La commission a participé, conjointement avec la commission des affaires européennes, à un échange de vues avec une délégation de la commission des affaires étrangères de la Grande Assemblée de la République de Turquie, conduite par son président, M. Murat Mercan.
s'est félicité de la visite en France, du 18 au 20 mai 2009, à son invitation, d'une délégation de la commission des affaires étrangères de la Grande Assemblée de la République de Turquie. Il a rappelé les liens historiques qui unissent la Turquie et la France depuis 1535. Aujourd'hui, ces deux pays, amis et alliés, partagent la même analyse du monde et des menaces. Dans un contexte plus incertain, la Turquie joue un rôle majeur tant du point de vue militaire que du point de vue diplomatique. Leurs intérêts économiques communs, déjà très importants, pourraient encore se développer.
Pourtant, la question des négociations d'adhésion de la Turquie à l'Union européenne est un facteur de division. M. Josselin de Rohan, président, a indiqué que, dans le contexte électoral européen, il convenait de rechercher un apaisement du débat et de replacer cette question dans le temps et dans la perspective démocratique qui sera, le moment venu, la décision des peuples des Etats membres de l'Union européenne.
s'est félicité de la qualité des échanges qui avaient eu lieu avec sa délégation. Il a souligné l'intérêt des analyses du Livre blanc et de la stratégie retenue par la France qui souligne l'intérêt d'une coopération stratégique et régionale avec la Turquie, notamment en matière de sécurité énergétique où les intérêts sont communs. Du fait de la mondialisation, la conjoncture a considérablement été modifiée et, désormais, chaque pays doit contribuer à son niveau au développement de la sécurité mondiale. La volonté de la politique étrangère turque est de n'avoir aucun conflit avec ses voisins et, au contraire, de contribuer à la stabilité régionale en intervenant pour améliorer les relations, par exemple entre la Syrie et Israël, en Géorgie dans le Caucase, et en recherchant une nouvelle approche avec l'Arménie. Dans tout le grand Moyen-Orient, la politique de la Turquie peut jouer un rôle très efficace. La sécurité européenne suppose au préalable d'apaiser les tensions dans les régions où les principales menaces sont identifiées.
S'agissant de la relation entre la France et la Turquie, il faut considérer qu'il convient de développer des opportunités encore peu exploitées. Au niveau de la sécurité internationale, il existe une coopération étroite entre les deux pays en Afghanistan, au Liban, au Kosovo et au Tchad. Ce même degré de coopération n'existe malheureusement pas au niveau économique où, au cours des cinq dernières années, le volume des échanges entre la France et la Turquie s'est élevé à environ 10 milliards d'euros alors que, avec d'autres pays européens, le volume des échanges a été multiplié par deux.
La question des négociations d'adhésion est naturellement la pierre d'achoppement entre les deux pays. Les parlementaires doivent contribuer à faire évoluer les opinions publiques. Les critiques au plus haut sommet de l'Etat ne contribuent pas au développement d'une coopération stratégique entre les deux pays. M. Murat Mercan a considéré qu'il faudrait laisser les négociations suivre leur cours et faire en sorte qu'aucune déclaration ne vienne contrecarrer les relations bilatérales. À l'issue de ce processus, ce seront les peuples ou les parlements qui décideront de l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne. Il est donc prématuré de traiter cette question aujourd'hui.
En conclusion, M. Murat Mercan a souligné le rôle très positif de l'action du Sénat en 2008, en particulier dans la discussion du projet de loi de révision constitutionnelle.
s'est félicité de la franchise des échanges entre parlementaires qui permet de progresser et de lever les incompréhensions. Il a rappelé que la France ne s'est pas opposée à la poursuite du processus de négociation et que deux nouveaux chapitres ont été ouverts sous la présidence française de l'Union européenne. Certes, il existe un certain nombre de chapitres sur lesquels des réserves ont été faites, mais beaucoup d'autres restent ouverts sur lesquels la négociation peut progresser utilement. Une partie des blocages peuvent également trouver leur origine dans la question de Chypre sans la solution de laquelle il risque d'y avoir une incompréhension des opinions. Les efforts du Président de la République, M. Abdullah Gül, et du gouvernement turc pour normaliser les relations avec l'Arménie sont un point très positif.
