Au cours d'une première séance tenue le matin, la commission procède à l'examen du rapport de MM. André Gattolin et Vincent Éblé, rapporteurs spéciaux de la mission « Culture » (et article 50 bis).
Nous examinons, ce matin, les crédits de la mission « Culture ». Celle-ci couvre, vous le savez sans doute, trois champs principaux : le patrimoine, la création et la démocratisation culturelle. Les principaux objectifs poursuivis par la mission sont donc les suivants : sauvegarder, protéger et mettre en valeur le patrimoine culturel sous toutes ses formes ; favoriser la création, la diversité et la diffusion des oeuvres d'art et de l'esprit ; renforcer l'enseignement supérieur culturel et favoriser la démocratisation culturelle grâce, en particulier, à l'éducation artistique et culturelle.
Dans la répartition opérée avec André Gattolin, il me revient de vous présenter l'analyse générale de la mission ainsi que les crédits relatifs aux patrimoines. Pour sa part, André Gattolin vous parlera du programme 131 « Création » et du programme 224 « Transmission de la culture et démocratisation des savoirs ».
La mission est dotée de 2,55 milliards d'euros d'autorisations d'engagement et de 2,58 milliards d'euros de crédits de paiement dans le projet de loi de finances pour 2015. En volume, les crédits diminuent ainsi respectivement de 0,82 % en AE et de 0,17 % en CP. On peut donc parler de stabilisation des crédits par rapport à l'année dernière.
C'est une évolution dont on peut se féliciter, après deux années de forte attrition des crédits, au cours desquelles la mission a fortement contribué à l'effort de redressement des comptes publics. En outre, cette évolution favorable dans le contexte budgétaire actuel se poursuivra sur l'ensemble du triennal 2015-2017. Sur cette période, les crédits de paiement augmenteront même très légèrement.
Cet effort traduit la priorité accordée par le Gouvernement à la culture. C'est un secteur qui a, en effet, des conséquences positives multiples sur l'économie, en contribuant largement à l'attractivité et au dynamisme de nos territoires, ainsi qu'au renforcement de notre économie touristique - qui représente un pan important de l'économie nationale.
La mission « Culture » est marquée par le poids de ses dépenses de fonctionnement et d'intervention.
Les dépenses de fonctionnement correspondent notamment aux subventions pour charges de service public des très nombreux opérateurs culturels qui couvrent les différents champs de la mission, qu'il s'agisse des musées nationaux comme le Louvre, Versailles ou Orsay, du Centre des monuments nationaux, des établissements du spectacle vivant à rayonnement international tel que l'Opéra de Paris ou encore des écoles d'architecture, et j'en passe.
Les dépenses d'intervention relèvent des aides aux territoires pour la préservation et la restauration des monuments historiques, ainsi que des aides aux structures du spectacle vivant et des arts plastiques, qu'il s'agisse des compagnies de théâtre, des fonds régionaux d'art contemporain ou des scènes de musique actuelle - la grande diversité des acteurs en ce domaine m'interdisant d'être exhaustif dans cet inventaire.
Les dépenses de fonctionnement progressent en 2015 par rapport à 2014, cette évolution traduisant un effort en direction des opérateurs, notamment ceux du patrimoine, afin de leur permettre de renforcer les conditions d'accueil, de visite et de sécurité des visiteurs. Le budget 2015 est ainsi marqué par cette grande priorité, à travers le projet pyramide du Louvre, la poursuite des schémas directeurs du château de Versailles et de Fontainebleau et le lancement de ceux du Grand Palais et du centre Pompidou, notamment.
Une autre décision qui mérite d'être soulignée à cet égard est la volonté du Gouvernement de lancer, dans un premier temps, une expérimentation relative à l'ouverture, sept jours sur sept, des trois musées les plus visités, à l'horizon 2017 : le Louvre, le château de Versailles et le musée d'Orsay. Cette décision nécessite une certaine concertation avec les personnels des établissements concernés, dès lors qu'elle aura nécessairement une incidence sur l'organisation du travail dans ces derniers. Le ministère nous a indiqué qu'elle devrait se traduire par la création d'une centaine de postes sur la période. L'État contribuera en partie à cette hausse des dépenses de personnel, ce qui explique d'ailleurs la hausse du schéma d'emplois du ministère en 2015, à hauteur d'une quinzaine d'équivalents temps plein.
En revanche, les subventions pour charges de service public des opérateurs concernés, imputées sur les dépenses de fonctionnement ne seront pas augmentées, l'opération ayant vocation à être financée par une hausse des recettes de billetterie - ce qui est bien normal. Cette évolution va dans le sens du renforcement de l'attractivité touristique de notre territoire, et devrait se traduire également par des retombées positives indirectes pour les activités commerciales et hôtelières, notamment.
Le niveau des restes à payer de la mission, bien qu'en hausse par rapport à 2014, après plusieurs années de baisse, reste compatible avec la soutenabilité budgétaire de la mission. Les restes à payer concernent essentiellement le programme « Patrimoines », qui se caractérise, naturellement, par des cycles d'investissement s'étalant sur trois à cinq ans.
Le nombre de dépenses fiscales de la mission reste stable, à hauteur de 27. En revanche, leur coût augmente assez substantiellement. Cette hausse est essentiellement imputable à trois crédits d'impôts ayant vocation à renforcer la compétitivité du secteur cinématographique et audiovisuel. Je relève le manque de données relatives à l'évaluation de l'efficacité de ces dépenses dans les documents budgétaires.
