Merci de nous avoir interrogés sur la qualité de l'air, un sujet qui doit transcender les frontières et les clivages politiques.
La réunion est ouverte à 16 h 30.
Nous allons maintenant procéder à l'audition de Mme Ségolène Royal, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Je rappelle que cette audition est ouverte au public et à la presse et qu'elle fait l'objet d'une captation audiovisuelle qui sera diffusée sur le site du Sénat.
Madame la ministre, il nous a semblé que le sujet de notre commission d'enquête appelait nécessairement votre audition et nous vous remercions d'avoir pris le temps pour cet échange dans le cadre d'un emploi du temps particulièrement chargé.
Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, Mme Ségolène Royal prête serment.
Merci madame la ministre. A la suite de votre exposé introductif, ma collègue Leila Aïchi, rapporteure de la commission d'enquête, vous posera un certain nombre de questions. Puis les membres de la commission d'enquête vous solliciteront à leur tour.
Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les sénateurs, je vous remercie de vous être engagés dans cette commission d'enquête relative au coût économique et financier de la pollution de l'air car c'est un sujet de santé publique majeur. Il y a aussi un enjeu social car ce sont les populations les plus fragiles qui sont exposées à la mauvaise qualité de l'air. Les coûts sanitaires de la pollution de l'air sont estimés entre 20 et 30 milliards d'euros par an selon une étude de 2012, publiée par mon ministère au Commissariat général du développement durable. Si ces coûts sont essentiellement liés à la mortalité, il faut y ajouter les coûts liés à l'inconfort, à l'inquiétude, à la souffrance du fait d'être malade. Sur ces 20 à 30 milliards d'euros, un à deux milliards d'euros pourraient être économisés chaque année pour le système de soins par des mesures simples. Plusieurs dizaines de millions d'habitants en France sont exposés à une mauvaise qualité de l'air dans certaines zones du territoire et particulièrement dans les zones urbaines à forte densité. La France vient de recevoir un avis motivé de la Commission européenne pour non-respect des valeurs sanitaires pour les particules PM 10. Dix zones sont visées : Marseille, Toulon, Paris, Douai-Béthune-Valenciennes, Grenoble, Lyon, Nice, la Martinique et quelques zones urbaines en région Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte-d'Azur. Nous allons très prochainement répondre à cet avis motivé en faisant état des actions engagées, des résultats obtenus qui conduisent déjà à considérer que le nombre de zones en dépassement s'est probablement réduit, des nouvelles actions engagées. Je pense que les travaux de votre commission d'enquête pourraient fort utilement aussi être transmis comme éléments d'appui aux politiques gouvernementales qui tiendraient compte de vos recommandations. Le Gouvernement pourrait reprendre ces éléments à son compte et les communiquer à la Commission européenne. Je souligne ainsi l'importance de vos auditions et propositions, auxquelles je serai particulièrement vigilante.
Des dépassements de valeurs sanitaires pour le dioxyde d'azote concernent également une quinzaine de territoires en France. La commission européenne a engagé le 13 février 2014 une procédure Union européenne pilote. La commission a clôturé la procédure et la France vient de recevoir une mise en demeure pour dix-neuf zones. Dans ce contexte, la participation de tous les acteurs est indispensable, d'abord pour réduire de manière pérenne les concentrations de polluants dans l'atmosphère en agissant sur le transport, sur l'industrie, sur l'agriculture et sur les constructions, mais aussi pour éviter les pics de pollution et le dépassement récurrent des seuils réglementaires, notamment lorsque les conditions météorologiques les favorisent et enfin pour informer les Français des risques et des sources de pollution, protéger leur santé et les inciter à agir à chaque fois qu'ils le peuvent. Le bilan national de la qualité de l'air, qui sera publié par le ministère en septembre, montrera qu'en 2014 la situation s'est améliorée, preuve que l'action collective est payante. Sur les PM10, seule une agglomération de 250 000 habitants a dépassé les seuils réglementaires contre cinq en 2013. Pour le dioxyde d'azote, treize agglomérations de plus de 250 000 habitants n'ont pas respecté le seuil de concentration contre quinze en 2013 - ce qui est une petite amélioration - mais il reste beaucoup à entreprendre et j'ai engagé des actions qui ont été remises en perspective devant le Conseil national de l'air du 2 juin 2015.
La création du certificat qualité de l'air, sur laquelle je m'étais engagée devant la conférence environnementale, va être expérimentée pour donner des avantages aux véhicules les moins polluants. Cette classification va s'appuyer sur les émissions polluantes des véhicules particuliers, des deux roues, des poids lourds, des autobus et comportera sept classes en fonction de la motorisation et de l'âge du véhicule. Une classe spécifique est réservée aux véhicules électriques « zéro émission ». Une dérogation sera accordée aux véhicules d'intervention et d'urgence. Cette échelle de classement va permettre aux collectivités, et notamment aux maires des grandes agglomérations, aux présidents d'intercommunalités, de moduler finement les mesures incitatives ou restrictives que ces collectivités souhaitent mettre en place en concertation avec les habitants et les acteurs économiques du territoire. Elles pourront par exemple - et je fais référence à la loi de transition énergétique pour la croissance verte - créer des zones à circulation restreinte pour la qualité de l'air, qui seront réservées à certaines classes de véhicules toute l'année ou certains jours de la semaine pour diminuer drastiquement la pollution.
La deuxième action que je porte est de proposer certains avantages de stationnement ou de circulation sur les voies réservées aux véhicules électriques ou aux véhicules les plus faiblement émetteurs pour en encourager l'usage. Je souhaite que ce dispositif soit simple et lisible pour les usagers comme pour les agents chargés du contrôle. Ce certificat a été élaboré en lien avec le ministre de l'intérieur dans la mesure où, pour l'efficacité du contrôle, il doit être lisible. Il sera délivré par voie postale à titre individuel à chaque propriétaire de véhicule qui en fera la demande par internet. Il est mis en place à partir du 1er janvier 2016. Les expérimentations seront lancées dès l'automne. Le coût du certificat sera au maximum de cinq euros. C'est une démarche à la fois pédagogique, nullement porteuse d'exclusion puisque les entreprises seront amenées à s'interroger sur l'offre de mobilité qu'elles peuvent proposer à leurs salariés, les usagers seront responsabilisés sur leur contribution à la qualité de l'air, les élus disposeront d'un nouveau moyen d'action, les constructeurs automobiles et les industriels seront incités à innover et à mettre sur le marché des transports propres, les pouvoirs publics pourront adapter les mesures d'urgence en cas de pic de pollution, en interdisant la circulation aux véhicules les plus polluants et pas seulement avec un système d'immatriculation paire ou impaire, qui n'a aucun sens en terme de ciblage des véhicules les plus polluants. J'ai entendu un certain nombre de réactions, notamment de la part des foyers qui n'ont pas les moyens de s'acheter une voiture moins polluante. Je précise que le Gouvernement a mis en place une prime de dix mille euros cette année pour inciter à l'achat de véhicules électriques, qui a été étendue aux véhicules propres d'occasion. L'idée est aussi d'inciter les constructeurs à mettre sur le marché des véhicules avec des paiements mensualisés afin que tous les niveaux de revenu puissent y accéder. J'ajoute aussi qu'afin de ne pas faire de l'écologie punitive, ce certificat est facultatif. Ainsi, seules les voitures propres vont demander le certificat et bénéficieront des avantages. La stigmatisation qui était crainte par les certificats sur les voitures les plus polluantes n'existera pas. En revanche, ces dernières ne bénéficieront pas des avantages réservés aux véhicules propres. Il faut prendre en considérations tous ces aspects pour s'inscrire dans une dynamique positive et que ce soit surtout les constructeurs qui s'engagent, les entreprises qui fassent vraiment des plans de mobilité comme c'est prévu dans la loi de transition énergétique, les collectivités territoriales qui développent des transports propres ou des transports de substitution propres en cas de pic de pollution.
J'ai également lancé l'appel à projets « Villes respirables en cinq ans » pour mobiliser les collectivités et tester les solutions innovantes. Le cahier des charges a été rendu public. Les collectivités comme les agglomérations jouent un rôle essentiel dans la lutte contre la pollution de l'air et elles ont des compétences pour agir concrètement. Cet appel à projets permettra d'expérimenter des mesures radicales pour la qualité de l'air afin de faire baisser sensiblement la pollution. Ils vont bénéficier d'une aide financière pouvant aller jusqu'à un million d'euros par lauréat pour déployer localement les dispositifs du projet de loi de transition énergétique et notamment définir rapidement des zones à circulation restreinte, engager rapidement le renouvellement des flottes publiques, des autobus et des taxis. Les gens ne comprennent pas pourquoi on leur demande de rouler propre alors qu'ils voient des bus ou des taxis polluants. Cette aide financière permettra également de mettre en place les primes de conversion, y compris pour les deux roues et les utilitaires, de développer la mobilité électrique avec le déploiement des bornes de recharge, d'inciter toutes les entreprises à avoir des plans de circulation, de multiplier les incitations au covoiturage et enfin d'engager les déplacements en deux roues.
Je souhaite également mettre en place avec les professionnels concernés des mesures de lutte contre la pollution. Dans les transports publics, le ministère a engagé des discussions avec les compagnies d'autobus pour mettre en place des plans d'élimination des véhicules diesel les plus polluants. Dans l'industrie, nous avons lancé des audits et des programmes d'actions, notamment dans les petites et moyennes entreprises. L'activité agricole est également une source de pollution importante : la question est taboue mais il faut avoir le courage de le dire car c'est aussi l'intérêt des agriculteurs d'identifier ces sources de pollution, les nommer. La santé des agriculteurs est également en jeu. Les produits d'épandage dispersent des polluants dans l'air : là aussi il est parfaitement possible, de même que j'ai interdit les épandages aériens, de trouver des techniques permettant d'arrêter les épandages par pulvérisation, qui ont joué un rôle important par exemple dans les pics de pollution à Paris. Dans le secteur de la construction, la rénovation thermique des logements, les constructions à énergie positive, les filtres à particules pour le chauffage au bois, le remplacement des appareils de chauffage anciens, sont également en mouvement. Dans les appels à projets « Villes respirables », les villes devront mettre en place des actions d'information des citoyens.
Toutes ces actions ne sont pas réservées aux lauréats de l'appel à projets « Villes respirables ». L'idée est de montrer comment on peut concentrer et accélérer, avec une impulsion plus forte, la mutation de la civilisation urbaine. Elles seront prioritairement réservées aux agglomérations situées dans l'une des 36 zones couvertes par un plan de protection de l'atmosphère approuvé ou en projet. La date limite de dépôt des dossiers est fixée au 5 septembre pour une annonce des lauréats le 25 septembre, lors de la Journée nationale de la qualité de l'air. Ce laps de temps est très court : sur toutes les sources de pollution, il faudra apporter des projets structurés, souvent déjà en gestation. Les lauréats bénéficieront d'un appui financier et méthodologique, les aides de l'Ademe, le financement du Fonds pour la transition énergétique et le programme des investissements d'avenir. Pour les actions agricoles, les financements du ministère seront mobilisés, notamment le plan Ecophyto, bénéficiant de fonds important qui pourront être concentrés sur les projets intégrés.
