Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

Réunion du 20 décembre 2006 : 2ème réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • enquête
  • entraide
  • exécution
  • fichier
  • infraction
  • protocole
  • requise

La réunion

Source

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Philippe Nogrix sur le projet de loi n° 37 (2006-2007) autorisant l'approbation du protocole additionnel à la convention pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel, concernant les autorités de contrôle et les flux transfrontières de données.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Nogrix

a tout d'abord souligné que l'accélération des évolutions technologiques dans le traitement des données et le développement de leur utilisation en matière de sécurité avaient des répercussions directes sur les droits et libertés des personnes, illustrées récemment par le dossier PNR (Passenger Name Record) sur le transfert des données passagers par les compagnies aériennes aux autorités américaines.

Il a indiqué que cette question avait été abordée pour la première fois par un instrument international au début des années 1980, dans le cadre du Conseil de l'Europe. La Convention pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel a été signée le 28 janvier 1981 à Strasbourg.

Prenant acte du développement du traitement informatique des données, cette convention a pour objet de protéger les personnes contre l'usage abusif du traitement automatisé des données à caractère personnel et de réglementer les flux transfrontaliers de données. La Convention garantit également le droit des personnes à connaître les informations stockées les concernant et à exiger, le cas échéant, des rectifications.

a précisé que la Convention était entrée en vigueur le 1er octobre 1985 et que 38 Etats, sur les 46 que compte le Conseil de l'Europe, l'avaient ratifiée.

Il a indiqué que le Protocole additionnel avait été ouvert à la signature le 8 novembre 2001. Il vise à renforcer la mise en oeuvre de la Convention en imposant l'institution d'une autorité de contrôle et en encadrant les flux de données à caractère personnel vers les pays non Parties à la Convention.

Il a précisé que l'article premier du Protocole prescrivait la mise en place d'une ou plusieurs autorités chargées de la protection des individus dans le traitement des données à caractère personnel. Il prévoit, de façon précise, que ces autorités doivent disposer de pouvoirs d'investigation et d'intervention, ainsi que de la capacité d'ester en justice ou de porter d'éventuelles violations devant la justice. Ces autorités doivent pouvoir être saisies par les particuliers, exercer leurs fonctions en toute indépendance et leurs décisions faisant grief pouvoir faire l'objet d'un recours juridictionnel.

a indiqué que l'article 2 concernait les flux transfrontières de données à caractère personnel vers un destinataire n'étant pas soumis à la juridiction d'une Partie à la Convention. Il pose le principe qu'un tel transfert ne peut être effectué que si l'Etat destinataire des données « assure un niveau de protection adéquat pour le transfert réalisé ».

Des dérogations à ce principe sont possibles, si le droit interne le prévoit, pour les intérêts spécifiques de la personne concernée ou lorsque des intérêts légitimes prévalent, en particulier des intérêts publics importants. Des garanties peuvent également résulter de clauses contractuelles fournies par la personne responsable du transfert si elles sont jugées suffisantes par les autorités compétentes, conformément au droit interne.

a précisé que l'entrée en vigueur du Protocole, subordonnée à la ratification de cinq signataires, était intervenue le 1er juillet 2004.

Il a indiqué que le Conseil des ministres avait adopté le projet de loi de ratification le 24 octobre 2006, soit cinq ans après la signature du Protocole par la France. Il a souligné que la France se conformait d'ores et déjà aux obligations du protocole additionnel. Elle avait d'ailleurs été, en 1978, l'un des premiers Etats à s'être doté d'une loi « informatique et libertés » et d'une autorité de contrôle indépendante, la CNIL.

a indiqué que le niveau de protection des données personnelles dans l'Union européenne avait été harmonisé par une directive du 24 octobre 1995, transposée en droit français par la loi 2004-801 du 6 août 2004 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel. Cette loi a accru les pouvoirs de la CNIL afin de lui permettre d'assurer un contrôle a posteriori efficace de la mise en oeuvre des fichiers et des traitements informatisés. Ses pouvoirs d'investigation ont été rendus contraignants et ses pouvoirs d`intervention et de sanction, étendus. La loi traite également des transferts de données en direction d'Etats n'appartenant pas à l'Union européenne en prévoyant, dans son article 68, que ces transferts ne peuvent s'effectuer que si l'Etat « assure un niveau de protection suffisant de la vie privée et des libertés et droits fondamentaux de la personne à l'égard du traitement dont ces données font l'objet ou peuvent faire l'objet ».

