La commission entend une communication de M. Jean-Pierre Leleux sur le contrat d'objectifs et de moyens 2015-2019 entre l'État et l'Institut national de l'audiovisuel (INA).
Nous devons rendre un avis sur les contrats d'objectifs et de moyens (COM) de l'Institut national de l'audiovisuel (INA) et de Radio France.
Nous démarrons demain nos travaux sur le projet de loi Liberté de création, patrimoine et architecture. Les auditions des rapporteurs seront ouvertes aux membres de la commission, l'examen en séance publique étant prévu dès la semaine du 25 janvier.
L'INA revient de loin. Son désaccord avec l'État sur un projet immobilier dispendieux avait conduit en 2014 à un prélèvement de 19,8 millions d'euros sur son fonds de roulement et à une baisse de sa dotation de 1,2 million d'euros. Le changement de président avec l'arrivée d'Agnès Saal en mai 2014 devait permettre un nouveau départ pour cet établissement unique en son genre, en charge de la mémoire audiovisuelle. Malgré la refonte du projet immobilier dans le sens d'un regroupement sur le site historique de Bry-sur-Marne, le navire INA a recommencé à tanguer sous le coup de la polémique autour des notes de taxi de sa présidente, jusqu'à sa démission, inévitable, le 28 avril 2015. Le COM du printemps dernier, qui prévoyait d'étendre l'activité à l'ensemble des archives audiovisuelles de la culture et celles de certaines entreprises privées, sans véritable plan d'affaires, était préoccupant. Le recentrage que propose le nouveau président était nécessaire.
Laurent Vallet a pris ses fonctions le 21 mai 2015. Il a dû, en quelques semaines, prendre la mesure de l'inquiétude sociale au sein de l'INA, réaliser un état des lieux financier - qui a révélé une gestion peu rigoureuse - et engager la modification du projet de COM sans pouvoir le reprendre à zéro, pour donner rapidement un cap à cette institution indispensable à notre paysage audiovisuel.
L'avis que nous avons à formuler concerne également la pertinence du choix du nouveau président de l'INA et le message que nous voulons adresser aux personnels, encore en proie au désarroi. Les échanges que j'ai eus avec Laurent Vallet me laissent penser qu'il possède toutes les compétences attendues et qu'il a une vision juste des problèmes. Il est de l'intérêt de l'établissement que nous lui apportions notre soutien tout en exigeant qu'après une phase de retour à la normale, le nouveau président engage progressivement l'INA dans des réformes de structure visant à réaliser des économies.
Le projet de COM repose sur quatre axes stratégiques : réaffirmer la mission patrimoniale de l'INA, en adaptant ses actions de conservation et de valorisation du patrimoine audiovisuel aux évolutions technologiques ; assumer sa vocation industrielle et commerciale en valorisant les contenus et les savoir-faire - vente d'images et de sons, conseil, expertise, gestion de fonds d'archives tiers, publics et privé ; développer la logique d'innovation, notamment en matière de production audiovisuelle, de recherche sur le traitement de l'image et du son, d'adaptation de l'offre aux nouveaux modes de consommation ou encore de formation et d'éducation à l'image ; moderniser la gestion par un dispositif de contrôle interne comptable et de gestion renforcé, une politique d'achat mieux centralisée, et un plan de gestion prévisionnelle des effectifs et des compétences.
Il faut imaginer l'après plan de sauvegarde numérique (PSN) qui a occupé les trois précédents COM et qui s'achève en 2019. L'INA doit repenser son avenir compte tenu de l'extinction progressive du stock d'archives à numériser. Cela passe, comme le propose son président, par une démarche davantage tournée vers les usages que vers les outils, tenant compte des contraintes budgétaires et de la nécessité de calibrer les moyens en fonction des missions, quitte à les réduire quand celles-ci s'achèvent.
Le projet de COM préserve les moyens de l'INA. Les ressources issues de la contribution à l'audiovisuel public sont reconduites, à 89 millions d'euros hors taxes par an, pour maintenir le compte de résultat à l'équilibre tout en accroissant les capacités d'investissement pour engager la rénovation du système informatique, financer le projet immobilier et poursuivre le plan de sauvegarde numérique des fonds audiovisuels. Il s'agit également d'investir dans des domaines - production, formations, outils numériques - qui dégageront ensuite des ressources propres supplémentaires, en France et à l'étranger.
La part de la contribution à l'audiovisuel public (CAP) consacrée à l'investissement devrait passer de 4,5 millions d'euros en 2015 à 6,45 millions d'euros en 2019, l'essentiel de cette hausse bénéficiant à l'informatique et étant financée par une augmentation des ressources propres. C'est un pari pour l'INA, dans la mesure où ces dernières se tassent en 2015. Il y a donc une fragilité financière dans l'équation du COM - certains parleraient de volontarisme - même s'il ne faut pas exclure une bonne surprise. Le lancement réussi de la plateforme « INA Premium », par exemple, pourrait constituer à terme une source de revenus complémentaire.
