Commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du 6 avril 2011 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • RFF
  • SNCF
  • ferroviaire
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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Nous sommes heureux de vous accueillir aujourd'hui afin de connaître l'activité du Réseau ferré de France (RFF) et de suivre la mise en oeuvre de la loi relative à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires (ORTF). Nous avons procédé la semaine dernière à l'audition de Pierre Cardo, président de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF) et nous procéderons prochainement à l'audition de Guillaume Pepy, président de la SNCF. Nous souhaitons donner au réseau ferroviaire actuel le meilleur fonctionnement possible, tout en respectant les objectifs du Grenelle de l'environnement. En préalable à votre intervention, pouvez-vous rappeler la longueur du réseau, son niveau de fréquentation, ainsi que son état général ? Sur ce dernier point nous devons avoir un discours objectif et ne pas céder au catastrophisme...

Debut de section - Permalien
Hubert du Mesnil

Je constate avec satisfaction que votre commission porte un grand intérêt au sujet ferroviaire. J'espère que mon intervention vous permettra d'avoir une vision claire et objective de la situation du secteur ferroviaire aujourd'hui en France. Le réseau français compte 30 000 km de voies, ce qui le place juste derrière le réseau allemand, mais devant le britannique. Notre réseau national a deux spécificités. D'une part, il est globalement sous-utilisé : deux fois moins de trains circulent en France qu'en l'Allemagne, dont le réseau est de taille comparable au nôtre. Par conséquent, l'équilibre économique du réseau est difficile à trouver, car l'utilisation d'un réseau entraine des coûts fixes indépendants du nombre de trains qui y circulent. D'autre part, notre réseau ferroviaire est très hétérogène. Certains territoires sont très fréquentés, comme l'Alsace ou l'Île-de-France, d'autres territoires voient peu de trains circuler. Aujourd'hui, la moitié du réseau concentre 90 % des trains en circulation. Comment devons-nous gérer notre réseau ? Il ne faut pas supprimer un tiers du réseau comme certains le préconisaient il y a peu encore. Cette solution serait simpliste, car il y a certaines lignes délaissées qui peuvent retrouver rapidement une utilité pour les territoires desservis. J'en viens à l'actualité pour RFF. Nous avons trois points de satisfaction. D'un point de vue financier, le résultat net de RFF reste positif en 2010 et avoisine 200 millions d'euros. Deuxième point de satisfaction : nous avons dégagé une enveloppe très importante pour les investissements. Elle s'est élevée à 3,2 milliards d'euros l'an passé, soit un montant similaire à celui observé en 2009. Enfin, nous avons réussi l'exploit de cantonner la dette en 2010 grâce à des taux d'intérêt très bas et à une bonne gestion de notre trésorerie, nous permettant d'économiser entre 200 et 300 millions d'euros.

Toutefois, je distingue quatre points négatifs. Premièrement, les recettes n'ont pas augmenté. Deuxièmement nous n'avons pas connu de reprise du fret dans notre pays, contrairement à nos voisins européens. Troisièmement, les taux d'intérêt remontent rapidement, ce qui alourdira la charge de la dette. Enfin, les coûts d'entretien du réseau n'ont pas baissé. Dès lors, l'espoir que nous caressions, il y a encore deux ou trois ans, de stabiliser la dette est en train de s'évanouir.

Incontestablement, nous avons enregistré de mauvais résultats en termes de qualité de gestion du réseau. Les causes du mécontentement des usagers sont nombreuses : mouvements de grèves, intempéries, problèmes techniques des locomotives, dysfonctionnement du réseau, vol de matériel... La coupe a un peu débordé pour les voyageurs, et surtout pour les abonnés. Ces difficultés ont généré un sentiment d'exaspération chez une partie de la population. Il faut démêler les responsabilités de chacun afin d'avoir une vision claire de la situation actuelle. A cet égard, je suis surpris de constater la polémique entre la direction de la SNCF et les syndicats sur les statistiques en matière de retard des trains. Les citoyens ont le droit de connaître la vérité. Il faut, selon moi, qu'une source incontestable fournisse ces chiffres. Personnellement, je serais favorable à ce que la direction de la circulation ferroviaire (DCF) assure cette mission. Aujourd'hui, j'estime qu'un quart des problèmes de régularité des trains est causé par l'infrastructure du réseau. Sur ces 25 %, la moitié est directement imputable à l'action de RFF et nous travaillerons à réduire ce chiffre. L'autre moitié résulte de difficultés sur lesquelles RFF n'a pas d'action possible..