Comme cela a été annoncé par le Gouvernement lors de la Conférence environnementale, il faut rééquilibrer progressivement la fiscalité entre le gazole et l'essence en prenant en compte les impacts écologiques pour les entreprises et les citoyens. Le bonus automobile et le nouveau bonus portent déjà leurs fruits, pour aider à diffuser les véhicules propres. Au premier trimestre de l'année 2015, même si le niveau de départ est bas, on constate une progression de 89 % en un an des ventes de véhicules électriques, soit 2 903 voitures particulières électriques immatriculées au premier trimestre, contre 1 500 le trimestre précédent. Selon les constructeurs, les commandes de véhicules électriques sont déjà en forte hausse en avril, avec des volumes quatre à huit fois supérieurs à ceux constatés en avril 2014. Les derniers chiffres de vente connus en mai confirment la tendance. On sait très bien que pour déclencher ces achats, il faut déployer des bornes électriques, comme le prévoit le programme d'investissements d'avenir mais il faut aussi améliorer l'autonomie. En tout état de cause, on observe que lorsque des entreprises ou des particuliers ont fait le choix du véhicule électrique, ils ne reviennent pas en arrière tant le progrès qualitatif et financier est considérable. Une des solutions sans doute serait de déployer des flottes électriques dans les entreprises avec des systèmes de location aux salariés. Le covoiturage de véhicules électriques pourrait également être intéressant ainsi que le déploiement des deux roues électriques.
Le Parlement a souhaité inscrire dans la loi relative à la transition énergétique plusieurs dispositions pour encourager les salariés à utiliser leur vélo : l'indemnité kilométrique et la réduction d'impôt pour les sociétés qui mettent à disposition de leurs salariés des flottes de bicyclettes.
Dans le secteur des transports, ces mesures viendront en complément de l'engagement de l'Etat et des collectivités territoriales, à qui la loi pour la transition énergétique demande de renouveler leurs flottes avec des véhicules propres, dont les flottes de bus et de cars. Je rappelle également que dans ce texte, il est prévu que les collectivités territoriales doivent obligatoirement, lorsqu'elles renouvellent leurs flottes de véhicules, acheter un véhicule propre sur deux véhicules achetés.
Autre point, il faut vraiment mobiliser la profession agricole sur la qualité de l'air. Je le rappelle, ce ne sont pas les agriculteurs qui polluent mais les activités agricoles qui subissent aussi elles-mêmes les dégâts causés par la pollution de l'air. Les rendements agricoles peuvent notamment être impactés par les épisodes de pollution. Les baisses de rendements peuvent aller jusqu'à 20 % sur le blé pendant les périodes de forte concentration en ozone. Mais certaines pratiques agricoles contribuent également à la pollution de l'atmosphère. La diminution d'émissions de polluants agricoles est indispensable et rejoint d'ailleurs la problématique de relance des pollinisateurs et de lutte contre la mortalité des abeilles. Il convient de prendre en considération la question spécifique des épisodes de pollution printaniers avec une conjonction de l'augmentation de la température de l'air et donc de la pollution automobile qui s'accentue et des épandages agricoles. Il y a une forte contribution de l'ammoniac dans la formation des particules, au même titre que les émissions liées au trafic. Des nouveaux financements sont mis en place, avec le soutien du ministère de l'agriculture et de l'Ademe, afin d'expérimenter des pratiques plus performantes. Une enveloppe de vingt millions d'euros sur cinq ans est dédiée à ce programme. Il faut désormais cibler ces moyens financiers sur des actions efficaces.
Une table ronde avec les représentants des professions agricoles sur la qualité de l'air est en cours d'organisation pour examiner quelles solutions s'offrent aux exploitants à l'approche de la période hivernale, également propice aux pics de pollution.
Je souhaite également améliorer le dispositif de gestion des épisodes de pollution. Il y a eu des polémiques en mars dernier. J'ai donc mandaté, avec les ministres en charge de l'intérieur et de la santé, une mission d'inspection sur la gestion des épisodes de pollution afin de disposer de recommandations pour faire face aux prochaines crises. Cette mission a présenté ses réflexions devant le Conseil national de l'air début juin et va rendre son rapport très prochainement.
Je souhaite par ailleurs développer la surveillance des polluants non réglementés pour avoir une approche dynamique. Une campagne nationale exploratoire de surveillance des pesticides a été lancée, comme décidé dans le cadre de la feuille de route de la conférence environnementale. Elle va s'appuyer sur les recommandations de l'Anses, sur le protocole harmonisé de surveillance, établi par le Laboratoire central de surveillance de la qualité de l'air et mis en oeuvre par les associations agréées de surveillance de la qualité de l'air (AASQA). L'Anses est en cours de saisine pour les autres polluants non réglementés. Une journée nationale pour la qualité de l'air est prévue le 25 septembre pour mobiliser tous les Français. Il serait intéressant qu'à ce moment-là, on puisse déployer les actions et recommandations qui seront les vôtres.
Il y a enfin toutes les actions de mesure de la qualité de l'air dans les établissements qui reçoivent du public, en particulier dans les écoles. J'avais été saisie par les maires pour tenter d'être pragmatique sur la question de la mesure de la qualité de l'air dans chaque pièce de chaque crèche, école maternelle ou encore collège ou lycée. En tant que présidente de région, je m'étais rendue compte de ce problème en voyant le budget réservé à ce contrôle. J'ai donc assoupli le texte réglementaire et j'ai fait mettre au point par l'Ineris un kit de mesure de la qualité de l'air. Les employés municipaux peuvent ainsi procéder eux-mêmes à ces mesures dans les établissements municipaux, les départements dans les collèges ou les régions dans les lycées, sans avoir recours à des cabinets privés très coûteux, et procéder à des analyses complémentaires s'ils souhaitent approfondir ces premiers résultats.
Il y aurait encore certainement beaucoup de choses à dire mais je voudrais laisser du temps pour vos questions. Voici les éléments que je souhaitais porter à votre connaissance. Je serai très attentive et je suis très demandeuse des propositions que vous ferez. Le contentieux européen dans lequel la France est engagée doit être vu de manière positive. Au lieu d'être dans une position défensive, il faut au contraire saisir cette occasion donnée par la mise en demeure européenne pour être à la hauteur et changer de modèle.
Je vous remercie, madame la ministre. Je note avec satisfaction et plaisir le bonheur qui est le vôtre de connaître des contentieux. Je passe la parole à la rapporteure.
Madame la ministre, merci de votre exposé. Depuis 1983 et les premières études de l'Organisation mondiale de la santé, nous avons la certitude que la pollution de l'air a un impact sanitaire, notamment le diesel. Ce dernier est en effet responsable de plus de 50 000 décès prématurés en France chaque année, de l'apparition et de l'aggravation de nombreuses maladies, telles que des cancers du poumon ou encore de la vessie, des maladies cardio-vasculaires, des maladies respiratoires, de nombreuses allergies, de l'apparition d'irritations oculaires et d'inflammations des muqueuses. Il est également un facteur d'accroissement des problèmes de fertilité, de risques de malformation congénitale et de mortalité infantile, un facteur d'affaiblissement du système immunitaire, d'augmentation du taux des hospitalisations. Des études extrêmement sérieuses démontrent désormais un lien entre la pollution de l'air et la maladie de Parkinson, voire de la maladie d'Alzheimer et très récemment un lien entre la pollution de l'air et l'obésité a été démontré.
Madame la ministre, votre ministère a-t-il réalisé des études sur le coût économique et financier de la pollution de l'air ? Si oui, quel est leur périmètre, la durée et le nombre de polluants considérés ? Avez-vous étudié les effets cocktails ?
Pouvez-vous également nous donner, si vous en avez une idée, la date de l'arrêt du diesel ? Je salue votre acharnement et votre détermination à lutter de manière énergique contre la pollution de l'air comme vous l'avez affirmé à de nombreuses reprises. Pour autant, vous avez supprimé l'écotaxe, vous avez réintroduit l'autorisation des feux de cheminée et vous avez abandonné l'idée de légiférer sur le diesel. Ne pensez-vous pas qu'il y a une forme d'incohérence entre le propos affiché et les mesures prises ?
La semaine dernière, vous avez assez justement affiché votre volonté d'interdire la commercialisation du Roundup dans les jardineries. A titre personnel, je partage cette position. Pour autant, cette mesure n'est-elle pas insuffisante compte tenu de l'impact global des pesticides, dont l'usage des particuliers ne représente que 5 à 10 % des usages ?
A partir de quel seuil considérez-vous que la pollution de l'air grève significativement les finances publiques et doit inciter à une action forte ? Est-ce un seuil de 10, 20, 40, 60 ou 100 milliards d'euros ?
Ne pensez-vous pas enfin que le principe pollueur-payeur s'est aujourd'hui transformé en principe consommateur-contribuable-payeur ?
Madame la rapporteure, merci pour ces nombreuses questions. Je pense que vous avez parfaitement décrit les dégâts sanitaires de la pollution de l'air. Comme je le disais tout à l'heure, en 2012, le Commissariat général au développement durable a estimé le coût de la pollution de l'air pour la société entre 20 et 30 milliards d'euros par an. C'est à la fois le coût sanitaire, social et économique. Il y a bien un enjeu de santé publique mais également un enjeu économique.
Excusez-moi de vous interrompre, madame la Ministre, sur ce coût économique, avez-vous identifié les effets cocktails ? Leurs conséquences sont-elles intégrées dans le calcul que vous donnez ?
Je n'ai pas le détail du rapport. Vous voulez parlez des interactions entre les polluants ?
Pour préciser mon interrogation, nous avons auditionné un certain nombre de scientifiques qui nous ont justement précisé que les coûts figurant dans les études menées étaient nécessairement a minima, puisque ces dernières ne portent que sur six à vingt polluants en général et ne prennent pas du tout en compte les effets cocktails.
Je pense que ces effets ne sont pas intégrés dans cette étude. Mais suite à votre observation, je pourrais explicitement préciser la commande de la saisine de l'Anses sur la question des effets cocktails. Voici une illustration de l'intérêt de vos travaux.
Sur l'écotaxe, je voudrais préciser qu'elle n'a pas été abandonnée. A la place du dispositif complexe qui entraînait une déperdition de 25 % des taxes payées par les Français au profit d'une rémunération d'un service rendu par une entreprise privée, nous avons préféré la taxe de deux centimes sur le gazole, appliquée à hauteur de quatre centimes sur les camions. L'écotaxe a donc été au contraire simplifiée avec une rentabilité immédiate.
Sur la question des feux de cheminée, je pense en effet que l'interdiction généralisée mélangeait allègrement l'interdiction des chauffages au bois qui sont sources de pollution par particules avec les flambées de bois de loisir au moment de l'hiver. Pour moi, interdire les feux de cheminée à la veille de Noël, c'est de l'écologie punitive. C'est pourquoi j'ai demandé à revoir cet arrêté.