Nous regrettons, André Gattolin et moi, les incertitudes qui pèsent sur les projets de loi patrimoine et création, qui étaient annoncés pour 2014 mais qui n'ont, à ce stade, jamais été délibérés en conseil des ministres. La ministre de la culture a, toutefois, annoncé devant l'Assemblée nationale le dépôt d'un grand projet de loi sur le patrimoine, la création et l'architecture au premier semestre 2015. Nous attendons donc ce texte avec une impatience que nous ne voulons pas dissimuler, celui-ci devant permettre de juger, au-delà du budget 2015, de l'ambition réelle du Gouvernement dans le domaine culturel.
S'agissant du programme 175 « Patrimoines », voici mes principales observations.
Le programme est doté de 745,6 millions d'euros d'autorisations d'engagement (AE) et de 751 millions d'euros de crédits de paiement (CP). Ces derniers sont stables par rapport à 2014, après deux années de très forte baisse.
J'estime que cette stabilité des crédits, dans le contexte budgétaire actuel, est une bonne chose, alors que la préservation et la restauration de nos monuments historiques constituent un facteur important de renforcement de l'attractivité culturelle et du dynamisme économique de nos territoires - en particulier à travers le tourisme. D'ailleurs, je note que les prestataires intervenant en ce domaine sont généralement des entreprises françaises, ce qui permet de soutenir l'activité économique de notre pays.
En outre, je relève la stabilisation des crédits déconcentrés. Cela me paraît être une bonne nouvelle et un signal positif en direction des collectivités, dans un contexte de baisse des dotations. Cela traduit la volonté de l'État de maintenir son engagement aux côtés des territoires dans le domaine culturel. Cet engagement est d'autant plus nécessaire qu'une récente étude de l'association des petites villes de France révèle que 95 % des villes de 3 000 à 20 000 habitants envisagent de réduire dès 2015 les moyens qu'elles consacrent à la culture.
Enfin, au titre des évolutions remarquables en 2015, je crois qu'il faut souligner l'apparition d'une subvention pour charges de service public de 5 millions d'euros au profit de l'Institut national de recherche archéologiques préventive (INRAP), qui traduit la reconnaissance de la spécificité de cet opérateur au sein du paysage de l'archéologie préventive. En effet, celui-ci doit faire face à des missions de service public, aussi bien en matière scientifique que territoriale, à la différence des autres opérateurs de ce secteur devenu concurrentiel. Si nous ne contestons nullement l'ouverture de ce dernier à la concurrence, elle impliquait néanmoins un soutien de l'INRAP en raison de ses spécificités.
En ce qui concerne son financement par la redevance d'archéologie préventive (RAP), le ministère de la culture et de la communication nous a indiqué que les difficultés tenant au recouvrement de la RAP ont été résorbées. À titre de rappel, ces difficultés étaient liées à un problème informatique, qui compliquait le recouvrement de la redevance ; pour un peu, nous nous croirions presque dans le domaine de la défense ! Toutefois, il est probable que le niveau de recettes espérées, de 122 millions d'euros, ne sera pas atteint en 2015.
Étant responsable des crédits du patrimoine, il me revient également de vous présenter l'article 50 bis rattaché à la mission, qui a été adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue député François de Mazières, avec un avis de sagesse du Gouvernement.
Cet article instaure une demande de rapport du Gouvernement au Parlement sur la possibilité d'affecter au Centre des monuments nationaux (CMN) les bénéfices d'un tirage exceptionnel du loto réalisé à l'occasion des journées européennes du patrimoine.
Le CMN est en effet confronté à une extension de son champ d'intervention, et les monuments les plus rentables sont minoritaires au sein de ce périmètre. Le principe d'une réflexion sur la diversification des ressources du CMN nous semble donc plutôt utile, même si la solution proposée par François de Mazières peut soulever des interrogations, qui tiennent notamment à l'équilibre économique des jeux de hasard en France et aux conséquences d'un tel financement sur une éventuelle perte de recettes pour le budget de l'État, dans la mesure où une partie des sommes misées par les joueurs dans le cadre de la loterie nationale est reversée à l'État. Toutefois, puisqu'il s'agit à ce stade d'une simple demande de rapport, nous proposons d'adopter cet article sans modification.
Comme l'a indiqué Vincent Eblé, il me revient de vous présenter les crédits du programme 131 « Création » et du programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ».
S'agissant du programme 131, le budget 2015 est marqué par une évolution favorable des moyens dédiés au spectacle vivant et aux arts plastiques et par la fin du chantier de la Philharmonie de Paris.
Plus précisément, ce programme est doté de 717,3 millions d'euros d'autorisations d'engagement et de 734,6 millions d'euros de crédits de paiement, montants en faible baisse par rapport à 2014, de l'ordre de 9 millions d'euros pour les autorisations d'engagement et 13 millions d'euros pour les crédits de paiement. La réduction concerne les crédits dédiés au soutien à la création, à la production et à la diffusion du spectacle vivant et s'explique par la fin des travaux de la Philharmonie de Paris et le rythme d'avancement de ceux de l'Opéra-comique et du Théâtre national de Chaillot, en cours de rénovation. Si l'on neutralise ce facteur, il apparaît que les crédits d'intervention dédiés aux acteurs du spectacle vivant sur le territoire sont préservés en 2015 et le seront a priori également sur l'ensemble du triennal.
Les crédits de paiement consacrés aux arts plastiques sont pour leur part en hausse de 5 % et soutiendront principalement les fonds régionaux d'art contemporain (« FRAC seconde génération ») et les galeries d'art. Les crédits d'intervention déconcentrés, destinés à financer des initiatives territoriales, connaissent une hausse de 1,1 % par rapport à 2014.