S'agissant de l'OTAN, le blocage est largement lié à la position chypriote. Pour la France, le point central est celui de la question des relations institutionnelles entre l'Union européenne et sa politique de défense, et l'OTAN. Pour l'instant, la Turquie s'est opposée à la création d'un comité informel entre les deux institutions. Il est parfaitement légitime que la Turquie souhaite participer à l'agence européenne de défense (AED).
s'est félicité de la qualité des échanges et des sentiments d'amitié qui existent entre les parlementaires et les deux pays. Il a souligné l'importance des réformes entreprises par la Turquie et a rappelé que le débat en Europe portait fondamentalement sur la question de la poursuite de l'élargissement ou de l'approfondissement.
a interrogé M. Murat Mercan sur l'évolution de l'opinion publique en Turquie.
a convenu que, pour la Turquie, l'élément clé pour l'évolution des relations entre l'Union européenne et l'OTAN était la question chypriote. Il a souhaité qu'il y ait un véritable échange sur ces questions et a rappelé que, à la suite du référendum qui avait eu lieu à Chypre, la partie turque avait accepté les propositions du plan Annan de l'ONU alors que les Chypriotes grecs les avaient rejetées. La Turquie comprend les difficultés de l'Europe qui ne peut se désolidariser des positions de l'un de ses Etats membres même si, de son point de vue, l'adhésion de Chypre était sans doute prématurée. Il est très clair que tant qu'il n'y aura pas une solution définitive à la question de Chypre, la Turquie n'appliquera pas le protocole d'Ankara et sera réticente à une amélioration des relations entre l'OTAN et l'Union européenne. Pour résoudre cette question, il est souhaitable que l'Union européenne, et en particulier la France, use de son influence sur la partie chypriote pour qu'elle adopte une attitude plus constructive.
La participation de la Turquie à l'Union européenne est dans l'intérêt des deux parties, en particulier pour assurer la sécurité énergétique de l'Europe qui est un problème central.
La visite du Président Obama en Turquie a mis en évidence l'importance de ce pays pour la résolution des crises actuelles.
S'agissant des opinions publiques, il a une nouvelle fois souligné que les déclarations avaient un effet très négatif en Turquie au point d'occulter la réalité, comme par exemple l'action de la France pendant sa présidence de l'Union européenne. Cette perception négative a des effets économiques évidents. Si l'on constate une baisse dans les sondages de la part de la population turque qui souhaite l'adhésion à l'Union européenne (aujourd'hui comprise entre 50 et 55 %), cela est dû uniquement aux conséquences des déclarations négatives d'un certain nombre de dirigeants européens. La sagesse consiste à laisser se poursuivre les négociations d'adhésion et d'éviter toute déclaration.
a souligné que la cause des difficultés entre la France et la Turquie était due à deux questions : celle de l'adhésion et celle de l'Arménie. Il a rappelé les décisions juridiques prises à l'unanimité par l'Union européenne lors du Conseil d'Helsinki en 1999 pour reconnaître à la Turquie le statut de candidat et permettre l'ouverture de négociations. Jusqu'à la récente élection présidentielle française, la France avait été en faveur de l'adhésion de la Turquie. La nouvelle position de refus catégorique de l'adhésion défendue par le Président Sarkozy est contraire au droit. M. Sükrü Elekdag a rejeté les propositions de partenariat privilégié, qui ne visent, selon lui, qu'à pousser la Turquie à renoncer à l'adhésion.
Sur la question des événements qui se sont produits en Turquie en 1915, il a fermement condamné les lois mémorielles et s'est félicité de l'attitude du Sénat sur cette question et du récent rapport du président de l'Assemblée nationale, M. Bernard Accoyer, concluant au fait que ce n'est pas au Parlement d'écrire l'histoire.
a partagé l'analyse de M. Sükrü Elekdag concernant les lois mémorielles. Il s'est félicité de la proposition des autorités turques d'établir une commission commune d'historiens turco-arméniens pour statuer sur les événements de 1915 qui, quelle que soit leur dénomination, ont profondément frappé l'Europe. Les signes actuels montrent une volonté très positive de surmonter le passé et de se tourner vers l'avenir.
a interrogé la délégation turque sur la question des relations avec l'Europe au sein de l'OTAN et sur la situation géopolitique régionale, notamment les relations entre la Turquie et l'Iran et entre la Turquie et Israël. Enfin, il a demandé des précisions sur la position de la Turquie quant à sa participation au programme A400M.
a souligné que la décision de la Turquie d'adhérer à l'Union européenne était une politique d'Etat. Pourtant, il est évident que les atermoiements risquent de lasser l'opinion publique et donnent des arguments à ceux qui y sont opposés. S'agissant du Moyen-Orient, la question du conflit arabo-israélien est évidemment centrale. La position du gouvernement turc est extrêmement claire puisqu'il milite pour la coexistence de deux Etats et la reconnaissance d'Israël par l'ensemble des pays de la ligue arabe. Il a souligné que la Turquie était le seul pays à pouvoir parler avec tous les protagonistes de la région.
