Délégation sénatoriale à l'Outre-mer

Réunion du 15 janvier 2013 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • guyane
  • mer
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La réunion

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Debut de section - Permalien
Denez L'Hostis, pilote de la mission mer et littoral de France Nature Environnement et administrateur de l'Agence des aires marines protégées

Merci d'avoir songé à inviter France Nature Environnement. Je souhaite aborder devant vous un grand nombre de questions, qui concernent non seulement les zones économiques exclusives, mais aussi les outre-mer français en général. Certes, les zones économiques exclusives constituent une richesse pour la France, mais la plupart des acteurs qui traitent du milieu marin s'y intéressent trop peu.

France Nature Environnement fédère près de trois mille associations environnementales, rassemblant environ huit cent mille adhérents. Quoique méconnu, son poids correspond à peu près à celui d'un des grands syndicats de salariés en France. Elle présente de plus l'avantage de comporter des associations implantées sur tout le territoire, y compris outre-mer : en Guyane, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte... Or, en matière de biodiversité marine, l'essentiel des richesses se trouve dans les outre-mer, comme l'a bien mis en évidence le colloque que nous avons organisé il y a un an et demi au Conseil économique, social et environnemental : 1,5 km2 de récif corallien comprend autant de biodiversité que tout le littoral métropolitain. La France possède, grâce à ses outre-mer, 10 % des récifs coralliens mondiaux. La préoccupation de France Nature Environnement est de développer à la fois la connaissance et la préservation de cette biodiversité, c'est-à-dire de trouver le moyen d'encadrer le développement économique dans les zones économiques exclusives afin de minimiser son impact environnemental.

Mon travail de pilote de la mission « mer et littoral » est bénévole, mais France Nature Environnement emploie quelque 1 500 permanents, dont environ 45 au siège. J'ai la responsabilité politique de tous les dossiers liés à la mer à l'Agence. Après avoir été chercheur à l'INRA et à l'Ifremer, je me suis intéressé aux problématiques de la pêche, puis, pendant dix ans, j'ai dirigé un parc à thème scientifique sur les enjeux des océans profonds.

Je suis, comme vous l'avez indiqué, administrateur de l'Agence des aires maritimes protégées ; je n'ai toutefois aucun mandat pour m'exprimer ici en son nom. Je vous donnerai néanmoins mon avis sur son rôle, tout particulièrement outre-mer. Je suis aussi membre du comité national de l'initiative française pour les récifs coralliens, qui rassemble des scientifiques, des administrations, des organisations non gouvernementales pour travailler à la protection des récifs coralliens. Je serai enfin membre du Conseil national de la mer et du littoral que le Premier Ministre va installer ce vendredi, et je présenterai ma candidature à son bureau.

La mission de l'Agence des aires marines protégées est d'installer des parcs marins. Hélas ! La situation budgétaire actuelle difficile bloque le développement des projets. Je le vois bien au conseil de gestion du parc naturel marin des Glorieuses, mitoyen de celui de Mayotte. Face à cette situation gênante, je sollicite l'appui des sénateurs. L'objectif de l'Agence est d'installer 20 % des eaux françaises (qui sont, en étendue, les deuxièmes au monde) en aires marines protégées, dont 50 % en réserves halieutiques. Cet objectif ambitieux semble aujourd'hui oublié, malgré quelques réalisations notables : après le parc d'Iroise, créé il y a cinq ans, sont venus ceux de Mayotte, du golfe du Lion, et M. Cuvillier a récemment signé l'arrêté créant celui de Picardie. De beaux projets restent en rade, et nous sommes presqu'absents de la protection de la mer dans nombre de nos territoires ultramarins. Il est vrai qu'en Martinique une réflexion est engagée, qui pourrait déboucher sur la création d'un parc - mais sans moyens, à quoi bon ? En Guadeloupe, le parc national mixte constitue un premier outil de protection du milieu marin. En Guyane, la situation est plus délicate, surtout avec les projets de développement d'activités pétrolières. La situation de la Polynésie est encore plus difficile, il n'y a que quelques aires maritimes protégées, surtout lagonaires, et un très grand projet autour des îles Marquises, dans la perspective de leur reconnaissance comme patrimoine mondial par l'Unesco. Et Saint-Pierre-et-Miquelon est une zone souvent oubliée. Le canal de Mozambique constitue un enjeu majeur en termes de biodiversité comme d'un point de vue diplomatique. Cette zone extrêmement riche, sans habitat permanent, mérite un niveau de protection très ambitieux ; or, faute de moyen, on n'avance guère. C'est pourquoi France Nature Environnement a refusé de voter le budget de l'Agence des aires marines protégées, insuffisant même pour les parcs existants.

En fait, les enjeux de la zone économique exclusive ne sont pas foncièrement différents de ceux des zones territoriales, ou de la haute mer. D'ailleurs, les limites de la zone économique exclusive pourraient bien s'étendre bientôt, et il faut garder à l'esprit que des sujets qui concernent actuellement la haute mer deviendraient alors propres à notre zone économique exclusive.

Les aires marines protégées doivent être des outils de développement durable. Plutôt qu'une protection à tout prix, il convient de rechercher un équilibre entre différentes activités, en minimisant leur impact sur l'environnement.

Les eaux de Clipperton sont le théâtre d'activités de pêche illégales, que nous n'avons pas les moyens de contrôler en dépit d'une surveillance satellitaire. En Guyane également, nos moyens de contrôle, pour significatifs qu'ils soient, ne suffisent pas. Nous avons deux patrouilleurs et une vedette des douanes, qui effectuent un nombre significatif de sorties mensuelles. Pourtant, 60 % des navires qui croisent dans la zone économique exclusive de Guyane sont étrangers : brésiliens, surinamais, guyanais, vénézuéliens... Plus grave, leur pêche est nettement plus importante que la pêche française, ce qui gêne une gestion durable des ressources. La pression sur celles-ci, hélas, va croissant, puisque 25 à 30 navires étrangers pêchent quotidiennement dans nos eaux, et y prélèvent entre deux et trois fois plus de poissons que nous. Et même s'ils sont arrêtés, ils n'hésitent pas à revenir ! Leurs engins de pêche ne correspondent pas aux normes environnementales que nous exigeons des nôtres, et auxquelles les pêcheurs guyanais ont récemment fait de gros efforts pour s'adapter. Voilà un exemple de très mauvais contrôle d'une zone économique exclusive.

Les énergies marines renouvelables constituent un secteur d'avenir pour nos zones économiques exclusives. L'éolien posé ou flottant a peu de chance de s'y développer. En revanche, il y a des projets pour l'énergie thermique des mers, notamment à La Réunion et aux Antilles. Elle donne lieu à des installations situées plutôt en eaux territoriales qu'en zone économique exclusive, et, juridiquement parlant, dans un quasi-désert. On l'exploite en pompant les eaux profondes, plus froides, et en produisant, grâce au gradient de température avec les eaux de surface, de la vapeur d'eau qui fait tourner des turbines. Cette technique n'est pas sans impact sur la biodiversité. En effet, l'upwelling artificiel risque de provoquer un véritable boom planctonique, les nutriments étant beaucoup plus abondants en profondeur qu'en surface. Une centrale pilote devrait ouvrir en Martinique en 2016. À La Réunion, DCNS apportera sa technologie pour la production de 10 MWh, avec cet avantage que c'est une production constante.

