Commission des affaires sociales

Réunion du 18 juillet 2013 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Nous recevons M. Antoine Durrleman, président de la sixième chambre de la Cour des comptes, qui est accompagné de MM. Michel Braunstein, président de section, Serge Barichard, conseiller référendaire et rapporteur de l'enquête, et Jean Picq, président de chambre, exerçant les fonctions de contre-rapporteur. Il nous présentera les conclusions de l'enquête sur la biologie médicale demandée à la Cour par notre commission fin 2012 - avant le dépôt par M. Le Menn et le groupe socialiste de la proposition de loi sur la biologie médicale qui visait à ratifier, en la modifiant, l'ordonnance du 13 janvier 2010. Nous avons par la suite demandé à la Cour d'intégrer à son enquête un éclairage sur la mise en oeuvre de la réforme de 2010, qui instaurait une accréditation obligatoire des laboratoires.

Debut de section - Permalien
Antoine Durrleman, président de la sixième chambre de la Cour des comptes

Merci pour votre accueil. Vous nous avez proposé un sujet qui nous a beaucoup intéressés.

Nous avons dû reconstituer nombre de données chiffrées qui n'étaient pas disponibles. Les honoraires des laboratoires de biologie médicale se sont élevés à 4,7 milliards d'euros en 2012 au terme d'une décennie de vive croissance, jusqu'à 9 % par an les premières années. L'agence technique de l'information sur l'hospitalisation (Atih) a dû procéder à des retraitements comptables pour nous renseigner sur les dépenses de biologie hospitalière, qui ne sont pas identifiées en tant que telles dans les remboursements de l'assurance maladie ; elles se sont élevées à 2,4 milliards d'euros. La charge totale au titre de la biologie médicale avoisine donc les sept milliards d'euros, une somme considérable. Pourtant, les administrations en charge de ce secteur - direction de la sécurité sociale (DSS), direction générale de la santé (DGS), direction générale de l'offre de soins (DGOS) - ne procèdent à aucun suivi de routine de son évolution.

Le nombre d'actes a explosé au cours des dernières années, y compris en 2012. Il a crû de 63 % entre 2000 et 2011, deux fois plus vite que celui des autres soins de ville, qui ont progressé de 35 % sur la même période. Les déterminants de cette dépense sont assez mal connus. Les cinq examens les plus fréquents concentrent un quart des actes ; les vingt plus fréquents, la moitié. Les médecins généralistes sont à l'origine de 68 % des actes de biologie médicale de ville. Parmi les spécialistes, les gynécologues, les anesthésistes et les cardiologues sont les principaux prescripteurs. On observe une très grande disparité régionale, qui révèle un fort lien entre densité en prescripteurs, nombre de laboratoires, volume d'actes et évolution de la dépense. La caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) et les administrations de tutelle ont très insuffisamment analysé les déterminants de cette dépense, à l'évolution pourtant dynamique.

Comme l'imagerie médicale, la biologie médicale joue un grand rôle dans le progrès médical : l'une et l'autre tendent à rendre le corps du patient transparent, ce qui permet d'affiner le diagnostic et de personnaliser le traitement. Elles sont elles-mêmes en évolution constante, l'automatisation croissante engendrant des gains de productivité considérables.

L'accréditation obligatoire, prévue par l'ordonnance de janvier 2010 ratifiée par la loi du 30 mai dernier, réforme profondément l'organisation de la biologie médicale. Dans la logique du principe de médicalisation, le biologiste - pharmacien, dans 70 % des cas, ou médecin - devra désormais être présent à toutes les étapes du processus d'analyse. La réalisation des examens nécessitera l'attestation d'une compétence de haut niveau délivrée au terme d'une revue par les pairs. Cette accréditation sera obligatoire et portera sur la totalité des examens - dans certains pays européens elle est fondée sur le volontariat et ne porte que sur certains types d'analyses. Elle combinera le respect de la norme internationale EN ISO 15189 et des exigences spécifiquement françaises.

Elle sera mise en place par paliers. Au 31 mai 2013, les laboratoires devaient remettre au Comité français d'accréditation (Cofrac) un dossier d'entrée dans l'accréditation. Ceux qui ne l'auront pas fait avant le 31 octobre 2013 ne pourront plus exercer leur activité. Le 1er janvier 2016, les laboratoires entrés dans le processus d'accréditation devront avoir fait accréditer au moins 50 % des actes dans huit familles d'examens ; ce sera le cas pour la totalité des actes en 2020. Le dispositif se renouvellera ensuite par période de cinq ans. Il est particulièrement exigeant pour les laboratoires mais aussi pour le Cofrac. La règlementation européenne exigeant qu'un seul organisme par pays soit chargé de l'accréditation, c'est cette structure, jusqu'ici spécialisée dans la qualité industrielle, qui a dû se réorganiser et créer une section spéciale. L'accréditation concerne aussi les laboratoires hospitaliers : l'approche est unifiée, le niveau d'exigence identique.

Cette réforme s'installe avec une certaine difficulté. Au 31 mai 2013, un nombre significatif de laboratoires, hospitaliers comme libéraux, n'avaient pas déposé de dossier. Pourtant, les formalités ont été aménagées afin qu'ils puissent tous respecter ce délai. Dès lors, certains seront-ils contraints à cesser leur activité au 31 octobre 2013 ? La DGS s'appuie sur les agences régionales de santé (ARS) pour relancer, un par un, les retardataires. Le syndicat des biologistes libéraux estime qu'environ 250 petits laboratoires de ville ne seront pas au rendez-vous. Le Cofrac, quant à lui, a recruté des biologistes mais il devra, pour tenir l'échéance, tripler rapidement leur nombre. De nombreux laboratoires attendront le dernier moment pour déposer leur dossier, ce qui risque de produire un engorgement. Les autorités de tutelle doivent donc être vigilantes et mettre en place un dispositif de pilotage fin et rigoureux impliquant l'ensemble des administrations concernées - DGS, DGOS, DSS - le Cofrac et, j'y insiste, les ARS, qui devraient selon nous participer au dispositif de pilotage qui reste à construire.

