Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission entend M. Christian Eckert, secrétaire d'État chargé du budget, sur le projet de loi de règlement pour 2015 et l'exécution des finances locales en 2015.
Nous recevons Christian Eckert pour nous présenter le projet de loi de règlement de l'exercice 2015 et faire le point sur l'exécution en 2015 des finances locales.
Notre commission s'attache depuis longtemps à analyser à la fois l'exécution du budget de l'État, mais aussi de l'ensemble des administrations publiques, puisque c'est bien l'ensemble des finances publiques qui est pris en compte pour l'application du Pacte de stabilité et de croissance et, en particulier, l'application du seuil de déficit de 3 % du PIB.
Il est donc utile que le secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget, qui en avait d'ailleurs exprimé le souhait, puisse présenter la contribution des collectivités territoriales à la trajectoire des finances publiques en 2015.
Monsieur le secrétaire d'État, je vais vous céder la parole pour une intervention liminaire. Vous serez ensuite interrogé par le rapporteur général et par les rapporteurs spéciaux qui préparent tous, en ce moment, leurs observations sur l'exécution, en 2015, des crédits dont ils ont la charge.
secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. - Dans tout débat budgétaire, les chiffres de l'exécution sont incontournables.
J'essaierai d'aller à l'essentiel en vous présentant le projet de loi de règlement du budget et l'approbation des comptes 2015, puis les résultats de l'exécution des finances locales. Je commencerai par un tour d'horizon de l'ensemble des administrations publiques et je me permets, à ce titre, de vous renvoyer à l'article liminaire du projet de loi de règlement.
Le premier constat est celui de la baisse ininterrompue du déficit public depuis le début de la législature. Il s'établit en 2015 à 3,6 % du PIB, alors qu'il avait atteint 5,1 % en 2011.
Deuxième constat : pour la première fois depuis 2000, le solde public s'améliore, alors que les prélèvements obligatoires diminuent.
Pour la deuxième année consécutive, la progression de la dépense publique, à seulement 0,9 % en valeur, hors crédits d'impôt, est historiquement basse. Grâce à cette politique, la dette est en train de se stabiliser.
J'en viens maintenant à la présentation des résultats du budget de l'État.
Pour la dixième année consécutive, les comptes de l'État ont été certifiés par la Cour des comptes. Cela permet de garantir la qualité comptable et le caractère incontestable des chiffres que nous évoquons. C'est la première condition d'un débat sérieux sur les finances publiques.
La baisse du déficit budgétaire de 15 milliards d'euros par rapport à 2014 constitue l'évolution majeure des comptes 2015. Je tiens à rappeler que le déficit s'est amélioré de près de 4 milliards d'euros par rapport aux anticipations de la loi de finances initiale. Fin 2015, il s'élevait à 70,5 milliards d'euros. S'il reste du chemin à parcourir avant le retour à l'équilibre budgétaire, il s'agit tout de même de son plus bas niveau depuis 2008.
La norme de dépense a également été respectée, alors même que cet objectif avait été durci de 700 millions d'euros en cours d'année. Des dépenses nouvelles, notamment pour assurer la sécurité des Français, ont été financées au sein de cette enveloppe.
L'exercice 2015 prouve que notre manière de faire des économies est entièrement compatible avec une gestion publique de qualité. D'exécution à exécution, nous avons réduit de 1,4 milliard d'euros la dépense de l'État, hors charges d'intérêts et pensions.
Dans le même temps, nous avons apuré la dette de l'État envers la sécurité sociale et réduit ses dettes à l'égard des fournisseurs. On nous parle toujours de reports de charge, d'augmentation de la dette de l'État envers la sécurité sociale, d'économies de constatation en pointant la charge de la dette... Or, indépendamment de ces trois facteurs, les dépenses de l'État ont été réduites, d'exécution à exécution, de 1,4 milliard d'euros.
Le budget 2015 repose également sur des prévisions prudentes de recettes. Alors que le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) a connu, en 2015, une montée en charge plus rapide que prévu, alors que l'inflation a été nettement moindre que prévu, les recettes perçues par le budget général de l'État ont été supérieures de 1 milliard d'euros aux prévisions de la loi de finances initiale.
Je me souviens d'un mois de juin où beaucoup nous disaient qu'il nous manquerait 10 milliards d'euros... Ils avaient tort : nous avons dégagé 1 milliard d'euros de recettes supplémentaires ! Et même si, par exemple, les recettes de TVA sont très directement liées à l'inflation, l'ensemble des recettes a été conforme, et même supérieur, à nos prévisions.
Le produit des recettes a également été soutenu par le rendement du contrôle fiscal. Les moyens déployés en matière de lutte contre la fraude se traduisent par une augmentation de 1,8 milliard d'euros des encaissements au titre du contrôle fiscal. Ces encaissements - je parle bien d'encaissements et non de notifications - ont atteint 12,2 milliards d'euros en 2015.
Je voudrais également revenir sur l'évolution du déficit de l'État. Certains effectuent des retraitements au motif que tel ou tel événement serait exceptionnel et soulignent que le déficit ainsi corrigé augmente. La détermination du caractère exceptionnel d'un événement budgétaire est subjective. À mon sens, le seul juge de paix est le déficit retenu à l'article premier de ce projet de loi. La baisse de 15 milliards d'euros par rapport au déficit de la loi de règlement pour 2014 est un chiffre incontestable, issu de la comptabilité de l'État.
Bien entendu, nous pouvons tous convenir que le deuxième programme d'investissements d'avenir (PIA), constituait bien un élément exceptionnel en 2014, à hauteur de 12 milliards d'euros. Aller au-delà serait périlleux.
À ceux qui cherchent malgré tout à se livrer à cet exercice, je peux suggérer quelques corrections : en quoi ne serait-il pas légitime de retrancher les dépenses engagées pour la sécurité des Français ou encore le montant de la compensation des effets du pacte de responsabilité sur la sécurité sociale ? En effet, l'État a pris à sa charge, en 2015, près de 5 milliards d'euros au titre d'allégements de cotisations qui auraient, sans cela, pesé sur les comptes de la Sécurité sociale.
Je vous rappelle que l'essentiel de l'aide personnalisée au logement (APL), auparavant financée par la branche famille, a été transféré vers l'État. J'insiste sur cette compensation : c'est bien le budget de l'État qui compense systématiquement les pertes de recettes de la sécurité sociale. Or, malgré cette compensation, le déficit de l'État s'est réduit en 2015.
Venons-en à l'exécution des budgets des collectivités territoriales en 2015.
Comme vous le savez, en particulier dans cette assemblée, les constats financiers sur la situation des collectivités locales sont nécessairement globaux. Ils ne peuvent porter que sur une évolution moyenne des finances locales, laquelle ne rend pas suffisamment compte de la grande diversité des cas particuliers.
Je voudrais dresser avec vous quelques constats, tous fondés sur la consolidation des enregistrements comptables - définitifs - réalisés par la Direction générale des finances publiques, la DGFiP.
Ces chiffres sont aussi utilisés pour l'établissement du rapport annuel de l'Observatoire des finances locales, dont fait partie votre collègue Charles Guené. Les divergences - tout à fait minimes - que vous pourriez trouver entre les chiffres de la DGFiP et ceux de l'Observatoire ne résultent que de retraitements techniques et ne remettent en cause aucun des constats que je voudrais partager avec vous.
Premier constat, les recettes réelles de fonctionnement des collectivités locales ont progressé en 2015, et ce malgré la baisse des dotations. Ce constat est valable, globalement, pour chaque catégorie de collectivité locale. La hausse est de 1,7 % pour les communes, de 2,8 % pour les EPCI, de 1,3 % pour les départements et de 2 % pour les régions.
Je le répète, il s'agit d'un constat général qui ne vaut certainement pas pour chacune des collectivités. Il me paraît néanmoins utile de le partager.
Nous avions prévu cette augmentation. Souvenez-vous, voilà un an ou deux, de nos discussions sur la baisse des dotations : je vous avais alors expliqué que les projections de nos services montraient que la baisse des dotations n'empêcherait pas une stabilité des recettes. Je m'étais trompé : elles ne sont pas restées stables, elles ont augmenté !
secrétaire d'État. - J'y reviendrai, monsieur Dallier.
Cette augmentation des recettes résulterait-elle d'une hausse de la fiscalité votée pour rattraper la baisse des dotations ? Si la fiscalité est dynamique, cela ne résulte que pour une part de hausses de fiscalité directes.
On constate, en 2015, un fort dynamisme de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), et des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), dont les taux, qui ne sont pas fixés par les collectivités territoriales, n'ont pas varié.