Il a précisé que le pouvoir d'apprécier si un pays accordait une « protection adéquate ou suffisante » appartenait à la Commission européenne.

Il a noté que parmi les pays « non-adéquats » figuraient des Etats ayant ratifié le Protocole additionnel comme l'Albanie, la Bosnie-Herzégovine, la Croatie ou encore la Roumanie.

La CNIL, a poursuivi le rapporteur, pouvait néanmoins autoriser un transfert vers un pays tiers ne disposant pas d'un niveau de protection adéquat lorsque « le traitement garantissait un niveau de protection suffisant en raison des clauses contractuelles ou règles internes dont il fait l'objet ».

D'autres dérogations sont possibles si la personne concernée a consenti au transfert ou si le transfert est nécessaire à la sauvegarde de la vie de la personne, à la sauvegarde de l'intérêt public, au respect d'obligations permettant d'assurer l'exercice d'un droit en justice, à la consultation d'un registre public, à l'exécution d'un contrat ou à sa conclusion.

Le rapporteur a considéré que la ratification du protocole additionnel ne devrait rien changer à la pratique des transferts de données vers les Etats non-membres de l'Union européenne, puisque la qualification du caractère adéquat ou non du pays destinataire avait été communautarisée et relevait de la Commission européenne.

a estimé qu'indirectement, ce Protocole posait la question de la juxtaposition et de la superposition partielle des deux espaces de droit que sont d'une part le Conseil de l'Europe et d'autre part l'Union européenne dans les domaines où ils interviennent concurremment.

Il a cependant considéré que le protocole additionnel à la Convention pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel avait le mérite d'élargir le champ géographique de la protection des données personnelles. Il restait à en garantir l'effectivité, certains pays Parties à la Convention et à son Protocole, étaient considérés comme n'assurant pas un niveau de protection adéquat.

Au demeurant, la question de l'effectivité de la protection des personnes n'était pas propre aux Etats tiers. Elle était aujourd'hui soumise au double défi de la technologie et de l'acceptation des citoyens eux-mêmes d'atteintes à leur vie privée face aux exigences de la lutte contre le terrorisme.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de André Trillard

s'est demandé si le niveau de protection accordé aux citoyens ne nuisait pas dans certains cas à l'intérêt de l'Etat. Il a ainsi considéré que l'adjonction du numéro de sécurité sociale dans les fichiers relatifs au revenu minimum d'insertion permettrait de réduire notablement la fraude sans nuire aux droits des personnes. Estimant que l'usage abusif fait, aux Etats-Unis, des fichiers de données personnelles devait susciter la vigilance, il a considéré que, dans la nécessaire recherche d'un équilibre, le droit d'accès et de rectification des données par les personnes concernées était un droit absolu.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Nogrix

a rappelé que le texte examiné était relatif aux transferts transfrontaliers de données. Il a souligné que si l'adéquation des données figurant sur un fichier donné par rapport à ses objectifs pouvait être appréciée relativement facilement, cet exercice était beaucoup plus complexe lors du croisement de plusieurs fichiers. En réponse à M. André Trillard, qui estimait que la constitution de fichiers par des multinationales pour les besoins de leur gestion des ressources humaines ne lui semblait pas injustifiée, il a précisé que ce type de demande était généralement accepté, sous réserve que ne figurent dans le fichier que les seules données strictement nécessaires. Il a souligné qu'une réticence spécifique se manifestait à l'égard des demandes formulées par les Etats-Unis, l'usage des données pouvant permettre des intrusions dans la vie privée des personnes, sans leur accord.

Debut de section - PermalienPhoto de André Dulait

En réponse à M. André Dulait, qui s'interrogeait sur la possibilité de disposer d'informations relatives aux condamnations individuelles prononcées, M. Philippe Nogrix, rapporteur, a indiqué que l'absence de ce type de données dans un fichier poursuivant un tout autre objet n'excluait pas la coopération judiciaire.

