La mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) désigne :
Jacky Le Menn et Alain Milon en qualité de rapporteurs sur les agences régionales de santé ;
Catherine Deroche et Yves Daudigny en qualité de rapporteurs sur la fiscalité comportementale.
Lors de notre précédente réunion, nous avions également retenu le thème des médicaments génériques. En raison des contraintes de calendrier, il ne semble pas utile de désigner d'ores et déjà des rapporteurs et je vous propose que la Mecss organise une table ronde sur ce sujet en avril ou mai afin de commencer à travailler sur cette question très intéressante, malgré notre agenda chargé.
Je vous signale par ailleurs qu'un certain nombre de sujets, qui relèvent traditionnellement de la compétence de la commission des affaires sociales, sont actuellement traités par d'autres entités au sein de la Haute Assemblée. La commission du développement durable vient de publier un rapport sur les déserts médicaux, abordés sous l'angle de l'aménagement du territoire, dans lequel elle formule seize propositions. Toutes ne vont pas dans les sens des pistes tracées par la ministre des affaires sociales et de la santé dans le pacte territoire-santé qu'elle a annoncé. D'autres collègues ont également entamé une réflexion sur l'industrie pharmaceutique.
Nous accueillons Christophe Jacquinet, directeur général de l'ARS Rhône-Alpes après avoir été celui de l'ARS Picardie, et président du collège des directeurs généraux d'ARS. Monsieur le directeur général, nous vous avions déjà reçu l'an passé dans le cadre de la préparation de notre rapport sur le financement des établissements de santé. Cette année, le thème que nous avons retenu pour l'un de nos rapports vous concerne encore plus directement, puisqu'il s'agit des ARS.
Créations de la loi HPST, les ARS ont occupé de nombreuses heures de débats lors de l'examen de ce projet de loi en 2009. Si elles s'inscrivent dans une forme de prolongement des politiques précédentes, elles constituent également une évolution très sensible dans l'organisation du système de santé en France. Dans son rapport annuel sur la sécurité sociale de septembre dernier, la Cour des comptes a consacré un chapitre aux ARS. La Cour estime que cette réforme structurelle majeure a été mise en place rapidement et dans des conditions satisfaisantes. Elle pointe certaines difficultés, dont le pilotage national trop peu stratégique ou le rôle encore prégnant des administrations centrales. Après trois ans de fonctionnement, nous disposons d'un recul suffisant pour évaluer les conditions de la mise en place des agences et la manière dont elles exercent les compétences qui leur ont été attribuées par le législateur. Nous souhaitons également nous projeter vers l'avenir et proposer d'ores et déjà les adaptations qui sembleraient nécessaires.
Le processus de création d'agences remonte quasiment à 1995, avant même la mise en place des agences régionales de l'hospitalisation (ARH). Pour ce qui est des ARS, nous disposons maintenant d'un recul de presque quatre ans, en incluant la période de préfiguration qui s'est étendue de novembre 2008, avec la nomination d'un secrétaire général missionné pour leur mise en place, à mars 2010. C'est en octobre 2009 que les vingt-six préfigurateurs ont été nommés. Cette période a été suivie, entre le 1er avril 2010 et la fin de l'année 2012, de l'installation des agences et de l'adoption de vingt-cinq des vingt-six projets régionaux de santé (PRS).
La Martinique.
Les ARS ont su faire preuve de leur utilité. Elles sont nécessaires à la mise en place d'une politique de santé territorialisée et font dorénavant pleinement « partie du paysage ». Vendredi dernier, dans son discours de Grenoble sur la stratégie nationale de santé, le Premier ministre a d'ailleurs annoncé qu'il entendait donner plus de moyens aux ARS et renforcer la gouvernance entre le régulateur et le financeur, tant au niveau national que local.
L'environnement évolue très rapidement depuis 2008, en particulier du fait de la dégradation de la situation économique et financière. Dans ce cadre, les ARS sont confrontées à trois enjeux majeurs. Le premier est celui du respect de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam). Pour 2013, sa progression est fixée à 2,7 %. Du fait des mécanismes de mise en réserve prudentielle et des contraintes financières que je viens d'évoquer, nous sommes dans une logique d'obligation de résultats.
Le deuxième enjeu est celui de l'égalité d'accès aux soins. Il est rendu d'autant plus prégnant par le développement de la précarité sociale et de la perte d'autonomie. Or le premier déterminant de l'accès aux soins réside dans leur bonne organisation, en particulier pour les soins de premier recours. Sur ce sujet, la ministre des affaires sociales et de la santé a annoncé un « pacte territoire-santé » le 13 décembre dernier, élaboré à partir de constats partagés. Trois types de difficultés compliquent l'accès aux soins de premier recours : la diminution du « temps disponible » de médecins, en particulier de généralistes ; l'augmentation des maladies chroniques et de la perte d'autonomie ; la moindre attractivité des territoires isolés, qu'ils soient urbains ou ruraux, liée aux contraintes personnelles des jeunes générations de médecins ainsi qu'à la diminution de leur nombre, qui leur ouvre une plus large capacité de choix pour leur lieu d'exercice.