L'annonce de la réforme a déjà provoqué une réorganisation du secteur. Le nombre de laboratoires est passé de 3 800 à 1 500, peut-être moins : nous manquons de données, à un point étonnant... Ni la Cnam ni l'État ne semblent en mesure de suivre l'évolution de ce secteur pourtant sensible ni, donc, de le piloter fermement. L'organisation des sites de prélèvement n'a pas changé. Leur nombre, qui a atteint un point bas il y a deux ans, augmente depuis, et s'établit à 3 625. Chacun emploie en moyenne dix salariés. Certains laboratoires ont jusqu'à soixante sites. La réorganisation du réseau est encore inaboutie. Ce ne sont pas les volets « biologie » des schémas régionaux d'organisation des soins (Sros) construits par les ARS qui la commanderont, car ils ont le plus souvent été établis sur la base d'informations lacunaires et imprécises.

Nous avons interrogé les administrations de tutelle sur leur vision à dix ans de l'organisation de la biologie, en particulier libérale, dans notre pays : nous n'avons eu aucune réponse, ni de la DGS, ni de la DGOS, ni de la DSS ! Pas de suivi du dispositif d'accréditation, pas de vision de moyen terme dans les administrations de tutelle. Le risque est celui d'une réorganisation sauvage. La loi du 30 mai 2013 confère bien aux ARS la régulation du secteur, en particulier pour éviter une concentration excessive. Cependant les agences régionales sont pour la plupart dans l'incapacité d'exercer cette mission, faute de disposer de l'information et des compétences nécessaires : il leur faudrait avoir accès aux chiffres, et être en mesure de disséquer des montages financiers complexes.

Les laboratoires hospitaliers connaissent un retard d'organisation encore plus préoccupant. Nombre d'établissements ne sont pas entrés dans une logique de réorganisation en profondeur, ils n'anticipent pas l'entrée en vigueur des contraintes nouvelles.

Les efforts d'efficience du secteur, de régulation de la dépense, sont insuffisants. Depuis 2006, la Cnam organise chaque année un train d'économies sans concertation avec les biologistes. Elle déclare avoir ainsi réalisé 700 millions d'euros d'économies entre 2006 et 2012 : nous en prenons acte, mais ne sommes pas en mesure de certifier ces chiffres.

Il s'agit de mesures d'ajustement conjoncturel, non de réformes structurelles. La maîtrise structurelle des dépenses supposerait une actualisation régulière de la nomenclature des actes de biologie, dont l'archaïsme contraste avec le dynamisme de la discipline : il y a 1 600 actes hors nomenclature pour 1 000 actes dans la nomenclature ! La commission de hiérarchisation des actes de biologie est bloquée car les syndicats des biologistes libéraux refusent d'y siéger. La Cnam en a pris son parti, au bénéfice d'une interprétation laxiste de la règle du quorum, et décide seule. L'actualisation de la nomenclature est pourtant un outil essentiel d'efficience, de maîtrise de la dépense et de qualité.

Il faudrait aussi développer la maîtrise médicalisée de la dépense de biologie chez les biologistes comme chez les médecins prescripteurs. Aujourd'hui elle n'existe ni d'un côté, ni de l'autre. La convention de 1994 entre les laboratoires et la Cnam ne prévoyait pas grand-chose à cet égard, et le peu qu'elle prévoyait n'a guère été mis en oeuvre.

Depuis la fin 2012, la Cnam n'a plus aucune base juridique pour travailler avec les biologistes sur une maîtrise médicalisée de la dépense. Pis : aucune action de réduction de la dépense n'a été conduite en direction des médecins libéraux ou hospitaliers. Nous faisons donc un constat de carence et de blocage du dispositif conventionnel. Ce blocage arrange tout le monde. La Cnam n'a pas à s'embarrasser de négociations avec les professionnels. Ceux-ci acceptent des ajustements tarifaires parce que le dynamisme du volume des actes les compense largement, tandis que l'automatisation dégage des gains de productivité considérables.

L'ensemble du dispositif de régulation du secteur doit être repensé. L'actuelle convention de biologie médicale arrive à expiration en juillet 2014. Il conviendrait de ne pas laisser passer cette opportunité, et de la dénoncer avant le 26 janvier 2014. Cela n'aurait pas d'effet sur les assurés, le règlement arbitral se substituerait à la convention. En revanche, l'ensemble de la profession serait incitée à se pencher sur les questions de modernisation et d'accréditation. L'assurance maladie doit recevoir sa juste part des progrès de productivité. Il est temps de refonder les relations entre celle-ci, les pouvoirs publics, la Cnam.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Les questions de biologie médicale nous sont rarement apparues avec tant de clarté.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Vous nous avez indiqué que le blocage conventionnel arrangeait tous les acteurs : pourriez-vous préciser votre propos ? Vous préconisez une dénonciation de la convention : cette hypothèse a-t-elle été étudiée par l'assurance maladie ? Quels pourraient être les obstacles ?

