La réunion est ouverte à 14 heures.
Merci d'avoir répondu à notre invitation. Les agences régionales de santé sont au coeur des problématiques de l'offre de soins sur nos territoires et leur rôle a été renforcé s'agissant de la psychiatrie avec la mise en place des groupements hospitaliers de territoires pour les hôpitaux publics.
La mise en place en de ces GHT et l'existence de GHT psychiatriques spécifiques a fait, et continue à faire, débat.
Mais les GHT ne sont pas l'intégralité de la prise en charge psychiatrique des mineurs dont on sait qu'elle a lieu principalement en ambulatoire.
Le constat fait depuis longtemps, et que confirment nos premières auditions, est le retard en matière de prise en charge dû au manque de praticiens à l'hôpital mais aussi en ville. S'agissant des mineurs, l'importance des contacts avec la médecine scolaire, qui relève de l'Éducation nationale, a aussi été soulignée a de nombreuses reprises, en dernier lieu par le rapport Moro-Brison.
L'Ile-de-France est une région qui est à bien des égards spécifique. Mais son territoire connaît une grande variété des situations dans l'accès aux soins. Il nous a donc paru intéressant d'entendre votre témoignage sur la manière dont s'organise la psychiatrie des mineurs sur le territoire dont vous avez la charge.
Je vous cède donc la parole pour un bref propos introductif à l'issue duquel notre rapporteur, Michel Amiel, puis les autres sénateurs, vous poseront des questions.
Je rappelle que cette audition est ouverte au public et à la presse.
Docteur Catherine Isserlis, référent médical psychiatrie/santé mentale/autisme. - Je travaille comme référent médical en psychiatrie/santé mentale à l'ARS d'Ile-de-France avec la particularité d'être pédopsychiatre. Je suis ancien praticien hospitalier, chef de secteur. Dans mon propos introductif, je me situerais donc en tant que pédopsychiatre. Monsieur Guinard interviendra pour l'ARS.
« Il y a lieu de souligner le caractère itinérant des équipes. Elles doivent sortir des murs pour exercer une action à domicile et d'une façon plus générale dans le milieu. Ceci reste valable pour tous les centres de diagnostic et de traitement qui ne doivent pas se borner à un travail de consultation classique avec la seule approche du cabinet ». Cette citation date de mai 1955. Les questions qui se posent à nous aujourd'hui sont donc anciennes et elles n'ont pourtant pas reçu de réponse.
La pédopsychiatrie est une discipline très jeune puisqu'elle s'est déployée jusque dans les années 1980. En Essonne, un mouvement important de fermeture de lits a été observé dans les années 1980. Il n'a été possible d'en ouvrir qu'en 2013 puis en 2016. Nous avons ainsi passé de longues années sans aucun lit dans ce département. La pédopsychiatrie s'est donc organisée autour d'alternatives à l'hospitalisation mais dans des prises en charge au long cours.
Ce qui fait défaut actuellement, c'est surtout les prises en charge plus immédiates. C'est la question de la rapidité de la prise en charge. En pédopsychiatrie, la psychiatrie de secteur repose sur assez peu de dispositifs et d'outils. Compte tenu du faible nombre d'hospitalisations, c'est une discipline que j'appellerais « mineure » en ce sens qu'elle est minoritaire au sein des pôles. La question de l'urgence psychique passe toujours derrière la question de l'urgence vitale perceptible et plus directement guérissable.
Une urgence psychique peut devenir vitale.
Docteur Catherine Isserlis. - Oui, notamment dans le risque suicidaire.
Les besoins pour répondre aux urgences vitales, en particulier en personnels, sont très largement supérieurs à ceux des autres disciplines.
Devant la hausse des demandes, la psychiatrie infanto-juvénile a beaucoup modifié ses pratiques depuis les années 1980 mais probablement pas suffisamment, en particulier alors qu'arrivaient de nouveaux acteurs et dispositifs. C'est là-dessus qu'il va sans doute falloir mettre l'accent.
J'axerai mon propos sur le rôle de l'ARS. Vous avez par ailleurs déjà entendu Monsieur Laforcade sur ce que peut être le rôle de l'agence dans les territoires, agence qui n'intervient pas sur d'autres sujets dont vous pouvez avoir à traiter comme la formation ou encore les problèmes généraux de la démographie médicale. Le nouveau contexte institutionnel fait bouger les lignes de deux points de vue. D'une part, à l'échelle globale de la région, chaque agence travaille à l'élaboration d'un nouveau projet régional de santé, avec un schéma régional de santé unique, c'est-à-dire qui intègre le soin, l'accompagnement et la prévention. C'est un choix délibéré d'avoir une conception intégrée des parcours et de ne pas traiter en tuyaux d'orgue l'offre de soins sanitaire, les hôpitaux, la ville, les structures médico-sociales et les acteurs de la prévention. D'autre part, un changement propre à la santé mentale est intervenu. Il est prévu à l'article 69 de la loi de modernisation de notre système de santé. Il est donné dans la loi le cadre général d'une politique de santé mentale, avec le sous-ensemble des activités de psychiatrie, parmi lesquelles les activités de psychiatrie de secteur qui sont redéfinies et ajustées. Dans ce même cadre, il est dit que tous les territoires des régions doivent être couverts par un projet territorial de santé mentale, à l'initiative des acteurs, l'agence devant intervenir en cas de défaut d'initiative. La question est de savoir comment faire pour que les conseils territoriaux de santé mentale aient une sorte de pouvoir de convocation afin que les acteurs se réunissent. Dans ce cadre, il n'existe pas de champ contingenté de la pédopsychiatrie en tant que telle. D'une manière générale, en termes de connaissances et de données, la psychiatrie des mineurs correspond à un terme plus nuancé que la pédopsychiatrie. Par exemple, lorsque nous traitons des données relatives aux structures, aux équipements, nous avons un regard sur les structures dites de pédopsychiatrie mais il existe également un certain nombre de structures qui sont classifiées en psychiatrie générale qui prennent en charge des adolescents. Je pense notamment aux structures de soins-études, qui n'ont pas l'étiquette de pédopsychiatrie. Cela renvoie au problème des âges. On voit de plus en plus d'équipes mixtes, par exemple des structures pour adolescents et jeunes adultes de 16 à 25 ans. Nous ne sommes plus enfermés dans des frontières absolues. On est dans la gestion des transitions.
Les spécificités de notre région sont sa taille, ses grandes disparités en termes sociodémographiques, d'équipements, de recours aux soins. Ces disparités sont selon nous plus accentuées que dans d'autres champs de la santé.
Les besoins en matière de souffrance psychique augmentent dans nos sociétés. Comment mieux y répondre en matière d'offre ?
En abordant cette question, on déborde du champ de la pédopsychiatrie. Il existe une plainte sociétale générale vis-à-vis des délais et de l'insuffisance des réponses mais qui résulte aussi d'un manque de connaissances sur la question de savoir à qui il faut s'adresser par exemple. Ce champ recouvre celui de l'école et renvoie à l'articulation entre l'école et la santé. Notre région fait partie de celles qui sont engagées dans l'expérimentation qui fait suite à la mission santé et bien-être des jeunes. Elle va concerner onze petits territoires sur l'académie de Versailles. Le travail est mené conjointement avec l'académie et l'agence.
Se pose ensuite la question du médecin traitant, de son appétence ou non pour ces questions-là et des entrées dont il dispose dans le système. La proposition de Monsieur Laforcade qu'il y ait dans tous les territoires l'institutionnalisation d'une permanence téléphonique pour tous les professionnels de santé nous paraît intéressante.
Docteur Catherine Isserlis. - L'ARS a lancé une étude sur les délais d'attente, en particulier auprès des départements les plus démunis comme la Seine-et-Marne. Nous nous sommes aperçus que ces délais étaient relativement moins élevés que ce qui était dit par les demandeurs ou les professionnels. De plus, au sein d'un même inter-secteur, les délais d'attente varient fortement d'un CMP à un autre. Il manque une politique de soins à l'intérieur d'un secteur et une meilleure régulation entre CMP, lesquels fonctionnent de manière très autonome, sans redéploiement des moyens.
Cette étude a ensuite été menée en Seine-Saint-Denis et dans le Val-d'Oise. Nous avons produit un guide sur les différents moyens existants pour résorber les listes d'attente. La principale leçon est qu'en y faisant attention, les délais d'attente ne sont plus une fatalité. Il faut mobiliser les acteurs sur la régulation et la gestion des listes d'attente au lieu de recourir à des dispositifs de contournement. Cela demande une attention constante.
L'autre dispositif important s'agissant de la médecine de ville, ce sont les consultations hospitalières d'avis. Cela permet de mieux orienter les personnes qui ont un besoin qui exige une réponse très rapide et de voir quelles sont les personnes qui peuvent attendre un peu plus longtemps.
S'agissant de l'éducation nationale, je me souviens d'un travail effectué dans les Yvelines. Il s'agissait de cellules quadripartites mises en place à partir de la circulaire interministérielle de 2002 : le dispositif consistait à réunir, par bassin d'éducation, à la demande de l'éducation nationale, un peu à l'image des MAIA (méthode d'action pour l'intégration des services d'aide et de soins dans le champ de l'autonomie), des personnes ayant un pouvoir de décision et de dérogation pour les cas complexes d'élèves en grande souffrance psychique. Se réunissaient ainsi des représentants de l'éducation nationale, de l'aide sociale à l'enfance, du secteur sanitaire et de la protection judiciaire de la jeunesse. Des solutions dérogatoires et de travail conjoint pouvaient être définies et mises en oeuvre. Ce dispositif n'a cependant pas tenu dans le temps en raison des rappels des différentes institutions aux priorités des uns et des autres ; les choses se sont effilochées. Je pense donc que, sur ces sujets, la question de l'interface et de la mobilisation des décideurs est très importante. On ne peut pas uniquement se baser sur la volonté de travailler en réseau des acteurs de terrain.