Enfin, un dernier enjeu est celui de la baisse des moyens, en particulier humains, dont disposent le régulateur et le financeur. En d'autres termes, les ARS doivent aujourd'hui faire mieux avec moins de moyens. L'obligation d'efficience qui s'applique à l'ensemble du système de santé touche également les ARS. C'est sans doute pour cette raison que le Premier ministre a évoqué cette question comme l'une des dix orientations de la stratégie nationale de santé, dont les ARS sont des acteurs.
Trois thématiques particulières tiennent à coeur des directeurs généraux, en particulier dans la définition des PRS : la politique du parcours de santé et le renforcement des soins de premier recours ; la collaboration entre les professionnels de santé, pour laquelle il est nécessaire d'aller plus loin que ce qui est prévu à l'article 51 de la loi HPST ; l'amélioration de la gouvernance du système de santé. Sur ce dernier point, la création des ARS a été une deuxième étape, après celle des ARH. Le Gouvernement semble aujourd'hui prêt à en engager une nouvelle.
Je vais m'attarder sur quelques points issus des constats effectués la Cour des comptes dans son rapport de septembre 2012. Elle estime que les administrations centrales n'ont pas tiré toutes les conséquences de la création des ARS. Elle s'interroge sur le degré d'autonomie dont disposent les agences et regrette le maintien d'une organisation « en tuyaux d'orgues » de la politique de santé.
La collaboration avec les services de l'assurance maladie constitue un autre point d'attention pour la Cour. A-t-elle, de votre point de vue, totalement intégré et accepté le fait qu'une partie de ses compétences soit désormais exercée par les ARS ?
La Cour s'interroge également sur les leviers financiers dont disposent les ARS. Nonobstant la mise en place du fonds d'intervention régional (FIR), il semble que les marges de manoeuvre susceptibles de permettre aux agences d'asseoir la transversalité de leurs actions soient réduites.
Les ARS regroupent des personnels aux statuts différents. Dans quelle mesure arrivent-ils à travailler ensemble ? Quelles sont les difficultés rencontrées dans la gestion des ressources humaines ?
Dans le cadre de la rédaction de notre rapport sur la tarification à l'activité (T2A), nous avons visité plusieurs ARS. J'ai été surpris par la qualité des locaux. Que sont devenus les locaux quittés par les services aujourd'hui regroupés au sein des ARS ?
Les personnels de l'Etat (affectés aux ARS et non en situation de détachement) et de l'assurance maladie ont conservé leur statut et il n'existe pas de statut propre aux ARS. Cela crée, il est vrai, une complexité juridique et limite l'autonomie dont disposent les ARS pour effectuer des recrutements ou définir les modalités d'évolution des carrières. Faut-il espérer autre chose ? Nous n'avons pas la réponse à cette question. A partir du moment où la loi n'a pas prévu de statut spécifique pour les ARS, il nous appartient de respecter le cadre fixé au plan national.
Au-delà de la complexité juridique que crée cette diversité des statuts, il existe également une difficulté en termes de gestion des ressources humaines. Nos agences doivent être capables d'accompagner les évolutions du système de santé telles qu'elles sont définies dans la stratégie nationale de santé. A côté des missions régaliennes qui leur sont confiées, elles doivent contribuer à améliorer l'efficience du système de santé. De ce point de vue, le manque de flexibilité dans la gestion des personnels peut rendre plus long l'accompagnement de ces évolutions. Je souligne cependant que la diversité des statuts n'empêche pas les agents de se sentir pleinement intégrés dans les ARS ni l'émergence progressive d'une identité commune. Certes, des divergences de statuts, de rémunération et de rythme de travail demeurent, par exemple entre les médecins conseil de l'assurance maladie et les médecins inspecteurs de santé publique de l'Etat. De façon marginale, cela peut créer un frein à l'émergence une identité partagée. Cependant, à titre personnel, je ne pense pas qu'il s'agisse là du handicap majeur auquel sont confrontées les ARS.
