La commission, en commun avec la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss), a entendu M. Raphaël Hadas-Lebel, président, accompagné de M. Yves Guégano, secrétaire général, et de Mme Selma Mahfouz, secrétaire générale adjointe, sur la présentation du rapport du conseil d'orientation des retraites (Cor) attendu en application de l'article 75 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.
a rappelé que le Parlement, à l'initiative de Dominique Leclerc, rapporteur du Sénat pour les comptes de la branche vieillesse de la sécurité sociale, avait prévu dans l'article 75 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 l'élaboration, par le Cor, d'un rapport consacré aux modalités d'un éventuel passage à un système de retraites par points ou en comptes notionnels. Elle a précisé que la Mecss a décidé de s'impliquer dans la préparation du rendez-vous de 2010 sur les retraites et conduira un cycle d'auditions sur ce sujet au cours des prochaines semaines.
a tout d'abord souligné que le Cor établit pour la première fois un rapport à la demande du Parlement et qu'il faut y voir une illustration du renforcement des pouvoirs des assemblées. Organisme de débat et de délibération, le Cor est composé de parlementaires, de représentants des organisations syndicales et patronales, d'experts indépendants, enfin de fonctionnaires en charge des retraites au sein des administrations. Il est un lieu mensuel d'échanges, sur la base de dossiers transmis aux membres, et publie périodiquement des rapports sur des questions spécifiques.
Le rapport établi à la demande du Parlement sur les modalités techniques du passage éventuel à un régime de retraite par points ou en comptes notionnels est distinct des travaux qu'entreprendra le Cor en vue de la préparation du rendez-vous de 2010 sur les retraites, dont la date et les modalités seront fixées le 15 février prochain. Le Cor effectuera en particulier un travail de mise à jour de ses projections faites en 2007 relatives aux besoins de financement du système de retraite à l'horizon 2050.
Le rapport approuvé par le Cor la veille, soit le 27 janvier, se décompose en trois parties respectivement consacrées aux caractéristiques du système de retraite actuel, à la comparaison des systèmes par annuités, par points ou par comptes notionnels, enfin, aux modalités techniques de remplacement du régime actuel par un autre système.
Le système de retraite français est l'aboutissement d'un processus historique et politique qui a conduit à l'émergence d'un ensemble complexe constitué d'une multiplicité de régimes fonctionnant selon des paramètres très divers. On compte en France plus d'une vingtaine de régimes de base, en ne prenant en compte que les plus importants, et un grand nombre de régimes complémentaires obligatoires fonctionnant en répartition. En outre, la loi de 2003 a encouragé le développement de l'épargne retraite. A la multiplicité des régimes s'ajoutent des règles d'acquisition et de valorisation des droits à retraite différentes, principalement entre régimes de base et régimes complémentaires, et une diversité encore plus grande des paramètres de calcul de la pension. Tandis que la plupart des régimes de base sont des régimes en annuités, à l'exception de ceux des professions libérales et des non-salariés agricoles, les régimes complémentaires sont tous des régimes en points. Les paramètres de calcul des pensions, en particulier le salaire de référence, les âges de départ, le taux de liquidation, sont très divers d'un régime à l'autre. Dans ces conditions, le calcul du montant des pensions est complexe, chaque retraite étant la somme des droits acquis dans les régimes de base et les régimes complémentaires auxquels chacun a cotisé.
La loi de 2003 a cependant engagé un rapprochement des règles de calcul des pensions dans les régimes de base, notamment en alignant les durées d'assurance requises et en indexant l'ensemble des pensions sur les prix.