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Je vous remercie pour votre franchise et votre objectivité. La dette initiale, que vous portez depuis 1997, rend votre action difficile et ce sujet n'a pas trouvé de solution satisfaisante de la part des gouvernements successifs. Certes, les trains connaissent de plus en plus de retards, mais gardons-nous de ne parler que des difficultés que traverse le secteur ferroviaire. Il y aura toujours des retards et des imprévus, même si nous devons réduire au maximum les retards de grande ampleur. On ne doit pas traiter de la même manière un train qui assure 3 heures et un autre qui accuse 10 minutes de retard. La DCF créée par la loi ORTF de décembre 2009 constitue un progrès indéniable, mais nous devons aller au bout de la logique : le personnel de la DCF doit être transféré à terme à RFF. Par ailleurs, je rappelle que la SNCF, qui compte 930 filiales, est devenue le premier transporteur routier de France. Enfin, si l'on veut améliorer le fonctionnement du réseau, nous devrons trouver de nouvelles sources de financement.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Grignon

Permettez-moi de rappeler que le réseau alsacien est très fréquenté, mais que les trains y roulent à droite comme en Allemagne contrairement au reste du territoire français, ce qui pose parfois quelques problèmes pratiques... Je regrette que la SNCF et RFF se rejettent mutuellement la responsabilité des retards de trains. Il faut clarifier le paysage institutionnel français dans le secteur ferroviaire. En particulier, la gestion des sillons doit être réformée et simplifiée. Qu'en est-il du cadencement en France ? Suivra-t-on le modèle suisse ? Comment peut-on améliorer l'organisation des travaux sur le réseau ? Après la création de deux salles de marché et le projet fenêtres 2012, quelles sont les actions que vous prévoyez pour améliorer techniquement la gestion des sillons ? Souhaitez-vous à terme qu'un établissement public unique spécifique gère l'ensemble des services à fournir aux entreprises ferroviaires, en distinguant clairement les fonctions régaliennes de gestion du réseau et les fonctions assurées par les opérateurs commerciaux ? Enfin, que pensez-vous de la proposition de Guillaume Pepy de fusionner les réseaux ferroviaires français et allemand ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

Je remarque au préalable que lorsque nous disposions d'un système ferroviaire intégré en France, on ne se posait pas toutes les questions que l'on se pose aujourd'hui. Le système ferroviaire aux États-Unis ou au Japon est beaucoup plus simple qu'en Europe. Je vous laisse en tirer les conclusions que vous voudrez. Quant à moi, vous savez ce que je pense de la libéralisation du secteur ferroviaire en Europe...

