Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a entendu une communication de M. Marc Massion, rapporteur spécial, sur le fonctionnement des directions régionales de l'INSEE.
a tout d'abord rappelé qu'au cours des derniers mois l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) avait fait l'objet d'une attention toute particulière de la part des décideurs économiques et politiques, comme de la part des médias. Il a insisté sur le fait que la fiabilité de ses statistiques, en particulier l'estimation du taux de chômage, avait été largement remise en question.
Il a précisé qu'il avait souhaité, dans ce contexte, en sa qualité de rapporteur spécial des crédits de la mission « Stratégie économique et pilotage des finances publiques », conduire un contrôle budgétaire, en application de l'article 57 de la LOLF, portant sur le fonctionnement des directions régionales de cette institution. Elles constituent, en effet, les « chevilles ouvrières » de la collecte des données statistiques, de leur traitement et de leur diffusion la plus large possible. Il a indiqué que cette mission s'était notamment articulée autour d'un « cas pratique », via le contrôle sur place et sur pièces d'une direction régionale représentative, celle de Haute-Normandie, et qu'elle s'était essentiellement attachée à s'assurer du bon usage des deniers publics et des conditions de mise en oeuvre de la LOLF dans ces services déconcentrés.
a rappelé qu'au sein de la mission « Stratégie économique et pilotage des finances publiques », les directions régionales de l'INSEE relevaient du programme « Statistiques et études économiques » et correspondaient chacune à un budget opérationnel de programme (BOP), ce programme comprenant ainsi 24 BOP déconcentrés renvoyant aux 24 directions régionales.
Il a ensuite précisé que chaque direction régionale se structure autour de trois services :
- le service statistique, tout d'abord, qui représente le « coeur de la machinerie statistique » ; ce service procède à la collecte et à la mise en forme de l'information, prépare les fichiers régionaux et gère la relation avec les partenaires institutionnels ;
- le service des études et de la diffusion, ensuite, qui s'attache aux « exercices imposés » que sont les bilans annuels des différentes activités économiques et sociales, ainsi que les tableaux économiques régionaux, publiés tous les deux ans ;
- le service de l'administration et des ressources, enfin, qui assure les fonctions-support des deux précédents services.
a noté que l'exemple de la direction régionale de Haute-Normandie permettait d'éclairer les enjeux en termes budgétaires et de gestion des ressources humaines.
S'agissant du budget 2007 de cette direction, le rapporteur spécial a indiqué qu'il s'établissait à 8,3 millions d'euros, répartis en 7,7 millions d'euros de dépenses de personnel et 0,6 million d'euros de dépenses de fonctionnement. Il a noté que la masse salariale correspondait au traitement de 160 agents répartis entre les trois services composant la direction, avec un poids prépondérant pour le service statistique qui compte 79 agents, soit 50 % des effectifs. Il a précisé que les dépenses d'investissement s'imputent sur un BOP central destiné à abonder les BOP régionaux pour les opérations spécifiques.
Le rapporteur spécial a souligné que la mise en oeuvre de la LOLF avait été plutôt bien perçue par les personnels, et que si elle avait nécessité un investissement incontestablement important en temps et en pédagogie, elle avait aussi permis une responsabilisation appréciable des gestionnaires et une contractualisation des objectifs avec les agents.
Il a ajouté que, pour 2007, un contrat pluriannuel de performance avait été signé au niveau national de l'INSEE, contrat portant sur les moyens financiers alloués en contrepartie d'objectifs de réduction des personnels, et a précisé qu'il avait été décliné, au sein de chaque direction régionale, dans une charte annuelle de gestion.
a relevé qu'en Haute-Normandie l'objectif de réduction des personnels avait ainsi été fixé à - 1,5 % avec, à terme, la perspective d'un effectif réduit à 145-150 agents, la baisse du nombre d'emplois étant rendue possible par des gains de productivité portant, notamment, sur des agents de catégorie C, souvent anciennement vacataires.
En dépit de la mise en place d'un pôle de contrôle de gestion au sein de la direction régionale de Poitou-Charentes, il a estimé qu'on pouvait déplorer, toutefois, un déficit dans l'accompagnement de la mise en oeuvre de la LOLF, du fait de l'absence d'un réel contrôle de gestion et, qu'en conséquence, les gestionnaires étaient dans l'impossibilité de mesurer précisément le coût d'une opération ou d'une action engagée, ce qu'on ne pouvait que regretter.
Il a déploré que les opportunités offertes par la LOLF en termes de fongibilité n'aient pas été mises à profit en 2006, les directions régionales ayant pour la plupart bouclé leur exercice à l'équilibre sans avoir pu dégager de marges de manoeuvre substantielles. Il a relevé, par ailleurs, que la gestion des ressources humaines restait très lacunaire au sein des directions régionales, dès lors que ces dernières n'avaient aucun degré de liberté dans le choix des agents qui leur étaient affectés sur les postes vacants, la mobilité étant coordonnée au niveau central.
