Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission procède à l'audition de M. Jean-Louis Dumont, président de l'Union sociale pour l'habitat.
Le programme de travail est cette semaine presque exclusivement consacré à la question du logement. Après la ministre de l'égalité des territoires et du logement hier et avant notre ancien collègue M. Dominique Braye, président de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), je suis heureux d'accueillir ce matin M. Jean-Louis Dumont, président de l'Union sociale pour l'habitat (USH).
La commission des affaires économiques n'a cessé de démontrer au cours des dernières années son intérêt pour les questions de logement. Compétente sur ces questions, elle a étudié à la fin de l'année 2012, sous la houlette de notre collègue Claude Bérit-Débat, qui en était rapporteur, la loi de mobilisation du foncier public en faveur du logement. Elle étudiera au cours des prochains mois le vaste projet de loi relatif à l'urbanisme et au logement qui est en préparation. J'ai d'ailleurs indiqué à la ministre Cécile Duflot, que nous serions heureux que ce texte soit examiné en priorité au Sénat.
Nous connaissons donc bien l'USH, que Jean-Louis Dumont préside depuis novembre dernier. Vous avez succédé à deux sénateurs membres de la commission des Affaires économiques du Sénat : Thierry Repentin, qui a présidé l'USH entre 2008 et 2012 et Marie-Noëlle Lienemann, qui en a assuré la présidence par intérim jusqu'à votre élection.
Nous sommes d'autant plus heureux de vous entendre aujourd'hui que cette audition intervient moins d'une semaine après l'annonce par le Président de la République d'un plan d'investissement pour le logement. J'espère donc que vous pourrez nous faire part de votre jugement sur ce plan et notamment sur le pacte que le Président de la République souhaite voir conclu d'ici la fin du premier semestre entre l'État et l'USH afin d'atteindre l'objectif de construction de 150 000 logements sociaux par an.
Je vous remercie de me faire l'honneur de me recevoir au Sénat en ce moment particulier. En effet, le Président de la République a rendu le 21 mars ses arbitrages en matière de politique du logement. Nous le réclamions depuis plusieurs mois. Ma venue au Sénat me permet de saluer le travail de mes prédécesseurs à la tête de l'USH : Marie-Noëlle Lienemann, qui fut aussi ministre du logement, Thierry Repentin, ancien sénateur et désormais ministre, mais aussi Dominique Braye ou encore Michel Delebarre. Enfin, je pense en venant au Sénat à Roger Quilliot, qui a imprimé sa marque sur la politique du logement en France. J'ajoute que c'est par l'accession sociale à la propriété que je suis venu au mouvement HLM.
Si les temps changent et si les hommes et les femmes sont remplacés, dans le mouvement HLM, demeure une valeur essentielle : le droit au logement. Pour la présidence de l'USH, nous étions plusieurs candidats qui partagions un objectif commun : améliorer l'accès au logement. C'est en ce sens que je travaille sur le Pacte que nous devons signer avec l'État pour relancer le logement en France et que nous recherchons une mutualisation des actions des différents organismes.
Le paysage institutionnel du mouvement des HLM est marqué par une grande diversité et une multitude d'acteurs : les coopératives d'HLM, les Offices publics de l'habitat adossés à des collectivités publiques, les sociétés à capitaux privés, adossées à Action Logement, les organismes de crédit immobilier. Tous sont utiles.
A l'Assemblée nationale, j'ai été entre 1997 et 2002 rapporteur budgétaire du logement. Je mesure aujourd'hui les difficultés économiques et financières de notre pays. Mais il faut construire. C'est l'objectif du Président de la République et une nécessité pour répondre aux besoins en logements du pays. Le besoin est d'abord de construire des logements supplémentaires en Île-de-France, en Provence-Alpes-Côte-D'azur, en Aquitaine, ou encore dans certains territoires de l'Ouest de la France. Le besoin est aussi de construire partout en France pour remplacer des bâtiments obsolètes. Comme maire de Verdun, j'ai procédé à la destruction de logements populaires familiaux (LOPOFA) pour les remplacer par des maisons individuelles, dans le cadre de la politique de développement social des quartiers (DSQ). Il me semblait d'ailleurs pertinent de construire d'abord et détruire ensuite les bâtiments obsolètes. Le besoin, enfin, est aujourd'hui de procéder à la rénovation thermique des logements. Cela permet au locataire de disposer de plus de confort en payant moins cher en charges. La rénovation technique peut se faire par phases : nous pouvons, moyennant quelques travaux, améliorer l'efficacité énergétique de bâtiments anciens, sans toutefois atteindre les plus hauts standards. Ce choix évite celui de détruire les bâtiments anciens, ce qui est plus coûteux. La démolition ne répond d'ailleurs pas seulement à une logique économique, mais à une logique urbaine de rénovation des quartiers.
