Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, sous la présidence de Mme Annie David, présidente, la commission procède à l'examen du rapport pour avis de M. Dominique Watrin sur le projet de loi de finances pour 2014 (mission « Santé »).
Le budget de la mission Santé s'élève à 1,3 milliard d'euros pour 2014. Ses crédits sont en légère hausse (0,8 %) par rapport à 2013. Cette évolution recouvre une progression de 2,9 % des moyens du programme 183 « Protection maladie », et une baisse de 1 % de ceux du programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins ».
L'augmentation modeste dans le cadre général d'austérité financière cache plusieurs évolutions contrastées. L'augmentation du programme « Protection maladie » est imputable en totalité à l'aide médicale d'Etat (605 millions d'euros budgétés contre 588 en 2013) car la dotation de l'Etat au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva), qui était de 50 millions d'euros en 2012, est nulle pour la deuxième année consécutive. Les crédits du programme « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » supportent, à eux seuls, les mesures présentées comme nécessaires par le Gouvernement pour le redressement des comptes publics. Ils baissent globalement de 1 % (693,4 millions d'euros contre 700,2 millions d'euros autorisés cette année).
Les « actions » les plus affectées par cette baisse de crédits sont : les « projets régionaux de santé » (dont le budget baisse de 12,2 % pour s'établir à 130,9 millions d'euros), la « réponse aux alertes et gestion des urgences, des situations exceptionnelles et des crises sanitaires » (- 10,4 % à 18,2 millions d'euros), la « prévention des risques infectieux et des risques liés aux soins » (- 4,2 % à 9,5 millions d'euros), la « qualité, sécurité et gestion des produits de santé et du corps humain » (3,7 % à 145 millions d'euros) et enfin « l'accès à la santé et l'éducation à la santé » (2,4 % à 9,5 millions d'euros). S'agissant des projets régionaux de santé, ils se verront contraints d'utiliser pour des actions de soins curatifs les dotations pourtant allouées pour le financement de la prévention par l'assurance maladie.
La baisse des crédits de réponse aux urgences et aux alertes (- 10 %) repose sur une diminution de la subvention à l'Etablissement public de réponse aux urgences sanitaires (Eprus). La subvention est fixée pour 2014 à un niveau tenant compte de son fonds de roulement prévisionnel, ainsi que de la mise en oeuvre de son programme d'achats pluriannuel de stocks stratégiques. L'Eprus sert en pratique de variable d'ajustement.
Pour la prévention des risques infectieux et des risques liés aux soins (9,5 millions d'euros), ce sont 6,1 millions d'euros qui vont être dédiés au plan national de lutte contre le VIH/Sida et les IST (infections sexuellement transmissibles) et 1 million d'euros qui financeront des actions de lutte contre les hépatites B et C. Si l'on prend en compte, comme le fait le Gouvernement, les 0,34 million d'euros destinés à des dépenses de fonctionnement, on aboutit à un montant total de 7,44 millions d'euros consacrés à la lutte contre ces pathologies. La lutte anti-vectorielle sera dotée de 1 million d'euros. La subvention de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) diminue (144,9 millions d'euros contre 150,4 millions) mais le plafond d'emplois est en apparence maintenu au même niveau que celui de 2013 (1 009 ETP). Quant à l'action n° 12, pour « l'accès à la santé et éducation à la santé », elle voit ses crédits diminuer par rapport à 2013 de - 1,7 % en autorisations d'engagement et de - 2,4 % en crédits de paiement, pour s'élever à 25,7 millions d'euros. Cette baisse touche essentiellement la subvention à l'Inpes (24,1 millions) qui diminue de 0,1 million d'euros.
Ces baisses servent à financer l'augmentation des crédits de l'action « modernisation de l'offre de soins », de 11,6 % par rapport à 2013 pour s'établir à 190,3 millions d'euros. Cette augmentation correspond pour une part à celle du financement des stages des internes en médecine ambulatoire, mais aussi à un élargissement du périmètre lié à la réforme du financement de la Haute Autorité de santé, en cours de discussion dans le cadre du PLFSS. Sur ce point, l'augmentation des dépenses correspond à de nouvelles recettes et non à un effort financier supplémentaire.
L'augmentation des crédits de formation découle de la réforme de la formation des internes annoncée par la ministre de la santé en 2012. Actuellement, la formation dispensée en deuxième puis en troisième cycle s'effectue essentiellement à l'hôpital. Lors du troisième cycle, l'interne doit effectuer six stages d'environ un semestre, dont la répartition varie selon les maquettes de chaque diplôme d'études spécialisées (DES). Celui de la médecine générale prévoit pour la dernière année d'internat un semestre sous la forme d'un stage autonome en soins primaires ambulatoires supervisé (Saspas) ou d'un stage dans une autre structure médicale agréée.
La ministre a exprimé la volonté d'augmenter la part accordée à l'ambulatoire, avec l'objectif qu'en cinq ans - soit d'ici la rentrée 2018 -, la durée des stages pratiques en médecine ambulatoire représente « 30 % de la formation des futurs médecins ».
La montée en charge rapide de cette réforme nécessite l'augmentation importante du budget de cette action afin de couvrir les indemnités de stage, notamment des 3 511 internes stagiaires de médecine générale, et les indemnités des maîtres de stage.
J'ai pu, lors de mes auditions avec les acteurs de terrain, mesurer l'importance de ces stages pour l'installation des jeunes médecins, spécialement dans les structures d'exercice collectif. Cette augmentation de crédits est donc bienvenue, mais je regrette qu'elle entraîne la baisse importante des crédits alloués à d'autres actions, particulièrement aux programmes régionaux de santé dont l'importance pour l'accès aux soins est pourtant réelle.
Je ne vous surprendrai pas en vous indiquant que je ne peux me satisfaire du budget de la mission « Santé » tel qu'il est présenté par le Gouvernement. En effet, depuis plusieurs années maintenant, la pression financière augmente sur les opérateurs de la mission, les agences sanitaires en charge de la surveillance, de l'expertise voire de la régulation de notre système de soins. Au point aujourd'hui d'atteindre, quoi qu'on en dise, le coeur même des missions qui leur sont assignées.
Le projet de financement présenté par le Gouvernement pour le programme 204 s'inscrit en effet dans le cadre de la réduction des emplois budgétaires définie par la lettre de cadrage adressée aux ministres par le Premier ministre le 28 juin 2012. Cette lettre de cadrage précise que, sur la période 2012-2015, « les effectifs de l'Etat connaîtront une stabilité globale. Les créations d'emplois seront réservées à l'enseignement, la police, la gendarmerie et la justice. Des efforts de - 2,5 % par an sur les autres secteurs seront donc nécessaires afin de respecter cet objectif de stabilité. » Ceci se traduit par une obligation de réduction des emplois de 7,5 % sur trois ans pour les autres opérateurs de l'Etat, y compris les agences sanitaires.
