Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a procédé à l'audition de M. Terje Roed-Larsen, représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies pour la mise en oeuvre de la résolution 1559, sur la situation au Liban et dans la région.
Accueillant M. Terje Roed-Larsen, M. Serge Vinçon, président, a rappelé qu'il avait été l'un des artisans des accords d'Oslo qui, en dépit des espérances déçues, avaient néanmoins permis la reconnaissance mutuelle des Israéliens et des Palestiniens et la mise en place d'institutions palestiniennes. Il a précisé que M. Terje Roed-Larsen avait été, de 1999 à 2004, le coordonnateur spécial des Nations unies chargé du processus de paix et qu'il était actuellement chargé du suivi de l'application de la résolution 1559 du Conseil de sécurité des Nations unies. Adoptée en septembre 2004, cette résolution prévoyait le retour du Liban à une pleine souveraineté, le retrait des forces étrangères et le désarmement des milices.
Il a rappelé que la résolution 1559 avait été complétée par la résolution 1595 qui, faisant suite à l'assassinat de M. Rafic Hariri, alors premier ministre libanais, avait décidé l'ouverture d'une enquête qui avait conduit à la mise en cause de personnalités du régime syrien. Enfin, la résolution 1701, adoptée en août 2006, avait permis de mettre fin au récent conflit entre Israël et le Hezbollah. Cette résolution avait prévu, en particulier, le déploiement d'une FINUL renforcée pour veiller à l'application du cessez-le-feu.
Plus largement, M. Serge Vinçon, président, a estimé que ce dernier conflit avait conduit à une réévaluation des enjeux régionaux, parmi lesquels le désarmement du Hezbollah, la question des fermes de Chebaa, le rôle de la Syrie et de l'Iran ainsi que l'évolution des territoires palestiniens menacés par un chaos politique et sécuritaire.
a tout d'abord évoqué la situation régionale. Il a observé que traditionnellement le conflit israélo-arabe avait constitué le centre de gravité des tensions régionales. Ces dernières années, on observait quatre épicentres de conflit dans la région avec des dynamiques qui leur étaient propres, à savoir l'Irak, où transparaît une opposition forte entre chiites et sunnites; les aspirations nucléaires de l'Iran, qui sont interprétées dans la région comme le signe d'ambitions hégémoniques et la situation entre le Liban et la Syrie, ces trois centres de tension étant quasi indépendants du conflit israélo-arabe. Enfin le conflit israélo-palestinien, dont le caractère symbolique marquait les esprits des populations de la région et revêtait une dimension mondiale (culturelle, religieuse, économique et sociale).
Ces conflits, bien qu'évoluant selon leur propre dynamique, tendent à s'imbriquer de façon croissante, rendant impossible un règlement autonome. Faisant état de ses visites auprès de responsables de la région au cours de l'été, il a noté que, désormais, l'Iran était perçu comme la principale source de préoccupation pour la stabilité de la zone. Ce nouveau développement serait déterminant pour la recomposition des alliances entre Etats dans les années à venir.
Abordant la situation au Liban, il a rappelé que la résolution 1559 du Conseil de sécurité exigeait la tenue d'élections libres, le retrait des troupes étrangères et le désarmement des milices avec, pour objectif premier, que le Liban recouvre sa pleine souveraineté et son indépendance politique. Il a souligné que, pour la première fois dans l'histoire du Liban, des élections libres avaient permis la désignation d'un nouveau Parlement, mais des élections présidentielles libres n'avaient toujours pas eu lieu. La Syrie avait procédé au retrait de ses troupes, y compris de ses services de renseignement. Des pas importants ont donc été effectués dans l'application de la résolution. Pour autant, même si l'armée libanaise a pu se déployer après le conflit de l'été pour contrôler l'ensemble du territoire, d'autres points de la résolution, dont la question du désarmement des milices, essentiellement celle du Hezbollah, n'ont pas été appliqués.
Or, le démantèlement des milices constitue un point central pour la souveraineté de l'Etat libanais, la définition classique d'un Etat reposant tout particulièrement sur le monopole de l'utilisation légitime de la force.
Il a rappelé que le Hezbollah utilisait l'argument de l'occupation par Israël du territoire libanais pour justifier ses opérations, alors même que les troupes israéliennes se sont retirées de l'ensemble du territoire libanais, en 2000, comme l'avait confirmé le Conseil de sécurité à maintes reprises, y compris lorsque la Syrie y était membre non permanent. Aux termes des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies, la zone des fermes de Chebaa, en l'occurrence déserte, n'a pas été considérée comme territoire libanais, mais comme territoire syrien occupé par Israël. En 2000, les Nations unies avaient conduit des recherches cartographiques minutieuses pour aboutir à cette conclusion. Or, c'est sous le prétexte de son occupation par Israël que le Hezbollah fonde sa « résistance ». C'est ainsi que le conflit de l'été 2006 a opposé Israël au Hezbollah et non au Liban, le gouvernement libanais n'ayant été ni consulté, ni informé des opérations menées contre des militaires israéliens et qui ont conduit à son déclenchement.