Aujourd'hui, nous avons mis en place, dans une logique d'écologie positive, le crédit d'impôt qui va permettre aux particuliers de changer leurs vieilles chaudières à bois éventuellement polluantes par des chaudières à bois avec des filtres à particules. C'est important que les gens soient informés de ces possibilités dans les territoires. Deuxièmement, nous avons encouragé la mise au point d'un système très innovant de filtres à particules qui peuvent s'installer aussi sur les foyers ouverts. Troisièmement, les inserts bénéficient également du crédit d'impôt. Enfin, je ne souhaite pas que par une interdiction généralisée et non adaptée du chauffage au bois, on puisse porter brutalement atteinte à toute la filière industrielle du bois de chauffage. C'était un mauvais signal donné puisque parallèlement, beaucoup de collectivités développent les plateformes de récupération ou encore l'utilisation de la biomasse, qui est une des filières de développement des énergies renouvelables à laquelle je tiens tout particulièrement.
Sur la question du Roundup, en effet, dans un premier temps, la vente aux particuliers sera interdite en vente directe et devra être accompagnée d'un conseil à partir du 1er janvier. Je me réjouis d'ailleurs de voir que non seulement le réseau des jardineries dans lequel je me suis rendue a accepté de le mettre en place avant même toute obligation. Suite à cette action, les chaînes de grande distribution comme Carrefour, qui nous expliquaient que c'était impossible, viennent également de me contacter pour me dire qu'elles vont également mettre en place la mesure. Il est donc possible d'aller vite lorsqu'on incite les acteurs économiques à rentrer dans une logique partenariale. Ces acteurs ne vont pas voir leur chiffre d'affaires diminuer car on observe une montée en puissance des produits de substitution naturels. Faut-il aller plus loin ? Oui, c'est ma conviction. Je reviens d'Italie, qui vient de mettre en place un moratoire sur les néonicotinoïdes, alors qu'on m'expliquait auparavant que c'était impossible au niveau européen. Nous aurons ces débats dans les lois sur la transition énergétique et sur la biodiversité.
Il y a des interrogations respectables du côté du monde agricole mais il est évident que l'utilisation d'un certain nombre de substances se retourne contre les agriculteurs eux-mêmes, en particulier en tuant tous les pollinisateurs.
Il y a une évolution forte des mentalités car les filières dominantes sur la vente des produits phytosanitaires commencent à comprendre qu'il n'y aura pas de retour en arrière et qu'il y aura des normes en la matière.
Madame la ministre, vous n'avez pas répondu à ma question sur le diesel.
On ne peut pas faire l'interdiction du diesel du jour au lendemain puisqu'on a encouragé pendant des années l'achat de ces véhicules. Il faut donc savoir raison garder et être pragmatique. Par ailleurs, les constructeurs font aujourd'hui des efforts considérables, en produisant des véhicules diesel beaucoup moins polluants. Vous devriez aller beaucoup plus loin sur votre question, puisque nous sommes à quelques mois de la COP 21, sur la problématique des énergies fossiles, la vraie question est comment préparer l'après-pétrole. Nous ne sommes pas face à un problème d'opposition entre le diesel et l'essence, mais nous devons nous interroger sur comment préparer l'après-pétrole pour aller vers une mobilité électrique ou autre, une mobilité propre qui n'utilise plus les énergies fossiles. La vraie question est là.
Madame la ministre, vous avez abordé les problèmes que rencontre le monde agricole. J'y suis particulièrement sensible en tant que sénatrice de Seine-Maritime. Je suis inquiète car lorsque nous discutons avec les exploitants agricoles, j'ai l'impression qu'ils ont encore tendance à minimiser les conséquences néfastes pour eux-mêmes. Or, on se rend compte que certains exploitants agricoles commencent à souffrir dès vingt ans ou trente ans, de maladies liées à la pollution. Les jeunes exploitants agricoles ne sont pas encore suffisamment sensibilisés à cette question.
Pourriez-vous nous préciser la forme de ces tables rondes avec le monde agricole que vous avez mentionnées ? Comment s'organise la réflexion avec les chambres d'agriculture ? Des échéances sont-elles envisagées, qui poseront des incitations voire des obligations aux exploitants agricoles, même malgré eux ?
Je suis sénateur élu à Grenoble, dont la configuration - celle d'une cuvette - nous rend particulièrement sensibles à la question de la pollution de l'air. Nous avons fait une expérimentation avec de petits véhicules électriques mis à disposition dans le cadre d'une société coopérative d'intérêt collectif (SCIC) d'autopartage. L'Ademe a apporté son aide en 2013. En revanche, ces SCIC d'autopartage ne pourraient-elles pas bénéficier elles aussi de la prime de 10 000 euros, puisqu'elles s'adressent aux particuliers ? Il faut en effet inciter nos concitoyens à aller de plus en plus vers ce type de déplacement et de location de véhicules ?
Madame la ministre, le diagnostic est partagé. Nous avons un contentieux européen. Et je rappellerai que nous avons 40 000 morts prématurées. C'est beaucoup. Et ce sont notamment les plus jeunes et les plus âgés qui souffrent des conséquences de la pollution. Donc lorsque vous avez annoncé une amélioration en 2014, je noterais que vous êtes une ministre optimiste. En réalité, en 2014, nous avons eu des conditions météorologiques favorables. Mais sur le fond, la baisse ne me paraît pas sensible. Au sein de la commission du développement durable du Sénat, nous avons créé un groupe de travail sur le diesel et nous découvrons des sources de pollution qui ont tendance à être oubliées. Nous travaillons sur ce sujet et je pense que nous aurons une position équilibrée.
Vous avez raison sur la question de l'après-pétrole : ce sont bien les énergies fossiles qu'il va falloir diminuer. En ce qui concerne le projet de loi sur la transition énergétique, j'étais favorable à la prime pour les véhicules électriques, dans le prolongement de mon Livre vert, et je me suis battu en tant que rapporteur pour maintenir l'indemnité kilométrique du vélo. Il faut aussi se préparer - ça arrive déjà au Japon - à l'hydrogène. Les autorités de transports rejoignent votre classification entre véhicules à faibles émissions et véhicules à très faibles émissions pour les bus.
Sur la santé, vous n'avez pas abordé la pollution intérieure, alors qu'elle est souvent supérieure à la pollution extérieure, comme je l'avais déjà noté lorsque j'étais rapporteur du Grenelle de l'environnement.
Vous n'avez pas non plus abordé la question des particules fines, dont j'ai demandé qu'elles soient désormais contrôlées.
Sur le niveau financier, vous nous avez dit que l'écotaxe n'avait pas été supprimée. J'en prends bonne note. Mais pouvez-vous vous engager sur la pérennité de l'écotaxe et à quel niveau, sachant qu'il nous faudrait un milliard et deux cents millions d'euros pour l'Afitf si nous voulons continuer à assurer les financements des infrastructures ?
Enfin, sur les transports publics, il y a une mesure contradictoire. Le Gouvernement propose de relever les seuils sociaux de neuf à onze, ce qui est une bonne chose, sauf que cela impacte directement le versement transports et implique un transfert financier se comptant en centaines de millions d'euros sur les collectivités et les autorités de transports.
Madame la ministre, nous aurons l'occasion de revenir sur un certain nombre de sujets lors du débat sur la transition énergétique. Les mesures qui sont dans ce texte vont contribuer à améliorer les choses.
J'ai plusieurs questions.
Tout d'abord, savez-vous quand le rapport de l'Anses sera disponible ? Nous l'attendons avec impatience.
Considère-t-on que les transports ferroviaires sont une solution pour le transport collectif ?
Enfin, lorsque des mesures sont prévues par un texte législatif ou réglementaire, il est important qu'elles soient suivies d'effet. Comment suivrez-vous de près les mesures prévues dans ces différents textes afin de vous assurer de l'effectivité du travail réalisé.
Dernière question, il y a aujourd'hui des seuils d'acceptabilité d'exposition aux pollutions différents pour les citoyens et pour les travailleurs. Qu'en est-il de la réflexion sur ce sujet ?
Madame la ministre, je tiens tout d'abord à saluer votre position sur le Roundup, qui est courageuse, comme c'était déjà le cas sur le bisphénol A, d'autant que les lobbies en face de vous sont importants.
Pour les particuliers c'est un premier pas. Il faudra ensuite aborder la question des professionnels. Le glyphosate a désormais été reconnu comme cancérigène par l'OMS. Il faudra un jour se passer de ces produits qui sont néfastes pour la santé mais aussi nos sols et nos écosystèmes.
Pourrait-on retravailler sur les aides européennes concernant l'agriculture, pour redéployer autrement une agriculture plus soutenable ? Il serait important que certains produits soient directement proscrits au niveau européen. Nous devrons travailler aussi sur les alternatives à ces produits.
Je vous avais également interrogée sur la question du traitement des grumes à ciel ouvert. C'est aujourd'hui la filière bois qui s'en charge. Ces produits sont hautement toxiques et détruisent complètement les écosystèmes. Ne faut-il pas des interdictions afin de réserver ces produits à des espaces clos ?
Enfin, sur le diesel, j'ai entendu que les véhicules diesel aux normes Euro 6 sont moins polluants que les véhicules essence. Qu'en est-il ?
Je voudrais à mon tour vous interroger sur la suppression de l'écotaxe. C'était une ressource importante pour l'Afitf, pour organiser le transfert du mode de transport individuel vers le ferroviaire. Cette recette est perdue. En tant que frontalière, je vois bien l'effet de la Maut allemande, d'apaisement et d'encouragement à d'autres modes de transport des marchandises. Pouvez-vous nous donner des pistes sur les autres financements que vous envisagez de mettre en oeuvre ? Si l'on veut réaliser la transition énergétique de manière concrète il faudra des ressources financières. Vous avez un dispositif d'encouragement pour les véhicules électriques. Si on veut l'élargir, comme le président du Conseil national de l'air Martial Saddier l'évoquait lors de l'audition précédente, il faudra une ressource financière.
La loi Macron ouvre la voie à des lignes de bus nombreuses, déjà annoncées sur les sites internet des autocaristes, faisant craindre un transfert assez massif du train vers le bus. Quel sera l'impact pour la pollution de l'air ?
J'ai eu le plaisir de faire un rapport sur le véhicule écologique avec le député Denis Baupin. Là encore, si le véhicule électrique est une piste, il y en a d'autres, comme par exemple la réduction du poids du véhicule, ou encore le vélo électrique. Quel dispositif d'encouragement sera mis en place pour des véhicules intermédiaires un peu plus protecteurs, mais qui peuvent représenter de vrais leviers sur la baisse du poids, en améliorant également la motorisation ?
Enfin, j'ai eu le bonheur de réaliser au sein de la commission des finances des études successives sur les contentieux européens en matière de pollution de l'air. Malheureusement, les PPA sont en train d'être prescrits ou sont récents. Tout cela prend du temps. Quel est le risque financier d'un contentieux, qui aboutirait à une condamnation de la France ?