S'agissant de la mesure de la performance, M. Marc Massion, rapporteur spécial, a indiqué que les directions régionales de l'INSEE disposaient d'une batterie de quinze indicateurs, soit un nombre raisonnable, couvrant aussi bien l'activité administrative de support que le « coeur de métier » de l'activité statistique.
Il a souligné que l'INSEE s'était engagée depuis plusieurs années dans une action de rationalisation des moyens et de recherche de gains de productivité qui portait d'ores et déjà ses fruits au niveau régional, entraînant ainsi une réelle spécialisation des directions régionales sur certaines catégories d'études, avec, en ligne de mire, la recherche de la taille critique et d'économies d'échelle.
De même, il a noté que le principe de la mutualisation des moyens tendait à se diffuser concernant les fonctions-support et qu'une expérimentation était en cours, par exemple, pour un traitement de la paie mutualisé entre quatre directions régionales (Lorraine, Bretagne, Haute-Normandie et Basse-Normandie), de telles expérimentations étant, pour l'heure, effectuées uniquement sur la base du volontariat.
Il a indiqué, enfin, qu'une stratégie d'achats groupés était conduite par la direction générale de l'INSEE, via l'Agence centrale des achats, et qu'elle touchait des marchés tels que le nettoyage, le téléphone, l'entretien des bâtiments, etc. Il a précisé que les résultats étaient très significatifs, puisque le prix des matériels informatiques avait ainsi pu être divisé par un coefficient pouvant aller jusqu'à trois ou quatre, tandis que le coût du nettoyage avaient également enregistré une baisse substantielle, évaluée à 10 %, par exemple, au sein de la direction régionale de Haute-Normandie.
En conclusion, M. Marc Massion, rapporteur spécial, a tenu à préciser que, même si des marges de progrès demeuraient, des efforts louables de recherche de gains de productivité et d'économie étaient déployés depuis plusieurs années par les directions régionales de l'INSEE, et plus encore depuis l'entrée en vigueur de la LOLF.
Il a tenu, également, à éclairer une piste en matière de source de financement de l'activité statistique menée par les directions régionales de l'INSEE, en évoquant certains exemples étrangers, canadiens ou australiens notamment, qui reposent en partie sur des recettes de partenariats passés tant avec des collectivités publiques qu'avec des entreprises. Il a suggéré de s'inspirer de ce modèle, dès lors que nombre d'études menées par les directions régionales de l'INSEE intéressaient en priorité les acteurs économiques du pays. Il a rappelé que les directions régionales avaient d'ailleurs amorcé, d'ores et déjà, des politiques de partenariat qui pourraient être dans l'avenir développées et enrichies au profit de l'Etat, comme des collectivités territoriales et des entreprises.
Un large débat s'est alors instauré.
s'est félicité des progrès réalisés en termes d'économies et de gains de productivité par les directions régionales de l'INSEE, mais a relevé que des marges de progression pouvaient encore être mises à profit.
a salué la qualité du contrôle mené par le rapporteur spécial et rappelé que l'INSEE était placé sous l'autorité du gouvernement. Dès lors, il convenait de s'inquiéter de certaines dérives observées au cours des derniers mois de la part des services statistiques, notamment en matière de mesure du taux de chômage. Il a insisté sur le lien de dépendance unissant l'INSEE au gouvernement, lien qui ne pouvait, selon lui, en aucun cas être remis en cause.
Revenant sur la mise en application de la LOLF, il a estimé, par ailleurs, que les directions régionales de l'INSEE auraient à gagner à mutualiser leurs moyens avec d'autres services comptables et financiers déconcentrés dépendants de l'Etat.
a indiqué que l'examen du prochain projet de loi de finances pourrait être l'occasion de rappeler l'autorité du gouvernement sur l'INSEE, de manière à prévenir d'éventuelles dérives des services statistiques. Il a rappelé, par ailleurs, que les directions régionales de l'INSEE s'étaient d'ores et déjà engagées dans un processus de mutualisation de leurs moyens en interne, et que ce mouvement pouvait préfigurer une mutualisation plus large avec d'autres services de l'Etat.
s'est interrogé sur le sentiment des personnels de l'INSEE quant à l'interprétation et, parfois, à la remise en cause du résultat de leurs études statistiques.
a souligné l'ouverture d'esprit de ses interlocuteurs tout au long de sa mission de contrôle au sein des directions régionales de l'INSEE. Evoquant sa propre expérience d'élu local, il a insisté, en outre, sur les bonnes relations entretenues par la direction régionale de Haute-Normandie avec les autres services de son département, et en particulier la préfecture.
a estimé qu'un certain repli de l'institution statistique pouvait, néanmoins, être constaté au niveau de son administration parisienne. Il s'est prononcé pour la coordination des services statistiques par une autorité supérieure, de manière à éviter les divergences récemment constatées, notamment en matière de taux de chômage.
a approuvé la nécessité de coordonner effectivement l'activité statistique afin de ne publier qu'une seule estimation des chiffres du chômage.
s'est interrogé sur les conditions de la mesure du taux de chômage en France et sur la date de la publication d'un chiffre définitif en la matière par l'INSEE.
a rappelé qu'en matière de calcul du taux de chômage, deux enquêtes « Emploi » de l'INSEE se complétaient, l'une annuelle et publiée en mars, l'autre mensuelle.