En ce qui concerne l'immobilier, tous les sièges et toutes les délégations départementales des ARS n'ont pas été installés dans des locaux neufs. Une grande partie des locaux occupés précédemment par les services fusionnés ont été repris. Cependant, des baux locatifs privés ont parfois dû être conclus en raison du manque de place à certains endroits. Des investissements ont également été réalisés pour densifier les locaux, conformément aux orientations fixées par la politique de réforme de l'administration territoriale de l'Etat. En dehors de ces investissements, le regroupement des personnels s'est effectué à budget constant. En Picardie, l'ARS s'est installée dans les anciens locaux de la direction régionale des affaires sanitaires et sociales (Drass). Cela n'a pas été possible en Rhône-Alpes où l'ARS a dû conclure de nouveaux baux privés. Le préfet de région, responsable du schéma immobilier de l'Etat, n'était pas en mesure de trouver dans le domaine public des locaux susceptibles de nous accueillir. Au-delà de la diversité des situations, l'objectif commun est de regrouper l'ensemble des agents travaillant au siège de l'ARS ou en délégation départementale sur un seul site. Cela ne sera possible pour l'ARS Rhône-Alpes qu'en septembre prochain.
Je passe maintenant à la question de l'organisation du pilotage des ARS. Il faut considérer les évolutions sur ce point au regard de la situation antérieure. Les actuels dirigeants d'ARS qui étaient auparavant directeurs d'ARH estiment que les dispositifs de coordination ont considérablement évolué, à la fois entre les administrations centrales et avec les régimes d'assurance maladie. On a aujourd'hui le sentiment que le pilotage de la politique de santé nationale, qui s'effectue au sein du conseil national de pilotage (CNP) des ARS, est véritablement unifié. La coordination du réseau des ARS est assurée par le secrétariat général des ministères chargés des affaires sociales, qui a connu une forte montée en puissance. C'est pourquoi je ne parlerai pas d'une structure en tuyaux d'orgue : il existe une cohérence entre l'organisation opérationnelle du réseau des ARS, sous l'autorité du secrétaire général, et le pilotage par le CNP, coordonné par ce même secrétaire général. Ces orientations transparaissent bien dans la feuille de route qui a été adressée par la ministre des affaires sociales et de la santé au nouveau secrétaire général, Denis Piveteau.
Une étape supplémentaire a ainsi été franchie depuis la création des ARS. De manière tout à fait nouvelle, toutes les instructions émanant des administrations centrales sont désormais validées par le conseil national de pilotage, ce qui permet de faire jouer la transversalité. Les administrations centrales doivent davantage se tourner vers le cadrage stratégique des ARS, et notamment développer une compétence d'appui à travers l'émission de guides méthodologiques. L'évolution est donc très satisfaisante sur cette question, notamment par rapport aux constats faits par la Cour des comptes en septembre dernier.
S'agissant de la collaboration avec l'assurance maladie, des adaptations ont été nécessaires, en particulier entre le régime général et les ARS. De l'avis unanime des directeurs généraux d'ARS, les commissions régionales de gestion du risque, qui réunissent les trois principaux régimes d'assurance maladie, les complémentaires santé ainsi que les ARS, fonctionnent aujourd'hui de manière satisfaisante. Cette collaboration régulière, autour des dix programmes de gestion du risque fixés nationalement, a instauré une habitude et une volonté de travail en commun. Le conseil national de pilotage comprend des représentants de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, ce qui a également permis une évolution des mentalités. L'assurance maladie et les ARS ont aujourd'hui la volonté d'unir leurs forces autour de l'enjeu de l'efficience.
Une voie de progrès dans la collaboration entre les ARS et l'assurance maladie, qui a été proposée par le conseil national de pilotage, réside dans la thématique de la pertinence des actes. Il existe des difficultés autour de la logique de régulation prix/volume, en particulier sur l'activité hospitalière de court séjour du fait de la tarification à l'activité. On constate des taux de recours et des réalisations d'actes très différents d'une région à l'autre et même d'un territoire à l'autre. Des travaux sont actuellement menés qui recouvrent le sujet plus global de la pertinence des séjours, des modes de prise en charge et des parcours de soins. C'est à mon avis l'un des sujets sur lesquels les ARS et l'assurance maladie peuvent le plus unir leurs forces et leurs réflexions.
Nous avions bien relevé ce problème de la pertinence des actes dans notre rapport consacré au financement des établissements de santé. Il nous avait été signalé que jusqu'à 20 % des actes seraient non pertinents ou redondants, ce qui constitue à la fois une source de désagréments pour les patients, voire d'effets iatrogènes, et un coût supplémentaire pour l'assurance maladie.
Un contrôle des actes nécessiterait des bataillons de contrôleurs dont nous ne disposons pas. Nous cherchons à évaluer, à travers certaines expérimentations et par la concertation avec les acteurs, comment pourrait être améliorée la pertinence des actes dans leurs indications et leur réalisation. Un travail est également mené sur la pertinence des prises en charge, notamment concernant la chirurgie ambulatoire dans le secteur hospitalier. Ces orientations nécessitent un travail de terrain très approfondi de l'assurance maladie et des ARS.