L'application de la résolution 1701 du Conseil de sécurité a mis fin au conflit, mais trois difficultés majeures demeurent : la délimitation des frontières entre le Liban et la Syrie, l'établissement de relations diplomatiques entre la Syrie et le Liban, et enfin la question de la pleine indépendance du Liban qui passe par le désarmement des milices. La résolution 1680 du Conseil de sécurité a appelé à l'établissement de relations diplomatiques entre les deux pays, mais la Syrie, jusqu'à ce jour, n'a pas souhaité s'engager dans cette direction. La résolution du statut des fermes de Chebaa nécessite des négociations entre la Syrie et le Liban, soit en bilatéral, soit par un arbitrage international. Une solution alternative pourrait consister à placer ce territoire sous la responsabilité des Nations unies jusqu'à un règlement permanent de son statut par un accord bilatéral sur le tracé définitif des frontières.
a estimé que la sécurité des troupes internationales déployées sur le terrain était liée à la résolution de ces questions, qui ne peut être que politique. Le fait que le conflit n'ait pas directement opposé Israël au Liban et que les décisions concernant ce pays ne sont, dans les faits, pas prises à Beyrouth mais ailleurs, illustre la complexité et l'imbrication avec les autres conflits. La situation actuelle est plus complexe et plus dangereuse que jamais et constitue une menace pour la paix et la sécurité internationales.
A la suite de l'exposé de M. Terje Roed-Larsen, un débat s'est instauré avec les commissaires.
Estimant que la crédibilité de l'Organisation des Nations unies était en jeu dans le conflit libanais, M. Robert Del Picchia a souhaité savoir si des négociations étaient conduites avec l'Iran sur ce sujet.
s'est interrogé sur les possibilités du désarmement du Hezbollah et l'éventualité de son intégration dans l'armée libanaise. Il a considéré qu'un des épicentres du conflit s'était aussi déplacé aux Etats-Unis, dont les prises de position sont systématiquement favorables à Israël. Il a fait part de ses interrogations quant aux capacités d'action de la FINUL, alors que se poursuivent les survols israéliens du territoire libanais.
a souligné les conséquences négatives du projet américain de « Grand Moyen-Orient ». Il s'est interrogé sur la capacité de l'ONU à résoudre les conflits, le déséquilibre dans l'application des résolutions relatives à Israël ayant conduit le processus de paix à une impasse. Il a estimé qu'Israël portait une responsabilité majeure dans le conflit et que le Hezbollah, composante du peuple libanais, n'était pas seulement une milice confessionnelle, et que son désarmement devait s'intégrer dans un processus politique. Il a fait part de son inquiétude pour les forces engagées sous casques bleus au Liban, s'interrogeant sur les capacités réelles d'action de la FINUL. Il a enfin souhaité savoir quels étaient les moyens disponibles pour faire cesser les survols israéliens.
a interrogé M. Terje Roed-Larsen sur l'état des rapports entre la FINUL et la population libanaise, sur les solutions envisageables pour dénouer la question des Fermes de Chebaa et sur l'évolution de la situation politique intérieure libanaise, notamment en ce qui concerne les perspectives de gouvernement d'union nationale.
En réponse à ces interventions, M. Terje Roed-Larsen a apporté les précisions suivantes :
- le Liban constitue un cas unique au Moyen-Orient, où les Nations unies jouent un rôle de premier ordre et elles engagent donc, sur ce conflit, leur crédibilité. Sur la question iranienne aussi, la crédibilité des Nations unies est en cause, car si Téhéran devait accéder à la capacité nucléaire militaire, le Traité de non-prolifération pourrait s'effondrer et d'autres pays, notamment au Moyen-Orient, chercheraient eux aussi à se doter de l'arme nucléaire ; s'agissant du conflit israélo-palestinien, les Nations unies ne sont pas au premier plan, même si elles participent au Quartet avec les Etats-Unis, dont le rôle est prépondérant, l'Union européenne et la Russie ; c'est au Quartet qu'il revient de donner l'impulsion nécessaire pour la résolution de ce conflit ;
- il faut admettre que le désarmement du Hezbollah ne pourra s'effectuer par la force et ne sera possible qu'au travers d'une solution politique ; pour le Secrétaire général des Nations unies, cette dernière passe par le dialogue national, en pleine cohérence avec les accords de Taëf, dont les résolutions du Conseil de sécurité n'ont fait que confirmer les termes ; en application de ces accords, toutes les milices libanaises, à l'exception du Hezbollah, ont été dissoutes et intégrées dans l'armée libanaise ; les accords de Taëf doivent désormais être pleinement mis en oeuvre ; pour le désarmement du Hezbollah, plusieurs solutions sont envisageables, notamment l'intégration dans l'armée libanaise, le versement des miliciens dans la réserve ou la restitution des armements et leur dépôt dans des lieux contrôlés ;
- si les Israéliens ont satisfait aux résolutions des Nations unies concernant l'évacuation du territoire libanais, la poursuite des survols aériens constitue une infraction claire à ces résolutions qui est clairement dénoncée, en termes très fermes, par le secrétaire général dans ses rapports réguliers au Conseil de sécurité ;
- les Etats-Unis sont bien entendu un acteur clef pour la résolution des différents conflits de la région et les Nations unies travaillent avec eux, que ce soit en bilatéral, dans les enceintes multilatérales ou dans le cadre du Quartet ; la France, elle aussi, joue un rôle très important, en particulier dans le dossier libanais, où elle est la force motrice des efforts internationaux ; le secrétaire général des Nations unies ne ménage pas ses efforts, comme on l'a vu avec son implication personnelle pour l'obtention d'une cessation des hostilités et la levée du blocus ; toutefois, les Nations unies ne sont jamais que l'émanation de leurs Etats membres et le Secrétaire général ne peut aller au-delà de ce que ceux-ci ont décidé ;