Du côté de la protection maternelle et infantile et de l'ASE, des ressources existent. En ce qui concerne les acteurs de soins primaires, il y a quand même beaucoup de psychologues. Mais leurs missions sont très centrées sur leurs institutions et peu ouvertes sur les partenariats interinstitutionnels. Des organisations nouvelles sont à mettre en place.
Comment éviter les ruptures dans les parcours de soins ? Au départ, le médecin de famille ou l'intervenant en éducation nationale se trouve confronté à un jeune en état de souffrance psychique. Il ne sait pas a priori si cela relève de la psychiatrie et de la maladie mentale ou de la simple souffrance psychique. Les médecins de famille sont aujourd'hui complètement débordés dans le contexte de la démographie médicale que nous connaissons. Dire que le médecin traitant doit être au coeur du dispositif, comme on le dit pour à peu près tous les dispositifs sanitaires, me paraît être un raccourci et un voeu pieux. Que pouvons-nous faire de mieux de ce point de vue pour éviter les ruptures, en particulier à moyens constants ?
Docteur Catherine Isserlis. - Les dispositifs dont je vous ai parlés permettent de mieux répondre aux besoins et de mieux orienter. Ils ne permettent pas de lutter contre toutes les ruptures, en particulier pour les jeunes qui ont besoin d'accompagnement et d'entrer dans le secteur médico-social. Depuis longtemps, on dénonce le fait que les âges institutionnels définis en pédopsychiatrie, dans le médico-social et dans l'éducation nationale ne soient pas les mêmes. Par exemple, on sort souvent de la pédopsychiatrie à seize ans mais on peut sortir d'un IME à vingt ans. Quand un enfant est pris en charge en pédopsychiatrie jusqu'à quinze ans, il ne trouve pas de place dans une structure médico-sociale.
Vous parlez de la question de l'harmonisation des âges de transition ?
Docteur Catherine Isserlis. - Oui, qui concerne les enfants les plus atteints. En ce qui concerne la souffrance psychique et sa prise en charge, il me semble que dans certains pays comme en Espagne, dans les dispositifs d'exercice collectif, on a pu recourir à des psychologues et des travailleurs sociaux, notamment pour les jeunes. C'est également le cas au Canada. On n'a pas toujours besoin d'un avis de psychiatre. Nous avons la ressource en nombre de personnes formées.
Vous disiez tout à l'heure qu'il y a des organisations à nouvelles à mettre en place. Le rapport de M. Laforcade affirme qu'il y a une défaillance du médico-social et du social dans la prise en charge, avez-vous la même perception ?
Dans mon département les services de la PMI et d'aide sociale à l'enfance ne demanderaient pas mieux que de travailler avec la psychiatrie mais trouvent peu d'interlocuteurs. Certes chacun se recentre sur ses missions mais je pense qu'il y a une véritable attente de soutien aux professionnels de l'aide sociale à l'enfance.
Docteur Catherine Isserlis. - Lors d'un colloque il y a quelques années j'avais estimé qu'il y avait en France environ 10 000 places d'aide sociale à l'enfance et seulement 2000 lits de pédopsychiatrie.
Quand un jeune placé hors de sa famille est pris en charge dans une unité de psychiatrie et que son état est stabilisé il y a en général beaucoup de difficultés pour le faire revenir dans la structure où il était hébergé car il y est vu comme étant difficile. Ceci est sans doute lié à un manque d'accompagnement des structures médico-sociales par la pédopsychiatrie pour faciliter la prise en charge de ces jeunes dans leur établissement. C'est pour cette raison qu'en Ile-de-France nous souhaitons augmenter le nombre d'équipes mobiles de pédopsychiatrie et adjoindre de telles équipes à chaque ouverture d'unité pour qu'elles qui interviennent à la fois en pré et en post-hospitalisation.
L'essentiel en tous cas est de ne pas faire « stagner » d'enfants en pédopsychiatrie. Il faut trouver des solutions plus adaptées.
J'ai eu l'occasion de m'occupe de Foyers de l'enfance. Quand un enfant arrive dans ces structure avec des problèmes relevant d'une prise en charge psychiatrique et qu'il ne peut pas suivre le rythme cela devient vite invivable. L'idée pourrait être que ces enfants soient hospitalisés en journée en pédopsychiatrie quitte à rentrer le soir au foyer.
S'agissant des enfants avec des pathologies caractérisées on constate effectivement parfois que les structures se passent les dossiers pour s'en décharger. C'est pour cela qu'il est important que les enfants soient revus régulièrement. Ainsi nous souhaitons en Ile-de-France qu'il n'y ait pas d'unité pour adolescents sans équipe mobile. D'autres dispositifs de suivi se mettent en place comme la télémédecine pour les consultations de suivi à distance.
Il ne faut pas que ce soient les échecs de prise en charge en structures médico-sociales qui aillent en pédopsychiatrie. Ces enfants peuvent en général parfaitement être pris en charge dans les structures. Nous ne voulons pas qu'il y ait de lits de placement en pédopsychiatrie.
Docteur Catherine Isserlis. - L'Ile-de-France compte 550 lits, dont les lits pour soins études et les unités d'évaluation. Or on constate que 20 % des lits sont occupés au long cours pour une large part par des enfants autistes à cause du manque de place pour eux dans structures médico-sociales d'Ile-de-France.
On nous dit que la pédopsychiatrie est le parent pauvre des disciplines médicales et qu'il y a un retard français par rapport à des pays comme la Belgique, l'Australie ou le Canada. Pourquoi à votre avis ? Est-ce dû à notre culture nationale ?
Docteur Catherine Isserlis. - La situation de l'Ile-de-France est particulière et notre région est mieux dotée que d'autres. Il se trouve que j'ai participé à la mission d'appui en matière de santé mentale ce qui m'a conduit à connaître la situation de 17 départements et à me faire une idée de la situation française dans son ensemble. Je pense qu'il faut relativiser l'idée d'un retard de notre pays.
Tout d'abord il y a des dispositifs français qui font figure de modèle au niveau international. Il en est ainsi par exemple de la prise en charge de la périnatalité qui est très développée dans plusieurs villes, moins il est vrai à Paris. La prévention est très importante dans ce domaine car on sait que la dépression périnatale est pourvoyeuse de troubles au long cours.
Mais il est vrai que dans plusieurs pays limitrophes la pédopsychiatrie est une discipline à part entière avec plus de formation en pédiatrie et en neurologie. En France la pédopsychiatrie est fille de la psychiatrie.
Est-elle fille de la psychanalyse ?
Docteur Catherine Isserlis. - Une génération de praticiens est plus attachée à la psychanalyse. Il n'y a d'ailleurs pas à en rougir car on peut s'intéresser à la psychanalyse et aux formes de remédiation neurocognitives. Il n'y a en tous cas aucune opposition franche entre la psychanalyse et la prise en compte des innovations en termes de prise en charge, qui parfois ne font d'ailleurs qu'apporter la vérification des intuitions de la psychanalyse. Il faut cependant que le secteur de psychiatre se renouvelle pour aller plus vite vers le diagnostic et vers les soins.
L'ARS Ile-de-France va organiser un colloque sur la prise en charge intégrative et demande aux secteurs infanto-juvéniles de proposer un ensemble de formes de prises en charge. Ceci doit permettre aux patients d'accéder sur le territoire à toutes les formes de prise en charge sans nécessairement se trouver limités à celles proposées par leur secteur de rattachement.
Je souhaite vous poser deux questions. D'une part comment évaluer vous le risque posé par le fait de placer des mineurs dans des services de psychiatrie pour adultes, alors même que certaines structures sont destinées à prendre en charge les 16-25 ans ? D'autre part comment abordez-vous la question de la preuve en psychiatrie ?
Il me semble que dans les questions qui nous sont été adressées l'inquiétude sur le placement de mineurs dans les services de psychiatrie pour adulte est liée à l'idée que l'on manque de lits en pédopsychiatrie. Il faut rationaliser les choses. En Ile-de-France on dépense un peu plus de 130 euros par habitant pour la prise en charge en pédopsychiatrie des jeunes de 0 à 16 ans et 120 euros la prise en charge psychiatrique des adultes.
Dans les établissements de santé les dépenses d'hospitalisation sont de seulement 20 % pour la pédopsychiatrie contre 50 % pour les adultes.
Nous avons adopté une logique de précocité dans l'intervention et de prévention précisément pour éviter les hospitalisations. Nous suivons d'ailleurs l'âge de la file active des patients en psychiatrie au travers du PMSI. On peut ainsi constater que l'Ile-de-France a une prise en charge des 0-3 ans supérieure aux autres régions.
Il a par ailleurs plusieurs contextes d'hospitalisation. S'agissant des adolescents, l'ARS Ile-de-France a fait des capacités d'hospitalisation un champ d'investissement ce qui signifie non seulement que les fermetures de lits ont été arrêtés mais nous avons augmenté de 11 % les capacités existantes avec la création d'une unité pour mineurs. Mais il faut faire en sorte que ces unités restent orientées vers la prise en charge des crises et ne se trouvent pas utilisée pour des soins programmés ou pour des prises en charge au long cours.
Il arrive cependant en effet que des adolescents avec des troubles majeurs se trouvent placés dans des secteurs pour adultes. Je rappelle que le code de la santé publique permet de placer dans le secteur de psychiatrie générale les malades à partir de l'âge de 16 ans.