Indépendamment des hausses de taux, le produit de la CVAE a augmenté de 4,5 % et celui des DMTO de 16 %. Sur les premiers mois de l'année 2016, le produit des DMTO a augmenté de 13 %. Je ne vois dans ces hausses aucune décision d'élu.
Par ailleurs, la revalorisation forfaitaire des bases des taxes directes locales, adoptée par le Parlement avec un avis de sagesse de votre serviteur, explique environ un quart des hausses de produit fiscal.
L'évolution naturelle des bases, notamment les constructions - ce que l'on appelle les variations physiques des bases - en explique la moitié.
Les décisions de hausses de taux ne représentent donc qu'un quart de la hausse du produit fiscal de la taxe d'habitation, de la taxe foncière et de la cotisation foncière des entreprises, soit 726 millions d'euros sur 2,6 milliards d'euros. Je tiens à votre disposition le détail des chiffres que je viens de vous indiquer.
Nous avons également comparé les hausses de taux en 2015 - première année du cycle électoral - à celles du dernier cycle électoral, en 2009. Cette année-là, les taux de taxe d'habitation avaient augmenté de 3,5 % ; en 2015, ils ont augmenté de 1,2 %, soit trois fois moins.
En 2009, la taxe foncière a augmenté de 4,5 % ; en 2015, elle a augmenté de 1,3 % en moyenne, soit trois fois moins.
Pour dire les choses simplement, il arrive souvent que les premières années de mandat correspondent à des années d'augmentation des taux. Je constate qu'en 2015 ces augmentations ont été trois fois inférieures, s'agissant de la taxe d'habitation et de la taxe foncière, à celles de 2009. Ces chiffres sont incontestables et chacun pourra en tirer les leçons qu'il souhaite.
Troisième constat, les collectivités locales ont fait des efforts pour réduire leurs dépenses de fonctionnement.
Vous ne m'avez jamais entendu critiquer la gestion des collectivités territoriales. Au contraire, je considère que nous pouvons collectivement nous féliciter des efforts réels entrepris pour limiter la progression des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales qui ont augmenté de 1,67 % en 2015, alors qu'elles avaient augmenté de 2,53 % en 2014. Il ne s'agit pas d'un procès, mais d'un constat.
Ce ralentissement important est bienvenu. Il se retrouve, par exemple, dans les dépenses de personnel qui ont augmenté de 1,9 % en 2015, alors qu'elles avaient augmenté de 4,1 % en 2014.
Comme vous le savez, l'objectif du Gouvernement est de réaliser des économies pour réduire le taux de progression de la dépense publique. La dépense locale, qui représente environ 20 % de cette dépense publique, augmentait historiquement en moyenne de 3 % par an, hors transferts de compétences, soit un taux largement plus élevé que celui de la croissance.
Il est sain que cette progression soit moins dynamique. La politique du Gouvernement y a probablement contribué, notamment à travers la baisse des dotations. Nous pouvons, quoi qu'il en soit, nous féliciter de ce résultat.
Quatrième constat, la capacité d'autofinancement (CAF), des collectivités locales progresse. En effet, en 2015, les recettes de fonctionnement ont davantage augmenté - 1,73 % - que les dépenses de fonctionnement - 1,67 %. La CAF est donc en progression de 2,1 %.
Je le répète, il s'agit d'un constat global qui n'est pas applicable à tous. En moyenne, la CAF des départements et des régions se réduit, - 1,8 % pour les départements et - 2,7 % pour les régions, tandis que celle des communes et des intercommunalités augmente.
Cinquième constat, même si cette CAF progresse, l'investissement local continue de diminuer.
Je n'ai jamais dit que tout allait bien dans les finances locales. Si on a pu lire, ici ou là, que j'avais exprimé l'idée que ces finances étaient saines, il ne s'agissait aucunement d'une insulte - bien au contraire ! - à la gestion des élus.
Je constate néanmoins que si les sections de fonctionnement se portent globalement mieux, l'investissement a encore diminué de 8,3 %, hors remboursement d'emprunt, en 2015, après avoir baissé de 7,8 % en 2014.
Les causes de cette baisse, indéniablement plus marquée que dans les cycles électoraux habituels, ne résident pas uniquement dans la baisse des dotations. Les incertitudes liées à la réforme territoriale, au calendrier, au périmètre des nouvelles intercommunalités ont pu conduire à reporter certains projets.
Par ailleurs, le climat excessivement catastrophiste entretenu par certaines associations d'élus a pu aider. Avec un tel discours, quel élu pouvait anticiper que ses recettes et sa CAF allaient progresser en 2015 ?
Enfin, la hausse inédite de près de 15 % des dépôts des collectivités locales sur le compte du Trésor, qui sont passés de 30,6 à 35,1 milliards d'euros entre 2014 et 2015, illustre cet attentisme en matière d'investissement local.
Ces constats montrent que toutes les conditions sont aujourd'hui réunies pour un redémarrage de l'investissement local. Viennent s'y ajouter les mesures annoncées par le Président de la République : création du Fonds de soutien à l'investissement local doté de 1 milliard d'euros et élargissement du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA), en 2016 ; réduction de l'effort de baisse de dotations porté par le bloc communal de 1 milliard d'euros et majoration à 1,2 milliard d'euros du fonds de soutien à l'investissement en 2017.
Cette présentation des principaux éléments de l'exécution 2015 avec la transparence et la franchise habituelles touche à sa fin.
Je n'ai pas évoqué en détail la sécurité sociale, dont la situation financière, vous l'aurez certainement remarqué, s'est également améliorée.
Nous en convenons, le déficit budgétaire est inférieur à la prévision retenue en loi de finances initiale. Pour autant, partagez-vous le constat de la Cour des comptes selon lequel « l'amélioration apparente du déficit budgétaire par rapport à 2014 résulte largement de l'impact du deuxième programme d'investissements d'avenir lancé en 2014 et du versement au titre du mécanisme européen de stabilité (MES), effectué cette même année. Une fois ces éléments exceptionnels retraités, le solde budgétaire ne s'améliore que de 300 millions d'euros ».
Si cela reste une somme, nous nous inscrivons davantage dans la stabilité que dans l'amélioration. La Cour des comptes, qui mène sa réflexion dans la collégialité et dont l'objectivité est hors de doute, considère que l'amélioration du solde budgétaire n'est que de 300 millions d'euros. Quel est votre regard sur ces éléments exceptionnels ?
Les recettes se sont également améliorées, en partie en raison d'éléments exceptionnels. Je pense, par exemple, au travail du service de traitement des déclarations rectificatives, le STDR, et à la modification du régime des successions. Pourriez-vous distinguer la part pérenne de la part exceptionnelle des recettes ?
Le plan de lutte contre le terrorisme, annoncé en mars 2015, prévoyait 2 680 emplois supplémentaires. Pourriez-vous nous dire combien d'emplois ont été effectivement créés et pourvus au 31 décembre 2015 ?
Toujours dans le domaine de la sécurité, le garde des Sceaux, Jean-Jacques, Urvoas nous a dressé hier un constat plus qu'alarmiste sur la situation du ministère de la justice. Il a très honnêtement reconnu que les choses ne pourraient s'améliorer en une seule loi de finances. Que pensez-vous de la situation du ministère de la justice ?
À vous écouter, je me demandais pourquoi le Président de la République s'était engagé à réduire la baisse de la dotation globale de fonctionnement ? Si les choses vont si bien, si tous les comptes s'améliorent, ce n'était pas nécessaire...
La seule chose qui soit certaine, c'est la baisse nette de 13,42 % de l'investissement. C'est inquiétant, même si je conviens que la situation est très différente selon les collectivités. La situation des départements, par exemple, ne peut être comparée à celle du bloc local.
Enfin, j'ai demandé à vos services de m'indiquer le nombre de communes surveillées par le réseau d'alerte. On m'a répondu qu'il s'agissait d'une information confidentielle, ce que je trouve étonnant. Pourriez-vous au moins nous indiquer si le nombre de ces communes est stable ou s'il augmente ?
secrétaire d'État. - Non, il n'est pas normal que l'on vous ait fait cette réponse, monsieur le rapporteur général. Vous aurez communication de ce chiffre, dans les meilleurs délais. Je crois déjà pouvoir vous dire que le nombre de collectivités en réseau d'alerte n'a pas significativement augmenté.
N'attendez pas du secrétaire d'État chargé du budget qu'il critique l'objectivité de la Cour des comptes. Permettez-moi tout de même d'être en désaccord avec elle ; un désaccord n'est pas forcément une critique de l'institution.
Il est toujours facile de considérer les événements favorables comme exceptionnels et les autres non. Je n'ai jamais caché que le PIA était une source exceptionnelle d'accroissement du déficit en 2014. Encore faut-il sortir la part du PIA, soit 12 milliards d'euros dans le déficit quand on compare 2015 à 2014, comme je l'ai dit dans mon propos liminaire.