Le budget 2015 est également marqué par deux évènements : d'une part, l'ouverture de la Philharmonie de Paris en janvier 2015. D'autre part, celle de la collection Lambert à l'été 2015.
Si l'ouverture de la Philharmonie est très attendue, des questions demeurent toutefois encore en suspens, s'agissant notamment de la prise en compte des surcoûts du chantier et du calibrage des dépenses de fonctionnement du nouvel établissement. Le coût global du chantier est estimé à 381,5 millions d'euros. À titre de comparaison, celui de la Philharmonie de Hambourg, chantier non encore achevé, s'élève à près de 800 millions d'euros.
La mairie de Paris souhaite revoir les conditions de sa participation financière, notamment au titre de la prise en charge des surcoûts. Le Gouvernement a marqué son soutien à la Philharmonie, projet qui a vocation à renforcer l'attractivité culturelle de notre territoire et à favoriser la démocratisation de la culture, en décidant de les assumer en intégralité. En outre, à la demande du Premier ministre, une mission a été lancée afin de calibrer de la façon la plus adaptée les dépenses de fonctionnement du futur établissement. À ce stade, la dotation inscrite à ce titre dans le projet de loi de finances pour 2015 est de 9,8 millions d'euros. Des synergies et mutualisations sont attendues entre la Philharmonie de Paris et la Cité de la musique qui la jouxte. Il sera donc intéressant d'évaluer attentivement la première année de fonctionnement de la Philharmonie de Paris. À cet égard, on pourrait envisager la création d'un indicateur de performance dédié.
La collection Lambert est une donation exceptionnelle faite à l'État en 2012 par le galeriste Yvon Lambert. Elle a vocation à être exposée de façon permanente, à partir de l'été 2015, dans les hôtels de Montfaucon et de Caumont, entièrement rénovés, situés à Avignon. Cet événement est très attendu localement, car il sera un facteur de rayonnement et d'attractivité culturelle pour la région PACA.
S'agissant du programme 224, le budget 2015 est marqué par une priorité accordée à l'éducation artistique et culturelle et aux établissements d'enseignement supérieur.
Dans le détail, ce programme est doté de 1,1 milliard d'euros en 2015, montant en très légère hausse par rapport à l'année dernière.
On constate la hausse dynamique des crédits en faveur de l'enseignement supérieur culturel, qui financeront notamment des dépenses d'investissement sur l'ensemble du territoire, en faveur des écoles d'architecture, des écoles d'art et des écoles du spectacle vivant. Les dépenses d'intervention, d'un montant de 35,9 millions d'euros en 2015 contre 31,4 millions d'euros l'année dernière, concernent essentiellement le versement des bourses aux étudiants des établissements de l'enseignement supérieur culturel. La forte hausse des crédits s'explique par la progression continue du nombre de boursiers, par l'augmentation du montant unitaire des bourses et par la création de deux nouveaux échelons, le ministère de la culture s'alignant en ce domaine sur le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. À cet égard, je souligne que l'annonce de ce dernier de procéder à la rentrée 2014 au passage de tous les étudiants de l'échelon 0 vers l'échelon 0 bis n'est pas financée dans le projet de loi de finances pour 2015. Le ministère de la culture évalue le coût de cette disposition à 2 millions d'euros. Il conviendra donc de rester vigilant sur le financement de cette dépense en exécution 2015.
Enfin, le budget 2015 est marqué par une forte hausse des crédits dédiés à l'éducation artistique et culturelle, évolution qui reflète la priorité que le Gouvernement compte accorder à la jeunesse et à la démocratisation de la culture. 10 millions d'euros de crédits déconcentrés seront, en particulier, spécifiquement dédiés au plan en faveur de l'éducation artistique et culturelle, contre 7,5 millions d'euros l'an dernier, et permettront, espérons-le, de faire émerger de nombreux projets dans les territoires.
En revanche, je signale la réduction très marquée du soutien de l'État aux conservatoires à rayonnement régional et départemental, qui passe de 15 à 5,5 millions d'euros. L'action 3 qui leur était dédiée disparaît et est intégrée au sein de l'action 1 relative au soutien aux établissements d'enseignement supérieur et d'enseignement professionnel. Le ministère a décidé de recentrer ses interventions sur les seuls conservatoires adossés à des pôles supérieurs d'enseignement du spectacle vivant. Toutefois, les aides individuelles aux élèves de ces établissements sont maintenues pour tous les établissements d'enseignement supérieur spécialisés, afin de ne pas fragiliser le recrutement de ces structures parmi des populations à faibles revenus.
S'agissant des dépenses de personnel et de fonctions support, également imputées sur le programme 224, le budget 2015 est marqué par les évolutions suivantes : les dépenses de personnel augmentent de 0,67 %, après une baisse de 0,2 % en 2014. Cette évolution favorable s'explique notamment par l'amorce, en 2015, de la remise à niveau de la politique catégorielle et indemnitaire du ministre de la culture et de la communication, prévue par le triennal 2015-2017. Le secrétaire général du ministère nous a ainsi indiqué que les agents de ce ministère sont de façon générale moins bien traités en la matière que les agents des autres ministères.
Les frais de fonctionnement sont pour leur part stabilisés, ce qui marque la poursuite d'un effort de rationalisation et de mutualisation de ces dépenses, pour la plupart indexées sur l'inflation.