L'objectif est pourtant bien de limiter au maximum les cohabitations lors des hospitalisations. Dans l'Essonne, où il y a deux unités pour adolescents, l'objectif est n'y a plus d'adolescents hospitalisés avec des adultes.
Pourriez-vous nous communiquer les chiffres d'occupation des lits par type de pathologie ?
Docteur Catherine Isserlis. - Bien sûr. S'agissant de la question de la preuve il faut savoir que la France, peut-être du fait de l'influence de la psychanalyse, a longtemps plutôt travaillé sur des monographies de cas plutôt que sur des cohortes.
Par ailleurs les questions de langue ont fait que les publications de chercheurs français dans les grandes revues anglo-saxonnes ont longtemps été limitées. Cela a changé et les publications françaises dans les revenues internationales en pédopsychiatrie sont nombreuses et en augmentation.
Il faut aussi être conscient du fait que la recherche en pédopsychiatrie est difficile car les enfants évoluent constamment.
Il est vrai que les enquêtes épidémiologiques ont pu rencontrer une résistance importante des praticiens. Ainsi l'enquête du Pr Kovess-Masféty n'a plus être conduite en Ile-de-France. Il est vrai que le contexte était celui du risque de ciblage d'une population du fait de diagnostics posés trop tôt et sans véritable valeur car, comme je l'ai dit, les enfants évoluent. La question du diagnostic se pose ici de la même manière que pour le handicap.
S'agissant de la question de la preuve en psychiatrie l'ARS n'a pas tous les leviers. Cette question relève principalement de la formation des praticiens et donc de l'université.
On constate néanmoins sur le terrain que les équipes mixtes évoluent dans les formes de prise en charge qu'elles proposent. Nous avons une approche pragmatique de mise en place d'un dispositif de recherche et de formation. Nous demandons aux professeurs d'université de la région d'animer des réseaux sur les recherches opérationnelles et l'organisation des soins au quotidien. Il s'agit de diffuser la culture de la preuve et les meilleures formes d'organisation.
Nous sommes convaincus que ce dispositif permet d'améliorer le niveau des prises en charge là où il a été mis en place, à Paris et en grande couronne.
Je suis d'accord avec vous qu'il faut que le médecin traitant ait la possibilité d'obtenir une consultation immédiate des spécialistes. Mais c'est loin d'être le cas partout en France. Par ailleurs j'insiste sur le fait que nous manquons de moyens pour l'hospitalisation d'urgence.
Docteur Catherine Isserlis. - L'hospitalisation en pédiatrie générale est très utilisée y compris pour les adolescents et les tentatives de suicide. Il me semble que c'est une possibilité intéressante à condition que l'équipe de pédopsychiatrie soit aux côtés de l'équipe de pédiatrie. Cela permet notamment d'éviter les hospitalisations stigmatisantes.
Comme vous le savez les ARS agissent sur les prises en charge hospitalière au travers des CPOM. En Ile-de-France nous exigeons désormais la présence d'une équipe de pédopsychiatrie dans tous les services de pédiatrie et de maternité qui ont un secteur sur le territoire qu'ils couvrent. Il faut cependant voir que cette obligation ne fonctionne que pour les hôpitaux publics et pas dans les maternités privés qui ont un rôle très important dans la région.
Le développement des réseaux de périnatalité me paraît important. Nous avons en région PACA le réseau PERINAT-SUD fait un travail remarquable.
Docteur Catherine Isserlis. - Il y a beaucoup d'écrit et moins d'actions sur la psychiatrie du bébé. Beaucoup de progrès ont été faits depuis les années 1980 mais toutes les maternités publiques ne travaillent pas avec des pédopsychiatres. Il en est de même dans le secteur privé malgré des textes prévoyant la présence de psychologues, faute de financement. Quelques-unes ont mis en place des vacations à la demande mais peu.
Il y a des réseaux de périnatalité partout sur le territoire mais tous n'ont pas intégré la dimension pédopsychiatrique malgré le fait que cela était prévu dans le cadre de l'entretien précoce.
Ce dispositif a été évalué et n'a pas pleinement atteint ses objectifs. Il est question de le remplacer par un entretien post natal qui peut être un levier sur lequel s'appuyer.
Quels sont vos liens avec l'Éducation nationale et êtes-vous notamment sollicité dans le cadre des nouvelles ESPE pour familiariser les futurs enseignants à ces problématiques ?
Docteur Catherine Isserlis. - Les formations restent malheureusement en tuyaux d'orgue entre l'Éducation nationale, le médico-social et le sanitaire. Ceci ne favorise pas la possibilité pour les institutions de se connaître. La formation n'est pas une mission des ARS mais il faut reconnaître qu'il est assez difficile d'intervenir au sein de l'Éducation nationale. À titre personnel j'ai fait des formations dans les anciens IUFM. Il avait fallu trouver le subterfuge de présenter ma conférence comme parlant du cadre juridique de la prise en charge. Par ailleurs les propositions de formation soumises à l'Éducation nationale ne sont pas pérennes. Elles sont revues chaque année. Le temps des formations est aussi de plus en plus court. Quand l'EHESP a fait une formation commune aux médecins des MPI aux psychiatres, pédopsychiatres et médecins-scolaire cette formation qui était prévue pour durer trois jours a du se faire sur une demi-journée.
Dans tous les champs on fait l'inventaire de ce à quoi les professionnels ne sont pas formés. Mais la question se pose aussi d'inclure la question de la santé mentale dans le parcours des élèves. Ils s'informent sur eux et sur leurs camarades. C'est ce que vous a dit M. Brison en parlant de mettre en place une culture de la bienveillance. Des expériences sont menées avec des professionnels qui se rendent dans les écoles.
Il y a une mine de bonnes initiatives à exploiter
Docteur Catherine Isserlis. - C'est bien le rôle des ARS que de faire fructifier les meilleurs pratiques sur le territoire. C'est cependant difficile quand on manque de moyens.
Nous accueillons conjointement, pour cette nouvelle audition, les organisations représentant les spécialistes de la prise en charge psychiatrique des mineurs. Je vous prie d'excuser l'absence d'Alain Milon qui, ne pouvant pas assurer la présidence de cette audition aujourd'hui, m'a demandé de le remplacer au côté de Michel Amiel, rapporteur de cette mission d'information.
Votre audition est au coeur de nos travaux car nous nous intéressons, vous le savez, à la prise en charge psychiatrique des mineurs.
De ce point de vue, l'essentiel est bien de connaître le vécu et l'analyse des praticiens et particulièrement des spécialistes de la prise en charge psychiatrique des enfants et adolescents. Nous avons donc souhaité vous entendre et échanger avec vous. Je vous passe donc sans plus tarder la parole pour un bref propos introductif en vous demandant de bien vouloir présenter les associations que vous représentez.
Notre rapporteur, puis les autres sénateurs, vous poseront ensuite quelques questions.
Je rappelle que notre audition est ouverte au public et à la presse.
Professeur Michel Wawrzyniak, président du conseil d'administration de la Société Française de Psychiatrie de l'Enfant et de l'Adolescent et Disciplines Associées (SFPEADA). - Je vous remercie de votre invitation. Je suis professeur en psychologie clinique et président de la Société française de psychiatrie de l'enfant, de l'adolescent et des disciplines associées (SFPEADA), également représentée aujourd'hui par le docteur Catherine Lacour-Gonay. La SFPEADA est la plus ancienne au monde des sociétés savantes en psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent. Une de ses caractéristiques fortes tient dans le fait que les pédopsychiatres ont ouvert cette société aux représentants des disciplines dites « associées » comme les orthophonistes, les psychologues, les infirmiers ou les éducateurs psychomotriciens.
Je souhaite, à ce titre, souligner le fait que je ne suis personnellement pas pédopsychiatre mais psychologue clinicien, professeur en psychologie clinique, formateur de psychologues cliniciens et de thérapeutes familiaux. J'ai eu l'occasion de créer au côté des professeurs Mille et Guilé au Centre hospitalier universitaire (CHU) d'Amiens une unité fonctionnelle de thérapie familiale dans son service de pédopsychiatrie. Je fais le pari de croire que c'est pour souligner l'importance du travail en équipe, dimension essentielle de la pédopsychiatrie, qu'en tant que membre des disciplines associées, je me suis trouvé élu président de la SFPEADA. Le travail en pédopsychiatrie est marqué par un sentiment d'appartenance à une équipe. Notre présence à deux témoigne de ce partenariat continuel où chaque profession s'exerce à la fois dans l'accomplissement de ses compétences, mais également dans la mutualisation de ses incomplétudes. Ce point de vue systémique s'ouvre à la référence à un autre système que celui du soin, qui est celui de la famille.
À l'instar de la parole si bien connue de Donald Winnicott « un bébé ça n'existe pas seul », nous aimerions insister sur le constat qu'un psychiatre du champ de la psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent ne travaille jamais seul. C'est le dialogue et les interactions entre le système du soin et celui de la famille qui constitue le coeur et la matrice des soins en pédopsychiatrie.
La SFPEADA s'intéresse aux dispositifs de soin, aux protocoles de recherche et de formation. En partenariat avec l'Association des Psychiatres de secteur Infanto-juvénile (API) représentée aujourd'hui par Roger Teboul, nous organisons à ce titre, tous les ans, des carrefours de la pédopsychiatrie. Depuis deux ans, le Centre médico-psychologique (CMP) est au coeur de ces réflexions. En février 2016, le thème de ces carrefours était « L'accueil en CMP : un acte de soin ? ». En février 2017, ce thème sera « L'évaluation en CMP : un acte de soin ? ». Notre Société vient de tenir un séminaire interne consacré au parcours de soins et a des propositions relatives aux CMP à avancer.