Debut de section - Permalien
Antoine Durrleman, président de la sixième chambre de la Cour des comptes

Les raisons du blocage sont doubles. L'accréditation a d'abord été acceptée par les biologistes libéraux car elle s'accompagnait d'une reconnaissance de la médicalisation de la biologie et représente un progrès collectif. Mais ce dispositif est exigeant, et leur impose de se mettre en l'état de l'art. Or beaucoup de laboratoires se situaient en deçà. Le guide de bonne exécution des analyses de biologie médicale (GBEA) posait déjà auparavant un niveau d'exigence élevé, mais n'a guère été observé. La contrainte de l'accréditation, initialement acceptée, l'est de moins en moins à mesure que l'échéance approche. En outre, le processus a un coût. Or en 2012, pour la première fois, le volume d'honoraires a baissé, comme la dépense prise en charge par l'assurance maladie. C'est une rupture, dont l'explication n'est pas connue, mais qui s'insère dans une baisse générale de la consommation des soins de ville - l'exécution 2012 est restée inférieure de 830 millions d'euros à l'Ondam. La même tendance est observée sur la consommation en général. Cela a créé une tension supplémentaire.

Nous avons auditionné la Cnam sur l'hypothèse d'une dénonciation de la convention, et avons hélas dû constater qu'elle n'en pensait rien, s'accommodait fort bien de la situation actuelle et n'avait aucune vision prospective du secteur. Son dernier rapport « charges et produits », examiné ces jours-ci par son conseil d'administration, le montre bien. Elle sait pourtant affirmer, sur d'autres segments, une vision stratégique et tactique. Le dispositif conventionnel a vieilli, il faut le réformer. Pour les assurés sociaux, il n'y a pas de différence. Les possibles obstacles sont plutôt à chercher du côté des professionnels et de la Cnam, qui renâcleront peut-être à sortir de leur routine. Cela est pourtant indispensable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

La Cour des comptes a fait un travail considérable. Le sujet n'est pas facile. Nous avions même l'impression de nous trouver face à une boîte noire. Nous avons déposé une proposition de loi pour que l'ordonnance du 13 janvier 2010 soit ratifiée rapidement, avec une exigence de qualité très forte : dans les CHU, plus de 80 % des diagnostics sont fondés sur les résultats de la biologie médicale et dans les soins de ville, entre 60 % et 70 %. Nous avons voulu une loi ambitieuse et exigeante. Nous savons que cela pose difficulté à un certain nombre de laboratoires, 200 à 250. Des rapprochements sont en cours entre laboratoires, une financiarisation sauvage est à l'oeuvre : nous voulions intervenir. Et nous n'avions que trop tardé pour ratifier l'ordonnance !

Il reste une boîte noire : l'hospitalisation publique. Dans nos questionnements sur son mode de financement, sur la tarification - objet d'un rapport de la Mecss du Sénat - nous avions identifié les problèmes soulevés par la biologie médicale.

Vous appelez à une surveillance renforcée du secteur d'ici 2020, échéance de l'accréditation totale. Par qui ? Avec quelle coordination ? Vous avez mentionné les ARS, mais elles ne sont pas armées pour cette tâche. Par ailleurs, comment s'opérera le renforcement du pilotage de la partie « santé humaine » du Cofrac ? Nous avons attiré l'attention du comité sur cette question, il s'est voulu rassurant... Les syndicats de biologistes ne pensent pas que le Cofrac parviendra à faire face, et ils estiment que la mission sera coûteuse.

Le fait que les personnes chargées de l'accréditation soient des professionnels du secteur concerné pose-t-il des difficultés matérielles ou déontologiques ?

La Cour signale la coexistence d'actes de biologie médicale non individualisés et intégrés à la tarification des séjours hospitaliers et d'actes hors nomenclature financés par les missions d'intérêt général et à l'aide à la contractualisation (Migac). Nous avons vu que les actes hors nomenclature sont plus nombreux que les autres, ce qui rend les choses plus complexes. Cette situation vous paraît-elle présenter des inconvénients ? A-t-elle une incidence sur la bonne prise en charge financière des actes de biologie médicale à l'hôpital ? Faut-il la revoir ?

Debut de section - PermalienPhoto de René Teulade

Merci pour ces précisions chiffrées. Dans une situation que nous connaissons bien, nous ne sommes jamais arrivés à concilier deux démarches économiquement incompatibles, sur lesquelles notre système repose pourtant : des prescriptions libérales, et des prestations socialisées. Nous n'avons jamais trouvé les modifications de comportement pour arriver à un équilibre. Vous faites naître un espoir...

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Ce sujet suscite beaucoup d'inquiétudes, notamment à propos des petits laboratoires en milieu rural. Le nombre de sites de prélèvement n'a pas changé : la proximité s'en trouve-t-elle confortée ? Le nombre d'actes n'a pas évolué en 2012 comme auparavant. Vous n'avez pas évoqué le problème des doubles, ou des triples prescriptions, parfois dans deux services du même hôpital ! De même, en médecine de ville, un généraliste demande parfois des analyses déjà prescrites par un gynécologue. Comment parvenir à une meilleure cohérence ? De plus, l'itinérance du patient entre les médecins ne favorise pas le suivi des actes déjà réalisés. Ainsi pensez-vous qu'une évolution soit possible en matière de contrôle des dépenses ?

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Comment surmonter les difficultés auxquelles le Cofrac sera, selon vous, confronté ?

