Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission procède à l'audition de M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012.
C'est notre système de protection sociale qui a permis à la France de mieux résister que d'autres pays à la crise. Dans le cadre actuel de maîtrise de nos finances publiques, nous devons en préserver la pérennité, par une maîtrise responsable des dépenses, tout en maintenant un haut niveau de prise en charge. Avec le PLFSS 2012, le Gouvernement répond à une double exigence de maintien de la solidarité au sein de notre système de protection sociale et de garantie de sa pérennité à travers une gestion responsable de son financement. Cela concerne d'abord notre système de santé et l'assurance maladie. Je parlerai d'abord de la maîtrise des dépenses de santé avant d'évoquer les mesures de recettes.
En 2012, la croissance de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) a été fixée à 2,8 %, ce qui représente 2,2 milliards d'économies par rapport à l'évolution tendancielle des dépenses. Cela nécessite un effort dans tous les champs de l'offre de soins.
Tout d'abord, dans le champ des soins de ville, les actions des caisses d'assurance maladie en matière de maîtrise médicalisée vont se poursuivre, pour produire 550 millions d'euros d'économies.
Concernant le médicament, dont j'assume qu'il s'agit du premier poste auquel des efforts sont demandés, la contribution de l'industrie des produits de santé sera renforcée pour 2012 à hauteur de 770 millions d'euros d'économies : outre le relèvement de certains prélèvements sur lesquels je reviendrai, nous allons en particulier accroître les baisses de prix à hauteur de 670 millions d'euros et favoriser la substitution des génériques pour 40 millions d'euros. Je l'ai dit, nous avons trop de médicaments, trop peu efficaces et trop chers. Une fois n'est pas coutume, je rejoins sur ce point le titre d'un quotidien, Le Parisien - Aujourd'hui en France, sur ce sujet.
Concernant les indemnités journalières (IJ), le PLFSS 2012 harmonisera leurs méthodes de calcul dans toutes les branches - maladie, AT-MP et maternité - en partant systématiquement du salaire net. Cette mesure simplifiera le travail des caisses et des entreprises et elle prépare aussi la déclaration sociale nominative (OSN) qui regroupera l'ensemble des données exigées d'un employeur par les caisses de sécurité sociale. Mais cela va également permettre de réaliser une économie d'environ 220 millions d'euros sur ce poste de dépenses. Depuis 1970, le rapport entre les IJ nettes et le salaire net a fortement augmenté car les prélèvements ont évolué plus rapidement sur les salaires. Je précise que la mesure proposée sera neutre sur les IJ maternité et AT-MP. Il s'agit en fait d'un effort partagé qui, j'en suis bien conscient, se traduira par un relèvement des cotisations pour certaines entreprises.
Pour l'hôpital, la maîtrise des dépenses passe par les contrats de performance conclus avec l'agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (Anap). Ils se poursuivront en 2012 et devraient permettre 150 millions d'euros d'économies. Cela passe aussi par la rationalisation des achats qui représentent, avec 18 milliards d'euros, le deuxième poste de dépenses après le personnel. Les efforts de mutualisation et d'optimisation des achats engagés en 2011 devraient permettre de gagner encore 145 millions d'euros en 2012.
Par ailleurs, le PLFSS 2012 instaurera un mécanisme d'incitation à la performance dans les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (Cpom) sur la base de certains indicateurs de performance, comme le taux d'occupation des salles d'intervention, des salles de scanner ou d'IRM ou le taux de chirurgie ambulatoire.
Enfin, la convergence des tarifs des établissements publics et des établissements privés vers le niveau le plus bas se poursuivra pour la troisième année consécutive, pour un montant de 100 millions d'euros.
Nous maîtrisons les dépenses et, en même temps, l'augmentation de l'Ondam nous permet d'investir pour faire évoluer au mieux l'offre de soins.
Tout d'abord, le PLFSS 2012 propose la création du fonds d'intervention régionale, qui mutualise les crédits sanitaires dans la main des ARS pour les responsabiliser pleinement.
Les cycles conventionnels contribuent à renforcer la relation de confiance avec les professionnels de santé. La convention signée le 21 juillet dernier avec les médecins a généralisé la rémunération à la performance, ce qui consolidera l'amélioration des pratiques et nos objectifs de maîtrise médicalisée En outre, les expérimentations des nouveaux modes de rémunération seront prolongées de deux ans dans ce PLFSS. Ceux-ci permettent de créer une rémunération adaptée aux maisons de santé pluridisciplinaires.
Les négociations conventionnelles avec les pharmaciens libéraux vont débuter. Le PLFSS 2012 propose un cadre conventionnel qui permettra aux pharmaciens d'assumer pleinement leur rôle de professionnels de santé et de restructurer le réseau des officines.
Nous apportons aussi des recettes nouvelles. Les mesures de recettes présentées par le Premier ministre apporteront plus de 4 milliards d'euros à la branche maladie du régime général, dont 1,7 milliard via des mesures inscrites en PLFSS 2012, le reste ayant été adopté dans la loi de finances rectificative pour 2011. Ces mesures amélioreront le solde de la branche maladie du régime général : le déficit s'élèvera à 5,9 milliards d'euros en 2012, contre 12 milliards en tendanciel, soit deux fois moins, ce qui, malgré tout, est une bonne nouvelle pour notre système de santé. Comme l'a montré la commission des comptes de la santé, nous parvenons à maîtriser les dépenses de santé tout en maintenant un haut niveau de prise en charge.
Le reste à charge des ménages a diminué en 2010 pour la troisième année consécutive et représente 9,4 % de la consommation de soins et de biens médicaux. D'après l'OCDE, la France se trouve ainsi à la deuxième place derrière les Pays-Bas. Ce ne sont pas mes chiffres, je ne m'en glorifie pas : c'est simplement la réalité.
Par ailleurs, nous continuons à garantir l'accès aux soins pour les plus modestes. La CMU-c, qui bénéficie à plus de 4,2 millions de personnes, et l'aide au paiement d'une assurance complémentaire santé (ACS) ont prouvé qu'elles étaient des réponses pertinentes. Pour les assurés dont les ressources sont situées juste au-dessus du plafond, le Gouvernement s'est déjà engagé, dans la LFSS 2011, à faciliter l'accès aux plus modestes, en portant le plafond de ressources ouvrant droit à l'ACS à 130 % du plafond de la CMU-c au 1er janvier 2012. Cela permettra de passer de 532 000 à 760 000 bénéficiaires. Je suis d'ailleurs prêt à aller plus loin dans le débat parlementaire.
S'agissant des dépassements d'honoraires qui préoccupent légitimement nombre de patients et d'élus, j'ai toujours dit que, conformément aux engagements pris en 2009 par l'assurance maladie et les représentants de médecins libéraux, et réitérés par la convention médicale signée le 21 juillet dernier, je souhaite que le secteur optionnel soit mis en place dans les meilleurs délais. Je n'ai pas changé de position et je reste déterminé à ce que l'on trouve une solution. Le secteur optionnel constituera un outil d'encadrement des dépassements. Je privilégierai toujours le dialogue, qui est à mon sens la meilleure des voies. Mais si cela n'aboutissait pas, nous agirons. Je préfère la concertation mais je prendrai mes responsabilités.
A la suite des assises du médicament, le taux de la contribution sur le chiffre d'affaires de l'industrie pharmaceutique passera de 1 % à 1,6 %, pour un rendement supplémentaire de 150 millions qui ira au financement de la formation médicale continue de tous les médecins hospitaliers et libéraux.
Enfin, le financement de l'Afssaps sera augmenté de 40 millions d'euros et ne proviendra plus directement de l'industrie pharmaceutique mais de l'assurance maladie. La transparence est, à mon avis, le gage d'un maximum de qualité.