À côté de notre travail quotidien, nous rencontrons également des situations exceptionnelles. Je parle ici des attentats récurrents qui ont frappé notre pays. La SFPEADA avait programmé, une année en amont, une journée d'étude consacrée au thème « L'enfant, la mort, le deuil » qui s'est tenue le 20 novembre 2015, c'est-à-dire une semaine avant les attentats du 13 novembre. Le professeur Jean-Philippe Raynaud, membre du conseil d'administration de notre Société était, avec ses équipes de pédopsychiatrie, le témoin actif des différents faits dramatiques qui se sont déroulés à Toulouse. Autre membre de ce conseil d'administration, Mme le professeur Florence Askenazy, de la fondation Lenval à Nice, a vu son équipe de pédopsychiatrie se retrouver en première ligne dans les soins à apporter aux victimes de l'attentat du 14 juillet dernier. Également membre du conseil d'administration, le professeur Daniel Marcelli a apporté son soutien aux équipes de la fondation Lenval à Nice car les soignants, projetés dans une situation de violence extrême, nécessitent eux-aussi des soins.
L'ensemble de ces données nous a fait prendre la décision d'organiser une prochaine journée nationale le 6 mars 2017 consacrée à la question « L'enfance attaquée ou la pédopsychiatrie face aux risques collectifs ». Il s'agira d'encore mieux faire prendre en compte les soins donnés aux enfants, aux adolescents et aux familles dans ces situations dramatiques, ainsi que les soins à donner aux soignants eux-mêmes.
Nous espérons que cette journée qui suivra la conférence internationale de l'aide aux victimes qui s'est tenue à l'UNESCO le 9 janvier dernier, nous permettra de mettre en place des réseaux d'informations, d'interventions et de formations dans un contexte où le quotidien et l'exceptionnel se nouent hélas de manière si intense.
Docteur Catherine Lacour-Gonay, membre du conseil d'administration de la Société Française de Psychiatrie de l'Enfant et de l'Adolescent et Disciplines Associées (SFPEADA). - Je suis pédopsychiatre et interviens à plusieurs titres. Je suis praticien hospitalier au sein du Groupe hospitalier de l'est francilien (GHEF), grand hôpital qui recouvre l'ensemble de la Seine-et-Marne depuis le 1er janvier dernier. Je suis, par ailleurs, rattachée au service de pédopsychiatrie du GHEF et anime une structure pour adolescents. Elle intervient en soin-études ambulatoire et est le fruit d'un partenariat avec la Fondation santé des étudiants de France. C'est un partenariat soin-scolarité soucieux d'articuler ces deux composantes pour un adolescent porteur de souffrances psychiques et psychiatriques.
J'interviens dans le cadre du conseil d'administration de la Société française de psychiatrie de l'enfant, de l'adolescent et des disciplines associées. J'insiste sur les termes de disciplines associées car nous tenons à marquer notre partenariat, au sein des équipes de pédopsychiatres, avec des psychologues et des représentants d'autres disciplines. Il n'existe pas de pédopsychiatrie sans équipe. C'est inhérent à notre discipline. Je suis d'ailleurs, plus précisément, en charge des partenariats dans ce conseil d'administration. Je précise également qu'il n'existe pas de pédopsychiatrie sans famille et sans scolarité.
Notre discipline a pour point fort d'être forcément placée dans une démarche partenariale. Lorsque je parle de famille, je ne fais pas seulement référence aux parents mais également à la fratrie ou aux grands parents. À l'heure des familles décomposées puis recomposées, cela peut regrouper beaucoup de monde. Ce large environnement propre à la pédopsychiatrie nécessite du temps.
Vous savez peut-être que nous traversons une crise. Elle est d'une part quantitative du fait de la baisse très nette du nombre de pédopsychiatres ces 10 dernières années. Il existe également une crise de la reconnaissance des professionnels, notamment dans les disciplines associées. Je vise ici particulièrement des psychologues à qui il est demandé d'assumer de nouvelles activités dans le cadre des transferts de compétences, lesquels ne sont pas forcément accompagnés de revalorisations salariales et professionnelles.
En tant que représentants de la SFPEADA, nous sommes aujourd'hui invités en table ronde avec des représentants de l'API et de la Fédération des centres médico-psycho-pédagogiques (FDCMPP). Cela tombe bien car l'ensemble de nos structures participe à la Fédération française de psychiatrie (FFP) et, en particulier, à son collège de pédopsychiatrie. Le fait de travailler main dans la main relève d'une dynamique récente dont chacun est acteur, même si nous n'intervenons pas aujourd'hui pour le compte de la même structure.
Dans ce cadre et dans celui du conseil d'administration de la SFPEADA, je participe au sein de la Haute Autorité de santé (HAS) à la réflexion menée sur les parcours de soins pour enfants porteurs de troubles « dys ». Car la pédopsychiatrie a son mot à dire sur les troubles des apprentissages. Nous participons également aux journées de perfectionnement des pédopsychiatres au ministère de la santé qui se tiendront cette année en mars. Cette journée portera sur les écrits en psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent. Nous avons, en effet, à coeur d'améliorer nos contributions écrites dans la collégialité. Nous participons aussi au Conseil national de santé mentale (CNSM) car il est important pour nous de dire que la pédopsychiatrie participe de la santé mentale. Nous sommes désireux d'occuper cette place-là, même si nous avons consciences que notre discipline ne recouvre pas tout le concept de santé mentale.
Nous avons, avec Roger Teboul, lancé une action de recherche dans le cadre de la FFP sur la radicalisation avec le souhait de savoir en quoi les jeunes radicalisés avaient, le cas échéant, affaire avec la psychiatrie et en quoi un dispositif de prise en charge thérapeutique pouvait être envisagé. Ces questions intéressantes sont aussi au confluent de préoccupations de plusieurs ministères dont ceux de l'éducation nationale, la défense, la justice et la santé. Nous nous retrouvons donc dans un climat multi-partenarial qui nous est familier. C'est important car il n'est possible d'avancer sur les questions de radicalisation que si l'on réfléchit à plusieurs.
La SFPEADA a à coeur de s'investir dans la formation de nos collègues et de son réseau sur les sujets d'actualité. À cet effet, nous organiserons en juin prochain à Amiens les journées nationales du Congrès français de psychiatrie et de psychopathologies de l'enfant et de l'adolescent autour du thème « Imaginaire et nouvelles machines ». À l'heure d'internet et des réseaux, il nous semble intéressant d'aborder le sujet.
J'ai pu aussi participer à la journée « Décrochage scolaire à l'adolescence » montée en partenariat avec la Fondation santé des étudiants de France. Les questions de phobie et de décrochage scolaire nous paraissent, en effet, être une pathologie propre à notre société contemporaine sur laquelle nous avons beaucoup à dire. Un atelier sur ce même thème a été animé au Congrès français de psychiatrie.
Nous participons aussi du Développement professionnel continu (DPC) sur les troubles des apprentissages, la dépression de l'adolescent, le bilan sensori-moteur ou la prescription des psychotropes en pédopsychiatrie.
Nous disposons donc de nombreux axes de travail.
Je reprends ma casquette de praticien en groupement hospitalier de territoire pour relayer certaines inquiétudes de mes collègues. Nous croyons fort en l'idée que la pédopsychiatrie peut s'inscrire dans l'hôpital général mais nous nous sentons fragilisés dans cette position. À l'heure des enveloppes budgétaires globales qui ne distinguent pas entre psychiatrie et pédopsychiatrie, certains directeurs font des arbitrages qui ne sont pas en faveur de notre spécialité. Je comprends que ces arbitrages sont difficiles et qu'il n'est pas toujours simple de trancher entre un besoin en réanimateur et un besoin en psychologue. Il en ressort, tout de même, un sentiment de fragilisation pour la pédopsychiatrie car il n'est pas facile d'être privilégié dans des espaces ambulatoires externalisés.
Venant de Seine-et-Marne, je constate également des disparités entre les territoires. Mais vous connaissez en tant que représentants de territoires. Un manque local de pédopsychiatres est souvent la conséquence d'une désertification médicale plus profonde. Il existe des endroits dans le fin-fond du département de Seine-et-Marne où il n'y a plus de médecin traitant et où une adolescente doit se rendre aux urgences pour se faire prescrire la pilule. C'est un scandale sanitaire.
Je termine en reprenant les mots de Marie-Rose Moro que vous avez aussi interviewée. Comme elle, nous comptons sur vous pour sauver la pédopsychiatrie.
Docteur Patrick Belamich, président de la Fédération Des Centres Médico-Psycho-Pédagogiques (FDCMPP).- Je suis médecin-directeur du Centre médico-psycho-pédagogique (CMPP) de Fontainebleau. À la fois directeur médical et directeur administratif d'un lieu de soin, je suis donc une espèce en voie de disparition ! Il en reste quelques-uns dans les CMPP mais nous sommes vraiment très peu. Sans vous présenter la FDCMPP, je vais en revanche vous présenter les CMPP d'une manière générale. Il en existe 310 en France à l'heure actuelle, ce qui correspond à 470 lieux de consultations car chaque CMPP peut procéder plusieurs antennes. Les CMPP constituent un maillage de tout le territoire national et deux tiers d'entre eux sont adhérents à la fédération des CMPP. L'ensemble des CMPP représentent 3 millions de consultations par an et 200 000 enfants concernés soit environ un peu moins de la moitié des actes de pédopsychiatrie ambulatoire en France. Les CMPP comptent sur le travail de 5 000 équivalents temps plein (ETP) avec beaucoup de salariés à temps partiels. Si certains CMPP dits « territoriaux » dépendent de communes, la plupart de ces centres sont sous la forme d'associations régies par la loi de 1901.