Il faudra dégager des marges de manoeuvre financières. M. Vallet a reconnu que « le contrôle de la dépense n'était pas optimal » et qu'il fallait notamment revoir la politique des achats. Ces pratiques de gestion plus vertueuses doivent être poursuivies, tout comme le regroupement à Bry-sur-Marne, avec la construction d'un nouveau bâtiment de 4 000 m2.
Le maintien à un niveau élevé de la masse salariale - 67,5 millions d'euros - s'explique par le coût des mesures générales qui, compte tenu de l'accord collectif en vigueur s'élève à 1,1 million d'euros par an. La perspective de nombreux départs à la retraite - 25 % des effectifs dans les cinq prochaines années - devrait permettre de ne pas renouveler tous les postes. Notre commission devra veiller à obtenir des précisions sur ce point de la part de la direction de l'établissement tout au long de l'application du COM.
Le renforcement des mutualisations entre les sociétés de l'audiovisuel public est un impératif. Si l'ancienne présidente de l'INA avait développé la nouvelle plateforme SVOD pour ainsi dire dans le dos de France Télévisions, le nouveau président, lui, a proposé de mettre à disposition la plateforme en marque blanche pour permettre à France Télévisions de bénéficier de l'expérience acquise par l'INA. Cette inflexion mérite d'être encouragée. Ce projet de COM n'est pas parfait ; il est marqué, en particulier, par une relative absence d'implication de la tutelle entre 2012 et 2015, qui a donné lieu à une crise sans précédent. Un changement est en cours. Je vous propose de regarder vers l'avenir et, sans relâcher notre vigilance, de soutenir la nouvelle équipe en donnant un avis favorable à ce COM.
Félicitons d'abord Jean-Pierre Leleux pour son exposé précis. Membre du Conseil d'administration de l'INA, j'ai rencontré Laurent Vallet avant son audition par notre commission, qui n'a fait que confirmer ma bonne impression. Ses convictions sont profondes ; il a pris la mesure de la révolution numérique pour les archives, mis l'accent sur la formation, évoqué les MOOCs, tenu compte de la vocation industrielle et commerciale de l'INA, qui est un établissement public à caractère industriel et commercial (Epic) et de sa nécessaire présence à l'international.
Son projet immobilier est bon : il est sage de regrouper les services sur un seul site : l'on économisera ainsi le loyer, fort élevé, de l'immeuble de la rue de Patay. Rendons hommage au travail qui commence à porter ses fruits en donnant un avis favorable à ce contrat d'objectifs et de moyens.
Merci au rapporteur pour ses propos, auxquels j'ajouterais deux précisions. L'audition de M. Vallet s'est déroulée dans la jovialité, mais j'avoue avoir parfois peiné à suivre la trame de ses propos - et je suis membre du Conseil d'administration ! Cela ne devait pas être très parlant pour ceux qui avaient dormi depuis le dernier COM... Nonobstant la forme, il y a bien un projet, c'est l'essentiel.
Portons par ailleurs attention à la souffrance des salariés : certains précaires ont vu leur situation s'arranger, mais pas tous. Une organisation qui perd un quart de ses effectifs craint aussi une perte de savoirs. Et les salariés se plaignent de ce que l'image de l'INA se résume désormais à moquettes et taxis... Il faut une gestion humaine du personnel, au-delà des postures. En restant vigilant, le groupe écologiste donnera un avis favorable à ce COM.
Le groupe UDI-UC partage les conclusions du rapporteur. Remarque plus générale : nous peinons à voir précisément ce que recouvre concrètement la révolution des usages du numérique en cours et qui modifie la situation de ces établissements publics dont nous examinons la situation.
Je suivrai le rapporteur lorsqu'il reconnaît la spécificité de cet établissement public, mais serai beaucoup plus réservée sur le COM, qui présente bien des incertitudes budgétaires, avec son appel à développer des ressources propres, toujours aléatoires, ou avec l'éventuel non-remplacement du quart des effectifs. Je ne sais pas quel avis donner.
Le groupe socialiste soutient le COM - dans les limites de l'exercice, bien sûr. Il faudrait en effet que les COM que nous approuvons soient appliqués et non pas modifiés sans notre accord.
L'INA a été un précurseur de la révolution numérique : cette vieille maison, avec ses habitudes, a très tôt ouvert au public la possibilité d'acheter des archives pour un prix modique ; elle a été la première à proposer de la vidéo à la demande. Le COM prévoit qu'il poursuive et amplifie cette activité.