Cette exigence de responsabilité vaut également pour la branche vieillesse, dans la continuité de la réforme de 2010. Dix mois après la publication de la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites et plus de deux mois après son entrée en vigueur effective le 1er juillet dernier, les trois quarts des textes d'application ont été publiés. Le Gouvernement confirme l'objectif de retour à l'équilibre de l'ensemble des régimes de retraite de la branche vieillesse à l'horizon 2018. En 2012, le solde de la branche vieillesse du régime général sera nettement amélioré par rapport au solde tendanciel, soit un déficit prévisionnel de 5,8 milliards. Nous tiendrons l'engagement du Président de la République de revaloriser de 25 % le minimum vieillesse pour les personnes seules au cours du quinquennat. Par ailleurs, la réforme des retraites sera prolongée par des mesures du PLFSS 2012, la principale étant l'amélioration du solde du régime des exploitants agricoles, qui connaîtra un déficit cumulé de 3,8 milliards fin 2011. Pour réduire ce déficit, le Gouvernement prévoit deux volets : une reprise de dette par la Cades, sans allongement de son calendrier d'amortissement, et l'affectation de recettes nouvelles provenant du relèvement prévu du prix des boissons alcoolisées pour 2012 et d'une affectation de droits sur les bières et boissons non alcoolisées.
Quant à la branche AT-MP, si elle reste à l'équilibre c'est, vous le savez, parce que le taux de cotisation a été relevé de 0,1 % à partir de 2011. Cette branche assure le financement des dépenses des fonds spécialisés pour l'indemnisation des victimes de l'amiante dont le montant est reconduit à leur niveau des années précédentes. Vous savez aussi que cette branche contribue à la branche maladie au titre de la sous-déclaration des accidents du travail et maladies professionnelles. Cette contribution sera légèrement revalorisée dans la LFSS 2012, pour tenir compte du dernier rapport de la commission présidée par Noël Diricq. Nous voulons en même temps travailler sur la prévention des risques professionnels et prévenir la pénibilité.
Je terminerai en rappelant que pérenniser notre système de protection sociale, c'est aussi lutter contre la fraude aux prestations sociales et poursuivre les efforts engagés les années précédentes. Le PLFFS 2012 prévoit que les informations déclarées à Tracfin seront désormais transmises aux organismes de sécurité sociale lorsqu'elles ont trait au travail dissimulé. Par ailleurs, nous mettons en oeuvre le répertoire national commun de la protection sociale (RNCPS) - que l'on peut aussi appeler fichier des allocataires sociaux - qui comprend à la fois les données d'affiliation et les prestations servies aux assurés. Il sera pleinement opérationnel à la fin de l'année. Cela permettra d'avoir une photographie complète de la situation d'un assuré social : son régime, sa caisse d'affiliation et l'ensemble des prestations qui lui sont servies. Ce sera donc un outil très efficace pour lutter contre la fraude en repérant les incohérences et les doublons. Nous aurons ainsi une vision complète des prestations versées à l'ensemble des assurés sociaux.
Le dernier point concerne le contrôle des arrêts de travail des fonctionnaires ; l'expérimentation commencée l'an dernier sera prolongée de deux ans.
Telles sont les mesures que propose le Gouvernement pour préserver notre système de protection sociale. Je suis bien entendu à votre entière disposition pour répondre à vos questions.
Le système de santé va mal et fait face à des difficultés croissantes. J'en veux pour preuve les chiffres de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) qui, sans qu'il soit même besoin d'utiliser d'autres sources fournissant des chiffres encore plus élevés, font ressortir que 15 % des Français renoncent à des soins pour des raisons financières et que 60 % des médecins spécialistes appartiennent au secteur 2, c'est-à-dire qu'ils pratiquent des dépassements d'honoraires qui constituent, à eux seuls, 17 % de leur revenu. Certes, il existe des mutuelles mais 6 % de nos concitoyens n'en ont pas et seulement 40 % des assurés sont remboursés de tout ou partie de ces dépassements. Enfin, et c'est un paradoxe, alors que nous n'avons jamais eu autant de médecins, certains territoires en manquent cruellement.
Dans l'attente du débat en séance publique sur le PLFSS, au cours duquel nous reviendrons sur toutes ces questions, je souhaite d'ores et déjà vous soumettre quatre questions.
Quand les ARS auront-elles élaboré le zonage prévu par la loi HPST, tant pour les zones sous-dotées que pour celles qui sont sur-dotées ?
La Cour des comptes n'exclut pas l'hypothèse de mesures plus contraignantes pour la répartition territoriale des médecins libéraux. Elle évoque notamment l'idée de moduler la participation de l'assurance maladie aux cotisations sociales des médecins selon leur lieu d'exercice. Que pensez-vous de cette proposition ? Depuis 2005, les infirmières ont elles-mêmes accepté, dans leur convention, des mesures plus contraignantes consistant à conditionner tout nouveau conventionnement dans une zone sur-dotée au départ d'un professionnel de cette zone. Pourquoi ne pas transposer cette idée aux médecins ?
En ce qui concerne les dépassements d'honoraires, vous avez indiqué que vous misiez sur la création d'un secteur optionnel qui ne concernera que les chirurgiens, les anesthésistes et les gynécologues. Qu'en sera-t-il des autres spécialités telles que la cardiologie, la rhumatologie ou la pédiatrie ?
Vous prévoyez que les médecins s'engagent à pratiquer 30 % d'actes au tarif opposable, dont ceux au bénéfice des assurés CMU-c pour lesquels les dépassements sont de toute façon interdits, ce qui limite la portée de ces 30 %. Il est aussi prévu que les médecins devront limiter le niveau des dépassements sur les autres actes. Or, la formulation retenue par la convention est peu claire. Peut-on savoir comment sera calculé le plafond du dépassement ?
Enfin, je ne peux pas ignorer la question centrale de l'hôpital. La Cour des comptes interpelle, là aussi, le Gouvernement. Si - ce que personne ne peut contester - les modes de gestion doivent constamment s'améliorer, il est indéniable que la situation sociale et financière des hôpitaux est sous tension. Dans ce contexte, le Gouvernement propose, dans ce PLFSS, d'imposer des sanctions financières si les hôpitaux ne respectent pas certains « indicateurs de performance ». Est-ce vraiment utile à un moment où le monde hospitalier est en plein mouvement ?
Plus généralement, il me semble indispensable de prendre le temps de la réflexion sur les modes de financement de l'hôpital et d'arrêter le processus de convergence qui est par ailleurs sérieusement critiqué par la Cour des comptes.
Quand les zonages seront-ils établis ? Pour ce qui est des schémas régionaux d'organisation des soins (Sros), ce sera à la fin de l'année. Mais j'ai dit aux directeurs généraux des ARS que s'ils avaient besoin de quelques semaines supplémentaires, ils pourraient en disposer, l'essentiel étant de ne pas se limiter à des raisonnements trop administratifs. Lorsque l'on regarde les précédents zonages, on se dit parfois que si l'on avait voulu que cela échoue, on ne s'y serait pas pris autrement. A l'approche administrative qui consiste à coller aux limites territoriales, comme par exemple à celles des cantons, je préfère la prise en compte de la logique des bassins de vie.
Concernant les conditions d'installation, j'estime que le système des infirmières n'est pas transposable aux médecins. Le débat important du choix entre liberté ou coercition est récurrent. Ma réponse est simple : je suis pour la liberté. Je suis en effet intimement convaincu que l'on ne doit pas oublier que dans l'exercice libéral, il y a le mot « libéral ». Si tel n'était pas le cas, nous pourrions augmenter le numerus clausus autant que l'on voudrait, il n'y aurait de toutes façons plus de médecins. Ils se diraient en effet qu'après la liberté d'établissement, c'est à la liberté de prescription puis aux conditions de rémunération que l'on risquerait de s'attaquer. Si j'en suis intimement convaincu, c'est que j'en ai parlé non seulement à des médecins mais à des étudiants en médecine. En revanche, rien n'empêche que des contrats librement conclus entre les médecins et la région ou l'Etat ne leur permettent de bénéficier de conditions d'hébergement, d'installation et de rémunération optimales dans certains territoires. Monsieur le rapporteur général, vous connaissez bien la région qui comprend le moins de généralistes par habitant, c'est la nôtre, la région Picardie, et ceci est particulièrement sensible dans la Somme et dans l'Aisne. Or, l'ensemble des actions incitatives qui ont été engagées dans ces territoires commencent à porter leurs fruits même si, c'est vrai, ce n'est pas un revirement brutal. D'après les chiffres, qui ne sont pas les miens mais ceux du conseil national de l'Ordre des médecins, l'an dernier, pour la première fois, le nombre des installations de médecins en milieu rural a été supérieur à celui des départs. D'ailleurs, je crois que l'on assiste aussi à des évolutions politiques sur ce sujet. Par exemple, j'ai cru comprendre que le candidat socialiste était contre la coercition, ce qui ne semblait pas être le cas lors des primaires. On a un peu de mal à s'y retrouver, mais peu importe.