Les CMPP sont des lieux polyvalents et généralistes. Ils peuvent donc recevoir de jeunes patients présentant toute forme de pathologie. Ces patients ont de 0 à 20 ans, voire un peu plus avec le dispositif issu de « l'amendement Creton ».
Les centres médico-psycho-pédagogiques sont issus du mouvement de développement de la protection sociale après-guerre et de la volonté conjointe de l'instruction publique, éducation nationale de l'époque, et de la santé publique, de créer des structures qui pourraient faire tiers. Le CMPP Claude Bernard à Paris a été le premier créé en 1946.
Ces centres sont des lieux de diagnostics et de soins qui ne sont pas sectorisés, à la différence des inter-secteurs. Du fait de la désertification médicale, je reçois, par exemple, à Fontainebleau des familles et des enfants venant du Loiret ou de l'Yonne. On y prend en considération l'enfant et tout ce qui concerne l'enfance, y compris l'enfance des parents. Les CMPP sont des lieux de soins où l'on vient adresser sa souffrance, son angoisse et l'isolement qui va avec. Car venir consulter est déjà une manière de sortir de l'isolement et représente un certain soulagement. Il s'agit d'une aide contre la marginalisation à destination des familles en difficulté. Il n'est, en effet, pas possible de soigner des enfants si l'on ne travaille pas avec les parents. Souvent les enfants se font le symptôme ou sont porteurs d'un symptôme de leurs parents. Il convient donc de donner une place particulière aux parents, s'en faire des alliés sans forcément les mettre en accusation comme on l'a trop souvent entendu. On a répété, comme une idée reçue, que « les psys culpabilisent les parents, et cetera, et cetera ». J'ai l'habitude de répondre à ça que les parents n'ont pas besoin des psys pour se sentir coupables. Il suffit d'être parent soi-même pour le savoir. S'il est nécessaire de travailler avec les parents, il l'est aussi parfois de les tenir à distance afin de préserver de leur intrusion un lieu de confidentialité où l'enfant peut déployer tout ce qu'il a de plus intime. Il en va de même pour l'école, les services sociaux dont l'Aide sociale à l'enfance (ASE) car on reçoit énormément d'enfants placés dans des foyers ou familles d'accueil avec tout un cortège de pathologies parfois graves et inquiétantes.
Les CMPP sont des lieux d'adresse dans la cité, repérés en tant que tels par les familles. Nous recevons d'ailleurs parfois successivement plusieurs générations d'une même famille. Cela rend compte de notre implantation locale et de notre important travail en réseau. Nous avons, par exemple, dans le sud de la Seine-et-Marne monté une association de type « loi 1901 » autour de l'adolescence avec l'inter-secteur infanto-juvénile et la clinique privée du Pays de Seine qui reçoit des adolescents ainsi qu'avec une grosse association qui comprend des Instituts médico-éducatifs (IME), des services d'éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD) et des Centres d'action médico-sociale précoce (CAMSP). La création de cette association a été motivée par la volonté d'établir une synergie dans le travail de l'ensemble des structures qui en sont membres.
Il n'est pas possible de travailler seul lorsqu'on s'occupe d'enfants au sein d'une institution. Il faut des équipes pluridisciplinaires. Les CMPP comptent, à ce titre, à la fois sur des pédopsychiatres, des psychologues, des orthophonistes, des psychomotriciens, des psychopédagogues, des assistantes sociales et encore d'autres spécialistes. Il nous est également nécessaire de travailler en réseau avec d'autres partenaires sur le même champ que nous.
Pour ce qui est de la Fédération des CMPP, elle a pour rôle de favoriser les échanges entre les différents établissements. Car chaque centre possède sa propre expérience et sa propre histoire puisque des spécificités sont apparues au fil du temps. Il est donc important de mettre ces spécificités en valeur pour en faire une base d'échange. Il s'agit d'une richesse basée sur de l'expérience de terrain.
Afin de favoriser ces échanges, la FDCMPP organise des journées d'étude tous les ans ou tous les deux ans. Elle possède également une commission qui s'occupe de la formation à différents niveaux.
Docteur Roger Teboul, pédopsychiatre, président de l'Association des Psychiatres de secteur Infanto-juvénile (API). - Je représente l'Association des psychiatres de secteurs infanto-juvénile (API). J'insiste sur le terme de secteur. On a l'habitude de me dire militant. Je le suis volontiers pour défendre ce mot : le secteur. Il s'agit d'une belle idée française née après-guerre de gens également militants. Elle s'est concrétisée par une circulaire de 1960 et, pour la psychiatrie infanto-juvénile, par la création de secteurs ad hoc en 1972 qui furent les premiers. Cette idée est issue du gouvernement de la Libération et de la Résistance, au même titre que l'ordonnance du 2 février 1945 sur la justice pénale des mineurs.
Je remarque que la dénomination de cette mission d'information se base sur un terme inusuel mais remarquablement intéressant qui est celui de la psychiatrie des mineurs. On parle, en effet, habituellement de psychiatrie infanto-juvénile ou de pédopsychiatrie. Ce terme particulier me renvoie à la question de savoir ce qu'est un mineur dans une société occidentale moderne comme la nôtre. Quels sont ses droits et quels sont ses devoirs ?
Je reviens au terme de secteur et précise que les psychiatres infanto-juvéniles soutiennent cette idée car nous considérons qu'il s'agit d'un modèle d'organisation territoriale de la psychiatrie. Nous n'avons pas attendu les termes actuels pour passer à l'acte et organiser les choses au niveau du territoire. Pour la psychiatrie en général, et pas seulement celle des mineurs, la mission Robillard l'a déjà montré. Cette organisation territoriale mêle très intimement prévention et soins. Je parle ici de prévention centrée sur la personne et pas des programmes de prévention à l'anglo-saxonne. C'est ce sens qu'a repris le collectif « Pas de zéro de conduite », auquel l'API à largement participé, afin de prendre soin de la jeunesse et de ces jeunes. C'est important. Ce sont des principes que nous essayons de tenir.
Il n'est pas toujours évident d'organiser l'articulation entre prévention et soins de 0 à 20 ans. Nous essayons tout de même de la faire dans un contexte budgétaire contraint, où nous subissons un certain nombre d'attaques.
La psychiatrie des mineurs est un objet intéressant qui devrait être pris en compte par la société. Il serait donc intéressant que cette mission puisse redéfinir nos missions dans un consensus plus large et que l'on arrête de nous chercher des « poux sur la tête », passez-moi l'expression.
Sur le territoire, 600 000 enfants sont suivis, entre les services de psychiatrie infanto-juvéniles et les CMPP. Nous avons organisé le 4 avril 2014 les états généraux de la pédopsychiatrie à l'issue desquels 10 propositions ont été formulées. Je serais extrêmement heureux que cette mission puisse les reprendre et pourrai vous les communiquer. Un travail considérable a été fait en région pour préparer ces états généraux qui n'étaient pas centralisés à Paris.
Travailler sur tout le territoire national en tentant d'en réduire les disparités est une de nos marques de fabrique. Une de nos 10 propositions va d'ailleurs en ce sens. Soutenir les partenariats dont mes collègues ont déjà parlé est aussi au centre de la psychiatrie de secteur. Nous travaillons avec tout le monde dès lors que nous disposons des moyens pour le faire : éducation nationale, la protection maternelle et infantile (PMI), la justice des mineurs, la protection de l'enfance, les services de pédiatrie et les services de psychiatrie générale car des sujets nous sont communs. La psychiatrie périnatale est également concernée avec des parents psychotiques, notamment des mères. De même pour la psychiatrie de l'adolescent puisque des articulations sont à mettre en oeuvre, notamment lorsque l'individu souffre d'une maladie chronique qui va handicaper sa vie.
Enfin, je crois qu'une grande réforme vient de voir le jour avec l'organisation des groupements hospitaliers de territoire (GHT). Cette réforme a un peu mis de côté les questions que peuvent poser la psychiatrie et la pédopsychiatrie. Michel Laforcade a un peu essayé de répondre à ces questions mais une articulation doit être mise en oeuvre entre les champs sanitaire et médicosocial pour la psychiatrie et, a fortiori, la pédopsychiatrie. C'est un vaste chantier que peut, peut-être, servir votre mission.
La dimension de thérapie familiale n'a pas encore été abordée dans nos auditions mais a été citée par M. Wawrzyniak, ainsi que la notion de périnatalité. Ces sujets me paraissent intéressants.
Deuxième question : du symptôme au dépistage ou à la prise en charge, je vous prie de développer l'idée de parcours de soins.
Ma troisième question porte sur les articulations. Mme Lacour-Gonay, vous avez insisté sur l'articulation avec les autres institutions, je souhaiterais donc savoir comment peut-on mieux articuler. Comment briser les tuyaux d'orgues sans tomber dans le chaos ?
Vous avez dit que la pédopsychiatrie a des choses à dire sur les troubles de l'apprentissage, les « dys ». À l'inverse de certains de mes collègues, je m'en réjouis. Je souhaiterais avoir vos sentiments croisés à ce sujet.
Le Docteur Teboul a dit qu'il serait bon que les politiques redéfinissent certaines missions. Est-ce à nous de le faire ? Les députés ont récemment émis un appel contre les psychanalystes concernant l'autisme. Au-delà de ce que je peux en penser en tant que médecin, est-ce aux députés qu'il revient de formuler de tels avis ? La réponse est négative de mon point de vue, mais n'hésitez pas à nous faire part d'un avis contraire au mien. La parole est libre.