A propos du troisième point que vous avez soulevé, qui concernait le financement des ARS et le FIR, se pose la question du levier financier permettant aux ARS de mettre en oeuvre leur mission d'accompagnement de la transversalité. Le FIR, qui a été mis en place dans le courant de l'année 2012, représente à ce titre une avancée majeure, bien que d'un montant modeste : il représentait en 2012 environ 0,7 % des dépenses de l'Ondam et 1,5 milliard d'euros sur les 42 milliards mobilisables par les ARS. Au-delà d'une augmentation du montant alloué au FIR, qui permettrait de donner plus de marges de manoeuvre aux ARS pour faire vivre la transversalité, deux orientations peuvent être intéressantes. D'une part, prévoir que le montant alloué au FIR puisse évoluer plus rapidement que l'Ondam permettrait symboliquement de mettre l'accent sur l'enjeu de la territorialisation des politiques de santé, qui ne peut se faire que dans la transversalité et non dans la logique de cloisonnement des enveloppes. D'autre part, nous avons proposé il y a quelques mois d'isoler le FIR comme un sous-objectif de l'Ondam et ainsi de le sanctuariser.
Vous avez indiqué, dans les réponses écrites que vous nous avez adressées, que la clé de la réussite dans l'accompagnement par les parlementaires et les grands élus locaux de la politique régionale de santé réside dans leur information régulière et dans le contact direct entre ces élus et le directeur général de l'ARS, et qu'il faut dès lors assurer avec ces élus des échanges réguliers sur la santé et l'autonomie. Je voudrais d'abord signaler que je suis très satisfait par cette réponse car la réalité est souvent différente sur le terrain, avec des réponses toutes faites....
J'aimerais ensuite vous interroger sur plusieurs points. Est-il possible de jouer au niveau régional entre les deux enveloppes sanitaire et médico-sociale ? S'agissant des relations entre les ARS et les unions régionales des professionnels de santé, le dialogue n'est-il pas souvent difficile à instaurer, comme j'en ai le sentiment de la part des professionnels de santé ? Dans ma région, la Franche-Comté, la désertification médicale pose problème ; que pensez-vous du récent rapport sénatorial sur ce sujet ? Une politique de restructuration des plateaux techniques est-elle prévue dans chaque région ? Enfin, quelles sont les relations entre les ARS et les centres régionaux de pharmacovigilance ?
En tant que directeur général d'ARS, je reçois de très nombreuses demandes qui émanent à la fois des élus et des professionnels de santé. Un bon directeur général d'ARS doit être capable de trouver le bon dispositif pour écouter tous ces acteurs, même s'il ne peut pas répondre à toutes leurs demandes. Il doit aussi pouvoir donner aux élus des éléments qui leur permettent d'expliquer la politique de santé que nous menons, dans un contexte où les attentes adressées au système de santé sont très fortes et vont en s'amplifiant.
S'agissant des marges de manoeuvre financières au niveau régional, il existe entre les enveloppes sanitaire et médico-sociale une fongibilité asymétrique au profit du secteur médico-social et de la prévention. Cette fongibilité s'effectue sur des opérations de conversion spécifiques et ponctuelles à la demande d'un directeur général d'ARS. Il ne lui est pas possible de transférer une enveloppe globale d'un secteur à l'autre. Une réflexion émergente chez les directeurs généraux d'ARS propose que soient renforcées les possibilités de fongibilité en dehors du FIR et donc l'autonomie des ARS. Cela permettrait de faire de la fongibilité au profit par exemple du secteur médico-social, ou bien en direction des soins de premier recours, qui sont au coeur de la coordination des parcours de santé, ou encore pour la prévention et l'éducation thérapeutique, qui sont actuellement les parents pauvres de notre politique.
Le dialogue avec les professionnels de santé a beaucoup progressé avec la mise en place des dix unions régionales de professionnels de santé (URPS) prévues par la loi HPST. L'existence d'un système de représentation des professionnels de santé est un enjeu considérable : on compte en effet 16 000 professionnels de santé libéraux dans la région Rhône-Alpes, mais ce constat vaut pour l'ensemble des régions. Deux difficultés doivent être mentionnées : la représentation de l'ensemble des professionnels de santé sous forme de fédérations régionales, qui n'est pas encore mise en place ; la question de la gouvernance locale et nationale entre l'assurance maladie, qui gère la convention avec les professionnels de santé, l'Etat et les ARS. C'est le coeur de la future réflexion sur la stratégie nationale de santé. Alors que les ARH relevaient d'une logique hospitalo-centrée traditionnelle, les directeurs généraux ont dû adapter leurs compétences et celles de leurs agents pour prendre en compte les attentes des professionnels de santé libéraux. L'évolution de la collaboration entre professionnels de santé, qui doit être promue par les ARS, est aujourd'hui un enjeu majeur dans l'objectif d'améliorer les parcours de santé des patients.