La dette colossale de RFF a des conséquences très négatives. Quand les taux d'intérêt augmentent, RFF a du mal à trouver les financements nécessaires, même si sa notation financière demeure inchangée. Si RFF ne pouvait plus refinancer sa dette, ce serait la catastrophe. Je constate, en outre, que malgré les efforts réels pour régénérer le réseau depuis 10 ans, le rythme actuel demeure insuffisant pour arrêter le vieillissement du réseau et se conformer aux préconisations du fameux rapport de l'école polytechnique de Lausanne de 2005. Enfin, j'observe que beaucoup voient dans les partenariats publics-privés la panacée au désengagement financier de l'État. Je regrette que les collectivités territoriales soient de plus en plus sollicitées. Surtout, le Gouvernement de Villepin a privé l'État d'une ressource financière pérenne en privatisant les sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroute. Je rappelle, à cet égard, que le budget des transports a baissé de 6 % dans le projet de loi de finances pour 2011, ce qui risque de diminuer les ressources de RFF. Quant à la fusion des réseaux ferrés français et allemand, je n'ai pas d'avis définitif sur la fusion mais je souhaite connaître le sentiment du président de RFF sur cette question.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Je souhaite aborder avec vous un problème local qui revêt une grande importance à mes yeux. Alors que le contournement ferroviaire Nîmes-Montpellier est acquis et que la section à grande vitesse Perpignan-Figueras vient d'être inaugurée, le chaînon Perpignan-Montpellier reste absent de la carte des liaisons à grande vitesse. Depuis 1990, on nous promet de réaliser ce projet... Où en est-on sur l'étude préalable à l'enquête d'utilité publique ? Quand sera mis en place ce chaînon manquant ? Quelle sera la participation financière de l'Union européenne ? Mon collègue sénateur Marcel Raynaud et moi-même sommes très mobilisés sur ce dossier, qui est essentiel pour l'avenir de nos territoires. Parmi les nombreux tracés actuellement à l'étude, nous devons retenir celui qui réponde aux préoccupations environnementales des riverains, qui limitent l'impact économique sur les vignobles et qui tiennent compte de la problématique des zones inondables. Enfin, je souhaite que la nouvelle gare TGV soit située dans l'Aude, car cet emplacement serait cohérent avec le futur axe Narbonne-Toulouse.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Nous ne devons pas céder au catastrophisme, mais pour les voyageurs la situation est préoccupante. Dans ma région, de nombreux usagers mécontents de la SNCF se sont réunis au sein d'une association au nom emblématique : « les naufragés du TER ». Comment répondre à leur mécontentement ? Quant au fret, il se porte de plus en plus mal. Quel est le montant de la dette actuelle de RFF et à combien s'élève la charge annuelle ? S'agissant de la rénovation des voies, vous régénérez en moyenne 1 000 kilomètres de voies par an, contre 500 kilomètres par an il y a peu encore. Ce rythme est-il suffisant pour arrêter le vieillissement de notre réseau ? A long terme, les travaux auront un impact positif sur le fonctionnement du réseau mais, à court terme, ils provoquent des retards et des perturbations évidentes. La loi dite Grenelle I prévoit la réalisation d'un grand nombre de lignes à grande vitesse. Compte tenu de la dette de l'État et de RFF pourra-t-on réaliser cet ambitieux programme ? Ne serons-nous pas amenés à faire des choix et à établir des priorités ? En matière de fret ferroviaire, nous souhaitons créer un réseau orienté fret. C'est une bonne chose, mais le fret ferroviaire en France connaît un manque de fiabilité très pénalisant. En Grande-Bretagne, pays pourtant décrié par de nombreux commentateurs, la régularité en matière de fret est de 99 %. Cette comparaison doit nous interpeller, même si le réseau britannique est plus petit que le nôtre. En outre, j'observe que le niveau de sécurité du réseau outre-manche est le meilleur d'Europe, alors qu'il était particulièrement alarmant dans les années 80-90. Le transport routier coûte 50 % moins cher que le transport ferroviaire, qui n'est pertinent qu'au-delà de trajets supérieurs à 300, voire 500 km, sauf pour quelques produits comme le transport des matières dangereuses. Comment peut-on, selon vous, relancer l'activité du fret ferroviaire en France ? RFF bénéficie-t-il des moyens de ses ambitions ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Deneux

Pouvez-vous rappeler la structure actuelle de la dette de RFF ? Quant au partenariat public-privé, j'observe que RFF a signé récemment un important contrat pour développer le GSM Rail.