La commission a alors adopté le projet de loi et proposé qu'il fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifiée en séance publique.

La commission a procédé à l'examen du rapport de M. André Trillard sur le projet de loi n° 53 (2006-2007) autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Son Altesse Sérénissime le Prince de Monaco.

Debut de section - PermalienPhoto de André Trillard

a tout d'abord rappelé que la France et Monaco sont liés actuellement par la convention franco-monégasque sur l'aide mutuelle judiciaire du 21 septembre 1949. En 2001, les deux Etats sont convenus de la nécessité d'engager un processus de modernisation de leurs relations politiques bilatérales en vue d'instaurer une coopération judiciaire en matière pénale conforme aux standards les plus récents admis au sein de l'Union européenne et par la plupart des Etats membres du Conseil de l'Europe, dont la Principauté est d'ailleurs membre depuis le 5 octobre 2004.

Dans ce cadre, des négociations en vue de conclure une convention d'entraide judiciaire en matière pénale devant se substituer à celle du 21 septembre 1949 (qui couvre également l'entraide judiciaire en matière civile et commerciale) ont été engagées en octobre 2001. Il s'agissait de l'une des contreparties demandées par la France au renforcement de la reconnaissance internationale de la souveraineté monégasque.

a indiqué que l'objet de la convention était de moderniser les règles communes actuellement applicables à l'entraide judiciaire en matière pénale. A cette fin, les deux parties s'accordent mutuellement l'entraide la plus large possible dans toute procédure pénale conduite par une autorité judicaire et visant des infractions pénales, y compris celles pouvant engager la responsabilité d'une personne morale. Il a ajouté que le champ de l'entraide couvrait les procédures d'indemnisation ou de grâce et la notification de communications judiciaires relatives à l'exécution d'une peine.

Les deux Etats ont également procédé à un échange de lettres concernant la garantie des investisseurs.

Le rapporteur a insisté sur l'importance, pour un pays qui posait des problèmes particuliers en matière de secret bancaire et de blanchiment d'argent, de cet accord d'entraide judiciaire en matière pénale, qui prévoit que cette entraide revêt toute forme n'étant pas incompatible avec la législation de la partie requise, en indiquant les formes principales que prend habituellement la coopération judiciaire en matière pénale, y compris le caractère essentiel du recueil d'informations en matière bancaire.

a indiqué que la convention envisageait les cas dans lesquels l'entraide pouvait être refusée : pour les infractions politiques et les infractions connexes à une infraction politique, les infractions militaires, si l'exécution de la demande est susceptible de porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité, à l'ordre public ou à d'autres intérêts essentiels de l'Etat requis, ou si elle se rapporte à une infraction pour laquelle la personne poursuivie avait été définitivement jugée dans la partie requise ainsi que pour les infractions fiscales. Il a précisé qu'une exception restreignait la possibilité de recourir à ce motif de refus, lorsque les demandes portent sur des faits relatifs à des impôts et taxes mentionnés dans les conventions fiscales franco-monégasques. En revanche, le secret bancaire ne pourrait être invoqué pour justifier un refus d'entraide.

Le rapporteur a en outre indiqué que la convention régissait les conditions de divulgation et d'utilisation des éléments communiqués en appui ou en exécution d'une demande d'entraide ; qu'elle posait le principe du respect, par la partie requise, de la confidentialité de la demande afin d'éviter de compromettre les investigations ; qu'elle permettait, par ailleurs, de doter d'un cadre juridique la coopération bilatérale pour le recours aux « livraisons surveillées » effectuées dans le cadre d'une enquête pénale relative à une infraction susceptible de donner lieu à une extradition ; que les « équipes communes d'enquête permettaient une coopération opérationnelle entre les services d'enquête, dans le cadre d'infractions ayant une dimension transfrontière, les « enquêtes discrètes » étant menées par des agents relevant de l'autorité judiciaire, qui interviennent en secret ou sous identité fictive ; enfin, que la convention prévoyait la transmission et l'échange des avis de condamnations et d'extraits de casier judiciaire.