Je considère que le Président de la République a répondu avec ses annonces du 21 mars aux attentes du mouvement HLM, conjointes à celles du secteur du bâtiment. L'objectif de production de logements neufs est ambitieux. Il fallait pour l'atteindre abaisser le taux de TVA. Au demeurant, la création du taux réduit de TVA dans la construction fut une réussite économique et sociale. Au Congrès de l'USH qui s'est tenue en septembre 2012 à Rennes, le mouvement s'était exprimé pour le maintien de cet instrument. La venue du Premier ministre constituait le signe d'un soutien au mouvement. La ministre Cécile Duflot a joué un rôle essentiel pour le maintien du taux réduit de TVA.
Tout à fait. L'objectif étant de construire beaucoup, le mouvement HLM est prêt à relever le défi. Mais il faut que l'État l'y aide. Or l'État n'a plus d'argent. Une piste pour le mouvement HLM consiste donc à mutualiser ses ressources. Ainsi pourrons-nous atteindre l'objectif de production de 120 000 logements par an, 150 000 en comptant les sociétés d'économies mixtes.
Mais le succès de l'effort de construction repose aussi sur d'autres acteurs comme les collectivités territoriales. En effet, ce sont les maires qui signent les permis de construire. Ce sont aussi les collectivités qui libèrent des terrains constructibles. Il est par ailleurs nécessaire de mutualiser les ressources humaines pour la maitrise d'ouvrage des opérations de logement. Certains opérateurs disposent de compétences et peuvent les mettre à disposition d'autres, dans un esprit de solidarité. J'évoque un point particulier : il existe encore des offices HLM municipaux. La prochaine loi de décentralisation pourrait utilement proposer de les adosser aux intercommunalités.
Si le discours du Président de la République sur le logement m'a rassuré, il faudra vaincre les résistances administratives qui existent encore, en particulier du côté du ministère des finances.
Sur le foncier, je précise que je préside le Conseil de l'immobilier de l'État. Il me semble indispensable que l'immobilier de l'État soit mis à contribution pour la construction de nouveaux logements. Dans une optique de long terme, il nous faudra professionnaliser la gestion du patrimoine foncier de l'État.
Je partage les analyses qui viennent d'être développées et je tiens à souligner que l'essentiel va maintenant se jouer, d'une part, dans la définition des modalités de mise en oeuvre par le ministère de l'économie des mesures annoncées et, d'autre part, dans la mobilisation sur le terrain de l'ensemble des acteurs concernés.
La première bataille consistera à s'assurer que le taux de TVA à 5 % s'applique bien à l'ensemble du champ des activités des organismes d'HLM. Toutes les activités qui étaient auparavant taxées à 5,5 % devront l'être désormais à 5 %. J'insiste particulièrement sur la question du prêt social locatif accession (PSLA), car l'accession à la propriété est un des piliers des politiques de mixité sociale de l'habitat et elle doit être préservée.
Le second combat sera de bien définir ce qu'on entend précisément par mutualisation des fonds propres des organismes du mouvement HLM. Quelles en seront les modalités pratiques ? La mutualisation ne doit pas être un système de transferts financiers organisés par l'État. C'est le mouvement HLM lui-même qui doit organiser la mutualisation. L'État devra bien sûr avoir pour mission de contrôler que la répartition opérée correspond bien aux objectifs d'intérêt public qu'il a définis, mais son rôle n'est pas de piloter directement les opérations. Je fais référence ici au débat sur le rôle que doit jouer la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLSS). Cette caisse est abondée par les organismes HLM mais elle est de facto dirigée par l'État. Théoriquement certes, il y a codécision, mais la codécision avec les services de Bercy atteint assez vite ses limites. Mon avis est que la mutualisation doit rester entre les mains du mouvement HLM. C'est impératif pour conserver de la souplesse dans la gestion. Si elle est mise en oeuvre par l'administration, nous perdrons en réactivité et nous ferons face à des effets pervers terribles, comme l'illustre la taxe instaurée sur les fonds propres des organismes HLM. Le mécanisme mis en place n'a pas incité ceux qui avaient des ressources à construire davantage, car les sociétés qui avaient des fonds propres ont préféré se désendetter plutôt que de payer la taxe. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles la quotité de prêts de la Caisse des dépôts baisse. Un pilotage en interne de la mutualisation permettra de prévenir ce type d'effets pervers et de déplacer les curseurs rapidement sans avoir à attendre une évolution des textes normatifs.