Cela m'amène à la question de la désertification, puisque celle-ci concerne en particulier les professionnels de santé en médecine générale. Un très grand nombre des recommandations préconisées par le rapport d'information du Sénat consacré aux déserts médicaux sont proches de celles qui figurent dans le pacte territoire-santé qui a été engagé le 13 décembre dernier par la ministre des affaires sociales et de la santé. L'une des mesures préconisées, la généralisation de la régulation de l'installation des professionnels de santé, fait cependant débat et ne figure pas dans le pacte.
Je peux comprendre que la question de la liberté d'installation se pose, puisqu'il est très difficile de faire venir des jeunes médecins dans des territoires isolés. Je considère cependant à titre personnel que les conditions ne sont pas réunies pour négocier une régulation de l'installation en médecine générale. Nous sommes aujourd'hui engagés au niveau régional avec l'ensemble des acteurs, les conseils généraux et régionaux, l'assurance-maladie, les URPS, les conseils de l'ordre, pour développer les douze mesures du pacte territoire-santé. Nous voulons montrer que l'on peut organiser le système différemment, notamment dans la direction de la collaboration entre professionnels de santé.
Cette évolution est aujourd'hui une nécessité, puisque des rapports montrent que nous allons perdre, entre 2006 et 2020, près de 40 % du temps disponible en médecine générale rapporté à la population de plus de soixante-cinq ans. Cette perte de temps disponible est liée au développement des maladies chroniques et au vieillissement de la population, mais aussi au vieillissement des médecins eux-mêmes, à leur féminisation, à la réduction générale du temps de travail, à la diminution du nombre de médecins... Il en découlera un changement de modèle qui ne pourra se résoudre que par la modification de l'organisation entre professionnels de santé.
Votre discours est en complète contradiction avec les propos de M. Chassang, président de la confédération des syndicats médicaux français, qui a indiqué qu'il y aurait au contraire trop de médecins du fait de l'ouverture du numerus clausus ces dernières années. Arrêtons de tenir des discours en contradiction avec les réalités que nous constatons sur le terrain ! Je ne suis pas d'accord pour dire qu'on ne peut pas négocier avec les jeunes médecins. En tant qu'ingénieur, j'ai été lié à la sortie d'école par un contrat que je devais tenir, sans quoi je devais rembourser mes études. Ne serait-il pas possible de le faire avec des étudiants en médecine, avec des conditions qui restent à définir, comme le Sénat le propose ? Il est indispensable d'organiser des relations entre la médecine libérale et la médecine hospitalière pour faire des économies et assurer la qualité des soins, ce qui passe par une politique volontariste.
D'après les projections statistiques issues de différentes sources concordantes, compte tenu de la croissance démographique, le nombre de médecins par habitant atteindra son niveau le plus bas à l'horizon 2020-2025. Nous ne reviendrons au nombre actuel qu'en 2030. Ce constat fait consensus. J'ignore les propos tenus à ce sujet par le Président de la CSMF.
Indépendamment des évolutions démographiques, nous allons devoir faire face à la croissance du nombre de patients atteints de pathologies chroniques dont la proportion s'élèvera à vingt pour cent en 2030 contre quinze pour cent aujourd'hui. Le temps nécessaire à chaque médecin pour la prise en charge de ces patients va progressivement augmenter. Il s'agit d'un changement de paradigme considérable. Le doublement du numerus clausus n'y changera rien.
Je ne peux répondre à votre interpellation sur la possibilité de contractualisation avec les médecins car il revient au Gouvernement de définir la politique de santé nationale que les ARS appliquent sur leur territoire de compétence. Je constate cependant qu'un jeune médecin qui démarre aujourd'hui sa carrière à l'hôpital se forme pendant une période d'une douzaine d'années. A mon sens, la contractualisation que vous évoquez ne pourrait être introduite que pour les futurs médecins au moment où ils démarrent leurs études. Mais dans ce cas, les bénéfices attendus ne se manifesteront qu'après dix ou quatorze ans.
J'ai assisté hier, dans mon département, à la présentation du pacte territoire-santé par l'ARS de Picardie et souhaiterais vous livrer quelques chiffres. En 2011, 6 000 nouveaux médecins sont arrivés sur le marché du travail. Parmi eux, moins de dix pour cent s'installent dans le secteur libéral. Plus de vingt pour cent effectuent des remplacements, qui présentent le double avantage de moindres contraintes et de rémunérations plus élevées. Environ soixante pour cent se dirigent vers la médecine salariée. Dans ces conditions, la moyenne d'âge d'installation des médecins libéraux s'établit aujourd'hui à trente-huit ans. En outre, les femmes représentent dorénavant une majorité de nouveaux médecins.