Nous devons être vigilants sur la conservation des archives, point sur lequel je n'ai pas senti beaucoup de répondant lorsque j'ai interrogé M. Vallet. C'est une illusion que de croire que la numérisation facilite la préservation : avec les changements réguliers de normes d'encodage, elle fait en réalité courir un risque de disparition plus important que la dégradation progressive de la pellicule.
Autre sujet, le stockage. Lorsque j'étais membre du conseil d'administration de l'INA, le déménagement avait attiré l'attention sur la faible protection des archives contre le risque d'incendie... De plus, le vieillissement du personnel impose de le former continûment aux technologies nouvelles pour qu'il ne soit pas fragilisé. Il travaille souvent dans des conditions pénibles et se sent à l'étroit dans les locaux. Veillons donc à éviter la casse, sans forcément remplacer poste pour poste les départs à la retraite, surtout lorsqu'ils concernent des métiers dépassés, mais en misant sur la formation et la technicité du personnel. Cela dit, ce COM mérite notre soutien.
Soumis à des règles communes, les présidents de l'INA et de Radio France sont confrontés chacun à des problèmes spécifiques. Estimez-vous réaliste le financement de 5 millions d'euros prévu pour le projet de Bry-sur-Marne ?
Merci pour ces questions, toutes légitimes. Mme Mélot siège désormais au conseil d'administration. L'INA est un outil original de conservation et de partage, imité dans de nombreux pays. Pendant quinze ans, sa priorité a été la numérisation des archives. Au terme de ce plan de sauvegarde, des millions d'heures de radio et de télévision ont été numérisées, mais ce support se révèle, à court terme, plus fragile que l'argentique. Toutefois, une visite effectuée il y a quelques années m'a rassuré, car j'y ai vu que les dirigeants étaient pleinement conscients du problème. Ils m'ont expliqué que, contrairement à l'argentique, dont la dégradation est lente et peut donc être détectée - et traitée - à temps, les informations numériques sont susceptibles de disparaître en une fraction de seconde. Du coup, les archives sont régulièrement recopiées. La question des locaux m'a aussi parue bien prise en compte par la direction.
Les salariés de l'INA sont bien organisés mais revendiquent l'égalité avec ceux des autres entreprises de l'audiovisuel public. L'accord d'entreprise récent, assez favorable, risque de faire exploser la masse salariale, d'où la limite fixée par le COM à 67,5 millions d'euros. La souplesse apportée par les départs à la retraite accompagnera l'évolution des usages et des métiers. C'est une marge de manoeuvre précieuse.
La première mission de l'INA a été la conservation des archives audiovisuelles, qui dans d'autres pays est laissée au soin des organismes producteurs. Très vite, s'y est ajoutée la mission de mettre ces archives à disposition du public. L'INA a donc acquis une expertise sur ces métiers. Elle a d'abord ouvert le site INA.fr, qui met gratuitement des centaines de milliers d'émissions à disposition du grand public. INA Mediapro a suivi, réservé aux chaînes qui y puisent, en ligne, les fragments d'archives dont elles ont besoin. Enfin, Ina Premium est le service de SVOD de l'INA. Nous devons encourager les mutualisations entre opérateurs de l'audiovisuel public pour dégager des économies - c'était une des recommandations du rapport que j'ai réalisé avec André Gattolin sur le financement de l'audiovisuel public. L'INA y est disposée.
Certes, ce COM présente des lacunes, à commencer par ses conditions d'élaboration, en pleine tempête. Espérons que la belle image de l'INA n'en sera pas atteinte. Je vous propose d'émettre un avis favorable, malgré les questions qui restent ouvertes en cette période de transition, afin d'exprimer notre confiance envers le président de l'INA. Nous souhaitons toutefois qu'il vienne régulièrement nous rendre compte de son action.
Merci. Notre rôle est aussi de suivre l'exécution du COM. Il est vrai que le nouveau président a pris ses fonctions dans des conditions particulières... Passons au vote.
Je n'ai aucun désaccord sur le fond, mais la convocation n'évoquait que des « communications », et ne faisait nulle mention d'un vote.
Nous sommes appelés à émettre un avis sur le COM ; suivre le rapporteur signifie voter pour.
Je persiste et signe, la convocation ne laissait pas entendre que nous aurions à donner un avis. Cela dit, je suis favorable à ce COM.
La commission émet un avis favorable sur le contrat d'objectifs et de moyens 2015-2019 entre l'État et l'Institut national de l'audiovisuel (INA).
La commission entend une communication sur le contrat d'objectifs et de moyens 2015-2019 entre l'État et Radio France.
La situation de Radio France m'inquiète. Le déficit devient structurel et le besoin de financement jusqu'en 2019 est estimé à 170 millions d'euros. Le conflit social du printemps a révélé le désarroi et les craintes du personnel, mis en cause le rôle de l'actionnaire et sa vision de l'entreprise à moyen et long termes et montré les limites des procédures de décision et de nomination de l'audiovisuel public.