Pour finir, je précise que l'Assemblée nationale a adopté, en seconde délibération, un amendement qui augmente les autorisations d'engagement du programme 224 de 2,1 millions d'euros, dans le but de permettre le lancement des travaux de sécurité du bâtiment de l'établissement du Palais de la porte dorée (EPPD), qui abrite la Cité nationale de l'histoire de l'immigration et l'aquarium tropical. Ces travaux ont vocation à garantir la sécurité des visiteurs et des agents et à améliorer l'optimisation de l'espace pour faire face à la hausse de la fréquentation. Les travaux devant s'étaler jusqu'en 2017, les crédits de paiement correspondant à ces autorisations d'engagement seront consommés ultérieurement.
En conclusion, le budget 2015 de la mission « Culture » nous semble satisfaisant à plusieurs égards. D'une part, il s'inscrit dans la cohérence par rapport à plusieurs grandes priorités transversales du Gouvernement, telles que le soutien aux territoires, le renforcement de l'attractivité et de la compétitivité de notre pays, la jeunesse et l'éducation artistique et culturelle.
D'autre part, il s'inscrit également dans la logique du redressement des comptes publics, les hausses de dotation étant précisément ciblées et des efforts étant réalisés sur la maîtrise des dépenses. Des efforts de diversification de leurs ressources et de rationalisation des dépenses sont ainsi demandés aux grands opérateurs culturels. De même, le ministère poursuit sa politique de rationalisation des dépenses de fonctionnement. Enfin, aucun nouveau chantier culturel d'ampleur, susceptible d'induire un dérapage des dépenses, n'est annoncé sur le nouveau triennal.
Sous le bénéfice de ces observations, nous vous proposons l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Culture ».
Je tiens tout d'abord à saluer le travail accompli sur une mission budgétaire protéiforme et complexe.
Cette année, nous constatons une stabilisation des crédits en faveur du patrimoine. Or le ministère joue tout de même un rôle d'entraînement sur ces crédits. Nous sommes actuellement au début d'une nouvelle période de programmation des crédits de l'Union européenne, avec des compétences qui sont désormais déléguées aux régions pour la gestion de ces crédits. Selon les régions, il est possible d'obtenir des accompagnements sur les projets patrimoniaux. Quelle sera donc la mobilisation des crédits de l'Union européenne en faveur du patrimoine ? Peut-on surtout obtenir du ministère que les contreparties nationales soient mobilisées en temps utile ?
Mon second sujet de préoccupation porte sur la question des acquisitions d'oeuvres de musées nationaux par les entreprises. Seuls 8,35 millions d'euros sont consacrés aux acquisitions mais votre rapport ne permet pas d'identifier la dépense fiscale spécifiquement liée à ces acquisitions. À quel montant s'élèvent ces dépenses fiscales, au travers notamment du dispositif des trésors nationaux, qui propose des avantages aux entreprises qui contribuent à l'acquisition d'oeuvres susceptibles de quitter le territoire national ? Un bilan de ces opérations a-t-il été dressé, notamment par rapport à l'exercice précédent ? Peut-on obtenir une consolidation des moyens consacrés aux acquisitions et mis à disposition en particulier du service des musées de France ?
Ma troisième question concerne l'Institut de recherches archéologiques préventives (INRAP) et le problème de l'évaluation du montant de la redevance d'archéologie préventive. Chaque année depuis la modification du régime de la redevance, nous sommes confrontés aux mêmes difficultés pour en apprécier le montant et pour résoudre les problèmes liés à son encaissement. Il s'agit d'une situation invraisemblable. Je m'interroge également sur le statut de l'INRAP. Quand aura lieu l'ouverture effective de l'Institut à la concurrence ? Les agréments sont certes nécessaires, mais il existe d'autres sociétés que l'INRAP qui travaillent dans des conditions plutôt satisfaisantes. Dans les zones frontalières, des sociétés étrangères, notamment suisses, se sont implantées pour travailler efficacement et à un moindre coût dans le domaine de l'archéologie préventive. Est-il envisageable d'en tirer les conséquences sur les coûts de revient de l'INRAP et ses délais de mise en oeuvre ? En effet, l'archéologie préventive induit des coûts économiques indirects. Elle est certes indispensable, mais elle est aujourd'hui redoutée en raison de délais d'intervention beaucoup trop longs. De ce point de vue, l'INRAP s'est-il amélioré ? Est-il compétitif du point de vue des coûts par rapport à ce que l'on observe dans les autres États pour des actions similaires ?
Enfin, ma dernière observation vise la Philharmonie de Paris et les salles musicales plus largement. Il me semble que nous sommes trop conciliants sur ce sujet. Il n'existe aucun pilotage de la part de l'État. Les différents opérateurs agissent chacun selon leur bon-vouloir. On n'observe aucune coordination entre collectivités territoriales. La rentabilité des salles s'en trouve d'ailleurs fragilisée. Par le passé, j'ai vécu les conséquences de l'ouverture d'un certain nombre de salles sur le Théâtre des Champs-Élysées (TCE). Il a fallu à l'époque renforcer les concours au TCE pour faire face à la concurrence, à la multiplication des salles, de leur coût, et aux orchestres qui font monter les enchères pour se produire... Aujourd'hui, a-t-on une vision claire des conséquences de l'ouverture de la Philharmonie sur le fonctionnement et sur les équilibres des scènes notamment parisiennes ? Le ministère a-t-il pris des mesures pour améliorer la coordination des politiques menées par les opérateurs ?
Je souhaiterais rassurer mon collègue : il n'existe aucune coordination en la matière. Un récent rapport établi par la chambre régionale des comptes (CRC) d'Île-de-France évoque la situation de l'Orchestre national d'Île-de-France. Celui-ci se trouve en concurrence avec les orchestres parisiens, les salles existantes, et bientôt la Philharmonie. Or la région Île-de-France loue à grands frais des locaux dans le Val-de-Marne pour cet orchestre. La CRC fait remarquer que la région n'a peut-être pas vocation à mettre à disposition cette salle...