Je souhaiterais connaître votre analyse sur trois questions. Premièrement, il y a quelques mois, la Fédération hospitalière de France (FHF) appelait de ses voeux un moratoire sur les projets régionaux de santé (PRS) en soulignant que la voix des élus n'était pas assez prise en compte et en regrettant l'excès de technocratie dans ce domaine.
Deuxièmement, les interlocuteurs que nous rencontrons affirment souvent qu'ils souffrent d'une forme d'hégémonie de la part des directeurs d'ARS dans les relations qu'ils entretiennent avec ces derniers. Cela met mal à l'aise les chefs d'établissement au regard de ce que représentent leurs propres responsabilités.
Troisièmement, lors de nos auditions préparatoires à l'examen du projet de loi relatif à la biologie médicale, il nous est apparu que le rôle des ARS en tant que producteur de réglementation était minime et que le comité français d'accréditation (Cofrac) effectuait non seulement de l'expertise mais aussi de la réglementation. Ne faudrait-il pas réaffirmer le rôle des ARS de ce point de vue ?
S'agissant des PRS, il avait été décidé par le conseil national de pilotage que l'ensemble des projets devait être adopté avant la fin de l'année 2012. La demande de la FHF à la ministre est demeurée sans suite.
En ce qui concerne le rôle des élus, question qu'il faudrait étudier au cas par cas selon le territoire et la collectivité concernés, je rappelle que l'élaboration des PRS a été un processus très long pour toutes les ARS (presque deux ans pour des régions comme l'Ile-de-France et Rhône-Alpes). Après la phase de concertation, la loi oblige les ARS à engager une consultation juridique auprès de l'ensemble des collectivités, dont en particulier les conseils généraux et les communes. Les avis émis par les conseils généraux à cette occasion portaient majoritairement sur les politiques médico-sociales pour les personnes âgées et handicapées mais pas seulement. En ce qui concerne ma propre région Rhône-Alpes, la moitié des départements a émis un avis dans le domaine des soins de premier recours. L'un des départements a émis un avis réservé sur le PRS parce qu'il considérait que les moyens alloués aux questions de la démographie médicale et d'installation des médecins étaient insuffisants. Au regard des observations émises au cours de la consultation, nous avons par exemple renforcé la partie relative au soutien aux centres de santé. Les élus ont donc eu l'occasion de s'exprimer et de peser dans les débats sur l'élaboration des projets. A l'inverse des directeurs d'établissements sanitaires ou médico-sociaux ou des représentants de fédérations, les élus ne sont peut-être pas toujours assez disponibles ou impliqués dans la Conférence régionale de santé et de l'autonomie (CRSA) pour avoir l'impression de peser sur le contenu du PRS.
En ce qui concerne les relations entre les directeurs des ARS et les chefs d'établissement, elles ne sont pas de nature hégémonique. Le secteur hospitalier, en particulier public, a exprimé des inquiétudes face aux enjeux de la démographie médicale, des fortes différences de rémunération entre certaines spécialités selon qu'elles relèvent du secteur hospitalier public ou du secteur privé, de l'évolution tendancielle des dépenses de l'hôpital et des difficultés de la gestion hospitalière publique. A cela s'ajoute l'exigence de réduction du déficit hospitalier qui se trouve dans le contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens conclu entre le ministre et les directeurs généraux d'ARS. La déclinaison sur chaque territoire des actions prévues pour faire face à l'ensemble de ces exigences a d'abord nécessité des ajustements et des concertations avec les directeurs d'hôpitaux. Je pense qu'après ce préalable, l'acculturation a eu lieu de part et d'autre. Il a fallu que chacun trouve sa place dans une organisation de l'ARS qui devenait très vaste et s'intéressait non plus seulement au secteur hospitalier mais aussi à la prévention, au secteur médico-social, à la santé environnementale ou encore à la veille et la sécurité sanitaires. Le secteur hospitalier a pu avoir l'impression d'une perte d'importance relative dans les missions conférées aux ARS, ce qui explique les inquiétudes dont vous avez fait état.