Le ministère de la santé a décidé de ne pas imposer aux opérateurs le respect strict de cette obligation. A l'issue de la période 2012-2015, la réduction du nombre d'emploi des agences financées par le programme 204 devrait atteindre 156 ETP sur 2651 ETP en 2012 soit - 5,9 %. Pour 2014, il a choisi de préserver les emplois de l'agence de sécurité du médicament et des produits de santé. Ceci implique un effort supplémentaire demandé aux autres opérateurs sur lesquels se répartit la suppression de 52 ETP.
Le maintien du nombre de postes de l'ANSM est largement formel. En effet, suite à l'adoption de la loi sur la sécurité du médicament, 80 nouveaux emplois devaient être affectés à l'agence pour faire face à ses nouvelles missions. Seuls 15 l'ont finalement été. Dans un contexte de réorganisation lourde du fonctionnement de l'agence, facteur d'un climat social tendu, pareille limitation des moyens humains est de nature à mettre en péril la capacité de l'agence non seulement à faire face aux urgences sanitaires récurrentes liées aux produits de santé mais surtout à les anticiper et à les prévenir.
L'effort demandé aux opérateurs de la mission est nécessairement de plus en plus difficile à supporter et met en péril l'exercice des missions. En effet, la possibilité de réduire les effectifs par simple non-remplacement des départs en retraite ou non-renouvellement des contrats à durée déterminée s'épuise rapidement, spécialement si les structures sont de taille réduite et de création récente, ce qui implique généralement une pyramide des âges relativement plate. Une fois les départs en retraite et non renouvellement volontaires effectués, la seule possibilité de réduction des emplois est la rupture conventionnelle avec les personnels contractuels.
Or, l'effort demandé aux opérateurs est croissant sur la période triennale. 20 ETP ont été supprimés en 2013, 52 le seront en 2014 et 84 en 2015.
La direction générale de la santé espère parvenir à remplir l'objectif de diminution des emplois par la mutualisation des fonctions support. Sont définies comme fonctions support toutes les fonctions qui permettent aux opérateurs d'accomplir leurs missions mais qui ne sont pas l'exercice direct de ces missions, ainsi la mise en place d'un réseau informatique ou la passation de marchés publics. Cette distinction bien qu'intellectuellement séduisante me paraît atteindre rapidement ses limites sur le terrain. Elle permet surtout de minimiser les conséquences des réductions d'effectifs sur le fonctionnement des agences.
En effet, la distinction entre fonctions support et fonctions métier est très variable selon les agences. L'idée que la réduction des effectifs pourrait porter sur des postes non essentiels est donc illusoire. L'ampleur des coupes demandées implique nécessairement la réduction du nombre de personnes chargées de mener à bien les missions confiées aux opérateurs. Or, à effectifs constants ou décroissants pour exercer leurs missions, les agences perdent la capacité de suivre de manière approfondie tous les domaines de leur champ de compétences. Surtout, l'activité de veille et de prospective et même la capacité de traiter les thématiques émergentes se trouvent considérablement réduites. Que ce soit pour l'Institut de veille sanitaire (InVS), l'Institut du cancer (INCa) ou l'Agence de la biomédecine (ABM), la perte de moyens s'effectue au détriment de notre capacité à faire face aux nouveaux enjeux sanitaires et à l'évolution des connaissances et des pratiques médicales.
La situation des agences sanitaires et des autres opérateurs de la mission « Santé » impose une vision d'ensemble plus large que la stricte application de règles d'économie. En l'absence de vision claire des intentions du Gouvernement concernant les agences avec une loi de santé publique sans cesse repoussée, ce budget contribue à leur fragilisation.
Parallèlement, l'Etat se désengage en fait du financement du Fiva. Nous en avons largement débattu à l'occasion du PLFSS, le contexte budgétaire fragile du Fiva et la double responsabilité de l'Etat dans l'affaire de l'amiante impose que l'Etat assume ses responsabilités. La réponse donnée par le ministère du budget selon laquelle l'absence de dotation est inscrite dans le budget pluri-annuel 2013-2015 est purement formelle et ne tient pas compte de l'évolution de la situation. Je vous proposerai donc que notre commission adopte un amendement rétablissant à hauteur de 50 millions d'euros ou au moins de 30 millions d'euros la dotation de l'Etat. Afin que ce rétablissement de la dotation préjudicie le moins possible aux crédits de la mission 204, je vous proposerai également un amendement tendant à augmenter les recettes en rétablissant une contribution sur les entreprises ayant exposé leurs salariés à l'amiante.
J'ai souhaité cette année aborder les solutions possibles aux inégalités territoriales et sociales de santé. De ce point de vue, un large consensus se dégage aujourd'hui pour considérer que l'avenir des soins de ville passe par l'exercice collectif dans des conditions d'accessibilité financière. La stratégie nationale de santé reprend partiellement cette analyse en affirmant la nécessité d'un véritable service public territorial de santé dont le périmètre et les modalités restent toutefois encore imprécis.
Je note la priorité qui semble être accordée dans le texte de présentation de la stratégie nationale de santé aux pôles et aux maisons de santé, ce qui est cohérent avec la volonté affichée de « développer un nouveau mode d'exercice de la médecine libérale ».
En pratique, selon l'analyse de plusieurs professionnels impliqués tant dans les centres de santé que dans les maisons de santé, la question du statut libéral ou salarié, longtemps marquée par des a priori idéologiques, est aujourd'hui devenue secondaire pour les jeunes professionnels de santé. En effet, c'est le caractère collectif de l'exercice au sein des centres ou des maisons de santé qui motive l'installation des jeunes dans ces structures. Cette forme d'exercice permet la mise en place d'un projet médical commun, souvent porteur d'une prise en charge des patients plus globale que celle possible pour la clientèle d'un médecin exerçant seul. De plus, l'exercice collectif garantit, quel que soit le statut du professionnel, un niveau de rémunération compatible avec la qualité de vie que recherchent légitimement les jeunes professionnels. Une véritable dynamique est en place. Sur l'ensemble du territoire, 70 centres de santé sont en voie de création et 300 nouvelles maisons de santé.