Il a indiqué qu'entre deux livraisons annuelles, l'INSEE actualisait tous les mois son taux de chômage en fonction de l'évolution des demandeurs d'emploi inscrits à l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE), et que ce taux devait s'approcher le plus possible du concept du chômage défini par le Bureau international du travail (BIT). Il a explicité cette définition, le BIT utilisant trois critères pour délimiter le champ du chômage : la recherche active d'emploi, la disponibilité pour occuper cet emploi et le fait de ne pas avoir travaillé au cours de la semaine précédente.
a précisé que, pour l'enquête « Emploi » annuelle, l'INSEE interrogeait un échantillon de 40.000 personnes sur toute la France, six fois pendant six trimestres consécutifs, la première et la dernière vague de cette enquête ayant lieu par des entretiens en « face à face » et les quatre autres vagues étant, elles, réalisées par téléphone.
Il a souligné que la difficulté rencontrée au cours des derniers mois provenait d'un taux très important de non-réponses à l'enquête, notamment en Ile-de-France, où ce ratio avait dépassé 30 %. Il a indiqué que ce « mauvais » taux de retour s'expliquait par les difficultés matérielles auxquelles étaient confrontés les enquêteurs (interphones, répondeurs...), et par le fait que l'INSEE n'appliquait pas les sanctions prévues en cas de non-réponse, évitant ainsi les réponses bâclées et / ou non sincères.
Il a rappelé que, pour pallier ce mauvais taux de retour, un redressement avait eu lieu et que l'INSEE avait finalement décidé de reporter le calage annuel de son taux de chômage à septembre 2007.
a estimé que la récente polémique autour du taux de chômage avait été notamment alimentée par trois chiffres différents annoncés pour l'année 2006 : 9,8 % selon les échantillons sondés à l'occasion de l'enquête « Emploi » de l'INSEE, 9,1 % selon les données de l'ANPE et 9,4 % selon Eurostat, qui avait choisi de s'adosser à l'enquête « Emploi » de l'INSEE, et qui retient une définition du chômage sensiblement plus stricte que la définition française.
a considéré que la divergence dans les estimations du taux de chômage contribuait à alimenter la défiance de l'opinion publique à l'égard des statistiques produites, et s'est prononcé en faveur de la publication d'un chiffre unique soumis à la validation d'une autorisation supérieure, évoquant la situation de la loi de finances, où le ministre de l'économie et des finances arrête le taux de croissance retenu comme hypothèse de travail.
a remarqué qu'une telle prise de position tendait effectivement à militer pour la création d'une autorité indépendante.
a estimé préférable de s'en tenir à un arbitrage institutionnel ne nécessitant pas la création d'une nouvelle autorité.
a évoqué le préjudice en matière de crédibilité provoqué par une pluralité de chiffres pour rendre compte d'un même taux de chômage. Il a jugé nécessaire d'établir des règles claires et précises de calcul, de les faire connaître et de confier leur respect à une autorité.
a ajouté qu'une fois de telles règles publiées, il s'agissait d'interdire tout autre mode de calcul.
a estimé que la polémique autour du taux de chômage était tout aussi néfaste que celle à laquelle pourrait donner lieu une estimation contestable du déficit public.
a rappelé, en outre, que les Associations pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (ASSEDIC) pouvaient également prétendre à fournir une évaluation du taux de chômage dans le pays, semant encore un peu plus la confusion dans les esprits.
s'est déclaré favorable à la fixation de règles claires et précises, mais a aussi rappelé les problèmes pratiques rencontrés par les enquêteurs de l'INSEE en charge d'interroger un échantillon de 40.000 personnes sur toute la France.
s'est prononcé en faveur d'une redéfinition des règles fondée sur une référence internationale incontestable et d'un suivi étroit de leur bonne application.
a estimé qu'en la matière l'essentiel n'était, d'ailleurs, pas le chiffre en tant que tel, mais son évolution.
a souhaité connaître l'état des partenariats ayant pu être noués entre les directions régionales de l'INSEE et les collectivités territoriales, ainsi que leur niveau de contribution au financement de ces directions régionales.
a indiqué que la fraction des ressources des directions régionales de l'INSEE relevant de ces partenariats restait pour l'instant marginale, et qu'il était souhaitable de développer de tels partenariats, notamment via les régions.
a rappelé que les études demandées à la Banque de France étaient également réalisées, moyennant contribution financière.
a jugé que les collectivités territoriales n'avaient pas nécessairement le réflexe de solliciter les directions régionales de l'INSEE, mais que si cette pratique venait à s'étendre, elle devait s'accompagner d'un strict respect des règles de mise en concurrence.
a souligné, à cet égard, qu'en matière d'études statistiques, la concurrence n'était d'ailleurs pas très développée.
La commission a alors, à l'unanimité, donné acte au rapporteur spécial de sa communication.