Voyez-vous un lien entre les fermetures des petits laboratoires de campagne, les regroupements de laboratoires et la désertification médicale ? Vous souhaitez une baisse de 27 à 25 centimes du prix de l'unité de tarification des actes de biologie mais vous expliquez aussi combien il est difficile d'estimer le coût réel des soins à l'hôpital. Pourquoi pensez-vous, au cas présent, que le tarif est trop élevé ?

La hausse du nombre des actes n'est-elle pas due aussi au vieillissement de la population et à l'application du principe de précaution ?

Que pensez-vous des difficultés d'installation des jeunes biologistes ? Sont-elles dues aux regroupements, à la financiarisation ? Enfin, êtes-vous favorable à la tarification à l'activité ? Donnera-t-elle une meilleure définition du coût des actes de biologie médicale ?

Debut de section - Permalien
Antoine Durrleman, président de la sixième chambre de la Cour des comptes

S'agissant du processus d'accréditation, il appartient aux administrations d'assumer le respect des échéances et des exigences fixées par le législateur. Un pilotage ferme et collectif est indispensable, dans un secteur qui souffre d'un éclatement des responsabilités. Chacun voit midi à son clocher ! La direction générale de la santé doit jouer un rôle de coordination, en animant un comité de pilotage qui regrouperait les autres administrations centrales et locales, l'assurance maladie, et bien sûr le Cofrac. Faute de quoi, l'application de la loi se heurtera à la multiplication des dérogations destinées à prolonger l'activité de laboratoires non totalement opérationnels, qu'ils soient de ville ou hospitaliers.

Le non-respect des échéances constitue un autre risque. Les laboratoires ont déjà eu du temps pour s'adapter et la loi a redéfini les paliers successifs. Quant au Cofrac, il monte en puissance. Sa section spécialisée doit suivre de très près les échéances en lien avec les administrations de l'État. Le recrutement des biologistes experts est en plus délicat que celui des qualiticiens. Le Cofrac peut s'appuyer sur les professionnels des laboratoires déjà accrédités : certains l'ont été avant même la ratification de l'ordonnance de 2010. Le comité semble avoir pris en compte le risque de conflits d'intérêts : il nous a indiqué demander aux experts biologistes une déclaration de conflits d'intérêts et un déport le cas échéant. Nous n'avons pas vérifié nous-mêmes la mise en oeuvre.

A l'hôpital, le volume des actes hors nomenclature est préoccupant. La direction générale de l'offre de soins a créé un groupe de travail pour en revoir la liste. Décision louable mais qu'il faudrait articuler avec une révision de la nomenclature. Il est temps d'y intégrer des actes autrefois innovants mais désormais courants. C'est pourquoi le blocage des relations est dommageable. Les actes de biologie médicale au sein des CHU pourraient faire l'objet d'une prise en charge dans le cadre d'une mission d'intérêt général (MIG) particulière.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

La Haute Autorité de santé (HAS) pourrait intervenir ?

Debut de section - Permalien
Antoine Durrleman, président de la sixième chambre de la Cour des comptes

Elle est déjà très sollicitée... Pour certains ajustements de nomenclature, la procédure pourrait être simplifiée : à la Cnam l'analyse et l'expertise préalables, à la HAS la validation.

Les référentiels de bonnes pratiques constituent un levier intelligent de modernisation et de discipline collective, de nature à concilier prescriptions libérales et financement socialisé. Or ce secteur compte très peu de référentiels. Des progrès ont eu lieu mais le retard reste important.

Il s'agit aussi d'un moyen de limiter la multiplication des analyses pour un même patient et une même pathologie. Ce phénomène, relevé par l'Académie nationale de médecine, est dû à la défiance entre médecine de ville et médecine hospitalière, laboratoires de ville et laboratoires hospitaliers. Si tous font l'objet d'une procédure commune de certification, menée avec les mêmes critères, la confiance s'établira. Le dossier médical personnel (DMP) constituera également un levier de progrès, quand il fonctionnera, mais là encore il y a du retard. La ministre a annoncé un DMP de deuxième génération. Son coût est élevé mais pas excessif, comme l'ont fait apparaître nos comparaisons entre la France et d'autres pays, Etats-Unis, Grande-Bretagne, pays nordiques.

La désertification médicale est souvent évoquée. Nous n'avons pas d'éléments pour l'évaluer, l'analyse territoriale est lacunaire, les déterminants de la dépense mal connus. Dans certains départements ruraux l'essentiel des prélèvements n'est pas réalisé sur les sites d'analyse mais par des infirmières à domicile ou des médecins ; les échantillons sont acheminés ensuite vers des plateformes d'analyses. N'opposons pas accessibilité des soins et nombre de sites. Tout dépend des modes d'organisation.

Le coût des actes de biologie en France est élevé : les comparaisons internationales montrent des différences de prix importantes, de l'ordre de un à dix pour certains actes. Les marges dans notre pays sont considérables. Le prix de cession des laboratoires a doublé depuis 2010, preuve que le système est très rentable. Du reste la rémunération moyenne des biologistes libéraux déclarée à leur régime d'assurance vieillesse s'établit à 150 000 euros annuels. Ce secteur présente les caractéristiques d'une économie de rente. Vous m'interrogez sur la difficulté des jeunes biologistes à s'installer : oui, ils la ressentent, d'autant plus qu'ils ont été formés dans la perspective d'une installation libérale et un exercice en salarié ne correspond pas à leurs attentes.

Enfin nous manquons d'analyses pour expliquer l'évolution du volume des actes. Les effets du vieillissement et du principe de précaution sont réels mais difficiles à quantifier.