Je souhaite également attirer l'attention sur la nécessité de faire preuve de vigilance concernant le doublement des aides à la pierre au cours du quinquennat. C'est l'une des promesses du Président de la République. Or, j'entends déjà les arguments des services de Bercy : puisqu'on a décidé la baisse de la TVA, on va pouvoir réduire à due concurrence les aides à la pierre. Si on le fait, les objectifs ne seront pas atteints. Un milliard d'euros sont en effet nécessaires pour avoir des chances d'atteindre l'objectif des 150 000 logements sociaux annuels. On se situe actuellement à 400 millions d'euros. Si l'on réduit les aides à la pierre, le compte n'y sera pas.
Enfin, sur la question du coût du foncier, au-delà du nécessaire suivi au niveau régional et national par l'USH et l'État, le Sénat doit avoir un rôle d'impulsion et de pression pour lutter contre l'inertie des administrations. Nous avons vu, lors des débats sur la question de la baisse du taux de TVA, que la mobilisation du Sénat avait joué un grand rôle dans cette avancée. Il faut maintenir notre mobilisation.
La baisse du taux de TVA est une mesure majeure qui est le fruit d'une mobilisation forte des sénateurs, toutes étiquettes confondues : il faut effectivement le souligner. Cette baisse devrait permettre de dégager en moyenne 6 000 euros de fonds propres supplémentaires par logement et de financer au total la construction de 22 500 logements supplémentaires par an. Ce sont les chiffres que l'on nous donne. Cette évaluation est-elle correcte selon vous ? Il serait intéressant pour pouvoir se faire une idée de disposer du bilan du passage de la TVA de 5,5 à 7 %.
Vous avez rappelé que le Président de la République avait fixé un objectif ambitieux de 150 000 logements sociaux supplémentaires. Il sera atteint grâce à la coopération entre le mouvement HLM et les SEM. Je ne doute pas que ces dernières prendront toute leur part à l'effort collectif.
Concernant le prélèvement sur le potentiel financier des organismes de logement social, je rappelle que sa suppression procède, à l'origine, d'un amendement d'initiative sénatoriale qui a été intégré au texte du projet de loi de mobilisation du foncier. Or, j'entends qu'il existe toujours un prélèvement sur les organismes HLM. Je voudrais donc avoir un éclairage sur ce point.
Je rappelle aussi qu'il y a une mobilisation financière de 1,5 milliard d'euros d'Action logement. C'est une mesure forte qui s'ajoute à celles qui ont été précédemment évoquées.
Ma dernière remarque concerne le foncier. La mise à disposition du foncier de l'État va intervenir bientôt, quoiqu'un peu tardivement à mon goût, puisque les décrets devraient être publiés dans les prochaines semaines. Il y a sans doute là l'effet d'une certaine inertie administrative -on sait à cet égard la position de France domaine concernant la mise à disposition gratuite. Je souhaite qu'on aille encore plus loin dans la libération du foncier privé en modifiant les règles de taxation qui, aujourd'hui, incitent à conserver le foncier. C'est une demande unanime des acteurs du logement.
L'inversion de la fiscalité sur les plus-values immobilières constitue une bonne méthode pour libérer le foncier, mais je crois qu'on devrait étudier aussi celle utilisée par les pays nordiques basée sur une taxation de la valeur vénale.
S'il faut mobiliser le foncier de l'État, il serait sans doute aussi opportun de mobiliser le foncier détenu par les établissements publics fonciers de l'État. Ils disposent de stocks importants. Peut-être faudrait-il donner au préfet de région un rôle pour activer l'utilisation de cette ressource.
