Au cours d'une séance tenue l'après-midi, la commission procède tout d'abord à l'examen du rapport de M. Jean-Claude Boulard, rapporteur spécial, sur la mission « Régimes sociaux et de retraite » et le compte d'affectation spéciale « Pensions ».
La réunion est ouverte à 14h30.
Je pourrais me contenter de répéter ce que j'avais dit l'année dernière sur la mission « Régimes sociaux et de retraite » et sur le compte d'affectation spéciale « Pensions ». Notre rapport et nos conclusions quant à la stabilisation, voire à la baisse, du besoin de financement des régimes spéciaux et de la fonction publique se sont révélées exactes. L'année dernière, les concours de l'État au financement des régimes spéciaux avaient légèrement décru : en 2016, ils diminueront encore de 1,5 % par rapport à 2015, pour s'établir à 6,3 milliards d'euros. C'est le résultat d'une faible inflation, des réformes entreprises et notamment de la convergence des règles d'âges de départ à la retraite - je dis bien convergence et non alignement sur le régime général ou le régime de la fonction publique. Cette esquisse annoncée en 2015 se confirme pour 2016.
La contribution de l'État au CAS « Pensions », qui finance le régime de retraite des fonctionnaires civils et militaires de l'État, suit une progression extrêmement modérée de 0,7 % par rapport à 2015, après une période de progression très forte dans les années 1990 et 2000.
Nous regardons la plupart du temps l'indicateur de la dette par rapport à la richesse nationale, mais les engagements de l'État en matière de retraite des fonctionnaires représentent 75 % du produit intérieur brut (PIB) ! Seul le retour à la croissance garantira l'avenir des retraites.
Ma deuxième remarque porte sur le niveau des recettes affectées au CAS en 2016. Il est assez rare de disposer de crédits supérieurs aux besoins. Fin 2015, le solde cumulé du CAS « Pensions » s'élèvera à 2,2 milliards d'euros et à 2,9 milliards d'euros fin 2016, alors qu'un fonds de roulement de 1 milliard d'euros serait suffisant. On pourrait utiliser le surplus pour réaliser des ajustements budgétaires - j'avais d'ailleurs proposé l'an dernier qu'on prélève 1 milliard d'euros au bénéfice des collectivités territoriales - sans remettre en cause l'équilibre général.
S'agissant des récentes négociations sur les carrières de la fonction publique, je souligne que l'intégration de certaines indemnités dans le traitement indiciaire aura des conséquences sur les régimes de retraite de la fonction publique, tant au niveau de l'État que des collectivités territoriales. Aucune évaluation chiffrée n'est disponible à l'heure actuelle. Même si le dispositif est renvoyé à 2017, il est légitime de demander des précisions sur le coût de ces futures mesures.
Pour conclure, l'inscription budgétaire est sincère, la tendance à la stabilisation se confirme voire accuse un léger repli : comme l'année dernière, je vous propose donc l'adoption des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du CAS « Pensions ».
La commission des affaires sociales adoptera son rapport le 18 novembre prochain. Cette année, notre travail se focalise sur le régime social des marins. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 comporte en effet plusieurs dispositions susceptibles de présenter un impact sur son équilibre financier.
La situation est paradoxale : alors que le solde du CAS « Pensions » est de plus en plus excédentaire - 2,2 milliards d'euros fin 2015, quand la Cour des comptes préconise 1 milliard d'euros -, les besoins de financement des régimes spéciaux sont estimés, en cumulé, à 163 milliards d'euros à l'horizon 2050. Cette présentation budgétaire est-elle toujours sincère ? La situation était déjà connue en 2013 et en 2014. En projet de loi de finances rectificative pour 2013, le Gouvernement avait en effet réduit le taux de la contribution employeur de l'État sur le mois de décembre 2013, soit une baisse de 873 millions d'euros. Ne devrions-nous pas en tirer les conséquences ? Voyez le paradoxe : nos régimes spéciaux sont loin d'être équilibrés, l'âge de départ en retraite reste très inférieur à celui des salariés du privé et du public, or le CAS relatif aux pensions civiles et militaires est très excédentaire...
Il y a quelques jours, le Président de la République a déclaré que l'équilibre de notre système de retraite serait préservé et sauvegardé « au moins jusqu'en 2030 » - ce sont ses mots. En même temps, les difficultés des régimes de retraite complémentaires nécessitent des mesures pour les préserver. Au vu des derniers décomptes, pensez-vous que notre système de retraites puisse être sauvegardé pour les quinze prochaines années sans mesures supplémentaires ?
Nous pouvons réaliser des économies sur la gestion des régimes spéciaux. L'année dernière, quelques-uns ont été regroupés : ainsi, le régime de retraite des mines est désormais géré par la Caisse des dépôts et consignations. Certains régimes spéciaux ont des frais exorbitants et, malgré les rapports de la Cour des comptes, ne réussissent pas à se transformer et à mutualiser leurs moyens. L'Établissement national des invalides de la marine (ENIM), par exemple, a des frais de gestion très élevés. Comment faire bouger les choses ? En déposant des amendements ? La mutualisation ne porterait préjudice à personne et permettrait de réaliser des économies substantielles pour le bénéfice de la collectivité.
En tant qu'ancien secrétaire général de la marine marchande, il m'est difficile de répondre, car j'ai défendu ce régime pendant des années...
Tous ces régimes devraient réduire leurs frais de fonctionnement en 2016. Continuons à envoyer ce message : il est essentiel de poursuivre les regroupements et d'avoir une meilleure articulation pour maîtriser les dépenses de fonctionnement.