S'agissant de l'Iran et de la question nucléaire, M. Murat Mercan a affirmé que si l'Iran se dotait de l'arme nucléaire, il était très vraisemblable que la Turquie prendrait la même voie. La meilleure solution serait la dénucléarisation de l'ensemble de la région. Il a rappelé la complexité et les dangers de la situation en soulignant que l'Iran est un pays très structuré qui a des institutions, une culture millénaire, une volonté et une certaine harmonie intérieure. Une intervention militaire contre l'Iran ne serait certainement pas la bonne solution et déstabiliserait profondément une région qui recèle 60 % de la production énergétique mondiale. Autant il aurait été possible de limiter le problème irakien, autant une guerre en Iran aurait des implications immédiates sur le Liban, la Palestine, l'Égypte et la péninsule arabique qui seraient profondément déstabilisées. Il convient donc à tout prix d'essayer d'intégrer l'Iran dans la communauté internationale.
S'agissant de l'A400M, il a indiqué que la Turquie, partenaire de ce programme, n'entendait en aucune façon remettre en cause sa participation.
est intervenu pour rappeler la position de son parti qui avait approuvé en 1989 l'accord d'Helsinki. Il n'est donc pas opposé au processus d'adhésion et à sa poursuite bien qu'il constate que le niveau des négociations a baissé. Le MHP souhaite une négociation pleine et sérieuse où les promesses seront tenues.
a rappelé que le point principal de blocage en Europe était que la Turquie a une population de religion musulmane. Elle a affirmé sa conviction que, au contraire, ceci était un atout et un moyen supplémentaire pour faciliter les rapports avec les autres pays musulmans. Elle s'est interrogée sur la position actuelle de la Turquie sur l'Union pour la Méditerranée et a souhaité connaître la position de la délégation turque sur la reconnaissance des droits culturels des kurdes.
a souligné le rôle de la Méditerranée dans la paix, la stabilité et la prospérité au travers du dialogue et de la coopération entre les Etats riverains. Dans ce contexte, la Turquie appuie le projet d'Union pour la Méditerranée, mais il a souhaité qu'il soit structuré autour de projets opérationnels.
Il a ensuite rappelé que, du fait de son histoire, la Turquie est une mosaïque qui rassemble une grande richesse ethnique composée de 72 peuples différents qui, au cours du temps, se sont brassés et ont constitué la Turquie d'aujourd'hui. Il a rappelé que depuis dix siècles, en Anatolie, il n'y a eu que très peu de conflits ethniques. Cet arrière-plan historique est très important pour comprendre la question des droits culturels. Il a rappelé que le gouvernement dirigé par l'AKP avait préparé neuf projets de réformes législatives qui ont été adoptées par le Parlement et qui ont permis de lever la plupart des obstacles, même si des améliorations doivent encore être recherchées au niveau de la liberté d'expression. Il a rappelé que, comme la France dont elle avait adopté le système, la Turquie était un État unitaire au sein duquel les libertés sont accordées à l'ensemble de la population. C'est cette structure unitaire qui fait que, en Turquie comme en France, on n'accorde pas de droits spécifiques à une ethnie. Enfin, s'agissant du PKK, M. Murat Mercan s'est félicité du développement de la coopération avec la France pour lutter contre les activités terroristes de cette organisation.
a rappelé l'importance de distinguer les citoyens turcs kurdes du PKK. Les citoyens turcs d'origine kurde bénéficient de tous leurs droits culturels et politiques. Au sein de la Grande Assemblée, 170 députés sur 550 sont d'origine kurde.
Il a souhaité insister sur le lien qui existe entre la Turquie, l'Arménie et l'Azerbaïdjan. Le rapprochement avec l'Arménie repose sur trois éléments : l'ouverture des frontières terrestres, l'établissement d'une commission d'historiens et l'ouverture de relations diplomatiques. Face à ce rapprochement, l'Azerbaïdjan manifeste une grande inquiétude qui se concrétise dans des menaces concernant l'approvisionnement énergétique à travers l'oléoduc provenant de Bakou ou le projet Nabucco. Ces pressions pourraient avoir des conséquences directes sur la sécurité énergétique européenne. Il convient donc que l'Azerbaïdjan ne soit pas mis à l'écart de la communauté internationale et que celle-ci contribue fortement à la résolution du conflit du Karabakh. Selon M. Sükrü Elekdag, c'est la non-résolution de cette question qui bloque le rapprochement turco-arménien.
En conclusion, M. Josselin de Rohan, président, et M. Murat Mercan ont souligné l'intérêt de ces échanges entre parlementaires et ont convenu d'essayer de les rendre plus fréquents.