Concernant l'adossement des organismes HLM sur les établissements publics de coopération intercommunale, c'est une pratique qui se répand. Nous l'avons fait à Perpignan avec l'OPAC et la communauté d'agglomération. Mais il faut avoir une certaine cohérence : il y a une chaîne des opérations en matière de logement et, lorsqu'on prend la compétence en matière de délégation de l'aide à la pierre, il faut aussi prendre la compétence aux autres niveaux de la chaîne.
Un autre point me semble important : c'est celui des garanties d'emprunt des collectivités. J'ai abordé hier cette question lors de l'audition de madame la ministre. Les collectivités, qui font l'objet d'une notation financière, hésitent également à accorder des garanties qui risqueraient de dégrader leur note. Or, cette garantie me paraît également inutile car l'État garantit déjà les fonds du livret A : à quoi bon garantir une deuxième fois ces sommes ?
Enfin, je me réjouis de l'annonce d'un moratoire de deux ans sur la création de normes. D'ailleurs, je serais intéressé que vous nous précisiez quelles sont, de votre point de vue, les normes les plus coûteuses.
Pouvez-vous nous donner des précisions sur la manière d'atteindre l'objectif des 120 000 logements sociaux annuels ? Quelles sont les opérations financières envisagées ? Que pensez-vous de la possibilité pour les offices HLM d'emprunter à taux zéro ?
Adosser les offices HLM aux EPCI, pourquoi pas. Mais l'objectif de 30 % de logements sociaux est un objectif communal.
Je serais favorable à l'obligation de mettre en place des établissements publics fonciers régionaux. Quelle est votre position sur ce sujet ?
Dans les zones denses où le foncier disponible est rare, il faut réhabiliter les logements existants ou trouver des locaux vacants. Je pense notamment à la transformation de bureaux en logements : comment doit-on s'y prendre de votre point de vue ?
Pouvez-vous confirmer que la TVA à 5 % ne concerne pas seulement la construction et la réhabilitation mais tous les travaux sur logements sociaux ? Il y a eu des déclarations contradictoires à ce sujet et je souhaiterais être rassurée sur ce point.
Enfin, quand on évalue le nombre de constructions supplémentaires généré par la baisse de la TVA, quelle base de calcul prend-on ? Se réfère-t-on à une situation où la TVA est à 5,5, à 7 ou à 10 % ?
La crainte d'une réduction en parallèle du taux de TVA et des aides à la pierre aux organismes de logement social s'appuie sur des précédents. Le phénomène avait déjà eu lieu lors du passage de la TVA de 19,6 à 5,5 %.
Sur la disponibilité du foncier, je voudrais faire une observation : la Haute-Savoie a investi depuis quinze ans dans les espaces naturels sensibles. On y rencontre aussi des terres agricoles en quelque sorte enclavées dans les espaces urbanisés. Or, dans les zones tendues, l'utilisation de 1 % de ces espaces préservés suffirait à disposer gratuitement du foncier nécessaire à toutes les opérations de construction de logements. Je crois qu'il faut s'interroger sur l'utilisation de ces réserves.
Je voudrais aussi dénoncer ce qui me paraît être une injustice. On voit aujourd'hui dans des zones tendues que certaines collectivités, pour rattraper leur retard par rapport aux obligations de taux minimal de logement sociaux, lancent des opérations dans lesquelles la part de logements sociaux atteint 30 ou 35 % du nombre total de logements construits. Or, l'équilibrage financier de ces opérations se fait en transférant une partie du coût des logements sociaux sur les logements du parc privé, au détriment en particulier des primo accédants. Ces derniers se retrouvent ainsi à payer 20 % du prix du logement de leurs voisins bénéficiaires de logements sociaux.
Enfin, je reviens sur le rapport de Jean-Claude Boulard et Alain Lambert relatif à la lutte contre l'inflation normative. Y avez-vous contribué par vos propositions ? Car c'est un fait que le secteur du logement et des équipements publics souffre d'un excès de normes.
Quelle est la position de l'USH sur la question de la vente du patrimoine aux locataires ? Je comprends l'intérêt que cela peut représenter pour le bailleur, mais il y a aussi un risque réel de voir se développer des copropriétés dégradées en grande difficulté.
Dans le cadre de la rénovation urbaine était prévue une zone de 500 mètres bénéficiant d'une dérogation de TVA. Je souhaite que le taux réduit de TVA s'applique encore à l'avenir dans ces zones.