L'installation de structures aussi lourdes a des effets sur l'environnement maritime. Il s'agit d'abord de la pollution acoustique, notamment lors des travaux initiaux, qui peut être fatale à certains cétacés. Les câbles qui partent de ces installations peuvent entraîner une pollution électromagnétique, même si son intensité et son extension sont mal connues, ainsi qu'un problème de température dans leur voisinage immédiat, perturbations qui peuvent conduire à des phénomènes d'évitement. Il y a aussi ce qu'on appelle un effet-récif, ou effet réserve, c'est-à-dire que des populations importantes, notamment de poissons, se fixent aux alentours des outils qu'on installe. Ce peuvent encore être des perturbations lumineuses au niveau de la surface. En ce qui concerne la pollution par contamination, en revanche, l'exploitation de l'énergie thermique des mers ne présente pas de risque important.

Le décret en préparation sur les îles artificielles, pour encadrer la multiplication des éoliennes flottantes, des plateformes pétrolières, au statut juridique très flou, souffre de nombreuses faiblesses : le projet ne prévoit pas de concertation avec les structures nationales de protection de la nature, ni de consultation du futur Conseil national de la mer et des littoraux, non plus que des conseils ultra-marins qui ont été installés ces derniers mois.

Alors qu'un certain nombre de nos territoires sont concernés par les permis d'exploration, une réforme du code minier est en cours. En Guyane, nos associations souhaitent l'accélération du schéma minier marin, mais aussi que la participation du public soit véritablement une donnée essentielle, et que le principe pollueur-payeur soit instauré. L'Agence des aires marines protégées a montré que la biodiversité des eaux guyanaises était beaucoup plus forte qu'on ne le pensait : elles abritent en particulier des cétacés. Avec l'association Robin des bois, nous avons dénoncé le fait que l'étude d'impact n'abordait que le fonctionnement normal des forages et n'envisageait pas les accidents. Or, un drame comme celui du Prestige, ou comme ce qui s'est passé récemment dans le Golfe du Mexique, pourrait arriver aussi outre-mer, où nous n'avons pas les moyens de traiter une telle situation. Les recherches sismiques entreprises dans la prospection pétrolière sous-marine doivent tenir compte, dans leurs aspects acoustiques, de la biodiversité et en particulier, en Guyane, de la présence de cétacés.

Les ressources génétiques sont en principe régies par la Convention sur le droit de la mer, mais les contraintes sont très faibles. Les recherches sont surtout poussées dans le domaine pharmaceutique. La France est l'un des principaux pays qui s'intéressent à cette ressource. Développer un produit coûte 200 à 300 millions d'euros, mais les chiffres d'affaires de certains produits issus des fonds marins se chiffrent en milliards de dollars. Cela pose le problème de la brevetabilité du vivant, et surtout de la territorialisation de celui-ci : aujourd'hui, toutes ces ressources sont gratuites. J'avais du reste adressé il y a deux ans une longue note sur ce sujet au secrétaire général des Nations unies. La prise de conscience de ces enjeux se développe en France ; le sujet mériterait des travaux parlementaires, auxquels les outre-mer devraient prendre part de manière significative. Nous souhaitons un protocole additionnel à la Convention sur le droit de la mer, qui vient de fêter ses trente ans. La France n'a pas été aussi active sur ce thème qu'elle aurait pu l'être - il est vrai que de nombreux pays ne font rien pour clarifier les règles de l'accès à ces ressources.

France Nature Environnement est étroitement associée à la réforme du code minier. Lors de la phase préparatoire actuelle, quatre groupes de travail examinent chacun une centaine d'articles. Nos exigences sont de trois types : une meilleure définition de l'intérêt stratégique national, une prise en compte réelle des incidences environnementales, et l'émergence et le développement d'une fiscalité en mer, qui n'existe pour ainsi dire pas, et qui pourrait apporter des moyens aux territoires ultramarins concernés.

Bien que de très nombreuses activités soient possibles dans les zones économiques exclusives, il y en a peu en fait, et nous ne les connaissons pas assez pour prévenir les atteintes qu'elles portent à l'environnement.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Guerriau

Merci pour votre exposé très complet, qui nous a beaucoup intéressés : parmi nous sont présents des sénateurs d'outre-mer : Guadeloupe, Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon, Guyane, Wallis et Futuna... mais aussi du Lot, de Seine-Maritime et de Loire-Atlantique, et même un sénateur, représentant des Français établis hors de France, ce qui constitue une très vaste circonscription.

Combien y a-t-il de parcs marins aujourd'hui ? Quelles sont vos ambitions pour eux ? Quel coût représentent-ils ? Quels sont les enjeux ?

Debut de section - Permalien
Denez L'Hostis, pilote de la mission mer et littoral de France Nature Environnement et administrateur de l'Agence des aires marines protégées

Le Grenelle de l'environnement avait prévu huit parcs marins pour 2012 : nous ne les aurons pas. Ceux qui existent sont de taille relativement modeste : nous sommes loin de 20 % des eaux sous protection pour 2020. Pour faire fonctionner un parc marin, il faut une trentaine de personnes. Or il n'y en a que deux ou trois dans celui du Golfe du Lion, quelques-unes aussi à Mayotte, mais aucune en Picardie, ni aux Glorieuses, qu'on envisage de mutualiser avec celui de Mayotte, faute de moyens. L'Agence ne bénéficie pas d'une fiscalité propre : l'État abonde son budget. Une piste pourrait consister à créer, sur le modèle de l'Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Énergie (ADEME), une fiscalité propre à la mer, qui serait fléchée sur la protection du milieu marin.

Faire en sorte que les activités maritimes financent la mer est l'un des enjeux de la fiscalité pour l'année qui vient. Tel n'est pas le cas lorsque, pour obtenir la paix sociale, l'on verse 35 % du produit de la taxe sur les éoliennes à l'ensemble des pêcheurs au travers du Comité national des pêches maritimes et des élevages marins (CNPMEM), une part étant aussi versée aux pêcheurs locaux et aux communes situées en co-visibilité d'un parc. Rien n'est clair quant au fléchage des ressources vers la biodiversité. Peut-être cela relèvera-t-il de l'Agence de la biodiversité, qui devrait être créée sur la base du rapport attendu pour la fin du mois de juin ? Mais si l'Agence mêle les intérêts maritimes à un ensemble de sujets terrestres, cela posera problème. Elle ne devrait probablement pas disposer de moyens spécifiques autorisant la création de parcs marins en 2013, alors qu'il s'agit de l'outil le plus intéressant pour suivre les activités en mer.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

On ne donne pas leur chance aux énergies renouvelables, alors que la dépendance aux carburants est très grande dans des zones reculées comme les nôtres. Vous n'avez pas évoqué l'énergie hydrolienne ?

Debut de section - Permalien
Denez L'Hostis, pilote de la mission mer et littoral de France Nature Environnement et administrateur de l'Agence des aires marines protégées

La production d'énergie par les hydroliennes est désormais une technologie mature, même si une mauvaise manipulation a précipité au fond de la rade de Brest celle qu'EDF devait installer à Bréhat. L'hydrolienne du Fromveur, dans le parc marin d'Iroise, devrait quant à elle être exploitée par une société bretonne rachetée par GDF-Suez. Ces technologies sont promises à un grand avenir et nous pourrions en installer des dizaines, à condition de les adapter aux courants. Pour l'heure, on ne les utilise qu'avec les courants les plus forts, tels qu'à la pointe du Cotentin - à Barfleur - ou en Bretagne.