La participation au mécanisme européen de stabilité peut effectivement être considérée comme exceptionnelle. Mais alors quid, par exemple, des dépenses relatives aux apurements communautaires, dont nous avons hérité ? Nous avons certes obtenu des délais, mais nous payons les « difficultés de gestion » de nos prédécesseurs qui représentent 400 millions d'euros par an. L'année dernière, je crois même que nous avons réglé deux annuités, soit 800 millions d'euros ! Vous m'accorderez que ce n'est pas une paille.
Ne pourrait-on aussi considérer qu'une partie des dépenses de sécurité liées à la situation internationale, qu'il s'agisse d'opérations extérieures ou intérieures, soient exceptionnelles ?
La mise en oeuvre du Pacte ne peut-elle être également considérée comme exceptionnelle ? Nous parvenons à réduire le déficit de l'État tout en diminuant le poids des prélèvements obligatoires fet en compensant intégralement les pertes de recettes - à hauteur de 5 milliards d'euros - de la sécurité sociale.
Tous ces éléments devraient vous inciter à porter un regard quelque peu différent sur la rapidité de la diminution du déficit.
Les prévisions de recettes ont été relativement prudentes puisque - chose assez rare pour être soulignée - nous les avons réalisées malgré une inflation plus basse que prévu.
Vous m'interrogez sur le STDR. Ce service produira en 2016 des recettes à peu près équivalentes, peut-être même légèrement supérieures, à celles de 2015.
Le STDR n'a encore traité qu'un tiers des 45 000 dossiers qui lui ont été transmis. Il s'agit là, à l'évidence, d'une source de recettes importante pour plusieurs années. Chaque dossier reçu élargit l'assiette d'un certain nombre d'impôts : plus de 30 milliards d'euros d'avoirs ont déjà été révélés, au sens propre du terme.
Si les modalités de recouvrement des droits de succession ont évolué entre 2014 et 2015, ce ne sera pas le cas entre 2016 et 2015. Je ne pense donc pas qu'il s'agisse d'un ressaut exceptionnel, mais bien de recettes pérennes.
Il est trop tôt pour être affirmatif et nous ne sommes pas encore en mesure de chiffrer l'impôt sur le revenu, mais les indications dont nous disposons - TVA, impôts directs et même masse salariale - semblent montrer - je parle prudemment, je suis filmé - que les recettes seront en ligne avec nos prévisions.
Je ne suis pas encore en mesure de répondre à votre question sur les emplois. Nous sommes en pleine conférence budgétaire et nous faisons le point, ministère par ministère, sur les emplois effectivement occupés et ceux qui pourraient rester vacants. La plupart du temps, les ministres sont extrêmement sourcilleux sur le fait que les schémas d'emploi soient reproduits, voire augmentés, d'une année sur l'autre.
Nous travaillons avec Jean-Jacques Urvoas sur bien des sujets. Les reports de charges du ministère de la justice, sur une année ou plusieurs années, sont effectivement préoccupants. Je dois toutefois souligner qu'ils ont légèrement diminué - d'environ 30 millions d'euros - fin 2015 par rapport à fin 2014.
Il faut aller plus loin, il faut aller plus vite. J'ai proposé à Jean-Jacques Urvoas - cette information a été reprise par un grand quotidien du soir - que son administration travaille conjointement avec l'inspection générale des finances pour regarder la façon dont le ministère de la justice gère ses crédits.
La Cour des comptes s'est exprimée sur ce sujet. Si la Cour des comptes n'a pas toujours raison, elle n'a peut-être pas non plus toujours tort. Il faut regarder comment le ministère de la justice organise ses marchés publics et comment il s'intègre à la nouvelle direction des achats de l'État. La mutualisation des achats de l'État peut produire des économies extrêmement importantes. Je n'ai pas le temps, à moins que vous n'insistiez, de détailler ce point.
Nous aurons l'occasion, lors de la présentation du projet de loi de finances, de nous arrêter sur le ministère de la justice. N'ayant pas encore rencontré Jean-Jacques Urvoas dans le cadre des conférences budgétaires, je préfère ne pas en dire plus.
Par ailleurs, les moyens informatiques modernes me permettent de vous préciser que 1 600 communes étaient inscrites sur le réseau d'alerte, fin 2015, ce qui représente une légère hausse par rapport à 2014. Je vous présente mes excuses si la réponse qui vous a été transmise était incomplète.
Avec Charles Guené et d'autres collègues, nous avions travaillé sur la réforme de la taxe professionnelle. Je remercie le secrétaire d'État de reconnaître que la CVAE est une recette dynamique, en augmentation de 4,5 %.
secrétaire d'État. - Pardon mais il me semble que tel n'a pas toujours été le cas.
Je me souviens que beaucoup de collectivités locales, dont certaines situées dans l'agglomération parisienne, se sont étonnées, voilà deux ans, d'une baisse de la CVAE...
Je vais d'autant moins contester vos chiffres que nous avons les mêmes sources.
Selon vous, les résultats des collectivités locales donnent raison aux prévisions que vous aviez retenues, tout en reconnaissant qu'il existe un problème en matière d'investissement local. Malgré les pistes que vous proposez pour améliorer les choses, je pense que cette situation peut encore se dégrader.
La programmation est un critère essentiel de l'investissement local. En rédigeant le rapport au nom de la délégation aux collectivités territoriales relatif à l'évaluation des finances locales, nous pensions que le plein effet de la baisse des dotations serait senti en 2017. Ce sera sans doute un peu plus tard, puisque le prélèvement va être différé.
Parler de prévisions respectées me rappelle une discussion que nous avons eue au sein cette commission au sujet de l'objectif d'évolution de la dépense locale, l'Odedel. Sur la période qui nous concerne, en confrontant les prévisions de recettes à l'évolution des bases physiques et aux hausses de taux, nous retrouvons bien une correspondance.
Cependant, je persiste à dire qu'il s'agit de conclusions macroéconomiques qui cachent des réalités très inquiétantes. Nos collectivités locales sont très hétérogènes ; certaines d'entre elles connaissent de graves difficultés. Vous évoquez une augmentation moyenne des taux de 13 %, mais je connais des collectivités qui ont dû les augmenter de 50 % ! Derrière ces chiffres se cachent des surprises qui vont aller grandissantes.
Vous avez indiqué que la réforme de la DGF était reportée. Il s'agit d'un facteur d'incertitude. Ce que je vous dis de l'hétérogénéité plaide pour une réforme rapide d'une réforme de la DGF. D'ici à 2018, certaines collectivités connaîtront de gros problèmes.
Pensez-vous que l'article 150 du projet de loi de finances pour 2016 puisse répondre aux deux grandes problématiques que nous connaissons s'agissant sur de la DGF et des ressources globales des collectivités ? Il s'agit premièrement de la répartition de la richesse sur notre territoire qui a terriblement évolué durant les trois dernières décennies. Nous ne pouvons donc plus conserver le même système.
Le deuxième problème concerne la façon d'appréhender les charges des collectivités territoriales. Pensez-vous que celle-ci soit toujours viable, alors que cette question n'est pas abordée dans l'article 150 tel qu'il est rédigé ?
Je rappelle à la commission que nous entendrons, le 29 juin prochain, les conclusions du groupe de travail sur la réforme de la DGF que nous avions confié à Charles Guené, ainsi qu'à Claude Raynal.
Nous serons alors sans doute un peu plus informés. Je remercie tous ceux de nos collègues qui ont participé à ce travail.
Monsieur le secrétaire d'État a reconnu l'objectivité de la Cour des comptes, voilà déjà une bonne chose.
Vous nous dites que les reports de charges d'une année sur l'autre ont un peu diminué. Après le pic historique de 2014 à plus de 10 milliards d'euros, ils sont aujourd'hui légèrement inférieurs à 10 milliards d'euros. Pensez-vous que nous allons progressivement résorber ces reports annuels et à quel rythme ?
Par ailleurs, quel crédit accordez-vous aux chiffres de Rexecode ?
La question des collectivités territoriales mériterait un débat en soi. Vous dénoncez l'attentisme des élus en matière d'investissement, mais l'incertitude est trop grande pour ne pas être attentiste. Les élus locaux sont dans l'incertitude permanente, leur vision de l'avenir est nulle. Certains pourraient sans doute investir davantage, mais ils ont peur. Ce que vous dites de l'augmentation des sommes mises en réserve sur les comptes du Trésor est logique dans la mesure où les élus locaux ne savent pas où ils vont.