Le COM nous est transmis dix-huit mois après la prise de fonction du président de Radio France ; compte tenu des délais nécessaires à son adoption, il ne s'appliquera qu'aux deux tiers restants de son mandat. Or un COM sert à mettre en oeuvre le projet du président ! Dans ces conditions, quel sens lui donner ? Les auditions que j'ai menées avec André Gattolin ont répondu à cette question. Pour la direction du budget - qui intervient dans la négociation - il définit les conditions de mise en oeuvre du projet du nouveau président compte tenu des priorités de l'actionnaire. Or Mathieu Gallet nous a expliqué avoir préparé son projet sans pouvoir prendre la mesure de la situation exacte de l'entreprise puisque, lorsqu'il a été désigné par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) en 2014, ni lui, ni le régulateur n'avaient accès aux dernières données financières de Radio France. Dans toute entreprise, le choix du nouveau président aurait été fait sur un projet de redressement. Rien de tel pour Radio France, et plusieurs mois ont été perdus jusqu'au conseil d'administration de septembre 2014 où le personnel a appris la situation très inquiétante.
Au-delà du contenu du COM, nous devons aussi nous prononcer sur ses modalités d'élaboration. Quoique le président de Radio France n'ait pas été élu sur un projet de redressement, ce COM engage-t-il un redressement ? L'actionnaire a-t-il pesé de tout son poids pour définir les priorités et les objectifs ? Ce document est-il susceptible d'emporter l'adhésion du personnel et de lui faire accepter des réformes ? À ces questions, je suis au regret de répondre : non. Radio France a été placée dans un état stationnaire, sous perfusion budgétaire intensive, mais sans la moindre intervention de nature à la soigner à long terme. Faute de réformes, les problèmes semblent renvoyés à plus tard, à tout le moins après 2017.
Dans cette situation, le président de Radio France a les mains liées. Son actionnaire lui compte son soutien pour conduire les réformes nécessaires et il n'a de liberté que pour travailler à l'offre de programmes. Aspect non négligeable, car il est indispensable de renouveler les programmes pour rajeunir l'audience. C'est d'ailleurs l'aspect du COM qui pose le moins de difficultés. Nous partageons les valeurs du service public qui y sont réaffirmées. J'ai dit souvent notre attachement à ce formidable outil au service de la culture et de l'intelligence, mais il n'en reste pas moins que Radio France doit « se transformer tout en restant elle-même », comme le dit à juste titre le COM. C'est la nature et le rythme de cette transformation qu'il convient de discuter.
Le diagnostic sur la situation de Radio France a été réalisé par la Cour des comptes dans son rapport d'avril 2015. Les causes de la crise ont été identifiées : dérive des coûts et trop longue absence de réformes. Les solutions préconisées par la Cour passent par des remises en cause, des restructurations, un pilotage plus serré des dépenses, un renforcement de la gouvernance... Or, rarement un rapport de la Cour des comptes aura reçu aussi peu d'écho de la part d'un gouvernement. Certaines solutions ont été par principe écartées, ce qui ferme toute perspective d'évolution.
Loin de résoudre les difficultés structurelles de la société, ce COM met le couvercle sur la marmite. Deux questions importantes, l'avenir de Mouv et celui des formations musicales, sont renvoyées à 2017.
Dédiée aux musiques urbaines, Mouv coûte 25 millions d'euros par an mais n'a jamais trouvé son public : 0,4 % de part de marché. La relance organisée en février 2015 tarde à donner des résultats. Au lieu d'arrêter la diffusion hertzienne, le COM prévoit une évaluation fin 2016. La décision d'arrêt de la chaîne, si elle doit être prise, le sera en 2017...
Alors que la Cour des comptes proposait de fusionner les deux orchestres de Radio France, Mathieu Gallet suggérait, pour sa part, qu'un des deux quitte le giron de Radio France. Faute d'accord sur ces scénarios radicaux, un rapport a été demandé à M. Stephan Gehmacher, professionnel respecté, qui a proposé de redimensionner les formations. Le choeur, avec ses 115 membres, constitue selon M. Gehmacher « une exception absolue parmi les choeurs professionnels », généralement d'une cinquantaine de membres. Les effectifs de l'Orchestre philharmonique de Radio France seraient supérieurs à ceux d'ensembles comparables à l'étranger. M. Gehmacher évoque des synergies - mais le COM ne prévoit de réforme qu'à l'issue de la première année d'exécution du COM, c'est-à-dire en 2017. Aucune raison n'est donnée à ce report, même si l'on sent bien la volonté de ne pas heurter les personnels. Là encore, le Gouvernement ne donne aucune orientation et laisse la direction gérer la situation, avec pour consigne de ne pas faire de vagues.