Le président de la Fédération des maisons de santé envisage même la possibilité de rapprocher les maisons et centres de santé au sein d'une fédération des soins de santé primaires. J'estime cette perspective intéressante à condition que les professionnels libéraux participent pleinement à un service public qui accueille l'ensemble de la population d'un territoire sans discrimination financière. En effet, à l'heure actuelle, ce sont les centres de santé qui prennent en charge en soins de ville les populations les plus fragiles.
De plus, ce sont historiquement les centres de santé réunissant des professionnels de santé salariés exerçant au tarif de responsabilité qui sont les pionniers de cet exercice collectif. Il existe aujourd'hui 1 700 centres de santé répartis sur l'ensemble du territoire national contre près de 300 maisons de santé. Si j'admets volontiers la nécessité de développer les maisons de santé, il me paraît essentiel de soutenir l'action de centres de santé et surtout de les aider à faire face aux difficultés financières qu'ils rencontrent. Les centres partagent l'essentiel des préconisations du rapport de l'inspection générale des affaires sociales publiée en juillet dernier. Ils s'inquiètent cependant des difficultés qu'un transfert d'une partie de leur financement aux Départements, tel qu'il est envisagé par l'Igas, pourrait entrainer et souhaitent que soit rendue possible le financement des centres de santé par les intercommunalités. La fédération des centres de santé serait prête pour sa part à accepter une évolution du modèle économique dans le cadre d'un contrat d'Objectifs réellement négocié.
A la fin de ce panorama, je ne peux donc que constater avec regret que le budget de la mission « Santé » s'inscrit globalement dans le cadre des mesures d'austérité budgétaire avec lesquelles je suis en profond désaccord. Je vous propose donc de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits prévus pour la mission « Santé».
Je souhaite revenir principalement sur deux points. Le premier est celui de l'enseignement de la médecine générale. Celui-ci doit nécessairement être développé mais je pense qu'il faut également veiller à ce que l'essentiel de la formation des internes reste dans les lieux où s'élabore la médecine de pointe.
Le deuxième point concerne les agences sanitaires. Je crains pour ma part que leur multiplicité les amène à se superposer parfois sans pour autant couvrir l'ensemble des sujets. Je suis convaincue qu'en veillant à la qualité du travail des agences l'on peut parvenir à remplir les missions à moindre coût.
Enfin je pense que le sujet que vous abordez sur l'exercice collectif est très important et qu'il faut que le débat entre centre de santé et maisons de santé se prolonge.
Mes remarques porteront d'abord sur la formation des internes. Je suis attaché à la préconisation figurant dans le rapport sénatorial sur la désertification en milieu rural qui visait à développer les stages dans les hôpitaux ruraux. Ceci est un facteur important pour l'installation des jeunes professionnels dans ces zones.
Sur un tout autre sujet je suis choqué par le nombre et le coût des agences intervenant dans le domaine de la santé. D'après mes calculs, il y en a 21 pour un budget de 3,4 milliards d'euros et 25 200 emplois. Il me paraît évident qu'il faut éviter les doublons et mutualiser les moyens, spécialement parce que l'action de ces agences limitent le pouvoir de décision du législateur.
Je remercie le rapporteur d'avoir souligné un point très important qui est le fonctionnement des agences sanitaires. Il faut approfondir cette question mais je suis convaincu qu'elles ont les moyens de fonctionner avec les crédits prévus par ce budget. Si l'on prend par exemple la multiplicité des acteurs intervenant dans le domaine du médicament on voit bien que l'examen technique pourrait aussi bien être fait par un seul organisme.
On voit clairement à l'issue de ce rapport la complexité que crée la multiplicité des agences. J'ai pour ma part des interrogations sur l'évaluation des actions de l'Inpes. Plusieurs de nos communes, spécialement les plus petites, se trouvent parfois destinataires de matériels de campagnes organisées par l'Inpes mais difficiles à utiliser localement ou arrivant à contretemps. Une plus grande efficacité serait certainement source d'économies.
Je partage avec le rapporteur le constat que la médecine générale est en cours de transition dans notre pays.
Par contre je suis très réticent à l'idée que les départements soient appelés à financer une activité sanitaire. Il y aurait de plus un problème d'équité à faire bénéficier les professionnels de santé d'avantages disproportionnés en matière d'installation. Si la zone est sous-dotée, l'exercice y est nécessairement rentable sans intervention d'une collectivité locale. Défions nous de créer un contexte trop administratif et pas assez fonctionnel.
Nous constatons que la rigueur portée par ce projet de budget s'applique même au domaine de la santé et je vois là un décalage avec les ambitions affirmées par la ministre des affaires sociales et de la santé. On ne se donne pas les moyens de les mettre en oeuvre. Le groupe CRC s'inquiète particulièrement de la baisse des moyens alloués à la prévention et du désengagement de l'Etat s'agissant du Fiva.
La présentation faite par le rapporteur est précise mais nous ne pouvons pas partager ses conclusions. Je note tout d'abord qu'avec 1,3 milliard d'euros de dotation, la mission santé a un périmètre très réduit par rapport au budget de la sécurité sociale qui représente l'essentiel de l'effort de la nation en termes de santé. Face à notre situation économique, un effort est demandé à l'ensemble des budgets même si celui de la santé est non seulement maintenu mais en légère augmentation.
Nous pouvons tous être d'accord sur la priorité à accorder à la prévention. Je crains cependant qu'elle ne doive se mettre en place progressivement étant donné la place prédominante de l'approche curative.
S'agissant des agences de santé, la ministre a clairement indiqué à l'Assemblée nationale les axes de la politique qu'elle entend mettre en oeuvre. La réforme du pilotage des agences et la réorganisation de la veille sanitaire seront mises en oeuvre au travers de la loi de santé publique.
Je me félicite que nous abordions la question de l'aide médicale d'Etat de manière objective et apaisée. Je rappelle que ce dispositif a une vocation humanitaire certes, mais répond d'abord à un besoin sanitaire.
Le budget de la mission santé correspond aux besoins des opérateurs et je ne peux laisser dire qu'il les met en péril. Je pense qu'une réflexion doit être menée sur les moyens des agences et je partage l'idée selon laquelle il n'appartient pas aux départements d'intervenir dans le domaine sanitaire qui est une compétence de l'Etat.
Je souhaite connaître les raisons de l'augmentation de l'aide médicale d'Etat et savoir si la suppression du droit de timbre mis en place par la précédente majorité a entrainé une augmentation du nombre de titulaires. Par ailleurs, bien entendu, je ne voterai pas en faveur du budget de cette mission.
Dans la situation actuelle, il faut nécessairement faire des économies. Je regrette qu'elles se portent sur la prévention car cela est une vision à court terme mais on ne peut trancher dans l'urgence dans les crédits des soins curatifs.