L'État aurait, selon vous, participé à la maîtrise des dépenses des collectivités. Permettez-moi de sourire : quand on voit les augmentations de cotisations, de TVA, le glissement vieillesse-technicité (GVT) -, les rythmes scolaires, tout ce qui nous a été imposé et qui s'est ajouté à nos dépenses, je ne comprends pas comment vous pouvez dire que l'État a participé à la maîtrise des dépenses !
Bien au contraire, ce sont les élus à la tête des collectivités depuis 2014 qui ont fait preuve de raison et de sagesse en augmentant peu les impôts. Certes, l'augmentation des bases peut les aider et cela arrange tout le monde quand c'est le Parlement qui relève les bases. Cependant, la logique aurait voulu que l'on augmente peu les bases, compte tenu d'une inflation nulle, et que les baisses de dotation ne soient pas aussi importantes.
J'avais souligné, voilà quelques mois, la qualité du travail des équipes de l'Agence France Trésor (AFT). Elle est de nouveau manifeste : la gestion de la dette nous a permis de récupérer un peu plus de 20 milliards d'euros sous forme de prime d'émission, ce qui permet mécaniquement une moindre augmentation de la dette cette année. Les effets de 2017 à 2020 ont-ils été analysés et une stratégie durable a-t-elle été définie ?
Nous avons réalisé un travail précis sur le budget du ministère de la justice qui a mis en évidence l'existence de décalages entre les inscriptions en autorisation d'engagement et les crédits de paiement, ce qui est totalement orthogonal aux dispositions de la loi organique relative aux lois de finances. Cette situation se retrouve-t-elle dans d'autres ministères ? Sur le seul ministère de la justice, le décalage est d'environ 120 millions d'euros, ce qui n'est pas négligeable.
Sur l'exercice 2015, 8 milliards d'euros ont été mis en réserve dont 50 % ont été annulés. Ces mises en réserve et ces annulations ont des amplitudes très variables d'un programme à l'autre, d'une action à l'autre. Elles révèlent la tendance de certains ministères à « sous-inscrire » sur les programmes dont ils savent qu'ils seront mécaniquement abondés, afin d'échapper aux mises en réserve. Il en résulte des mises en réserve et des annulations d'autant plus violentes sur d'autres programmes. Je pense, par exemple, aux annulations portant sur l'aide aux victimes, au sein du budget du ministère de la justice, qui s'élèvent à plus de 10 %. Ne devrait-on pas, là aussi, mener une opération de vérité et de transparence ?
Pouvez-vous enfin nous expliquer les raisons de l'accroissement de 1,8 milliard d'euros du résultat des comptes spéciaux ?
Je ne reviendrai pas sur le sujet des collectivités territoriales, sinon pour dire que je partage ce qui vient d'être dit par Vincent Delahaye et Charles Guené.
En fin d'année, nous avons inscrit des crédits en remplacement des recettes exceptionnelles sur le budget de la défense. Eu égard au délai très court dont nous disposions pour mobiliser ces crédits, ont-ils pu être intégralement dépensés ? Pourriez-vous nous donner quelques précisions sur leur taux d'exécution ?
En fin d'année, un jeûne général a été décidé pour respecter la norme de dépense. Il me semble que les crédits concernés s'élevaient à 590 millions pour le ministère de la défense. Y aura-t-il un report sur 2016 pour honorer les dépenses engagées en 2015 ?
Vous avez déclaré, devant la commission des finances de l'Assemblée nationale : « Avant de conclure, je voudrais réagir à la manière dont la Cour des comptes envisage l'évolution du déficit de l'État [...]. Un peu à la manière du rapporteur général du Sénat, la Cour retraite cette évolution de différents éléments qualifiés d'exceptionnels ». Ne trouvez-vous pas choquant de mettre en cause une assemblée par rapport à une autre ? À moins que vous ne soyez troublé par le fait que la Cour des comptes est désormais notre conseiller sur un certain nombre de sujets ?
Les comptes publics ont bien été certifiés par la Cour, mais vous oubliez toujours de dire qu'elle a émis cinq réserves, dont au moins quatre vous concernent directement : le service d'information financière et comptable de l'État est coûteux, peu sûr et exposé à des risques d'erreur ; les dispositifs ministériels de contrôle et d'audit internes ne sont pas organisés ; la comptabilisation en droit constaté des produits régaliens, autrement dit du produit des impôts, des créances et des dettes fiscales continue de pâtir des insuffisances des données fiscales ; et - cerise sur le gâteau - la Cour des comptes ne peut se prononcer sur la fiabilité et l'évaluation d'un grand nombre de participations financières. Dès lors quelles dispositions allez-vous prendre pour remettre tout cela en ordre ?
Le rapporteur général a expliqué que, de 15 milliards d'euros d'économies nous étions passés à 4 milliards, et que cette somme s'élevait en réalité à 300 millions d'euros.
La dette, quant à elle, ne s'est stabilisée qu'en raison d'une politique d'émissions menée par l'Agence France Trésor, qui a ainsi pu récupérer environ 23 milliards d'euros sous forme de primes à l'émission. Que pense la Cour des comptes de ce système ? Elle dit très clairement que la dette rattrapera progressivement le niveau qu'elle aurait atteint en l'absence de cette politique !
Vous nous dites que les choses vont mieux en matière de maîtrise des dépenses. La Cour des comptes parle d'une maîtrise des dépenses « partielle » dont les résultats sont « fragiles ».
Ces derniers sont d'autant plus fragiles que le montant de la réduction des dépenses, qui s'élève en réalité à 1,7 milliard d'euros, repose à 60 % sur des prélèvements effectués sur les fonds de roulement d'organismes publics qui ne sont pas reconductibles en 2016. Nous avons une conception différente des choses. Comment parler de progrès quand rien n'est pérenne ?
La Cour des comptes dénonce enfin des contournements de la charte de budgétisation qui ont permis de minorer, entre autres, les problèmes de la dette. Ces contournements ont pris la forme d'une substitution de recettes affectées à des crédits budgétaires.
Les bases sont non seulement fragiles, mais aussi de plus en plus difficiles à cerner pour les parlementaires que nous sommes. Pourriez-vous nous donner quelques précisions sur les réflexions de la Cour des comptes ?
secrétaire d'État. - Francis Delattre, la certification des comptes de l'État par la Cour a toujours donné lieu à de nombreuses réserves. On en comptait 13 en 2006, 6 lors de ma première certification des comptes. Par rapport à 2014, 43 composantes de ces réserves ont été levées, ce qui traduit une amélioration continue de la présentation des comptes de l'État.
Si les choses peuvent toujours être améliorées, passer de 13 réserves en 2006, à 5 en 2015 montre une certaine progression. Je me réfère à 2006 pour montrer que nos prédécesseurs ont aussi dû essuyer un certain nombre de réserves, dont beaucoup ont été levées par la Cour. Tout cela me fait penser aux commissions de sécurité des établissements recevant du public, les ERP...
Je n'ai pas mis en cause le rapporteur général, et encore moins le Sénat. Albéric de Montgolfier parle souvent d'économies de « constatation ». C'est un peu dans cet esprit que j'ai fait cette remarque. Mais vous n'avez pas employé ce terme aujourd'hui et je ne vais donc pas ouvrir un débat que vous n'avez pas ouvert.
Je constate, Francis Delattre, que vous avez lu Le Canard enchaîné d'aujourd'hui...
secrétaire d'État. - ... qui parle de « trucage ». Revenons sur l'historique : monsieur de Courson a posé une question au Gouvernement, à l'Assemblée nationale, voilà environ trois semaines. La Tribune a ensuite publié un article, voilà une dizaine de jours, avant que la Cour des comptes ne s'intéresse à ce sujet. Ce matin, c'est au tour du Canard enchaîné...
Il faut tout de même distinguer ce qui relève du trucage, de la dissimulation, de ce qui relève d'une pratique courante. Les primes à l'émission sont pratiquées par l'Espagne, le Royaume-Uni, la plupart des pays... Eurostat fixe les règles de calcul de la comptabilité nationale et l'Insee se conforme, en toute indépendance, à ces règles européennes.
Les taux, aujourd'hui, sont très faibles et même négatifs à certaines échéances.
Avec les primes à l'émission, notre objectif de financement du déficit est respecté et l'impact de ce dernier sur la dette est inférieur à ce qui était prévu. Il s'agit d'une pratique courante dans la gestion de la dette.
L'effet peut jouer dans ce sens, avec des primes à l'émission, mais aussi dans l'autre, c'est-à-dire conduire à payer des décotes à l'émission. Tout dépend des taux de marché. Cela nous permet aussi d'assurer la liquidité de la dette française. Il n'y a aucun loup.