Le système de retraite français permet aujourd'hui aux retraités d'avoir un niveau de vie moyen proche de celui des actifs. Alors qu'il existait un écart très important entre le niveau de vie des actifs et celui des retraités jusqu'en 1970, cet écart s'est progressivement résorbé. En 2004, le montant de la retraite totale tous régimes pour l'ensemble des retraités s'établissait à 1 288 euros par mois en moyenne (1 617 euros pour les hommes, 1 011 euros pour les femmes en incluant les pensions de réversion). L'écart important de montant de retraite subsistant entre hommes et femmes justifie le maintien de mesures en faveur des femmes au titre des droits familiaux. Si les décisions des juridictions européennes ont contraint la France à modifier les règles relatives aux majorations de durée d'assurance (MDA), la solution choisie dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 paraît équilibrée.
S'il demeure des situations individuelles très difficiles, le taux de pauvreté des retraités, qui s'établit à 9 %, est inférieur à celui des actifs, qui atteint 13 %. Actuellement encore, les générations qui arrivent à la retraite bénéficient de pensions plus élevées que celles précédemment perçues par les personnes qui décèdent, de sorte que le niveau de vie des retraités continue à s'améliorer.
La situation moyenne des retraités est par ailleurs affectée par les mécanismes de redistribution. Il existe une redistribution implicite qui résulte des règles de calcul des droits, dont les effets ne sont pas clairs et qui ne favorisent pas nécessairement les plus petites retraites. Ainsi, la prise en compte des vingt-cinq meilleures années pour le calcul du salaire de référence favorise dans certains cas les retraites élevées. Par ailleurs, la prise en compte de périodes validées non cotisées, notamment au titre du chômage, les droits familiaux et le minimum contributif permettent une redistribution explicite entre les années, qui représente un cinquième du montant total des retraites.
La réforme de 2003 a posé les bases du pilotage du système de retraite en faisant de la durée d'assurance la principale variable d'ajustement, des rendez-vous périodiques devant permettre de réexaminer régulièrement la situation. Ainsi, le rendez-vous de 2008 a conduit à allonger d'un trimestre par an la durée d'assurance entre 2008 et 2012. Ce rendez-vous a suscité des appréciations contrastées dans la mesure où il n'a pas permis d'examiner l'ensemble des problèmes, ce qui explique qu'une nouvelle étape soit nécessaire en 2010.
Malgré les progrès dans le pilotage du système, l'équilibre financier n'a pas pu être atteint puisqu'on assiste à une dégradation structurelle des comptes de l'assurance vieillesse de l'ordre de 1 à 1,5 milliard d'euros par an, à laquelle se sont ajoutés les effets de la crise économique qui a réduit considérablement le niveau des recettes. Ainsi, le déficit de la branche vieillesse du régime général de la sécurité sociale est passé de 5,6 milliards en 2008 à 8,2 milliards en 2009 et pourrait atteindre 10,7 milliards en 2010.
Enfin, la France se caractérise par un certain retard en matière d'emploi des seniors, même si quelques progrès modestes ont pu être constatés au cours des dernières années. La loi qui contraint les entreprises à engager des négociations sur ce sujet commence à produire des effets.
Pour comparer les différents systèmes de retraite, il convient de rappeler les principales caractéristiques de chacun d'entre eux :
- dans les régimes en annuités, la pension est calculée en prenant en compte le salaire de référence, la durée d'assurance nécessaire pour bénéficier d'une retraite à taux plein, enfin, un taux d'annuité qui représente le montant de pension acquis chaque année validée. La pension ne dépend aucunement du montant des cotisations versées ;
- dans un régime en points, le montant des cotisations versées joue un rôle essentiel. L'ensemble des cotisations de chaque assuré est transformé en points et la pension est calculée en multipliant le nombre de points par la valeur de service du point fixée chaque année ;
- enfin, dans un régime en comptes notionnels, chaque salarié est titulaire d'un compte individuel et les cotisations versées forment un capital virtuel. Ce capital est dit « virtuel » car le régime fonctionne en répartition et les cotisations versées sont immédiatement utilisées pour financer les pensions des retraités. Le capital, s'il n'est pas placé, fait l'objet d'une revalorisation annuelle. Dans ce système, le montant de la pension est égal au montant du capital multiplié par un coefficient de conversion calculé de telle sorte que le total du montant des pensions d'une génération soit égal au total des cotisations versées par cette génération.