Debut de section - Permalien
Michel Braunstein, conseiller maître, président de section

Entre la Bretagne et les départements de l'Est, la consommation médicale varie de 100 euros à 148 euros par personne, avec des profils de population pourtant semblables. La Cnam n'a pas mené suffisamment d'études pour expliquer ces différences, mais la maîtrise du nombre d'actes représente un enjeu central.

Debut de section - Permalien
Antoine Durrleman, président de la sixième chambre de la Cour des comptes

Le B est l'unité de base de la tarification. La lettre clé est associée à un coefficient qui détermine la valeur de chaque acte. L'assurance maladie n'a guère profité des gains de productivité du secteur. La valeur de la lettre B n'a pas évolué depuis 10 ans. Une inflexion est nécessaire, mais impossible dans le cadre de la convention. Je le répète, il faut dénoncer celle-ci !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

La loi du 30 mai 2013 a prévu une exception à la règle d'implantation des laboratoires, au profit de l'Etablissement français du sang. Quelle est la position de la Cour des comptes ?

Que pensez-vous de l'accès aux postes de recherche en biologie médicale pour les scientifiques non détenteurs du diplôme universitaire spécifique ? Que de discussions ce sujet avait fait naître ! Certains chercheurs craignent une dévalorisation de leur profession mais des postes restent vacants, c'est dommage.

Debut de section - Permalien
Antoine Durrleman, président de la sixième chambre de la Cour des comptes

Nous n'avons pas examiné particulièrement la situation de l'Etablissement français du sang au cours de notre enquête. Il fallait une dérogation pour maintenir l'organisation territoriale actuelle. Les examens d'immuno-hématologie dits receveurs sont susceptibles d'être réalisés dans tout laboratoire. La question est de savoir si l'Etablissement français du sang jouit d'un monopole : si tel est le cas, la dérogation évite une restructuration à un établissement dont l'histoire est déjà compliquée. Sans doute est-ce un équilibre provisoire.

Nous n'avons pas émis de recommandations, dans notre enquête, sur l'accès aux postes de recherche en biologie médicale. Mais l'innovation naît du croisement des expertises et des connaissances. Pour une biologie innovante, mieux vaut bien sûr des équipes pluridisciplinaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

C'est aussi le point de vue du professeur Mandel au Collège de France.

Debut de section - Permalien
Antoine Durrleman, président de la sixième chambre de la Cour des comptes

La recherche avance par fécondations croisées entre disciplines.

Debut de section - Permalien
Jean Picq, président de chambre, contre-rapporteur

Le professeur Philippe Beaune, à l'hôpital Pompidou, considère que la pluridisciplinarité de ses équipes est indispensable à la recherche de pointe, en adéquation avec le niveau d'exigence international. Il est dommage que la défense d'une corporation conduise à un aveuglement sur les conditions du progrès médical.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Notre commission a aussi défendu la pluridisciplinarité. Je propose que cette enquête de la Cour des comptes, accompagnée du compte rendu de cette audition, soit publiée sous la forme d'un rapport d'information, sous la signature de M. Jacky Le Menn, rapporteur.

Il en est ainsi décidé.

- Présidence de M. Jean-Pierre Sueur, président, Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales et Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes -

La commission, en commun avec la commission des lois et la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, entend Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement, sur le projet de loi n° 717 (2012-2013) pour l'égalité entre les femmes et les hommes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Mme Annie David, présidente de la commission des affaire sociales, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité entre les hommes et les femmes et moi-même sommes heureux de vous écouter sur un sujet qui mobilise déjà beaucoup de sénatrices et sénateurs - ne commençons-nous pas à y travailler en ce mois déjà bien chargé de juillet ?

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement

Le projet « Egalité entre les femmes et les hommes », que le Sénat examinera à la reprise de ses travaux en septembre, est un texte transversal, car pour contrer les inégalités qui se manifestent dans la société, il faut apporter un ensemble de réponses. C'est pourquoi, contrairement aux précédents, il ne se limite pas à un thème comme les violences faites aux femmes ou l'égalité professionnelle.

Son premier volet renforce l'égalité professionnelle en donnant tout d'abord plus d'effectivité aux lois existantes : ainsi les entreprises de plus de cinquante salariés qui ne respectent pas leurs obligations en termes d'égalité professionnelle ne pourront plus soumissionner aux marchés publics ; cette mesure très dissuasive reste proportionnée afin de ne pas nuire à l'activité des PME.

Nous le savons, les difficultés viennent en grande partie de l'inégale répartition des tâches au sein des couples. Le congé parental, aujourd'hui pris à 97% par des femmes, peut leur être préjudiciable s'il dure longtemps. Nous rappelons un principe simple : ce congé est fait pour les pères comme pour les mères. Pour lui donner corps, nous incitons très fortement le deuxième parent à prendre un congé de six mois ; ce congé s'ajoute aux six mois déjà prévus pour les familles avec un seul enfant ; dans les familles de deux enfants et plus, les six mois devront être pris sur les trois ans actuels. S'y ajoute un dispositif d'accompagnement des mères à la fin de leur congé (formation, bilan de compétences, accompagnement personnalisé à l'emploi). Enfin, le texte transposera dans la loi l'accord entre partenaires sociaux sur la qualité de vie au travail et l'égalité professionnelle. Les salariés seront ainsi mieux accueillis à leur retour de congé.

Deuxième volet, la précarité des femmes. Le texte s'attaque aux impayés des pensions alimentaires dont 40% ne sont pas payées ou le sont irrégulièrement. À cet effet, il crée une forme de garantie publique confiée à un opérateur central, la caisse d'allocations familiales (CAF), qui fera écran entre les deux parents : dès le premier mois, elle se substituera au parent défaillant pour verser à la mère isolée une allocation de soutien familial, dont le montant atteindra 120 euros par enfant et par mois, puis se retournera contre le débiteur, afin de ne pas créer de désincitation à verser la pension alimentaire.