- la situation politique palestinienne s'est considérablement compliquée dans la mesure où le parti qui a obtenu la majorité aux élections législatives, le Hamas, a construit son identité sur le refus des accords d'Oslo et des institutions de l'Autorité palestinienne qu'il dirige actuellement ; le Hamas fait face à une crise d'identité. De surcroît, le leadership de ce parti est établi à Damas et non en Palestine ; tout ceci conduit à penser qu'il serait impossible, aujourd'hui, de rééditer la conclusion des accords d'Oslo ;
- la situation sécuritaire au Liban, qui est une préoccupation légitime pour les forces déployées dans le cadre de la Finul, sera étroitement liée à l'état du processus politique ; seule, une solution politique permettra d'améliorer la situation sécuritaire ;
- les relations entre la Finul et la population libanaise sont bonnes, mais il y a un risque, s'il n'y a pas d'avancée politique, à ce que la Finul apparaisse un jour aux yeux de certains Libanais comme une force d'occupation ;
- le Secrétaire général des Nations unies maintient des contacts réguliers avec les autorités iraniennes au sujet des dossiers nucléaire et libanais ;
- la délimitation des frontières syro-libanaises, et plus particulièrement dans le secteur des Fermes de Chebaa, est l'un des points clef pour la résolution du conflit libanais ; il comporte des aspects juridiques, cartographiques et politiques ; par le passé, la Syrie avait considéré que les Fermes de Chebaa n'appartenaient pas au Liban, mais récemment, les autorités syriennes sont revenues sur cette position, ce qui est de nature à favoriser un règlement ; encore faut-il que le périmètre de ce secteur soit défini très précisément, ce qui n'est pas le cas actuellement, bien que les Nations unies s'emploient à recueillir tous les éléments utiles ; ce n'est que lorsque le gouvernement libanais aura validé la délimitation des territoires concernés que des négociations pourront être engagées avec Israël ;
- les actions du Hezbollah qui ont été à l'origine du récent conflit sont controversées dans la société libanaise elle-même et sont l'un des éléments du débat politique interne ; au demeurant, le conflit a opposé Israël au Hezbollah et non au Liban dans son entier ; le premier ministre Fouad Siniora, dont le gouvernement est issu d'élections démocratiques, libres et crédibles, a formulé des propositions constructives qui recueillent l'entier soutien des Nations unies ; le Hezbollah doit faire preuve d'une attitude responsable et participer à la mise en oeuvre des accords de Taëf.
a demandé si des contacts avaient été établis avec la Syrie et si cette dernière était impliquée dans le règlement de la situation libanaise.
Après avoir estimé qu'aux quatre conflits enchevêtrés cités par M. Terje Roed-Larsen, il fallait ajouter celui de l'Afghanistan, qui s'aggrave sous l'effet notamment de la politique pakistanaise, Mme Josette Durrieu a jugé essentiel le rétablissement d'une nécessaire cohérence dans le discours de la communauté internationale sur cette région du monde. Estimant que ce discours ne pouvait être fondé que sur une exigence de droit et de justice, elle a déploré que certaines attitudes puissent, à juste titre, apparaître comme une illustration de la politique des « deux poids, deux mesures » dénoncée par nombre d'acteurs de la région. Elle a notamment évoqué l'insistance mise à faire procéder à l'évacuation des troupes syriennes du Liban, alors que d'autre part, aucune réaction n'est intervenue après l'arrestation de parlementaires palestiniens, pourtant élus à la suite d'un processus démocratique exigé par la communauté internationale, mais dont celle-ci ne semble pas vouloir aujourd'hui accepter toutes les conséquences. Se référant aux observations selon lesquelles certains mouvements s'appuient sur des soutiens provenant d'Etats étrangers, elle a estimé que le droit à la résistance était légitime et devait être respecté.
a demandé des précisions sur l'utilisation par l'armée israélienne d'armes à sous munitions dans des zones où elles constituent un risque majeur pour les populations civiles. Elle a souligné la responsabilité des Etats-Unis lors du conflit de cet été, dans la mesure où les autorités américaines ont clairement freiné les discussions sur un cessez-le-feu.
évoquant le rôle joué par l'Iran et la Syrie, a demandé si, dans les négociations politiques, les deux pays pouvaient être dissociés. Il s'est interrogé sur les conséquences de la dégradation de la situation politique intérieure israélienne, qui pourraient renforcer les forces les moins favorables au processus de paix. Il a également souhaité savoir dans quelle mesure une implication plus forte de l'Union européenne et de la Russie pourrait compenser l'actuel affaiblissement américain au Moyen-Orient du fait de la situation en Irak.
évoquant l'exemple de l'Afghanistan où le rôle des forces internationales a évolué, a estimé nécessaire que le rôle de la Finul se limite bien à la mise en oeuvre des résolutions du Conseil de sécurité. Elle a souhaité que ce dernier prenne une position très ferme au sujet des survols aériens du Liban par l'armée israélienne. Elle a évoqué les problèmes soulevés par l'emploi des armes à sous munitions au Liban. Enfin, elle a interrogé M. Terje Roed-Larsen sur la proposition du Président Chirac visant à réunir une conférence internationale sur la situation au Moyen-Orient.