Dans les systèmes en points ou en comptes notionnels, plus la retraite est prise tôt et moins la pension est élevée : les pensions sont donc directement liées au montant des cotisations versées. La Suède a adopté, en 1998, un système de comptes notionnels sur la base d'un consensus entre les grandes forces politiques du pays. La mise en place de ce nouveau régime a été facilitée par l'existence d'importantes réserves financières qui ont permis d'équilibrer le système dès le départ. En 2001, la réforme a été complétée par la mise en place de dispositifs complémentaires permettant un rééquilibrage en cas de choc économique ou démographique. Toutefois, dans le contexte de la récente crise économique, le gouvernement suédois a été conduit à modifier les règles d'équilibrage pour éviter que celles-ci aient des effets trop importants sur le niveau des pensions.
Quelques éléments de comparaison des trois systèmes peuvent être mentionnés. Les régimes en points et en comptes notionnels sont fondés sur une logique de contributivité, ce qui n'est pas le cas du régime en annuités. Le système en comptes notionnels est souvent vanté pour sa capacité d'autorégulation. Les paramètres utilisés sont tellement contraints que le système tend à l'équilibre financier sur le long terme, même si cet équilibre n'est pas assuré à tout moment. Les systèmes en points et en comptes notionnels sont plus lisibles pour les assurés que les systèmes en annuités puisque le montant de la pension est directement lié au montant des cotisations. Ces systèmes encouragent la prolongation d'activité. En revanche, toutes les techniques de calcul de retraite permettent d'intégrer des mécanismes de solidarité. Il est en effet possible d'ajouter des points ou du capital virtuel au nom d'éléments de solidarité, mais il est alors nécessaire de préciser qui en assure le financement. Par ailleurs, le régime en comptes notionnels ne prévoit aucune mutualisation intergénérationnelle et ne laisse que peu de place à un véritable pilotage par les gestionnaires. A l'inverse, les systèmes en annuités permettent une plus grande souplesse de gestion, au risque que les décisions indispensables ne soient pas prises ou soient remises en cause. Ainsi, la réforme de 2003 prévoyait un transfert de cotisations de l'assurance chômage vers l'assurance vieillesse qui n'a finalement pas été réalisé.
En tout état de cause, quelle que soit la technique de calcul de la retraite, toute évolution repose sur trois leviers essentiels : le niveau des ressources, le niveau des pensions, l'âge effectif de départ à la retraite.
En définitive, il est parfaitement possible techniquement de changer de régime de retraite et tous les systèmes étudiés permettent d'intégrer les préoccupations de solidarité. Un tel changement de système ne poserait pas de difficultés juridiques majeures dès lors que les droits à la retraite ne sont acquis qu'à la liquidation de la pension et que la Cour européenne des droits de l'homme admet que le législateur peut réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général. La décision de mettre en oeuvre un nouveau système de retraite repose donc sur des choix politiques plus que sur des considérations techniques. Une telle mutation, si elle était décidée, devrait être soigneusement préparée et impliquerait de disposer de données parfaitement fiables pour reconstituer l'ensemble des historiques de carrière. Un effort de formation des gestionnaires et une bonne coopération entre les régimes actuels seraient également nécessaires.
Cette réforme ne pourrait se concevoir que si elle était appliquée à une vaste échelle. A cet égard, deux hypothèses sont notamment envisageables : le nouveau système pourrait être appliqué soit à tous les régimes de base, qu'il s'agisse de ceux des salariés du privé ou de ceux des fonctionnaires, soit à l'ensemble des salariés du secteur privé en prenant en compte les régimes de base et les régimes complémentaires. Cette seconde option suppose de s'interroger au préalable sur le système de gouvernance à mettre en oeuvre dès lors que les régimes complémentaires sont aujourd'hui gérés par les partenaires sociaux.