Malgré mon appartenance politique, je rejoins mes prédécesseurs sur les félicitations qui vont ont été adressées, madame la ministre, sur votre indépendance vis-à-vis de l'industrie chimique. Je serais peut-être plus critique sur l'écotaxe poids lourds. Si nos concitoyens ont souvent un problème avec l'écologie c'est pour des raisons de clarté et de responsabilité. Tout d'abord, les messages doivent être clairs. Certains messages sont assez flous, par exemple lorsque l'on met en oeuvre le principe de précaution, notamment sur des sujets comme les pesticides où les effets sont à long terme et où il est difficile d'établir des certitudes absolues. Sur les responsabilités, on voit bien que si l'on prend une mesure limitative de la circulation routière, les défenseurs des automobilistes viendront expliquer le rôle très marginal des automobiles par rapport aux sources d'émissions de particules. Ainsi, chacun a tendance à chercher à évacuer sa responsabilité au profit de celle de l'autre. Nous devons donc être précis sur la responsabilité de chacun. Sur le problème du diesel et de l'essence, le discours n'est pas net. La nouvelle norme Euro 6 est-elle effectivement non polluante ? Le diesel doit-il être proscrit en ville ou sur les longs trajets ? Nous ne sommes pas là sur des vérités établies. Les constructeurs nationaux ont aujourd'hui tendance à remplacer les petits modèles diesel par des modèles essence mais pour l'instant le discours public est flou.
Sur le principe du pollueur payeur, nos concitoyens sont acquis mais ce n'est pas ce qui est mis en oeuvre. Vous dites que l'écotaxe poids lourds est remplacée par une taxe sur le diesel. Je suis élu de la Moselle, je sais que les poids lourds font le plein au Luxembourg et descendent ensuite jusqu'en Espagne. Nos concitoyens ont un immense sentiment d'injustice lorsqu'eux vont payer les deux centimes en plus sur le diesel. Je crois qu'on renforcerait vraiment l'acceptabilité de ces mesures si on mettait vraiment en oeuvre le principe du pollueur payeur.
Où en est-on aujourd'hui, madame la ministre, de l'élaboration du plan de réduction des émissions de polluants atmosphériques, qui était prévu pour la fin de l'année avec une évaluation à mi-2015 ?
Comment votre ministère envisage-t-il l'évolution du financement des associations agréées de surveillance de la qualité de l'air, dont le financement décroît plutôt actuellement ?
Madame Tocqueville, vous avez raison de souligner que les pollutions frappent d'abord les agriculteurs. C'est resté longtemps tabou. Pourtant les élus ruraux, dont j'ai fait partie en tant que députée des Deux-Sèvres, voyaient les statistiques de la mutualité sociale agricole et savaient déjà que les taux de cancers étaient plus élevés chez les agriculteurs et les viticulteurs. Heureusement, ces informations sont mises sur la table aujourd'hui. Un rapport a été récemment rendu sur les malformations génitales sur les bébés nés dans les zones où l'on recense beaucoup d'utilisations de pesticides. Dans certaines régions de France aussi, l'âge de la puberté a diminué et on sait aujourd'hui que c'est lié à l'usage de produits phytosanitaires. Il faut accélérer la transition agricole vers une agriculture verte, en particulier dans la viticulture. Il est évident qu'un jour, tous les vignobles seront bio. Aujourd'hui, même les grands crus évoluent vers le bio. J'ai récemment visité une exploitation viticole bio, dont le viticulteur me disait que ses enfants pouvaient enfin jouer dans les vignes.
Monsieur Chiron, la prime de 10 000 euros ne peut malheureusement pas s'appliquer aux systèmes d'auto-partage de véhicules électriques, tout simplement parce que cette prime exige en contrepartie la mise à la casse d'un vieux véhicule diesel. Mais pourquoi ne pas regarder effectivement ce que l'on peut faire pour avantager, y compris fiscalement, ce type de dispositifs ?
Monsieur Nègre, vous connaissez bien le sujet des pollutions intérieures. Il ne faut pas le laisser de côté, notamment avec le problème des revêtements de sols, des peintures, d'utilisation des produits de nettoyage qui contiennent des néonicotinoïdes. J'ai fait faire un guide pratique sur le choix des revêtements, des produits d'entretien, pour qu'on ne puisse pas s'intoxiquer sans le savoir. Tous les gestionnaires de lieux d'accueil du public doivent être correctement informés. Les particules fines, vous avez raison, doivent faire l'objet de mesures spécifiques. Sur le financement de l'Afitf, la taxe de deux centimes est maintenue. Sur la question des seuils sociaux, votre observation est judicieuse, nous en avions déjà parlé et je l'ai transmise au ministre concerné pour pouvoir vous apporter une réponse.
Madame Didier, nous aurons le rapport de l'Anses en début d'année prochaine. Oui, les transports ferroviaires font partie des transports propres. Et j'ajoute que le fret ferroviaire doit se développer. Enfin, le suivi des mesures pourra être fait dans le cadre du Conseil national de la transition écologique. Je vais faire en sorte que tous les décrets d'application du volet transports de la loi de transition énergétique soient prêts au moment de sa promulgation.
Monsieur Bourquin, merci pour vos encouragements. Il est évident qu'il faut aller plus loin sur ces produits et je crois que nous avons un rôle pédagogique à jouer. Les collectivités doivent s'engager sur l'appel à projets « Territoires terres saines ». J'ai également lancé l'élimination des pesticides sur tous les bords de routes nationales, avec des pratiques de fauche tardive. Figurez-vous que la superficie de la totalité de ces bordures est équivalente à celle de la totalité des parcs nationaux. Il est évident, oui, qu'il faut retravailler sur les aides européennes. J'observe d'ailleurs qu'au niveau européen, les ministres de l'environnement poussent pour des mutations de l'agriculture verte. Enfin, sur le traitement des grumes, ces produits sont hautement toxiques et il est vrai que dans les plans locaux de diminution de la pollution, ces sujets ne doivent pas être oubliés. Sur le diesel, soyons clairs, un véhicule diesel Euro 6 n'est pas moins polluant : il émet moins de CO2, mais plus de particules fines et d'oxydes d'azote. N'opposons pas le diesel à l'essence : il faut préparer l'après-pétrole.
Madame Keller et monsieur Grosdidier, vous avez évoqué l'écotaxe. Effectivement, je rappelle que l'écotaxe impliquait un minimum de 25 % de coûts de fonctionnement. Je ne reviens pas sur les défauts de ce système qui était une usine à gaz, sans parler des émeutes en Bretagne. Il y a une solution : la mise à disposition de ces portiques aux régions et aux départements concernés. La région Ile-de-France a déjà fait cette demande. L'avantage sera que ces régions pourront prélever directement les taxes au passage sous le portique. Dans un premier temps, il y a la taxe de deux centimes sur le gazole et dans un second temps, la mise à disposition des portiques pour les départements et les régions qui le souhaitent.
Sur la loi Macron, il faudra effectivement que ces bus et cars soient des véhicules propres.
Sur le véhicule écologique, nous nous sommes inspirés de votre rapport conjoint avec Denis Baupin, et dont je vous félicite, pour le volet transports de la loi transition énergétique et le déploiement des bornes de recharge. C'est la civilisation de la ville qui est en jeu.
Monsieur le président, le plan de réduction des émissions de polluants constitue la stratégie nationale en faveur de la qualité de l'air pour la période 2016-2020. Des réflexions sont engagées depuis la fin de l'année dernière. Le comité de pilotage s'est réuni plusieurs fois. Il y a eu un point d'étape que je pourrai vous communiquer et qui a été présenté au Conseil national de l'air du 2 juin. Aujourd'hui nous avons des réunions sectorielles, avec une finalisation au 30 juin 2016. Quatre groupes de travail sont mis en place d'ici là : comment offrir des avantages aux utilisateurs des véhicules les moins polluants grâce aux certificats de la qualité de l'air ; comment encourager les élus locaux à s'engager à travers les appels à projets ; quel cadre pérenne peut-on donner à la lutte contre la pollution grâce aux mesures du projet de loi de transition énergétique. Je vais repréciser les données, le calendrier et les échéances pour vous les communiquer.
Sur le financement des associations agréées de surveillance de la qualité de l'air, il y a actuellement les subventions de l'Etat à hauteur de 17 millions d'euros par an, les subventions des collectivités territoriales à hauteur de 14 millions d'euros par an, les dons effectués par les industriels qui donnent droit à déduction du montant de la taxe générale sur les activités polluantes. Leur budget annuel de fonctionnement est de l'ordre de 45 à 50 millions d'euros. Je compte sur votre soutien sur ces éléments à l'occasion du vote du budget. Mais cela veut dire qu'en contrepartie, nous sommes fondés à demander à ces associations un suivi de leurs actions et une évaluation de leurs travaux.
Pour revenir sur le sujet du diesel, cela fait plus de trente-deux ans qu'on sait que le diesel est cancérigène. Nous sommes dans un pays qui a supprimé plus de 100 000 emplois dans le secteur automobile. Dans le cadre de la COP 21, nous avons supprimé dans le département 3 000 emplois en moins de deux ans. Nous allons devoir, dans le cadre de la COP 21, importer des diesels électriques. Nous nous sommes déplacés dans le Nord, où nous avons rencontré Renault et Toyota, qui considèrent que justement nous n'allons pas assez loin dans les normes et que les technologies avancent. Vous dites à juste titre qu'il faut réfléchir à la sortie des énergies fossiles, pourtant l'Ademe en 2013 a financé à hauteur de 110 millions d'euros les moteurs hybrides essence et diesel, alors même que nous avons des technologies comme l'hydrogène ou l'électrique. N'y a-t-il pas une forme d'incohérence ? Ne sommes-nous pas dans une impasse économique ? Les emplois de demain sont liés au développement durable, aux technologies nouvelles, tandis que le diesel appartient au passé. N'y a-t-il pas une facilité à céder au lobby du diesel ?
Premièrement, je voudrais vous dire que l'aide de l'Ademe n'a finalement pas été versée. Deuxièmement, il faut savoir ce que l'on veut. Soit on dit qu'il y a effectivement 40 000 morts prématurées à cause de la pollution, mais à ce moment-là on prend des mesures plus radicales, y compris vous-même, qui êtes élue de Paris. Pourquoi y a-t-il encore du diesel dans Paris ? Il y a là aussi une contradiction entre les discours et les actes.
Ou de la région parisienne. Comment se fait-il qu'il y ait encore des bus diesel ou des taxis diesel dans Paris ? Si l'on va dans votre sens, il faut tout arrêter tout de suite. Pourquoi est-ce si lent ? Nous sommes tous comptables. Je veux bien qu'on ait une idéologie anti-diesel - et c'est vrai qu'il y a des pollutions - mais alors il faut passer à l'action. Il y a une contradiction entre le côté dramatique du constat et la faiblesse des actions qui vont avec.
Le Pape François vient de faire une encyclique exceptionnelle qui appelle à une révolution écologique, à une écologie radicale. Dans ce domaine, ayons en effet une écologie radicale et fixons des échéances en tenant compte des emplois qui vont avec.
Nous allons maintenant procéder à l'audition de M. Christian Eckert, secrétaire d'État chargé du budget, auprès du ministre des finances et des comptes publics
Je rappelle que cette audition est ouverte au public et à la presse et qu'elle fait l'objet d'une captation audiovisuelle qui sera diffusée sur le site du Sénat.