Je veux être extrêmement clair sur la question des prélèvements sur fonds de roulement, considérés comme scandaleux par d'aucuns. Je ne suis pas de ceux-là. À partir du moment où nous voulons réduire le déficit public sans augmenter les prélèvements obligatoires - nous les avons même baissés ! - il est utile d'aller regarder dans certains fonds de roulement. Il s'agit parfois de sommes très importantes qui correspondent à plus d'une année de dépenses de fonctionnement. Je n'entends pas renoncer à cette méthode.
secrétaire d'État. - La recherche comme le reste. Le fonds de roulement du CNRS est tout à fait suffisant pour assurer les dépenses de fonctionnement.
secrétaire d'État. - C'est un peu moins le cas du CEA, mais puisque vous m'y invitez, que les choses soient claires : nous avons retenu un prélèvement inférieur aux préconisations du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur le CEA. J'ai tenu les mêmes propos devant l'Assemblée nationale, vous pourrez le vérifier.
Nous avons constaté quelques tentatives de débudgétisation via le PIA. D'aucuns voudraient y transférer certaines dépenses qu'ils estiment relever des investissements d'avenir. Mais comment les caractériser ? Les aides à l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) par exemple, relèvent-elles de la transition énergétique ? Nous sommes en pleine préparation du PIA III, ce sera l'occasion de recentrer un peu les choses.
Michel Bouvard a fait une remarque tout à fait pertinente sur la question de la mise en réserve et des sous-budgétisations. Nous préparons actuellement le budget : quand le ministère du budget dit 100, le ministère concerné demande 120, quand ce n'est pas 180. Et chaque fois que nous essayons de rapprocher les points de vue, les ministères tentent l'opération décrite par Michel Bouvard en proposant de diminuer les crédits sur certaines dépenses dont ils savent très bien qu'elles devront être faites. Ce peut être le cas des allocations logement, par exemple.
Le phénomène, assez itératif, porte généralement sur les dépenses de prestations, appelées parfois dépenses de guichet. Le ministère concerné se dit qu'au mois de septembre ou d'octobre, quand il n'aura plus les sous pour payer, il faudra bien dégeler les crédits nécessaires.
Laissez-moi vous rassurer : je ne suis pas un perdreau de l'année, c'est déjà la troisième fois que je me livre à cet exercice et je suis attentif à ce type d'opération.
Je comprends que l'on s'interroge sur l'importance de la réserve de précaution. Reconnaissez toutefois que préparer, au mois de juin, un budget au mois dont l'exécution aura lieu six à dix-huit mois plus tard revient à faire un saut dans l'inconnu. Prenons l'exemple de la crise agricole : n'était-il pas nécessaire d'alléger les cotisations des agriculteurs ? Que dire des opérations de sécurité ?
En 2014 et en 2015, nous n'avons pas été mécontents de pouvoir couvrir les dépenses que vous avez parfois appelées « cadeaux » par des crédits mis en réserve en début d'année. Ces réserves nous permettent d'être réactifs, de pouvoir réaliser des ajustements. Et comme le rappelait Michel Bouvard, une grosse partie de ces crédits a été annulée, ce qui correspond à une économie nette.
secrétaire d'État. - Je crois que nous pouvons jouer sur les deux.
Le solde des comptes spéciaux se décompose de la manière suivante : 300 millions d'euros pour le compte d'avance aux collectivités ; 400 millions d'euros pour la participation de la France au désendettement de la Grèce ; 700 millions d'euros pour le refinancement de prêts à des États étrangers ; et 400 millions d'euros pour diverses opérations dont vous pourrez obtenir le détail sur demande.
Nous sommes en train de mettre en place une Direction de l'immobilier de l'État qui aura vocation à régler un certain nombre de problèmes dont je pense qu'ils sont aujourd'hui mal gérés.
Aujourd'hui, chacun des ministères et chacun des opérateurs de l'État - ils sont nombreux - considère les bâtiments qu'ils occupent comme leur propre propriété, alors qu'ils appartiennent à l'État.
Il me semble que l'analyse des besoins n'est pas toujours faite de manière très cohérente. Il m'est arrivé de devoir signer une promesse de vente, me semble-t-il, qui expirait le jour même à minuit ! Parfois encore, des ministères ou des opérateurs montent des opérations immobilières qu'ils considèrent opportunes et légitimes sans avoir forcément exploré l'ensemble des disponibilités, ni même songé - quelle idée saugrenue ! - que les services de l'État n'ont pas tous vocation à être situés à moins d'un kilomètre à la ronde de l'Élysée ou de Matignon.
Nous sommes en train de mettre en place de nouveaux dispositifs, aussi bien dans les services centraux que dans les régions. France Domaine, dont le nom et la structuration va changer, va se rapprocher des préfets pour permettre une gestion « plus optimale » - c'est un euphémisme - de l'immobilier de l'État.
Le ministère de la justice, comme les autres, est concerné par cette nouvelle organisation.
Ma question portait sur l'absence de concordance entre autorisations d'engagement et crédits de paiement, ce qui est contraire aux règles de la loi organique relative aux lois de finances. En l'espèce, il s'agit de 120 millions d'euros, sur un seul ministère. Au final, cela peut représenter bien davantage. Il me semble que c'est un vrai sujet en lien avec les partenariats public-privé (PPP).
secrétaire d'État. - Je vous proposerai, en loi de finances, une nouvelle organisation financière de l'immobilier de l'État à travers un compte d'affectation spéciale (CAS), renforcé et la suppression du fameux programme 309. Nous discuterons aussi de l'alimentation du CAS par les opérations immobilières et des conditions d'utilisation de ce dernier.
Vincent Delahaye, eu égard aux délais de paiement, il peut s'avérer nécessaire de procéder à des reports de charges d'une année sur l'autre. La Cour des comptes a d'ailleurs reconnu que ces reports avaient diminué, y compris en matière de défense.
Rexecode est un organisme parmi d'autres. Nous sommes attentifs à leurs publications.
Cela étant dit, vous connaissez mon humilité récurrente par rapport aux prévisions et aux études. Des tas de gens font des tas d'études et, même si j'en retire toujours quelque chose, je suis assez réservé. Il ne vous aura pas échappé que l'Insee avait révisé à la hausse la croissance de 2014 voilà quelques jours, en la multipliant par trois ! Deux ans après la clôture de l'exercice, nous allons bientôt apprendre que 2014 était une période de croissance faste, alors qu'on a toujours cru qu'elle avait été atone !
Je n'ai rien contre l'Insee, dont je salue l'indépendance et la qualité du travail, mais cela me pousse à relativiser notre capacité de prévoir. Si l'on n'arrive pas à prévoir ce qu'il s'est passé deux ans auparavant, comment prévoir quoi que ce soit pour les deux ans à venir ?
Je n'ai pas dénoncé l'attentisme des collectivités locales, je l'ai constaté et j'en prends, au nom du Gouvernement, ma part de responsabilité.
J'ai mesuré, comme vous, l'incertitude liée aux regroupements des EPCI, à la non-détermination des compétences de ces futurs EPCI reformatés, ou encore aux problèmes de gestion des marchés en cours qu'il faut transférer, ou de ceux à venir qui n'ont pas toujours été finalisés, en raison des fusions de région...
Il s'agit d'un constat, non d'un reproche adressé aux élus locaux. J'ai simplement souligné, de façon un peu provocante, que les propos alarmistes de certains sur les questions financières avaient probablement accru cette frilosité.
Je cite toujours l'exemple de ce maire d'une commune de 1 000 habitants dont la traversée de village doit être refaite. Alors qu'il dispose de l'argent nécessaire pour le faire, il m'a expliqué avoir intégré le coût de ces travaux dans les négociations préalables à la fusion de sa commune. Finalement, ces travaux ont été différés d'un an !
J'ai simplement voulu dire que les baisses de dotation, à elles seules, n'expliquaient pas la baisse de l'investissement local. C'est mon point de vue et, comme dirait l'autre, je le partage.
Charles Guené a fait beaucoup de remarques et a posé des questions précises concernant la réforme de la DGF. Il faudra probablement revenir sur l'article 150 adopté l'année dernière, en loi de finances.
Selon vous, l'hétérogénéité des situations appelle à une réforme de la DGF. Je me réjouis de cette position, que je partage. Il n'a pas été possible de le faire l'année dernière, en loi de finances, pour toute une série de raisons complexes.
La balle appartient maintenant à celles et ceux qui voudront bien s'en saisir. Je crois que votre assemblée y travaille, tout comme l'Assemblée nationale. Je crois même savoir que des contacts ont été établis avec vos collègues députés. Si des propositions consensuelles peuvent être formulées, par exemple en matière de péréquation, nous pourrons, le cas échéant, les intégrer immédiatement au prochain projet de loi de finances.