Les CMPP sont un sujet qui m'intéresse. CMP, CAMSP, SESSAD, CMPP, quelle est la place de chacun ? Merci de votre propos décrivant rapidement ce que sont les CMPP. Pourriez-vous préciser leurs spécialités par rapport aux autres types d'établissements que je viens d'énoncer.
Enfin, vous avez parlé d'une prévention centrée sur la personne. Quid de l'épidémiologie en pédopsychiatrie ?
Docteur Catherine Lacour-Gonay. - Je souhaiterais évoquer la thérapie familiale car il s'agit de quelque chose auquel je tiens et auquel je crois profondément depuis que je m'occupe d'adolescents. C'est aujourd'hui le coeur de mon métier car il ne sert à rien de soigner un enfant ou un adolescent si on ne prend pas en charge sa famille ou les changements qui doivent s'opérer dans cette famille et qu'on ne le considère pas comme ressource essentielle de ces changements. Un pôle de thérapie familiale a été monté au centre d'évaluation et de soins pour adolescents. Il s'agit d'un dispositif qui demande un peu de personnels mais surtout de temps car on ne peut pas recevoir une famille en 10 minutes. Une heure, parfois une heure trente sont nécessaires, ainsi qu'un superviseur. Nous avons la chance d'avoir Irène Kaganski qui a monté ce pôle de thérapie familiale et qui assure sa supervision.
C'est essentiel car nous avons affaire à des familles traversant des choses très lourdes, qu'il s'agisse de deuils ou de morts d'enfants. Il nous est ainsi possible de suivre une famille sur plusieurs mois ou plusieurs années. Il s'agit d'un véritable levier de changement à tous les niveaux du parcours de soins. Les parents des adolescents phobiques scolaires que je suis ont, par exemple, parfois l'idée que « peu importe que mon fils soit malade ou tente de se suicider, du moment qu'il ait son bac ». Un temps va donc être nécessaire pour travailler cette question de la souffrance psychique afin de leur faire entendre qu'il convient d'abord de la traiter, avant de penser aux résultats scolaires dont on s'occupera après.
Pensez-vous qu'une tarification ad hoc serait nécessaire ?
Docteur Catherine Lacour-Gonay. - Merci d'aborder ce sujet. Ce serait effectivement une bonne chose. C'est vrai qu'aujourd'hui, ces prestations sont comptabilisées comme une consultation standard. Je dois même me battre au sein de mon propre service afin de faire prendre conscience que ce n'est pas la même chose de recevoir toute une famille avec parents et grands-parents que de recevoir une personne seule. Il m'arrive parfois de recevoir 3 pères lors d'une même consultation : le père biologique, le père qui a élevé l'enfant et le père du moment qui constitue famille avec l'adolescent plus âgé. Une mère peut également être reçue avec une mère de famille d'accueil. Je travaille toujours avec les deux car il ne s'agit pas de choisir l'une plutôt que l'autre. Chacun a quelque chose à dire et il important d'écouter tout le monde. Il faudrait donc que l'acte médical soit reconnu en conséquence.
Je reviens à la question de la périnatalité puisqu'on a commencé à évoquer la famille.
Docteur Roger Teboul. - On a créé à Montreuil, où je suis praticien hospitalier, une unité de psychiatrie périnatale. Je signale que je suis un élève de Serge Lebovici qui a introduit la psychopathologie du nourrisson en France dans les années 80. J'ai également débuté ma carrière en maternité. Je crois beaucoup aux interventions précoces et la façon dont on peut prévenir l'aggravation ou l'arrivée de troubles par ce biais-là, lorsqu'on connait des situations à risque. C'est le cas lorsque la mère du bébé qui vient de naître est psychotique ou très déprimée. Il faut, pour cela, intervenir de manière coordonnée et concertée avec tous les services sociaux pour soigner un lien perturbé entre un bébé, sa mère et son père.
Pour en revenir à la question du rapporteur, ce n'est peut-être pas de l'épidémiologie au sens statistique du terme, mais c'est en tout cas un constat clinique vérifiable après coup. Lorsque l'on retrace des histoires et que l'on étudie la biographie d'enfants ou d'adultes dont on s'occupe, on se rend compte que certains contextes et situations sont extrêmement pathologiques puisque favorables à la survenue de certaines souffrances psychiques.
En ce sens, la périnatalité, la psychopathologie ou la psychiatrie périnatale ont quelque chose de fondamentale qui soigne et qui prévient en même temps.
Dans ce cadre-là, la loi du 5 mars 2007 a prévu la consultation du 4ème mois. L'utilisez-vous comme outil ? Avez-vous les moyens de la mettre en oeuvre ?
Docteur Roger Teboul. - Je ne travaille plus depuis longtemps en maternité. Je m'occupe plus de l'adolescent dont la psychopathologie n'est pas sans lien avec celle du bébé. Car lorsque l'on grandit et que l'on commence à se séparer de ses parents, on revisite la façon dont on s'est lié à eux. C'est inévitable. On travaille beaucoup sur les bébés qu'ont été ces adolescent et, de fait, avec leur famille. Je crois que la consultation à laquelle vous faites référence est aujourd'hui beaucoup demandée aux sages-femmes. Françoise Molénat avait beaucoup travaillé en ce sens. Effectivement, des liens sont à faire au sein des maternités avec les services de pédopsychiatrie. Ce n'est pas fait partout et il n'existe pas beaucoup d'unités psychiatriques périnatales mais je pense qu'il s'agit de structures à promouvoir dans cette articulation des soins et de la prévention.
Docteur Patrick Belamich.- Je souhaiterais ajouter quelque chose au sujet de la toute petite enfance et de la prévention. On s'aperçoit, à propos de l'aide à la parentalité, que beaucoup de familles monoparentales se retrouvent complétement isolées avec leurs enfants alors que cet isolement peut engendrer des souffrances ou des difficultés. Les petites structures que sont les Lieux d'accueil enfants-parents (LAEP) sont, en ce sens, des espaces privilégiés. Ils sont gratuits puisque leur financement est conjointement assuré par les départements et les Caisses d'allocations familiales. L'accès à ces structures est également anonyme. Elles sont ouvertes et les personnes peuvent y rester un certain temps pour discuter entre elles. Des professionnels sont présents afin qu'on leur pose des questions et pas forcément au sujet de pathologies en tant que telles. L'association qui gère le CMPP a, au sud de la Seine-et-Marne, pu ouvrir 2 lieux d'accueil de ce type.
Et au sujet de la spécificité des CMPP par rapport aux structures du même genre ?
Docteur Patrick Belamich.- La spécificité des CMPP est justement de ne pas en avoir. Les SESSAD sont destinées à l'intégration scolaire des enfants ayant des problèmes de handicap, les CAMSP, elles, sont destinées à la toute petite enfance avec quelques fois des spécialités touchant à des handicaps bien précis, mais les CMPP reçoivent toute sorte d'enfants et de pathologies. Puisque l'on fait uniquement des consultations, on a parfois besoin d'hospitalisations et de travailler avec des inter-secteurs. Au niveau pathologique, il m'est arrivé de prendre en charge des enfants autistes plusieurs fois par semaine. Il ne s'agissait pas d'enfants à l'autisme très régressé, ils ont été pris en charge avec des psychomotriciens et des orthophonistes. Ce n'est pas non plus un hôpital de jour car notre travail est différent, mais il est structuré et structurant pour certains enfants.
La gratuité des lieux parents-enfants s'explique par les financements de la CAF, des départements et d'autres collectivités. On peut donc s'interroger sur sa pérennité.
Pourriez-vous évoquer, en réponse à la question du rapporteur, les troubles « dys » et la pédopsychiatrie ?
Docteur Catherine Lacour-Gonay. - Je me suis retrouvée en tant que pédopsychiatre au sein de l'assemblée qui réfléchissait sur les parcours de soins à l'HAS sur les troubles « dys » avec Emmanuel Corbillon. J'ai à ce titre été un peu mise à mal comme pédopsychiatre, y compris par les rééducateurs. Ils avaient du mal à considérer la pédopsychiatrie tant ils étaient concentrés sur les troubles simples des troubles de l'apprentissage. Car, de fait, les pédopsychiatres n'ont pas à connaitre de dyslexie simple ou de dysgraphie simple. Ils ne le nécessitent pas. Mais, dans ma pratique du quotidien, au contact des adolescents, je ne vois pas de troubles des apprentissages isolés mais seulement des troubles des apprentissages complexes qui sont intégrés dans des troubles du développement, sans que l'on sache s'il s'agit d'une cause ou d'une conséquence. Une dyslexie ignorée pendant des années peut conduire un enfant à devenir le bouc-émissaire d'une classe et le transformer en « clown » ou en « monstre » de la classe. Complétement coupé des apprentissages qu'il ne suit plus, il n'a d'autre choix que celui de faire le rigolo. Il faut donc le regard croisé qui est le nôtre pour percevoir la souffrance de l'adolescent derrière les troubles du comportement mais également avoir quelque chose à dire des troubles des apprentissages.
Ayant peut-être longtemps laissé ce champ-là aux seuls neuropédiatres, nous avons aussi à faire notre mea-culpa. Mais notre Société a à coeur de former des praticiens et d'éminents spécialistes qui nous accompagnent comme Mario Sperenza, professeur à Versailles, ou David Cohen, professeur à la Salpetrière. Ils gèrent tous deux des unités très compétentes dans les troubles des apprentissages. Affirmer que les pédopsychiatres n'ont rien à dire sur les troubles des apprentissages relève donc vraiment de l'ineptie ! A nous de nous former mais il y a vraiment du sens à ce que nous faisions partie d'équipes pluridisciplinaires. Je rappelle, à la marge, que l'orthophonie et la plupart des rééducations sont même nées de la pédopsychiatrie. D'un point de vue historique, le lien est clair.