Sur le thème de la culture, il est toujours plus compliqué de critiquer. Pourtant on multiplie bel et bien les salles musicales à Paris ! Messieurs les rapporteurs spéciaux, vous comparez le coût de la construction de la Philharmonie de Paris à celui de Hambourg et concluez que ce dernier serait deux fois plus élevé. Soit, mais attendons de voir comment évoluera la Philharmonie de Paris après son ouverture et quels seront ses frais de fonctionnement. Il faut reconnaître qu'aucun raisonnement n'est mené puisqu'il existe déjà cinq, voire six orchestres ou établissements musicaux à Paris qui se trouvent en concurrence !
Par la suite, certains de ces établissements se trouvent en grande difficulté financière et on demande alors aux collectivités territoriales de subventionner leur fonctionnement. À défaut, ceux-ci fermeraient... Ces orchestres sont soutenus à bout de bras ! Sous prétexte que c'est du domaine de la culture, il ne faudrait envisager aucune rationalisation financière!
Au-delà des questions partisanes, je regrette que chaque gouvernement souhaite avoir son propre musée. Je n'en évoquerai qu'un seul : l'établissement public du Palais de la Porte Dorée qui est à la fois le musée de l'histoire de l'immigration et un aquarium tropical ! Quel lien existe-t-il entre ces deux fonctions ? Pourquoi un aquarium tropical doit-il être financé par le budget de la culture ? Une rationalisation est nécessaire !
Les collectivités territoriales sont de plus en plus sollicitées, mais elles n'ont en réalité qu'un pouvoir de financeur. On ne leur laisse aucune marge de manoeuvre en matière de négociation ou d'installation... On se contente de les critiquer lorsqu'elles refusent de subventionner un équipement, un orchestre, un théâtre. Pourtant, elles n'ont pas la capacité de faire en sorte que chaque établissement ait son public !
Pour finir, comment peut-on dire que le ministère ferait de l'éducation artistique et musicale sa priorité alors qu'il diminue de manière sensible les crédits des conservatoires régionaux et départementaux ? J'ai le sentiment que le ministère n'agit que quand cela se voit. On finance les grands établissements, les grands centres d'art dramatique, on ne touche pas aux grands festivals médiatiquement exposés. À l'inverse, les gouvernements sont nettement moins attentifs lorsqu'il s'agit du quotidien des collectivités locales, c'est-à-dire de la transmission de l'éducation artistique.
Je voterai contre l'adoption des crédits de la mission car je suis opposé au parisianisme qu'illustrent les priorités fixées par le ministère. Nous vivons quotidiennement les difficultés rencontrées par les conservatoires départementaux et régionaux. Comment peut-on parler de priorité à la jeunesse alors qu'il n'y a que 10 millions d'euros de crédits nouveaux qui y sont consacrés, dont 2,5 millions d'euros alloués aux établissements gérés par les collectivités locales et 7 millions d'euros pour l'enseignement supérieur culturel dont l'essentiel des établissements se situe à Paris ou à Lyon.
Pour illustrer mon propos, j'évoquerai un projet - car il existe aussi des projets en banlieue ! -, celui de Cergy. Il s'agit en quelque sorte d'un « Lens » en banlieue : un certain nombre d'oeuvres qui végétaient dans les réserves des musées parisiens pouvaient être exposées à Cergy. C'était important sur le plan touristique car cela formait un triangle Cergy-vallée des impressionnistes-Versailles. Autre exemple, alors que nous sommes l'un des berceaux de l'impressionnisme, nous n'avons qu'un seul musée représentant ce mouvement, le Musée Pissarro installé à Pontoise. Seulement, le musée ne détient que trois oeuvres du peintre ! Ses autres tableaux sont dans les réserves des grands musées parisiens... En définitive, le projet a été discrètement abandonné.
Faute d'une véritable aide de l'État, le financement des conservatoires devient véritablement déséquilibré pour les communes modestes ou moyennes.
Je reviens également sur la question de l'Orchestre national d'Île-de-France évoqué par Roger Karoutchi. Il s'agit d'un ensemble de 130 musiciens lorsqu'il est au complet. Or il existe finalement peu de salles qui permettent d'accueillir autant de musiciens et un public suffisamment nombreux. Dès lors, l'Orchestre se produit tous les trois ou quatre ans le plus souvent en formation réduite - avec 40 musiciens - et joue des pièces d'Offenbach... On peut critiquer selon moi les sous-productions de cet orchestre pour le public de la banlieue qui est pourtant tout aussi averti que les autres publics !
Pour conclure, il était envisagé que, après le déménagement des Archives nationales de Paris en Seine-Saint-Denis, le site de Paris devienne un établissement culturel, voir un musée. Ce projet est-il toujours d'actualité ? En Seine-Saint-Denis, il me semble qu'il serait également possible de créer un très bel établissement culturel.
Il y a des sujets qui sont éternels... L'INRAP en est un. La concurrence existe déjà. On peut faire appel à d'autres organismes que l'INRAP, à commencer par les organismes départementaux.
Je trouve dommage la diminution très dure des crédits aux conservatoires régionaux ou départementaux. Ce sont des établissements importants pour beaucoup de jeunes qui leur permettent, en province, d'acquérir un niveau qui leur ouvre ensuite les portes d'établissements plus prestigieux. La baisse est assez énorme.