Vous aviez aussi demandé, me semble-t-il, tout comme l'Association des maires de France (AMF) qu'une loi spécifique réforme la DGF. Le Président de la République est allé dans ce sens. Si les parlementaires ont suffisamment travaillé et que le texte est prêt à être inscrit à l'ordre du jour, le Gouvernement s'inscrira dans cette démarche.
Dominique de Legge, le taux d'exécution des 2 milliards d'euros de crédit qui ont abondé la mission « Défense » a été conforme aux prévisions. La défense savait que les crédits allaient arriver en fin d'année et tout a été géré correctement.
Les reports de l'ensemble des ministères ont été mis en réserve. Celui de la défense a eu un traitement plus favorable dans la mesure où le premier décret d'avance ne comportait aucune annulation. Nous avons parfois procédé à un gel supplémentaire, mais le gel, par définition, peut s'interrompre. Tout crédit gelé peut être dégelé, et pas forcément annulé.
Nous verrons comment respecter la loi de programmation militaire (LPM). Nous nous y étions engagés l'année dernière, et nous avons tenu notre engagement. Bien évidemment, le même engagement vaut pour cette année. Je crois d'ailleurs pouvoir dire que les LPM n'avaient plus été respectées depuis de très nombreuses années.
Nous avons rarement constaté un tel décalage de tonalité entre un membre du Gouvernement et le Premier président de la Cour des comptes.
Vous parlez d'une réduction du déficit de 5 milliards d'euros quand la Cour des comptes évoque 300 millions d'euros seulement.
Vous nous dites que la dette de l'État vis-à-vis de la sécurité sociale s'est améliorée, mais j'aimerais que vous nous expliquiez le tour de passe-passe opéré sur les APL.
Mi-décembre 2015, en loi de finances rectificative, nous avons rajouté 70 millions d'euros de crédits pour boucler l'année. Cette somme aurait pu permettre de réduire la dette des APL envers le Fonds national d'aide au logement (FNAL), en la faisant passer de 171 millions à 100 millions d'euros. Or, quelques jours plus tard, il a été décidé de bloquer 300 millions d'euros.
Je n'arrive pas à comprendre : pour la première fois depuis bien longtemps, nous avions de quoi payer la totalité de la dépense de l'année et réduire un peu la dette. Et en trois jours, on change d'avis et on enlève 300 millions ! La Cour des comptes dit qu'il s'agissait de respecter la norme de dépenses. Mais si la réduction du déficit était vraiment de l'ordre de 5 milliards d'euros, était-on à 300 millions d'euros près ? Par contre, si le premier président de la Cour a raison et que la réduction des déficits n'est que de 300 millions d'euros, je comprends vos réticences...
Voilà deux ans, Charles Guené et moi-même avons rédigé un rapport sur l'évolution des finances locales dans lequel nous avons très clairement montré que la baisse des dotations entraînerait une baisse de l'investissement de 30 %. Nous y allons tout droit ! Nous en sommes presque à 20 %, alors que la baisse des dotations s'est élevée à 1,5 milliard d'euros en 2014 et à 3,6 milliards d'euros en 2015. Elle sera de nouveau de 3,6 milliards d'euros en 2016. Quant à 2017, on ne sait plus très bien si la dernière tranche sera réduite de moitié ou s'il s'agit d'un étalement sur deux ans... Toujours est-il qu'une fois ces diminutions absorbées, nous aurons atteint les 30 % annoncés !
Les collectivités locales, et notamment les communes, sont en train de tirer sur l'entretien de la voirie, des bâtiments publics... Au final, tout cela coûtera bien plus cher.
Si les élus se sont montrés modérés en matière de progression de la fiscalité, c'est aussi parce que nos concitoyens n'en peuvent plus ! Il ne faut pas voir un signe trop positif dans le fait que les élus locaux y soient allés moins fort qu'au lendemain des échéances électorales de 2009. Nous allons devoir rogner sur les investissements de manière très importante, et nous le paierons finirons par le payer.
Vous avez évoqué la progression des recettes réelles de fonctionnement des collectivités locales. L'augmentation des bases, dans un souci d'équité, peut générer une hausse significative de la fiscalité directe locale.
Je voudrais revenir sur les primes à l'émission que perçoit l'État. C'est magique ! La dette globale augmente moins alors que la réalité financière n'a pas changé. Pouvez-vous me confirmer, monsieur le secrétaire d'État, que le total de ces primes à l'émission représente 22 milliards d'euros en 2015 ?
Je voudrais également me pencher sur les collectivités locales, dont vous avez longuement commenté la situation. Vous avez relevé l'augmentation de leurs recettes de fonctionnement et regretté fortement la diminution de l'investissement local. Vous avez également dit que la capacité d'autofinancement progressait. Pourriez-vous documenter, maintenant ou plus tard, l'amélioration de cette capacité d'autofinancement ? Est-elle liée à des phénomènes conjoncturels tels que la baisse importante des charges d'énergie pour les communes ou la revalorisation des bases qui engendre des recettes supplémentaires ? A-t-elle une autre origine ?
Ce que vous dites ne correspond pas du tout à ce que je vis. Je connais les comptes de la ville et de la métropole de Strasbourg : les dépenses de fonctionnement augmentent, mais la capacité d'autofinancement baisse, tout comme les investissements. Cette moyenne ne masque-t-elle pas l'hétérogénéité des collectivités, dont certaines connaissent de grandes difficultés ?
Nous étions plusieurs, l'année dernière, à vous interroger sur la baisse de 7,8 % des investissements. Vous aviez répondu à notre inquiétude en disant qu'une telle baisse était habituelle l'année d'un renouvellement municipal...
Cette explication ne semble pas tenir la route : vous avez vous-même souligné que l'investissement local continuait de baisser. Comme mes collègues, je voudrais solliciter votre analyse sur la question de la confiance. Quand on investit, ce n'est pas seulement sur la base des résultats de l'année écoulée, mais c'est aussi en considération des perspectives budgétaires des dix ou quinze ans à venir. Nous sommes nombreux ici à partager les inquiétudes des maires et des responsables d'intercommunalité que nous rencontrons.
Notre débat ne porte que très peu sur le projet de loi de règlement, qui devait pourtant être le sujet majeur de cette réunion.
Les inquiétudes étaient grandes voilà un an. Certains disaient que le déficit public ne baisserait pas dans les proportions annoncées. Il a baissé encore au-delà des attentes ! Force est de reconnaître que, depuis deux ans, les résultats de l'État sont conformes aux prévisions. Retrouver confiance, c'est aussi retrouver confiance dans la parole de l'État.
Le taux de prélèvements obligatoires est en baisse à 44,7 %, les recettes sont supérieures à celles qui étaient estimées, la croissance est supérieure à ce qui était attendu, à 1,2 %, le pouvoir d'achat des Français a progressé de 1,8 %, la marge des entreprises est remontée à 31,4 %... Je ne dis pas que tout va bien, mais la ligne proposée par Christian Eckert depuis deux ans a été tenue. Si l'on veut redonner de la confiance aux investisseurs, il faut aussi saluer ces résultats.
En tant que rapporteur spécial de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », je crois pouvoir dire qu'il faut savoir faire preuve de mesure. Le débat m'a parfois semblé extravagant. Je me souviens du président de l'Association des maires de France déclarant que 10 % des collectivités seraient sous contrôle préfectoral fin 2015. Elles ne furent que 50, comme les années précédentes... Ce qui est excessif n'est plus crédible.
Comme nous, Christian Eckert sait qu'un propos général et macroéconomique ne permet pas de rendre compte de l'hétérogénéité des collectivités territoriales françaises.
L'augmentation de la CVAE et des DMTO s'applique plutôt à des territoires en développement, dans lesquels on gagne sur l'habitat et sur la puissance économique. La spécificité de notre territoire français est d'être de plus en plus localisé : beaucoup de territoires ruraux n'ont quasiment pas de DMTO et pas du tout de CVAE.
La question de la territorialisation de la CVAE va se poser encore davantage. La taxe professionnelle, déjà très concentrée sur l'Île-de-France, a été remplacée par une CVAE encore plus concentrée sur l'Île-de-France. Aujourd'hui, la CVAE profite très largement aux territoires d'Île-de-France, alors que l'activité peut se tenir dans des territoires plus ruraux ou en dehors de l'Île-de-France.
Je ne crois pas, contrairement à Philippe Dallier, que l'investissement des collectivités locales va continuer de baisser. Elles ont certainement été attentives à ce qu'il se passait sur le plan national, à l'impact de la baisse des dotations sur leur budget, mais je commence à percevoir les signaux d'un redémarrage.
Par contre, je pense que les collectivités locales vont privilégier un investissement qui n'induit aucune contrainte de fonctionnement tel que la voirie ou le patrimoine. Je ne pense pas qu'elles investissent beaucoup dans des crèches, par exemple.