Le rapporteur général a raison s'agissant du fonds de roulement du CAS « Pensions » qui a un excédent de 2,9 milliards d'euros, au-delà des besoins. Nous avions déjà soulevé cette question l'année dernière. Faut-il réajuster, redéployer, demander un geste sur une autre mission ? Nous avons une marge, c'est le seul endroit du budget où il y un excédent !
La question de la viabilité des régimes vaut pour tous les régimes de retraite. Les écarts d'âge de départ à la retraite sont importants : entre 54 ans et 56 ans pour la Régie autonome des transports parisiens (RATP) et la société nationale des chemins de fer (SNCF), 63 ans en moyenne pour le régime général et 61 ans pour la fonction publique d'État. Cela continuera à faire débat au sein de la société. Notre pays est corporatiste, il a créé des régimes de retraite profession par profession. Pourquoi ne pas considérer qu'exception faite des métiers pénibles, les mêmes droits et les mêmes contributions aboutissent aux mêmes avantages ? Nous pourrions cheminer sur cette voie, de la même manière que nous avons supprimé le privilège des bouilleurs de cru : ceux qui bénéficient du régime le conservent, ceux qui entrent dans le nouveau régime se voient appliquer la réforme. Si nous l'avions fait il y a trente ans, nous aurions résorbé les différences tout en conservant les droits acquis.
Les engagements de retraite de l'État représentent 75 % du PIB, il faut le rappeler ! Dans un régime de répartition, le financement des pensions repose sur la création de richesse. Si la croissance ne repart pas, les niveaux de pension seront remis en cause. Sans croissance, point de salut. La convergence progressive est pertinente. Je propose un avis favorable sur la mission et le CAS car les chiffres sont sincères et la tendance à la stabilisation se confirme.
Agnès Canayer citait le régime des marins - sur lequel j'ai rédigé un rapport il y a 18 mois. L'ingénierie informatique de ce régime s'est récemment rapprochée de celle du régime général de la sécurité sociale. Dans les ports français, au sein des quartiers des affaires maritimes, la personne en charge traite de multiples sujets ; la sécurité sociale et le régime de retraite des marins est le cadet de ses soucis. C'est pourquoi les armateurs se rendent dans les îles anglo-normandes : en quarante-huit heures, tout est réglé ! Cela explique le grand écart entre le nombre de cotisants et le nombre de bénéficiaires.
Cela a été largement compensé. Désormais, quatre centres gèrent l'ensemble.
Le problème est que lorsqu'un magnifique navire quitte Saint-Nazaire, seuls 10 % des mille marins sont affiliés au régime social français.
Pardonnez une question de béotien : je m'étonne du poids des pensions militaires dans le total : est-il lié à l'évolution démographique, à un départ en retraite plus précoce, à l'évolution des effectifs ?
C'est lié à un départ à la retraite très précoce, vers 47 ans en moyenne, autorisé par le statut militaire, ainsi qu'à la possibilité de cumul de la pension avec un emploi. On comprend qu'il puisse y avoir une vie civile après la vie militaire...
L'avancement de grade automatique six mois avant la retraite est-il toujours de mise ?
Les fameux généraux « quart-de-place »... Le vieux colbertiste que je suis plaide plutôt pour la sauvegarde de l'ENIM, qui fait partie de notre histoire ! M. Michel Bouvard. - Depuis les demi-soldes, on est devenu prudent.
Je m'abstiendrai, non pas par méfiance envers le rapporteur, mais parce qu'un travail reste à faire sur les régimes spéciaux - le personnel roulant de la RATP part à la retraite à 52 ans et 4 mois ! Le CAS « Pensions » a de plus des moyens largement supérieurs à ses besoins de financement ; le Gouvernement déposera probablement un amendement à ce sujet lors du collectif budgétaire. Fin 2013, il avait réduit les crédits du CAS de 873 millions d'euros ! On pourrait utiliser l'excédent pour réduire les contributions patronales plutôt que de sur-prélever les collectivités locales.
Nous suivons le rapporteur général.
À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions ».
- Présidence de Mme Michèle André, présidente -
La commission procède ensuite à l'examen du rapport de M. Michel Canevet, rapporteur spécial, sur la mission « Direction de l'action du Gouvernement » et sur le budget annexe « Publications officielles et information administrative ».
Le projet de loi de finances pour 2016 prévoit que les crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » s'élèvent à 1,3 milliard d'euros en crédits de paiement et à 1,45 milliard d'euros en autorisations d'engagement. À périmètre constant, la hausse par rapport à la loi de finances initiale pour 2015 est limitée à 3,24 millions d'euros, soit 0,26 %.
Les autorisations d'engagement augmentent de près de 9 % : au titre du programme 333 « Moyens mutualisés des administrations déconcentrées », les autorisations d'engagement croissent de 72,4 millions d'euros, en raison du regroupement des services de l'État en Corse sur le site d'Aspretto à Ajaccio, qui coûtera 30 millions d'euros, et de ceux des administrations régionales déconcentrées sur le site Viotte à Besançon. Les autorisations d'engagement du Secrétariat général pour la défense et la sécurité nationale (SGDSN) augmenteront également de 20 millions d'euros.
Le périmètre de la mission est sensiblement modifié, avec le rattachement aux services du Premier ministre, pour une gestion unifiée des effectifs, des agents des services interministériels départementaux des systèmes d'information et de communication (Sidsic) - soit 1 138 équivalents temps plein et un budget de 70 millions d'euros environ.