J'estime que l'effort fait sur la formation des internes est positif et j'ajoute qu'il est nécessaire de supprimer le numerus clausus.
Je regrette l'absence d'approche en termes de parcours de soins. Il est indispensable d'augmenter le nombre de lits en soins de suite et de réadaptation et en moyens séjours. Il faut également prendre les mesures nécessaires pour réduire le reste à charge.
Sur la conclusion du rapporteur, il s'agit d'un désaveu de la part d'un des groupes politiques de la majorité sur lequel nous n'avons pas à nous prononcer.
Je souhaite indiquer à Catherine Génisson que les agences sanitaires se concertent régulièrement entre elles et sous l'égide de la direction générale de la santé pour éviter de négliger des sujets et limiter le risque de superpositions. Je ne pense donc pas qu'il y ait encore véritablement de questions de périmètre.
Nous partageons, monsieur Cardoux, le même objectif s'agissant des stages dans les hôpitaux ruraux. S'agissant des moyens des agences, je ne peux que vous faire part de la différence entre les auditions que j'ai pu mener ces dernières années. Là où jusqu'en 2012 les agences affirmaient pouvoir faire sans difficulté des économies, elles sont aujourd'hui très inquiètes sur les réductions d'effectifs qui touchent leur coeur de métier. La priorisation des actions qui leur est demandée les amène à consacrer moins voire pas de moyens à d'autres actions.
Monsieur Barbier il me semble que sur le circuit du médicament, de nombreuses questions se posent et le débat est ouvert.
Monsieur Laménie, le budget de l'Inpes sera de 24,1 millions d'euros en 2014, ce sont principalement des moyens d'intervention dont les opérateurs sont des acteurs de terrain.
Je dois préciser pour MM. Savary et Le Menn que l'Igas ne préconise pas que les centres de santé soient financés par les départements pour leur activité sanitaire mais pour leur activité médico-sociale. Cependant, les centres sont réticents à l'égard d'un tel financement quel qu'en soit le périmètre étant données les difficultés financières des départements.
Je partage avec Isabelle Pasquet l'analyse selon laquelle il faut établir une priorité pour la prévention et que celle-ci ne se trouve pas dans le budget de la mission Santé présenté par la Gouvernement.
Monsieur Daudigny, effectivement des réflexions sont en cours sur l'avenir des agences sanitaires et il nous faudra attendre la loi de santé publique pour savoir ce qu'elles deviendront.
Madame Debré, l'aide médicale d'Etat augmente effectivement en raison de l'augmentation plus forte que prévue des bénéficiaires en 2013, ce qui est en lien avec la suppression du droit de timbre de 30 euros. Le coût des dépenses de santé couvertes par l'AME a augmenté de 2,5 %. Ces deux évolutions ne me choquent pas et je suis convaincu de la nécessité qu'il y avait à supprimer le droit de timbre qui limitait l'accès aux soins. Or plus l'accès est précoce, moins les soins sont coûteux.
Madame Roche, nous partageons le souhait de lutter contre la désertification médicale. S'agissant des SSR, ils relèvent du budget de la sécurité sociale.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
La commission examine les trois amendements soumis par le rapporteur.
L'amendement n° 1 rétablit pour 2014 une dotation de 50 millions d'euros au Fiva, montant de la subvention en 2012. L'amendement n° 2 est un amendement de repli qui fixe cette dotation à 30 millions d'euros. Ainsi que je vous l'ai annoncé, l'amendement n° 3 vise les recettes et entend rétablir au profit de l'Etat la contribution qui existait de 2004 à 2009 au profit du Fcaata sur les entreprises ayant exposé leurs salariés à l'amiante.
Nous avons discuté au moment de l'examen du PLFSS de la nécessité pour l'Etat de financer le Fiva, d'une part en raison de sa double responsabilité dans l'affaire de l'amiante mais surtout parce qu'il a un besoin important de financement. Le règlement des dossiers d'indemnisation s'est accéléré, ce qui est une bonne nouvelle, mais le Fiva a été obligé de puiser dans ses fonds propres en octobre pour finir l'année 2013. La dotation de la branche AT-MP au Fiva est multipliée par trois en 2014 et nous sommes d'accord qu'il n'est pas possible que la dotation de l'Etat soit nulle.
Les crédits que nous affectons au Fiva sont néanmoins déduits du programme 204 et pour cette raison nous ne sommes pas favorables à l'amendement qui propose de rétablir la dotation à hauteur de 50 millions d'euros. Nous voterons pour notre part l'amendement n° 2 qui rétablit une dotation à hauteur de 30 millions d'euros.
Il était effectivement impossible de présenter un amendement de réduction de la dotation de la branche AT-MP au Fiva lors de l'examen du PLFSS en raison des besoins important du fonds. Sur la nécessité de rétablir une dotation de l'Etat au Fiva et sur le choix d'un montant de 30 millions d'euros, je rejoins l'analyse de Jean-Pierre Godefroy.
S'agissant de l'amendement n° 3, destiné à créer une nouvelle recette, nous n'y sommes pas favorables. En effet, le système mis en place de 2004 à 2009 était particulièrement complexe au point qu'en 2009, les rendements étaient devenus faibles et le coût de recouvrement très important. Je ne pense pas que ce dispositif puisse apporter des ressources à la hauteur de ce qui est espéré. Par ailleurs, il crée un problème pour la reprise des entreprises alors que les repreneurs ou nouveaux actionnaires ne sont pas responsables de l'exposition à l'amiante.
Je pense que l'amendement de recette brouille le message que nous souhaitons adresser au Gouvernement. Il faut que l'Etat assume ses responsabilités et vous nous proposez de faire payer les entreprises. Nous voterons contre ce troisième amendement.
Notre groupe votera l'amendement n° 2 qui fixe la dotation de l'Etat au Fiva à 30 millions d'euros afin de marquer qu'il doit assumer sa responsabilité de manière continue.
Il ne paraît pas anormal au groupe CRC de rétablir la dotation de l'Etat au Fiva à son niveau de 2012, soit 50 millions d'euros. Par ailleurs, nous estimons que tout financement supplémentaire est intéressant et marque vis-à-vis du Gouvernement notre volonté de prendre en compte la situation économique actuelle.
Le groupe UDI-UC est défavorable à l'amendement n° 3 et favorable à l'amendement n° 2 fixant la dotation au Fiva à 30 millions d'euros.