Sur le fond, je crois que l'on n'a jamais donné toutes ses chances à l'incitation en matière d'installation des médecins. C'est ce que je veux faire.
Les trois spécialités concernées par le secteur optionnel sont en fait celles qui contribuent à l'essentiel des dépassements.
Je constate que sur ces sujets, pendant des années, droite et gauche confondues n'osaient pas, par hypocrisie, toucher aux honoraires, laissaient glisser les dépassements et détournaient le regard. C'est le résultat de tout cela que nous avons à payer aujourd'hui. En tout cas, je crois au secteur optionnel et je souhaite vraiment qu'il soit mis en oeuvre.
On me dit que les mutuelles sont de mauvaise humeur. Elles pourraient l'être si nous avions retenu l'option, qui était sur la table, d'une baisse du ticket modérateur afin de diminuer les remboursements. Or, nous avons choisi de procéder à une augmentation des contributions sur les contrats d'assurance responsables. Pourquoi la GMF n'augmente-t-elle pas ses cotisations alors que d'autres mutuelles pratiquent des hausses allant jusqu'à plus de 8 % ? Si j'étais mutualiste, je m'intéresserais aux coûts de gestion de ma mutuelle. Le cliché des « gentilles mutuelles » victimes du méchant Gouvernement est dépassé. J'ai du mal à comprendre que des mutuelles répercutent systématiquement les augmentations sans que leurs assemblées générales ne les interrogent. En tout cas, entre l'intérêt des patients que je porte très haut et la mauvaise humeur des mutuelles, mon choix est fait. Je suis à la recherche de bonnes idées ; celle-là en était une et c'est un sujet sur lequel j'aurai avancé avant la fin de l'année.
Sur l'hôpital, j'entends beaucoup de choses. En fait, l'hôpital est en train de diminuer ses déficits, même si le mouvement est progressif. Je vous rassure, je ne parlerai pas des trente-cinq heures à l'hôpital !
Il faut poursuivre les réformes. L'hôpital doit faire face à des enjeux de modernisation et de restructuration visant notamment à éviter les doublons. Pendant longtemps, on a laissé prospérer les activités sans se demander qui faisait quoi. Aujourd'hui nous disposons d'outils, tels que les communautés hospitalières de territoires ou les groupements de coopération sanitaires, qu'il faut utiliser lorsque cela a du sens. N'est-ce pas la moindre des choses que les hôpitaux soit soumis à des critères de performance quant à leur gestion, comme le sont par exemple les collectivités territoriales ? Au sein des conseils de surveillance des établissements, nul n'échappe à cette nécessité, que son président soit de droite, de gauche, du centre ou d'ailleurs. Plus qu'autre chose, ce sont les déficits qui sont menaçants. Bien entendu, ces critères doivent être adaptés aux spécificités de l'hôpital public et en particulier au fait que l'on y accueille tout le monde. Mais il existe d'importantes marges de progression s'agissant de la réalisation d'économies et ce, non pas sur le dos des patients, mais en faisant l'effort d'organiser les choses autrement. Si l'hôpital n'est pas un navire en perdition, il n'est non plus un hors-bord qui se manoeuvre facilement lorsque l'on cherche à le réorienter.
Quant aux relations entre le secteur public et le secteur privé, elles doivent être fondées sur la complémentarité et non sur la concurrence. Il faut laisser les guerres de religions derrière nous : la logique d'organisation n'est ni de gauche, ni de droite.
La parution d'un sondage sur le renoncement aux soins a fait couler beaucoup d'encre. En fait, les chiffres cités par ce sondage concernaient les soins dentaires et l'optique, domaines dans lesquels on diffère parfois certaines dépenses spécifiques comme la pause d'un bridge ou l'achat d'une monture de lunettes. Mais cela a toujours été le cas ! Et personne n'a jamais entendu quelqu'un refuser d'aller à l'hôpital pour des raisons financières ! Ce n'est pas ça, la France.
Je ne suis pas de ceux qui croient qu'il faille ouvrir un dispensaire tous les cinquante mètres.
Le fameux sondage ne traduit pas une dégradation mais il est certain qu'à force d'entendre répéter le contraire, nos concitoyens ont une réaction que je comprends. Je ne dis pas que tout va bien, mais on ne peut pas dire que tout va mal !
Je souhaite la bienvenue dans notre commission à Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis de la commission des finances.
Le Gouvernement a annoncé que le déficit de la branche maladie serait ramené à l'équilibre en 2015, alors le PLFSS prévoit que celle-ci afficherait toujours, à cette date, un déficit de 2,5 milliards d'euros. Comment s'explique cette différence ? Ma seconde question concerne le dossier médical personnel (DMP). Serait-il possible de faire le point sur sa mise en place ? Dispose-t-on de suffisamment d'éléments pour envisager sa généralisation ? Concernera-t-il tous les médecins ou seulement certains ? Quant aux informations qu'il contient, sont-elles adaptées ?
Concernant le retour à l'équilibre, il faudra continuer à tenir les dépenses, ce que nous faisons pour la deuxième année depuis la fixation d'un Ondam. Cela signifie aussi qu'il faudra, dans les années qui viennent, procéder à des mesures d'ajustements des dépenses et des recettes afin de tenir compte des effets tendanciels liés aux évolutions démographiques et au progrès technologique qui renchérit le coût de certains soins. La croissance économique n'est pas non plus sans incidence comme le montre l'effet de l'augmentation de la masse salariale sur la réduction du déficit. Par ailleurs, les efforts réalisés en matière de maîtrise médicalisée doivent continuer de porter leurs fruits car, de même qu'un traitement ne peut réussir sans les patients, on ne peut réussir de réforme sans les professionnels de santé.
A propos du DMP, n'était-ce pas vous qui étiez ministre lors de sa mise en place ?
En tous cas, si l'on joue sur la qualité, on a une chance de faire des économies mais si, à l'inverse, on part de l'objectif d'économies, il y a peu de chance pour que l'on améliore la qualité. Le nombre de DMP aujourd'hui ouverts est de 30 000 et je suis en mesure de vous communiquer des informations précises région par région. Je ne vais pas tout ramener à la Picardie mais cette région a, par exemple, connu des développements intéressants. Quant aux informations qu'il contient, je vous confirme qu'elles sont bien adaptées, et ce grâce aux nombreuses expérimentations qui ont permis de préparer la mise en place du DMP.
Cela dit, j'ai le souvenir que les experts que j'ai consultés à l'époque, lorsque j'étais jeune secrétaire d'Etat, militaient pour la mise en place d'un système très complexe. On a voulu bâtir une cathédrale. Mon idée première plaidait en faveur de quelque chose de beaucoup plus simple, par exemple une clé USB cryptée remise au patient. Je regrette de ne pas avoir suivi cette voie : nous aurions peut-être aujourd'hui trois, voire trente, millions de DMP opérationnels au lieu de 30 000.
Je vais me concentrer sur quelques questions car nous aurons le temps de poursuivre le débat dans l'hémicycle.
Vous nous avez fait plaisir sur le DMP, permettez de vous rendre la pareille en vous rappelant que Martine Aubry a reconnu que les trente-cinq heures à l'hôpital n'avaient pas été une réussite car elles avaient été mal appliquées. Mais j'insiste sur le fait que toute réforme doit intégrer le fait que l'hôpital public se trouve au centre de notre système de santé et qu'il est contraint d'assurer des urgences non programmées. L'hôpital ne fonctionnera bien que lorsque l'ensemble du système, en amont et en aval, sera bien organisé.