En ce qui concerne la transition entre l'ancien système et le nouveau, plusieurs possibilités s'ouvrent aux autorités. Une application de la réforme aux seuls nouveaux entrants sur le marché du travail étalerait sa mise en oeuvre sur plusieurs décennies. A l'inverse, aucun pays, sinon la Lettonie, n'a choisi de modifier son système sans aucune période de transition. Si les autorités retenaient le principe d'une réforme progressive, deux modalités alternatives pourraient être envisagées. La Suède et la Pologne ont choisi d'affilier simultanément les générations de transition à l'ancien et au nouveau système, afin de reconstituer leurs droits en fin de carrière, le poids du nouveau système étant de plus en plus important au fil du temps. A l'inverse, l'Italie a prévu une affiliation successive des générations de transition dans l'ancien et le nouveau système, le montant de la pension résultant de la somme des droits acquis dans chaque régime.
Enfin, pour opérer un choix entre les systèmes et élaborer une architecture, les responsables politiques devraient définir des priorités entre les différents objectifs qui peuvent être assignés à un système de retraite : pérennité financière, lisibilité, droits des assurés, solidarité intergénérationnelle et intragénérationnelle, cohérence avec d'autres objectifs économiques.
a rappelé que la Mecss a consacré un rapport d'information au système des comptes notionnels intitulé : « Réformer la protection sociale : les leçons du modèle suédois ».
a salué la très grande qualité du travail établi par le Cor et s'est félicité du haut niveau des débats en son sein. Une telle institution est particulièrement nécessaire pour éclairer les choix effectués par les autorités politiques dans le domaine des retraites. Ainsi, le mécanisme de prise en compte des longues carrières dans la réforme de 2003 a été arrêté sans que le Gouvernement et le Parlement disposent d'estimations précises sur le coût de ce dispositif qui a, en définitive, provoqué un important déséquilibre des régimes et donné lieu à quelques pratiques contestables de validation de périodes d'assurance. Les éclairages apportés par le Cor doivent permettre au législateur de se prononcer en toute connaissance de cause.
Si les expériences conduites dans certains pays sont difficilement transposables dans d'autres Etats ayant une culture et un corps social différents, elles doivent au moins permettre de s'interroger sur les évolutions nécessaires du système.
En tout état de cause, il y a désormais urgence à mettre fin à un système dans lequel la résorption des déséquilibres financiers considérables du système de retraite est renvoyée aux générations futures qui risquent de devoir supporter le poids de l'absence de décisions courageuses. Par ailleurs, le système de retraite est particulièrement inégalitaire entre les différentes composantes de la société et il sera inévitable d'apporter des réponses à cette situation. Enfin, les conséquences du vieillissement de la population doivent désormais être appréhendées globalement en prenant en considération non seulement la question des retraites mais aussi celle de la dépendance et de l'augmentation du nombre de personnes souffrant simultanément de plusieurs pathologies graves. La France va devoir se prononcer sur le montant de l'effort qu'elle est prête à consentir pour faire face au défi du vieillissement et sur la répartition de cette enveloppe au sein de la population.
a souhaité avoir des précisions sur les principales différences entre le régime de retraite des salariés du privé et celui des fonctionnaires. Il s'est en outre interrogé sur le taux français d'emploi des seniors.
a précisé que le salaire de référence pris en compte pour le calcul de la pension des fonctionnaires est celui des six derniers mois d'activité hors primes alors que le régime général des salariés du privé prend en compte les vingt-cinq meilleures années d'activité. Pour tenir compte de l'absence de prise en compte des primes, un régime additionnel a été créé dans la fonction publique. Le régime de retraite des fonctionnaires est équilibré par une contribution du budget de l'Etat, en sa qualité d'employeur, qui représente aujourd'hui environ 60 % du montant des pensions versées.