La vente de logement HLM correspond à une aspiration forte d'une partie des locataires. Cela peut d'ailleurs être un facteur de mixité sociale de l'habitat. Pour autant, je poserai trois questions :
- que penser des organismes HLM qui vendent une partie de leur patrimoine dans des villes qui ne satisfont pas à la loi SRU ? Cela me choque ;
- que penser des organismes HLM qui, parce que leurs locataires n'ont pas pu devenir propriétaires de leur logement, les vendent au prix du marché, y compris pour en faire des résidences secondaires ? Cela peut s'observer sur la Côte d'azur, mais aussi en Île-de-France ;
- de telles ventes ne devraient-elles pas systématiquement se faire dans le cadre d'une charte comportant une obligation de réhabilitation préalable avant la cession, le maintien de l'organisme bailleur auprès du syndic pour réaliser l'accompagnement et l'inclusion de clauses anti-spéculatives ?
Je souhaite vous poser une seule question sur la question de la vente de patrimoine. Les priorités pour le logement social sont la construction et la rénovation de l'ancien. Cela a un coût et une des manières pour trouver de l'argent est de vendre du patrimoine HLM. Je pense qu'en la matière, il faut aller plus vite et agir. Vendre ce patrimoine est une priorité. J'ai présidé pendant six ans l'office de mon département. On a lancé le processus qui n'était pas alors dans les mentalités. Mais de plus en plus de locataires entrent aujourd'hui dans le processus de l'accession à la propriété. Il faut à mes yeux fixer des objectifs quasi-obligatoires - tout en tenant compte, bien entendu, de l'état du patrimoine de chacun - avec des pourcentages de logements à vendre. C'est un des moyens d'atteindre vos objectifs.
Je suis persuadé que nous aurons un vrai débat entre nous sur ce sujet.
Étant entré dans le mouvement HLM par le biais de l'accession sociale à la propriété, je suis un militant de la vente de logements HLM.
Venant du milieu rural et fils de paysan, je connais les sentiments qui s'attachent aux terrains que l'on possède. Comme membre du Conseil économique et social, j'ai commis un rapport sur le foncier urbain à construire, rapport qui reste d'actualité. Avec le sénateur Pierre Hérisson, nous avions échangé quand il était en charge d'un rapport sur les grands rassemblements évangéliques et moi d'un rapport sur les grands rassemblements festifs liés à la musique techno. Nous avions fait les mêmes observations sur le foncier à laisser disponible pour des faits de société. Quand le terrain devient rare, qu'il soit urbain, agricole ou dédié à des missions environnementales ou sociétales, il faut y prêter attention. Député de l'opposition, j'ai voté pour l'inscription du principe de précaution dans la Constitution, je suis cependant conscient que son application pose de réels problèmes.
En matière de vente HLM, quand Gilles de Robien était ministre du logement, je lui ai indiqué que j'étais d'accord avec ses propositions, mais opposé à une norme en la matière. Pour moi, le patrimoine de l'organisme qui vend doit augmenter année après année. Quand un organisme HLM souhaite vendre, il faut un plan stratégique de patrimoine établi sur plusieurs années. Il indique quels logements seront vendus et où ils seront vendus. Le préfet donne son avis, le maire est informé et a les moyens de s'opposer. La vente HLM est donc encadrée. Elle est souvent utilisée par les organismes les plus dynamiques sur la production et sur la rénovation. Si la gestion de la vente est bien faite, elle peut dégager des fonds propres qui peuvent être réutilisés.
Certains organismes sont riches d'une ressource humaine dédiée à l'ingénierie financière qui n'existe pas dans les très petits organismes. C'est pour cela que je parle de la mutualisation, non pas en commençant par l'argent mais par les ressources humaines et l'ingénierie. J'ai vu, dans une région, trois offices départementaux créer une filiale commune et travailler en commun. J'ai vu par ailleurs, sur une communauté urbaine, l'ensemble des organismes, dans leur diversité, se réunir pour répondre ensemble aux besoins exprimés par le président de l'intercommunalité. Cela peut donc très bien fonctionner.
La norme des 20 voire 25 % de logements sociaux doit être appliquée sur un territoire, l'intercommunalité.
Il faut faire des logements sociaux, y compris en vente en état futur d'achèvement (VEFA). Dans certaines communes, notamment en Île-de-France, près de 50 % de la production HLM sont réalisés en VEFA. Nous estimons que les organismes HLM peuvent monter des opérations, reprendre de la promotion privée, mener l'opération et vendre en état futur d'achèvement au privé. A chacun son métier, ses difficultés et son expertise : un organisme HLM sait aller discuter avec un maire, sait reprendre un terrain pour mener une opération d'aménagement avec un établissement public foncier (EPF).