Debut de section - PermalienPhoto de Mireille Schurch

Selon RFF, 15 000 km de voies ne sont utilisés que par 10 % des trains en circulation. Quelle politique allez-vous mener sur cette partie du réseau a priori très déficitaire ? Comptez-vous mettre en place une péréquation entre cette partie sous-utilisée du réseau et l'autre partie plus fréquentée ? J'observe que la Cour des comptes a critiqué la politique d'investissement de RFF, qui a donné la priorité au développement du réseau plutôt qu'à sa régénération. Dès lors, comment peut-on requalifier la partie du réseau peu utilisée ? J'en viens maintenant au schéma national des infrastructures de transports (SNIT). Ce document met en oeuvre les engagements du Grenelle de l'environnement. Quel est votre sentiment sur ce document ? La ligne à grande vitesse reliant Paris, Orléans, Clermont-Ferrand et Lyon, également appelée POCL, est indispensable pour aménager le territoire national et désenclaver le Massif central, aujourd'hui délaissé par le maillage à grande vitesse. Le récent rapport de notre collègue député, M. Michel Voisin, sur la libéralisation du transport ferroviaire en Europe, a indiqué que le TER était devenu un outil incontestable et performant de l'aménagement du territoire, mais que paradoxalement il n'était pas soumis à appel d'offre. Qu'en pensez-vous ? Ne serait-il pas plus pertinent de confier à l'ARAF plutôt qu'à la DCF la mission de gérer les statistiques en matière de régularité des trains ? Enfin, je doute fort que les intempéries que nous avons connues l'an passé aient été sans commune mesure avec celles des années précédentes...

Debut de section - Permalien
Hubert du Mesnil

Je tiens au préalable à faire deux remarques : d'une part, gardons-nous de dresser un tableau apocalyptique de l'état du réseau ferroviaire français. Pensons à l'impact psychologique de tels propos sur les acteurs du monde ferroviaire, qui risquent de se sentir accablés par les critiques en tout genre. Nous devons trouver le ton juste. Nous avons eu de bons chiffres l'an dernier en termes de sécurité. Il n'y a eu aucune victime à cause des intempéries de neige en France ! Nous avons connu des difficultés sérieuses en 2010, mais nos voisins ont également été confrontés à des difficultés similaires. D'autre part, je pense que nous devons éviter les polémiques et les anathèmes. Nos concitoyens détestent cela. RFF s'est toujours montré solidaire de la SNCF quand elle était critiquée. Nous devons agir sereinement, dans la limite de nos compétences respectives. J'en viens à la question du fret. Fret SNCF doit réduire la voilure afin de résorber ses pertes de 500 à 600 millions d'euros par an. L'entreprise historique a arrêté rapidement de nombreux contrats de transport de marchandises, qui n'ont pas tous été repris par les concurrents privés. Du coup, le trafic total de fret ferroviaire n'a pas augmenté en 2010. Je crois qu'il était effectivement nécessaire d'assainir la situation du fret SNCF, et que nous observerons prochainement une reprise de la croissance de l'entreprise historique ainsi que la poursuite de la montée en puissance de ses concurrents. N'oublions pas que les concurrents du fret SNCF ont dépassé il y a un mois la barre de 20 % du trafic total de fret ferroviaire. Il existe des gisements de production importants. Pensez que seuls 10 % des marchandises du port du Havre sont acheminés par voie ferroviaire ! La qualité de nos sillons ? Elle n'est pas au rendez-vous. Et je l'assume. Nous sommes aujourd'hui en situation de crise. L'ARAF l'a pointé du doigt dans son avis du 2 février dernier, et l'École Polytechnique de Lausanne avait précédemment mis en exergue trois faiblesses dans la gestion de nos sillons : le cadencement n'était pas suffisamment développé, l'organisation des travaux était défaillante, et le travail des horairistes, partagés entre la SNCF et RFF, était perfectible.