Je travaille actuellement sur un projet à l'île de Sein. Comme à Mayotte, 100 % de l'énergie y provient du fuel. Afin d'accéder à l'autonomie énergétique, le maire et la population réfléchissent à l'installation d'une éolienne qui pourrait couvrir l'ensemble de la consommation d'électricité, en particulier grâce aux réseaux intelligents, les smarts grids. Cela est toutefois impossible du fait de la loi littoral. L'installation de plusieurs hydroliennes est donc aussi envisagée, à l'ouest de l'île. Je ne crois pas que la courantologie de Mayotte soit suffisante. Or, il faut que le courant atteigne 6 à 7 m par seconde. Quand cette exigence sera abaissée, on installera des hydroliennes dans les fleuves ; un test sera prochainement réalisé dans la Gironde. Dans les territoires ultra-marins, des hydroliennes pourraient être installées dans les zones de forts courants entre deux îles ; elles éviteraient les difficultés d'installation posées par les éoliennes.

On ne parle jamais de l'absorption d'énergie. Pourtant, il est possible d'installer des houlomoteurs sous des jetées des ports, lieux en permanence battus par les flots. Installés sous le niveau de la mer, ces dispositifs seront moins affectés par les tempêtes tropicales. Pour l'heure, le premier houlomoteur va être installé dans la baie d'Audierne.

Aucune énergie n'est à négliger, même si les éoliennes présentent certains risques en cas de cyclone tropical, à moins de pencher les éoliennes comme on le fait en Guadeloupe... La Réunion a un projet d'autonomie énergétique pour 2030 ; une telle démarche est à la portée des autres territoires. Souhaitons que les ultra-marins comme les métropolitains poussent à la roue pour combler le retard pris par notre pays qui était en avance dans les années 70. Je compte aussi pour cela sur la représentation nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

À la conférence du droit de la mer organisée à l'ONU il y a trente ans, on commençait à parler de nodules polymétalliques. Où en est-on ? A-t-on commencé leur exploitation ?

Les aires maritimes protégées se prêteront-elles à une cohabitation ? À Antifer, la faune marine s'est développée autour des enrochements.

Debut de section - Permalien
Denez L'Hostis, pilote de la mission mer et littoral de France Nature Environnement et administrateur de l'Agence des aires marines protégées

C'est l'effet-récif : chaque installation joue comme un dispositif de concentration du poisson. Reste à savoir quels sont ses effets à long terme sur une zone plus large. L'Agence des aires maritimes protégées a travaillé sur cet effet réserve mais, pour aller plus loin, France Nature Environnement demande que les parcs éoliens soient transformés en aires marines protégées, précisément afin d'améliorer nos connaissances grâce à la présence humaine sur ces parcs.

Pour l'heure, les nodules ne sont pas encore exploités, bien que des recherches soient menées en Papouasie-Nouvelle-Guinée sur des encroûtements de soufre. Le travail porte surtout sur les terres rares des fonds marins pour lesquelles les Chinois détiennent déjà des permis d'exploitation dans le centre et dans la partie orientale de l'océan Pacifique. Faute de technologie adaptée, le problème principal demeure le coût d'accès à ces ressources.

Debut de section - PermalienPhoto de Karine Claireaux

Comment mieux prendre en compte les richesses naturelles des territoires ultramarins ? Les associations locales font de leur mieux, malgré des moyens limités, et l'on n'arrive pas à faire remonter les informations par exemple sur les richesses insoupçonnées de l'archipel en cétacés ou en coraux. Le regard des instances nationales se pose trop peu sur l'outre-mer.

Debut de section - Permalien
Denez L'Hostis, pilote de la mission mer et littoral de France Nature Environnement et administrateur de l'Agence des aires marines protégées

La première contrainte est culturelle : aux Antilles, la mer est davantage perçue comme une ennemie ou un lieu vide que comme un espace de découvertes et d'activités. Même à Saint-Pierre-et-Miquelon la connaissance du milieu semble relativement faible.

Debut de section - Permalien
Denez L'Hostis, pilote de la mission mer et littoral de France Nature Environnement et administrateur de l'Agence des aires marines protégées

Dans ce territoire, l'association locale membre de France Nature Environnement se substitue le plus souvent à l'État.

La conscience maritime de la France demeure insuffisante. Le mot « mer » n'apparaît pas dans le code minier ; ce sont donc les règles valables pour la terre qui seront appliquées. Le ministère des outre-mer devrait s'intéresser davantage à la mer.

Debut de section - Permalien
Denez L'Hostis, pilote de la mission mer et littoral de France Nature Environnement et administrateur de l'Agence des aires marines protégées

En Guyane, à Clipperton ou aux Glorieuses..., la pêche illégale compromet la chance que la mer représente pour la France et ses outre-mer.

Debut de section - Permalien
Denez L'Hostis, pilote de la mission mer et littoral de France Nature Environnement et administrateur de l'Agence des aires marines protégées

Je compte sur vous !

J'étais justement avec deux sénateurs en Polynésie dans le cadre de l'Ifrecor.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Laufoaulu

Mme Claireaux souhaitait que l'on parle des coraux...

Debut de section - Permalien
Denez L'Hostis, pilote de la mission mer et littoral de France Nature Environnement et administrateur de l'Agence des aires marines protégées

À Saint-Pierre-et-Miquelon, il s'agit de coraux froids, exclus du champ d'intervention de l'Ifrecor.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Guerriau

Veuillez excuser l'absence du président Serge Larcher, souffrant. Vous comprendrez aussi tout particulièrement la raison du retard de cette audition : l'hommage rendu par le président du Sénat à nos soldats morts au Mali et en Somalie.

Debut de section - Permalien
Pierre Chavancy, chef de la division emploi à l'État-major des armées

Une précision sémantique pour commencer : au sein des forces pré-positionnées, il faut bien distinguer les forces de souveraineté dont nous allons parler, des forces de présence stationnées dans des pays étrangers avec lesquels nous avons passé des accords.

La réorganisation du dispositif militaire en outre-mer résulte tout d'abord du livre Blanc de 2008 qui a défini des orientations stratégiques nationales : la priorité donnée à la Guyane qui accueille le centre spatial de Kourou, l'attention portée aux enjeux de souveraineté liés à l'étendue de nos zones économiques exclusives et la nécessité d'un dimensionnement de nos forces strictement adapté aux missions militaires. Les armées conservent cependant la capacité d'intervenir en soutien de l'action de l'État dans les situations d'urgence ou pour pallier les déficiences capacitaires des autres administrations Pas moins de douze réunions interministérielles (RIM) ont été consacrées à la réorganisation du dispositif militaire outre-mer et à son articulation avec, notamment, les services du ministère de l'intérieur - gendarmerie et sécurité civile - et les douanes qui dépendent du ministère des finances.

Cette réorganisation procède aussi de la RGPP, qui a posé un objectif de réduction de 54 000 postes de l'effectif total des armées entre 2009 et 2014 ; nous y sommes presque. La copie prévoyant tout le chemin parcouru depuis 2008 n'avait pas été écrite par le seul ministère de la défense, elle était d'abord et avant tout une production interministérielle.

Pour le dispositif outre-mer, ces objectifs impliquaient initialement une réduction d'effectifs de 40 % à l'horizon 2011. Les 12 RIM ont affiné la cible et ramené la réduction à 23 % en 2020. Plusieurs principes généraux ont été retenus pour y parvenir, à commencer par un recentrage sur nos missions militaires maintenant notre capacité à intervenir en situation d'urgence et accompagné d'une réaffirmation des responsabilités régaliennes de chacun des ministères. La rationalisation de l'ensemble s'est faite selon une logique de théâtres : la zone Antilles-Guyane, marquée par la priorité donnée à la Guyane et la présence de points d'appuis aux Antilles, l'océan Pacifique avec une consolidation en Nouvelle-Calédonie et le maintien en Polynésie d'un dispositif essentiellement maritime du fait de l'importance de la ZEE, et enfin la zone Sud de l'océan Indien.