Monsieur le Ministre s'agissant de l'impact économique et financier de la pollution de l'air la vision que vous pouvez avoir de la question nous intéresse particulièrement.
Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Christian Eckert prête serment.
Monsieur le Président, Madame la Rapporteure, Mesdames et messieurs les Sénateurs, vous avez souhaité m'interroger sur le coût économique et financier de la pollution de l'air dans le cadre de votre commission d'enquête. Je répondrai à toutes vos questions mais permettez-moi, en introduction, de rappeler l'engagement du ministère des finances et des comptes publics sur cette question qui nous concerne tous.
Aujourd'hui, le coût économique et financier de la pollution de l'air est mesuré et connu. En France, il a ainsi été évalué que la hausse de la mortalité, mesurable en nombre de décès prématurés et de la morbidité, comme des nouveaux cas de bronchite chronique ou des journées d'activité restreinte dues à la pollution atmosphérique représentent un coût entre 20 et 30 milliards d'euros par an, d'après une étude conduite en 2013 par le Commissariat général au développement durable. C'est un chiffre qu'il n'est pas aisé d'interpréter car il représente, en grande partie, une perte de bien-être pour les individus, qui est converti en valeur monétaire. C'est toutefois un signal qui ne peut pas être ignoré et que nous n'ignorons pas.
Le ministère des finances et des comptes publics agit, en effet, à tous les niveaux. Le Gouvernement a engagé une politique novatrice, réaliste et volontaire pour faire évoluer la fiscalité environnementale. Nous avons, en effet, concrétisé une réforme importante et, je crois, structurante, au travers de la mise en oeuvre de la contribution climat/énergie, votée fin 2013. Alors que le précédent gouvernement avait échoué à mettre en place une taxe carbone, nous sommes parvenus à prendre en compte le coût du carbone dans la consommation des énergies. Cette réforme introduit une évolution des tarifs de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) qui tient compte, pour chaque produit énergétique, de ses émissions en carbone, selon une trajectoire intégrant une valeur de la tonne de carbone. Celle-ci a été fixée à 7 euros par tonne en 2014, à 14,5 euros par tonne en 2015 et à 22 euros en 2016. Le Gouvernement a également fait significativement évoluer la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) depuis 2012, en particulier pour sa composante « émissions polluantes ». Aujourd'hui, l'émission de 18 substances est taxée avec des taux compris entre 5 euros par kilogrammes pour le zinc et le cuivre et 510 euros par kilogramme pour l'arsenic.
Nous contribuons aussi au financement de la transition énergétique. Le projet de loi relatif à la transition énergétique est en cours de discussion et sera accompagné par la mise en place d'un fonds exceptionnel de 1,5 milliard d'euros sur trois ans pour financer des actions d'accompagnement, notamment au travers d'appels à projet en faveur des territoires. En 2014, environ 700 millions d'euros ont été consacrés au financement des énergies renouvelables. Ces exemples d'initiatives ne sont pas directement liés à l'amélioration de la qualité de l'air, mais y contribuent indirectement, car il est nécessaire de consacrer des moyens à l'innovation pour permettre d'imaginer des solutions acceptables par tous. Enfin, la lutte contre le changement climatique est un enjeu mondial. En tant qu'hôte de la COP21, la France a pour objectif de parvenir à un accord ambitieux en décembre en ce qui concerne la lutte contre le changement climatique. A cet égard, la question du financement climatique est tout à fait centrale et fera partie de l'Accord et des décisions qui l'accompagneront. La stratégie définie conjointement par Michel Sapin avec son collègue péruvien Alonso Segura s'appuie sur deux piliers : le premier concerne la crédibilisation des engagements passés, et plus particulièrement le respect de ceux pris à Copenhague d'atteindre la cible de 100 milliards de dollars USD par an d'ici 2020 de financements climat, publics et privés, des pays développés vers les pays en développement ; le deuxième pilier concerne la réorientation de l'ensemble des flux financiers pour le financement d'économies bas-carbone et résilientes, ce qui passe notamment par une prise en compte des risques climatiques par l'ensemble du système financier mondial.
Enfin, nous faisons en sorte que le cadrage budgétaire puisse tenir compte des enjeux liés à la pollution de l'air, et permette de préparer l'avenir. Une prime de 10 000 euros a, par exemple, été mise en place en avril de cette année pour inciter au remplacement des vieux véhicules diesel par des véhicules électriques et ainsi moderniser la composition de notre parc automobile. Par ailleurs, le CICE et le pacte de responsabilité et de solidarité représentent en tout 40 milliards d'euros redistribués aux entreprises d'ici 2017, afin que celles-ci puissent restaurer leurs marges. Cet effort sans précédent doit permettre aux entreprises des secteurs concernés d'investir pour préparer la transition écologique.
Le Gouvernement mène donc des actions ambitieuses et résolues sur ces questions depuis 2012, et, je le dis comme je le pense, le ministère des finances et des comptes publics fait tout pour accompagner ce mouvement. C'est d'ailleurs moi-même qui suis venu devant votre assemblée pour soutenir la proposition de loi issue du groupe écologiste visant à instaurer des indicateurs de qualité de vie pour compléter le Produit intérieur brut (PIB). Cette proposition a été adoptée à l'unanimité et c'est, je pense, un signal positif. La communication et la pédagogie autour de ces questions me semble en effet essentielle, car ce sujet ne peut avancer que progressivement, et par le consensus.
Merci Monsieur le Ministre. Je passe la parole à ma collègue Leila Aichi, rapporteur de notre commission d'enquête.
Comment le Gouvernement travaille-t-il sur la question du coût de la pollution atmosphérique et quel rang lui confère-t-il parmi ses priorités ? Par ailleurs, depuis une étude de l'Organisation mondiale de la santé parue en 1983, nous savons que le diésel est cancérigène. Comment expliquez-vous que les financements octroyés à l'occasion du grand emprunt à la filière automobile aient été finalement employés à la mise au point d'un moteur hybride diésel et ainsi à d'autres finalités que le lancement d'un véhicule propre ?
Le Gouvernement travaille en effet sur cette question, en tâchant de trouver de nouvelles modalités de financement. L'une de nos préoccupations est ainsi de rendre la dépense publique la plus efficace possible et c'est pourquoi nous avons introduit, au cours de ce quinquennat, la taxe carbone. Le coût de la pollution est ainsi lié à la perte de bien-être éprouvée par nos concitoyens.
Incluez-vous d'autres aspects, comme les incidences sur la biodiversité, sur l'eau et les terres, de la pollution atmosphérique que ceux qui ont trait à la situation sanitaire dans votre évaluation du coût de la biodiversité ? Ainsi, nous avons, au gré de nos auditions, recueilli une estimation allant d'un à sept milliards d'euros pour le coût des ravalements induits par la pollution atmosphérique !
M. Christian Eckert. - Nous disposons de nombreuses études sur le coût de la pollution de l'air, mais la question de son chiffrage exhaustif demeure complexe. C'est pourquoi, je m'en tiendrai au chiffrage précédemment avancé dans ma présentation liminaire.
S'agissant du diésel, l'écart entre la fiscalité de ce carburant par rapport à celle de l'essence s'est réduit du fait des différentes mesures prises par le Gouvernement. D'ailleurs, l'écart entre les deux carburants est en moyenne, pour l'Union européenne, de douze centimes par litre et celui-ci s'avère plus important encore en Allemagne. Ainsi, la loi de finances pour 2015, en augmentant la TCIPE de deux centimes, a permis de se rapprocher de la moyenne européenne. Mais n'oublions pas que cette taxe pèse sur les ménages, y compris les plus modestes. Je m'en tiendrai ainsi, sur cette question du diésel, aux aspects fiscaux et budgétaires, puisque d'autres ministres demeurent plus compétents que moi pour évoquer, devant vous, la filière automobile. Le Parlement s'est d'ailleurs emparé de cette question et, à titre personnel, lorsque j'étais député, l'idée d'un rapprochement entre la fiscalité du diésel et celle de l'essence m'apparaissait comme sensée, à la condition que celui-ci se déroule de manière progressive.
Je souhaiterai revenir sur la fiscalité du diésel à l'aide d'un exemple concret. À Grenoble, nous avons créé une coopérative d'auto-partage qui encourage les comportements vertueux. Cependant, lorsque cette structure achète des véhicules diésel, elle peut bénéficier du remboursement complet de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) acquittée, tandis que cet avantage fiscal ne se retrouve pas lors de l'acquisition de véhicules hybrides qui sont pourtant considérés comme moins polluants. C'est là une contradiction. C'est pourquoi, serait-il possible de modifier un tel système qui est, quant à lui, tout sauf vertueux ?
Un tel constat vaut également pour les chauffeurs de taxis qui sont plus incités à acheter des véhicules diésel.
Il n'existe que très peu de véhicules diésels hydrides !
M. Christian Eckert. - Les débats sont récurrents sur le taux de TVA au moment notamment de la loi de finances. Je préconise cependant une certaine stabilité en la matière et, à titre personnel, je tiens à rappeler que le Parlement aura le dernier mot sur ce différentiel de fiscalité entre le gazole et l'essence. En outre, les avis scientifiques divergent quant à l'appréciation des effets sur l'environnement des nouvelles fiscalités diésel. C'est bel et bien là un sujet délicat.
J'aurai deux questions. Quelle enveloppe budgétaire comptez-vous consacrer dans la prochaine loi de finances pour assurer le financement de la nouvelle prime de 10.000 euros versée pour l'acquisition d'un véhicule propre ? En outre, comment sera abondé le Fond Vert, dont la dotation devra être entérinée lors de la COP21 et qui devrait s'élever à 100 milliards de dollars USD ? Avez-vous prévu, dans le prochain budget et au-delà, une ligne spécifiquement consacrée à la quote-part de la France dans ce fond ?
Nous serons tous les deux d'accord pour dire que les transports en commun sont vertueux puisqu'ils produisent 1,5 % des gaz à effet de serre en comparaison des 25 % émis par les véhicules particuliers. Pour autant, le Gouvernement me paraît en pleine contradiction en proposant la modification des seuils sociaux de 9 à 11 salariés qui présente une incidence directe sur le versement transport assuré par le Groupement des autorités responsables de transport (GART) privé dès lors du transfert de plusieurs centaines de millions d'euros. Concomitamment, la TVA est passée pour les transports en commun de 7 à 10 % tandis que la dotation pour les collectivités a diminué de 11 milliards d'euros ! Comment éviter une telle catastrophe financière pour nos collectivités qui devront alors soit augmenter les impôts pour faire face à ce déséquilibre, soit diminuer les services avec des conséquences directes sur la vie de nos concitoyens. En outre, l'AFITF (Agence de financement des infrastructures de transports de France) est l'outil qui permet le financement des infrastructures notamment ferroviaires. Mais l'écotaxe, qui devait initialement assurer le fonctionnement de cette agence, a disparu pour être remplacée par un prélèvement sur le carburant intérieur. Quelle est la pérennité de ce prélèvement sachant qu'il faut à l'AFITF percevoir 1,2 milliard d'euros pour faire face à ses obligations. Celui-ci sera-t-il suffisant ? Enfin, comment éviter de pénaliser uniquement les transporteurs intérieurs français alors que les transporteurs étrangers n'acquitteront pas ce prélèvement ?