A propos de l'emploi des seniors, les statistiques de l'Union européenne montrent que 38,5 % des Français, âgés de cinquante-cinq à soixante-quatre ans, exercent encore une activité alors que la moyenne européenne est supérieure à 40 %. Dans le cadre de la stratégie de Lisbonne, l'Union européenne avait fixé un objectif de taux d'emploi des seniors de 50 % en 2010 qui ne sera pas atteint. Dans une approche plus fine des catégories d'âge, la tranche des cinquante-cinq - cinquante-neuf ans affiche en France un taux d'emploi légèrement inférieur à la moyenne européenne ; il est en revanche supérieur à cette moyenne pour la tranche cinquante - cinquante-neuf ans, ce qui conduit fréquemment les représentants du patronat à estimer qu'un recul de l'âge légal de départ à la retraite permettrait d'améliorer le taux d'emploi des seniors.
évoquant la situation d'une personne qui a commencé à travailler à seize ans et exerce encore une activité à soixante-quatre ans, a demandé s'il ne serait pas possible, au titre de la solidarité intergénérationnelle, qu'elle puisse transmettre à ses enfants, entrés sur le marché du travail à un âge plus avancé qu'elle, ses droits à retraite acquis après qu'elle a atteint la durée d'assurance requise pour bénéficier d'une pension à taux plein.
a indiqué que la retraite est un droit strictement individuel et que le seul cas de transmission est celui de la pension de réversion en faveur du conjoint. Une personne qui a acquis des droits supérieurs à ses besoins peut faire des donations en numéraire à ses enfants mais en aucun cas transférer ses propres droits.
a précisé que dans le système en annuités français, certaines cotisations versées ne procurent pas de droits supplémentaires pour l'assuré, ce qui n'est pas le cas dans les régimes en points ou en comptes notionnels, dans lesquels toute cotisation se traduit par un droit supplémentaire. Par ailleurs, la pension de réversion, très développée dans le système français, n'existe pas dans d'autres pays européens, notamment en Allemagne.
revenant sur les trois principaux leviers de pilotage du système de retraite - niveau des ressources, niveau des pensions, âge effectif de départ - a souhaité savoir si ces paramètres permettent de prendre en compte l'âge d'entrée dans le monde du travail. En effet, certaines personnes peuvent avoir acquis les droits nécessaires pour bénéficier d'une pension à taux plein avant d'atteindre l'âge légal de départ à la retraite : c'est le cas lorsque l'on commence à travailler à l'âge de dix-huit ans et que les quarante et une annuités de cotisation sont validées avant l'âge de soixante ans.
a souligné que les trois leviers qu'il a mentionnés sont ceux qui permettent de piloter le système de retraite et d'assurer son équilibrage. Si, mécaniquement, un régime de retraite est plus facile à équilibrer lorsque les assurés partent plus tard à la retraite, cela n'interdit pas de prévoir des mécanismes spécifiques pour les personnes entrées de manière précoce sur le marché du travail. Ainsi, la loi de 2003 a prévu un dispositif particulier réservé aux assurés ayant effectué de longues carrières parce qu'ils étaient entrés très tôt dans le monde du travail. Cette mesure, tout à fait équitable, a représenté un coût de 2 milliards d'euros environ. La question de la prise en compte des carrières longues risque d'être moins prégnante à l'avenir, compte tenu de l'instauration en 1953 de l'obligation scolaire jusqu'à seize ans. En outre, il convient de garder à l'esprit que l'espérance de vie ne cesse de progresser et que, chaque année, à l'âge de soixante ans, tout individu voit son espérance de vie allongée d'un demi-trimestre, ce qui contribue à justifier une augmentation de l'âge de départ effectif. Naturellement, un report progressif de l'âge effectif de départ à la retraite implique parallèlement de définir des postes plus particulièrement adaptés aux salariés les plus âgés.