Il a été clairement arbitré au niveau interministériel qu'il n'y aurait pas de réduction des moyens militaires participant à l'action de l'État en mer. Nous avons dit ce que nous faisions et fait ce que nous avions dit. Cet objectif, que nous remplissons quantitativement et qualitativement, a été confirmé à l'issue du rapport du préfet Cayrel, dont les recommandations ont été reprises en septembre 2010 par le Secrétariat général de la mer.

Debut de section - PermalienPhoto de Karine Claireaux

Pourquoi y a-t-il une zone Antilles-Guyane et non pas Atlantique, à l'instar de ce qui existe pour les autres océans ?

Debut de section - Permalien
Pierre Chavancy, chef de la division emploi à l'État-major des armées

Le centre spatial présente un enjeu stratégique non seulement pour la France mais pour l'Europe. Les enjeux et priorités pour la France de la zone Antilles - Guyane ont amené à ne pas les « diluer » dans une zone Atlantique aux enjeux déjà nombreux. Par ailleurs, la ZEE de Saint-Pierre et Miquelon fait partie de la zone maritime Atlantique sous l'autorité du commandant en chef pour l'Atlantique (CECLANT) basé à Brest.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

Il n'y a pas que dans le domaine militaire que l'on procède de la sorte, il en est de même pour les ambassadeurs régionaux. Je suis d'accord avec ma collègue, je défends Saint-Pierre-et-Miquelon !

Debut de section - Permalien
Pierre Chavancy, chef de la division emploi à l'État-major des armées

Ne m'accusez pas d'oublier Saint-Pierre-et-Miquelon. Pour nous, militaires, la zone Antilles-Guyane concerne une grande part de l'activité, notamment du fait des opérations de lutte contre le narcotrafic (Narcops).

Debut de section - Permalien
Pierre Chavancy, chef de la division emploi à l'État-major des armées

Nous sommes sur une ligne de baisse des effectifs de 23 % ; les 20 % seront atteints en 2014. Les marges de manoeuvre apparaissent maintenant étroites. Tout retour en arrière sur les arbitrages interministériels serait compliqué et ne pourrait certainement pas se faire à moindre coût.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Guerriau

Vos documents distinguent personnels civils et personnels militaires ?

Debut de section - Permalien
Pierre Chavancy, chef de la division emploi à l'État-major des armées

Oui, car dans ce type de réorganisation, la gestion des militaires est plus souple.

Pour mener à bien cette réorganisation, nous avons joué sur les formats capacitaires, créé les bases de défense et rationalisé les soutiens. Nous comptons sur les travaux interministériels pour atteindre la cible. Sur cette trajectoire, nous avons marqué une pause en 2012 et 2013 dans la réduction des effectifs des forces de souveraineté aux Antilles et en Polynésie. La question est aujourd'hui de savoir si cette pause prendra fin ou non en 2013.

La plupart des moyens aériens de la base aérienne du Lamentin a été transférée en Guyane et compensée par l'installation en Martinique d'aéronefs d'autres administrations. L'action de l'État en mer a effectivement été préservée, à une exception près : à La Réunion, le remplacement du patrouilleur austral Albatros n'est pas prévu. La diminution de l'effectif global outre-mer est supportée à hauteur de 45 % par l'armée de terre, de 30 % par l'armée de l'air et de 25 % par la marine. L'augmentation des effectifs de 7 % en Guyane s'accompagne nécessairement d'une discrimination négative ailleurs, et pas seulement dans les DOM-COM.

Debut de section - Permalien
Pierre Chavancy, chef de la division emploi à l'État-major des armées

L'évolution des forces de souveraineté est en effet très liée à celle des forces de présence, sujet auquel il convient d'être très attentif, comme l'actualité nous le rappelle. L'essentiel du chemin ayant été parcouru, nous sommes engagés dans une canule dont il est extrêmement difficile de sortir. Nous pouvons tout au plus varier de quelques degrés vers le haut ou vers le bas.

À quelles difficultés sommes-nous confrontés ? Outre les contraintes budgétaires propres au ministère de la défense, une difficulté pourrait consister en la remise en cause des décisions arbitrées en interministériel. Au sein du pôle aéronautique étatique qui a remplacé la base aérienne du Lamentin, les ministères ont chacun une quote-part d'utilisation des installations. Que se passe-t-il s'ils ne veulent plus payer ? La question vaut aussi pour des structures comme le centre maritime commun de Polynésie. Les arbitrages interministériels ont été tellement difficiles à rendre que des retours en arrière pourraient compromettre tout l'édifice.

Même si la marine nationale est la seule à posséder une capacité d'intervention hauturière, l'action de l'État en mer est fondamentalement interministérielle. La capacité de surveillance des espaces de souveraineté ne se limite pas aux seules capacités aéromaritimes : il faut y ajouter, d'une part, les moyens satellitaires ou radars ou électroniques, et d'autre part, la présence de l'armée de terre sur certains territoires comme les îles Éparses. En particulier, les moyens maritimes militaires pré-positionnés seront à terme quantitativement égaux à ceux de 2008 et qualitativement bien supérieurs.

Quelles sont les possibles évolutions ? Sous réserve des options retenues par le prochain livre blanc, les risques et menaces sont a priori inchangés, ce qui devrait justifier un maintien de la priorité stratégique donnée à la Guyane. La contrainte budgétaire ne pourra que s'accroître, ce qui conduit à opérer de nouveaux choix - et choisir, c'est aussi renoncer.

Dans une hypothèse haute, nous aurions la possibilité de combler quelques lacunes, telles que la disparition de l'Albatros, et de compenser les réductions temporaires de capacités liés à l'âge de certains moyens. Cela demeurerait de toute façon limité et ne se ferait pas à moindre coût. Une hypothèse moyenne consisterait pour nous à rester sur la trajectoire actuelle sans mener ces actions correctrices. Enfin, dans une dernière option que je n'ose imaginer, il nous serait demandé de contribuer encore davantage à l'effort de réduction de la dette publique. Cela signifierait une réduction drastique de nos capacités outre-mer avec principalement la mise en place de « points d'accueil » centrés autour d'une base navale, à la fermeture des bases aériennes avec mise en place de pôles aéronautiques étatiques, l'armée de terre étant condamnée à un rôle restreint. Je précise que le service militaire adapté (SMA), relavant du ministère des outre-mer est une troupe « désarmée ». En cas de catastrophe ou crise grave, il fournit des bras et des moyens mais, ne peut assurer de protection en armes.

En conclusion, la réorganisation menée depuis 2008 se traduit par un recentrage des différents ministères sur leur coeur de métier. Elle ne se limite pas à une simple logique de moyens car ceux-ci demeurent cohérents avec les missions de chacun. De nombreux arbitrages interministériels ont été rendus : la pente n'est adaptable qu'à la marge et au moindre coût.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Guerriau

Y a-t-il des pistes de coopération avec les États riverains ?

Debut de section - Permalien
Pierre Chavancy, chef de la division emploi à l'État-major des armées

Nous faisons déjà beaucoup de choses dans ce domaine. La coopération avec les États-Unis aux Antilles-Guyane dans le cadre de Narcops est bien rodée et donne des résultats. Il est en revanche extrêmement difficile d'aller au-delà avec des pays ayant des systèmes juridiques différents du nôtre. S'engager dans certaines opérations avec des États où la peine de mort est en vigueur peut poser des problèmes politiques. Nous pouvons aussi nous trouver en concurrence avec les pays riverains. En 2003, j'avais vu, au collège de Macapá, pourtant proche de Saint-Georges-de-l'Oyapock, on ne discernait pas la Guyane française...

En Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna, nous sommes en relation principalement avec la Nouvelle-Zélande, l'Australie et les États-Unis. Ces derniers, dont l'intérêt pour l'océan Pacifique est très net, nous font des appels du pied en nous demandant régulièrement où nous en sommes et de quels moyens nous disposons. La France conduit sa propre politique et ne souhaite pas être entraînée au-delà. Chaque commandant supérieur de zone a la responsabilité des relations internationales militaires et de la coopération opérationnelle militaire avec les pays riverains de sa zone.

Debut de section - Permalien
Axel Moracchini, officier traitant « forces de souveraineté »

Chaque commandant supérieur basé outre-mer mène en effet des actions de coopération opérationnelle militaire. En revanche, en matière de protection de nos ZEE, les actions sont relativement limitées. Dans le Pacifique, peu de choses sont faites en-dehors des accords France-Australie-Nouvelle-Zélande (FRANZ) d'assistance en cas de catastrophe naturelle ou de la coopération en matière de pêche que nous avons mise en place avec l'Australie.

Plus généralement, nombre de pays insulaires ne disposent guère de capacités hauturières et lorsque nous menons des actions de coopération militaire et de formation des garde-côtes avec les Comores et Madagascar par exemple, destinées à leurs permettre d'assurer le contrôle de leurs propres zones, c'est du temps et parfois des moyens de moins qui sont consacrés à la surveillance de nos ZEE. On ne peut donc pas vraiment compter sur la coopération internationale pour renforcer nos moyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Étienne Antoinette

Les transferts auxquels vous procédez entre les Antilles et la Guyane sont-ils uniquement justifiés par l'enjeu du centre spatial ou bien sont-ils aussi dictés par la lutte contre le pillage des ressources ?

Nous devons mieux protéger notre zone en Guyane, comme le Brésil et le Surinam le font. Je pense aux normes sur les tonnages de poissons ou les filets, mais aussi aux hydrocarbures. Cela dit, pourquoi ce désintérêt pour les Antilles ? N'y a-t-il pas aussi des enjeux dans les Caraïbes ?

Je m'interroge aussi sur vos moyens. En Guyane, les bâtiments de la marine, qui datent d'il y a trente ans au moins, sont plus ou moins bien entretenus. On prévoit de les remplacer, le calendrier sera-t-il respecté ? Le débat sur le recours à des bâtiments polyvalents, mieux adaptés à nos côtes, a-t-il été tranché ?

Pour finir, la coopération. Vous en avez globalement indiqué les limites. Je soulignerai, moi, l'insatisfaction de certaines professions devant le pillage de nos zones.

Debut de section - Permalien
Pierre Chavancy, chef de la division emploi à l'État-major des armées

La protection du centre spatial guyanais relève exclusivement de la défense tandis que l'opération Harpie, et c'est une différence majeure, constitue une opération interministérielle. Pour la conduire, le préfet s'appuie sur nos forces, mais aussi sur celles de la gendarmerie et des douanes.

Les frontières entre nos champs d'action sont parfois ténues, soit. Il y a néanmoins des lignes de démarcation claires. Dès qu'il s'agit de combattre le terrorisme, qu'il soit intérieur ou extérieur, cela relève de l'armée. Ce n'est pas le cas de la lutte contre la délinquance ; en tout état de cause, pas en tant que primo-intervenant et quand bien même cette délinquance est puissante et bien équipée. Je pense au quartier de la Crique à Cayenne à propos duquel les cabinets de l'intérieur et de la défense ont beaucoup échangé.

En clair, l'armée veut accomplir sa mission, toute sa mission, mais rien que sa mission. Et la raison ne tient pas seulement à la logique de réduction des coûts. La lutte contre la délinquance n'est pas notre métier.

Les sujets des hydrocarbures et de la pêche illégale ne nous ont pas échappé, les événements récents en témoignent d'ailleurs.

Debut de section - Permalien
Pierre Chavancy, chef de la division emploi à l'État-major des armées

Il a fallu faire des choix dans le livre blanc. Nous sommes pauvres, nous devons gérer la pénurie.

Debut de section - Permalien
Axel Moracchini, officier traitant « forces de souveraineté »

Pour la Guyane, les deux patrouilleurs de 400 tonnes ont 30 ans. Leur remplacement, décidé le 3 mai 2011 à Matignon, est planifié pour 2016 : il n'y aura pas de rupture de charge. Les nouveaux modèles, des patrouilleurs légers à faible tirant d'eau, posséderont des capacités bien supérieures.

Les Antilles n'ont pas été oubliées. Le dispositif y a été recentré sur « l'action maritime » et, en particulier, la lutte contre les trafics illicites hauturiers avec deux frégates de surveillance disposant chacune d'un hélicoptère auxquels il faut ajouter un patrouilleur de souveraineté et d'intervention maritime (BATSIMAR) de l'ordre de 1 000 tonnes à compter de 2018. Par ailleurs, un bâtiment de transport léger (BATRAL) est affecté aux Antilles.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

Je n'étais pas favorable à la suppression du service militaire avant de me laisser convaincre par M. Jacques Chirac. Oui, la France avait besoin d'une armée de métier moderne, opérationnelle et adaptée aux défis de demain. L'effort supposait un retour sur investissement. Hélas, la RGPP s'est ensuite invitée à la défense... Je l'ai déplorée dès le début, en dépit de mon appartenance à l'UMP, car je savais que l'outre-mer en pâtirait. Quel est le résultat ? Deux fois moins d'effectifs, des Transall qui ne fonctionnent presque plus et trois vieux Casa pour la Polynésie française ! Est-ce ainsi que nous apporterons à l'outre-mer la protection et la sécurité ? N'oublions pas non plus le soutien logistique. Le Haut-commissaire de Polynésie que j'avais rencontré lors d'un déplacement pour le Sénat m'avait assuré qu'il lui était indispensable pour venir au secours des populations en cas de catastrophe naturelle. Quand vos moyens sont réduits à la portion congrue, pouvez-vous encore remplir vos missions ? Entendons-nous bien, je ne vous reproche pas d'être responsable de cette situation, car il appartient aux politiques de prendre les bonnes décisions.

Les rumeurs sur un refus d'intervention dans le cinquième district des Terres australes et antarctiques françaises, autrement appelé les îles Éparses, sont-elles fondées ? Et Clipperton ? J'y suis particulièrement attaché pour être l'auteur de l'amendement qui leur vaut de figurer dans la Constitution. Cet atoll, une richesse pour la biodiversité, est aujourd'hui utilisé par des narcotrafiquants pour charger et décharger leurs marchandises. Ils y ont même construit une piste d'atterrissage ! Je pourrais également citer les pirates de l'Océan indien, même si les risques sont éliminés dans cette zone depuis qu'une mission y a été conduite.

Alors, vous répondrez certainement, par un oui, à la question que j'ai posée sur le caractère suffisant de vos moyens. Mais sera-t-il franc et massif ou nuancé ?