La loi de finances pour 2016 sera examinée en Conseil des ministres le 27 septembre prochain et les conférences budgétaires, qui doivent en fixer le cadre, ne sont pas, pour le moment, achevées. Nous aurons d'ailleurs un débat d'orientation budgétaire avec la Haute assemblée le 9 juillet prochain, date à laquelle nous serons en mesure de vous communiquer le montant des lettres plafonds.
La prime de 10.000 euros s'inscrit dans le dispositif du bonus-malus dont l'exercice a parfois conduit à de nécessaires réajustements. Celui-ci est désormais un compte d'affectation spéciale et les crédits nécessaires à son fonctionnement seront honorés.
La COP 21 est l'une des priorités du Président de la République et du Gouvernement. La question du financement de ce fond a été débattue lors de la dernière conférence de Lima et la France devrait honorer sa part.
S'agissant de l'évolution de la situation du GART, des transports en commun et des incidences du changement du seuil de versement, je conteste les chiffres qui viennent d'être énoncés. La baisse de dotation de 11 milliards d'euros va s'étaler sur trois ans et ne devrait concerner, cette année, que 3,66 milliards d'euros ! Je conteste également les évaluations qui ont été données du versement transport. Une telle mesure est chiffrée dans la loi de finances et nous aurons l'occasion d'en débattre prochainement, mais il ne s'agit nullement d'une somme de plusieurs centaines de millions d'euros comme précédemment évoqué !
Nous confronterons nos chiffres. D'ailleurs, le chiffrage annoncé dans un article de presse malveillant de la modification du seuil d'assujettissement au versement transport doit être contesté et nous aurons l'occasion d'évoquer, avec la Représentation nationale, la compensation des effets que cette modification entraînera pour les collectivités locales. Nous pourrons également débattre du taux de TVA applicable aux transports publics. La répercussion à l'usager de la hausse de ce taux s'est opérée d'ailleurs de manière égale selon les opérateurs et je tiens à rappeler que les déséquilibres budgétaires trouvés au début de cette mandature nous ont contraints à de telles mesures.
Si seulement l'AFITF pouvait fonctionner avec un budget de 1,2 milliard d'euros ! Pour l'année 2014, celui-ci s'élève à 1,754 milliards d'euros, ce qui, d'ailleurs, marque une baisse car nous pensions qu'il atteindrait 1,9 milliards d'euros ! Cette moindre dotation s'inscrit dans l'abaissement général des dépenses publiques. Près de 300 millions d'euros de ce budget sont consacrés à l'indemnisation de la société ECOMOUV' mais ce poste, désormais résiduel, devrait baisser cette année pour atteindre 40 millions d'euros. Ce budget fait, pour l'heure, l'objet de discussions mais ne saurait, en tout état de cause, être inférieur à son niveau de 2014.
S'agissant de la COP 21 et des engagements financiers auxquelles elle donne lieu, quels sont les éléments objectifs qui permettent d'atteindre un consensus parmi les participants ?
En tant qu'élus, nous ne pouvons que constater la difficile acceptation par nos concitoyens des mesures prises par les Pouvoirs publics et qui semblent déroger au principe pollueur-payeur. Ce sentiment est encore plus prégnant parmi les habitants des zones frontalières comme mon département ! À cet égard, l'abandon de l'écotaxe obère la compétitivité de nos transporteurs nationaux qui doivent désormais acquitter le coût environnemental de l'ensemble de la filière et surtout des externalités provoquées par leurs concurrents étrangers qui transitent par notre pays ! Aussi, le non-report de ce transit international a-t-il, en définitive, été chiffré ? Par ailleurs, comment est estimé le coût sanitaire de la pollution de l'air et celui-ci se limite-t-il, en définitive, à ses conséquences sanitaires ? Conduisez-vous une réflexion afin d'intégrer l'ensemble des externalités de la pollution atmosphérique ?
Votre ministère pourrait-il mettre en oeuvre un dispositif d'évaluation du coût économique et financier de la pollution de l'air qui soit plus transversal et exhaustif que la démarche qui a été jusqu'à présent conduite et qui repose sur des données quelque peu surannées ? S'agissant de la fiscalité écologique, est-il envisageable qu'une nouvelle taxe sur la pollution de l'air soit instaurée, à l'instar de la taxe carbone ? Il me semble, en effet, qu'une remise à plat de la fiscalité écologique pourrait, au final, lui conférer plus de visibilité.
S'agissant des négociations en amont de la COP21, de réels progrès ont été enregistrés et les engagements souscrits, en matière de financement, par certains États, notamment asiatiques, sont encourageants. Je ne suis, en revanche, pas en mesure de répondre quant aux niveaux financiers que ces engagements représentent.
L'acceptabilité de nos concitoyens des mesures prises est essentielle. J'ai d'ailleurs le souvenir des discussions techniques qui ponctuèrent les débats relatifs à la TGAP dont les résultats sont assez faibles au regard du financement des dispositifs de prévention qui en motivent l'existence.
Concernant les péages de transit et du constat que le financement des infrastructures est assuré par les acteurs nationaux au bénéfice de ceux qui traversent et polluent le pays, il me semble que la réponse à cette épineuse question ne peut être élaborée qu'à l'échelle européenne. D'autres pays, comme l'Allemagne, ont tenté de mettre en oeuvre des solutions nationales, à l'instar d'une contribution frappant les véhicules étrangers et qui, en définitive, pénalisait surtout les frontaliers. Mais une telle démarche à l'échelle de l'Union s'avère difficile à mettre en oeuvre, comme l'on connaît déjà les difficultés au niveau bilatéral, comme avec le Luxembourg en matière d'harmonisation de la TVA sur le tabac, pour mettre en oeuvre une réglementation destinée à prévenir la concurrence déloyale et les atteintes au principe pollueur-payeur.
Le financement de l'AFITF doit respecter les principes généraux de notre fiscalité. D'ailleurs, les sociétés autoroutières, outre les taxes qu'elles acquittent, contribuent également à son financement, à hauteur de 100 millions d'euros par an.
La recherche actuelle en matière de pollution atmosphérique, qui ne résulte pas seulement du diésel mais aussi de l'industrie en général, atteste de la complexité de ses sources. J'ai grandi à côté des hauts fourneaux qui rejetaient de l'hydrogène sulfureux. La multiplicité de ses facteurs rend en effet difficile le recensement des différents types de polluants. La conduite de tels travaux de recherche incombe-t-elle, en définitive, au Ministère des finances ? Il me semble qu'une approche interministérielle, associant l'expertise des Ministères de l'économie, mais aussi de l'écologie et de la santé, serait idoine en la matière.
À quel niveau évaluez-vous l'impact de la pollution atmosphérique sur le déficit du budget de la sécurité sociale ? Vous avez évoqué un coût global de 20 à 30 milliards d'euros pour la pollution de l'air. Quelles seraient, selon vous, les mesures à prendre pour résorber un tel déficit ?
L'ensemble des régimes sociaux perd, chaque année, 13 milliards d'euros et la branche maladie à elle seule 9,8 milliards d'euros ! Nous avons déjà abaissé ce déficit lequel, en début de mandature, atteignait 25 milliards d'euros ! Avec un montant global de dépenses sociales évalué à 500 milliards d'euros et des dépenses publiques s'élevant au total à quelque 1.200 milliards d'euros, ce déficit me paraît d'une ampleur maîtrisée.
Les mécanismes de la TGAP s'avèrent incompréhensibles pour un grand nombre de nos concitoyens, ce que je regrette. Le Gouvernement a pris l'engagement de ne plus créer de nouvelle taxe. La contribution climat-énergie est en revanche importante et nous réfléchissons actuellement à l'évolution possible de la contribution au service public de l'électricité (CSPE) qui a fait l'objet de plusieurs questions prioritaires de constitutionnalité et qui fait débat à l'échelle européenne. Une fois ces écueils dépassés, la perspective d'une articulation entre la CSPE et la contribution climat-énergie peut être envisagée. Aussi, je n'imagine pas une remise en cause de l'ensemble des dispositifs de fiscalité écologique à court terme, mais nous aurons l'occasion d'y revenir lors des débats de la prochaine loi de finances.
Je vous remercie, Monsieur le Ministre, pour votre intervention et vos réponses à nos questions.
La dernière audition de notre commission d'enquête est celle de Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
Je rappelle que cette audition est ouverte au public et à la presse et qu'elle fait l'objet d'une captation audiovisuelle qui sera diffusée sur le site du Sénat.
Madame la ministre, l'impact de la pollution de l'air sur la santé n'est plus à démontrer et le projet de loi de modernisation de notre système de santé comporte d'ailleurs des mesures relatives à ce sujet. Il nous a donc semblé important de vous entendre.
Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, Mme Marisol Touraine, prête serment.
Madame la ministre, à la suite de votre exposé introductif, ma collègue Leila Aïchi, rapporteure de la commission d'enquête, vous posera un certain nombre de questions. Puis les membres de la commission d'enquête vous solliciteront à leur tour.
Monsieur le président, Madame la rapporteure, Mesdames et Messieurs les sénateurs, la pollution de l'air est un enjeu majeur de santé publique. Ses conséquences sanitaires sont aujourd'hui mesurables et mesurées. Elle est à l'origine d'une augmentation préoccupante des affections respiratoires et cardio-vasculaires. Les jeunes enfants, les personnes âgées, les personnes souffrant de pathologies chroniques y sont particulièrement vulnérables. La pollution concerne également l'intérieur des bâtiments. Nous passons près de 80 % de notre temps dans des lieux clos. L'OMS rappelle que plus de la moitié des décès liés à la pollution sont dus à la pollution intérieure. Nous avons donc fait le choix de nous engager sur la prévention en matière d'air intérieur.
Cette audition est l'occasion de vous présenter mes priorités et, évidemment, de répondre à vos questions. La pollution de l'air représente un triple coût pour la société. Un coût sanitaire, social et économique. Les études scientifiques sont unanimes et l'Organisation mondiale de la santé (OMS) le rappelle régulièrement : la pollution de l'air est le principal risque environnemental pour la santé dans le monde. Plus de 80 % des Européens seraient exposés à des niveaux de particules supérieurs à ceux préconisés sur la qualité de l'air, émis par l'OMS. Pour toutes celles et tous ceux qui y sont quotidiennement exposés, les risques pour la santé sont réels. La pollution est responsable de pathologies respiratoires telles que l'asthme, la bronchite, la pneumopathie, mais aussi d'effets cardiovasculaires tels que les accidents vasculaires cérébraux et les cardiopathies. D'autres effets particulièrement inquiétants ont été plus récemment mis en évidence. Je pense aux effets indésirables sur la grossesse, sur le développement neurologique et la fonction cognitive, ou encore sur certaines pathologies chroniques telles que le diabète.