Pour répondre à votre dernière observation, les ARS ne suivent pas la question de l'accréditation des laboratoires de biologie médicale qui relève du Cofrac. Les normes émises dans ce domaine le sont soit au niveau national, soit dans le cadre de l'accréditation. Dès lors que les ARS vont perdre dix pour cent de leurs effectifs sur une période d'environ cinq ans alors même que de nouvelles missions leur ont été confiées, il n'est pas possible d'envisager que les ARS traitent également de la question du contrôle de ce secteur. Cela étant dit, certaines procédures pérennes de contrôle administratif, comme par exemple celles qui concernent les pharmacies d'officine, pourraient faire l'objet de réaménagements, sans que l'on touche au coeur des compétences des ARS.
Les présidents de conseils généraux connaissent bien l'exigence d'efficience au sein de leur propre collectivité. Les ARS sont la déclinaison d'une politique nationale au plan local. Il est vrai que les présidents de conseil généraux ont dû être vigilants pour éviter tout rapport hégémonique entre ARS et établissements hospitaliers. L'expérience aidant, chacun a trouvé sa place.
Vous proposez un abondement partiel du FIR par la CNSA, ce qui constituerait une forme de dévoiement. Il s'agit de fonds qui doivent revenir aux conseils généraux pour financer la prise en charge de la dépendance, donc le secteur médico-social. Les fonds qui seraient retirés à la CNSA le seraient automatiquement aux conseils généraux qui en ont besoin pour assurer le financement de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et la prestation de compensation du handicap (PCH). La fongibilité du FIR risquerait finalement de s'effectuer au détriment du secteur médico-social. Plus largement, il importe d'approfondir la réflexion sur les missions qui incombent à chaque acteur pour parvenir à une meilleure adéquation des tâches.
En outre, s'agissant des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens conclus avec les établissements, nous sommes confrontés à un problème d'incohérence des délais, puisque les objectifs sont définis en début d'année tandis que les moyens définitifs ne le sont qu'en fin de période en fonction de l'enveloppe budgétaire. Une amélioration du dispositif pour mieux coordonner les actions s'avère nécessaire.
En tant que président de conseil général, je peux personnellement témoigner de l'importance des procédures de consultation engagées par les ARS. Le partage de l'information est une évolution positive. Cependant, les informations transmises par les agences au titre de la concertation sont si nombreuses qu'il n'est pas toujours possible de faire face.
Par ailleurs, l'élévation de l'âge moyen d'installation des médecins pose problème au regard des retraites servies par la caisse de retraite autonome des médecins de France (Carmf).
J'attire votre attention sur l'évolution engagée par les maisons de santé et les caisses d'assurance maladie : la rétribution des médecins ne dépend plus uniquement de l'acte mais aussi d'autres paramètres comme le degré d'informatisation des cabinets ou l'application de programmes de santé comme dans le domaine du diabète. Au final, les actes n'étant pas revalorisés, l'évolution des rétributions est surtout liée à des actes qui sont à mi-chemin avec la médecine salariée. Ceci me semble constituer une bonne synthèse pour ne pas passer trop brutalement d'un système de rémunération à l'acte à un système de médecine salariée.
J'ai été interpellé par le discours du Premier ministre sur la stratégie nationale de santé. Il semble privilégier les pôles de santé par rapport aux maisons de santé. J'aimerais avoir des précisions sur ce point. J'ai le sentiment que les maisons de santé répondent bien aux besoins observés sur le terrain, en particulier dans les territoires ruraux.
Je tiens à préciser que la prévention ne relève pas uniquement de l'assurance maladie ou des ARS et que les départements conduisent des actions dans ce domaine pour le secteur médico-social.
J'ai accompagné le Premier ministre lors de son déplacement en Isère où il a notamment visité le pôle de santé de Saint-Martin-d'Hères. Ces structures peuvent exister à la fois en zone urbaine et rurale.
La principale particularité des centres de santé, qui peuvent être pluriprofessionnels ou non, est que les médecins qui y travaillent sont salariés. Les centres de santé sont inclus dans les douze mesures du pacte territoire-santé. Ils sont présentés comme un modèle à développer car répondant aux problèmes de précarité sociale et aux aspirations de plus en plus de jeunes médecins, qui souhaitent être salariés. Nous souhaitons développer l'installation de centres de santé portés par des hôpitaux publics, en particulier des hôpitaux de proximité. Les hôpitaux disposent en effet de la logistique nécessaire ainsi que de la capacité à recruter des médecins. Ils ont les moyens de développer un projet de territoire avec les centres de santé. Pour le moment, les centres de santé sont le plus souvent portés par des mutuelles. Ils le sont dans une moindre mesure par des collectivités territoriales et par le secteur associatif. De mon point de vue, ces structures offrent une réponse à la mise en place de soins de premier recours coordonnés et organisés. Développer les centres de santé ne constitue en aucun cas une remise en cause du modèle libéral d'exercice de la médecine.