Au-delà du report à 2017 de ces deux réformes structurelles, le renoncement à faire baisser le poids de la masse salariale est inquiétant. Si « tout plan d'économies passe par un questionnement sur la masse salariale », comme le dit M. Gallet, encore faut-il qu'il débouche sur les bonnes réponses, ce qui n'est pas le cas. Le COM prévoit que la masse salariale, qui était de 399 millions d'euros en 2014, « devra être stabilisée en fin de période à 394,3 millions d'euros ». La Cour des comptes, après avoir remarqué que celle-ci avait augmenté de 29,6 % entre 2004 et 2013, a jugé « nécessaire d'introduire dans le COM un objectif contraignant d'évolution de la masse salariale, assorti d'un objectif d'évolution à la baisse, sur les cinq années à venir, de la proportion des charges salariales dans les charges d'exploitation de Radio France ». Or, selon le plan d'affaires, la part des charges salariales dans les charges d'exploitation, qui représentait 62,3 % en 2014, atteindra 62,9 % en 2019 : il y aura donc bien un accroissement. La recommandation de la Cour n'a pas été suivie et la contrainte sur l'équilibre financier de l'entreprise sera encore plus forte.
Cela s'explique notamment par l'abandon du plan de départs volontaires, jugé trop coûteux. Le COM prévoit une réduction des effectifs de 230 contrats à durée indéterminée (CDI) grâce au non-renouvellement d'un départ sur deux en 2016 et 2017 et d'un départ sur trois en 2018. Le plan de départs volontaires, qui prévoyait le départ de 300 à 380 personnes, aurait sans doute eu un coût important en 2016 et 2017, mais aurait dégagé de substantielles économies dans la durée. Ainsi, le plan de départs volontaires de France Télévisions sera remboursé sur deux exercices et permettra de dégager ensuite 40 millions d'euros d'économies par an. En renonçant à son plan de départs volontaires, Radio France apparaît comme une coûteuse exception. Les départs naturels risquent d'être insuffisants compte tenu des gains de productivité possibles - et rien n'assure qu'ils concerneront les métiers où des réorganisations sont les plus urgentes.
Autre sujet de préoccupation, la place trop limitée accordée aux mutualisations et, plus généralement, l'absence de volonté de mettre en commun les moyens de l'audiovisuel public. La recherche des synergies constitue pourtant le seul vrai levier d'économies afin de financer de nouveaux projets susceptibles de mobiliser les personnels derrière une ambition nouvelle. « Radio France s'efforcera de rechercher toutes les synergies possibles dans tous les domaines, en particulier dans le domaine du numérique mais également dans le domaine de l'information, du développement de contenus destinés aux jeunes adultes ou de la distribution d'offres à l'international », lit-on. Simple déclaration d'intention, sans projets concrets, calendrier précis ni objectifs d'économies chiffrés, ce qui laisse penser que l'entreprise serait exemptée de toute exigence en ce domaine.
La Cour des comptes proposait de fusionner les rédactions de France Info, France culture, France Inter et France Bleu, sur le modèle du rapprochement des rédactions de France 2 et France 3 dans le cadre du projet « Info 2015 ». L'idée a été écartée, au nom de la préservation de l'identité des rédactions. Compte tenu de la diversité de l'offre existante dans le privé et des difficultés budgétaires que nous connaissons, avons-nous vraiment les moyens de conserver quatre rédactions au sein de Radio France ? Je ne le crois pas.
Côté mutualisations, le projet de chaîne d'information en continu, à peine évoqué dans le COM alors qu'il est sur le point d'être arrêté, illustre les résistances des équipes de direction à abandonner la moindre parcelle de pouvoir. Chacun des partenaires revendique la direction du projet et la localisation du studio dans ses locaux mais exclut tout rapprochement des moyens afin de créer une équipe transversale. Au final, on ne sait qui décide et quelle est la vision de l'actionnaire, qui se tient prudemment en retrait. Le personnel de Radio France est laissé à ses inquiétudes et risque de vivre les décisions à venir comme des défaites si le centre de gravité devait trop pencher du côté de France Télévisions, au lieu d'être associé à un grand projet fédérateur, comme André Gattolin et moi-même l'aurions souhaité.
Il est temps de donner bien plus d'importance aux mutualisations, ce qui nécessite une coordination - voire une synchronisation - entre les COM des différentes sociétés de l'audiovisuel public. Il est regrettable, à cet égard, que le Gouvernement ait perdu l'occasion de mieux articuler les COM, qui étaient tous renouvelables entre novembre 2015, pour Radio France et l'INA, et le printemps 2016, pour France Médias Monde et France Télévisions. Après dix-huit mois de retard, chacun aurait compris que l'on reporte l'échéance du COM de Radio France de quelques semaines afin de penser le projet stratégique dans sa globalité et de prévoir un calendrier des mutualisations envisagées avec France Télévisions. Or le Gouvernement a préféré se limiter à une trajectoire financière de retour à l'équilibre. En l'absence de réforme structurelle, on ne peut qu'être prudent, pour ne pas dire sceptique, sur les perspectives de retour à meilleure fortune.