Si l'on veut rassurer, à tout le moins ne plus inquiéter, et développer l'investissement, peut-être faudrait-il éviter de proposer une diminution de la dépense publique de 100 milliards d'euros ! Autrement, vous n'empêcherez pas les maires de penser au coup de rabot qui suivra ces promesses ! Essayons de ne pas inquiéter.
Vous l'avez dit, les collectivités locales sont très hétérogènes et connaissent des situations fort différentes. C'est la raison pour laquelle toute vision globale semble en décalage par rapport à la réalité.
Est-il possible de mieux anticiper les évolutions de la CVAE ? C'est une question importante pour la préparation des budgets de nos collectivités locales. Nous disposons rarement de réponses véritablement claires et efficaces des services de la DGFiP.
Si les collectivités territoriales ont diminué leurs dépenses, comme vous l'avez souligné, c'est par obligation. Il serait intéressant de regarder sur quels secteurs ces baisses, imposées par la réduction des dotations, ont porté. Bien souvent, il s'agit en premier lieu des services aux habitants et de la vie associative. Si nous pouvions disposer de travaux plus précis, cela nous permettrait peut-être de mesurer quels sont les territoires les plus touchés.
Nous pouvons nous réjouir de ce que Christian Eckert nous annonce : le déficit public est meilleur que prévu. Ce constat résume parfaitement cet exercice. On a beau vouloir noircir les choses, les résultats sont meilleurs que prévu.
Le CICE arrive à maturité. Si l'on ajoute le pacte de responsabilité, les entreprises ont bénéficié de 24 milliards d'euros en 2015 et de 33 milliards d'euros en 2016. On entend certaines voix critiquer ces « cadeaux aux entreprises » qui n'apportent pas les retombées espérées. Pouvez-vous nous rappeler dans quelles conditions les marges se sont reconstituées et comment l'investissement repart ? Je pense qu'il est bon de mesurer les résultats à l'aune des efforts consentis.
Alors que la suppression définitive de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) semblait actée, quelques informations circulent sur un éventuel compromis. Pouvez-vous nous confirmer la suppression de la C3S ?
L'année 2015 a été celle de la mise en route de la réforme de la contribution au service public de l'électricité (CSPE), avec un engagement de 5,9 milliards d'euros sur cinq ans. Quelle en est la concrétisation budgétaire ?
L'exécution du budget 2015 traduit une amélioration globale de la situation budgétaire de l'État, sans doute plus ou moins nuancée selon l'orientation politique de chacun.
Profitez-vous d'un effet conjoncturel ? Oui, sans doute. On vous l'a quelque peu reproché mais la conjoncture n'est-elle pas un élément de contexte, un peu comme l'arbitrage en football ?
Vous avez évoqué un montant de 12 milliards d'euros de recettes imputable aux régularisations fiscales. C'est une somme tout à fait considérable. Pensez-vous que cette recette puisse être stabilisée, voire améliorée ?
Les années précédentes, à la faveur des renouvellements municipaux, on faisait toujours allusion à la baisse de l'investissement public, et singulièrement du bloc communal. Pourquoi en irait-il différemment aujourd'hui ? Est-ce lié au contexte anxiogène déjà souligné par les uns et les autres ?
La dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) a été réévaluée cette année. Son enveloppe a-t-elle été affectée, voire consommée ? Si elle a été affectée, cela signifie que des investissements ont eu lieu. C'est mon sentiment, pour participer, comme plusieurs d'entre nous, à de nombreuses inaugurations en cette période de l'année.
J'observe d'ailleurs que ceux qui ont investi bénéficient d'un meilleur taux global de subvention. Les services de l'État, et particulièrement les sous-préfectures, sont intervenus auprès des mairies pour leur offrir l'information la plus complète sur l'augmentation de l'enveloppe de la DETR. Qu'en est-il de son exécution ?
L'hétérogénéité de la situation des collectivités territoriales a été largement soulignée. Elle est réelle et doit conduire à nous interroger, même si elle résulte en partie de choix déjà anciens faits par ces collectivités.
Lors de l'examen de chaque loi de règlement, je reviens sur la dette.
Je n'ai pas lu Le Canard enchaîné, et je ne veux pas parler de « trucage ». Mais tout de même, ce qui a été dit aujourd'hui des primes à l'émission me conduit à m'interroger. Il va falloir se pencher très attentivement sur cette question.
Pouvez-vous nous dire clairement la vérité ? Vous êtes un excellent dialecticien !
secrétaire d'État. - Je ne sais pas s'il s'agit d'un compliment...
Si, et c'est très rare dans ma bouche !
Vous êtes très fort, parce que vous arrivez à mélanger les questions de dette, de charge de la dette... Je vous prie simplement de me dire la vérité.
Notre dette publique est toujours plus élevée, il ne peut en aller autrement. Le dernier chiffre dont je dispose est celui d'une augmentation de 2,8 % en un an.
Il est vrai que cette dette publique est moins chère, mais elle est plus élevée. Nous sommes en déficit depuis quarante ans. Chaque année, ce déficit est financé par un emprunt supplémentaire. Arrêtez de dire que la dette est stationnaire, comme vous l'avez fait au bout de trois minutes de réunion seulement !
Quand on compare notre niveau de dette publique aux autres pays européens, il n'y a pas de quoi pavoiser. La plupart des économistes disent que nous sommes arrivés à un seuil problématique. Je sais bien que notre situation dépend de beaucoup de facteurs - inflation, taux de croissance, taux d'intérêt... -, je n'ignore rien de tout cela. La dette a-t-elle bien augmenté ou non ? Et de combien ?
secrétaire d'État. - Marie-Hélène Des Esgaulx, merci de vos compliments.
La dette peut s'apprécier de plusieurs façons : en valeur brute ou en pourcentage du PIB. La plupart des commentateurs et des observateurs internationaux l'apprécient en pourcentage du PIB. On pourrait aussi convertir le poids de la dette en année de recettes, comme pour les collectivités territoriales. Toujours est-il que nous utilisons les standards européens recommandés par Eurostat.
Dans mon propos liminaire, j'ai dit que la dette commençait à se stabiliser. Vous avez vanté mes qualités de dialecticien, mais je ne suis pas un littéraire, je suis prof de maths !
« Commencer à se stabiliser » signifie bien que la dette continue d'augmenter en valeur brute. Elle ne se stabilise qu'en raison de l'augmentation du PIB.
Fabienne Keller, les produits financiers de la dette doivent s'apprécier par rapport à leur diversité, même s'ils vont à l'encontre de ce que nous pouvons avoir l'habitude de connaître.
Il existe une différence fondamentale entre la gestion de la dette par l'État et la gestion de la dette traditionnelle : l'État ne rembourse jamais le capital de sa dette. Plus précisément, au moment où il le rembourse, il s'endette d'autant. La France fait comme les autres États, sa dette est perpétuelle.
Lorsque l'échéance tombe, nous souscrivons un nouvel emprunt pour un même montant - ou à peu près, suivant les disponibilités que vous pouvez avoir par ailleurs - soit sur la même durée, soit sur une durée plus courte ou plus longue. Les spécialistes disent alors qu'ils gèrent la dette en fonction des marchés.
En effet, le nouveau produit financier souscrit peut dépendre des conditions du marché. Aujourd'hui, par exemple, les taux d'intérêt sur les dettes à court terme sont extrêmement faibles, voire négatifs, y compris pour la France. Quand nous empruntons à trois mois, les taux d'intérêt offerts sont négatifs. L'Allemagne bénéficie de taux négatifs pour les dettes à cinq ans et, quasiment négatifs pour les dettes à dix ans.
Nous avons emprunté récemment un faible montant à cinquante ans, avec un taux de 1,75 %. La question pourrait être posée : pourquoi s'endetter à 1,75 % à cinquante ans alors que les taux sont négatifs à trois mois ? Les spécialistes de l'Agence France Trésor - et j'avoue ici les limites de mes compétences - m'ont expliqué que la diversification de leurs produits leur permettait d'améliorer la liquidité de la dette et favorisait une gestion optimale.
Si vous ajoutez à tout cela les sommes inscrites sur les comptes du Trésor qui permettent également de gérer les besoins de financement de trésorerie de court terme, nous atteignons une certaine complexité...
Je vais être franc avec vous : 22,7 milliards d'euros, le chiffre est bon. Il figure d'ailleurs dans tous les rapports. Ces primes à l'émission représentent à peu près 1 % du PIB en France, 1,2 % en Espagne et 0,9 % au Royaume-Uni. Il s'agit d'une gestion tout à fait courante, pratiquée par tous les pays du monde, sous l'égide des règles comptables arrêtées par Eurostat. Ce n'est pas un phénomène anormal.