S'agissant du cadencement des horaires, nous avons commencé ce vaste projet il y a maintenant 4 ans en Rhône-Alpes, afin de nous mettre au diapason du reste de l'Europe. Personne ne peut raisonnablement s'y opposer, mais comment le mettre en place concrètement ? Je pense que cette mise en place doit être progressive, on est aujourd'hui à mi-parcours. Nous avons 5 ans devant nous pour l'achever. Le réseau français ne sera jamais totalement cadencé, car un tel objectif serait hors de portée. D'ailleurs le cadencement n'aurait guère de sens sur les lignes à faible trafic. J'avoue que nous avons peut-être voulu, à RFF, aller un peu trop vite. Les régions ont demandé à avoir un peu plus de temps devant elles, d'autant que beaucoup de travaux sur les voies sont programmés. Quant à l'organisation des travaux, justement, nous devons davantage les anticiper, les rationaliser, choisir des dates opportunes et mieux informer les usagers. L'idée fondamentale est de regrouper, au moins un an à l'avance, tous les travaux sur une même ligne : par exemple les travaux d'entretien, le renouvellement des caténaires, du ballast, etc.

Par ailleurs, l'exemple suisse nous montre qu'il serait utile de regrouper les bureaux horaires de RFF et de la SNCF. La création, en à peine une année, de la DCF, qui regroupe 14 000 personnes, est un progrès indéniable. C'est pourquoi j'ai proposé, a minima, que les horairistes de la DCF et de RFF travaillent sur un même plateau. Il faut en outre veiller à l'indépendance de la DCF. Actuellement, RFF fait le plan général des horaires, en quelque sorte, tandis que la SNCF fait le plan de détail. Mais cette répartition des rôles est source de désaccords. D'autant plus que les outils informatiques utilisés par les uns et par les autres sont différents. Je suis convaincu que le simple rapprochement physique et informatique des personnels chargés de la conception des horaires apporterait un mieux. J'ai suggéré à la SNCF et à la DCF de procéder à ce regroupement.

Méfions-nous de la publicité donnée au débat académique sur les structures idéales en matière ferroviaire. En mettant en doute la pérennité des structures actuelles, on créé un risque de déstabilisation. Pour les personnels, il en résulte soit la peur, soit la tentation de l'inaction. Alors qu'il est certain que des progrès immédiats peuvent être réalisés sans modification des structures.

En ce qui concerne la régénération des voies, nous sommes remontés à un rythme de 1 000 kilomètres de voies par an après être tombés à 400 kilomètres. Est-ce suffisant ? Pas tout à fait. Le vieillissement du réseau est ralenti, mais il continue. Entre 2000 et 2007, l'âge moyen des voies s'est accru de cinq ans. Depuis 2007, il n'a augmenté que d'un an et demi. Notre objectif est d'arrêter ce vieillissement, puis d'engager le rajeunissement du réseau. L'effort de rénovation devrait permettre une stabilisation du vieillissement à l'horizon 2015, puis un rajeunissement à l'horizon 2020. Le coût d'entretien devrait diminuer en conséquence.

La question est de savoir si nous en aurons les moyens. En 2011, l'effort de rénovation a dépassé, pour la première fois dans l'histoire de RFF, les autres dépenses d'investissement : 1,8 milliard d'euros y ont été consacrés, sur un total de 3,2 milliards d'euros d'investissements. Toutefois, nous ne sommes pas certains de pouvoir continuer à ce rythme, car il manque un milliard d'euros par an, soit la différence entre 5,5 milliards d'euros de recettes et 6,5 milliards d'euros de coût total du réseau. L'alternative est simple : soit l'on réduit l'effort de rénovation, soit l'on s'endette. Ma position est qu'il ne faut surtout pas arrêter cet effort d'investissement, qui mérite d'être poursuivi pendant au moins dix ans. Nous avons réussi à abaisser le coût moyen de la rénovation à un million d'euros par kilomètre, à comparer à un coût de 15 à 20 millions d'euros par kilomètre pour la construction d'une ligne à grande vitesse.