Debut de section - Permalien
Pierre Chavancy, chef de la division emploi à l'État-major des armées

Inutile de dire que je vous répondrai franchement car vous penseriez que j'ai quelque chose à cacher... Toujours est-il que ma réponse est oui, même si nous sommes en limite basse, parce que nos activités ont été recentrées sur les missions militaires. D'aucuns continuent de solliciter nos interventions par habitude, comme cela se pratiquait auparavant. Ainsi, le préfet administrateur supérieur de Wallis-et-Futuna a sollicité notre participation à l'organisation des neuvièmes mini-jeux du Pacifique. Nous avons dû lui rappeler que le recours à des moyens militaires ne doit désormais être promu qu'en cas d'impossibilité de recours à des services civils. Cette règle est importante pour ne pas voir les armées accusées d'empêcher le développement et le bon fonctionnement de sociétés de services susceptibles d'assurer une prestation de même nature. Attention à l'accusation de concurrence déloyale ! Il existe des précédents douloureux, comme pour le trafic trans-îles à Mayotte.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

Qu'en est-il des îles Éparses et de Clipperton ?

Debut de section - Permalien
Axel Moracchini, officier traitant « forces de souveraineté »

Le Livre blanc de 2008 et sa déclinaison prévoyait un transfert des missions de présence permanente sur les îles Éparses, assurées par les armées, à d'autres administrations. Quel est le constat cinq ans après ? Aucune administration n'ayant manifester la volonté de reprendre ces missions, les armées continuent à assurer cette tâche. , environ 45 militaires effectuant 45 jours de rang une présence sur les trois îles. La mise en place s'y fait encore le plus souvent par Transall. C'est d'ailleurs le seul DOM-COM à disposer de ce type d'avion qui est en fin de vie, les autres étant consacrés aux opérations extérieures, notamment en Afrique. C'est dire la priorité donnée à cette région, une priorité qui coûte cher aux armées.

Puisque vous parlez des TAAF, évoquons le projet porté par le préfet concernant les bâtiments mutualisés multi-missions, le B3M Australe et le B3M Mozambique. Bien que ce sujet ait fait l'objet de nombreuses discussions et que le Secrétariat général de la mer l'ait remis sur la table en septembre, nous sommes loin du consensus interministériel. Si la défense payait, cela conviendrait à tout le monde. Malheureusement, cela n'est plus possible.

Debut de section - Permalien
Axel Moracchini, officier traitant « forces de souveraineté »

Nous avons deux frégates de surveillance dans la zone Pacifique, nous en envoyons une à Clipperton au moins une fois par an. La surveillance satellitaire de Clipperton et des ZEE (Polynésie et Clipperton) sera très prochainement expérimentée. Le projet est piloté par la fonction garde-côtes.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

L'UMP a un point commun avec les militaires : nous sommes disciplinés... Malgré les réductions de moyens, tenez-vous vos objectifs ? Il y a eu des changements de périmètres et le qualitatif, vous l'avez dit, peut remplacer le quantitatif...

Vous avez parlé de frontières à propos des champs d'action des différents ministères. J'évoquerai, moi, les frontières passoires de la Guyane et de Mayotte. Ne pensez-vous pas qu'il faudrait privilégier une approche interministérielle et replacer votre action parmi celles des autres acteurs concourant à la sécurité ?

Debut de section - Permalien
Pierre Chavancy, chef de la division emploi à l'État-major des armées

Prenons la Guyane : l'armée dans son format actuel ne suffirait pas à étanchéifier ses frontières ! La seule solution, et c'est celle que met en oeuvre le préfet avec l'opération Harpie, est d'agir sur les flux en rendant la Guyane, et surtout l'orpaillage clandestin, moins attrayants.

Debut de section - Permalien
Axel Moracchini, officier traitant « forces de souveraineté »

Je le confirme : pour Mayotte et la Guyane, la seule solution est interministérielle et globale. Dans le précédent livre blanc, les responsabilités régaliennes de chaque ministère étaient réaffirmées en fonction des missions (militaires, de sécurité intérieure, de sécurité civile...). Cependant, le dimensionnement des services déconcentrés de l'État en outre-mer ne sont pas l'image de la métropole. À titre d'exemple, le ministère de la défense assurent plus de 80 % des missions incombant à l'État en mer, alors même qu'il n'est chargé à titre principal d'aucune des politiques publiques mises en oeuvre.. Tout cela est complexe et nous devons jongler en permanence entre les priorités à accorder à chaque mission au regard du volume de nos moyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Laufoaulu

Moi qui m'apprêtais à relayer la demande du préfet de Wallis-et-Futuna pour les mini-jeux du Pacifique, je suis un peu surpris. L'aide de la marine, très précieuse, nous a manqué sur un sujet plus grave. Le cyclone du 14 décembre dernier a arraché la toiture de plus de 400 maisons. On nous avait promis deux Casa et le BATRAL Jacques Cartier le lendemain. Finalement, l'aide s'est réduite à un seul Casa, l'autre ayant été envoyé aux îles Fidji en application de l'accord qui lie la France à cette république. Les tôles nous seront livrées seulement à la fin du mois de janvier, par des bateaux civils.

Cette diminution de la présence militaire française explique-t-elle le retour en force des États-Unis dans le Pacifique depuis 2010 ? Ce pays possède l'ambassade la plus importante de la région aux îles Fidji. L'accord sur la surveillance de la pêche illégale les inclut aux côtés de l'Australie, de la Nouvelle-Zélande et de la France. Il y a de quoi s'interroger.

Debut de section - Permalien
Pierre Chavancy, chef de la division emploi à l'État-major des armées

A-t-on observé une baisse drastique des effectifs des armées outre-mer ? Oui, bien sûr ! La RGPP avait prévu 54 000 suppressions de postes, nous avons presque atteint cet objectif. Les forces de souveraineté ont contribué à cet effort à hauteur de 1 600 postes seulement. Cela peut sembler énorme, mais les DOM-COM, la Guyane en particulier, ont bénéficié de mesures de discrimination positive.

Le recentrage des Américains dans le Pacifique ? Vaste sujet politique lié, non à un défaut de France, mais à leur volonté d'être présent sur un théâtre dont ils sont riverains et pour lequel les enjeux futurs sont importants. Le positionnement par rapport à la Chine rentre également en ligne de compte. D'où l'installation d'une énorme base en Australie. Pour eux, nous sommes un allié qui compte et qui compte d'autant plus que, c'est mon avis, l'alliance n'est pas automatique. Dans le Pacifique, ils ne cessent de nous le dire, nous sommes une nation souveraine. Même si nous n'avons pas de groupe amphibie permanent à Nouméa, nous sommes l'armée française, une armée capable de faire ce pour quoi nous avons été mandatés. Voilà l'important à leurs yeux. Mais ce n'est pas parce que nos moyens diminuent que les Américains sont arrivés...

Debut de section - Permalien
Axel Moracchini, officier traitant « forces de souveraineté »

Nous faisons le maximum avec les moyens qui sont les nôtres... Nous avons prolongé le BATRAL de trois ans jusqu'en 2013 afin de tenir compte de la situation en Nouvelle-Calédonie. Idem pour un des patrouilleurs : deux ans de délai supplémentaire viennent d'être accordés, avec une prolongation éventuelle de trois ans à l'issue. Par ailleurs, des avions de surveillance maritime ont été conservés dans la zone Pacifique vue son étendue géographique, ce qui n'est pas le cas ailleurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Guerriau

Merci pour votre franchise. Nous sortons de cette audition peut-être un peu inquiets de savoir vos moyens si limités au regard de vos missions.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Guerriau

Je vous prie d'excuser l'absence de M. Serge Larcher, président de la délégation, à qui nous souhaitons un prompt rétablissement. Nous attendons de vous, monsieur l'ingénieur, un éclairage sur l'industrie des mines.