En outre, l'Autorité de régulation de la distribution de la presse (ARDP), qui est une autorité administrative indépendante (AAI), rejoint le programme « Protection des droits et libertés » car elle est désormais financée par des crédits budgétaires à hauteur de 503 000 euros - et non plus par les messageries de presse.
Si, à périmètre constant, les crédits de paiement sont relativement stables, les dépenses des AAI relevant de la mission augmentent de 4 % par rapport à 2015, malgré un contexte de rigueur : les crédits de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) augmentent de 3 %, ceux du Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) de 7 %. La Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité est remplacée par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), dont les crédits augmentent de 67 %, soit 1,65 million d'euros de plus. Les crédits du Défenseur des droits augmentent eux aussi de 1,21 million d'euros. La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) voit ses crédits croître car elle contrôle toujours davantage de déclarations d'élus ou de hauts fonctionnaires.
Je souhaite attendre les conclusions de la commission d'enquête sur les autorités administratives indépendantes (AAI), présidée par Marie-Hélène Des Esgaulx, qui sont attendues pour le début du mois de novembre, pour, le cas échéant, m'inspirer de certaines de ses propositions. L'an dernier, j'avais proposé de fusionner le Défenseur des droits, qui regroupe déjà quatre anciennes autorités, avec le CGLPL, dont les missions sont similaires. Mieux vaudrait permettre des économies de gestion que d'augmenter leurs dotations. La Commission d'accès aux documents administratifs (Cada) et la Cnil pourraient également se regrouper, comme l'a proposé, à juste titre, la Secrétaire d'État chargée du numérique.
Parmi les dépenses supplémentaires engagées figure également le projet immobilier Ségur-Fontenoy, qui regroupera les AAI et les services du Premier ministre sur 46 000 mètres carrés pour un coût de 370 millions d'euros. La partie Fontenoy, occupée par les AAI dont le Défenseur des droits, sera opérationnelle à l'été 2016 ; certains services du Premier ministre seront installés à l'été 2017 ; il s'agit de 500 postes de travail à Fontenoy et 1 800 à Ségur. Cette mutualisation libèrera des sites où sont actuellement éclatés les services - le Défenseur en occupe trois - et devra dégager des économies. Je serai extrêmement vigilant sur ce point, sachant que les crédits pour le déménagement s'élèvent à 14,5 millions d'euros en crédits de paiements pour 2016.
Le programme 333 « Moyens mutualisés des administrations déconcentrées » prévoit une économie de 4,2 millions d'euros pour le fonctionnement des directions départementales interministérielles. La réforme administrative porte ses fruits et devra continuer à produire des économies à la suite de la récente réforme territoriale qui refond la carte des régions. Ce n'est pas évident dans le projet de loi de finances pour 2016 ; j'espère que cela se confirmera d'ici 2017.
Les crédits du budget annexe « Publications officielles et information administrative » s'élèvent à 200 millions d'euros. Mesure la plus emblématique, l'édition papier du Journal officiel (JO) sera supprimée au 1er janvier 2016. L'État ne verse pas de subvention d'équilibre car plus de 91 % des recettes de la direction de l'information légale et administrative (Dila) proviennent des annonces officielles de marchés publics ou d'annonces civiles et commerciales ; ses comptes sont donc toujours excédentaires, un excédent qui a cependant tendance à se réduire. Ses dépenses d'édition ou d'information administrative s'élèvent à 55 millions d'euros, tandis que ses dépenses de personnel s'élèvent à 74,8 millions d'euros. Héritée de temps anciens, la convention de l'État avec la Société anonyme de composition et d'impression des Journaux officiels (SACI-JO) coûte 40 millions d'euros en 2016 pour 200 employés - soit 200 000 euros par employé, sachant qu'il s'agit principalement de dépenses de personnel et de retraite. Avec l'arrêt de l'impression du JO, les effectifs devraient se réduire de 215 à 140 personnes à la suite de plans sociaux. La Dila réalisera également une économie de 2,4 millions d'euros en 2016 en internalisant la collecte et la gestion des annonces civiles et commerciales, auparavant sous-traitées.
J'ai réalisé une mission de contrôle de l'Agence nationale pour la sécurité des systèmes d'information (Anssi) - sujet d'actualité, le Premier ministre a présenté la stratégie nationale pour la sécurité numérique vendredi dernier. L'Anssi a été créée en 2009 pour préparer l'État et la société aux attaques informatiques. Pour faire face à la multiplication des piratages et cyberattaques, il a été décidé d'augmenter significativement son budget : de 43 millions d'euros en 2010 à 84 millions en 2014 et il atteindra environ 100 millions d'euros en 2016.
L'Anssi a pour rôle de détecter, analyser et entraver les menaces. Lors de mon contrôle, elle gérait notamment l'attaque contre TV5 Monde. L'Anssi fournit aussi une assistance technique aux administrations et aux opérateurs d'importance vitale, publics ou privés, exerçant dans des secteurs d'activités vitaux pour la Nation. Elle réalise de nombreuses études et des missions de sensibilisation auprès des acteurs publics et privés. Si les relations sont bonnes avec certains ministères, d'autres sont encore réticents à la faire intervenir et ont des problèmes de sécurité. Plus de 400 personnes travaillent à l'Anssi, et l'Agence recrutera plus de 40 personnes en 2016. Les profils des contractuels embauchés sont ensuite très recherchés dans le privé.