a ensuite apporté les réponses suivantes :
- les Israéliens ont informé les Nations unies qu'ils survolaient le Liban en raison de la nécessaire surveillance des mouvements de troupes et d'armement du Hezbollah ; le secrétaire général des Nations unies a demandé, mois après mois, dans des termes très fermes, que ces survols cessent ;
- le Secrétaire général des Nations unies a des contacts réguliers avec les autorités syriennes ; il les a fortement incitées à rechercher un accord avec le Liban sur la délimitation des frontières, à établir des relations diplomatiques entre les deux pays et à empêcher le transfert d'armement depuis son territoire vers le Liban ;
- les accords de Taëf de 1989 constituent la base de tout règlement au Liban ; ils prévoyaient le retrait des troupes syriennes et la dissolution des milices, libanaises et non libanaises, dans des délais précis ; les résolutions du Conseil de sécurité n'ont fait que reprendre les termes de cet accord conclu entre toutes les parties libanaises et encourager leur pleine application ;
- il ne peut y avoir d'issue militaire au conflit israélo-palestinien ; seule une solution politique, fondée sur la coexistence de deux Etats dans des frontières sûres et reconnues, permettra d'y mettre fin ; cette solution, certes difficile à mettre en oeuvre, pourrait s'appuyer sur la capacité de Mahmoud Abbas, qui, en tant que Président de L'OLP, détient le droit exclusif de négocier au nom du peuple Palestinien, à engager un processus en trois phases ; d'abord, une fois la sécurité rétablie, des négociations politiques pourraient s'engager entre le président de l'OLP et le gouvernement israélien sur la création d'un Etat palestinien avec des frontières provisoires, comme envisagé dans la deuxième phase de la feuille de route ; le résultat de ces négociations serait ensuite soumis à référendum en Palestine ; en cas de résultat positif, l'Autorité palestinienne serait dissoute et des élections présidentielles et législatives seraient organisées ; des négociations d'Etat à Etat pourraient alors s'engager, en particulier sur la fixation de frontières définitives, sur la question de Jérusalem et sur celle des réfugiés ;
- le Hamas a été incontestablement élu démocratiquement, mais il doit également satisfaire aux trois exigences qui font consensus au sein de la communauté internationale : la reconnaissance de l'Etat d'Israël, l'acceptation des accords israélo-palestiniens passés et la renonciation à la violence ;
- le droit à la résistance n'est pas contesté dans le droit international, mais il ne permet en rien d'utiliser des moyens terroristes et de commettre des attentats contre des civils innocents ;
- les Nations unies ont entrepris depuis plusieurs années au Liban des opérations de déminage, notamment dans le Sud du pays. Suite aux opérations militaires de l'été dernier, le Secrétaire général a demandé aux Israéliens de lui fournir toutes les cartes des mines et des sous munitions non explosées pour qu'elles puissent être désamorcées.
Lors d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition du général Stéphane Abrial, chef d'Etat-major de l'armée de l'air.
Le général Stéphane Abrial a tout d'abord souhaité préciser la contribution de l'armée de l'air à la sécurité des Français et livrer son appréciation sur les choix induits par le projet de loi de finances 2007 pour la cohérence globale de l'armée de l'air.
Placé, depuis la réforme de 2005, sous l'autorité du chef d'Etat-major des armées, le chef d'Etat-major de l'armée de l'air a précisé qu'il restait responsable des concepts d'emploi et de la doctrine des moyens aériens, de l'instruction et de l'entraînement du personnel, ainsi que de l'organisation de l'armée de l'air. Il lui revient aussi d'assurer sa cohérence organique et de mettre à disposition du chef d'Etat-major des armées un outil efficace, apte à effectuer toutes les missions qu'il est susceptible de lui confier.
La mise en oeuvre en 2006 de la loi organique relative aux lois de finances a entraîné des évolutions positives : l'interdépendance des budgets renforce le processus d'interarmisation dans lequel s'inscrit l'outil de défense ; un dialogue permanent et formalisé s'instaure entre les acteurs du ministère et les grands responsables de l'armée de l'air, dans un contexte de recherche systématique du juste besoin en termes de ressources allouées.
Rappelant la participation de l'armée de l'air au sein des opérations interarmées au service de la paix et de la sécurité de la France, le général Abrial a précisé que 3 500 aviateurs sont aujourd'hui déployés dans le monde entier, qui assurent des missions de souveraineté outre-mer, des missions de présence dans des pays auxquels nous lient des accords de défense, ou qui agissent encore quotidiennement dans le cadre d'opérations extérieures. Environ quatre-vingts appareils de tout type sont mis en oeuvre.
L'armée de l'air est par exemple présente en Afghanistan, où les Mirage 2000 D ont déjà effectué de l'ordre de 400 sorties en 4 mois et demi de déploiement. Leurs équipages ont tiré à plusieurs reprises, en coopération étroite avec les forces spéciales, des armements de précision guidés laser contre les Talibans. Les Mirage F1 CR ont satisfait quant à eux à de nombreuses demandes de renseignements en un peu moins de 200 sorties réalisées en 2 mois.
En Méditerranée, l'armée de l'air s'est distinguée au Liban avec les hélicoptères EC-725, fraîchement arrivés dans les forces et dont la réactivité a été mise à profit pour évacuer rapidement nos ressortissants.
L'armée de l'air intervient également au Tchad, en Côte d'Ivoire, en République démocratique du Congo, où ses moyens de transport sont particulièrement sollicités et assurent la mobilité et le soutien logistique des autres armées.
Le chef d'Etat-major de l'armée de l'air a ensuite détaillé la participation de l'armée de l'air à la sécurité des Français sur notre territoire.
Les avions de la composante nucléaire aéroportée s'entraînent ainsi tous les jours pour faire face à toute attaque contre nos intérêts vitaux. Les appareils de la défense aérienne sont prêts à intervenir à la moindre alerte pour faire respecter la souveraineté de l'Etat dans l'espace aérien français. A la fin du mois de septembre, les avions de chasse ont effectué environ 700 décollages sur alerte, pour s'assurer de l'identité ou des intentions de certains aéronefs, tandis que les hélicoptères de l'armée de l'air se sont envolés à plus de 400 reprises dans le même but.
Enfin, l'engagement de l'armée de l'air sur le territoire se traduit notamment par sa participation au plan Vigipirate ; à la lutte contre les incendies de forêt ou encore à des missions de recherche et de sauvetage au profit de l'ensemble des aéronefs, civils ou militaires, français et étrangers qui survolent le pays.