RFF a réussi à traverser la crise financière internationale sans difficulté. Nous nous sommes adressés à d'autres établissements financiers que les banques. RFF est adossé à l'État, dans un pays où les infrastructures ont une bonne image internationale, et nous avons émis des obligations. C'est ce qui nous permet de bénéficier d'une notation triple A. Mais une dégradation demeure toujours possible, et la hausse des taux d'intérêt va s'accentuer. RFF dépense 1,2 milliard d'euros par an pour les intérêts de sa dette.. Alors que sa dette d'origine s'élevait, en 1997, à 20 milliards d'euros, la dette supplémentaire, qui s'élève à 8 milliards d'euros, a été consacrée au financement de projets rentables, qui doivent donc en permettre le remboursement. Le problème pour nous est la gestion de la dette historique.

Nous avons une collaboration croissante avec nos homologues allemands, qui savent particulièrement bien programmer leurs travaux. Nous avons des partenariats avec DB Netz, alors que nos contacts étaient quasi inexistants il y a deux ans encore. Peut-on aller au-delà ? Là aussi, je dirais que l'essentiel, dans un premier temps, n'est pas de mettre en avant les questions de structures, mais de mettre du lien entre les personnes.

S'agissant des lignes à grande vitesse, il ne revient pas à RFF de décider de l'opportunité des projets. S'il y avait toutefois un choix à faire, je souhaiterais que l'on donne la priorité à la rénovation plutôt qu'au développement du réseau. Il me paraît opportun de mixer les partenariats public-privé et les projets classiques. L'expérience des PPP peut faire évoluer la conception des projets. Comparons ensuite les résultats avec pragmatisme.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

Nous ne disposerons des résultats que dans cinquante ans !

Debut de section - Permalien
Hubert du Mesnil

Nous avons déjà un premier rendez-vous en décembre prochain avec le TGV Rhin-Rhône. Je suis convaincu que tous les grands axes de lignes à grande vitesse européens vont se faire. Par exemple, je ne doute pas que nous ferons le bouclage vers l'Espagne par le Sud Est et par le Sud Ouest, parce que ces lignes sont soutenues par l'Union européenne.

En ce qui concerne la péréquation, j'estime qu'il est de la responsabilité de RFF d'organiser une forme de mutualisation. Un établissement public national a la responsabilité de contribuer à l'aménagement du territoire. C'est pour cette raison que nous augmentons les péages sur les lignes à grande vitesse. Alors que nous enregistrons une diminution des subventions, il n'y a pas d'autres solutions pour moderniser le réseau secondaire. Mais on ne s'en sortira pas si l'on ne parvient pas à faire fonctionner de manière plus économique les lignes du réseau secondaire, où la vitesse de circulation doit être comparée à la route.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Quand les Français sont exaspérés par les dysfonctionnements ferroviaires, ils ne s'adressent pas à RFF, mais se tournent vers les présidents de régions, au moins en ce qui concerne les retards des TER. Le cadencement nous a coûté cher, 25 à 30 millions d'euros pour la région Bourgogne. Et la SNCF n'a pas les moyens de tenir ses engagements. Il en résulte un grand désenchantement. Nous allons vers une diminution de l'offre des trains cadencés, qui ne sont pas assez fréquentés.

De grâce, n'augmentez plus les péages, parce que nos recettes, elles, demeurent constantes. Nous devons aujourd'hui arrêter les lignes à grande vitesse expérimentales : Dijon-Le Havre via Roissy, parce qu'elles coûtent trop cher à la région. Vous nous dites aussi que l'on va réaliser la liaison Rhin-Rhône. Mais l'on m'a indiqué que la branche Est vers Mulhouse et Dijon ne se fera pas immédiatement, parce qu'il n'y a pas de PPP. On va donc tout arrêter, alors que les études sont faites, les terrains achetés et que les régions concernées sont prêtes à payer leur part.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

RFF a connu de mauvais résultats en ce qui concerne la qualité du service. Je le vis quotidiennement, en tant qu'utilisateur de l'une des douze lignes les moins performantes de France, celle qui relie Chartres à Paris. Je comprends bien votre souci de ne pas vous renvoyer la balle avec la SNCF. Mais la confusion des responsabilités n'aide pas les utilisateurs à y voir clair : ils ne peuvent que constater les retards.