a d'abord rappelé le rôle fondamental du Cor qui, par ses études, assure l'expertise du système de retraite et formule des propositions en vue de son évolution. Il a ensuite insisté sur la dimension politique du passage d'un régime en annuités à un régime par points ou en comptes notionnels. Il ne s'agit pas seulement d'une question d'ordre technique : cette opération nécessite au préalable des choix politiques qui ont trait notamment à l'architecture du système de retraite, aux objectifs que l'on souhaite atteindre en priorité (pérennité financière, équité entre les générations et degré de redistribution), ainsi qu'au calendrier et au mode de transition pour passer d'un système à l'autre. Quelle que soit l'option retenue, une chose est sûre : le maintien du système par répartition n'est pas négociable. Mis en place au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, celui-ci a en effet permis au plus grand nombre de disposer d'une retraite décente. C'est un acquis social majeur qui doit être préservé. M. René Teulade a enfin soulevé la question de l'abondement du fonds de réserve des retraites (FRR) que le rapport du Cor ne traite pas.
s'est étonné des conclusions du Cor sur la parité de niveau de vie entre les actifs et les retraités. Comment peut-on arriver à un tel constat alors que de plus en plus de retraités voient leur pouvoir d'achat diminuer et se trouvent dans une situation de grande précarité ? S'agissant des régimes par points ou en comptes notionnels, le rapport ne fait pas état de la place qu'ils réservent à l'épargne retraite par capitalisation. Ces dernières années, le système par répartition français a été dénaturé par l'introduction de plans d'épargne salariale comme le Perco (plan d'épargne pour la retraite collectif) qui ne cessent de prendre de l'ampleur. Par ailleurs, le principe d'indexation des pensions sur les prix -et non plus sur les salaires-, mis en place par les réformes de 1993 et de 2003, a entraîné une dégradation du taux de remplacement. Enfin, on peut craindre que le régime des fonctionnaires soit désormais remis en cause, compte tenu des critiques récurrentes dont il fait l'objet en raison de la règle de prise en compte des six derniers mois d'activité pour le calcul du salaire de référence.
a précisé que le rapport mentionne bien la situation du fonds de réserve des retraites, dont la performance a été durement affectée par la crise économique et financière. Ses réserves s'établissent actuellement à environ 28 milliards d'euros. La question centrale est de savoir à quoi elles vont servir. Lors de la création du fonds en 1999, il a été décidé de sanctuariser ses ressources jusqu'en 2020, puis de les utiliser pour prendre en charge une partie des dépenses des régimes de base du secteur privé.
a rappelé qu'à l'époque, il avait proposé d'alimenter le fonds par la cession d'actifs des entreprises nationalisées non soumises à la concurrence. Cette solution n'a malheureusement jamais été retenue.
Sur la question du niveau de vie des retraités, M. Raphaël Hadas-Lebel a d'abord insisté sur le fait que les chiffres avancés dans le rapport sont des moyennes. Par définition, les moyennes ne permettent pas d'appréhender les situations particulières qui, dans le cas des retraités, peuvent être socialement très difficiles. Il faut aussi rappeler que le niveau de vie intègre les revenus du patrimoine qui, on le sait, sont plus importants chez les retraités que chez les actifs. La taille du foyer joue également : le niveau de vie d'une personne retraitée vivant en couple n'est pas comparable à celui d'une femme active élevant trois enfants. Concernant le régime des fonctionnaires, il est évident que la règle des six derniers mois fera partie des sujets en débat lors du rendez-vous de cette année. Celui-ci devra surtout être l'occasion de poser la question suivante : quelle part du Pib veut-on consacrer aux retraites ? Aujourd'hui, les retraites représentent un peu plus de 12 % du Pib ; leur poids devrait atteindre plus de 13 % en 2020. Parallèlement, d'autres dépenses vont continuer à progresser comme les dépenses de santé et de dépendance. Dès lors, il faudra inévitablement faire des choix.