Pour maintenir le niveau et le savoir-faire des hommes et des femmes de l'armée de l'air, le général Stéphane Abrial a indiqué qu'il mettait l'accent, en matière de personnel, sur la gestion des compétences. Les sous-officiers sont ainsi recentrés sur leur rôle d'encadrement et de spécialistes de haut niveau. L'ensemble des tâches d'exécution peut alors être confié aux militaires techniciens de l'air.
Cette politique des ressources humaines s'inscrit dans la voie de la transformation de l'armée de l'air, qui lui permet de s'adapter à la modernisation des équipements et à la préparation et l'entraînement des forces.
Abordant la part « Air » des crédits inscrits au projet de loi de finances pour 2007, le général Stéphane Abrial a estimé que, pour ce qui concerne le programme 146 d'équipement des forces, le volume des crédits de paiement prévus au projet de loi de finances est à la hauteur des espérances.
A cet égard, l'appareil le plus emblématique de la modernisation de l'armée de l'air est sans aucun doute le Rafale, qui tient toutes ses promesses. Les premiers retours d'expérience confirment ainsi qu'il ne connaît pas de rival en Europe, du fait notamment de sa polyvalence.
Treize appareils seront livrés en 2006 et six en 2007, portant leur nombre à 35. Le Rafale devrait être exploité jusqu'au milieu du XXIe siècle, conjointement par la Marine et l'armée de l'air, encourageant ainsi à poursuivre le développement des synergies entre ces deux armées. Les cinquante derniers missiles de croisière SCALP devraient être livrés en 2007 ainsi que les cinquante premiers armements air sol modulaires (AASM). Par ailleurs, 4 systèmes SAMP/T et 200 missiles ASTER 30 seront commandés au profit de l'armée de l'air.
Deux exemplaires supplémentaires de l'hélicoptère EC 725 doivent aussi être livrés d'ici à la fin de l'année, en complément des quatre déjà en service. Ces appareils offrent une capacité unique en Europe : la récupération des équipages, ou plus largement de militaires, dans des milieux hostiles, éloignés de nos positions.
La modernisation des équipements s'est enfin concrétisée cet été par l'arrivée du premier exemplaire de l'A-340 TLRA (Très long Rayon d'action), le second étant attendu pour janvier 2007. La mise à disposition de ces gros porteurs permet de compenser le retrait des deux DC-8 et redonne à nos forces armées un supplément d'allonge essentiel pour assurer l'ambition de la France d'être un acteur influent au niveau mondial. Notre déficit en matière de transport aérien stratégique ne pourra cependant être comblé dans la durée qu'avec l'arrivée du MRTT (multirole tanker transport), qui remplacera avantageusement les C-135, dont l'entrée en service date de 1964.
La performance du transport aérien militaire national dépendra aussi dans l'avenir de la livraison de l'A400M, appareil indispensable pour satisfaire aux besoins des armées en termes de mobilité tactique et de projection stratégique.
Ce programme joue un rôle intégrateur au niveau européen en favorisant la convergence des capacités et en suscitant une plus grande mutualisation des moyens. L'armée de l'air s'appuie en outre sur la mise en service prochaine de cet appareil pour promouvoir la constitution d'un véritable commandement du transport aérien européen.
L'armée de l'air s'implique en effet largement dans la construction de l'Europe. L'ensemble des aviateurs de notre continent partagent les mêmes vues sur l'emploi de l'arme aérienne et utilisent les mêmes procédures. C'est donc naturellement que l'initiative en matière de coopération pour la formation des pilotes de chasse s'impose progressivement. Débuté en 2003, ce projet a vraiment pris son essor en 2005 avec l'arrivée de personnels et d'Alpha Jet belges à Tours et Cazaux. Aujourd'hui, un programme de formation commun est appliqué et d'autres nations, comme la Grèce ou l'Italie, sont intéressées pour rejoindre cette école.
Ces initiatives, a poursuivi le général Stéphane Abrial, nous conduisent à explorer toutes les voies de mutualisation possibles de nos moyens avec nos partenaires occidentaux. C'est dans cet esprit que l'armée de l'air s'est résolument engagée dans le domaine des drones, en particulier pour les missions de surveillance et d'acquisition d'objectif. Trois systèmes de type SIDM devraient être livrés au cours de l'année 2007. Ils offriront la possibilité de cumuler de l'expérience et de valider nos concepts avant l'arrivée de drones moyenne altitude longue endurance (MALE) vers 2013. Pour le chef d'Etat-major de l'armée de l'air, il est essentiel que le projet de drone MALE, confié à EADS, permette de fédérer l'industrie européenne pour répondre aux besoins avérés des nombreux pays intéressés.
En ce qui concerne la part « air » du programme 178 « préparation et emploi des forces», le général Stéphane Abrial a estimé que les points de satisfaction étaient également réels. Grâce aux nouvelles procédures adoptées pour rétablir la disponibilité des matériels, celle-ci atteint près de 65 % en métropole - contre moins de 50 % il y a quelques années - et est supérieure à 90 % en opérations extérieures. L'armée de l'air maîtrise le coût de son MCO (maintien en condition opérationnelle) aéronautique et s'est inscrite depuis 2004 dans une logique programmée de résorption de son report de charge qui sera achevée à l'horizon 2009.
Au plan du personnel, les effectifs de l'armée de l'air sont en contraction régulière d'environ 1 % par an (500 environ) depuis 2004. Le format en effectifs moyens réalisés est actuellement de 61 026 militaires et 5 275 civils. Pour le général Stéphane Abrial, cette contraction pilotée a été mise en oeuvre sans restructuration majeure, mais elle connaît maintenant ses limites. Les objectifs de recrutement initiaux sont désormais atteints et l'objectif est dorénavant d'assurer le renouvellement régulier des militaires du rang.