Je pense qu'il faudrait peut-être créer un budget opérationnel de programme propre à l'Anssi, ou du moins rendre son budget clairement identifiable. Afin d'améliorer la sécurité des systèmes d'information des ministères, il conviendrait de renforcer leur coopération avec l'Agence, de développer les relations entre l'Anssi et la direction interministérielle des systèmes d'information et de communication (Disic) en l'associant aux projets informatiques. De nouveaux indicateurs de performance susceptibles d'être publiés dans les rapports annuels de performances pourraient également être mis en place, car l'indicateur actuel de maturité globale en sécurité des systèmes d'information de l'État ne permet pas un contrôle satisfaisant du Parlement. Enfin, les services déconcentrés gérant les systèmes d'information pourraient devenir le « bras armé » de l'Anssi sur le territoire.
Je suis préoccupé par le projet immobilier Ségur-Fontenoy, qui sera regardé avec attention par notre collègue Michel Bouvard. Attention aux économies réelles qui seront réalisées : il ne s'agit pas de cumuler les loyers élevés des AAI tout en supportant le coût du projet Ségur-Fontenoy. Quelles AAI rejoindraient le nouvel ensemble ? Qui restera à l'écart ? La commission d'enquête sur les AAI fera sûrement des remarques sur les loyers, nous attendons son rapport avec impatience. Il y a quelques années, nous avions remarqué que la Halde avait l'un des loyers les plus élevés de l'État. Je m'interroge sur le respect des plafonds d'emplois, des loyers et des effectifs dans ces AAI.
La Cnil a un budget de fonctionnement de 5,5 millions d'euros sur un budget total de 20 millions d'euros. Comment s'explique la part très importante de dépenses de fonctionnement ? La fin de l'impression du JO est une bonne nouvelle, mais a-t-on une véritable réflexion sur la dématérialisation ? On imprime toujours plus de papier et les documents ne sont guère lus... La dématérialisation permettrait de réaliser des économies supplémentaires.
Je prône un rapprochement entre l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) et le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) : avec les évolutions technologiques, comment justifier que le CSA soit centré sur la diffusion hertzienne alors que la plupart des chaînes sont aussi présentes sur Internet ? L'Arcep pourrait être une composante technique du CSA.
Je m'interroge sur l'avenir des personnels chargés de l'impression du JO. Que deviendront-ils ? Un certain nombre de publications externalisées pourraient être de nouveau internalisées pour éviter de licencier une centaine de personnes alors que la situation de l'emploi est particulièrement difficile.
L'Anssi est une agence stratégique - je l'avais auditionnée lors de ma mission sur la cybersécurité au nom de la commission des affaires européennes. Mais on se préoccupe surtout des services des ministères et non des opérateurs de l'État, comme la Banque publique d'investissement, qui stocke ses informations sur un « cloud » non protégé. L'Anssi riposte bien mais il faudrait développer davantage de programmes de prévention, ainsi que nous le prônions dans notre résolution européenne : tout ingénieur informaticien doit être formé en cybersécurité avant d'être diplômé. Les grands opérateurs de l'État sont relativement peu protégés. Au début de l'année, une étude présentée au forum de Davos estimait le risque de cyberattaque entre 2015 et 2020 à 3 000 milliards de dollars.
À quoi correspondent les économies substantielles du programme 333 « Moyens mutualisés des administrations déconcentrées » mentionnées dans le rapport ? Quels sont les moyens mutualisés sous l'autorité du préfet dans chaque département ?
Bien qu'étant tenue par le secret en tant que présidente de la commission d'enquête, je peux dire, à titre personnel, qu'avec les AAI, c'est un pan essentiel de l'organisation administrative de notre pays qui est un peu hors contrôle. On en crée en moyenne une par an.
Par hypothèse elles ne sont pas sous le contrôle hiérarchique du Gouvernement ; le Parlement ne les contrôle pas davantage. Pourtant, plus de 70 % des AAI sont financées par des crédits du budget général. Certaines d'entre elles ont un budget particulièrement important et disposent de recettes affectées. Faut-il conserver ces taxes affectées pour assurer leur indépendance, voire renforcer ce modèle ? Combien ont coûté les dernières AAI créées ?
Il est également incroyable que la norme de France Domaine - à Paris, 400 euros par mètre carré, hors taxes et hors charges, ce n'est pas rien ! - ne soit pas respectée par la moitié des AAI locataires. Notre commission pourrait-elle proposer des amendements ? Ne pourrait-on pas obliger les AAI à respecter la politique immobilière de l'État ?
C'est d'autant plus incroyable que leurs dirigeants sont souvent issus du Conseil d'État, de la Cour de cassation ou de la Cour des comptes !
Je partage ces conclusions. Comment le statut du personnel des AAI est-il défini ? Les conditions de recrutement, de traitement et d'avantages varient considérablement d'une autorité à l'autre, sans aucun contrôle, et avec une totale liberté dans les conditions d'embauche...
Nous attendons de réelles économies du regroupement immobilier Ségur-Fontenoy. Le Défenseur des droits et la Cnil, deux gros employeurs parmi les AAI, seront installés à Fontenoy. Je suis allé sur place m'assurer du respect des règles : 12 mètres carrés maximum par poste de travail. De réelles économies pourront être réalisées une fois les baux arrivés à échéance : la Cnil payait 2,1 millions d'euros de loyer par an ! C'est ce qui explique que ses dépenses de fonctionnement soient si élevées. Les dépenses de personnel de la Cnil s'élèvent à 2,8 millions d'euros. Il y a donc des sources d'économies importantes.