La convergence tarifaire - notre rapporteur général a rappelé ce que la Cour des comptes en pensait - consiste à comparer des choses qui ne sont par comparables. Ce n'est pas cohérent ! Je note d'ailleurs que la Cour ne peut pas contrôler les établissements privés comme elle le fait pour les établissements publics puisqu'il semble que c'est inconstitutionnel. La loi HPST permettra-t-elle de résoudre cette difficulté dans la mesure où elle énonce qu'entre les secteurs public et privé, les missions de service public sont partagées ? Vous avez annoncé que 100 millions d'euros d'économies pourraient être attendus de la convergence tarifaire. Dans quel secteur cela est-il envisagé ? Il est en effet important de ne pas perdre de vue l'existence d'effets de gamme, c'est à dire de la différence qui existe entre les établissements privés qui soignent très bien quelques affections et l'hôpital public qui est tenu de traiter tous les types de pathologies.
Concernant le fonds d'intervention régional, peut-on avoir plus de détails sur son mode d'intervention précisément ?
A propos de l'attractivité médicale des territoires, nous n'avons visiblement pas recueilli les mêmes informations de la part des jeunes médecins. Outre le fait qu'ils sont très attirés - trop peut-être - par la médecine salariée, certains veulent choisir leur lieu d'implantation. Mais les choses ont évolué grâce à l'accompagnement à l'installation qui a été proposé par certains conseils régionaux ou généraux. Alors que cela ne relevait pas de leurs compétences, ces collectivités ont offert aux médecins des maisons pluridisciplinaires dotées d'un environnement technique adapté, ce qui a permis une légère amélioration de la démographie médicale.
Enfin, à propos du reste à charge, j'ai bien entendu les chiffres que vous citiez et qui placent la France en deuxième position derrière les Pays-Bas. Mais sincèrement, dans les régions telles que la Picardie et le Nord-Pas-de-Calais, on rencontre, vous le savez bien, des situations difficiles et ça ne s'arrange pas. Je pense notamment aux personnes qui, bien que présentant certains symptômes, diffèrent leur consultation d'un médecin et laissent donc les choses s'aggraver. On diagnostique ainsi des cancers à un stade avancé, alors qu'ils auraient pu être pris en charge de façon plus précoce.
A propos de la situation de la branche AT-MP, je rappelle que pour la première fois, la Cour des comptes a refusé, en juin dernier, de certifier ses comptes en raison des insuffisances du contrôle interne sur un certain nombre de points tels que les ressources tirées des cotisations des employeurs, la définition des bases assujetties et le taux de cotisation. De plus, en matière d'organisation, les difficultés sont multiples et portent sur la méconnaissance, par les victimes, de leurs droits et de l'origine professionnelle des affections, les pressions des employeurs pour éviter les déclarations, les problèmes d'enregistrement de ces dossiers par les professionnels de santé ou leur non-imputation par les établissements. Qu'envisagez-vous de faire pour réagir à cette situation, sachant qu'il existe vraisemblablement un phénomène de sous-évaluation et qu'une réforme permettrait donc de dégager des recettes nouvelles ?
Je ne reviendrai pas sur le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva) et le fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Fcaata) puisque nous en reparlerons en séance publique, mais je voudrais juste noter que, sur ces sujets, aucune réforme structurelle n'est prévue. Qu'en est-il de la création d'une possibilité de voie d'accès individuelle à la préretraite amiante et d'une harmonisation qui permettrait d'améliorer la cohérence entre les régimes ?
S'agissant de la nouvelle agence nationale de sécurité du médicament appelée à se substituer à l'Afssaps dans le cadre de la réforme que vous avez annoncée, vous envisagez une augmentation de ses ressources. Tiendrez-vous compte des propositions de notre commission portant sur une taxation des produits cosmétiques ? Pour l'avenir, le financement de cette agence sera-t-il pérennisé malgré le contexte de restrictions budgétaires ?
Dans le cadre de cette même réforme, vous prévoyez le renforcement des missions d'évaluation médico-économique de la Haute Autorité de santé. Ne pensez-vous pas qu'il serait aussi utile de renforcer la coopération entre la commission de transparence de la HAS et le comité économique des produits de santé (Ceps) ?
Quant à l'activité constatée des hôpitaux, elle est conforme aux prévisions de l'exercice tarifaire 2011 qui prévoyait une hausse de 2,7 %. Dans ces conditions, le gel de l'enveloppe Migac qui pèse sur les établissements publics est-il toujours justifié ?
La baisse des tarifs 2011 met en difficulté les établissements qui ne peuvent pas compenser son effet sur leur chiffre d'affaires par une hausse de leur activité, d'où un risque d'aggravation des déficits. La T2A a donc des effets contraires à l'intérêt de la santé publique. Ne faudrait-il pas diminuer la part de financement par les ressources tarifaires et peut-être augmenter une ressource de type dotation globale ?
J'attire aussi votre attention sur la situation des cinq mille médecins retraités qui exercent encore, notamment dans des zones sous-dotées, et qui paient des cotisations sociales à fonds perdus.
Enfin, dans la mesure où les hôpitaux ont de plus de plus de difficultés à souscrire des crédits auprès des banques, ne faudrait-il pas envisager la création d'un fonds de mutualisation des financements comme cela est évoqué pour les collectivités territoriales ?
Les travaux de la fédération hospitalière de France (FHF) réalisés encore récemment sous l'autorité de Jean Leonetti, et auparavant sous celle de l'actuel directeur général de l'ARS d'Ile-de-France, évaluaient l'augmentation des dépenses de l'Ondam hospitalier à 3,4 %, soit un niveau sensiblement supérieur à votre prévision de 2,7 %. Je pense que la différence s'explique notamment par la sous-évaluation des dépenses de personnel ou de celles liées aux transports et à l'énergie, pour lesquelles vous semblez prévoir une baisse. Or, je pense qu'il n'y pas d'économies à attendre sur ces postes. Tout cela est un mystère que vous allez sans doute élucider.
L'ensemble des hôpitaux publics est parfaitement conscient de l'exigence que vous résumez à travers le triptyque qualité-performance-efficience. Mais ce qui pose problème, c'est que celui-ci revient toujours à proposer des ajustements portant sur les seules dépenses de personnel. Or, je crois que nous arrivons maintenant à un point dur. L'« industrie » de santé présente une particularité essentielle, celle d'exiger, par définition, que le malade soit encadré par un minimum de personnes. Ces personnels constituent le facteur humain, le supplément d'âme indispensable au soin. Je vous rappelle cela au moment où l'on assiste à des mouvements dans nos hôpitaux, pas seulement à l'AP-HP, mais aussi en province. Il y a des limites aux efforts que l'on demande à l'hôpital public.
Par ailleurs, je pense que la convergence tarifaire ne parviendra pas à résoudre ces problèmes mais qu'elle risque au contraire de les aggraver. Certes, la loi HPST prévoit la création de nouvelles structures telles que le groupement de coopération sanitaire mais une difficulté demeure, tenant à la différence de logique qui subsiste entre les hôpitaux publics et les établissements privés. Les uns reçoivent tous les malades alors qu'on ne pourra pas empêcher les autres de raisonner en termes de profit pour leurs actionnaires, sans que cela soit péjoratif dans mes propos. Enfin, comme l'a évoqué Alain Milon, je confirme que le gel de l'enveloppe Migac s'avère de plus en plus pénalisant, notamment pour l'accomplissement des missions d'intérêt général. Comme j'ai pu le constater il y a quelques jours en tant que patient de base à l'hôpital, la colère gronde parmi les personnels qui se sentent de plus en plus coincés entre les différentes contraintes et ce au détriment de ces missions d'intérêt général. Et quand la colère gronde, les patients sont moins bien pris en charge. J'ai pu le constater aussi bien dans des services d'urgence, de radiologie que de chirurgie.
Monsieur le ministre, avez-vous une idée prospective de l'évolution du numerus clausus dans les années à venir ? Nous avons entendu un certain nombre de propos sur un éventuel excès de médecins formés. Est-ce que vous les partagez ?
Le problème n'est-il pas surtout celui de la pénurie de médecins dans certaines spécialités telles que la gynécologie ? Comment rendre les perspectives plus attractives pour les jeunes dans ces spécialités ?
