Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

Réunion du 25 juin 2008 : 2ème réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • appréciation
  • chine
  • evoquant
  • pauvreté

La réunion

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Debut de section - Permalien
Eckhard Deutscher, président du Comité d'aide au développement (CAD) de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)

Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de M. Eckhard Deutscher, président du Comité d'aide au développement (CAD) de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

a tout d'abord souligné la nécessité, pour le CAD, d'une communication accrue et d'une coopération plus étroite avec les Parlements. Il a indiqué qu'il s'était exprimé récemment devant des parlementaires en Allemagne, au Portugal, en Finlande et au Royaume-Uni.

Il a ensuite rappelé que le Comité d'aide au développement (CAD) évaluait le système d'aide de ses membres et concentrait ses travaux sur la question de l'efficacité de l'aide. Le CAD se livre, tous les quatre à cinq ans, à un « examen par les pairs » du système de coopération au développement de chacun de ses membres, avec l'objectif d'une amélioration des pratiques de l'ensemble de la communauté des bailleurs.

Il a indiqué que le CAD avait ainsi procédé, le 6 mai 2008, à l'examen de l'aide française, dont les deux examinateurs étaient la Suède et le Royaume-Uni.

Evoquant ensuite les principales conclusions de l'examen, il a tout d'abord souligné que la France était l'un des acteurs-clé de la communauté internationale en matière de coopération au développement. Outre ses efforts en faveur de la paix et de la sécurité, la France a joué un rôle moteur sur la scène internationale dans des domaines tels que le financement du développement, le soutien aux Etats fragiles ou la protection des biens publics mondiaux. Elle a également développé une approche innovante sur l'échelon régional. Pour des raisons historiques, la France entretient des liens étroits avec de nombreux pays partenaires, liens qui s'expriment en termes politiques, économiques et culturels, mais aussi dans les différents aspects de sa coopération, qui associe aide au développement, coopération monétaire ou encore coopération militaire. La France peut articuler ces différentes approches impliquant des acteurs variés. Le rôle de la France au sein de l'Union européenne et son statut de membre permanent du Conseil de sécurité lui confèrent à la fois plus de poids et une responsabilité particulière.

a rappelé que de nombreuses conférences internationales avaient été organisées au cours des huit dernières années sur la question du développement.

Les engagements pris à New York, en 2000, sur les objectifs du millénaire pour le développement, qui consistent notamment à réduire de moitié la pauvreté monétaire d'ici à 2015, ou à Monterrey, en 2002, concernant le financement du développement ou encore à Paris, en 2005, sur l'efficacité de l'aide, ainsi qu'au cours de différentes réunions du G8 sont des enjeux croissants pour tous les acteurs de l'aide au développement. Politiquement, il est indispensable d'investir davantage dans la réalisation des objectifs du millénaire pour le développement.

a ensuite indiqué que l'aide publique au développement française (APD) s'établissait, en 2007, à 9,94 milliards de dollars, plaçant la France au troisième rang des pays membres du CAD. Ce montant est inférieur à celui de 2006 et la part de l'APD dans le revenu national, de 0,47 % en 2006, est tombée à 0,39 % en 2007, ramenant la France au 11e rang des pays du CAD. La France a récemment reporté son engagement d'atteindre 0,5 % du PIB en 2007 et 0,7 % en 2012 pour s'aligner sur l'objectif défini au sein de l'Union européenne d'atteindre 0,51 % en 2010 et 0,7 % en 2015.

Ces statistiques sur l'aide ne sont pas seulement des chiffres, a poursuivi M. Eckhard Deutscher, elles ont un impact politique très important et témoignent de la capacité ou non à tenir les promesses. Il a ainsi témoigné des attentes très fortes qui s'expriment dans les pays partenaires et des tensions qui se font jour sur ce sujet, alors que le paysage de l'aide, marqué par les nouveaux donneurs provenant des pays émergents, dont les mécanismes sont moins complexes, et qui tiennent leurs engagements financiers, est en train de changer. Il a admis les responsabilités des ministres des finances, tout en soulignant que dans un monde globalisé, l'aide n'était plus de la charité, mais une décision stratégique à prendre pour défendre nos intérêts.