La nécessaire dématérialisation menée par la Dila avait pris du retard. On s'habitue au support papier... Les sites legifrance.gouv.fr et service-public.fr fonctionnent bien et connaissent une forte fréquentation. Service-public.fr sera totalement refondu. On a désormais pris conscience que la dématérialisation est essentielle. Mais je pense que l'appel à des assistances à maîtrise d'ouvrage coûte très cher, alors qu'on pourrait reconvertir le personnel de la Dila.
Il faut regrouper les AAI : pourquoi pas l'Arcep et le CSA, en effet ? Tout en sachant que le CSA a été transformé en autorité publique indépendante (API) : il dispose désormais de la personnalité morale, se voit attribuer une enveloppe globale de 30 millions d'euros, qu'il a charge de gérer.
S'agissant des personnels chargés d'imprimer le Journal officiel, la Dila prévoit des départs à la retraite, des plans sociaux, l'intégration du personnel en son sein, pour un coût très important qui m'interpelle.
L'Anssi est une agence assez jeune, ce qui explique qu'elle n'a pas pu s'intéresser encore à tous les services et opérateurs, notamment en matière de prévention. Le secteur bancaire en particulier doit renforcer sa sécurité, mais il y a déjà beaucoup à faire au niveau des administrations d'État ou déconcentrées - et, on l'a vu, des médias.
En réponse à Marc Laménie, des économies de long terme sont réalisées grâce au regroupement des directions départementales car cela permet de libérer des locaux et de globaliser les achats. Que n'en fait-on autant dans les administrations centrales !
Je suis convaincu qu'il faudra regrouper des AAI, qu'on ne pourra continuer à en créer une par an. Il faudra également améliorer leur contrôle : ce n'est pas parce que ces autorités sont indépendantes que le Parlement ne doit pas s'intéresser à leur fonctionnement - surtout quand leurs moyens augmentent plus vite que l'objectif général d'évolution de la dépense publique. La piste du regroupement n'a toutefois rien d'évident. La fusion de quatre entités dans le Défenseur des droits, par exemple, a conduit à un alignement par le haut des rémunérations, sans économies à la clé, au contraire. Les AAI, font pour l'heure appel à beaucoup de contractuels - 95 % des agents à la Cnil, 21 % à la HATVP -, mais aussi à des fonctionnaires mis à disposition et issus de différents corps. Il conviendrait peut-être de réfléchir à un statut unique.
Comme l'a souligné Marie-Hélène des Esgaulx, les nouvelles AAI entrainent des coûts supplémentaires : 1,65 million d'euros de plus en 2016 pour la CNCTR, 400 000 euros supplémentaires pour la HATVP, et 503 000 euros pour l'ARDP, auparavant financée par des ressources prélevées sur le secteur des médias.
Faut-il allouer aux AAI des moyens budgétaires ou leur affecter des recettes spécifiques ? Je n'ai pas la réponse à cette question.
Pour certaines, une taxe affectée est justifiée. Quoi qu'il en soit, le Parlement doit pouvoir les contrôler.
Je vous propose de réserver notre vote sur les crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » et d'adopter ceux du budget annexe.
Tout le monde en appelle au contrôle plus strict des AAI. Dans d'autres démocraties, un parlementaire est envoyé en mission pendant six mois avec mandat de trouver des sources d'économies. Voilà un vrai contrôle ! Le Sénat devrait relayer cette idée de bon sens, plutôt que de s'entendre répéter la même chose chaque année...
Je salue le travail effectué par le rapporteur spécial. Sa position est donc favorable, sous certaines réserves et dans l'attente de précisions techniques ?
Oui, sous réserve des éventuels amendements qui pourraient traduire les préconisations du rapport de la commission d'enquête.
Je suivrai la proposition du rapporteur spécial. Sur tous les aspects évoqués - plafonds d'emploi, statut des agents, respect de la norme de dépense, de loyers et de superficie des bureaux -, les conclusions de la commission d'enquête sur le bilan et le contrôle des AAI, très attendus, nous seront utiles et pourront donner lieu à des amendements.
À l'issue de ce débat, la commission décide de réserver sa position sur les crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » et de proposer au Sénat l'adoption des crédits du budget annexe « Publications officielles et information administrative ».
La commission des finances donne acte de sa communication à M. Michel Canevet.
Présidence de M. Georges Patient, vice-président -
La commission procède enfin à l'examen du rapport de MM. Vincent Éblé et André Gattolin, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Culture ».
La mission « Culture » bénéficiera en 2016 d'un traitement plus clément que la plupart des autres missions : ses crédits augmenteront de l'ordre de 4 %, hors mesure de périmètre. Leur évolution est donc plus favorable que ce que prévoyait la loi de programmation des finances publiques. Elle s'inscrit dans un contexte particulier : la mise en oeuvre de la réforme territoriale et l'examen du projet de loi relatif à la liberté de création, à l'architecture et au patrimoine, que nous appelions de nos voeux l'année dernière, et qui vient d'être examiné en première lecture par l'Assemblée nationale. La mission sera ainsi dotée en 2016 de 2,7 milliards d'euros, à quoi il convient d'ajouter 292 millions d'euros de dépenses fiscales principalement rattachées à la mission. Ce montant est stable par rapport à 2015 à périmètre constant, mais doit être appréhendé avec prudence : l'an passé, le chiffrage initial a été largement dépassé. Comme je l'ai indiqué lors de mon contrôle budgétaire sur les dépenses fiscales en faveur des monuments historiques, les documents budgétaires gagneraient à être enrichis d'informations relatives à l'efficacité et au chiffrage des dépenses fiscales en prévision et en exécution. C'est une question de bonne pratique...