J'ai une mémoire précise de la suppression en 2009 de la contribution des entreprises ayant exposé leurs salariés à l'amiante. Certes, le dispositif était complexe mais l'opposition de l'époque avait contesté la suppression. Les rendements étaient modestes mais la volonté politique de recouvrer les sommes dues manquait peut-être. Par ailleurs, s'agissant de la reprise des entreprises, il ne faut pas qu'elle serve de prétexte pour contourner les obligations légales. Une solution possible est de déduire les montants dus au titre de l'exposition à l'amiante du prix de la vente. Cela ne pénalisera pas les repreneurs.
La commission adopte l'amendement n° 2.
S'agissant de l'avis de la commission sur les crédits de la mission, nous suivrons l'avis de rejet du rapporteur mais nous ne partageons pas ses orientations qui tendent vers une socialisation de la médecine qui nous paraît inadaptée aux réalités de terrain.
Incontestablement, des économies sont nécessaires et il y a des points positifs dans ce budget mais il n'aborde pas des questions qui sont pour nous essentielles comme le parcours de soins. Nous voterons donc contre les crédits sans toutefois partager l'analyse du rapporteur.
Pour notre part, nous voterons contre l'avis du rapporteur car nous sommes favorables à l'adoption des crédits de cette mission.
Nous voterons contre l'avis du rapporteur car nous estimons qu'un débat démocratique est nécessaire sur ces questions importantes et je regrette qu'à nouveau il semble ne pas pouvoir avoir lieu.
Je vous rappelle, mes chers collègues, que le vote que nous émettons ici n'empêche aucunement d'avoir le débat en séance publique.
La commission adopte un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Santé ».
La commission procède à l'examen du rapport pour avis d'Aline Archimbaud sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » du projet de loi de finances (PLF) pour 2014.
La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » constitue l'un des principaux piliers budgétaires de la politique sociale mise en oeuvre par l'Etat. Composée de cinq programmes au poids budgétaire très inégal, elle traite aussi bien de la politique du handicap, de la lutte contre la pauvreté que de l'égalité entre les femmes et les hommes ou du fonctionnement des administrations sociales. Elle ne couvre cependant pas l'ensemble de l'action de l'Etat dans le champ social puisque d'autres missions - je pense en particulier à la mission « Travail et emploi » et à la mission « Egalité des territoires, logement et ville » - concourent également à la politique nationale en faveur de l'inclusion sociale.
Cette mission occupe la septième place des missions les mieux dotées du projet de loi de finances pour 2014 ; ses crédits s'élèvent à 13,8 milliards d'euros, soit une hausse de 3,2 % par rapport à 2013. Presque tous les programmes bénéficient d'une augmentation sensible, voire très importante, des moyens alloués. Le programme de lutte contre la pauvreté est celui qui connaît la progression de crédits la plus forte en raison d'une participation accrue de l'Etat au financement du revenu de solidarité active (RSA). Le programme consacré au handicap enregistre également une hausse de sa dotation, de même que celui relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes. Seul le programme dédié au financement des administrations sociales voit ses crédits diminuer.
Compte tenu du contexte économique et budgétaire très contraint, cet effort confirme la volonté du Gouvernement de préserver le financement des politiques de solidarité au profit de nos concitoyennes et concitoyens les plus vulnérables.
J'ai souhaité, cette année, m'intéresser plus particulièrement à la politique du handicap, dont une partie des crédits est retracée dans le programme « Handicap et dépendance », qui concentre à lui seul plus de 80 % du budget de la mission. Dès le début du quinquennat, le Gouvernement s'est résolument engagé pour une politique du handicap volontariste comme en témoigne la décision d'inclure dans tous les projets de loi un volet handicap. Cette impulsion politique forte s'est manifestée plus récemment à l'occasion du Comité interministériel du handicap (CIH) du 25 septembre dernier, qui a donné lieu à un relevé de décisions particulièrement riche, dont la ministre chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion, Marie-Arlette Carlotti, est venue nous présenter les grandes lignes.
Je me limiterai simplement à les énumérer : la jeunesse avec la CD-isation des auxiliaires de vie scolaire (AVS) et la création d'un diplôme d'Etat d'accompagnant ; l'emploi avec l'accent porté sur la formation professionnelle et la qualification des personnes handicapées ; l'accessibilité avec la concertation en cours sous l'égide de notre collègue Claire-Lise Campion pour préparer l'après-2015 ; l'accompagnement médico-social avec la prise en charge intégrale des frais de transport vers les centres d'action médico-sociale précoce (CAMPS) et les centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP) ; enfin, la gouvernance avec la mise en place d'un réseau de référents handicap dans les administrations et la mobilisation des agences régionales de santé (ARS).
Un premier bilan de cette feuille de route sera présenté à l'occasion de la Conférence nationale du handicap qui se tiendra l'année prochaine. Pour des raisons évidentes de calendrier, les décisions prises lors du CIH n'ont pu trouver leur traduction budgétaire dans le présent projet de loi de finances. Il nous faudra donc être attentifs à ce qu'elles le soient l'année prochaine. Les associations représentant les personnes handicapées et leurs familles que j'ai auditionnées ont unanimement salué la tenue de ce comité - qui ne s'était jamais réuni depuis sa création en 2009 ! - et la volonté du Gouvernement de faire avancer l'inclusion des personnes handicapées. Toutes attendent désormais la réalisation concrète des engagements pris.
J'en viens à présent au programme « Handicap et dépendance » à proprement parler. Celui-ci est doté de 11,4 milliards d'euros pour 2014, soit une augmentation de 2,4 % par rapport à cette année. Ces moyens significatifs sont majoritairement destinés à financer l'allocation aux adultes handicapés (AAH), qui a pour objet de garantir aux personnes handicapées un minimum de ressources d'existence. Pour l'exercice 2014, les crédits demandés à ce titre s'élèvent à 8,4 milliards d'euros, soit une hausse de 3 % par rapport aux crédits ouverts en 2013, sous le double effet de l'accroissement du nombre de bénéficiaires, qui a désormais passé le million, et de la revalorisation annuelle de l'AAH au 1er septembre.
Malgré cet effort financier, je regrette que, cette année encore, le Gouvernement n'ait pas réexaminé le contenu de la réforme de l'AAH mise en oeuvre par la précédente majorité au cours de l'année 2011, qui a eu pour conséquence d'exclure du bénéfice de cette prestation d'anciens titulaires et de complexifier un peu plus le travail des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). La question des conditions d'attribution de l'AAH soulève celle, plus large, du niveau de ressources des personnes handicapées, que j'ai d'ailleurs évoquée dans le rapport que j'ai remis au Premier ministre sur l'accès aux soins. Les personnes handicapées font en effet partie des publics les plus exposés au risque de pauvreté : 2 millions des plus démunies d'entre elles vivraient aujourd'hui dans la précarité. Cette situation est liée aux difficultés d'accès à l'emploi, aux dépenses incompressibles résultant du handicap, à la compensation partielle de ces dépenses par les dispositifs publics.