Dans le domaine du financement des OPEX, le volume de ressources prévu en projet de loi de finances s'établit aujourd'hui à 375 millions d'euros, ce qui constitue un progrès sensible. L'armée de l'air représente en 2006 une part financière de l'ordre de 10 % des coûts suscités par ces opérations extérieures, soit une part très raisonnable au regard de ses nombreux engagements.
S'agissant du programme 212 « soutien de la politique de défense » et qui regroupe principalement les projets liés à l'infrastructure et l'informatique, il s'élève pour la part « air » à 150 millions d'euros, soit 14 % du total. Une attention particulière est portée aux investissements consacrés à l'infrastructure des équipements opérationnels, tels que les pistes d'aérodrome, ou les travaux de mise aux normes environnementales des installations - réseaux d'eau par exemple. Avec la poursuite du plan de modernisation des capacités d'hébergement, plus de 11 000 chambres répondant à de nouvelles normes ont été livrées sur les 16 000 envisagées. Le général Stéphane Abrial a précisé que la prise en compte de la condition du personnel est assurée par l'importante réforme de transformation de l'armée de l'air, le plan « Air 2010 ». Cette réforme, déjà engagée, permet de transférer en province des postes qui jusqu'à présent étaient concentrés en région parisienne, ce qui répond à une forte aspiration. D'une manière générale, « Air 2010 » vise à simplifier les structures de l'armée de l'air en cohérence avec les organismes interarmées actuels ou à venir, et à s'engager résolument dans la stratégie ministérielle de réforme. Sa mise en oeuvre est effective depuis l'été 2006, dans un cadre juridique provisoire.
Par ailleurs, certaines unités opérationnelles sont regroupées afin d'obtenir des gains d'échelle : les différents centres de maintenance de Transall vont s'installer à Evreux, pour n'en former plus qu'un ; de même, les deux escadrons de Mirage 2000 d'Orange vont être regroupés pour n'en former qu'un seul, plus volumineux.
Dans le domaine de l'externalisation, l'armée de l'air mène aujourd'hui des projets innovants.
Ainsi la mise en oeuvre et la maintenance des avions employés par l'école de pilotage de Cognac seront transférées à EADS. Dans le cadre de cette offre de service, l'utilisation de plates-formes plus performantes devrait sensiblement améliorer la qualité de la formation. Les mesures devraient produire tout leur effet à partir de mai 2007.
Pour le chef d'Etat-major de l'armée de l'air, le projet de loi de finances 2007 permet de préserver la cohérence globale de l'armée de l'air et les ressources allouées garantissent la poursuite de sa transformation.
Il importe cependant de rester vigilant. Le succès ou l'échec final de cette transformation dépendra, au-delà des matériels et des structures, de la qualité et de l'état d'esprit du personnel, dont l'adhésion est indispensable. Pour remplir leurs missions dans des environnements complexes et de plus en plus exigeants, les aviateurs sont conscients de la nécessité d'un entraînement sévère.
De très nombreuses heures d'entraînement et d'entretien sont indispensables en effet pour dompter les difficultés de chaque phase du vol et pour apprendre à travailler avec les soldats des autres armées, françaises et étrangères. Le maintien des conditions d'entraînement actuelles implique que les pilotes de chasse effectuent 180 heures de vol par an, les pilotes d'hélicoptère 200 heures de vol et les équipages de transport environ 320, niveaux issus de l'expérience et préconisés par l'OTAN pour disposer de professionnels aguerris.
Pour le chef d'Etat-major de l'armée de l'air, le respect de l'objectif d'entraînement des équipages, fixé dans le Projet Annuel de Performance en relation avec la loi de programmation militaire, constitue un impératif catégorique. Il importe donc que les incertitudes liées au financement du carburant soient levées. La dotation budgétaire en carburant pour 2006 s'élevait à 186 millions d'euros, or les besoins sont pour cette année de 302 millions d'euros, du fait notamment d'une évolution du prix du baril de brut. Le projet de loi de finances 2007 prévoit des ressources à hauteur de 226 millions d'euros, représentant 40 millions d'euros de crédits supplémentaires par rapport à 2006. Cet effort sensible laisse cependant apparaître un déficit prévisionnel estimé à environ 60 millions d'euros, si le prix du pétrole se maintenait au cours constaté aujourd'hui.
Le chef d'Etat-major de l'armée de l'air a indiqué qu'il lui revenait de veiller à la gestion inter-programme dans le cadre de la LOLF, en particulier à la cohérence entre les programmes d'équipements du programme 146, et les besoins en MCO, couverts par le programme 178. C'est là que réside le rôle majeur d'un chef d'Etat-major, tel que défini par le décret de 2005, qui est le seul à avoir cette vision « transverse » des moyens humains et financiers consentis pour son armée.
A l'issue de cet exposé, un large débat s'est ouvert au sein de la commission.
a exprimé ses inquiétudes, quant aux retombées sur le budget de l'armée de l'air, de l'envolée des coûts des carburants.
s'est félicité de la mise en service opérationnel, dans l'armée de l'air, du Rafale, qui a démontré, dès le premier exercice où il a été engagé, en septembre dernier, ses nombreuses capacités. Puis il a interrogé le général Stéphane Abrial sur le coût de fonctionnement des bases aériennes, l'état du recrutement et de la fidélisation des personnels de l'armée de l'air. Il s'est ensuite enquis du bilan et des perspectives des opérations de location de services effectuées par l'armée de l'air, ainsi que du nombre de pilotes de chasse et de transport belges déjà formés en France. Il a ensuite sollicité des précisions sur les effectifs et matériels de l'armée de l'air engagés dans les OPEX et les surcoûts qu'ils suscitent ainsi que sur sa participation dans les opérations de sécurité intérieure. Il a enfin souhaité obtenir des précisions sur l'opportunité, pour les pays européens, de créer un pôle commun de transport aérien militaire ainsi que sur la disponibilité de l'armée de l'air à développer une coopération interarmées, et s'est inquiété de l'impact de la hausse du coût des carburants.