Alors que les opérateurs de la mission ont été fortement sollicités pour participer à l'effort d'assainissement des comptes publics ces trois dernières années, ils bénéficieront pour la plupart en 2016 de subventions stables, en légère croissance ou en baisse très modérée - comme leurs effectifs. En contrepartie, un effort de consolidation de leurs ressources propres leur sera demandé, conformément aux conclusions d'une mission d'inspection menée dans le cadre de la modernisation de l'action publique. Le ministère souhaite également leur donner les moyens de réaliser des travaux de rénovation, d'accessibilité et de mise aux normes de sécurité, et accompagner l'ouverture sept jours sur sept, au profit des groupes scolaires, de trois monuments majeurs : le château de Versailles, le musée d'Orsay et le Louvre.
Le budget 2016 de la mission intègre en outre une mesure de périmètre : la budgétisation de la redevance d'archéologie préventive (RAP), pour un montant de 118 millions d'euros. Le financement de l'archéologie préventive se heurte depuis plusieurs années à l'irrégularité du rendement de la RAP et à la complexité de son affectation et de son recouvrement, au détriment de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), du Fonds national pour l'archéologie préventive (Fnap) et des collectivités. Ces difficultés ont en outre compliqué l'exécution budgétaire de la mission, puisque le ministère a dû apporter en gestion, de façon récurrente, un soutien non prévu en loi de finances initiale. Cette mesure donnera donc de la prévisibilité aux acteurs concernés, leur permettra d'exercer leurs missions dans de bonnes conditions et facilitera l'exécution des crédits du programme 175 « Patrimoines ».
J'en viens aux moyens supplémentaires inscrits dans le budget 2016. Nous avons identifié deux grandes priorités transversales : d'une part, l'accompagnement des territoires et des publics fragiles dans le contexte de la réforme territoriale et de la baisse des dotations aux collectivités territoriales ; d'autre part, le soutien à la jeunesse, à l'éducation et à la création.
L'effort en faveur des monuments historiques sera maintenu en 2016, pour la troisième année consécutive. Les autorisations d'engagement atteindront 338 millions d'euros, en hausse de 10 millions d'euros, et les crédits de paiement 313 millions d'euros. Les crédits destinés aux opérations en région - soit plus de 70 % des crédits dédiés aux monuments historiques, soutien direct à l'attractivité territoriale et à l'emploi - sont confortés. Les crédits d'investissement et de fonctionnement dédiés aux musées de France seront également maintenus à un niveau élevé, dans une perspective de rééquilibrage territorial.
Dans le contexte de réforme territoriale et de baisse des dotations, l'évolution globale des crédits dédiés au patrimoine témoigne de la constance de l'engagement de l'État auprès de ses partenaires territoriaux. C'est un signal fort et rassurant.
Un mot sur le soutien à la jeunesse, à l'éducation et à la création.
D'abord, le budget 2016 rétablit le soutien aux conservatoires. C'est un point très important, car la quasi-disparition de ces aides avait emporté l'an passé le rejet des crédits de la mission « Culture » en séance publique. En 2016, le ministère leur dédiera 8 millions d'euros supplémentaires dans le cadre d'un plan « conservatoires », pour un montant total de 13,5 millions d'euros. Le rétablissement des crédits doit s'accompagner d'une redéfinition des priorités et d'une refonte des procédures de classement dont l'objectif doit être une meilleure ouverture des conservatoires à la diversité. C'est un progrès notable, car ces établissements constituent, en matière d'accès, d'éducation et de formation du jeune public aux pratiques artistiques, l'un des principaux réseaux de proximité. Certes, les crédits ne sont pas ramenés au niveau de 2012 - 27 millions d'euros - mais cela permet d'enrayer leur chute brutale et d'adresser un signal positif aux partenaires territoriaux de l'État.
Le budget pour 2016 finance ensuite plusieurs mesures issues des Assises de la jeune création, qui se sont tenues au printemps 2015, renforçant la formation et l'insertion des artistes, améliorant leurs conditions de vie et de travail, et soutenant les créateurs. Le spectacle vivant bénéficiera notamment à ce titre de 12,5 millions d'euros de moyens nouveaux.
Troisièmement, les moyens accordés à l'enseignement supérieur culturel et à l'éducation artistique et culturelle sont renforcés. Les dotations des établissements d'enseignement supérieur culturel progressent globalement de près de 2 %, en particulier pour consolider l'intégration des formations qu'ils dispensent dans le schéma licence-master-doctorat (LMD), dont les écoles des beaux-arts avaient été jusqu'alors exclues.
Le ministère consacre en outre 38,4 millions d'euros - 7 % de plus qu'en 2015 - au renforcement de la diversité sociale des étudiants et à l'amélioration de leurs conditions de vie et de travail, au moyen d'aides individuelles et de bourses attribuées sur critères sociaux.
Enfin, le plan « Éducation artistique et culturelle » sera doté de 14,5 millions d'euros, soit 4,5 millions d'euros supplémentaires, ce qui conforte la dynamique engagée depuis trois ans. Un effort particulier sera consenti à l'égard des jeunes éloignés de l'offre culturelle pour des raisons géographiques, sociales ou économiques.