Vous avez parlé du secteur optionnel, ne concernera-t-il que les spécialistes du plateau technique ou s'étendra-t-il à d'autres ?
Nous appliquerons tout l'accord de 2009, rien que l'accord de 2009.
Par ailleurs, je m'inquiète de la paupérisation des personnels médicaux, notamment dans les hôpitaux généraux. Dans le cadre de la mission d'évaluation qui est aujourd'hui en sommeil, nous avons en effet constaté que dans un certain nombre de départements, il existe une vraie différence d'attractivité des établissements privés par rapport à ces hôpitaux publics. Compte tenu du petit nombre de spécialistes formés, il est vrai qu'il n'y a aucune comparaison possible pour apprécier les perspectives que leur offrent les cliniques privées par rapport à l'hôpital dans plusieurs spécialités, comme la chirurgie. Cela vaut pour les hôpitaux généraux mais aussi pour certains CHU. Quelles mesures envisagez-vous pour remédier à ce problème ?
Concernant les hôpitaux d'une façon générale, les établissements en déficit disposaient d'un plan de retour à l'équilibre (PRE). Est-il possible de savoir quels sont les hôpitaux qui ont respecté ce plan et lorsque ce n'est pas le cas, quelles sont les raisons qui ont conduit à ce non-respect ?
Sur le médicament, qui constitue bien entendu cette année une cible particulière, nous attendons les mesures concernant les génériques et je pense qu'il y aurait aussi une action particulière à mener à propos des conditionnements. Devra aussi être examinée la question des exportations de médicaments effectuées à partir des ordonnances nationales. Ne pourrait-on étudier les moyens d'éviter les pénuries que l'on a vu se produire de ce fait et qui ont affecté certaines spécialités ?
Dans le prolongement de l'intervention d'Alain Milon, je me demande si des produits de santé tels que les pace-makers participeront au financement de la future agence de sécurité du médicament, sachant que ces produits posent des problèmes de facturation particuliers qui se traduisent notamment par des prix exorbitants dès lors qu'ils offrent certaines fonctionnalités.
Enfin, comment allez-vous chiffrer la prise en charge par l'office national d'indemnisation des accidents médicaux (Oniam) de l'indemnisation des victimes du Mediator ?
Je trouve regrettable de n'avoir prévu qu'une heure pour l'audition du principal ministre concerné par le PLFSS.
Ma chère collègue, nous procédons à des auditions de membres du Gouvernement sur le PLFSS depuis ce matin et nous les poursuivons après cette audition. Il me semble en outre que le calendrier a été fixé en fonction des contraintes horaires du ministre.
Je peux rester plus longtemps si vous le souhaitez.
Je serai brève. Ma question portera sur le conditionnement des médicaments. Il n'est par exemple pas normal qu'une prescription pour vingt jours donne lieu à l'achat d'une boîte de médicaments valable pour un traitement de trente ou quarante jours.
Nous avons bien compris que limiter les dépenses publiques était la priorité du PLFSS. Il est certes nécessaire de juguler les déficits mais cela ne réduit pas les inégalités. Ainsi, la part des dépenses de santé prise en charge par l'assurance-maladie régresse au détriment des organismes complémentaires et des assurés, aujourd'hui remboursés à 55 %, voire à 50 %. Un tiers des Français renoncent à des soins, les étudiants étant particulièrement touchés. Que faites-vous pour eux ?
Réduire les déficits suppose de prévenir les risques. La taxe sur les sodas ne fait pas à elle seule une politique de prévention.
Elle ne figure pas dans ce texte mais en loi de finances rectificative.
Que prévoyez-vous pour la médecine scolaire et la médecine du travail ? Quelle politique menez-vous contre la pauvreté et pour l'emploi ?
Mes questions portent sur le départ à la retraite dès soixante ans pour les salariés dont l'emploi est pénible.
La loi impose des négociations, dont le décret d'application a limité le caractère obligatoire aux seules entreprises comptant plus de cinquante salariés, dont au moins la moitié est exposée à la pénibilité. Peut-on admettre des inégalités de traitement entre personnes soumises à un même risque selon qu'elles constituent, ou non, la majorité de l'effectif ? Quelles sont les perspectives d'accord ouvertes par les négociations, sachant que celles-ci devraient aboutir courant 2012 ?
Combien de salariés sont-ils concernés par la retraite à soixante ans, sachant que ceux atteints par une incapacité de 10 % à 20 % par exemple devront avoir subi un risque spécifique pendant au moins dix-sept ans ?
Sur proposition de notre commission des affaires sociales, le Sénat avait créé un comité scientifique chargé d'étudier les conséquences de la pénibilité sur l'espérance de vie, avec ou sans incapacité de travail. Pourquoi le décret d'application n'est-il pas encore paru ?
Enfin, le Gouvernement a voulu créer un comité de pilotage des régimes de retraites (Copilor), chargé de formuler un avis sur les conditions du retour des régimes à l'équilibre. Cette instance a été mise en place mais elle ne s'est pas encore prononcée. Va-t-elle valider les perspectives économiques et financières ?
Monsieur le ministre, il semble que nous n'habitions pas le même pays car sur le territoire que je connais, femmes et enfants se soignent de moins en moins. C'est un phénomène général, nullement spécifique à l'optique et aux soins dentaires, deux domaines où les difficultés sont hélas chroniques. Résultat : on régresse dans le dépistage du cancer. En outre, la malnutrition croissante des enfants provoque des carences alimentaires et les expose à des fragilités ultérieures.
Tout comme Mme Debré, je m'interroge sur le conditionnement des médicaments, qui permet aux laboratoires de s'en mettre plein les poches.
La Cour des comptes a suggéré de moduler la participation de l'assurance-maladie au paiement des cotisations sociales des médecins en fonction de leur lieu d'exercice...
Je n'y suis pas favorable, la situation des infirmières n'étant pas transposable aux médecins libéraux.
Un petit événement a eu lieu récemment : une collectivité territoriale a embauché, comme salarié, un médecin pour travailler dans une maison de santé, où l'on n'avait aucun praticien depuis trop longtemps. Qu'en pensez-vous ?
Enfin, où en sont les coopérations hospitalières de territoire ?
Madame Génisson, le problème des urgences se pose en amont et en aval de l'hôpital ; on ne peut le régler en se focalisant sur le seul hôpital ! Le « plan urgences » a amélioré la situation dans les hôpitaux ; les urgentistes ne demandent pas de personnel en plus, mais une infirmière chargée de trouver une solution en aval.
Le métier n'existe pas. Il faut aussi mettre en place des liaisons informatisées avec les autres services hospitaliers, ne serait-ce que pour connaître les lits disponibles.
Au moment de la canicule, certaines personnes se trouvaient installées dans un couloir après avoir été vues par un médecin, faute de solution d'aval. J'observe à ce propos que la HAS s'oppose, pour des raisons de sécurité, à la séparation des patients par un rideau, alors que ce serait heureux pour leur dignité. On m'accuse déjà d'être interventionniste, je n'irai pas contre la HAS.
J'en viens à la convergence tarifaire. Nous poussons les feux pour les trente-cinq groupes homogènes déjà déterminés. Le secteur privé juge que nous n'en faisons pas assez, le secteur public estime que nous en faisons trop. Nous ne sommes donc pas loin d'une solution équilibrée...
Quant à l'intervention des collectivités territoriales, ce n'est pas la première fois qu'elles agissent en-dehors de leur domaine de compétence, même s'il est vrai que la région est le niveau légitime pour la formation. Certaines collectivités modifient leur plan local d'urbanisme pour lui donner une dimension sanitaire.
Des contrats d'engagement de service public sont déjà signés pour que les étudiants s'installent plus tard en zone sous-dotée, mais je souhaite vivement que les ARS en fassent plus.
Le renoncement aux soins n'a pas toujours une cause financière : il s'agit souvent d'une simple accessibilité. Il faut ainsi souvent plus de six mois pour obtenir un rendez-vous en ophtalmologie dans le Nord-Pas-de-Calais. Certains patients se rendent en Belgique. J'observe à ce propos que les personnes affiliées à la CMU-c sont mieux remboursées pour les soins dentaires que les autres assurés.