s'est interrogée sur le calendrier de livraison des avions de transport A400-M, ainsi que sur les modalités adoptées pour « fidéliser » les différents personnels de l'armée de l'air. Evoquant les difficultés inhérentes au mandat confié à la FINUL renforcée, elle s'est interrogée sur les modalités possibles pour interrompre les survols du territoire libanais par l'aviation israélienne.
a souhaité obtenir des précisions sur la nature asymétrique de la guerre menée contre le terrorisme. Elle s'est, par ailleurs, également interrogée sur le calendrier de livraison de l'A-400 M, ainsi que sur l'externalisation, vers EADS, de la maintenance des avions basés à Cognac.
après s'être interrogé sur l'évolution du calendrier de production de l'A400-M, s'est enquis de l'éventuelle mutualisation, entre la France et l'Allemagne, de la gestion de la future capacité de transport. Il a enfin demandé au chef d'Etat-major de l'armée de l'air des précisions sur l'évolution du programme de drone MALE.
Le général Stéphane Abrial a apporté les éléments de réponse suivants :
- le Rafale est opérationnel dans les forces depuis la fin du mois de juin 2006 et constitue un excellent système d'armes. Même si le coût du programme est élevé et qu'il a subi plusieurs décalages de calendrier, on ne dénote pas de dérive financière par rapport aux prévisions. Son extrême facilité d'utilisation correspond parfaitement aux attentes. Cet appareil est aussi le seul de sa génération à être aujourd'hui opérationnel, comme l'ont démontré les récents exercices organisés par l'OTAN en Espagne auxquels l'Eurofighter, son principal concurrent européen, n'a pas participé. Toutefois, une cadence de production trop réduite, en deçà de 1,3 appareil par mois, pourrait affecter la qualité du produit ;
- le budget de fonctionnement des bases aériennes est passé de 110 millions d'euros en 2002 à 175 en 2006. Cette hausse n'est cependant qu'apparente : il faut prendre en compte la modification de périmètre qui a conduit à intégrer des crédits d'externalisation, notamment informatiques, et la déconcentration vers l'échelon local d'une partie des crédits de fonctionnement, confrontés à une hausse des coûts de rémunération et du prix de l'énergie. La marge de manoeuvre en ce domaine reste donc réduite ;
- l'armée de l'air n'envisage pas, à ce stade, de fermeture de bases aériennes, mais conçoit favorablement une utilisation interarmées ou interministérielle des plates-formes existantes, dans le cadre d'un programme d'aménagement du territoire ;
- l'armée de l'air ne rencontre pas, globalement, de difficultés de recrutement, sauf dans certains métiers spécifiques : commandos de l'Air, conducteurs de chiens ou services d'incendie et de secours. Des « primes d'attractivité » spécifiques sont donc prévues pour différentes spécialités. Par ailleurs, des « primes réversibles » sont ouvertes pour des spécialités critiques à échéance du contrat d'engagement afin de fidéliser le personnel. Le taux de sélection global est actuellement de 1 pour 5 pour les sous-officiers et de 1 pour 3 pour les militaires du rang. Enfin, les modifications de limites d'âge prévues par le statut général des militaires entraînent moins de départs de sous-officiers que ce qui était attendu. Pour les officiers, le taux de sélection à l'Ecole de l'air reste élevé, passé de 1 pour 12 en 2005 à 1 pour 23 en 2006, cette dernière statistique intégrant cependant la nouveauté du concours commun ;
- l'armée de l'air conduit avec détermination sa politique d'externalisation (qui a d'abord porté sur les activités de soutien des bases : entretien des espaces verts ou des locaux). L'externalisation de la totalité des fonctions de soutien constitue une seconde étape, mais reste tributaire de la capacité à fournir de la région dans laquelle la base est implantée ;
- une externalisation est actuellement en cours pour la maintenance et la mise à disposition des appareils d'entraînement des élèves pilotes. L'armée de l'air a confié à EADS la maintenance de la flotte de ses Epsilon en achetant en contrepartie des heures de vol sur ces appareils et sur un appareil neuf et plus performant, le Grob 120 A. Dans ce cadre, il était prévu de mettre à disposition de l'industriel quatre-vingts techniciens de l'armée de l'air, mais ce volet de l'opération n'a pas réuni le nombre souhaité de volontaires, pour lesquels le cadre militaire constituait une part importante dans leur choix de carrière, en dépit du différentiel de rémunération ;
- sur le plan financier, les dépenses globales d'externalisation représentent 75 millions d'euros par an. Plus généralement, l'armée de l'air n'entend externaliser que les fonctions qui n'ont pas de spécificité militaire ou celles qui ne relèvent pas de militaires ayant vocation à être engagés en opérations extérieures ;
- dans le cadre de la formation franco-belge, neuf pilotes belges ont déjà été brevetés à Tours (Ecole de chasse) et 14 à Cazaux (perfectionnement au combat et au tir). Treize sont en formation au sein de ces deux écoles. Des contacts sont en cours avec les armées de l'air allemande, italienne, grecque, portugaise, suisse, de même qu'avec celles de pays d'Europe de l'Est. Cette démarche participe clairement à l'émergence d'un esprit européen en ce domaine. Par ailleurs, la formation ne concerne pas que les seuls pilotes de chasse, mais s'étend également aux pilotes d'avion de transports ou d'hélicoptères ;