Pour finir, deux points méritent plus particulièrement l'attention. D'une part, nous avons constaté avec satisfaction que les résultats de la première année d'exploitation de la Philharmonie de Paris s'avèrent tout à fait encourageants, du point de vue budgétaire comme de la fréquentation. Les recettes de billetterie des premiers mois ont placé l'établissement en position bénéficiaire, ce qui invalide les critiques formulées jadis... Il conviendra toutefois d'inscrire ce succès dans la durée, sur la base d'un modèle économique solide reposant sur des ressources propres dynamiques. C'est l'un des enjeux de la fusion de la Cité de la musique et de la Philharmonie de Paris dans un établissement unique, et de l'articulation avec la salle Pleyel.
D'autre part, plusieurs facteurs font courir un risque à la soutenabilité de la mission « Culture » à moyen terme, dont la hausse des dépenses d'investissements en autorisations d'engagement. Celle-ci traduit le lancement et la poursuite de nombreux chantiers de rénovation, dont certains de très grande ampleur : les dépenses engagées à ce titre devront faire l'objet d'un pilotage attentif de la part du ministère et de ses opérateurs. La rénovation du Grand Palais, par exemple, a fait l'objet d'une analyse socio-économique approfondie et d'une contre-expertise, qui ont révélé le caractère sérieux d'une opération dont le coût est tout de même évalué à 437 millions d'euros.
En conclusion, le projet de loi de finances pour 2016 présente un bon budget pour cette mission : certes, les efforts de réduction des dépenses sont moindres, relativement à d'autres missions. Mais l'augmentation des moyens répond à une priorité gouvernementale et finance des dépenses utiles, au bénéfice des territoires et des jeunes de notre pays, notamment les plus fragiles. Enfin, gardons en mémoire que les crédits de la mission ont diminué entre 2012 et 2014 et qu'ils ne représentent aujourd'hui que 0,74 % des dépenses du budget général de l'État. Nous vous proposons donc l'adoption sans modification des crédits de la mission.
Je partage votre analyse. L'école des Beaux-Arts de Paris a un besoin urgent de travaux : les locaux sont si vétustes que le plafond tombe sur la tête des étudiants... Un regret toutefois : l'effort consenti pour les conservatoires est significatif, mais les crédits qui leur sont affectés restent moitié moins importants qu'en 2012. Nous avons un grand retard à rattraper en ce domaine.
Un budget en hausse, dans le contexte actuel, ce n'est pas banal. Sur nos territoires, chacun voit bien que la culture est facteur d'apaisement : elle contribue au lien social, à la convivialité, fournit d'occasion de se regarder en souriant, de pleurer ensemble, de partager des moments d'émotion. Le Gouvernement comprend enfin l'intérêt de la préserver, je m'en félicite.
Autre fait marquant qui retiendra l'attention du Sénat, représentant des territoires : les contrats locaux d'éducation artistique et culturelle, en hausse de 33 % depuis trois ans, sont revalorisés l'an prochain. J'en suis très heureux, alors que les festivals et les manifestations culturelles, en ces temps de restrictions budgétaires, sont l'une des variables d'ajustement privilégiées.
Je me réjouis enfin que certaines controverses aient cessé. Les responsabilités du dérapage des coûts de la Philharmonie de Paris sont partagées. Venant d'un établissement de cette renommée, d'un équipement de cette qualité acoustique et artistique, la musique ne peut que nous envahir et faire taire toutes les polémiques. Allez juger sur place dans le cadre de vos missions de contrôle.
Nous pouvons aussi y aller en payant notre place.
Je me réjouis à mon tour de cette inflexion après des années de baisse, mais il faudra rester vigilants : les mauvaises surprises arrivent parfois en loi de finances rectificative, comme ce fut le cas l'année dernière à propos des monuments historiques...
L'ouverture des grands musées sept jours sur sept, dans une ville aussi internationale que Paris, est une avancée à saluer. Les recettes supplémentaires excèderont-elles les coûts ?
Je rejoins les rapporteurs spéciaux sur les dépenses fiscales : six d'entre elles ne font toujours l'objet d'aucune information ! Le Parlement ne saurait se satisfaire d'une évaluation à la louche, avec le même « ordre de grandeur » depuis dix ans. Ce n'est pas sérieux !
Le coût de la surveillance par mètre carré de salle ouverte est passé de 272 euros en 2013 à 268 euros en 2014, or 280 euros sont prévus pour 2015 et 2016 : pourquoi ?
L'évolution de la fréquentation payante et gratuite des institutions patrimoniales et architecturales est préoccupante : 43,3 millions de visiteurs en 2013, 43,2 millions en 2014, et un objectif pour l'an prochain « supérieur à 40 millions » : c'est peu ambitieux, et incohérent avec l'élargissement des horaires d'ouverture.
Je veux bien que l'on justifie le surcoût de la Philharmonie de Paris par la qualité du son, mais les surcoûts des opérations pilotées par le ministère de la Culture sont un grand classique...
Le projet annuel de performances (PAP) est muet sur le Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (Mucem). La Cour des comptes relève pourtant que son coût était estimé à 160 millions d'euros en 2013, contre 99 millions prévus initialement en 2006, et que le coût de gardiennage de l'ancien Musée national des arts et des traditions populaires s'élève, excusez du peu, à 400 000 euros par an ! Que va devenir ce bâtiment ? Il serait temps de s'en soucier.