La situation la plus difficile concerne les assurés juste au-dessus du plafond de la CMU et de la CMU-c.
Pour améliorer la situation, votez mon amendement sur les complémentaires santé !
Le dépistage insuffisant du cancer du sein n'est pas une question de financement.
En effet !
Monsieur Godefroy, vous connaissez mon engagement à propos de l'amiante. Nous prendrons des dispositions à la hauteur des responsabilités de l'Etat. J'ai beau être un homme politique à la peau tannée par l'expérience, personne n'aime être traité d'assassin.
Le financement de l'agence du médicament par l'assurance-maladie est sans doute préférable sur le plan des principes, mais je ne serai peut-être pas ministre de la santé jusqu'à la fin de mes jours : pour éviter qu'elle ne soit pénalisée lors des arbitrages entre Ségur et Bercy, j'ai proposé une évaluation de la loi sur le médicament.
Au sujet de l'endettement hospitalier, nous voulons qu'un accord-cadre aide les hôpitaux à sortir des emprunts à risque. Une mission sera conduite pour y voir plus clair.
A propos du cumul emploi-retraite, il est exact que les médecins en retraite qui poursuivent leur activité cotisent sans acquérir de droits supplémentaires, ce qui est la règle générale.
La tarification à l'activité (T2A) serait déséquilibrée sans les missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (Migac). Malgré le caractère inflationniste de la T2A, je ne suis pas nostalgique du budget global.
Un rapport au Parlement sur la T2A répondra aux questions posées sur les plans de retour à l'équilibre (PRE).
J'ai réuni des représentants de toute la chaîne du médicament pour examiner les questions liées à l'exportation et l'approvisionnement. Nous sommes sortis du déni, nous ne pouvons accepter la répétition de certaines pénuries. La France est un pays attractif mais lorsqu'on y vient, c'est aussi avec des devoirs.
J'ignore pour l'instant combien de personnes, et pour quel montant, seront indemnisées par les laboratoires Servier.
Monsieur Le Menn, on peut réaliser des économies sur les achats hospitaliers.
Ne prétendez pas qu'il serait impossible d'économiser 150 millions sur 1 milliard !
Le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ne concerne pas la fonction publique hospitalière.
A propos des étudiants, le sujet des remises de gestion aboutira bientôt.
Sur la pénibilité, le premier accord vient d'être signé dans une entreprise comptant plus de cinquante salariés. Plusieurs milliers d'autres sont attendus pour 2012 car la montée en puissance est exponentielle, comme ce fut le cas au sujet des carrières longues après 2003.
Le Copilor a été mis en place courant juin ; des groupes de travail ont été formés en octobre pour élaborer des indicateurs de suivi.
Les maisons de santé et les communautés hospitalières de territoire se mettent en place. Il importe que les structures plus petites ne se sentent pas écrasées.
A propos des médicaments, je crois aux grands conditionnements. La dispensation à l'unité n'est pas une solution. Aujourd'hui, les efforts demandés concernent plus les officines que les laboratoires, alors que ceux qui délivrent les produits ne doivent pas se sentir pénalisés. La taille des boîtes est un sujet compliqué, car le marché est international, mais il est exact que nous n'avançons pas assez. Je suis heureux de constater que je ne suis pas le seul à m'intéresser au sujet.
Enfin, rien n'interdit à une collectivité territoriale d'embaucher un médecin pour faire fonctionner une maison de santé mais je suis persuadé que les sociétés interprofessionnelles de soins ambulatoires (Sisa) et les nouveaux modes de rémunération suffiront à rendre ces structures attractives. Grâce aux maisons de santé pluridisciplinaires, le flux de médecins s'installant en zone rurale dépassera celui des départs. Comme un pétrolier, la démographie médicale ne change que lentement de cap.
Ces dernières années, notre politique s'est caractérisée par un effort constant de redressement des comptes sociaux, en dépit d'un contexte économique difficile. Cet effort a permis de dégager des marges de manoeuvre sur le plan financier, qui permettent aujourd'hui de mettre en oeuvre les priorités du Gouvernement.
Depuis 2007, l'effort de maîtrise des dépenses s'est appuyé sur deux démarches complémentaires : d'une part, la réforme des retraites de 2010, qui produit déjà ses premiers effets puisque l'ensemble des économies réalisées par les régimes de retraite devrait atteindre 5,6 milliards d'euros en 2012 ; d'autre part, une évolution plus modérée des dépenses d'assurance maladie, l'Ondam ayant été respecté en 2010 et en 2011.
Plutôt que de réduire les dépenses sociales, le Gouvernement a choisi d'augmenter les recettes, à hauteur de six milliards d'euros au total : la loi de finances rectificative pour 2011 prévoit déjà trois milliards de recettes supplémentaires ; le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 va apporter deux milliards supplémentaires ; enfin, le projet de loi de finances pour 2012 devrait encore accroître les recettes d'un milliard.
Le projet de loi de financement pour 2012 vise, avant tout, à protéger les Français. Si l'on considère la politique familiale, on constate que celle-ci n'est en aucun cas une variable d'ajustement face à la crise. Les moyens qui lui sont affectés équivalent à 5,1 % de la richesse nationale, contre 4,7 % en 2007. Elle permet d'aider les familles les plus fragiles et de soutenir leur niveau de vie.
L'assujettissement du congé de libre choix d'activité à la CSG est une mesure d'harmonisation avec les règles applicables aux autres revenus de remplacement qui va renforcer le caractère redistributif de la politique familiale. Une attention particulière est portée aux familles monoparentales, puisque deux mesures sont prévues à leur intention : un plafond spécifique de ressources va être créé, avec un montant plus élevé de 40 % pour les parents isolés, ce qui leur permettra de bénéficier du montant maximal du complément de mode de garde ; en outre, l'aide versée par les Caf va être améliorée en cas de versement partiel d'une pension alimentaire. Le coût cumulé de ces deux mesures est estimé à cinq millions d'euros par an, ce qui n'est pas spectaculaire mais devrait contribuer à améliorer la situation de personnes fragiles.
En ce qui concerne les personnes âgées et handicapées, elles vont bénéficier, l'an prochain, de la hausse de 4,2 % de l'Ondam médico-social, qui va permettre de financer plus de 500 millions de mesures nouvelles.
Près de 400 millions vont d'abord contribuer à améliorer la prise en charge des personnes âgées : 140 millions vont ainsi être affectés à la poursuite du programme de médicalisation des maisons pour personnes âgées et 50 millions à un plan d'investissement pour la rénovation des établissements. Le développement des structures intermédiaires de prise en charge va être favorisé, afin d'apporter une réponse adaptée aux personnes dont le degré de perte d'autonomie est modéré.
Pour les personnes handicapées, 186 millions vont être mobilisés afin de créer, dès l'an prochain, 51 000 places pour les enfants et les adultes. Par ailleurs, mes services vont notifier les enveloppes anticipées, à hauteur de 140 millions en 2011 et de 223 millions en 2012, afin de permettre l'achèvement du plan de création de places dans les établissements et services qui accueillent des personnes handicapées. Il est en effet indispensable d'assurer une continuité dans la mise en oeuvre de cette politique.
Le projet de loi de financement prolonge les orientations voulues par le Président de la République, qui s'est attaché à tenir un cap : protéger les plus fragiles. Sur la période 2007-2012, c'est plus de 4,7 milliards d'euros qui auront été apportés au secteur médico-social par les lois de financement successives, soit une augmentation des moyens de 40 %. L'effort en faveur des personnes âgées aura été encore plus important, avec un accroissement des moyens de près de 70 % pour accompagner le vieillissement de la population française.
Ces moyens nouveaux ont permis de mettre en oeuvre dans de bonnes conditions le plan de création de places pour les personnes âgées. Ce plan prévoit 90 500 places supplémentaires dans les établissements et services pour personnes âgées. Au 31 septembre 2010, soit deux ans avant la date prévue pour son achèvement, 87 % des financements avaient déjà été notifiés et 30 753 places installées, ce qui est considérable compte tenu des délais inévitables de réalisation.