S'interrogeant sur les moyens d'assurer la pérennité financière du système de retraite, Mme Christiane Demontès a demandé s'il est possible de faire appel à d'autres recettes que les cotisations sociales. Elle a ensuite estimé que la question de l'uniformisation des régimes de retraite, longtemps taboue, mérite aujourd'hui d'être posée. Bien sûr, la multiplicité des régimes est le fruit de l'histoire sociale et de choix collectifs qu'il convient de ne pas oublier. Mais force est de constater que la société a évolué et que le maintien de règles spécifiques pour certains régimes de retraite n'est plus nécessairement justifié. Par ailleurs, ce mouvement d'harmonisation progressive ne peut être réalisé sans un travail préalable de concertation et un minimum de consensus social. Tout passage en force sur ce sujet risquerait d'attiser les tensions sociales.
a tout d'abord souhaité savoir si la subvention d'équilibre versée par l'Etat pour le régime des fonctionnaires concerne les trois fonctions publiques ou uniquement la fonction publique d'Etat. Il a également demandé à être informé de la situation financière actuelle de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL). S'agissant du régime complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques, le calcul des pensions repose-t-il bien sur la technique des points ? Enfin, dans le cadre des transferts de personnels de l'Etat vers les collectivités territoriales consécutifs à la décentralisation, comment est organisé le financement des pensions des fonctionnaires concernés ?
Sur l'équilibre financier des régimes de retraite, M. Raphaël Hadas-Lebel a estimé que l'augmentation des cotisations sociales risquerait de compromettre la compétitivité des entreprises françaises, déjà confrontées à des taux de prélèvements obligatoires élevés. Pour dégager des marges de manoeuvre supplémentaires, d'autres types de recettes sont envisageables comme la TVA sociale, qui suscite régulièrement des débats, ou les transferts de cotisations au sein de la protection sociale (par exemple, le transfert de cotisations chômage vers les cotisations retraite). Toutefois, il est logique que le financement des retraites reste prioritairement fondé sur les cotisations sociales assises sur les salaires car les pensions sont, en quelque sorte, des « salaires différés ». En ce qui concerne l'uniformisation des régimes, il semble légitime que les différentes règles soient progressivement harmonisées au niveau du premier pilier, c'est-à-dire des régimes de base. En revanche, certaines spécificités pourraient être maintenues au niveau du deuxième pilier, à savoir les régimes complémentaires. M. Raphaël Hadas-Lebel a ensuite reconnu que le passage d'un système de retraite à un autre ne peut se faire dans l'urgence, sans un débat public et des négociations préalables. Une telle réforme nécessite un fort consensus social, comme il y en a eu en Suède lors du passage aux comptes notionnels.
S'agissant de la subvention d'équilibre de l'Etat, il est entendu que celle-ci ne concerne que le financement des pensions des fonctionnaires de l'Etat. Les retraites des agents territoriaux et hospitaliers relèvent, de leur côté, de la responsabilité de la CNRACL dont la situation financière est actuellement à l'équilibre. Par ailleurs, le régime complémentaire des agents non titulaires de la fonction publique utilise effectivement la technique des points comme le font l'association générale des institutions de retraite des cadres (Agirc) et l'association des régimes de retraite complémentaire (Arrco) dans le secteur privé. Quant à la question des transferts de charges dans le cadre de la décentralisation, il s'agit là d'un débat récurrent. Il serait logique que l'arrivée de nouveaux assurés à la CNRACL s'accompagne d'un transfert de financement équivalent car la caisse devra, à terme, couvrir les charges de pension de ces personnels transférés.
a souhaité avoir des précisions sur les modes de transition vers un système par points ou en comptes notionnels. Dans le cas d'une transition progressive, les assurés sont-ils affiliés à la fois à l'ancien et au nouveau régime ? Tout en rappelant l'importance du débat sur la pénibilité, il a demandé si la question de l'employabilité ne mérite pas, elle aussi, d'être posée. Enfin, il a dit persister à ne pas comprendre pourquoi l'on encourage les actifs à travailler plus longtemps alors que beaucoup d'entre eux ne trouvent même pas d'emploi.