Enfin, le PAP indique que le ministère encourage l'inscription des projets de musées dans les politiques contractuelles locales - contrats de plan État-région et fonds national d'aménagement et de développement du territoire - et dans les crédits européens. Or je n'ai vu nulle part dans la documentation sur les crédits européens la moindre priorité donnée à la culture ou à la muséographie. Soit le ministère encourage des projets qu'il n'est pas capable de mettre en oeuvre, soit il ment !
Depuis la loi de finances pour 2015, le Centre national de la cinématographie et de l'image animée (CNC) est rattaché à titre principal au programme 334 « Livre et industries culturelles » de la mission « Médias, livre et industries culturelles ». Celui-ci est un partenaire bienveillant des communes qui disposent déjà des salles de cinéma, mais celles qui souhaitent en créer une doivent se limiter à 300 fauteuils ; au-delà, les procédures commerciales vous coûtent près de 100 000 euros. Comme avec la grande distribution, on a déshabillé les centres villes au profit de leur périphérie. Dynamiser des petites salles est voué à l'échec, et le CNC n'y est pas pour rien !
Mes observations restent les mêmes. Permettre aux communes de monter des projets de salles de 600 fauteuils sans passer par des milliers de commissions rendrait service à nos territoires et à nos emplois.
Vous le direz au rapporteur spécial de la mission « Médias », François Baroin.
Le coût de surveillance des salles de musée augmente car la fréquentation prévisionnelle augmente également, que matérialise le taux d'ouverture des salles : plus de 95 % prévu en 2015, contre 93,58 % en 2014. L'ouverture quotidienne de Versailles, du musée d'Orsay et du Louvre concerne les publics scolaires, qui ne sont pas les plus rémunérateurs. 70 emplois seront mobilisés dans cette perspective ; le coût estimé est de 2,87 millions d'euros en année pleine. Il n'y a pour l'heure aucune estimation des recettes supplémentaires.
L'expérimentation a commencé en septembre 2015 ; elle sera évaluée ultérieurement. On pourra ensuite extrapoler. Évaluer a priori est toujours délicat.
Les crédits des conservatoires n'ont pas retrouvé le niveau de 2012, c'est vrai. Le plan « conservatoires » est néanmoins doté de 13,5 millions d'euros en 2016 : après une chute de 83 % des crédits entre 2012 et 2015, c'est un signal positif pour les partenaires territoriaux de l'État.
Les écoles des beaux-arts ont besoin de travaux, notamment celle de Paris. Il en va de même pour les écoles d'architecture, comme celle de Marseille, qui fera l'objet d'investissements importants en 2016.
Michel Bouvard, les surcoûts sont fréquents dans le secteur culturel : le coût de la Fondation Louis Vuitton était estimé initialement à 100 millions d'euros, il en a finalement coûté plus de 400 millions, financés aux deux tiers par l'État via la fiscalité dérogatoire en faveur des fondations... Je m'étonne d'ailleurs que la Cour des comptes n'ait rien dit sur le sujet. De même pour la Cité du cinéma de Luc Besson. À l'étranger, la Philharmonie de Hambourg a multiplié par cinq son budget initial, désormais estimé à près de 800 millions d'euros...
L'inscription des projets locaux dans les crédits européens fonctionne dans certains domaines : l'Institut national de la recherche agronomique (Inra) et le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) disposent d'une cellule à Bruxelles pour monter leurs dossiers. Je me renseignerai auprès de la commission des affaires européennes, dont je suis membre, sur les pratiques en matière culturelle et sur les moyens d'inciter les pouvoirs publics à aider les acteurs territoriaux.
Je partage les préoccupations de Michel Bouvard sur les dépenses fiscales. Les insuffisances constatées résultent en partie du cloisonnement entre Bercy et les ministères dépensiers. Cette opacité nuit au pilotage de la dépense, je l'ai souligné dans mon rapport de contrôle consacré aux dépenses fiscales en faveur des monuments historiques.
D'autres indicateurs figurent dans le rapport, qui incitent aussi à la vigilance : l'augmentation en 2015 des restes à payer, qui diminuaient pourtant depuis 2011, et la reprise des autorisations d'engagement pour financer des dépenses d'investissement en vue de chantiers de rénovation notamment, même si les comparaisons internationales, avec la Philharmonie de Hambourg par exemple, nous rassurent... Minorer un objectif de dépense facilite son engagement ; or ce sont des chantiers que l'on n'arrête plus une fois lancés ! Celui de la Philharmonie n'a été qu'interrompu, et lisser ainsi la dépense n'est pas plus vertueux, car la facture finale s'allonge. L'Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (Oppic) a développé un savoir-faire précieux : utilisons-le davantage.
Ne pourrait-on rendre payante la visite de certaines cathédrales ? Notre-Dame de Paris accueille 12 millions de visiteurs par an : à 1 euro l'entrée, cela fait 12 millions d'euros annuels. Même avec un pass pour les pratiquants et une remise pour le denier du culte, tout le monde s'y retrouverait. Cela se pratique à l'étranger, nous devrions étudier la question.
Une précision qui figure dans les réponses au questionnaire budgétaire : la gestion des aides européennes allouées par le fonds européen de développement économique régional (FEDER) à des dépenses culturelles en France relève des conseils régionaux ; le ministère de la culture ne dispose pas des données agrégées, ce qui est un vrai problème.
Passons au vote des crédits de la mission.
À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption sans modification des crédits de la mission « Culture ».
La réunion est levée à 16h20.