Dans notre département, nous avons envie de rénover les voies, de mettre en place des cadencements, un réseau étoilé, sachant que les prévisions nous feraient passer de 10 000 passagers par jour à 20 000 dans cinq à dix ans. Mais dans l'état actuel des lignes, nous allons droit à la catastrophe.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fouché

Les contraintes pesant sur RFF sont très fortes. L'endettement s'accroît, alors que les recettes sont réduites. Alors que chacun veut sa ligne à grande vitesse, je ne vois pas d'autre solution qu'un endettement de nécessité.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémy Pointereau

J'ai cru comprendre que la réalisation de nouvelles lignes à grande vitesse n'était pas la priorité pour la SNCF. Vous nous dites que vous réaliserez les projets au rythme que l'on vous indiquera. Mais le nerf de la guerre demeure le financement. Je ne vois pas comment faire sans recourir massivement aux PPP. Quel est le potentiel dans ce domaine d'ici 2020 ? Ce n'est pas la peine de faire rêver inutilement les acteurs économiques et les décideurs politiques qui soutiennent tel ou tel projet de ligne à grande vitesse. Dites-nous clairement quelle est la situation et votre position sur le sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Boyer

Considérez-vous que vous disposez d'un service d'intervention performant en cas de panne ? Quand un problème technique se pose, il faut de longues heures pour lui apporter une solution. Un service de proximité ne serait-il pas plus efficace ?

La stratégie commerciale de la SNCF me semble souffrir de faiblesses. Les points forts comme la sécurité, la moindre pollution, la convivialité pour les voyages en groupes sont insuffisamment valorisés.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Vous n'avez pas évoqué la question du point de chute de la branche sud de la liaison Rhin-Rhône : s'agira-t-il d'une ligne mixte, comme le voudrait RFF, ou d'une ligne à grande vitesse uniquement pour les voyageurs, comme le voudrait la SNCF ? Y'a-t-il ici un désaccord entre la SNCF et RFF, qui pourrait expliquer le blocage du dossier ? Par ailleurs, des discussions sont engagées avec la Suisse pour le Lyria, à l'horizon 2014, qui pourraient déboucher sur une réduction des dessertes de la Franche-Comté. Est-ce la SNCF ou RFF qui est compétent pour conduire ces discussions ?

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Godard

La ligne Paris-Orléans-Clermont-Lyon est vitale pour le bassin clermontois. Elle fait partie du programme complémentaire prévu par le SNIT, au-delà des 2 000 kilomètres de lignes prioritaires. Si ce programme prioritaire prend du retard, cela signifie-t-il que ce programme complémentaire prendra également du retard en conséquence ?

Le massif central est relié à Paris par une ligne traditionnelle, qui a connu beaucoup de problèmes ces derniers mois. Nous ne pouvons pas espérer de ligne à grande vitesse avant 15 ans. Que fait-on en attendant pour la ligne existante ? Il y a bien eu un effort pour porter la vitesse de circulation à 200 kilomètres heures sur quelques dizaines de kilomètres. Les attentes sont importantes en matière de confort et de fiabilité.

Vous nous avez dit que le coût de fonctionnement du réseau s'accroît. Quelles en sont les raisons ? Est-ce dû au vieillissement des voies ?

Debut de section - Permalien
Hubert du Mesnil

Je comprends l'attitude des régions quant au financement et la qualité de service des TER. Il faut veiller à ce que le cadencement n'engendre pas une hausse de la demande de TER.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Les régions sont en partie responsables de la situation actuelle. J'observe, par exemple, que le TER entre Dijon et Lyon passe toutes les heures et ne transporte parfois que quelques passagers. Quel est l'impact environnemental et le coût financier d'une telle politique de transport ?