Ces moyens ont aussi permis de financer le plan « Alzheimer », couvrant la période 2008-2012, qui a accéléré la modernisation de nos équipements. Environ cinq cents unités spécifiques sont désormais labellisées dans les Ehpad pour assurer un accompagnement adapté des personnes qui souffrent de cette maladie dégénérative. On recense aussi 1 400 projets de pôles d'activité et de soins adaptés (Pasa) ou d'unités d'hébergement renforcé (UHR) en phase d'instruction dans les ARS. L'attention portée à « l'aide aux aidants » fait aussi évoluer notre dispositif médico-social. Il faut rechercher des solutions souples qui leur garantissent un « droit au répit ». Ainsi, l'offre d'accueil de jour a plus que doublé entre 2007 et 2010, passant de 4 954 à 10 600 places, et 3 000 places d'hébergement temporaire ont été créées depuis quatre ans. On voit également apparaître des « plateformes de répit », qui diversifient encore la palette des réponses qu'il est possible de leur apporter.
Avec les maisons pour l'autonomie et l'intégration des malades d'Alzheimer (Maia), la coordination des parcours est encouragée, en y associant les familles et les proches. En plus des quinze Maia expérimentales initialement prévues, quarante nouvelles maisons vont être installées en novembre et le projet de loi de financement permettra d'en créer une centaine d'autres en 2012. Passée la phase expérimentale, la montée en puissance est donc rapide.
En ce qui concerne le plan pluriannuel de création de places pour les personnes handicapées, lancé en juin 2008, je tiens à souligner que, à mi-parcours, la moitié des 51 400 places prévues avaient déjà été autorisées. Des actions complémentaires sont engagées, hors du champ médico-social, pour améliorer l'autonomie des personnes handicapées. Le projet de loi de financement contient ainsi une mesure très attendue : la majoration de 30 % du complément de mode de garde pour les couples ou les parents isolés qui bénéficient de l'allocation adulte handicapé (AAH) et qui ont un enfant à charge de moins de six ans.
La scolarisation des enfants handicapés est un autre axe important de la politique du Gouvernement, de même que la création de places dans les entreprises adaptées et dans les établissements et services d'aide par le travail (Esat). Les engagements pris par le Président de la République, le 8 juin dernier, lors de la Conférence nationale du handicap, trouvent leur traduction dans le projet de loi de finances pour 2012. La revalorisation, annoncée en 2008, de l'AAH est en cours de réalisation : l'effort financier atteint 2,3 milliards d'euros, ce qui permet d'améliorer le niveau de vie de nos compatriotes qui ne peuvent pas travailler du fait de leur handicap.
Pour remédier aux difficultés financières des associations d'aide à domicile, le Gouvernement a décidé de créer un fonds d'aide exceptionnelle, doté de 50 millions d'euros, afin d'accompagner leur restructuration. Ce fonds sera abondé par le budget de l'Etat et sa création sera donc débattue lors de l'examen du projet de loi de finances.
Dans un contexte difficile, nous avons souhaité, en conclusion, renforcer notre capacité d'intervention dans le champ social et médico-social en orientant par priorité les dépenses vers ceux qui sont les plus fragilisés.
Plusieurs sénateurs souhaitent vous interroger, Madame la ministre, mais je sais que vous avez une contrainte d'agenda et je crains que vous n'ayez pas le temps de répondre à toutes les questions.
Je suis effectivement prise par le temps, ce dont je suis vraiment désolée. Si vous l'acceptez, je propose de faire parvenir une réponse écrite aux membres de la commission auxquels je n'aurai pas pu répondre aujourd'hui.
Après avoir beaucoup insisté sur l'urgence de la réponse à apporter à la question de la dépendance, le Gouvernement a purement et simplement ajourné une réforme pourtant annoncée pour la fin de l'année. Vous avez lancé au premier semestre un débat national sur la dépendance. Des groupes de travail ont remis fin juin leurs rapports. Quelles conclusions tirez-vous de ces travaux ?
Concernant l'évolution des crédits médico-sociaux, vous avez indiqué qu'en 2012, l'Ondam médico-social progresserait d'un peu plus de 4 % (6,3 % pour les personnes âgées ; 2,2 % pour les personnes handicapées). Mais les enveloppes attribuées aux établissements et services au titre des dépenses de soins sont établies sur la base d'un objectif global de dépense (OGD) qui comprend aussi des ressources propres de la CNSA et qui n'est pas soumis au vote du Parlement, ce qui avait d'ailleurs été critiqué dans un rapport conjoint de l'Igas et de l'Inspection générale des finances.
D'après les annexes au PLFSS, où figure le budget prévisionnel de la CNSA, l'OGD ne progresserait que de 3,4 % en 2012, dont 4,6 % pour les personnes âgées, ce qui est très inférieur au rythme de ces dernières années. Pouvez-vous confirmer ces chiffres ?
En 2011, 100 millions d'euros ont été mis en réserve, en début d'année, sur l'Ondam médico-social. Pouvez-vous préciser les critères au vu desquels le Gouvernement décidera, ou non, de débloquer ces crédits d'ici la fin de l'année ? Est-il envisagé de procéder à une mise en réserve du même type en 2012 ? Cette année, le secteur médico-social a été particulièrement pénalisé, puisqu'il a supporté 20 % des mises en réserve, alors qu'il représente à peine 10 % de l'Ondam. Il n'est pas souhaitable, à mes yeux, que cette situation se renouvelle en 2012.
Pouvez-vous ensuite nous donner des précisions sur l'article 37 du PLFSS qui permet des expérimentations en matière de tarification des établissements médico-sociaux. Par ailleurs, où en est-on de la réforme de la tarification des établissements dont le principe a été posé il y a trois ans ? Pourquoi le projet de décret préparé en début d'année n'a-t-il pas vu le jour ? Quelles sont les difficultés rencontrées ? Le Gouvernement entend-t-il toujours mettre en oeuvre cette nouvelle tarification à la ressource ?
La ministre Roselyne Bachelot-Narquin a annoncé un fonds spécial de 50 millions d'euros pour les services d'aide à domicile, qui sont en grande difficulté. Pouvez-vous donner des précisions sur l'origine de ces crédits ? Sont-ils inscrits dans le projet de loi de finances ?
En ce qui concerne le plan de solidarité « grand âge », l'ADF propose la prise en charge par l'assurance maladie, dans le cadre des conventions tripartites dites de « deuxième génération », des dépenses supplémentaires liées à l'amélioration de la médicalisation. Comptez-vous donner une suite favorable à cette demande ?
Au sujet du plan « Alzheimer », beaucoup d'annonces ont été faites, qui occultent le fait qu'une grande partie de ce plan est actuellement à la charge des conseils généraux. Comptez-vous préciser la responsabilité financière de l'assurance maladie en la matière et confier le pilotage d'ensemble à la CNSA ? Le plan est en effet financé par la contribution de solidarité à l'autonomie (CSA), ce qui se fait au détriment de la compensation aux conseils généraux du coût de l'allocation personnalisée à l'autonomie (Apa) et de l'allocation de prestation de compensation du handicap (APCH).
S'agissant du plan « handicap », j'observe que le programme national de création de places nouvelles prévoit de faire évoluer la répartition entre maisons d'accueil spécialisé (Mas) et foyer d'accueil médicalisé (Fam) : actuellement, on compte 80 % de places en Mas pour 20 % de places en Fam ; on passerait à 50 % de places en Mas et 50 % de places en Fam. J'estime qu'un tel changement poserait des problèmes aux départements, qui sont déjà confrontés à une situation financière tendue, et serait source de blocages.