Ainsi, le retour à l'équilibre, initialement prévu en 2017, a été reporté à 2018 du fait de l'abandon du plan de départs volontaires. Le déficit devrait atteindre 10 à 12 millions d'euros en 2015, 16,56 millions d'euros en 2016 et représentera encore 6,46 millions d'euros en 2017, compte tenu d'une dotation de 25 millions d'euros de contribution à l'audiovisuel public supplémentaires sur trois ans. Un emprunt de 70 millions d'euros sur sept ans doit être souscrit, qui risque de se traduire par un fort accroissement des charges financières. L'État s'est engagé à apporter une dotation de 55 millions d'euros mais le calendrier reste peu précis. On ne peut donc considérer la trajectoire financière du COM comme vertueuse. La hausse des ressources publiques, de 576 millions d'euros en 2014 à 596 millions d'euros en 2019, couplée à un endettement de 70 millions d'euros, permettra de combler les trous, mais aucune réforme structurelle n'est engagée. Les ressources propres n'augmenteront que de 2 millions d'euros pour atteindre 71,6 millions d'euros en 2019. Cette hausse, très faible, risque de se traduire, néanmoins, par une augmentation de la publicité non régulée sur les sites Internet de la radio publique, alors que la politique de location des locaux contraint déjà la production interne en restreignant la disponibilité des équipements. Seule la politique des achats semble constituer un levier puisqu'une économie d'une dizaine de millions d'euros par an est prévue.
Autre source d'inquiétude, le chantier de rénovation de la Maison de la Radio. Si l'achèvement des travaux est prévu en 2018, c'est sans compter les studios moyens ni les façades, qui doivent encore faire l'objet d'un plan de financement. Il n'est pas sûr, dans ces conditions, que le dérapage des coûts, dû à une mauvaise gestion et de nombreuses erreurs dans la conception et le pilotage des travaux, soit sous contrôle.
Bref, le COM confirme la situation de grande fragilité financière de Radio France. Son scénario de retour à l'équilibre se fonde, pour l'essentiel, sur une hausse des ressources publiques et un recours à l'endettement. En l'absence de véritables réformes et faute de vision pour le groupe public, la probabilité de retour à meilleure fortune est faible. Loin de prévoir la situation de l'entreprise jusqu'en 2019, ce COM se contente de repousser les échéances jusqu'à 2017. Bref, il n'est conforme ni à l'intérêt de l'entreprise ni à celui du contribuable. C'est pourquoi je vous propose d'émettre un avis défavorable.
J'ai rarement entendu un tel réquisitoire contre un COM. Sans doute lorsque M. Sarkozy nommait le président-directeur général, la situation était-elle radieuse à Radio France ! L'actuel PDG a été nommé selon la nouvelle procédure, de façon indépendante. Sa nomination a même suscité des remous à gauche car il venait du cabinet de Frédéric Mitterrand. Il a pourtant été nommé par un gouvernement de gauche - preuve de son indépendance. Y a-t-il eu de si grands changements qu'ils méritent un tel réquisitoire ? Au lieu de rendre compte de votre investigation personnelle - réelle, par ailleurs - ce rapport est un copié-collé de celui de la Cour des comptes ! Si la Cour travaille dans une perspective exclusivement budgétaire et comptable, nous devons, nous, tenir compte de la vraie vie : nous parlons d'êtres humains, qui accomplissent une mission de service public qu'il faut préserver, même si cela coûte un peu.
Il y a longtemps que Mouv ne trouve pas son public. Pour la première fois, une échéance est fixée, en 2017. Il faut lui laisser cette chance. Nous avons identifié ensemble le problème : les auditeurs vieillissent ! Il faut donc accrocher un public de jeunes, en promouvant les cultures urbaines actuelles et non en rejouant Woodstock. C'est encore plus important dans les circonstances actuelles : décrypter l'information pour eux est la meilleure façon de lutter contre le complotisme.
Le conflit social a été déclenché car les réformes annoncées étaient impossibles. Et vous voulez aller plus loin, plus fort ! Il y a en jeu des gens, des créateurs, des journalistes... La priorité est de rétablir un climat social dans lequel l'idée de la nécessité d'une réforme soit partagée. Sinon, elle n'a pas lieu. Vos propositions sèmeraient la zizanie. Mathieu Gallet a la volonté de réformer et je lui fais confiance pour échelonner les échéances, sans brutalité. Une méthode brutale ne ferait que mettre de l'huile sur le feu et bloquer toute réforme. Votre réquisitoire est un peu violent pour un groupe audiovisuel français qui brille par son originalité, par sa nécessité et par sa qualité, qui impose aux concurrents privés une certaine tenue dans la course à l'audimat. Aucun COM n'est parfait. Un avis défavorable sur celui-ci bloquerait toute possibilité de développement. Nous voterons pour ce COM.