Troisième volet, la lutte contre les violences faites aux femmes. Outre la généralisation du téléphone portable grand danger à l'ensemble du territoire - un bel outil qui a fait ses preuves -, nous gravons dans le marbre de la loi le principe selon lequel c'est à l'auteur des violences et non à la victime de quitter le domicile familial ; le texte supprime également le recours à la procédure de médiation pénale, aux effets délétères en la circonstance ; il met fin aux taxes importantes liées au titre de séjour payées par les femmes étrangères victimes de violences, qui bénéficiaient déjà de facilités pour renouveler leur titre de séjour ; des stages de prévention de la récidive pourront être imposés comme peine complémentaire ou alternative aux auteurs de violences faites aux femmes, de manière à les empêcher de se réfugier dans le déni.

Quatrième volet, la parité. Le texte double la pénalité financière pour les partis qui ne respectent pas la parité. Il étend également cet objectif à d'autres secteurs, tels que les fédérations sportives, les chambres de commerce et d'industrie, les chambres d'agriculture, les autorités administratives indépendantes ou les EPIC.

Nous agissons enfin sur la question des médias. Les inégalités trouvent leur racine dans les stéréotypes qu'ils peuvent véhiculer. Nous donnons une nouvelle compétence au CSA, qui veillera à ce qu'ils ne diffusent pas en permanence des images attentatoires à la dignité des femmes et définira une grille pour repérer les stéréotypes.

Je souhaite m'engager dans une co-construction avec le Parlement. J'accueillerai les ajouts et les améliorations que vous me proposerez afin d'apporter une réponse intégrée à un problème qui ne l'est pas moins.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Je me ferai l'interprète de Michelle Meunier, notre rapporteure pour avis.

Vous cherchez à inciter les pères à recourir davantage au congé parental, comme l'avait fait la réforme allemande de 2007. Or cette dernière créait un congé plus court, mais mieux rémunéré. Comment pensez-vous parvenir à votre objectif de 100 000 pères en congé parental en 2017 ? En outre, votre réforme augmentera mécaniquement le besoin en places d'accueil de jeunes enfants. Le plan annoncé par le Premier ministre le 3 juin dernier suffira-t-il ?

Les partenaires sociaux ont conclu le 19 juin dernier l'accord national interprofessionnel « Vers une politique d'amélioration de la qualité de vie au travail et de l'égalité professionnelle ». Quelles sont vos intentions concernant la transposition de certains de ses éléments, comme la réorganisation des obligations de négociation en entreprise en matière d'égalité professionnelle et salariale, ou de sécurisation des carrières des salariés bénéficiant d'un congé parental d'éducation ?

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Je suis ravie de pouvoir échanger avec vous. Si la mise en chantier du texte a été unanimement saluée lors des nombreuses auditions auxquelles notre délégation a procédé, la nécessité de progresser davantage vers l'égalité salariale a été soulignée. Bien qu'il ne s'agisse pas d'une loi-cadre, un regret a été exprimé à propos du droit de pouvoir disposer de son corps - nous reparlerons de la revalorisation de l'acte d'IVG lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Saisissant la perche que vous avez tendue, la délégation fera de nombreuses recommandations, qui, je l'espère, pourront être transformées en amendements. Il faudra en particulier faire le lien avec d'autres projets de loi à propos de la déconstruction des stéréotypes de genre, du rôle de l'Éducation nationale, et d'une manière générale de la formation des professionnels intervenant en ce domaine. Il importe à cet égard de mieux expliciter votre exigence et la nôtre.

Bien sûr, nous ferons des recommandations sur le rôle du CSA. Comme vous refuseriez un observatoire, nous vous proposerons de créer une mission d'observation sur les programmes, mais aussi sur l'accès aux responsabilités dans les chaînes et au CSA lui-même.

Nous nous interrogeons sur la valeur juridique d'expressions comme « les meilleurs délais » concernant l'ordonnance de protection. Nous serons attentifs aux places d'hébergement. Nous voudrions également savoir si le Gouvernement aura des amendements sur l'accord national interprofessionnel. Vigilants sur la question des moyens, nous aimerions être sûrs que les moyens dégagés par les six mois non pris par le premier parent dans le cadre de votre réforme iront bien à la création de places en crèche.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Si la victime de violence conserve le logement du couple, il sera nécessaire de prévoir un hébergement approprié pour le conjoint violent. La commission vous proposera des amendements sur l'ordonnance de protection, peut-être pour l'étendre aux enfants. Doit-on être strict ou souple, comme les professionnels que j'ai reçus y inclineraient plutôt, sur les délais, et dans ce cas, comment les réduire ? Vous prévoyez qu'un juge civil prendra une mesure pénale, ce dont il n'a pas l'habitude : comment donner le relais à la chaîne pénale et faudra-t-il prévoir une validation par le parquet ? Comment résoudre l'opposition entre secret professionnel et non-assistance à personne en danger ?

Êtes-vous favorable à une parité à l'unité près ou à une fourchette de 45-55 ou de 40-60 ? Faut-il prendre en compte la sociologie des instances représentatives de la société et ne doit-on prendre du temps ? Bien évidemment, je souscris à votre projet de loi. Je crois aussi que nous aurons beaucoup à travailler pour changer les mentalités et éviter des propos machistes, y compris au sein de cette enceinte.