Le coût social de la pollution est particulièrement préoccupant. Parce que les populations qui en sont victimes sont d'abord celles qui vivent dans la précarité. Les disparités, en termes d'exposition des populations, sont réelles. La pollution de l'air est particulièrement forte près des grands axes routiers et dans des secteurs particulièrement exposés, notamment à des facteurs industriels. Or, nous savons bien que les logements situés dans ces zones sont avant tout des logements moins chers. Les inégalités environnementales viennent ainsi renforcer les inégalités sociales. Enfin, au-delà du coût sanitaire, le coût économique et financier de la pollution est considérable. Ces conséquences indirectes de la pollution de l'air sont sans doute les plus difficiles à estimer. Elles varient selon les critères et les chiffrages retenus, mais plusieurs études très sérieuses ont d'ores et déjà permis de l'identifier en pointant notamment le coût des journées d'activité restreinte qui lui sont liées.
Pour protéger la santé de nos concitoyens face à la pollution de l'air, le Gouvernement porte une action qui s'appuie sur différents leviers. J'ai veillé à ce que la prise en compte des conséquences sanitaires de la pollution de l'air tienne une place renforcée dans la politique gouvernementale. J'ai d'abord renforcé le financement des programmes de terrain. Ces financements se chiffraient à 1 million d'euros en 2012. Je les ai portés à 1.320 000 euros en 2015, dans le contexte de maîtrise des dépenses que nous connaissons. La réglementation de la qualité de l'air relève du code de l'environnement et donc du ministère chargé de l'écologie, mais ce Gouvernement a su développer une très forte coopération interministérielle. Ainsi, le dispositif interministériel de gestion des pics de pollution a été complètement revu en 2014, tirant les enseignements des épisodes de pollution précédents. Ce dispositif autorise désormais les préfets à prendre des mesures permettant de réduire les émissions. J'ai complété ce dispositif par un plan d'actions sanitaires impliquant les agences régionales de santé. Il précise les recommandations sanitaires à l'attention des personnes sensibles et du grand public et instaure une surveillance sanitaire lors du dépassement des seuils d'alerte. Je souhaite ainsi informer les populations sur les risques et détecter le plus tôt possible tout impact sanitaire éventuel d'un épisode de pollution atmosphérique.
En lien avec les ministères chargés de l'écologie, de l'agriculture, du travail et de la recherche, nous avons élaboré, en novembre 2014, le troisième Plan National en Santé Environnement pour la période 2015-2019. Ce plan définit des actions concrètes pour réduire les inégalités environnementales et territoriales de santé. Il contient de nouvelles initiatives en direction des populations exposées à plusieurs facteurs de risque. Dans le cadre de la mise en oeuvre de ce plan, je porterai dans les prochains mois une initiative nouvelle pour un « urbanisme favorable à la santé ». Il s'agit d'encourager les initiatives pour dessiner une ville générant moins de pollutions et encourageant les déplacements respectueux de la santé et de l'environnement.
Avec le projet de loi de modernisation de notre système de santé, nous franchirons une nouvelle étape en matière de santé environnementale. Ce texte a été adopté en première lecture par l'Assemblée nationale en avril dernier et sera examiné par votre assemblée dans les prochaines semaines. Son chapitre IV du titre I vise à mieux informer, à mieux protéger nos concitoyens face aux risques sanitaires liés à l'environnement. L'article 10 vise ainsi à modifier le code de l'environnement s'agissant de l'information faite au grand public. Concrètement, cette information ne se limitera plus aux seuls effets sur la santé de la pollution de l'air mais sera élargie à l'ensemble des risques sanitaires. Les impacts de la pollution, s'agissant notamment du nombre d'hospitalisations et de décès, seront ainsi communiqués en toute transparence.
Le projet de loi permet par ailleurs de renforcer la lutte contre le radon qui figure parmi les polluants de l'air intérieur les plus nocifs pour la santé. Ce gaz radioactif d'origine naturelle, reconnu « cancérogène certain » (il est le second facteur de risque de cancer du poumon derrière le tabac) sera désormais intégré aux dispositifs existant dans le code de l'environnement avec un niveau de référence défini. Enfin, le texte modernise la définition de notre politique de santé. Elle comprendra une identification des risques s'appuyant sur le concept d'exposome. C'est bien l'ensemble des expositions -y compris, donc, par inhalation- qui sera désormais pris en compte. C'est une avancée majeure qui était particulièrement attendue par les associations. Troisième levier d'action : l'international. Parce que nous savons bien que la pollution ne s'arrête pas aux frontières et que notre engagement doit s'inscrire dans une dynamique européenne et internationale.
La quatrième réunion de Haut Niveau du Programme Paneuropéen sur les transports, la santé et l'environnement s'est tenue à Paris en 2014. À cette occasion, les 56 États-membres ont adopté une « Déclaration de Paris » qui fixe les objectifs à atteindre d'ici à 2020 pour des transports terrestres plus respectueux de la santé et de l'environnement. J'ai également porté ce combat dans le cadre des travaux de l'OMS. La dernière Assemblée mondiale de la Santé a adopté le 26 mai 2015 une résolution sur la pollution de l'air et la santé. C'est un message fort qui a été adressé. Par cette résolution que j'ai fortement soutenue et que la France a coparrainée, les États membres s'engagent à améliorer la surveillance de toutes les maladies liées à la pollution de l'air, à promouvoir des technologies et des combustibles propres et enfin, à intégrer les problèmes de santé dans toutes les politiques nationales, régionales et locales relatives à la pollution de l'air.
Agir pour protéger la santé face à la pollution de l'air est un engagement de long terme. Le Gouvernement a la volonté d'amplifier son action et d'ouvrir de nouveaux chantiers. Il nous faudra d'abord renforcer notre expertise sanitaire. Ce sera la mission de la nouvelle Agence nationale de santé publique dont la création est prévue par le projet de loi de modernisation de notre système de santé. Cet établissement d'excellence au service de la santé des Français verra le jour en 2016. Les travaux menés dans le cadre du programme de surveillance « air-climat » coordonné par l'InVS seront poursuivis et amplifiés. Il s'agit de parvenir à quantifier les impacts de la pollution de l'air sur la santé et de mieux évaluer les impacts sanitaires des mesures prises pour améliorer la qualité de l'air.
L'observatoire de la qualité de l'air intérieur et l'Anses poursuivront leurs travaux sur la connaissance des expositions de la population et les risques associés aux polluants de l'air intérieur, dans la continuité des études conduites depuis plus de dix ans. Ces travaux contribuent à construire une réglementation notamment en matière d'étiquetage des produits de construction et d'ameublement. Je souhaite par ailleurs que nous modernisions l'information sur la pollution de l'air. L'information en direction du grand public, d'abord. Les épisodes que nous avons connus aux printemps 2014 et 2015 ont mis en évidence la nécessité de renforcer les mesures d'information concernant les risques liés à la pollution atmosphérique. L'information à destination des professionnels de santé, ensuite. Ils sont directement sollicités par leurs patients dès lors que sévissent des épisodes de pollution. J'ai donc souhaité qu'un travail soit engagé avec les professionnels pour élaborer de nouveaux outils adaptés. Les premiers éléments de communication seront disponibles à la fin de l'année.
La recherche française en matière de santé environnementale doit être renforcée. Le programme national de recherche Environnement-Santé-Travail, conduit par l'Anses, devra être l'occasion de mieux analyser les risques environnementaux pour la santé humaine. Enfin, je souhaite que nous nous donnions la capacité collective de donner à la santé une place plus importante dans les décisions internationales en matière de climat. Vous le savez, l'année 2015 sera marquée par un événement majeur pour l'environnement : La 21ème Conférence des parties de la Convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique (COP21), qui se tiendra à Paris en décembre prochain. La santé devra tenir une place majeure dans cette mobilisation collective en faveur du climat. Je travaille donc actuellement à la préparation de ce rendez-vous. J'ai organisé à Paris, avec l'Organisation Mondiale de la Santé, les 18 et 19 juin derniers, un colloque international « Climat, santé, inégalités : quelles solutions ? » dont l'objectif était d'établir des décisions et recommandations en termes de santé et d'environnement pour qu'elles soient portées au coeur de la COP21.
Mesdames et Messieurs les sénateurs, la recherche a considérablement fait progresser notre connaissance des impacts sanitaires de la pollution de l'air. L'engagement du Gouvernement pour mieux prévenir et mieux accompagner est total. Il mobilise l'ensemble des départements ministériels et le ministère de la Santé y prend pleinement sa part. Je vous remercie.
Depuis 1983, l'Organisation mondiale de la santé a démontré le caractère cancérigène du diesel dont les conséquences sanitaires sont multiples et influent sur la santé de nos concitoyens. Le nombre de pathologies, dont le diesel est à l'origine, ne cesse de s'accroître. Aussi, Madame la ministre, quelle a été votre mobilisation pour assurer l'interdiction du diesel ? Par ailleurs, quelle est la position de votre ministère vis-à-vis de l'interdiction du glyphosate et des autres pesticides dont les conséquences sanitaires sont tout aussi dommageables ? En outre, pensez-vous que le Gouvernement aurait dû maintenir l'interdiction des feux de cheminées en Ile-de-France ? Comment nos concitoyens sont-ils informés des résultats des études épidémiologiques relatives à la pollution atmosphérique qui sont conduites depuis ces cinq dernières années ? Enfin, que pensez-vous de l'idée d'introduire dans notre législation la possibilité de constituer une action de groupe dans le domaine de la pollution et des dommages environnementaux ?
Le ministère de la Santé est à l'origine de la mise en place de la circulation alternée lors des épisodes de pollution survenus en 2014. Nous avons, à cette occasion, procédé à l'identification significative, dans les services d'urgence, de la hausse des pathologies respiratoires.
Le débat sur le diesel est ancien et délicat. S'agissant de mon département ministériel, j'ai eu l'occasion de rappeler qu'on ne pouvait ignorer le rôle du diesel dans la pollution atmosphérique. Peut-on cependant l'interdire du jour au lendemain ? Ceci ne peut paraît pas envisageable et ne relève nullement de mes compétences. Force est également de constater que diverses mesures veillent à en réduire les émanations dans l'atmosphère.
N'avons-nous pas manqué l'occasion de le faire depuis 1983, comme l'on sait que la durée de vie d'un parc automobile est de 8,5 années en moyenne et que, de ce fait, nous aurions pu obtenir, à deux reprises, un nouveau parc sans diesel ! Nous avons déjà entendu cette rhétorique qui consiste à ne pas se saisir de cette question ! À l'inverse, ne faudrait-il pas saisir cette contrainte environnementale générée par la pollution atmosphérique pour opérer un véritable saut technologique ? Voilà 32 ans que nous savons et que nous nous contentons de mesures minimales !
Je suis ministre depuis trois ans seulement, et pas depuis 32 ans ! Des actions ont été prises il y a une quinzaine d'années par des ministres écologistes -je crois- pour encourager l'achat de véhicules diesel, à une époque où ils étaient considérés comme induisant un moindre impact sur le réchauffement climatique. Je ne suis bien évidemment pas habilitée à me prononcer rétroactivement sur de telles mesures ! Je ne peux que vous répétez qu'en tant que ministre de la santé, je suis attachée à ce que les conséquences sanitaires du diesel soient prises en compte.