En conclusion, le rapporteur a fait remarquer que « les projets pour développer la place financière de Monaco en insistant sur la transparence et la lutte contre le blanchiment » présentés, en novembre 2005, lors de son entretien avec le Président de la République, par le Prince Albert de Monaco, étaient en bonne voie de réalisation.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission a alors adopté le projet de loi et proposé qu'il fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifiée en séance publique.

La commission a enfin procédé à l'examen du rapport de M. Didier Boulaud sur le projet de loi n° 52 (2006-2007) autorisant l'approbation de l'accord d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République populaire de Chine.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

a tout d'abord rappelé que la France et la Chine avaient signé à Paris, en avril 2005, un accord d'entraide judiciaire pénale, issu de négociations entamées en 1998. L'entraide judiciaire entre ces deux pays ne reposait jusqu'alors que sur le principe de la réciprocité dans le cadre classique de la courtoisie internationale, insuffisant pour garantir l'exécution des demandes d'entraide, du fait des profondes disparités entre les systèmes judiciaires et les traditions juridiques des deux pays.

Le rapporteur a indiqué que ce nouvel accord définissait largement le champ de cette entraide, incluant les enquêtes et poursuites d'infractions, y compris en matière fiscale. L'exécution de décisions d'arrestation et de condamnation en est cependant exclue.

Il a précisé que, de manière courante en droit international, la convention prévoyait des motifs de restriction à l'entraide, particulièrement tout ce qui pourrait porter atteinte à la souveraineté des Etats ou à leur sécurité, et qu'il excluait les demandes présentées en considération de la race, de la religion ou des opinions politiques de la personne poursuivie.

Toutefois, M. Didier Boulaud, rapporteur, a fait remarquer qu'à la demande de la France, la partie requise pouvait refuser l'entraide lorsqu'elle estimait que l'exécution de la demande « serait incompatible avec les principes fondamentaux de sa législation ». Cette stipulation vise à prendre en compte, par la partie requise, la nature des peines encourues dans la partie requérante, tout spécialement du fait de l'application, en Chine, de la peine de mort. Pour éviter tout risque d'interprétation, la seconde session de négociation a prévu que la France refuserait l'entraide inscrite dans le présent traité lorsque la peine encourue serait « par sa nature » incompatible avec les principes généraux de sa législation, citant expressément la peine capitale.

La convention reprend des dispositions d'ordre général telles que l'échange d'informations, l'accent mis sur la recevabilité des éléments de preuve recueillis, la possibilité de différer la demande d'entraide lorsque son exécution risque d'entraver une enquête pénale en cours, le respect par la partie requise de la confidentialité d'une demande d'entraide, afin d'éviter de compromettre les investigations.

a indiqué que l'accord comportait des stipulations spécifiques à certaines formes d'entraide : audition de personnes, transmission des objets, remise d'actes de procédure, transfèrement de témoins détenus, comparution de témoins ou experts, demandes de perquisition, de gel et de saisie, recherche, appréhension et confiscation des produits d'une infraction et enfin échanges d'avis de condamnations.

Il a ajouté que cet accord comportait, par ailleurs, des clauses importantes touchant aux conditions de divulgation des éléments échangés, qu'il posait le principe du respect, par la partie requise, de la confidentialité de la demande et, à l'inverse, et enfin qu'il permettait à la partie requise de poser des conditions à l'utilisation ou la divulgation, par la partie requérante, des éléments de preuve recueillis en exécution d'une demande d'entraide.

a toutefois indiqué que cet accord formalisait des rapports et échanges qui ne reposaient alors sur aucune base juridique internationale, mais sur le simple principe de courtoisie internationale et qu'il permettait de concrétiser des relations bilatérales entre les deux pays. Cette convention donnait enfin à la Chine la possibilité d'observer progressivement les normes du droit international.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Nogrix

Après l'exposé du rapporteur, M. Philippe Nogrix a estimé que la Chine s'efforçait de progresser vers davantage de démocratie mais que cette demande était d'autant plus complexe que le pays évoluait sur deux voies concurrentes, celle du libéralisme le plus total sur le plan économique et celle d'un régime politique qui reste largement autoritaire.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission a alors adopté le projet de loi et proposé que ce texte fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifiée en séance publique.