Sur la Philharmonie de Paris, on lit tous un certain nombre de chose et on ne comprend plus trop. A Paris, il ne faudrait plus faire de grandes réalisations, ni de tour, ni de Philharmonie... Il y a des gens du monde entier qui sont venus voir la pyramide du Louvre, tellement critiquée à son époque. Il y a eu le conflit des colonnes de Buren. Je parle en provincial : on voit voir ces réalisations, comme des millions de gens à travers le monde. Je constate aussi que ceux qui critiquent ces réalisations se rendent souvent aux invitations des fondations telles que celles de François Pinault... Quand c'est fait par le privé, c'est extraordinaire, mais quand c'est par le public, ce n'est pas bien. Je ne conteste pas le fait qu'il faille modérer les dépenses. Mais, d'un point de vue culturel, il n'est pas inconcevable qu'il y ait une Philharmonie à Paris...
Nos collègues disent que la clientèle n'est pas extensive, c'est à voir - à entendre en l'occurrence. C'est tout de même Pierre Boulez qui est chargé des premiers concerts et il doit faire venir des orchestres du monde entier. La Philharmonie de Berlin viendra. Quoi qu'il en soit, il est trop tard pour arrêter ce chantier. Ce serait complétement ridicule.
On sait aussi que Jean Nouvel a son caractère, mais il a aussi ses réussites. C'est un architecte qui porte la réputation française. En tant que provincial, je suis un peu gêné du fait qu'il y ait autant de débats négatifs, à Paris, dès que l'on fait quelque chose qui sort un peu de l'ordinaire. Je partage ce que disent mes collègues - également provinciaux, même si ce n'est pas la même province. Cela me paraît normal qu'il y ait des choses un peu exceptionnelles qui se fassent à Paris et qui représentent la qualité française.
Quelles sont les grandes salles de musique de Paris ? Quelles sont les salles qui sont à l'identique de ce qui existent à Berlin ou à Londres ? J'attends bien que l'on me le dise. À ma connaissance, il n'y en a pas une seule. Peut-être faudra-t-il fermer certaines salles. C'est un autre sujet, mais le projet de la Philharmonie est très beau. Du point de vue acoustique, il semble que cela soit vraiment révolutionnaire.
En ce qui concerne Bercy ou le nouvel opéra, il a permis à des gens comme nous qui n'habitent pas à Paris, ou qui n'ont pas les moyens d'avoir les abonnements de première catégorie, de se familiariser avec l'opéra. Je ne suis pas contre Offenbach, mais on a pu entendre des choses dans lesquelles il y a moins de couleurs à voir...
Je vois que nous avons affaire à des spécialistes !
Sur la Philharmonie, il y avait eu une mission de contrôle tout à fait détaillée et intéressante de notre ancien collègue Yann Gaillard, précédemment rapporteur spécial du budget de la culture. Il y a un point qui m'avait beaucoup interrogé, à savoir le dépassement des crédits sans que quiconque ait eu quelque chose à dire. Si nous avions eu de telles pratiques dans les collectivités territoriales, nous aurions sûrement eu beaucoup de difficultés. C'est très étonnant. Peut-être que le talent n'a pas de prix.
Sur la question de l'INRAP, déjà ancienne et qui a fait l'objet de beaucoup de débats entre nous, André Gattolin et moi-même avons en mémoire les discussions que nous avons eues avec nos collègues de la commission de la culture. Il faut bien comprendre que avons là deux situations qui viennent se « télescoper ».
Tout d'abord, on constate un problème d'espace de responsabilité de l'INRAP au regard des autres opérateurs, dans un jeu que nous avons souhaité ouvrir à une réelle concurrence. Et, par ailleurs, il y a des éléments qui sont de nature conjoncturelle et qui tiennent à la situation économique dans laquelle nous sommes.
L'ouverture à la concurrence a eu pour conséquence de placer l'INRAP dans une situation à laquelle il n'était pas habitué, pour le moins, et, sans doute, pas préparé non plus. C'est une mutation, un changement de culture, qu'il lui faut absorber et cela n'a pas été simple car il y a, dans cette maison, des rigidités qu'il faut bousculer. Personnellement, je ne suis pas d'avis de revenir à une forme de monopole d'un opérateur public en la matière. Il faut rester dans un jeu de concurrence. Néanmoins, il faut tenir compte des spécificités liées à l'existence d'un opérateur public, à savoir l'INRAP, et qui, de ce fait, assume un certain nombre de charges de service public. Il ne me paraît donc pas inopportun que l'État vienne couvrir, par une dotation spécifique, ces charges de service public, par exemple en matière de publication scientifique. L'archéologie, ce n'est pas juste gratter la terre. Il faut en tirer des enseignements et les diffuser.
Du point de vue de la mise en concurrence, il faut observer que le nombre d'opérateurs agréés a diminué et ce, pour différentes raisons. Il y a eu des non-renouvellements d'agréments - et je suis bien placé pour vous le dire puisque je suis à la tête d'un département dont le service d'archéologie préventive professionnel avait un agrément et qui n'en dispose plus. Les motifs peuvent être liés à l'incapacité financière de l'opérateur pour réaliser des missions de fouilles.
Paradoxalement, nous assistons à un double phénomène. Il y a moins d'opérateurs, donc la concurrence s'en trouve donc réduite mais dans un contexte économique qui a contribué à réduire le nombre d'opérations de fouilles. Il y a donc un effet lié à la crise dans ce secteur d'activité comme dans beaucoup d'autres. L'année 2012 avait été extrêmement soutenue mais, depuis 2013, il y a une baisse du niveau et du volume des opérations archéologiques prescrites, particulièrement sensible pour les diagnostics.