Debut de section - Permalien
Hubert du Mesnil

Quant à l'évolution des péages ferroviaires, je ne souhaite pas polémiquer. J'observe simplement qu'il revient à l'ARAF de donner un avis conforme sur ces péages et donc d'être le bon arbitre. En outre, RFF est favorable à la baisse des péages ferroviaires pour les TGV dits « transversaux » car ces lignes sont plus difficiles à rentabiliser.

Ne nous méprenons pas sur les partenariats publics-privés. Ils s'accompagnent souvent de subventions publiques importantes. En règle générale, il faut entre 60 % et 80 % d'argent public pour un projet LGV. Qu'un projet soit réalisé sous forme de PPP ou de maitrise d'ouvrage classique importe finalement peu, la question fondamentale demeure la part de l'argent public, qu'il vienne de l'État français, des collectivités territoriales ou de Bruxelles.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Grignon

D'où l'intérêt de mettre rapidement en place la taxe poids lourds.

Debut de section - Permalien
Hubert du Mesnil

En vérité, le principal intérêt du recours aux PPP est de permettre à RFF de mener plusieurs projets de LGV en même temps. Aujourd'hui, trois PPP ont été lancés, et un projet est piloté en maitrise d'ouvrage directe par RFF. S'agissant du projet POCL, RFF va s'impliquer pour que le débat public sur ce projet soit un succès, tout en restant dans sa sphère de compétence.

A titre personnel, je me félicite que l'État ait endossé le rôle d'autorité organisatrice de transport pour les trains d'« équilibre du territoire ». Concrètement, l'État est désormais chargé du devenir de quelque 50 lignes de train Corail qui étaient jusqu'alors en situation de perdition... Il s'agit d'une bonne décision politique, qui oeuvre efficacement pour l'aménagement du territoire.

Je reconnais que nous devons renouveler nos efforts en matière de réactivité de nos équipes pour faire face aux intempéries et autres problèmes du réseau. Nous devons diminuer le temps d'intervention en cas de dépannage, et nous y travaillons avec la DCF et SNCF Infra.

Les coûts d'entretien du réseau augmentent trop vite. Cette évolution renvoie au vieillissement du réseau depuis 30 ans, à l'intégration du surcoût des retraites des cheminots et à la productivité insuffisante de la branche SNCF Infra en charge de l'entretien du réseau. Cette branche compte aujourd'hui 40 000 cheminots. Je pense, sans empiéter sur les compétences de la SNCF, que l'on pourrait faire mieux avec moins de personnes. Un cercle vertueux pourrait être enclenché entre RFF et SNCF Infra : RFF s'engagerait à investir massivement et régulièrement dans la régénération du réseau en contrepartie de gains de productivité de SNCF Infra.

S'agissant du projet de LGV Rhin-Rhône, la question de la mixité de la nouvelle branche n'est toujours pas tranchée et demande des approfondissements. Ne perdons pas de vue que sur les lignes à faible rentabilité, il faut trouver des moyens de faire circuler beaucoup de trains. La mixité de la ligne peut être un moyen parmi d'autres de rendre un projet rentable et d'éviter qu'il soit simplement abandonné.

Quant à la ligne Corail actuelle Chartres-Paris, qui fait partie des 12 lignes jugées prioritaires par Guillaume Pepy, RFF s'engage naturellement à aider la SNCF pour répondre aux attentes des usagers.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

Le cadencement est une bonne solution pour RFF. Ceci dit, dans certaines régions, le réseau est saturé. Il faut donc améliorer la gestion du réseau dans les territoires congestionnés, comme l'Île-de-France ou la région lyonnaise.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Je vous remercie pour votre intervention qui nous a éclairés sur l'évolution souhaitable de la DCF, de la SNCF Infra et sur la coopération entre les gestionnaires de réseaux en Europe. A moyen terme, il faut augmenter la transparence pour que RFF assume pleinement ses responsabilités de gestionnaire de l'infrastructure ferroviaire. Des décisions politiques devront être prises pour assurer le financement des besoins issus du Grenelle de l'environnement.