Vous avez évoqué la nécessité des liens avec la famille et le monde scolaire. Quelles sont vos propositions afin d'améliorer la situation.
Docteur Catherine Lacour-Gonay. - En tant que praticien hospitalier, je suis responsable d'une structure de soins-études ambulatoire. Il s'agit d'un dispositif innovant qui s'appuie sur les professeurs du plateau pédagogique de la Fondation Santé des étudiants de France, équipe mobile de professeurs qui se déplace dans les collèges et lycées. Nous couvrons l'ensemble du nord de la Seine-et-Marne soit 110 établissements. L'aide d'une équipe pédagogique pour pouvoir organiser un projet de soin individualisé au sein des établissements-mêmes est très intéressante. Des aménagements scolaires sont prévus pour permettre aux adolescents de suivre en priorité leurs soins, qu'il s'agisse de thérapies individuelles ou de groupe. Le partenariat avec la médecine scolaire est essentiel et il est essentiel qu'il continue d'exister. Nous avons besoins de vous pour réhabiliter les médecins scolaires. Je sais qu'une réforme est en cours au sujet des psychologues scolaires. C'est une bonne chose car les collèges et lycées n'étaient dotés qu'en conseillers d'orientation. Cela posait donc des problèmes de confidentialité, de secret médical, et in fine d'échange entre eux et nous. Il ne s'agit pas tout à fait de la même fonction et certaines choses sont à repenser puisque nous avons besoin d'une médecine scolaire forte à nos côtés. Là encore, les enfants d'aujourd'hui sont les adultes de demain et il est important qu'on se donne les moyens de les prendre en charge.
Docteur Roger Teboul. - Je crois qu'il convient aussi de travailler sur l'enseignement spécialisé pour l'intégration des enfants dits handicapés selon les procédures des Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Il faudrait réfléchir au niveau de l'éducation nationale, au même titre que le syndicat des enseignants spécialisés, sur les conséquences de la loi de 2005 sur le handicap. Cette loi vise l'inclusion scolaire de tous les enfants handicapés. Puisque la scolarité est devenue un droit opposable, qu'est-ce que le système est capable de proposer aux enfants handicapés une scolarité au même titre que tous les autres ? Les instituts médico-éducatifs constituaient, en France, une filière très spécialisée de l'enseignement, sorte de parallèle à l'éducation nationale, mais qu'en est-il aujourd'hui où tous les parents souhaitent et peuvent obtenir que leur enfant handicapé soit à l'école ?
En ce qui concerne les missions, mon propos n'était pas un souhait qu'on nous impose une marche à suivre. Je souhaite simplement que notre pays se prononce sur la façon dont il considère ses mineurs et considère la manière de les soigner. Si on ne dispose pas des moyens pour le faire, je ne vois pas comment nous pourrons répondre à des missions. Je veux bien participer à des réflexions visant à ce que le champ de nos missions soit précisé par les pouvoirs publics mais le projet d'amendement dont il était question vise à entraver la liberté des médecins à choisir leurs méthodes. La pédopsychiatrie ou la psychiatrie des mineurs a une implication sociale très importante. Il s'agirait que nos politiques la définissent et surtout la garantissent. S'il y a une chose à demander aujourd'hui, ce serait la sanctuarisation des budgets de la psychiatrie et, en particulier, de la pédopsychiatrie.
Docteur Catherine Lacour-Gonay. Je nuancerais le propos sur l'éducation nationale car je pense que le droit à la scolarisation doit être entendu. Les maladies psychiques ou pédopsychiques peuvent entrainer des handicaps transitoires, fonctionnels, qui doivent être pris en compte. Je remarque aussi la souffrance des enseignants que nos équipes vont soutenir. Car un enseignant débordé par une seule situation peut difficilement être opérationnel au niveau de l'enfant dont il a la charge comme au niveau de sa classe toute entière. C'est, encore une fois, une question de temps. À l'heure de la tarification à l'acte, est-ce que ces actes de réseau ou de partenariat vont être reconnus et de quelle façon ? Car nous disposons d'une légitimité à travailler ensemble.
Vous avec abordé l'intervention précoce. Je pense qu'elle comprend les deux aspects que sont le diagnostic et le parcours de soins. Il est important de souligner qu'ils sont mêlés car parfois un diagnostic précoce est établi mais sans être suivi de parcours de soins, ce qui est très grave.
Je fais partie des parlementaires qui pensent que chacun ne doit pas outrepasser son rôle. En tant que personnel politique nous n'avons pas à nous mêler de choix de thérapies. Notre société, depuis longtemps, pousse en même temps à des choix binaires. On entend aujourd'hui des patients se déchaîner et mettre la psychanalyse au panier en matière d'autisme alors qu'hier elle était encensée. Ces schémas ne sont pas bons, y compris pour les troubles « dys », qu'il s'agisse de dyslexie, dysorthographie ou dyscalculie. Je crois beaucoup aux équipes pluridisciplinaires, notamment pour des troubles assez légers qui vont assez vite disparaître.
Mais je suis inquiète car, selon la réponse apportée par les parlementaires, y compris dans le sens que je préconise, les troubles « dys » vont être traités selon la logique binaire que je dénonce. Ils vont donc se retrouver intégralement dans le domaine de la psychiatrie ou intégralement dans un autre domaine. Gardons-nous de ces classifications hâtives et restons dans la mesure et dans l'échange. Faisons confiance aux professionnels.
Pouvez-vous, en vous basant sur votre expérience en matière d'IME, entre autres, nous renseigner sur les enfants victimes de troubles ou de souffrances psychiatriques et qui ne trouvent pas d'établissements adéquats ? Faut-il des établissements spécialisés ou des établissements aux compétences plus larges, comme en Belgique ?
Je pense que les questions d'articulation soulèvent le problème du lien avec le milieu scolaire. Quelques difficultés sont rencontrées par les professionnels pour recevoir leurs petits patients pendant le temps scolaire afin qu'ils suivent telle ou telle thérapie. C'est a fortiori le cas avec l'actuel plan vigipirate.
Docteur Catherine Lacour-Gonay. - Nous savons aussi qu'un lien est indispensable entre diagnostic et parcours de soin. À quoi bon diagnostiquer si on ne soigne pas ? C'est en ce sens que la SFPEADA a organisé un séminaire pour essayer de réfléchir à cette question au-delà des problèmes de listes d'attente qui retardent les prises en charge. Dans une réflexion conjointe avec la Direction générale de la santé (DGS), on s'est donc demandé comment établir des priorités entre les situations à partir des tranches d'âge. Il convient de réfléchir avec un « niveau 1 » correspondant au repérage, un « niveau 2 » qui serait le diagnostic et un « niveau 3 » qui correspondrait à l'adressage à des centres ad hoc. Pour les 0-6 ans, les CAMSP seraient pressenties et les maisons des adolescents (MDA) le seraient pour les 11-20 ans. Je souligne au passage les problèmes de financement des MDA car il existe une grosse disparité dans leurs montages financiers respectifs, en fonction des territoires concernés. Il conviendrait de réfléchir afin de garantir la pérennité de ces MDA. Nous avions, enfin, pensé organiser une plateforme territoriale d'appui en santé mentale adossées aux CMP pour les 6-11 ans. Les CMP pourraient y avoir une action forte et prendre prioritairement en charge les enfants dans toutes les missions, qu'il s'agisse de troubles de l'apprentissage ou des enjeux narcissiques, par exemple.
Professeur Michel Wawrzyniak. - Je vous ai transmis ce matin un document qui retrace une proposition permettant d'articuler autour de cette plateforme territoriale en santé mentale. Cette plateforme est une sorte de maison de l'enfance portée sur les troubles psychiques et psychiatriques des 6-11 ans. Elle serait la cheville ouvrière entre trois niveaux. Le premier niveau serait constitué par les familles, l'école et les psychologues scolaires, la protection de l'enfance, les PMI, les médecins traitants et les psychologues libéraux. Il serait en contact permanent avec le niveau 2 qui est celui de la plateforme. Elle serait la formatrice du niveau 1 mais l'accompagnerait également dans une démarche de prévention et de coordination et destinerait aux CMP et CMPP les cas complexes. Cela faciliterait aussi la formation des CMP dont on a pu dire qu'ils sont lents à réagir et pas toujours spécialisés sur certaines problématiques. Ces plateformes permettraient d'y former des professionnels sur des questions bien précises. Une proposition qui émane d'un séminaire que nous avons tenu en décembre va en ce sens. Elle pourrait être soutenue par la DGS comme s'appuyant sur ce modèle-là.
Cette remarque répond à la question du parcours de soins posée par le rapporteur. Ce parcours de soins se trace le long d'un parcours de vie. L'articulation entre le sanitaire et le médicosocial dont je parlais et que j'appelle de mes voeux est un grand chantier. Il n'est pas simple au niveau des Agences régionale de santé (ARS) car même si elles gèrent sanitaire et médicosocial, il existe encore deux filières distinctes. Il serait donc bon qu'une réflexion soit menée au sein des administrations centrales.