Debut de section - Permalien
Marc Rohfritsch

La direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services, comme son nom l'indique, a pour mission de développer la compétitivité et la croissance des entreprises françaises. Elle est placée sous l'autorité du ministère de l'artisanat et de celui du redressement productif. Mon bureau, au sein du service de l'industrie, participe à l'élaboration et à la mise en oeuvre des politiques industrielles dans leurs composantes sectorielles. À ce titre, nous animons la Conférence nationale de l'industrie, qui prendra bientôt le nom de Conseil ; nous soutenons les secteurs à forte valeur ajoutée et d'avenir ; nous accompagnons les secteurs en forte difficulté, et ils sont quelques-uns ; nous assurons une veille sectorielle et développons une connaissance fine du tissu industriel et d'autres actions transversales de soutien.

Mon bureau est compétent sur la production et la transformation des matériaux. Les matériaux, ce sont les plastiques, le caoutchouc et les composites, mais aussi les céramiques ou encore le bois, le papier et le carton et, naturellement, les métaux. L'exploration minière relève d'une autre direction. Cependant, pour ce qui concerne les ressources minérales, nous tâchons de mieux connaître et d'anticiper l'évolution de la demande industrielle, d'inciter les acteurs à mieux prendre en compte les risques qui pèsent sur leur approvisionnement et, enfin, d'actionner les bons leviers pour réduire la dépendance. Voilà le rôle que je joue sur le sujet qui vous occupe : l'exploitation des ressources minières marines profondes dans les zones économiques exclusives outre-mer.

Comment abordons-nous les besoins des industriels au sein du Comité pour les matériaux stratégiques, le Comes ? Quels sont les drivers ? Autrement dit, quelles sont les applications qui tirent les besoins ? La demande en métaux est en hausse, qu'ils s'agissent des métaux de commodité comme l'acier ou l'aluminium, ou des métaux plus stratégiques high tech. Ces derniers sont fortement liés au niveau de développement du pays.

Le mode de consommation des métaux dépend de trois grandes tendances sociétales : la sensibilité à l'éco-responsabilité, la hausse du prix de l'énergie et la recherche effrénée de technicité dans les produits. Il faut également citer les normes diverses et variées provenant de directives ; je pense à l'interdiction du Chrome 6, néfaste pour l'homme et l'environnement, ou encore à l'éco-conception et le recyclage.

Nos industriels dépendent pour leur approvisionnement de l'extérieur. Si on fait exception de l'or en Guyane et du nickel en Nouvelle-Calédonie, la France n'a pas de gisements de matériaux stratégiques, si bien que l'ensemble de la chaîne de valeurs peut potentiellement être affectée, par un effet domino, du fait d'une difficulté ponctuelle dans telle ou telle zone géographique. L'an dernier, nous avons conduit une étude sur deux filières particulièrement exposées : l'automobile et l'aéronautique. Ses résultats sont décevants, comme nous aurions dû nous y attendre, car les difficultés sont exactement celles sur lesquelles le Comes a buté. Les industriels ne veulent pas donner ce type d'information qu'ils considèrent très confidentielle. Et pour cause, ce serait afficher la vulnérabilité de leur entreprise. Tout cela pour expliquer que nous peinons à obtenir une vision agrégée de la consommation réelle de matériaux stratégiques en France.

Que faire pour réduire cette dépendance ? Nous avons réalisé des scénarios sur l'offre et la demande. Les premiers s'appuient sur des projections des valeurs de vente, l'impact des évolutions de marché - par exemple, l'augmentation des ventes de véhicules électriques - et l'estimation des effets de l'innovation sur le produit final. Pour l'offre, plus on va vers l'amont minier, plus nous sommes dans du temps long - il faut sept à dix ans pour ouvrir une nouvelle mine. Ce qui n'est pas vrai pour l'aval où les ajustements sont plus rapides. Nous tenons évidemment compte du recyclage, mais non des ressources marines parce que cela nous a paru prématuré.

Ces équilibres entre l'offre et la demande sont sensibles au rythme de démarrage des nouveaux marchés. Comment appréhender le moment où un nouveau marché démarre ? Prenons la transition énergétique, nous aurons peut-être alors grandement besoin de vanadium pour un stockage de masse de l'électricité. Autre exemple, le dysprosium, une des terres rares les plus stratégiques, qui entre dans la fabrication des aimants permanents indispensables pour le développement des éoliennes. Ces deux matériaux sont à surveiller de près, ainsi que le palladium et le platine. A contrario, l'offre est excédentaire pour le lithium et le restera demain. Nous avons effectué une étude sur dix métaux en 2012, elle est à la disposition des industriels.

Comment sécuriser l'approvisionnement des industriels ? La crise des terres rares, le tsunami au Japon et les inondations en Polynésie ont entraîné de fortes perturbations sur le marché des matières premières. Les acteurs industriels ont de plus en plus conscience des risques de dépendance, sans doute grâce au Comes. Cela dit, cette prise de conscience varie selon leur place dans la chaîne de valeurs : elle est plus élevée en amont, chez les mineurs et les transformateurs, qu'en aval.

Pour les acteurs aval, en revanche, le métal stratégique n'est que l'élément d'un alliage destiné à la fabrication d'un sous-composant : les préoccupations ne sont donc pas les mêmes. Reste que les perturbations dans la chaîne de l'approvisionnement ont poussé les industriels à se mobiliser et à participer au dialogue partenarial mis en place par l'État.

La crise des terres rares de 2011 a permis de mesurer les capacités de réaction industrielles, des stratégies de diversification de l'approvisionnement jusqu'à la constitution de stocks. Renault-Nissan a ainsi mis en place une stratégie volontariste de réduction des quantités de terres rares entrant dans ses composants. Un communiqué de presse de Nissan annonce que le moteur électrique de la Leaf utilise 40 % en moins de terres rares. Il en va de même pour les lampes basse consommation, où les terres rares sont remplacées par d'autres additifs. Autre exemple, le Japon, qui, en 2011, s'approvisionnait à 90 % en Chine, s'est tourné vers le Kazakhstan, l'Inde et le Canada, si bien que sa dépendance à la Chine est tombée, en 2013, à 50 %. Conséquence de tout cela, le marché de terres rares s'est retourné ; les prix, qui, au plus fort de la crise, avaient été multipliés par dix, se sont totalement dégonflés. Et les quotas restrictifs posés par la Chine pour 2012 sont restés très supérieurs à ce qui s'est réellement vendu ; ce fut, au regard de la stratégie agressive qui avait été la sienne en 2012, un véritable retour de bâton. Preuve que des contournements sont possibles, pour se protéger.

À quoi s'ajoute le peu de dynamisme de l'économie, qui a ses effets sur le front des matières premières. C'est, pour les pays dépendants, une opportunité à saisir : cela laisse le temps de se préparer à d'inévitables crises nouvelles. Il ne faut pas relâcher les efforts.

La France peut compter sur un tissu industriel d'importance et des organismes académiques et de recherche de premier plan, mondialement réputés. Tous ces acteurs doivent travailler à réduire les risques liés à l'approvisionnement. Ce qui exige la mise en place d'une démarche par filières, sous l'égide des pouvoirs publics, en lien avec les fédérations professionnelles. Tel est le sens de la création, en 2010, du Comes, et de son rapprochement en cours avec la Conférence nationale de l'industrie.