Voilà dix-huit mois que le nouveau président a pris ses fonctions et je n'ai pas ressenti le moindre frémissement positif. Ce constat est alarmant. Dois-je vous rappeler, monsieur Assouline, que le président de la Cour des comptes est de gauche ? C'est lui qui parle de perfusion budgétaire : de fait, les chiffres évoqués donnent le tournis !
Aucune des réformes nécessaires n'est engagée, alors que les mesures à prendre sont connues. En l'absence de volonté claire de l'actionnaire, l'équipe n'a pas de cap ni de motivation pour mener à bien les changements indispensables. Quel gâchis !
Nous parlons d'un COM, pas du rapport de la Cour des comptes ni de la politique audiovisuelle du gouvernement. Ce COM garantit la mission de service public de cette belle maison qu'est Radio France et rappelle ses principes essentiels : informer, éduquer, divertir. Il prévoit un rajeunissement de l'audience par une réorientation de la grille des programmes, une réforme du service des sports, des chroniques humoristiques... Dix-huit mois, c'est un peu court pour juger définitivement ! Bien sûr, il ne s'agit pas d'un chemin de roses, mais il ne faut pas se borner à l'aspect budgétaire. Sur un budget de plus de 500 millions d'euros, ajouter 20 millions d'euros pour garantir une vraie mission de service public me semble acceptable. Nous nous abstiendrons.
Merci pour ce rapport énergique. J'entends bien les alertes sur les points de fragilité. M. Gallet est manifestement meilleur en communication externe qu'en communication interne... Il est vrai qu'il a dû faire face à de grosses difficultés. Justement ! Il ne faut pas l'abandonner au milieu du gué. Passer le capitaine par-dessus bord quand le bateau coule n'est pas la meilleure solution. Avec pragmatisme, nous soutiendrons ce COM.
Merci à M. Leleux pour cette analyse sans équivoque. Radio France est incontestablement sous perfusion et le conflit social du printemps dernier est dans tous les esprits. Les recommandations de la Cour des comptes n'ont pas été entendues et malgré la communication de M. Gallet, on ne voit pas poindre de réformes.
Il n'y a aucun réquisitoire contre Radio France, dont nul ne met en cause la qualité - je suis moi-même auditrice assidue de France Culture et de France Musique - mais un débat sur ses moyens et sa gestion, qui ne sont manifestement pas au rendez-vous. Nous suivrons le rapporteur dans son avis défavorable sur le COM.
Ce réquisitoire était énergique, même violent. Radio France exerce une mission de service public et a connu une évolution récente avec le changement du mode de nomination de son président. On ne peut d'un coup résorber des années de soutien public et la lâcher au milieu du gué. Ayant au moins la correction d'attendre la fin du mandat du président. Il n'y a pas que la Cour des comptes ; nous aussi, nous avons un rôle de contrôle, peut-être plus pragmatique. Nous voterons pour ce COM.
La violence de ce réquisitoire me met mal à l'aise. Lors du mouvement social à Radio France, on n'entendait plus ces voix si originales. Leur intelligence, leur impertinence, leur culture nous manquaient. Obligée de me rabattre sur les autres radios, je ne m'y reconnaissais pas. Nous devons protéger cette exception française au sein du paysage audiovisuel. Tout ne va pas bien, mais dix-huit mois ne suffisent pas à tout résoudre. Les difficultés sont là depuis des années. Pour les traiter, il faut du temps et non des méthodes violentes, qui risquent de tuer le malade.
De réforme, ce COM n'en comporte pas vraiment. Il évoque plutôt le délestage d'une nacelle en chute libre, dans l'espoir de regagner de l'altitude. La suppression annoncée des stations à ondes moyennes et courtes met en péril les émissions en langues régionales sur France Bleu.
Je comprends qu'il faille aller vers un public nouveau, mais cela ne doit pas conduire à abandonner le public actuel. Certes, on ne peut pas tout résoudre en dix-huit mois, mais ce COM aurait pu comporter des réformes concrètes et structurelles.
Le ton et l'argumentaire de cette communication m'ont étonné, surtout dans cette maison, et de votre part, monsieur le rapporteur. Je prends date en mettant en doute la validité juridique des votes que nous allons émettre, sur la base de la convocation qui nous a été adressée.
Vous faites flèche de tout bois, nous savons nous aussi tirer à l'arc !