Le problème des places dans les établissements spécialisés ne concerne pas seulement les IME mais aussi les instituts thérapeutiques éducatifs et pédagogiques (ITEP). Les ITEP doivent permettre de prendre en charge les enfants qui présentent des troubles du comportement sans problème majeur de maladie psychiatrique chronique, ou de troubles cognitifs. Mais dans grand nombre de territoires, les ITEP manquent de places. Je ne sais cependant pas comment on peut organiser des diagnostics territoriaux précis pour répondre à la question de la psychiatrie des mineurs et des besoins qu'elle engendre. Je vous transmettrai à ce sujet une lettre de l'API par laquelle nous tentions, en 2014-2015, d'analyser les statistiques disponibles. Si je ne sais pas sous quelle forme il doit intervenir, je pense néanmoins que ce diagnostic territorial est nécessaire, qu'il devrait s'appuyer sur les conseils locaux de santé mentale et qu'il conviendrait de sensibiliser les élus locaux aux questions de psychiatrie des mineurs. Ils sont, en effet, de plus en plus sensibilisés aux questions de psychiatrie des adultes, mais pas forcément à celles des mineurs.
Les ARS devraient avoir les moyens de les mettre en oeuvre. Une des 10 propositions de nos états généraux est que les pédopsychiatres, les services de pédopsychiatrie, CMPP compris, puissent coordonner les projets thérapeutiques dans un parcours de soins. Il n'est pas évident de trouver un consensus autour de cette idée mais force est de constater qu'à l'heure actuelle, l'enfant est parfois découpé en morceaux qu'il est difficile de rassembler. Pour nous, l'enfant est un sujet entier que l'on essaie de soigner dans sa globalité. Or, la classification nord-américaine des maladies mentales (DSM) « saucissonne » les sujets en troubles dont les soins reviennent à autant de spécialistes et de secteurs. Néanmoins, on se rend compte que la question des comorbidités est centrale. Nous ne sommes jamais face à un trouble des apprentissages isolé mais aussi face à un contexte familial, affectif, particulier, face à des éléments dépressifs ou autres. C'est la raison pour laquelle il est nécessaire de coordonner un projet thérapeutique et que cette coordination devrait revenir aux pédopsychiatres.
Vous avez cité les ITEP. Il se trouve que j'ai présidé un conseil d'administration d'ITEP pendant 17 ans. On recevait dans cet établissement des enfants qui n'avaient rien à y faire. 25 % d'entre eux étaient sous neuroleptiques. On recevait également des enfants que la justice nous confiait, faute d'autres solutions. Les ITEP sont des établissements qui ont toute leur place dans la prise en charge des mineurs mais il ne faudrait pas qu'ils soient dévoyés. Ce n'est absolument pas le sens de votre propos mais je profite que vous abordiez le sujet pour préciser ce point. Je pense que le monde politique doit ici définir ce que doit être un ITEP. Une audition spécifique sera menée par notre mission sur le sujet.
Docteur Catherine Lacour-Gonay. Nous parlions d'articulation. Un ITEP peut correspondre, pour un enfant, à un moment donné de son parcours de soins avant qu'il ne regagne une structure dite normale. L'important est qu'un référant soit conservé au long du parcours de soins. Nous essayons de prioriser des situations pour être efficient dans la coordination des soins car il est essentiel de prévenir une rupture dans les prises en charge.
Nous n'avons pas abordé le thème de l'hospitalisation que Roger Teboul connaît bien pour les enfants et les adolescents. Les établissements sont peu nombreux mais il s'agit de solutions nécessaires. Les lits « d'ado-public » ont fermé en Seine-et-Marne sans que je ne comprenne vraiment pourquoi. Cela crée un vrai manque. Un parcours de soins nécessite une pluralité de lieux qui doivent être articulés avec cohérence au profit des enfants ou adolescents en ayant besoin.
J'ai apprécié l'intervention de Mme Cohen sur les enjeux des aménagements de scolarité pour permettre le soin. Le projet d'accueil individualisé représente un cadre pour permettre le soin en allégeant la scolarité. Les structures sanitaires peuvent être partenaires de ces projets au même titre que les familles et les équipes éducatives. J'organise un centre d'accueil thérapeutique à temps partiel où les adolescents viennent 2 heures une à 3 fois par semaine et poursuivent une scolarité normale. Des outils existent pour mettre en oeuvre ces aménagements et je crois vraiment qu'il faut les utiliser.
Docteur Patrick Belamich.- En tant que clinicien, la question des centres de diagnostic me parait aujourd'hui un peu aberrante. Il s'agit de centres dont les coûts sont importants puisque les enfants y sont hospitalisés plusieurs jours mais, à leur sortie, ces enfants sont abandonnés dans la nature ! On leur demande d'aller prendre contact avec un CMP ou un CMPP en leur indiquant qu'ils y auront un certain nombre de séances de soins par semaine sans pour autant que ces centres soient informés. Cela ne va pas du tout !
En tant que clinicien également, je ne peux pas opérer de différence entre diagnostic et parcours de soins pendant un laps de temps parfois long. Il est très difficile, lorsque l'on reçoit un enfant, de poser d'emblée un diagnostic. Il me faut du temps et parfois les choses évoluent pendant le temps dédié au diagnostic. Je peux me rendre compte que mon impression initiale était erronée. Les choses sont complexes et il est donc important que ce soit la même équipe qui soit partie prenante dans les deux opérations.
Je souhaiterais que vous abordiez le thème de l'urgence en pédopsychiatrie et le problème de la fermeture des lits. Pour l'avoir vécu dans mon département, je sais que lorsque l'urgence arrive on se sent démuni.
Docteur Roger Teboul. - Une réflexion devait démarrer à l'ARS d'Ile-de-France sur la question des urgences pédopsychiatriques. Responsable d'une unité d'hospitalisation psychiatrique pour adolescents, je devais faire partie du groupe de travail. Je ne sais pas précisément ce qu'il en est dans les autres départements mais je sais qu'en Seine-Saint-Denis, ces urgences ne sont pas si fréquentes. On s'oriente vers l'existence d'un seul service qui, dans toute l'Ile-de-France, accueillerait 24 heures sur 24. Il s'agirait de celui du Kremlin-Bicêtre. Il faut noter qu'une garde coûte très cher, aux alentours de 100 000 euros par an. Les hôpitaux y ont donc recours avec précaution. Il est, en revanche, possible de s'appuyer, comme on le fait à Montreuil, sur les urgences pédiatriques assorties d'éventuelles astreintes téléphoniques de pédopsychiatres. Il est aussi possible de s'appuyer sur une organisation de liaison afin que des pédopsychiatres puissent tous les jours passer et orienter les enfants et adolescents dans les services de pédiatrie. Le cas des tentatives de suicide d'enfant ou, plus fréquemment d'adolescent est spécifique. On essaye d'hospitaliser les adolescents au moins une semaine dans un service de pédiatrie pour éviter la stigmatisation.
Je pense que la question des urgences pédopsychiatriques doit être réglée à l'échelle des régions mais ne sais pas si un consensus est atteignable et si toutes les régions y répondront de la même manière. Cela dépend beaucoup de l'organisation régionale et locale des soins.
Je tiens enfin à préciser que si l'Ile-de-France a peut-être fermé des lits en psychiatrie générale, elle a ouvert des lits en pédopsychiatrie. Les 9 lits ouverts dans le centre pour adolescent dont je m'occupe sont une création de novo qui n'est pas issue d'une reconversion. Si les services de pédopsychiatrie publique sont longtemps restés sur une position considérant que l'hospitalisation n'était pas nécessaire, ce n'est aujourd'hui plus le cas, notamment du fait d'une certaine pression sociale. Il nous faut répondre à l'angoisse de l'école, des familles, des services de la protection de l'enfance parmi d'autres.
Docteur Catherine Lacour-Gonay. - Je suis convaincue que l'hospitalisation peut être nécessaire. Les familles ne sont néanmoins pas toujours prêtes ou en condition pour supporter les enjeux liés aux hospitalisations. Un petit temps de préparation est souvent nécessaire. Les entretiens de préadmissions permettent ce temps car on se trompe parfois en voulant aller trop vite. Des équipes mobiles existent également. La SFPEADA compte Vincent Garcin à Armentières qui possède une équipe solide d'intervention à domicile. Le GHEF possède également une équipe mobile. Se pose toujours la question des moyens. Le fait de ne compter, pour tout le nord de la Seine-et-Marne, que sur quatre personnes qui sont parfois appelées à faire plus de 200 kilomètres en voiture pour intervenir peut être problématique. C'est notamment le cas si elles sont appelées à intervenir à différents endroits du département.
Sur la base des propos du docteur Teboul sur l'articulation entre pédiatrie et pédopsychiatrie, êtes-vous favorable à la GHT ou la GHT psy ?
Docteur Roger Teboul. - Je pense qu'il ne faut pas de GHT. En Seine-Saint-Denis, mon établissement de Ville-Évrard, qui a le plus gros budget des établissements spécialisés en santé mentale, a réussi à obtenir une dérogation et on propose d'organiser un projet autour d'une communauté de psychiatres du territoire. On essaie également d'organiser en priorité des liens avec le secteur médicosocial. C'est un partenaire beaucoup plus naturel à la psychiatrie que les services de soin somatiques. Même mes collègues psychiatres de l'adulte comprennent la nécessité de s'articuler avec ce secteur sur les questions de la réhabilitation et la réinsertion des malades mentaux. Cela me parait fondamental.
Docteur Catherine Lacour-Gonay. - S'il doit y avoir GHT, nous souhaitons une sanctuarisation des budgets de pédopsychiatrie !
On aurait bien aimé qu'avant de parler de GHT, il eut été question de projets au service desquels les GHT aurait été éventuellement un outil de gestion. Mais c'est effectivement un débat politique.
La réunion est close à 16 h 40.