La critique principale adressée à l'aide française est sa fragmentation. Le système comprend plusieurs ministres et agences. Dans une telle organisation, il est essentiel d'avoir un niveau unique de pilotage stratégique. Or, la France ne dispose pas d'un document de présentation de sa politique de coopération qui définirait ses objectifs de moyen terme et sa stratégie. La mise en oeuvre de la loi organique sur les lois de finances offre une occasion de rendre l'aide publique au développement plus transparente et plus équilibrée. Un pilotage stratégique, concentré sur la lutte contre la pauvreté, reste à élaborer. Il permettrait aux différents acteurs de coordonner plus étroitement leur action et de déterminer plus clairement l'allocation des ressources humaines et financières en fonction des pays et des secteurs. Le CAD encourage la France à concentrer davantage son aide sur les pays les plus pauvres et les Etats fragiles afin de renforcer son impact. Elle devra veiller à préserver l'équilibre entre dons et prêts.

Le CAD encourage la France à impliquer davantage le Parlement et la société civile dans un dialogue stratégique national. La capacité du Parlement à disposer d'une vue globale et à évaluer la politique étrangère a été renforcée, en 2006, par l'entrée en vigueur de la LOLF. La création d'une délégation parlementaire à la coopération serait ainsi utile pour susciter un débat au-delà des questions budgétaires et examiner les orientations stratégiques de la politique de développement, y compris leurs implications multilatérales. Ceci est d'autant plus nécessaire que le Parlement, par son travail législatif, joue un rôle décisif pour favoriser la cohérence des politiques nationales sectorielles avec la politique en faveur du développement. La cohérence dépasse largement la seule politique de coopération ; elle est essentielle à l'efficacité et à la pertinence de l'aide française.

En dépit des réformes conduites depuis 1998, le système institutionnel reste complexe avec un grand nombre d'acteurs et trois institutions-clé, la direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID), la direction générale du trésor et des politiques économiques (DGPTE) et l'Agence française de développement (AFD). Depuis 2007, le ministère de l'immigration est également compétent et s'ajoute à l'édifice des ONG, des instituts de recherche et de la coopération décentralisée. Les procédures sont complexes et différentes d'un acteur à l'autre. Les coûts de transaction sont élevés, ce qui n'est, au demeurant, pas propre à la France.

Faisant part de son expérience au sein de la Banque mondiale, M. Eckhard Deutscher a souligné le caractère décisif de la volonté politique pour sélectionner les programmes, réduire la dispersion et concentrer les financements.

Evoquant l'expertise technique, il a considéré que son avenir serait lié aux demandes formulées par les partenaires, et non aux propositions des bailleurs. Il a rappelé que la communauté des bailleurs comprenait quelque 280 agences d'aides, 24 banques de développement, 242 programmes multilatéraux, alors que de nouveaux donneurs, parmi lesquels les fondations américaines, émergeaient.

Il a estimé, en conclusion, qu'il n'existait pas de modèle unifié de développement dans un environnement en constante évolution et que les Etats devaient avoir leur propre politique, le Gouvernement français devant continuer à jouer un rôle moteur dans ce domaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

a souligné que le volume de l'aide française demeurait très important, même si sa part dans le revenu national décroissait. Il a sollicité l'appréciation de M. Eckhard Deutscher sur l'aide communautaire, l'aide de la Chine et sur la coopération Sud-Sud.

Debut de section - Permalien
Eckhard Deutscher, président du Comité d'aide au développement (CAD) de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)

a considéré que les problèmes rencontrés par l'Union européenne en matière de non-consommation d'une partie des budgets ne tenaient pas à des difficultés conceptuelles, mais à des questions techniques. Il a observé que la Commission avait parfois plus le souci des résultats que les bailleurs nationaux. Pour ce qui concerne la Chine, on ne peut ignorer sa présence dans le nouveau paysage. Il a ainsi indiqué que le CAD avait noué des contacts avec les autorités chinoises, qui avaient une appréciation différente de l'appropriation et de la pérennité de l'aide et une conception différente de ce qui est utile. La Chine considère que les conditionnalités posées par les Européens, par exemple vis-à-vis du Zimbabwe, s'apparentent à de l'ingérence dans les affaires intérieures du pays. La question est de savoir jusqu'où l'on peut aller dans la coopération avec la Chine. Il a indiqué que la Chine avait été ainsi été conviée à l' « examen par les pairs » de la Corée, mais aussi à des travaux sur les statistiques. La mise en cause de la Chine n'est certainement pas la bonne voie ; il faut rechercher les coopérations et ne pas oublier la responsabilité des pays partenaires qui sont signataires des contrats.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Cerisier-ben Guiga