Michel Bouvard a posé une question sur les acquisitions par les entreprises. S'agissant des acquisitions de trésors nationaux par les entreprises, il y a en effet un dispositif de dépense fiscale qui s'appelle « réduction de l'impôt au titre des sommes consacrées par les entreprises à l'achat d'un Trésor national ». Vous pourrez constater que le coût de cette dépense fiscale est estimé à zéro, parce qu'il n'y a eu aucune opération d'acquisition de Trésor national par des entreprises françaises. Les conditions que nous avions mises en place ont conduit les entreprises à ne pas se tourner vers ce dispositif, notamment du fait des conditions d'accessibilité du public au Trésor national.
En revanche, il y a d'autres dispositifs de mécénat d'entreprises prévus par le code général des impôts, notamment la réduction d'impôt en cas de participation à l'acquisition, par une personne publique, d'un bien culturel situé en France ou à l'étranger qui présente un intérêt majeur au niveau national du point de vue de l'histoire, de l'art ou de l'archéologie, oeuvres dites d'intérêt patrimonial majeur. En 2013, ces dispositions ont permis de réunir à peu près 13 millions d'euros, dont plus de 5 millions d'euros pour les musées nationaux, pour financer des achats d'oeuvres ou d'objets d'art pour une valeur totale de plus de 18 millions d'euros. Ce dispositif se poursuit et il n'y a pas lieu d'y revenir d'autant que les aides de l'État pour les acquisitions sont en réduction assez sensible, tant pour ses établissements que pour les musées gérés par des collectivités territoriales.
La réduction des crédits d'acquisition s'est accompagnée d'une orientation active, dont il nous appartiendra de vérifier si elle est bien mise en oeuvre, d'une meilleure rotation des oeuvres par des systèmes de prêts conventionnés entre établissements de façon à renouveler leur intérêt et leur attractivité du point de vue de leur propre public locaux. Ceux-ci ne viennent et, surtout, ne reviennent qu'à la condition qu'il puisse y a avoir des expositions ou des oeuvres nouvelles à y découvrir. Même si elle représente un coût, cette orientation permet d'éviter le caractère par trop statique des collections et de permettre le brassage qui offre des approches thématiques, par le biais d'expositions temporaires notamment, autour de tel ou tel artiste ou mouvement.
Je souhaiterais revenir brièvement sur la question de la réduction d'impôt au titre des sommes consacrées par les entreprises à l'achat d'un Trésor national. Pour quelles raisons ce dispositif n'est-il pas utilisé ? Est-ce par désintérêt des entreprises ou est-ce parce que les pouvoirs publics désirent décourager son utilisation ? J'ai moi-même pu constater que, dans un cas où une entreprise souhaitait pouvoir bénéficier de ce dispositif, la décision du ministère de la culture l'y autorisant n'est intervenue que quelques heures avant la vente... Je pense que ce sujet doit faire l'objet d'un examen attentif. S'il existe une volonté que cette réduction d'impôt soit effectivement utilisée, des démarches doivent être engagées afin de ce dispositif soit mieux connu et davantage transparent.
Concernant la mobilisation des financements européens, j'ai pu constater, ayant eu à connaître des programmes cadres de recherche et développement (PCRD) en tant que membre de la commission des affaires européennes, que lorsque l'on sort du champ des subventions « traditionnelles » de l'Union européenne, comme celles relatives à la politique agricole, les schémas financiers se caractérisent par leur relative complexité. Toutefois, de réels efforts de simplification doivent être relevés, comme l'illustrent les actions entreprises en ce sens dans le cadre du programme « Horizon 2020 ». Quoi qu'il en soit, les différents opérateurs doivent pouvoir bénéficier du soutien de l'État et s'appliquer à mieux se coordonner afin de bénéficier des financements européens à hauteur de ce à quoi pourrait prétendre la France, en particulier au regard de sa contribution au budget de l'Union européenne.
Pour ce qui est de la Philharmonie, sans revenir sur tout ce qui a déjà été dit par mon prédécesseur Yann Gaillard, force est de reconnaître que le chantier a posé quelques problèmes. Des surcoûts ont résulté de la suspension des travaux, ainsi que des caractéristiques techniques de ce projet architectural original ; de même, comme cela est souvent le cas dans ce type d'opérations, le coût total des travaux a été sous-estimé. Je citais l'exemple de la Philharmonie de Hambourg dont les travaux, qui étaient initialement évalués à 250 millions d'euros, représenteraient désormais 800 millions d'euros - soit le triplement du budget prévisionnel, alors que les Allemands sont généralement reconnus comme étant de bons gestionnaires... Il ne s'agit aucunement d'excuser les dépassements constatés au titre de la Philharmonie de Paris, mais seulement de fournir un élément de comparaison.
La coordination des travaux de la Philharmonie, projet porté par l'État et la Ville de Paris, après le retrait de la région Île-de-France, a été assurée par l'association Philharmonie de Paris, créée à cet effet. Un montage de cette nature permettait certes d'éviter que le coût du projet ne pèse sur les comptes de la Ville de Paris ; cependant, il faut relever que l'emprunt de dix-sept ans contracté en 2009 par l'association affiche un taux d'intérêt de 5,2 %, taux qui aurait été bien inférieur - d'environ 3,5 % - si la Ville de Paris avait elle-même été l'emprunteur.