Les pouvoirs publics peuvent également apporter un appui ciblé. C'est ainsi qu'a été élaboré un outil d'auto-évaluation de la vulnérabilité des entreprises, en ligne sur le portail du ministère, qui vise à mieux sensibiliser les acteurs de terrain et doit jouer un rôle pédagogique auprès des PME. Dans le même ordre d'idées, le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), publie, à la demande de sa tutelle, des panoramas sur les métaux rares, sources précieuses d'information sur leurs applications, les gisements existants, les filières industrielles concernées. Au-delà, lors du colloque sur les métaux stratégiques, le 16 octobre dernier, M. Arnaud Montebourg a appelé à la constitution d'un observatoire national de référence afin de mutualiser l'information sur l'approvisionnement en matières premières. Projet soutenu par les membres du Comes, qui ont rappelé la nécessité d'avoir accès à une information de qualité, à coûts mutualisés, via un portail public ou semi public, assurant également l'interface avec les initiatives européennes en ce sens.

Nous agissons aussi pour améliorer l'environnement général des entreprises. Ainsi en attestent l'évolution en cours du code minier, la protection face à la concurrence déloyale, le soutien à la recherche pour développer des compétences en géologie, en technique minière, en recyclage... Ainsi également des encouragements à mettre en place des filières de recyclage, à attirer des investisseurs étrangers, qui ont notamment débouché sur l'inauguration, en 2012, d'un projet industriel porté par Rhodia, à La Rochelle, pour le recyclage des terres rares contenus dans les ampoules basse consommation.

D'autres leviers peuvent venir du secteur privé ou du partenariat public-privé : stratégies d'achats groupés, comme l'Allemagne qui en a annoncé la mise en place ; constitution de stocks ; démarrage de nouvelles exploitations minières, prises de participation dans les entreprises minières, rapprochements client-fournisseur - bref, les stratégies classiques de sécurisation.

Les perspectives d'exploitation des ressources minérales profondes dépendent, pour conclure, du résultat des travaux de recherche actuels, destinés à mieux qualifier les ressources disponibles, à travailler sur les techniques d'exploration et d'exploitation industrielle et leur impact sur l'environnement. La rentabilité des exploitations à venir dépendra du prix du minerai sur le marché. Si les prix s'envolent, il faudra se poser la question de l'exploitation de mines terrestres aujourd'hui non exploitées faute de rentabilité, ainsi que de la recherche dans les profondeurs marines. Car il est une préoccupation stratégique première, celle de la souveraineté : si l'exploitation devait se trouver dans les mains de pays dont la politique n'est pas favorable aux intérêts de la France, il faudra diversifier, fût-ce en exploitant la ressource marine.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Les ressources minières, depuis le nickel jusqu'à l'or, ne manquent pas outre-mer. D'où l'intérêt de notre délégation pour le sujet. À mon sens, la France manque d'une stratégie, peut-être du fait d'une méconnaissance des ressources et des besoins. À quoi s'ajoute la question de l'environnement, qui reste une pierre d'achoppement, même si j'ai bien compris, au travers de vos propos, que la recherche minière relève aujourd'hui davantage du ministère de l'industrie que de celui de l'environnement.

Reste que lorsque l'on évoque la question de la recherche minière en Guyane, on a l'impression qu'il faudrait mettre ce territoire sous cloche. Pas trop de recherche sur l'or, pour ne pas polluer, nous dit-on. Même chose pour le nickel : on s'est posé tant de questions que ce sont finalement les Canadiens qui ont mis la main dessus en Nouvelle-Calédonie. Quant au BRGM, il a laissé filer et ses mines, et sa recherche...

Avez-vous le sentiment que les choses évoluent, car nous souffrons de blocages qui nous sont un handicap au regard de nos concurrents ?

Debut de section - Permalien
Marc Rohfritsch

Vous posez la question de l'acceptabilité sociétale de la recherche minière. Je ne sais si les politiques s'infléchissent, mais je puis vous dire que le ministre du redressement productif est très volontariste. Il a, à plusieurs reprises, déclaré que s'il souhaitait que les ressources soient exploitées dans le respect indispensable des conditions de sécurité et de l'environnement, il ne voulait pas de moratoire, car la souveraineté de notre puissance industrielle est en jeu. Il a évoqué un démonstrateur de la mine propre, qui pourrait être de nature à changer le regard sur l'exploitation minière. Si l'activité minière n'a pas bonne presse, c'est aussi parce que le lien n'est pas suffisamment fait avec les produits d'usage courant qui en sont issus. On en reste au syndrome du Nimby, « Not in my backyard », qui n'est, au reste, pas spécifiquement français. Si bien que sur les gaz de schiste, la proposition Gallois, qui allait à maintenir la possibilité de quelques forages pour estimer les gisements et rechercher des techniques alternatives à la fracturation hydraulique n'a pas été retenue.

Debut de section - Permalien
Marc Rohfritsch

Sans doute, et si une technique plus acceptable voit le jour, nous avancerons. L'Allemagne a le même problème, mais elle a, en revanche, su relancer la mine, avec le soutien des pouvoirs publics et lancer ainsi la première phase de mise en production de petites mines pour la production de métaux. Preuve que les difficultés auxquelles se heurte la France ne sont pas insurmontables.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Étienne Antoinette

N'y a-t-il pas conflit entre la logique productiviste du ministère du redressement productif et la logique de protection environnementale du ministère de l'environnement ? Vous avez évoqué la sécurisation de l'approvisionnement, qui peut passer par la diversification des partenariats, mais quelle doit être notre attitude à l'égard des pays qui ne respectent pas les normes environnementales et sociales ou qui font travailler les enfants dans les mines ? Existe-t-il des préconisations ?

Debut de section - Permalien
Marc Rohfritsch

La révision du code minier doit permettre de mener des activités d'exploitation dans le respect des conditions établies par la loi. C'est tout l'enjeu des discussions en cours que de réconcilier des objectifs qui peuvent paraître contradictoires, mais doivent pouvoir se concilier. Il est vrai cependant que l'organisation de l'administration centrale n'est peut-être pas optimale : les services en charge de l'industrie extractive et de la recherche de matières premières sont restés au ministère de l'environnement, où les avait placés la création du grand ministère Borloo, qui avait pris dans son giron énergie et matières premières. Avec l'alternance, l'énergie est revenue à l'Industrie, mais les matières premières non énergétiques sont restées à l'Environnement. C'est ainsi. C'est donc la direction de l'eau et de la biodiversité qui est chargée de faire la balance entre préoccupations environnementales et industrielles.

Oui, nous préconisons des partenariats avec d'autres pays pour assurer la sécurité des approvisionnements. Nous avons ainsi concrétisé un accord avec le Kazakhstan sur la filière titane. Une filiale d'Eramet, qui fabrique des pièces en titane pour Airbus, connaissait des problèmes d'approvisionnement, si bien que pour y remédier, un joint venture a été créé avec un partenaire Kazakh. Des discussions avec le Canada, l'Australie sont également en cours et une stratégie européenne commence à se dessiner, puisque la Commission européenne signe des accords avec de nombreux partenaires - le Maroc et la Tunisie récemment.

Debut de section - Permalien
Marc Rohfritsch

Je ne suis pas le mieux placé pour répondre mais ils sont, à ma connaissance, assez rares. Je puis signaler la création, en Allemagne, d'une structure qui rassemble des entreprises utilisatrices de métaux rares dans la chimie, la sidérurgie ou l'automobile, comme BASF, Thyssen Krupp ou BMW, pour des appels à partenariats, sachant que l'Allemagne n'a pas d'opérateurs miniers. Eramet pourrait parfois être en situation de répondre à ce type de demandes.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Guerriau

Il me reste à vous remercier de votre intervention, qui nous donne matière à poursuivre nos travaux.