Les maisons de santé et les pôles de santé s'inscrivent plus directement dans le modèle libéral. Contrairement au pôle de santé, la maison de santé n'est implantée qu'à un seul endroit. Elle est pluriprofessionnelle et regroupe au minimum trois professionnels de santé. Les maisons de santé les plus importantes en regroupent une vingtaine. Les premières maisons de santé ont été lancées à l'été 2010 dans le sillon de la loi HPST, sur la base d'un projet élaboré précédemment par l'assurance maladie.
De leur côté, les pôles de santé ont pour objectif de mettre en réseau des professionnels de santé, regroupés ou non au sein de maisons de santé, qui ne travaillent pas au même endroit. Le Premier ministre a en effet souligné la nécessité, dans certains territoires ruraux, de faire travailler les professionnels de santé en réseau.
Les deux solutions, maisons et pôles de santé, ne s'opposent pas mais sont complémentaires. Les propos du Premier ministre ont en effet pu porter à confusion.
Les ARS disposent d'une enveloppe au sein du FIR pour financer les maisons et les pôles de santé. La plateforme d'appui aux professionnels de santé (Paps), qui réunit l'assurance maladie, l'ARS, le conseil régional, les conseils généraux, les internes en médecine et l'URPS, permet de cofinancer l'immobilier selon des modalités communes.
Pour ce qui est de la concertation, les critiques sont connues : l'excès comme l'insuffisance de concertation sont toujours reprochés. C'est le législateur qui a souhaité un tel dispositif : la conférence régionale de santé et de l'autonomie et ses quatre commissions spécialisées, la conférence de territoire, les deux commissions de coordination des politiques publiques, compétentes en matière de prévention et pour le secteur médico-social. Les conseils généraux m'interpellent fréquemment sur le nombre de demandes de concertation qu'ils reçoivent. Peut-être faudra-t-il mieux structurer la démocratie sanitaire à l'avenir. Il est vrai que la préparation du PRS a été particulièrement chronophage. En Rhône-Alpes, elle a mobilisé 980 personnes extérieures à l'ARS pour un document final de 1 200 pages.
En ce qui concerne la CNSA, il n'est pas question de demander une enveloppe supplémentaire qui serait prélevée sur des ressources devant aller aux départements. Il s'agit de mobiliser, au sein de l'Ondam médico-social, des montants limités destinés à des actions transversales. Je pense en particulier au financement des filières gérontologiques.
Rien ne serait retiré aux fonds destinés aux départements pour abonder le FIR ?
L'Ondam médico-social n'est jamais affecté aux départements puisqu'il s'agit de financer les dépenses de soins des établissements médico-sociaux.
L'Ondam médico-social n'est en effet pas utilisé pour financer les dépenses des départements. En revanche, il est abondé par une partie du produit de la contribution de solidarité pour l'autonomie (CSA). C'est cet ensemble qui forme l'objectif global de dépenses (OGD). Les départements considèrent que le produit de la CSA doit être entièrement affecté aux départements pour le financement des prestations de solidarité, APA et PCH.
Le fait qu'une petite partie de l'Ondam médico-social soit affectée au FIR n'a aucune conséquence sur le niveau global de l'Ondam ni sur celui de l'OGD. L'objectif est notamment de mieux organiser le parcours de santé des personnes âgées. Une autre option, expérimentée dans certaines régions pour des montants limités, est d'utiliser l'enveloppe sanitaire du FIR pour financer des actions médico-sociales : il s'agit là de prémisses de fongibilité.
Je m'interroge sur les données de santé. De façon récurrente naissent des scandales liés à la mauvaise utilisation de certains médicaments. L'assurance maladie dispose d'une base très complète, le SNIIRAM puisqu'elle regroupe toutes les données relatives aux remboursements. Elle pourrait l'exploiter afin de fournir des indications sur les prescriptions déviantes par rapport à ce que prévoit l'autorisation de mise sur le marché. Aujourd'hui, l'assurance maladie semble protéger ces données. L'Institut des données de santé (IDS) travaille sur cette question. Faut-il aller vers plus d'ouverture ? Ne serait-ce pas un outil supplémentaire de prévention et de surveillance ?
Cette question nous éloigne du champ de compétence des ARS car elle revêt une dimension nationale. Beaucoup a été fait, au niveau des ARS, pour avoir accès aux bases de données. Au-delà de la surveillance du risque médicamenteux, l'exploitation de ces bases nous permet d'avoir des informations sur les parcours de soins. Il s'agit donc d'une question importante.
Il me semble que l'assurance maladie a parfaitement les moyens d'exploiter ses bases de données afin de détecter les problèmes de prescriptions.
Elle n'a pas nécessairement les moyens de réaliser des études poussées. Et ce n'est pas son rôle premier.