J'appelle la majorité à l'indulgence. Vous dites que ce COM n'est profitable ni à l'entreprise ni au contribuable : c'est oublier l'auditeur ! Lorsqu'il était à l'INA, M. Gallet ne recevait que des éloges. À présent, c'est l'inverse. Rappelons la situation dont il hérite : un bâtiment gigantesque, pourri d'amiante... Et pourtant, on est parvenu à conduire les travaux sans interrompre le service. Quant aux dépassements, ils sont plus imputables au BTP qu'à une mauvaise gestion. La loi Sarkozy a consacré la disparition des images de chaîne, malgré les résistances, les souffrances. Puis M. Pflimlin a fait le gros dos et les a tout doucement rétablies, au mépris de la loi. De même, la fusion autoritaire entre RFI et France 24 a été faite dans des conditions inadmissibles, que vous souhaitez reproduire, je le crains. Voyez plutôt le travail tout en finesse effectuée par Mme Saragosse à France Médias Monde. Ce COM est peut-être l'occasion de s'en inspirer.
Oui, nous pourrions être indulgents, puisque Radio France a vécu un conflit social majeur et que la gestion des ressources humaines y est difficile. Nous n'avons rien contre Radio France, qui est une radio excellente. Mais nous devons signifier à son président directeur général que trop de temps a été perdu et que la représentation nationale n'est pas ravie d'attendre si longtemps.
Je vais tâcher de rétablir les choses. Nul réquisitoire de ma part, mais une analyse pragmatique d'un COM, dont l'objet n'est pas de juger les dix-huit mois écoulés mais d'accompagner la stratégie de l'entreprise par un accord avec l'État. Je n'ai pas livré de vision politique mais une analyse des projets de l'établissement pour les cinq années à venir. On ne peut juger sur dix-huit mois, bien sûr...
Je ne peux laisser penser que nous n'aimons pas Radio France. Nous admirons ses émissions et nous la défendons. Plusieurs pages du COM réaffirment ses missions de service public, que nous approuvons totalement.
Je ne remets pas en cause la qualité des émissions, mais la gouvernance, la capacité financière et organisationnelle. Reporter encore les réformes nécessaires risque de conduire Radio France dans le mur. Selon Mme Laborde, nous sommes au milieu du gué, il faudrait attendre la fin du COM ; mais en 2020, le bateau aura déjà coulé ! Je ne prononce pas un réquisitoire, je lance une alerte : ce COM jette Radio France vers des rivages dangereux. Je ne remets pas en cause son président, homme d'excellente disposition, mais une forme de gestion. Pourquoi les réformes annoncées ont-elles été abandonnées ? Pourquoi tout est-il différé alors qu'il est urgent d'agir ? Si rien n'est fait, il faudra que l'État couvre l'emprunt, en sus de verser une dotation exceptionnelle de 55 millions d'euros.
N'approuvons pas un COM qui ne propose pas de trajectoire de mutualisation et de réforme indispensable. Ce que j'en dis n'exonère pas les gestions antérieures : le chantier, très mal géré et dont le coût a doublé, a dû s'arrêter, car il n'était pas financé en totalité !
Nous sommes tous attachés à Radio France et à l'audiovisuel public en général. Deux attitudes sont possibles : émettre un signal d'alerte et refuser le COM devant l'urgence qu'il y a à mener les réformes pour assurer la pérennité de ce bel outil, ou l'approuver en signe de soutien pour aider Radio France à passer ces moments difficiles. Je mets aux voix la proposition de notre rapporteur.
Il y a un vice de procédure : la convocation ne signalait pas que nous aurions à voter. Nous n'avions donc prévu aucune délégation de vote.
Toutes les convocations à ce type de réunion ont toujours été rédigées ainsi.
Le jour de l'audition de M. Vallet, je vous avais prévenu que nous aurions à nous prononcer sur le COM avant le 3 décembre.
Je vous donne le résultat du vote, sans tenir compte des délégations de vote : 16 voix pour le COM, 18 contre, 2 abstentions. L'avis défavorable du rapporteur est suivi par la majorité.
Nous aurions pu accepter un oubli, une faute avouée. Mais vous préférez nier le problème. Comme par hasard, aucun des groupes de gauche n'a prévu de procuration, mais ceux de droite l'ont fait. Le fait que nous soyons opposants politiquement ne justifie pas n'importe quoi ! Vous auriez pu ajouter à la convocation « et avis de la commission ». Ne faites pas comme si tout était normal. Nous allons faire un recours.
Depuis onze ans que je suis membre de cette commission, les convocations pour ce type de réunion ont toujours été rédigées ainsi. Mme Blandin peut en témoigner. Nos nouveaux collègues doivent le savoir.
Nouvelle sénatrice, je me suis posée la question, mais en l'absence du mot vote, je ne me suis pas préoccupée des procurations.
Pour couper court à ce débat, je vous propose de procéder à nouveau formellement au vote demain matin, mais je maintiens que la formulation de la convocation est celle qui est en vigueur depuis des années.
La réunion est levée à 16 h 15.