Je suis donc favorable à la vente HLM. C'est un nouveau métier que de jouer le rôle de syndic, mais la vente HLM donne plus de sens et plus de responsabilité. Il faut le faire sans contrainte et sans tabous. Des divergences existent entre les organismes HLM sur cette question.
S'agissant des normes, un des premiers courriers que j'ai envoyés à Cécile Duflot portait sur les ascenseurs. Leur mise aux normes est évidemment nécessaire mais encore faut-il qu'il y ait suffisamment d'ascensoristes pour satisfaire leurs besoins ! Il faut au moins six mois ou un an de délai supplémentaire. Il faut par ailleurs, bien entendu, régler des situations d'incivilité voire reconquérir des espaces urbains abandonnés à des petites mafias. C'est un travail de fond avec les associations, l'école, les services municipaux... On essaie d'y répondre, mais la fonction première des organismes HLM est de construire du logement, d'entretenir et de rénover.
Il est évident que le PSLA bénéficiera du taux de TVA à 5 %, tout comme l'ensemble de la rénovation des logements sociaux. Dans les zones urbaines sensibles (ZUS), les organismes bénéficient de l'exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), ce qui représente environ 150 millions d'euros. Cette mesure pourrait être remise en cause car elle peut produire certains effets d'aubaine.
S'agissant de la mutualisation, l'argent des organismes HLM doit servir à d'autres organismes et il est hors de question que cet argent soit géré par quelqu'un d'autre que les organismes. Mon taux d'adrénaline monte quand on parle de la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) : les fonds détenus proviennent exclusivement des organismes HLM donc des locataires. Nous vous proposerons donc, en accord avec les ministres concernés, des amendements pour revisiter la gouvernance de la CGLLS. Il pourrait peut-être être utile d'en faire une caisse de garantie car nous constatons en effet que de plus en plus de collectivités locales hésitent à donner la garantie. Ma conviction, c'est que nous devons construire plus, rénover et réhabiliter sur le plan thermique notre patrimoine. Nous devons répondre à des besoins à travers un spectre de plus en plus large, du terrain familial au logement intermédiaire. Pourquoi interdire aux organismes HLM de mener des opérations de construction de logements intermédiaires là où il n'y a pas d'autres opérateurs ? Je demande un élargissement du spectre d'action pour les organismes HLM. Nous devons travailler sans tabou sans a priori.
Sur les charges, nous devons faire des investissements pour qu'elles diminuent. Ces investissements peuvent être rentables.
S'agissant du foncier, j'ai rédigé des rapports sur cette question. Le Conseil immobilier de l'État a été consulté sur le projet de décret sur la décote. On sent bien qu'il y a des pressions mais, par ailleurs, le foncier a une valeur qu'on ne peut pas minorer. C'est pour ça que je suis favorable à l'emphytéose. On ne doit pas donner l'impression qu'on brade le patrimoine, même pour une cause essentielle. Le Conseil immobilier de l'État présentera 50 propositions au nouveau ministre des domaines. Nous avons l'obligation d'être très attentif à une gestion professionnelle de l'immobilier de l'État par France Domaine. Les organismes HLM souhaitent que la valorisation du foncier s'opère au bénéfice des HLM, pour des opérations mixtes.
Cette réunion est passionnante. J'habite à proximité de la Côte basque, où beaucoup d'opérations n'aboutissent pas à cause de la charge foncière. Ne devrait-on pas mener une réflexion en matière de foncier et être un peu innovant en matière de fiscalité ? Faut-il instaurer une fiscalité permanente sur le foncier destiné à la construction ?
C'est un sujet que nous avons souvent évoqué. S'agissant de la fiscalité des plus values immobilières, l'inversion de la logique de la taxation est une solution. La solution des pays nordique me paraît plus simple : rendre constructible un terrain y est considéré comme un enrichissement sans cause pour les propriétaires concernés
Nous vous enverrons des propositions écrites de l'Union, dont beaucoup concernent la détention du foncier et la mobilisation du foncier au bénéfice des opérations urbaines.
Merci beaucoup, Monsieur le Président, de vous être exprimé devant nous avec tant de conviction.