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Merci, madame la Ministre, pour votre projet de loi très complet. Votre texte est formidable et, en lui apportant notre touche, nous en ferons une vraie merveille. Il est certain que les pères doivent participer au congé parental ; néanmoins comment résolvez-vous le problème que rencontrent d'ores et déjà les parents, surtout ceux de jumeaux ou de triplés, pour trouver un mode de garde entre le troisième anniversaire de leurs enfants et la rentrée scolaire ? Allongerez-vous pour certains le congé parental ? Actuellement, un parent peut se faire licencier en toute légalité, après l'expiration des trois ans de congé parental.

Si c'est la mère qui prend le plus souvent le congé parental, c'est parce que son salaire est plus faible. Comment réglerez-vous la question d'équilibre budgétaire familial que votre réforme soulèvera si le père doit aussi le prendre pour six mois ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Bravo, madame la Ministre, pour cette loi nécessaire et bienvenue. Néanmoins, la réduction du droit au complément de libre choix d'activité à moins de trois ans ne s'inscrit pas forcément dans le calendrier d'entrée des enfants dans une structure d'accueil. J'ai également un doute sur le caractère incitatif de votre réforme pour les pères : leurs six mois ne sont pas un plus mais sont pris sur les trois ans alloués à la famille, ce qui ne manquera pas de susciter un débat difficile dans les familles. Cela est-il définitif ? Entrevoyez-vous une porte de sortie pour faire coïncider le retour de la mère à la vie professionnel et l'accueil de l'enfant dans une structure ?

Il serait dommage que le texte ne mentionne pas cette question fondamentale qu'est l'égalité salariale. Que pensez-vous faire à cet égard, compte tenu de l'accord national interprofessionnel ? Le Sénat a d'ailleurs adopté le 16 février 2012 une proposition de loi, qui introduisait des mesures contre les entreprises qui ne négocient pas un accord sur cette question. Enfin, l'article 18 n'est-il pas un cavalier législatif ?

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Je vous remercie, madame la Ministre, pour ce projet de loi complet et ambitieux. À chaque nouveau texte, je me demande comment il se déclinera dans nos territoires reculés. Dans mon département, une question structurelle prévaut : l'accès à l'instruction, à l'éducation et à la formation, en particulier pour les jeunes filles. Comment sortir de ce cercle infernal ? À Mayotte, la polygamie et l'inégalité successorale ont été supprimées et la parité a été instituée. Je crains pourtant que les inégalités aient encore de beaux jours devant elles si on ne s'attaque pas à la racine du problème.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Mayotte n'est pas un territoire reculé, mais un département cher à notre coeur.

Debut de section - PermalienPhoto de Félix Desplan

L'inégalité trouve sa source dans la différence d'éducation donnée aux filles et aux garçons. En Guadeloupe, société pourtant moins marquée que Mayotte, dans beaucoup de familles, on dit : « les coqs sont libres, c'est aux femmes de retenir leurs poulettes ». Dès le départ, les garçons reçoivent priorité, ascendant sur les filles. On ne pourra pas intervenir dans chaque famille ; mais il faut parvenir à corriger cela. Il revient à l'école d'enseigner aux garçons et aux filles dès le jeune âge à se considérer comme égaux.

La CAF interviendra dans le cas, assez fréquent, de non-paiement de la pension alimentaire. Comme bien des hommes organisent leur insolvabilité, attention à ne pas mettre à la longue les allocations familiales en difficulté !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

J'ajoute deux autres questions. Les victimes de violences sont réticentes à porter plainte. Comment améliorer la détection et le signalement ? Quelles dispositions envisagez-vous contre les pesanteurs dans l'application de la parité, dans certaines fédérations sportives et dans les chambres d'agriculture par exemple ?

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Vos interventions montent que vous vous êtes déjà intéressés au projet. Soyez convaincus des ambitions du Gouvernement avec la réforme du congé parental. Celle-ci sera difficile à mener, ne serait-ce que parce que nous ne partons pas de rien. Nous ne pouvons pas, par exemple, réduire brutalement le congé parental à un an, pour augmenter la rémunération, comme dans le dispositif suédois. Notre choix a été dicté par deux objectifs : d'une part réduire l'éloignement des femmes du monde du travail ; d'autre part mieux partager entre hommes et femmes. La solution à laquelle nous arrivons est la meilleure, compte tenu d'un contexte caractérisé par le manque de modes de garde et les besoins des familles. Le congé parental sert aussi à cela et, comme nous ne voulons pas que la charge pèse exclusivement sur les femmes, nous instaurons une période de partage.

Il sera plus facile demain pour un homme de demander un congé parental, en dépit de la stigmatisation sociale qu'il subit : il pourra répondre à son employeur que c'est la loi qui l'impose. Notre solution est incitative, mais très souple : un homme peut prendre six mois en temps partiel ou trois mois au lieu de six...

Ce projet couvre tous les enjeux liés au congé parental : il construit pour les femmes des dispositifs qui ne les laissent pas sur le bord du chemin à la fin de leur congé, en particulier pour celles qui ne sont pas en emploi. Nous apportons des réponses à des situations existantes et créons des mécanismes pour assurer la jonction entre l'anniversaire de l'enfant et son entrée à l'école. Le seul fait de mener cette réforme qui bouscule les habitudes amène à trouver des solutions telles que l'accueil des enfants pour six mois en crèche ou leur préscolarisation. Nous vous présenterons en septembre des propositions précises.