La pollution atmosphérique présente une diversité de coûts à la fois tangibles et intangibles. Avez-vous évalué l'impact de la pollution atmosphérique, résultant notamment de l'usage des pesticides, sur le monde agricole ? Par ailleurs, conduisez-vous des actions de sensibilisation, en partenariat avec le ministère de l'éducation nationale, destinées aux plus jeunes qui sont appelés à devenir les citoyens de demain ? En outre, lors de l'accident environnemental de Grisolles, les citoyens n'ont pas eu accès à l'information pourtant requise lors d'un tel événement. Si un accident analogue venait à se réitérer, un tel écueil serait-il surmonté ?
Toute une série d'études sont actuellement conduites, à la demande de la Direction générale de la Santé, soit par l'Anses, soit par l'InVS sur cette question, ainsi que sur d'autres aspects sanitaires comme les perturbateurs endocriniens où la France se trouve à l'avant-garde de la recherche. Outre les agriculteurs, des études concernent également les riverains et les particuliers qui peuvent également utiliser des herbicides toxiques de manière inconsidérée.
S'agissant de l'accident survenu en Seine-Maritime, auquel vous faîtes référence, ma volonté est d'assurer une absolue transparence. Cette exigence fournit d'ailleurs ma ligne de conduite depuis ma nomination comme ministre de la santé, s'agissant de l'ensemble des risques sanitaires et environnementaux. Il y a certes un certain retard dans ce dernier domaine mais nous devons le combler en adaptant des règles analogues à celles qui régissent désormais l'utilisation des dispositifs médicaux ou les accidents sanitaires en milieu hospitalier.
L'impact direct de la pollution de l'air sur les dépenses de la CNAMTS et de la branche AT-MP du régime général se situe entre 2 et 3 milliards d'euros par an. Parallèlement aux actions de prévention, ne serait-il pas conforme au principe pollueur-payeur de recouvrer tout ou partie de ces sommes auprès de ceux qui émettent les polluants de l'air ? En outre, les régimes obligatoires de sécurité sociale et les régimes complémentaires ne pourraient-ils pas être mis à contribution pour participer également à l'identification des pathologies provoquées par la pollution de l'air, en exploitant notamment les données sanitaires dont ils disposent ?
Votre question s'avère difficile car certaines des réponses qui pourraient être apportées seraient en contradiction complète avec les principes fondateurs de la sécurité sociale. En effet, notre système de sécurité sociale implique la prise en charge des malades sans que ne soient prises en compte les causes liées aux comportements individuels, des pathologies. Des programmes de prévention, destinés à modifier les comportements individuels ou collectifs, peuvent être mis en oeuvre. Mais nous n'identifions pas, dans la prise en charge des pathologies, le facteur déclenchant. Je demeure tout particulièrement vigilante à maintenir une « ligne rouge » entre ce qui relève de la connaissance y compris des comportements individuels ou collectifs et les mécanismes de prise en charge par l'assurance maladie ou par les organismes complémentaires.
Madame la ministre, ma question n'impliquait nullement une telle remise e cause ! Alors que les pics de pollution tendent à se succéder et qu'ils conduisent chacun à la prise de conscience des conséquences de la pollution atmosphérique, n'est-il pas temps d'envisager une nouvelle mobilisation des acteurs susceptibles de participer à sa prévention ou, plus largement encore, de lutter contre elle, notamment par le biais d'études épidémiologiques ?
Je ne vous impute, ni à vous, ni à la commission, une telle volonté mais je constate qu'une dérive est toujours possible. Nous devons être attentifs et pour autant la connaissance doit se faire. C'est d'ailleurs l'objet de l'article 47 du projet de loi de modernisation de notre système de santé, consacré aux open data, qui va assurer la diffusion des informations sanitaires à des fins de recherche conduite par les acteurs publics et privés et contribuer de la sorte à l'élucidation de certaines causalités pathogènes, dont certaines ont trait à la pollution atmosphérique. En outre, un tel dispositif devrait diversifier les connaissances dans ce domaine et compléter les études déjà conduites par l'InVS à travers son réseau de veille sanitaire, ainsi que les programmes qui ont pour finalité de modifier les comportements, individuels ou collectifs. Par ailleurs, je faillirai à ma responsabilité de ministre si je n'alertais pas sur les risques de dérives que je suis contrainte de constater !
Je tiens à vous redire qu'à aucun moment, aucun membre de cette commission d'enquête n'a abordé la question d'une remise en cause de l'esprit de notre système de sécurité sociale. En revanche, s'interroger sur les démarches qui, comme les contrats responsables, peuvent contribuer à une meilleure prévention, me paraît opportun. Il faut conjuguer les efforts des régimes obligatoires et complémentaires, Ils participent tous de l'esprit de la sécurité sociale de 1946.
S'agissant du respect du principe pollueur-payeur, il est assez malaisé d'identifier les émetteurs de pollution à titre individuel et de distinguer entre les effets de la pollution intérieure et extérieure. J'ai d'ailleurs saisi le Haut conseil du financement de la protection sociale afin qu'il réfléchisse à l'éventuel apport des taxations environnementales au financement des cotisations sociales à titre complémentaire et non substitutif. Mais l'impact d'une telle mesure n'est pas assez stable pour qu'elle soit identifiée comme une mesure de financement à part entière ! Nous aurons d'ailleurs l'occasion de débattre de cette question lors du prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale !
Je me souviens, Madame la ministre, de ce tournant des Années 2000, lorsqu'avocate, j'avais été dans le collectif qui avait mis en cause la responsabilité de l'État en matière de pollution atmosphérique. J'aurai, par ailleurs, une série de questions à vous adresser. Ainsi, quelles actions entendez-vous conduire à l'encontre du glyphosate reconnu comme cancérigène ? Qu'entendez-vous également faire contre l'allumage des feux de cheminées en Ile-de-France, dont les émanations de particules fines ont également été démontrées ? Par ailleurs, pensez-vous que la reconnaissance de l'action de groupe en matière environnementale garantisse, au final, plus de transparence ? À ce sujet, il me semble que le dispositif de la loi Consommation du 17 mars 2014, dite Loi Hamon, prévoyait que vous vous concertiez avec votre homologue en charge de l'environnement afin de l'étendre à d'autres domaines que ceux de la consommation ! Où en est-on sur cette question ?
Notre projet de loi de modernisation de notre système de santé introduit bel et bien l'action de groupe conformément à ce que la Loi Hamon disposait, en laissant à chaque ministère le soin de s'emparer de cette question. Je l'ai d'ailleurs fait voter à l'Assemblée nationale et je souhaite que le Sénat se prononce de la même manière en sa faveur !
En outre, j'ai saisis l'Anses pour évaluer l'impact sanitaire du glyphosate, à la suite de la déclaration de l'OMS qui en a souligné la nocivité. Il convient ainsi d'informer les particuliers qui ont tendance à utiliser de tels produits de manière inappropriée.
Quelles sont les études qu'entend mener le ministère pour approfondir l'impact sanitaire de la pollution de l'air et mesurer son coût ? Par ailleurs, un appel à projets associant les ministères de l'agriculture et de l'environnement pour évaluer la qualité de l'air va être lancé ; pourquoi votre ministère n'y est-il pas associé ?
L'InVS participe depuis sa création aux grands programmes européens qui étudient l'impact sanitaire de la pollution et son coût. La nouvelle agence, qui doit lui succéder, assurera la poursuite de ces travaux dans ce cadre européen. D'ailleurs, fin 2015, l'InVS devrait publier une nouvelle évaluation des effets de la pollution atmosphérique pour l'ensemble de la France métropolitaine. L'Anses, quant à elle, continue ses travaux sur les risques sanitaires et une nouvelle évaluation de l'impact de la pollution atmosphérique devrait concomitamment être conduite. Nous devons ainsi accepter de raisonner par grandes masses, à partir d'hypothèses de travail, puisque les pathologies qui résultent directement de la pollution atmosphérique, ou qui sont aggravées par elle, peuvent s'avérer distinctes.
Enfin, le ministère de la santé est bel et bien associé à l'appel à projet que vous évoquez, Monsieur le président, puisqu'il participe à son comité de pilotage.
Quel est le statut envisagé pour le réseau de surveillance des pollens et quels seront les moyens mis à sa disposition ? Également, comment entendez-vous lutter contre les inégalités qui sont flagrantes en matière d'exposition à la pollution atmosphérique ?
La pollution par les pollens réclame des mesures appropriées visant, en particulier, à informer les personnes allergiques et à adapter les comportements ainsi que les traitements pour en réduire les risques sanitaires. Je souhaite ainsi que les mêmes dispositions réglementaires et législatives régissent à la fois les pollutions d'origine chimique et biologique. L'article 10 de notre projet de loi prévoit que la surveillance des pollens et des moisissures de l'air extérieur soit coordonnée par des organismes désignés par arrêté des ministres chargés de l'environnement et de la santé ; les résultats de cette surveillance devant faire l'objet d'une information du public et des acteurs concernés.
Au gré de nos auditions, nous avons pu prendre conscience que certaines essences d'arbres, fortement allergogènes, continuent à être plantées par des municipalités qui, soucieuses de créer des espaces verts, renforçaient en fait la pollution atmosphérique. Devrait-on pour autant interdire de planter ces essences, pourtant si présentes au coeur de nos villes ?
Des actions ont déjà été engagées en ce sens, même s'il ne s'agit pas d'interdiction pure et simple. À cet égard, il est envisagé d'informer les acheteurs de plantes à forte pollinisation préalablement à leur acte d'achat. Une telle mesure pourrait aussi être renforcée par les dispositions de la proposition de loi, déposée à l'Assemblée nationale, visant à lutter contre l'ambroisie à feuilles d'armoise, l'ambroisie trifide et l'ambroisie à épis lisses, si cette dernière reçoit l'aval de la Représentation nationale.
La lutte contre les inégalités sociales s'opère, de manière globale, par le renforcement de l'information. D'ailleurs, la primauté reconnue à la prévention constitue la colonne vertébrale du projet de loi de modernisation de notre système de santé. Le fait qu'elle devienne une priorité constitue une rupture avec les pratiques antérieures. Par ailleurs, les inégalités sont au coeur de notre troisième plan national de santé environnement (PNSE) qui devrait permettre de dresser une cartographie très fine de la qualité de l'air dans les zones les plus polluées. L'ensemble de ces informations sera mis à disposition du public.
Ensuite, ce plan national comporte une série de mesures destinées à réduire les émissions de polluants dans l'environnement et celles-ci devraient prochainement être complétées par les dispositions du programme national de réduction des émissions polluantes (Prepa), porté par le ministère en charge de l'écologie et qui devraient être publiées en juin 2016.
Par ailleurs, nous avons la volonté, pour réduire les inégalités liées à l'environnement, d'apporter des aides aux personnes en situation sociale difficile et qui subissent des pollutions afin de les aider à améliorer la qualité de leur habitat.
Merci, Madame la ministre, pour votre disponibilité et le temps que vous avez consacré à nous répondre. La prévention est également, dans les questions afférentes à la pollution atmosphérique, nodale. Comme je vous l'ai dit, votre intervention clôt notre programme d'auditions conduit dans le cadre de notre commission d'enquête. Soyez-en, Madame la ministre, remerciée.