réussir ce rendez-vous historique, toujours reporté, il convient de créer un nouveau risque social, relatif à la compensation de la perte d'autonomie. Doit-il constituer une cinquième branche de la sécurité sociale ou un nouveau risque de la protection sociale tel que l'avait esquissé le rapport de la CNSA, de fin 2007, que l'Uniopss et d'autres approuvent ? Rien ne serait plus dommageable que de s'engager tête baissée dans une réforme de replâtrage. Si l'Apa est présentée comme une prestation universelle, la distinction selon l'âge introduite par la prestation spécifique dépendance (PSD) n'a cependant pas été supprimée. Je remarque que l'intitulé de votre mission mentionne le cinquième risque.
Que le calendrier officiel prévoie un temps de réflexion avant les décisions n'est pas une mauvaise chose.
Quant au recours sur succession, il est dissuasif pour les populations concernées. Voyez le bilan de la PSD, qui ne comptait que 150 000 bénéficiaires lorsque l'Apa a pris sa suite. Il limite le nombre des demandes... Pourquoi parler de récupération sur succession seulement pour l'Apa ? Quelle différence avec les autres risques ? Faisons cesser cette discrimination par l'âge !
Le rapport de Valérie Rosso-Debord suggère que l'assurance privée obligatoire pourrait se substituer à l'Apa. Nous le refusons catégoriquement. Ce serait extraire du champ de la protection sociale un risque qui relève totalement de celle-ci. L'assurance peut sans doute jouer un rôle, afin d'assurer le paiement des charges d'hébergement. Cependant, la perte d'autonomie relève de la protection sociale.
Un mot de l'Apa à domicile. Une revalorisation des montants de plan d'aide est demandée, s'agissant des pertes d'autonomie les plus sévères. Je tiens néanmoins à vous mettre en garde contre les effets de seuils... La segmentation du montant de l'Apa en fonction des Gir n'est pas exempte d'effets pervers. J'ajoute que le besoin d'aide n'est pas strictement corrélé au niveau de Gir. Depuis des années, les plans d'aide sont d'un montant moyen inférieur de 25 % au montant maximum fixé par la réglementation. Nous souhaitons que la prestation soit fixée après une évaluation individualisée et multidimensionnelle - incapacité, facteurs médicaux mais aussi situation de l'entourage - et ce, quel que soit l'âge.
Ce que nous craignons le plus, c'est la petite mesure d'ajustement assassine, telle que la suppression du Gir-4. Après le mauvais coup de l'article 90 du projet de loi de finances pour 2011, les associations d'aide à domicile ne s'en relèveraient pas. Prétendre transférer la couverture des personnes en Gir-4 aux associations est une vue de l'esprit.
Le principe qui doit conduire la réforme, en tant que fondement du modèle social français et européen, est le suivant : chacun contribue selon ses moyens et reçoit selon ses besoins. Nous soutiendrons toute réforme qui le respecte. Nous sommes favorables à une harmonisation des taux de la CSG. Quant à l'assurance collective obligatoire, elle existe, c'est la sécurité sociale.
S'agissant de l'éventuelle suppression du Gir-4, rappelons que le passage par le Gir-4 tend à retarder l'entrée en Gir-3 d'au moins un an. Toute suppression conduirait de manière paradoxale, si l'on veut être pris en charge plus rapidement, à se laisser décliner sans rien faire ! C'est une incitation absurde, une politique de santé publique bien étrange... Ce sas est utile, je rappelle que le Gir-4 comprend les personnes souffrant de la maladie d'Alzheimer. Gardons-nous d'une vision simpliste. Nous comptons sur la sagesse du Sénat.
Il faut tout garder et tout améliorer... si l'on en a les moyens. Que pensez-vous de la journée de solidarité supplémentaire ?
Elle n'est pas à la hauteur des enjeux. Elle ne permettrait de mobiliser que 2 milliards d'euros.
Supprimer un jour férié conduit à stigmatiser la population que l'on prétend aider !
La fédération hospitalière de France est favorable à une taxation de toutes les successions. Le recours sur successions est une double peine. Si l'on est âgé et que l'on a un cancer, on ne paie rien à l'hôpital. Si l'on est âgé et que l'on souffre d'Alzheimer, on amputera votre patrimoine. Il existe des solutions plus solidaires que la journée de solidarité, je pense à la CSG...
Un effort collectif est nécessaire, mais sous quelle forme ? Le jour férié travaillé ne touche que les salariés. On peut songer aussi bien à un réajustement du bouclier fiscal, en revenant sur les exonérations supplémentaires sur les droits de succession instaurées par la loi Tepa.
Cela ne me choque pas que les salariés qui travaillent trente-neuf heures par semaine et disposent de douze semaines de congés payés participent à cet effort.
Ce qui rapporte de l'argent, ce n'est pas la suppression d'un jour férié, mais l'augmentation de la contribution de solidarité pour l'autonomie, c'est-à-dire le supplément de charges sociales patronales. On le compense en demandant aux salariés de travailler sept heures de plus.
Une augmentation de la CSG a un rendement bien supérieur et une acceptabilité sociale plus élevée. Un jour de congé en moins ne traumatisera pas ceux qui en ont douze semaines, mais la formule n'est pas généralisable. Or il importe de répartir l'effort équitablement. Prélever 20 000 euros sur la succession d'une grande fortune et sur la mienne, ce n'est pas la même chose !
Nous vous remercions. Responsable de cette question pour ma formation politique, je retiens de nos échanges que nous avons un vrai problème d'équité à prendre en compte dans la préparation de cette réforme.