Or ce sujet n'a pas été directement abordé lors de la Conférence nationale de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale de l'année dernière, ni inscrit au programme du CIH. A l'issue de ce comité, le Premier ministre a toutefois chargé François Chérèque d'animer, dans le cadre de sa mission de suivi du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale - sur lequel je reviendrai -, un groupe de travail visant à « évaluer les difficultés financières des personnes handicapées en situation de précarité et d'identifier les freins spécifiques dans l'accès aux droits sociaux ». Il me semble indispensable que des propositions concrètes soient formulées à l'occasion de la prochaine Conférence nationale du handicap afin que nous avancions enfin sur ce dossier.
Le programme comporte également une dotation de 1,4 milliard d'euros pour le fonctionnement des 119 211 places autorisées en établissements et services d'aide par le travail (Esat), montant stable par rapport à celui prévu pour 2013. Compte tenu des contraintes budgétaires actuelles, le Gouvernement a décidé de prolonger, en 2014, le moratoire sur la création de places en Esat, commencé l'année dernière afin de porter dorénavant l'effort financier sur la modernisation du secteur. Les Esat figurent en effet parmi les structures les plus anciennes du secteur médico-social et connaissent des besoins importants en termes de mise aux normes. Le programme prévoit d'ailleurs une enveloppe de 3,5 millions d'euros destinée aux opérations d'investissement des Esat, soit un million de plus qu'en 2013. Il s'agit, certes, d'une avancée, mais lorsqu'on sait que le pays compte 1 400 Esat et que le coût d'une mise aux normes avoisine les 30 000 euros par place, ce montant s'apparente malheureusement à une goutte d'eau.
Au-delà de l'insuffisance manifeste de ce plan d'investissement, j'estime que le moratoire sur la création de places ne saurait se prolonger trop longtemps sous peine d'une part, de placer certaines associations gestionnaires d'Esat devant de sérieuses difficultés d'organisation et de développement, d'autre part, d'accroître fortement le nombre de demandes de places non satisfaites.
Enfin, le programme retrace la contribution de l'Etat au financement des MDPH, laquelle s'élève à 64,4 millions d'euros pour 2014, soit une augmentation de 2,5 % par rapport à 2013. Après le débat que je qualifierais de mort-né sur le changement de statut de ces maisons, il est temps de s'attaquer aux vraies priorités que sont la réduction des disparités territoriales, l'amélioration de la qualité du service rendu aux usagers, le financement des fonds départementaux de compensation du handicap.
Deuxième programme en termes budgétaires, celui relatif à la lutte contre la pauvreté regroupe les crédits destinés au financement de la partie « activité » du RSA et de divers dispositifs concourant à cet objectif. Sa dotation pour 2014 s'élève à 575 millions d'euros contre 404 millions l'année dernière, soit une hausse de 42 %. Avant d'en expliquer les causes, je souhaiterais rappeler qu'un constat sévère sur la pauvreté en France a été dressé à l'occasion du Comité interministériel de lutte contre les exclusions de janvier dernier. La part des personnes en situation de pauvreté a en effet progressé de 1,2 point entre 2002 et 2010, pour s'établir à 14,1 %. Face à ce triste record, le Gouvernement a décidé de structurer son action sous la forme d'un plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale, issu d'une concertation approfondie avec l'ensemble des acteurs des politiques de solidarité et reposant sur une approche transversale. Parmi ses mesures phares figurent l'instauration d'une « garantie » jeunes pour les 18-25 ans qui ne sont ni en emploi, ni en formation, et en situation de grande précarité, ainsi que la revalorisation pluriannuelle du RSA socle en sus de l'inflation sur une période de dix ans.
Pour ce qui est du RSA activité, qui concentre plus de 90 % des crédits du programme, la subvention d'équilibre de l'Etat au fonds national des solidarités actives (FNSA) s'établit à 544 millions d'euros pour 2014, en augmentation de 46 % par rapport à 2013. Cette forte augmentation de la subvention de l'Etat n'est toutefois que « mécanique » puisqu'elle résulte d'une part, de la baisse attendue des recettes fiscales du FNSA (passage de 1,45 % à 1,37 % du taux de la contribution sociale sur les revenus de placement et de patrimoine), d'autre part, de l'effet de la revalorisation du RSA socle sur le coût du RSA activité. Cet effort financier ne doit pas non plus nous faire oublier qu'une refonte du dispositif du RSA activité est indispensable compte tenu du taux de non-recours très important à cette prestation (près de 70 %), sujet sur lequel j'avais beaucoup insisté l'année dernière. Chargé par le Premier ministre d'une mission sur ce sujet, notre collègue député Christophe Sirugue, dont le rapport a été rendu public en juillet dernier, recommande de remplacer le RSA activité et la prime pour l'emploi par une nouvelle prestation : la prime d'activité. Le Gouvernement n'a, pour le moment, pas indiqué les suites qu'il souhaitait donner à cette proposition. J'estime, pour ma part, qu'il est temps d'ouvrir ce chantier, de même que celui du RSA jeunes qui, on le sait, est un échec.
Le programme « Lutte contre la pauvreté » comprend également les crédits concourant au développement et à la promotion de l'économie sociale et solidaire, dont nous avons récemment débattu. Les crédits alloués pour 2014, d'un montant de 5 millions d'euros, sont destinés à soutenir les acteurs de terrain (coopératives, régies de quartiers, associations intermédiaires, etc.) qui, je le constate dans mon département, font un travail remarquable d'initiative économique et d'insertion sociale et professionnelle.
Enfin, le programme accueille, depuis l'année dernière, les crédits dédiés à la politique de soutien à l'aide alimentaire. La dotation pour l'année prochaine, qui s'élève à un peu plus de 23 millions d'euros, doit permettre l'achat de denrées alimentaires et participer au financement des associations intervenant dans ce domaine. A cet égard, je rappelle que l'aide alimentaire, en France, permet chaque année la fourniture de 800 millions de repas à environ 3 millions de personnes. Dans le contexte d'augmentation de la pauvreté, la précarité alimentaire constitue un enjeu de plus en plus prégnant au même titre que l'accès au logement et à l'emploi.