a salué l'exercice de mise en perspective que constitue l'examen des atouts et des faiblesses de l'aide française. Evoquant les objectifs du millénaire pour le développement, elle s'est demandé si l'on ne confondait pas les manifestations apparentes du dysfonctionnement des sociétés, la pauvreté, avec ses causes profondes. Elle a considéré que ces objectifs s'apparentaient à une planification « quasi soviétique », le développement étant le seul domaine où on la pensait encore possible. Elle a souligné que le développement dépendait du dynamisme propre des sociétés et souffrait le plus souvent de l'inadéquation des formes de gouvernement, auxquelles elles sont assujetties. Elle a estimé qu'en Afrique, la démarche de la Chine était de type colonial. Elle s'est interrogée sur les moyens de concentrer davantage l'aide française auprès de l'AFD, puisque la DGCID et le secrétariat d'Etat à la coopération ne disposent pas des outils nécessaires.

Debut de section - Permalien
Eckhard Deutscher, président du Comité d'aide au développement (CAD) de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)

a souligné qu'en dépit des difficultés rencontrées, les objectifs du millénaire constituaient un objectif commun qui ne se résumait pas à la lutte contre la pauvreté. Comprenant la préoccupation d'une planification rigide, il a souligné la complexité du développement, tout en insistant sur la nécessité de la coordination des bailleurs et du partage des tâches. Il a cité l'exemple du Nicaragua, où quelque 40 donneurs différents sont actifs. Il a rappelé que la Commission européenne avait proposé de concentrer, pour chaque pays bénéficiaire, l'intervention de trois organisations ou Etats au plus, sur un maximum de trois secteurs, suggestion qui a été refusée, notamment par les Etats-Unis et le Japon. Il a ensuite considéré que la lutte contre la fragmentation de l'aide française ne trouverait pas sa solution dans la mise en place d'une seule grande agence de développement, mais dans la capacité du Gouvernement à utiliser cet instrument.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

a fait part de son inquiétude face au recul de l'aide au développement. Il a appelé à repenser les rapports internationaux et s'est interrogé sur le rôle des parlementaires dans ce processus.

Debut de section - Permalien
Eckhard Deutscher, président du Comité d'aide au développement (CAD) de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)

a estimé que les Parlements n'étaient pas suffisamment impliqués dans les discussions sur l'APD. Ils peuvent aussi s'impliquer dans le soutien aux institutions des pays en développement. Il a exprimé son accord sur la nécessité de repenser l'ensemble du système, soulignant que le CAD était en train de le faire. Il a fait part de son impression générale, selon laquelle la communauté des bailleurs courait derrière les problèmes au lieu de tenter de prévenir les risques globaux de développement en travaillant collectivement. Il s'agit d'une question de crédibilité politique, le système d'aide doit être beaucoup plus réactif.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Guerry

a déclaré partager l'appréciation de ses collègues sur la Chine. Evoquant les succès rencontrés par le Viet Nam, il a souhaité savoir quels seraient les pays qui pourraient sortir de la pauvreté.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

a souligné que l'OCDE était une organisation internationale qui ne disposait pas de pouvoirs propres, mais dont l'action dépendait de celle des Etats. On ne pouvait pas, par conséquent, lui faire le reproche des carences des Etats membres. Le travail critique conduit par l'organisation renvoie les Etats à leurs propres insuffisances.

Debut de section - Permalien
Eckhard Deutscher, président du Comité d'aide au développement (CAD) de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)

a indiqué que le rôle de l'OCDE était de partager les expériences et d'ouvrir un dialogue qualitatif. Il faut considérer l'aide comme un investissement stratégique et en convaincre les contribuables qui demandent, à bon droit, une utilisation efficace de leur argent.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

a indiqué qu'il était du devoir des parlementaires d'examiner comment les fonds publics sont utilisés et qu'en matière de développement, ils n'y avaient peut-être pas porté toute l'attention nécessaire. Il a estimé que la Commission n'était pas la moins armée pour le faire et qu'elle se devait de tirer les leçons du rapport du CAD.