Il n'en demeure pas moins que la Philharmonie de Paris est une opération remarquable : Paris se doit d'avoir une grande salle de concerts de dimension internationale. Nous parlions tout à l'heure de « concurrence » dans le domaine de la culture ; or, il me semble que la Philharmonie peut attirer un public international, ce qui pourrait renforcer le rayonnement et l'attractivité de notre territoire.
La véritable question qui se pose aujourd'hui a trait aux coûts et aux moyens de fonctionnement de la Philharmonie. Les informations dont nous disposons à ce jour font état d'un budget prévisionnel à 31,4 millions d'euros par an. En 2015, la contribution de l'État serait de 9,8 millions d'euros ; celle-ci serait complétée par l'autofinancement de la Philharmonie, à hauteur de 43 % du budget de fonctionnement, reposant sur les ventes de billets (60 %), celles de produits culturels, le mécénat et les loyers versés par les orchestres résidents. Aussi faudrait-il qu'un indicateur dédié permette de suivre la fréquentation de cet établissement et l'évolution de ses ressources propres. Il ne saurait, en effet, être question que ce projet devienne, d'un point de vue financier, un puits sans fond et sans fin.
Il faut impérativement éviter la surenchère entre les salles afin de faire venir des orchestres étrangers ! Rappelons que la majorité d'entre elles vivent à l'aide de subventions publiques.
En complément de ce que j'ai déjà dit, je remarque que nous avons généralement une vision « globale » du spectacle vivant, qui comprend tout à la fois le théâtre et la musique. Toutefois, la logique économique de ces différentes formes d'art diffère. Le théâtre est essentiellement financé par les produits de la vente de billets ainsi que par les subventions des collectivités territoriales et de l'État. Dans le domaine musical, il est possible de bénéficier des bénéfices retirés de la commercialisation des enregistrements, etc.
S'agissant du musée de l'histoire de l'immigration et de l'aquarium tropical du Palais de la Porte Dorée, qui est très visité...
C'est, en effet, un véritable élément d'attractivité ! La fusion du musée et de l'aquarium au sein d'un établissement unique a permis une mutualisation des moyens, et notamment de la billetterie et du gardiennage. Si cet établissement peut paraître comme étant fait de bric et de broc, il présente au moins l'avantage de permettre une rationalisation des moyens.
Installons des restaurants dans tous les musées qui sont vides, dans ce cas !
Pour ce qui concerne la réduction des subventions aux conservatoires régionaux et départementaux, il faut resituer les choses : avant même cette baisse, la contribution de l'État était relativement faible. Elle représente, en 2015, 6 % des aides. De plus, le ministère de la culture s'est engagé à ce que ces établissements puissent faire appel à d'autres aides, sur d'autres chapitres budgétaires que les frais de fonctionnement.
Je souhaiterais répondre aux questions posées par Francis Delattre sur les réserves du Louvre et sur les archives à Paris et en banlieue.
Je voudrais tout d'abord signaler qu'il y a un risque politique à, à la fois, relever le caractère parisianiste du budget et à défendre des projets spécifiquement parisiens ou franciliens. De même, il est facile de dénoncer un certain nombre de dépenses d'investissement culturel du type de la Philharmonie...
D'autres en parlent. Vous avez évoqué le projet de Cergy, qui n'était d'ailleurs pas le site retenu puisqu'il y avait encore une concurrence entre territoires. Ce projet a été abandonné en raison de son coût. Vous demandez s'il va être réactivé ; la réponse est très clairement non, d'autant que le Louvre peut recourir à des solutions de stockage moins couteuses, qui n'accueillent pas de public. L'économie réalisée contribue à l'équilibre du budget, de même que l'abandon du projet de Maison de l'Histoire de France, dont on se souvient les polémiques qu'il a suscitées chez les historiens.
Pour ce qui concerne la conservation des archives, je crois qu'il y a d'autres priorités que la réalisation d'un nouveau projet dans le Marais à Paris. Il faudra avant cela traiter le problème de la dégradation des locaux de Fontainebleau, qui ont fait l'objet d'un arrêté de péril. Les archives qui y sont conservées ne sont plus accessibles aux chercheurs, qui voient de ce fait leurs travaux interrompus. Il y a là une priorité absolue.
Pour ce qui concerne la Philharmonie, dont on peut estimer qu'il s'agit d'une dépense importante, je considère qu'elle va contribuer à renforcer l'attractivité de Paris. Je vous invite d'ailleurs à aller visiter ce lieu. J'ai eu l'occasion de le faire et je peux vous garantir que même si Paris dispose déjà de plusieurs équipements, aucun n'est de la qualité de celui-là. La presse bruisse déjà d'éloges au plan national et international, venant de spécialistes de la musique classique, de chanteurs lyriques ou de chefs d'orchestre. C'est un très beau projet qui va contribuer au rayonnement culturel de la France. La qualité architecturale et celle de la salle se révèleront d'ici quelques semaines à un public à la fois renouvelé et élargi, sans doute de dimension internationale, car Paris est désormais en mesure de concurrencer les grandes destinations musicales européennes.
André Gattolin a parlé d'une association qui a emprunté à 5,5 % pour financer la Philharmonie. Récupère-t-elle la TVA ? Ne peuvent-ils pas renégocier le taux ?
L'opérateur du projet était en effet une association, ce qui a permis à la mairie de Paris de ne pas se mettre au premier rang et ne pas intégrer l'investissement dans son budget. Sur la TVA, je vous fournirai une réponse prochainement, mais je peux vous indiquer que le Conseil de Paris a émis le voeu que soit renégocié l'emprunt.
À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Culture » ainsi que de l'article 50 bis.
La réunion est levée à 10 h 19.
La réunion est ouverte à 14 h 34