Je ne peux terminer cette présentation sans évoquer trois autres programmes qui, en 2014, verront leurs crédits augmenter. Le programme « Actions en faveur des familles vulnérables » poursuit simultanément trois objectifs : la protection juridique des majeurs, le soutien à l'exercice des fonctions familiales et parentales, le financement de groupements d'intérêt public dans les domaines de l'adoption internationale et de la protection de l'enfance. Doté pour 2014 de 248 millions d'euros, ce programme bénéficie d'une augmentation de crédits de 1,2 % par rapport à 2013, preuve de l'attention portée par le Gouvernement à la politique de soutien envers les familles les plus en difficulté.
Je constate cependant que, cette année encore, aucune subvention de l'Etat au fonds national de financement de la protection de l'enfance (FNPE) n'est budgétée au sein de ce programme, alors que l'aide sociale à l'enfance représente une charge croissante pour les départements. Nos collègues Muguette Dini et Michelle Meunier auront sans doute l'occasion de se pencher davantage sur cette question dans le cadre de la mission qui va leur être confiée sur la protection de l'enfance.
Plus petit programme de la mission, celui consacré à l'« Egalité entre les femmes et les hommes » enregistre, pour la deuxième année consécutive, une hausse de ses crédits, ceux-ci passant de 23,5 millions en 2013 à 24,3 millions en 2014 (+ 3,4 %). Cet effort financier s'inscrit dans la continuité de la dynamique engagée par la ministre des droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, et dont le projet de loi-cadre pour l'égalité entre les femmes et les hommes, actuellement en cours de navette parlementaire, est la traduction. Cette année, le programme contient une nouvelle action intitulée « Prévention et lutte contre la prostitution et la traite des êtres humains », l'objectif étant d'améliorer la lisibilité de cette politique et de mieux répondre aux besoins spécifiques des personnes prostituées. Lors de la présentation de leur rapport sur la situation sanitaire et sociale des personnes prostituées, nos collègues Jean-Pierre Godefroy et Chantal Jouanno avaient insisté sur la nécessité d'améliorer le pilotage des moyens dédiés à l'accompagnement sanitaire et social de ce public ; la création de cette action devrait répondre à leurs attentes. Les crédits qui lui sont alloués, d'un montant de 2,4 millions d'euros, permettront de financer les associations têtes de réseau et des actions de prévention sur le terrain.
Enfin, le programme « Conduite et soutien », qui porte l'ensemble des moyens de fonctionnement des administrations sociales, voit ses crédits diminuer de 1,6 % conformément à l'objectif général de baisse des dépenses de fonctionnement courant.
Au final, les crédits 2014 de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » traduisent la volonté du Gouvernement de conduire une politique de solidarité et de justice sociale, tout en poursuivant l'objectif de redressement des comptes publics. Je vous propose donc, madame la Présidente, mes chers collègues, de donner un avis favorable à leur adoption, de même qu'aux deux articles rattachés : l'article 75, qui aurait dû relever de la mission « Egalité des territoires, logement et ville » et qui réforme l'aide versée par l'Etat aux gestionnaires d'aires d'accueil des gens du voyage ; l'article 76 qui reconduit, pour l'année 2014, le financement du RSA jeunes dans toutes ses composantes (socle et activité) par le FNSA.
Je souhaite qu'en séance publique, nous puissions débattre du RSA, plus spécifiquement de la répartition de son financement entre l'Etat et les départements. La revalorisation du RSA socle sur dix ans, décidée par le Gouvernement, concerne directement les conseils généraux.
Je remercie la rapporteure pour la grande qualité de son rapport, reflet de la profonde humanité qui l'anime.
S'agissant des Esat, je comprends la contrainte budgétaire actuelle et la priorité accordée à la modernisation de ces structures. Cependant, il faut garder à l'esprit qu'il existe de grandes inégalités territoriales dans la répartition des places en Esat. Ainsi, dans la région Nord-Pas-de-Calais, le délai moyen d'attente pour obtenir une place est de six voire sept ans !
Sur le RSA activité, je partage les remarques de la rapporteure. Une réforme est indispensable, de même que pour le RSA jeunes. Les recommandations formulées par notre collègue député Christophe Sirugue sont une base de travail intéressante.
Je partage le constat dressé par la rapporteure et ses conclusions. La progression de la pauvreté en France est très inquiétante car elle porte atteinte à l'équilibre de notre société. Certaines familles vivent dans une situation de précarité extrême.
Je remarque que certaines personnes associent RSA et assistanat. Au regard du taux de pauvreté, cette idée est à relativiser. Je rappellerai, en outre, que la création du RSA activité répondait à deux objectifs qu'il ne faut pas oublier : permettre aux personnes qui retrouvent un emploi de bénéficier d'un complément de revenu et lutter contre le phénomène dit des « travailleurs pauvres ».
La proposition de Christophe Sirugue consiste à créer une prime d'activité individualisée, issue de la fusion du RSA activité et de la PPE et ouverte à tous les travailleurs à partir de l'âge de 18 ans - ce qui solutionnerait le problème du RSA jeunes - dont les revenus sont compris entre 0 et 1,2 Smic. Son montant serait maximal pour une personne gagnant 0,7 Smic. Le Gouvernement a fait valoir que le RSA activité et la PPE - qui, je le rappelle, coûtent chaque année 4 milliards d'euros à l'Etat - sont des prestations présentant toutes deux à la fois des avantages et des inconvénients. Il n'a, pour le moment, pas indiqué les suites qu'il comptait donner à cette recommandation. En tout état de cause, le sujet de la réforme du RSA activité demeure d'actualité.
La pauvreté s'accentue en France, alors que depuis deux ans maintenant, le Gouvernement ne cesse de prendre des mesures dites de justice sociale. Ce constat interpelle ! Il faut en tirer les conclusions qui s'imposent...
Dans mon département, la Marne, le nombre de bénéficiaires du RSA socle augmente de 15 % d'année en année. L'installation d'une partie de nos concitoyens dans la précarité est réelle. Les mesures qui sont prises par l'exécutif ne sont pas suffisamment incitatives. Une remise à plat du dispositif du RSA activité est indispensable ; il faudra prendre en compte non seulement la PPE, mais aussi l'AAH.
Concernant le handicap, j'insisterai sur le fait que le troisième volet du projet de loi décentralisation prévoit le transfert des Esat aux départements, qui vont dès lors devoir financer les nouvelles places que l'Etat n'aura pas créées en son temps ! S'agissant des MDPH, l'hypothèse de leur intégration dans de futures maisons de l'autonomie est parfois avancée, les associations commencent d'ailleurs à accepter cette idée. C'est une piste sur laquelle il faut travailler car elle permettrait de rationaliser les coûts de fonctionnement.