Marie-Hélène Des Esgaulx, la dette a augmenté de 4,4 % en 2012, de 2,8 % en 2013, de 0,9 % en 2014, de 0,8 % en 2015, soit 89,6 % du PIB en 2012 et 96,1 % aujourd'hui.
Je pense donc pouvoir dire que nous nous dirigeons vers une stabilisation en valeur de la dette. C'est encore plus frappant si nous l'exprimons en pourcentage du PIB, avec les réserves d'usage : le PIB de notre pays n'est pas connu avant un certain temps. Il peut même être révisé un an après et subir des variations importantes. Nous sommes dépendants des calculs de l'Insee et d'Eurostat. Quand on ignore le dénominateur, il peut être parfois difficile d'exprimer une valeur.
Yannick Botrel, les 12 milliards d'euros d'encaissements au titre de la lutte contre la fraude fiscale ne représentent que la moitié des notifications. Ces 12 milliards correspondent parfois à des sommes notifiées en 2014, en 2013, en 2012, voire antérieurement. Le contribuable a en effet tendance à contester les montants notifiés. Certains contentieux avec des entreprises peuvent atteindre le milliard d'euros.
Les notifications ont augmenté, tout comme les sommes encaissées. Tout laisse croire que nous sommes sur un trend plutôt vertueux et que les encaissements devraient au moins se stabiliser dans la mesure où le nombre de notifications a augmenté. N'oublions tout de même pas que les fraudeurs, par définition, ne sont pas les meilleurs payeurs...
Certains nous ont dit être persuadés que l'investissement ne repartirait pas. Philippe Dallier m'a donné rendez-vous l'année prochaine pour en dresser le constat.
Ce que je peux vous dire, en tout cas, c'est que la DETR et le fonds d'investissement sont extrêmement sollicités par les élus.
secrétaire d'État. - Si vous n'aimez pas les gouttes d'eau, vous pouvez les laisser aux autres !
Ces sollicitations peuvent aussi être un signe de dynamisme. Il faut se garder des prévisions, Philippe Dallier. Le rapport auquel vous faisiez allusion prévoyait également une baisse de la capacité d'autofinancement.
Il faut tout dire. Nous n'avions pas envisagé une telle hausse des recettes fiscales !
secrétaire d'État. - J'ai dit quelle était la proportion due à l'augmentation des impôts : un quart !
La baisse de la capacité d'autofinancement que vous aviez prévue ne s'est pas réalisée. Nous verrons, vers la fin de l'année 2016, ce qu'il en sera.
J'ai dit mon humilité par rapport aux prévisions. Tout est enregistré, les comptes rendus feront foi, nous pouvons nous donner rendez-vous.
Sur la question des APL, la fin de gestion est faite pour assurer les dépenses et pour tenir la norme. J'en profite pour dire que la norme, ce n'est pas forcément pareil que le déficit. Certains éléments qui rentrent dans le calcul de la norme influent sur le déficit, mais la réciproque n'est pas forcément vraie.
En fin de gestion, c'est la relation globale entre l'État et l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) qu'il nous faut regarder. Nous avons tout fait pour assurer la neutralité de la relation financière entre l'État et l'Acoss. Les créances ont toutes été compensées.
Ce qui peut se passer sur les APL peut être compensé par ce qui se passe sur d'autres lignes.
Que dire des dettes reprises par la caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) ?
secrétaire d'État. - Je me suis déjà exprimé sur cette question. Tout cela est neutre. Nous avons transféré une dette d'un organisme à un autre. Cela n'a rien à voir avec le budget de l'État, il s'agit des comptes de la sécurité sociale.
Philippe Dallier, les élus ont moins augmenté les impôts parce que nos concitoyens n'en peuvent plus ? C'est votre interprétation. D'autres disent que l'augmentation des taux était uniquement imposée par la baisse des dotations. J'ai dit tout à l'heure que les décisions de l'État ont probablement influé sur les baisses de dépenses de fonctionnement. C'était un de nos objectifs.
Il est sans doute un peu tôt pour identifier les secteurs les plus touchés. Marie-France Beaufils a parlé de la vie associative et des services. Il faut reconnaître qu'avec une inflation nulle et un prix de l'énergie en assez forte diminution, les collectivités territoriales ont eu des marges pour absorber une partie, petite ou moyenne, des baisses de recettes supposées.
Je n'ai cessé de tenir le même discours que vous sur l'hétérogénéité des collectivités territoriales, que je regrette. Donnez-moi tout de même acte d'être un de ceux qui ont poussé au développement de la péréquation, de la solidarité entre collectivités territoriales. Quelle a été la position de certaines ou de certains d'entre vous sur l'augmentation du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) ?
secrétaire d'État. - On ne sent pas une franche unanimité sur cette question. Il faut aller jusqu'au bout de nos idées.
Je vous rejoins sur la question de la prévisibilité de la CVAE. Nous-mêmes, nous ne disposons pas d'une prévisibilité suffisante. Je comprends que cela puisse vous inquiéter. Les évolutions de la CVAE sont souvent assez erratiques.
Je ne sens pas non plus d'unanimité se dégager ici sur le partage de la territorialisation de la CVAE. La question peut se poser ; le Parlement est souverain.
Je vous ferai remarquer que le secrétaire d'État chargé du budget, sur la question des collectivités territoriales, pourrait très bien ne s'intéresser qu'aux pieds de colonnes. Certes, mes agents sont les comptables des collectivités, mais en termes de gestion du budget de l'État ou de la dépense publique, je pourrais très bien ne regarder que l'enveloppe globale de la DGF, l'enveloppe globale de la CVAE, et ne pas trop me préoccuper de la répartition de la DGF ni de la territorialisation de la CVAE.
Par passion et par honnêteté intellectuelle, je pense que ce sujet me concerne. Il serait tout de même bon de s'interroger parfois sur le fait que certaines collectivités qui disposent de dotations extrêmement abondantes n'utilisent pas l'argent public. Car il s'agit bien d'argent public, sorti des poches du contribuable.
C'est la raison pour laquelle je considère que les questions de partage, d'attribution ou de répartition de DGF sont des questions importantes, y compris pour votre serviteur, alors que je pourrais très bien m'en tenir au volume global de la DGF.
Claude Raynal a insisté sur la nécessité de visibilité et de confiance. Il me semble indispensable de disposer, avec la prudence qui s'impose, d'une certaine visibilité sur les années à venir, notamment en matière d'investissement.
Il serait important de se pencher sur la répartition de la CVAE et des DMTO. Nous avons mis en place un mécanisme assez complexe de remontée et de redescente des DMTO, voire une mise en réserve pour éviter les trop grandes fluctuations. Pardonnez-moi d'évoquer ces questions techniques, mais elles ont leur importance.
François Marc m'a interpellé sur l'effet économique d'un certain nombre de mesures fiscales, notamment le CICE.
L'Insee, qui va faire des publications sur le sujet la semaine prochaine, a déjà annoncé qu'elle révisait sa prévision de croissance pour 2016 à 1,6 %, alors que nous étions à 1,5 %. Si la restauration des marges n'est pas directement un des facteurs, les investissements des entreprises sont en très forte augmentation. Tous ces signes démontrent que ce qui a été fait sur le CICE et sur d'autres dispositifs a probablement eu son influence.
- Présidence de M. Francis Delattre, vice-président -
L'Insee a annoncé une augmentation de la masse salariale de 1,4 % au premier trimestre. De mémoire, environ 1 % est lié à l'effet des salaires déjà existants et 0,4 % aux nouveaux salariés, l'Insee ayant également annoncé une augmentation du nombre d'emplois dans le secteur marchand.
Tous ces signes sont concordants. Il s'agit d'indicateurs nettement positifs.
Je termine sur la question de la baisse des dotations, qui vous a beaucoup occupés. Cette question nous a fait beaucoup phosphorer et nous a souvent séparés. J'ai essayé de donner la photographie la plus complète possible de la situation des collectivités territoriales, même s'il ne s'agit que d'une vision macroéconomique.
Quand j'entends parler de mesures d'économies encore plus massives, de l'ordre de 100, voire 150 milliards d'euros, dont 10 à 15 milliards reposeraient sur les collectivités territoriales, quand j'entends qu'il serait même question de revenir sur leur capacité d'autonomie en termes de gestion de personnel, je me dis que certains pourraient faire preuve de plus d'humilité. Claude Raynal avait raison de dire que tout ce qui est excessif est à éviter.
Merci. Je me permettrai simplement de dire que le conseil général de mon département - je n'en suis pas membre - vient d'augmenter les impôts locaux de 30 %. Cela donne tout de même une idée des situations complètement divergentes que nous connaissons tous.
Nous vous remercions.
La réunion est levée à 16 h 40.