Les 275 000 solutions d'accueil promises par le Premier ministre suffiront-elles ? Cette réforme ne concernera que les enfants nés après avril 2014 ; il convient par conséquent de se projeter dans trois ans et demi.

La présentation médiatique trouble un peu. L'indemnité allemande est-elle si différente de la nôtre ? De mille euros pour un an, elle devient dégressive quand elle dure plus longtemps. Notre complément optionnel du libre choix d'activité, lui, peut monter à 900 euros pour un an. Le choix allemand de dire que si le père ne prend pas une partie du congé parental, elle sera perdue nous a en effet inspirés : la part des hommes est passée en trois ans de 3 à 20% ; cela nous fait espérer que nous passerons de 18 000 à 100 000 hommes en trois ans.

Concernant les violences, tout n'est pas dans la loi. Ainsi la construction de 1 500 places d'hébergement de victimes a d'ores et déjà été décidée. Il y a déjà plus de 140 dispositifs pour les auteurs de violences, lesquels bénéficient d'ailleurs, selon les études, d'un réseau amical et social plus large que les victimes : l'on ne peut mettre les deux sur le même plan. Nous travaillons sur ces questions avec la mission interministérielle pour la protection des femmes (Miprof).

L'ordonnance de protection est exorbitante du droit commun. C'est pourquoi nous souhaitons avant de l'étendre aux enfants de victimes de violences conjugales, nous assurer de la constitutionnalité de cet ajout. Vos propositions sur le secret professionnel m'intéressent ; l'on pourrait s'inspirer de ce qui existe en matière de protection de l'enfance.

Les professionnels sont divisés sur le délai pour délivrer l'ordonnance de protection. Nous souhaitons qu'une semaine soit la règle. Certains professionnels craignent qu'une date butoir tombe comme un couperet - si l'ordonnance n'a pas été prise dans les sept jours, il sera trop tard pour agir. On nous a convaincus d'écrire « meilleurs délais », quitte à être plus précis dans le décret d'application et à organiser les conditions d'une plus grande célérité grâce à un véritable partenariat entre les acteurs (associations, barreau, tribunal) car c'est ainsi que les choses ont fonctionné. Pour aller plus vite, le décret prévoira également une convocation systématique de la partie défenderesse par pli d'huissier.

Comment améliorer les signalements ? On estime en effet que seulement une femme sur dix victimes dépose plainte. Les mains courantes ne doivent plus être des bouteilles qu'on jette à la mer. Une circulaire bientôt à la signature prévoit que le procureur fera systématiquement remonter les mains courantes, et que, pour les plus alarmantes, une assistante sociale recontactera la victime afin qu'il y ait un suivi de la situation.

Il faut écrire l'égalité salariale, et nous le ferons. Oui, madame David, nous reprendrons des éléments des accords sociaux : tout ce qui concerne la dynamisation des négociations ainsi que l'accompagnement des salariés revenant de congé parental. Nous introduirons quelque chose sur les classifications et la revalorisation des métiers à prédominance féminine : nous définirons exactement ce que l'on doit entendre par « à travail de valeur égale, salaire égal ».

D'autres mesures ont été proposées, notamment par la CGT, sur le droit d'expertise du comité d'entreprise sur le rapport de situation comparée : c'est une bonne idée, que vous pourriez d'ailleurs porter.

Nous avons voulu fixer un principe ferme en matière de parité, mais nous sommes pragmatiques. Des aménagements se feront, dans les fédérations sportives par exemple : dans celles comptant moins de 25 % de licenciés d'un même sexe, nous demanderons d'atteindre un pourcentage de 25 % dans les instances dirigeantes d'ici 2020. Si la sociologie fait apparaître une proportion supérieure à 25 %, on leur demandera d'atteindre 50 %. De même, nous tiendrons compte de la réalité dans les chambres de commerce et d'industrie.

Sur l'éducation, tout n'est pas dans la loi. En septembre, 600 établissements scolaires se sont engagés dans les « ABCD de l'égalité », une expérimentation menée dans les petites classes, qui prendra à la racine la question de l'égalité entre filles et garçons. Il faudra aussi travailler sur la connexion avec la loi sur la refondation de l'école et celle sur l'enseignement supérieur et la recherche, notamment à travers la question de la formation des formateurs dans les nouvelles écoles supérieures du professorat, où un module de formation à l'égalité filles-garçons est prévu. N'hésitez pas à nous présenter des propositions sur ce sujet crucial.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Parce que nous ne voulons rien oublier de ce qui forge les mentalités, le projet comporte quelques éléments relatifs à internet : nous complétons notamment la loi sur l'économie numérique, qui avait omis le sexisme dans les signalements faits par les internautes.

Le droit qualifie l'insolvabilité organisée de situation de « hors d'état » : considérant que ces débiteurs ne sont pas en situation de payer leur pension alimentaire, l'on a cessé de les poursuivre. Dans cette catégorie figurent les très faibles revenus, comme le RSA, les personnes qui ont disparu à l'étranger, ou les auteurs de violences conjugales. Pourtant, nous ne pouvons exonérer toutes ces personnes de leurs obligations : c'est pourquoi nous repoussons cette catégorie de hors d'état, dans le cadre d'une expérimentation. Désormais, la CAF poursuivra les auteurs de violences conjugales qui ne paient pas la pension due : s'il s'agit d'un RSA, elle préfèrera faire payer quelques dizaines euros à rien ; simultanément, nous menons une diplomatie active dans le cadre de la convention de la Haye avec les pays voisins qui accueillent les débiteurs défaillants.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Avec Annie David et Brigitte Gonthier-Maurin, je vous remercie pour la qualité de vos réponses.