a insisté sur le fait que la comparaison des règles entre le régime général et le régime des fonctionnaires est une question extrêmement sensible. Existe-t-il des études montrant que les retraites servies par ces deux régimes sont de niveaux très différents ? Par ailleurs, dans un régime en comptes notionnels, étant donné que l'assuré accumule un capital sur un compte tout au long de sa carrière, ce système n'est-il pas à rapprocher d'un régime par capitalisation individuelle ? En outre, que faut-il comprendre par le terme « génération » lorsqu'on parle de l'équilibre financier du régime en comptes notionnels ?
a expliqué que la transition progressive d'un régime vers un autre peut s'effectuer selon deux modes. Dans le premier, il y a affiliation simultanée à l'ancien et au nouveau régime ; c'est la méthode empruntée par la Suède et la Pologne. Dans le second, il y a affiliation successive à l'ancien puis au nouveau régime ; c'est l'option choisie par l'Italie.
a ajouté que la France a déjà expérimenté l'affiliation successive en 1973 lors de la réforme du régime social des indépendants (RSI).
Sur la question centrale de la pénibilité, M. Raphaël Hadas-Lebel a indiqué que le Cor a réalisé une étude montrant que tous les problèmes liés à la pénibilité du travail ne peuvent être résolus par le système de retraite. Celui-ci ne doit tenir compte de la pénibilité que lorsque l'exercice d'un travail pénible a des conséquences sur l'espérance de vie de la personne qui l'exerce. Pour éviter que des catégories entières de métiers ne soient reconnues comme pénibles, il faut déterminer les types d'activité - le travail de nuit, par exemple- qui ont des répercussions sur l'espérance de vie. Une définition trop générale de la pénibilité risquerait d'entraîner certaines dérives.
a indiqué que l'employabilité est une problématique parallèle à celle de la pénibilité. Cette notion désigne la capacité d'une personne à s'adapter à un nouvel emploi.
a estimé que l'employabilité renvoie au problème de l'emploi des seniors. Pour améliorer le taux d'emploi des cinquante-cinq-soixante-quatre ans et atteindre les objectifs fixés par l'Union européenne, il est nécessaire de revoir l'organisation du travail au sein des entreprises en mettant en place des types d'activité adaptés aux seniors (tutorat, conseil...). C'est finalement toute la gestion des compétences et des carrières qu'il faut réformer.
Puis, il a admis que la comparaison public/privé en matière de retraite est particulièrement délicate. Une étude de l'Insee, mentionnée dans le rapport, montre que si les pensions des fonctionnaires étaient calculées sur la base des règles en vigueur dans le régime général, elles diminueraient de l'ordre de 10 % à 20 %. Pour les syndicats de fonctionnaires, les règles spécifiques de calcul de leurs pensions sont la juste compensation de carrières moins évolutives que dans le privé.
Enfin, M. Raphaël Hadas-Lebel a insisté sur le fait que le régime en comptes notionnels fonctionne bien par répartition et non par capitalisation. Le capital virtuel accumulé par chaque assuré n'est pas placé sur les marchés financiers mais est revalorisé chaque année selon un indice fixé par les gestionnaires du régime. L'évolution de cet indice doit refléter au mieux le rendement implicite que le régime en répartition est capable d'offrir sans remettre en cause son équilibre financier sur le long terme (soit, le Pib, la masse salariale ou le salaire moyen). Si la technique des comptes notionnels a assurément une capacité d'autorégulation, elle n'est pas pour autant synonyme d'équilibre financier à court terme. En particulier, face à un choc démographique, un régime en comptes notionnels pourrait présenter des déséquilibres significatifs pendant une période relativement longue, car l'égalité par génération - ensemble des personnes nées la même année - entre la masse des cotisations et la masse des pensions ne signifie pas l'égalité instantanée (à une date donnée) entre la masse des cotisations et la masse des pensions.