- hors métropole, l'armée de l'air engage actuellement un effectif d'environ 3 500 personnes, à raison d'un tiers outre-mer, un tiers dans les pays auxquels la France est liée par des accords de défense et un tiers, 1 221, dans les opérations extérieures proprement dites, ainsi que 27 aéronefs divers. Cette participation n'entraîne pas en soi une charge excessive, la difficulté provenant davantage du nombre d'engagements : l'armée de l'air est ainsi déployée sur 15 théâtres différents, ce qui multiplie les problèmes de soutien, de MCO ou de relève. Le surcoût financier s'élève à 80 millions d'euros sur l'année. La prolongation prévisible de la participation de l'armée de l'air aux opérations en Afghanistan et en République démocratique du Congo, ainsi que la hausse du carburant alourdiront vraisemblablement cette facture. Compte tenu de la nécessité d'une disponibilité à 100 % des équipements dans ces opérations, cela entraîne mécaniquement des difficultés pour la disponibilité des matériels demeurés en métropole ;
- depuis le 11 septembre 2001, l'armée de l'air engage davantage de moyens, en équipement et en personnels, au profit de la défense aérienne du territoire. L'ensemble des missions intérieures (Chikungunya, Vigipirate, feux de forêts, etc...) implique en continu quelque 200 personnes sur une année, et entraîne un surcoût annuel de 3,8 millions d'euros ;
- l'armée de l'air étudie le projet d'un commandement européen du transport aérien sur la base de l'expérience retirée du groupe aérien européen (GAE) regroupant la Grande-Bretagne, la Belgique, la France et les Pays-Bas. L'armée de l'air pourrait également proposer un commandement franco-allemand pour le transport, mais quelques différences de conception existent entre la Luftwaffe et l'armée de l'air sur les éléments qui seraient mis en commun au sein de ce commandement conjoint. Un commandement européen pour les capacités de transport serait d'autant plus logique que l'A400-M équipera à terme la plupart des armées de l'air européennes ;
- pour l'A400-M, les différents jalons prévus par le contrat avec l'industriel ont été respectés à ce jour ;
- les drones constituent déjà une capacité essentielle pour toutes les armées de l'air dans le monde et leur besoin ira croissant. Le SIDM (système intérimaire de drone moyenne altitude longue endurance) a fait ses premiers vols au Centre d'essais en vol d'Istres au début de septembre 2006 et devrait équiper les forces au cours du second semestre 2007. Il est souhaitable que le drone Male (Moyenne altitude longue endurance) puisse équiper l'armée de l'air en 2013, même si le projet initial Euromale aura sans doute évolué. Entre le retrait des Hunter et l'arrivée du SIDM, l'armée de l'air aura été privée pendant trois ans des capacités offertes par les drones ; on garantit ainsi que l'instruction dispensée suit au plus près l'évolution des techniques et des tactiques ;
- l'un des atouts de la formation dispensée à ses pilotes par l'armée de l'air provient de ce que les formateurs sont eux-mêmes issus des forces et participent aux opérations ;
- les incursions d'appareils israéliens sur le territoire libanais ne sont pas conformes à la résolution 1701, mais le mandat confié à la FINUL ne prévoit pas d'interdiction de l'espace aérien libanais ;
- la guerre « asymétrique » qui oppose des armées régulières d'un Etat, très équipées, à des groupes de combattants ne relevant pas d'une autorité étatique identifiée, constitue un défi technique et tactique pour des armées « traditionnelles », comme l'a illustré le récent conflit entre Israël et le Hezbollah ;
- en réponse à une question de M. André Vantomme, le général Stéphane Abrial a indiqué que plusieurs bases aériennes accueillaient déjà des éléments interarmées. A terme, toutes les bases auraient la possibilité de devenir « interarmées ».
M. Serge Vinçon, président, a ensuite présenté un bilan du contrôle de l'application des lois au 30 septembre 2006.
a rappelé que l'essentiel de l'activité législative de la commission est consacré à l'examen de projets de loi autorisant la ratification ou l'approbation de traités ou accords internationaux qui n'entraînent pas, la plupart du temps, de textes d'application, sauf lorsqu'ils impliquent une modification, simultanée ou consécutive, de la législation interne. Au cours de l'année parlementaire écoulée, a indiqué M. Serge Vinçon, président, le Sénat a ainsi adopté en séance publique une quarantaine d'accords internationaux relevant de la compétence de la commission.
Durant l'année parlementaire 2005-2006, la commission a aussi procédé, en tant que commission saisie au fond, à l'examen de deux projets de loi, distincts de ceux autorisant la ratification ou l'approbation d'accords et traités internationaux : le texte relatif à l'organisation de la réserve militaire et celui portant diverses dispositions relatives à la défense. Ce dernier texte, ayant fait l'objet des deux mesures règlementaires nécessaires, est donc pleinement applicable.
S'agissant de la loi du 18 avril 2006 modifiant la loi du 22 octobre 1999 portant organisation de la réserve militaire et du service de défense, M. Serge Vinçon, président, a signalé qu'elle n'était encore que très partiellement applicable puisque, sur les quatre décrets attendus, dont deux en Conseil d'Etat, auxquels elle renvoie, aucun n'avait été pris. Le calendrier prévisionnel du ministère de la défense envisageait, pour ces quatre textes, une adoption prochaine, au cours du dernier trimestre 2006.
a par ailleurs indiqué que, lors de la précédente session, le Sénat avait adopté la loi du 24 mars 2005 portant statut général des militaires. Les mesures d'application de ce texte sont à ce jour encore partielles. En effet, sur les 34 décrets d'application auxquels la loi renvoie, seuls 18 ont été publiés. Les autres décrets attendus sont encore dans le réseau des consultations interministérielles ou en instance au Conseil d'Etat.