Sur la question de la dépendance, des débats ont effectivement été organisés dans toute la France. Ils ont montré que le système actuel de prise en charge de la dépendance connaît des tensions, auxquelles le projet de loi de financement pour 2012 apporte de premières réponses. Mais des réformes de plus grande ampleur sont nécessaires pour faire face au choc du vieillissement. Notre système accorde une grande place à la dimension sanitaire de la perte d'autonomie mais néglige d'autres aspects, comme la prévention par exemple. Des solutions de logement appropriées doivent être trouvées, pour éviter un recours trop fréquent à l'hospitalisation. Il faut préparer ces évolutions à plus long terme, ce qui suppose de mener une politique dans la durée et sans à-coups. Il faut accroître l'autonomie des personnes âgées qui veulent rester dans leur environnement habituel, leur demande prioritaire portant sur le maintien du lien social. Il faut également y voir plus clair sur les dépenses : le rapport du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie montre par exemple que trois millions de journées sont consacrées à des dépassements de durée moyenne de séjour pour des personnes âgées hospitalisées dans des établissements où elles n'ont pas vraiment leur place. Il y a là des gaspillages auxquels il convient de mettre un terme, en réorientant notre système vers la prévention et en développant une offre alternative pour dépasser l'opposition binaire actuelle entre maintien à domicile et séjour en Ehpad.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 a prévu le transfert à la Cades de 0,28 point supplémentaire de CSG, qui était auparavant destiné à la branche famille. En contrepartie, trois nouvelles ressources ont été affectées à la branche : la taxe spéciale sur les contrats d'assurance maladie, la taxe exceptionnelle sur les réserves de capitalisation et le prélèvement de la CSG au fil de l'eau sur les contrats multi-supports d'assurance-vie. Or, ces nouvelles recettes présentent l'inconvénient de ne pas être suffisamment solides ni pérennes puisque l'une d'entre elles est une « mesure à un coup », à savoir la taxation des réserves de capitalisation, et que les prélèvements sociaux sur les contrats d'assurance vie multi-supports devraient peu à peu s'effriter. Comment le Gouvernement compte-t-il remédier à cette inquiétante perte de recettes pour la branche famille ? Celle-ci ne compromet-elle pas tout retour à l'équilibre à court et moyen terme ?
D'importantes disparités territoriales persistent en matière d'offre d'établissements et de services pour jeunes enfants. Ainsi, on remarque que la capacité d'accueil varie, en fonction des départements de la métropole, de vingt-quatre à soixante-douze places pour cent enfants de moins de trois ans. Le grand ouest de la France, Paris et les Hauts-de-Seine, la Bourgogne et la Haute-Loire présentent les taux de couverture les plus élevés. A l'inverse, le pourtour méditerranéen, l'Eure, les Ardennes, la Seine-Saint-Denis et le Val d'Oise ont les potentiels d'accueil les plus faibles. Quelles mesures le Gouvernement entend-t-il prendre pour lutter contre ces inégalités territoriales ?
Dans son rapport de septembre dernier, la Cour des comptes constate qu'une part désormais majeure de l'activité des caisses d'allocations familiales porte sur les prestations servies par la branche famille pour le compte de l'Etat et des départements. Ainsi, ces prestations (essentiellement l'allocation aux adultes handicapés et le revenu de solidarité active) représentent 45 % du volume total des prestations servies par les CAF.
N'y-a-t-il pas urgence à rétribuer les caisses à la mesure de l'effort que représente la gestion de ces prestations ?
Quand on dresse le bilan des schémas départementaux en faveur des personnes âgées et du handicap pour la période 2005-2011, on constate que les dotations de la CNSA, via les ARS, ne couvrent qu'un tiers des besoins en matière de soins. Dans la perspective de la mise en oeuvre des schémas départementaux de l'autonomie, on peut craindre que l'équilibre entre l'apport des départements et les dotations de la CNSA soit encore plus difficile à trouver dans les années à venir. Les départements vivent mal les décisions inéquitables de l'Etat qui conduisent à augmenter encore les moyens dans des territoires déjà sur-dotés, en contradiction avec le programme interdépartemental d'accompagnement des handicaps et de la perte d'autonomie (Priac) élaboré en concertation avec l'ARS.
La ministre a insisté sur l'intérêt des structures intermédiaires. De ce point de vue, les foyers logement pour personnes âgées ont toute leur utilité. Ils se situent à mi-chemin entre le domicile et l'établissement médicalisé, pour un coût raisonnable, de l'ordre de 1 000 euros par mois dans mon département. Mais les bâtiments ont vieilli et les crédits manquent pour assurer d'indispensables mises aux normes. Aucune aide de l'Etat n'est prévue et, si le propriétaire décide de faire des travaux, cela a une incidence directe sur le coût des loyers, qui augmentent fortement. Quelles solutions le Gouvernement peut-il proposer pour préserver cette offre de logement et éviter que ces foyers ne ferment ?
On crée des places pour accueillir des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer dans de nombreux établissements et on constate qu'elles sont immédiatement occupées, ce qui m'amène à m'interroger sur les critères d'admission : dans la mesure où la dotation de financement n'est pas la même, on peut se demander si ces lits ne sont pas remplis automatiquement, sans avoir évalué précisément l'atteinte du patient par la maladie d'Alzheimer.
Je souhaite soulever également le problème du devenir des personnes handicapées mentales ayant travaillé en centre d'aide par le travail (CAT) lorsqu'elles atteignent l'âge de la retraite. Elles ont beaucoup du mal à trouver une maison de retraite qui accepte de les accueillir. Elles sont souvent mal acceptées et le montant de leur retraite est modeste.
Enfin, il semble qu'il y ait toujours des problèmes de placement des personnes qui sortent des instituts médico-éducatifs (IME), en dépit de l'amendement « Creton ». La ministre pourrait-elle nous aider à y voir plus clair en faisant un point de la situation ?
Je déplore vivement la baisse du nombre d'agréments accordés par l'Etat aux établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), ainsi qu'aux établissements d'hébergement pour personnes âgées (Ehpa). Les Ehpa sont des structures moins médicalisées qui permettent aux personnes âgées d'être ensemble et qui contribuent à la mixité sociale. Dans une société vieillissante comme la nôtre, la diminution du nombre d'agréments met en péril ces établissements.
J'aurais aimé avoir l'éclairage de la ministre sur la question des unités de soins de longue durée (USLD). Il y a quelques années, une réforme a conduit à faire basculer des lits des USLD vers les Ehpad, ce qui a conduit à alourdir les dépenses à la charge des établissements et des conseils généraux, via l'aide sociale. En outre, il était nécessaire que les anciennes USLD comptent au moins trente pensionnaires pour pouvoir se constituer en USLD « redéfinies », ce qui a posé des problèmes de prise en charge et de financement à de nombreuses structures de petite taille qui accueillaient néanmoins des personnes souffrant de pathologies lourdes.
Concernant le problème de la tarification ternaire, qui distingue dépendance, soins et hébergement, je souligne la complexité de ce système, qui laisse, de surcroît, une part importante du coût de l'hébergement à la charge de la personne dépendante ou du département, via l'aide sociale. Une meilleure ventilation entre ces trois postes de dépenses doit être recherchée.
En matière d'aide à domicile, les 50 millions d'euros annoncés par le Gouvernement sont-ils à la hauteur des besoins des associations ? Le tarif horaire de la prise en charge est inférieur depuis des années au coût de revient supporté par ces associations.
Enfin, les conseils généraux regrettent l'abandon de la réforme de la dépendance, qui était pourtant un « objectif prioritaire » du Président de la République. Les conseils généraux ne pourront supporter indéfiniment de financer 72 % de l'Apa, alors qu'ils font face à d'autres charges importantes par ailleurs.
Je souhaiterais d'abord avoir des précisions sur le complément de libre choix d'activité que la ministre a évoqué dans son intervention. En outre, les Caf vont-elles se substituer aux parents qui ne versent pas en totalité leur pension alimentaire ?
Une part croissante du produit de la contribution de solidarité pour l'autonomie (CSA) finance des dispositifs - par exemple le plan « Alzheimer » ou les Maia - qui devraient en toute logique relever de l'assurance maladie. Cette évolution se fait au détriment de la compensation versée aux départements au titre de l'Apa et de l'APCH, ce qui les place dans uns situation financière difficile. Il serait cohérent que la CSA finance d'abord ces deux prestations.
Nous transmettons ces questions à la ministre qui s'est engagée, à défaut de pouvoir trouver une autre date d'audition en commission compatible avec nos réunions, à y apporter des réponses écrites.