Je me félicite de la création d'une nouvelle action sur la prévention et la lutte contre la prostitution et la traite des êtres humains. Dans notre rapport d'information sur la situation sanitaire et sociale des personnes prostituées, Chantal Jouanno et moi-même avions demandé une meilleure lisibilité des moyens consacrés à cette politique. En outre, les crédits qui y sont dédiés sont en augmentation, c'est une bonne chose. Je regrette toutefois que dans le bleu budgétaire, le Gouvernement semble cibler l'attribution de cette dotation sur certaines associations d'ampleur nationale comme le Mouvement du nid ou l'Amicale du nid. J'estime que toutes les associations, qui agissent sur le terrain auprès des personnes prostituées, doivent pouvoir bénéficier de ces crédits.
Je souhaiterais évoquer une initiative qui me paraît intéressante concernant le fonctionnement des MDPH. Dans mon département, le Pas-de-Calais, la MDPH a mis en place une procédure de conciliation afin de limiter les procédures contentieuses. Les résultats sont là comme le prouve la diminution de 23 % du taux des recours contentieux, ces derniers ne représentant plus que 0,6 % des décisions prises par la MDPH.
Ce sont des personnalités extérieures, des médecins par exemple. La conciliation s'avère bien plus efficace que le recours contentieux ; c'est une piste qui mérite d'être d'exploitée.
Je crois que l'on peut être satisfait de la politique menée actuellement en matière de handicap. Il y a un réel changement de logique par rapport à celle mise en oeuvre par la précédente majorité, qui reposait uniquement sur des mesures d'affichage sans réels moyens financiers. Les perspectives tracées par le CIH sont intéressantes. Toutefois, la question des ressources des personnes handicapées est toujours en suspens ; nous sommes encore loin du niveau de compensation demandé par les associations.
S'agissant du fonctionnement des MDPH, des changements ont lieu avec la loi dite « Paul Blanc ». Faut-il aller plus loin ? Pour ma part, je crains qu'une éventuelle intégration des MDPH aux départements, qui seraient dès lors décideurs et payeurs, ne se traduise par de nouvelles inégalités de traitement selon les territoires. Je partage également la crainte de René-Paul Savary au sujet du transfert des Esat aux départements, lesquels vont devoir financer la création de places.
Je suis d'accord avec la nécessité de revoir le dispositif du RSA activité. Le Comité interministériel de lutte contre les exclusions de janvier dernier a eu le mérite d'insister sur l'inquiétante progression de la pauvreté dans notre pays et de mettre ce sujet sur la table. Il faut à présent passer aux actes.
Par ailleurs, je regrette qu'une nouvelle fois, le FNPE ne soit pas abondé. La mission de Muguette Dini et de Michelle Meunier sur la protection de l'enfance devrait permettre d'apporter des solutions.
Enfin, l'augmentation des crédits du programme consacré à l'égalité entre les femmes et les hommes va dans le bon sens car l'on ne peut se satisfaire de la situation actuelle.
Je précise que le traitement des recours contentieux fait partie des missions des MDPH. Le véritable problème réside dans le manque de moyens de fonctionnement auquel sont confrontées ces structures. Il est complètement illogique de vouloir que leur principal financeur soit le département ! Il faut travailler sur une rationalisation des coûts.
Je rappellerai à mon collègue que la dotation de l'Etat au fonctionnement des MDPH augmente l'année prochaine de 2,5 % pour atteindre un peu plus de 64 millions d'euros, arbitrage financier auquel je ne suis pas étranger.
Je remercie mes collègues pour leur contribution au débat. Cela fait plusieurs années que l'on parle d'une réforme du RSA activité et que l'on sait que le RSA jeunes est un échec. J'ai rencontré Christophe Sirugue ; sa proposition est intéressante car elle concernerait les jeunes et serait individualisée.
Comme l'a dit Catherine Génisson, de grandes inégalités territoriales existent s'agissant des places en Esat. Les associations gestionnaires que j'ai auditionnées ont insisté sur ce point. Je rappelle que lors de la Conférence nationale du handicap de 2008, il avait été annoncé par le précédent Gouvernement un plan de création de 10 000 places en cinq ans ; à ce jour, 6 400 ont vu le jour. Le moratoire porte donc sur les 3 600 places restantes.
Dans ma présentation, je n'ai pas abordé la question de l'aide aux postes dans les entreprises adaptées car cette question relève de la mission « Travail et emploi ». Vous trouverez cependant un développement sur ce sujet dans mon rapport écrit car l'accès à l'emploi des personnes handicapées est fondamental.
Je partage pleinement les propos d'Yves Daudigny sur l'inquiétante progression de la pauvreté en France. Je rappellerai que 2 millions de personnes vivent aujourd'hui sous le seuil de pauvreté, étant considéré que ce dernier équivaut à 40 % du niveau de vie médian.
En revanche, je conteste l'analyse, développée par René-Paul Savary, selon laquelle plus on prend de mesures sociales, plus la précarité augmente. La véritable explication à l'augmentation de la pauvreté est à trouver dans la crise que traverse notre pays. Je considère que les mesures de solidarité ne sont pas des dépenses, mais des investissements. Par exemple, dans le champ sanitaire, les dépenses de couverture maladie universelle (CMU) ou d'aide médicale de l'Etat (AME) sont des investissements car, in fine, mieux les personnes sont prises en charge médicalement, moins le système de santé aura à débourser pour les soigner.
Parmi les bénéficiaires de l'AAH, certains vivent dans une grande précarité. Dans le rapport que j'ai remis au Premier ministre sur l'accès aux soins des plus démunis, je relève d'ailleurs le paradoxe selon lequel les personnes basculant dans le dispositif de l'AAH - dont l'état de santé s'est donc dégradé - perdent tous les avantages associés à la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-c).
Je suis d'accord avec Jean-Pierre Godefroy pour dire que les crédits de l'action 15 ne doivent pas seulement abonder les associations nationales têtes de réseau. Il faut aussi soutenir les associations locales, qui font souvent un travail remarquable.
Je trouve l'initiative prise par la MDPH du Pas-de-Calais en matière de conciliation particulièrement intéressante. Lorsqu'on connaît le taux d'engorgement des MDPH, on ne peut que souhaiter le développement d'une telle pratique.
Enfin, je regrette comme Isabelle Pasquet l'absence d'abondement du FNPE ; il s'agit d'un problème récurrent auquel aucune solution n'est apportée pour le moment.
Suivant la proposition de la rapporteure, la commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », ainsi qu'aux articles 75 et 76 rattachés.