Je souhaite d'abord remercier Météo France de nous accueillir dans ses locaux. La délégation aux outre-mer a choisi d'aborder deux thématiques au cours des trois prochaines années : la jeunesse et le sport en outre-mer, et les risques naturels majeurs, ce dernier sujet d'étude expliquant notre présence en ces lieux aujourd'hui. Le premier volet de l'étude sur les risques naturels majeurs portera sur la prévention et la gestion des événements et le second abordera les problématiques de reconstruction, d'adaptation et de résilience des territoires. M. Guillaume Arnell, sénateur de Saint-Martin, a été désigné rapporteur coordonnateur de l'étude, tandis que MM. Mathieu Darnaud, sénateur de l'Ardèche, et Victorin Lurel, sénateur de la Guadeloupe, ont été nommés rapporteurs sur le premier volet.
Étant donné le rôle primordial joué par Météo France lors du passage des cyclones, comme cela a été le cas pour Irma et Maria qui ont touché les îles du Nord et la Guadeloupe l'année dernière, nous sommes heureux de pouvoir procéder à cette audition qui nous conduira, à n'en pas douter, à formuler des préconisations.
Merci de nous accueillir aujourd'hui. Je souhaiterais rappeler qu'il ne s'agit pas d'une commission d'enquête et vous invite à nous exposer en toute franchise vos performances mais aussi vos insuffisances. Je vous encourage également à nous faire part de votre retour d'expérience en ce qui concerne les cyclones qui ont frappé les Antilles récemment.
Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je souhaite vous remercier au nom de notre président-directeur général, M. Jean-Marc Lacave, qui est actuellement à l'étranger et vous prie d'excuser son absence. Pour préciser nos fonctions, je suis moi-même en charge des actions institutionnelles et M. Alain Soulan s'occupe de l'organisation des services sur nos territoires. Mme Marie-Ange Folacci, directrice de la communication, est à nos côtés.
Nous vous présenterons dans un premier temps les missions et l'organisation de Météo France avant d'explorer plus en détail les dispositifs spécifiques prévus en outre-mer. À titre d'exemple, nous évoquerons le suivi des phénomènes cycloniques récents aux Antilles, à La Réunion et en Nouvelle-Calédonie, même si le retour d'expérience à proprement parler sur Irma et Maria vous sera présenté lors de vos visites au centre technique de Météo France à Toulouse et à la direction interrégionale Antilles-Guyane (DIRAG).
Au-delà des prévisions météorologiques, les missions institutionnelles de notre établissement concernent la sécurité des personnes et des biens, ainsi que l'appui aux forces armées et aux services de la navigation aérienne. Par ailleurs, nous apportons notre expertise à de nombreux secteurs d'activité météo-sensibles comme l'énergie, les transports et l'agriculture. Pour vous donner une idée de l'impact de notre mission, je citerai l'évaluation socioéconomique réalisée à la demande du conseil général de l'investissement dans le cadre du renouvellement de notre supercalculateur prévu pour 2020. Cette étude, qui a fait l'objet d'une contrexpertise, a démontré qu'un euro investi dans la météorologie rapportait douze euros à la collectivité. La météorologie est donc un enjeu majeur, à la fois pour la sécurité des citoyens et pour l'économie nationale.
La France, comme la plupart des pays, a fait le choix de confier cette activité de météorologie à un service public pour plusieurs raisons. D'une part, il s'agit d'une mission qui touche à la sécurité publique des personnes et des biens. D'autre part, nous travaillons en interaction avec des autorités en charge de la sécurité civile et des collectivités territoriales. Enfin, ce secteur demande des investissements lourds, tant en termes d'infrastructures que de capacité de recherche.
Notre coeur de métier consiste donc à observer et prévoir les phénomènes dangereux tels que les pluies, les inondations, les vents violents, les orages, les cyclones et les avalanches, mais aussi les phénomènes plus saisonniers comme le grand froid ou la canicule.
En ce qui concerne notre organisation, notre poumon d'activité est situé à Toulouse. Il s'agit du Météopole, qui concentre nos centres scientifiques et opérationnels. Les services de recherche, de production, d'observation, les systèmes d'information ainsi que notre école dédiée à la formation des ingénieurs et des techniciens de la météorologie, soit 1 100 personnes au total, sont donc basés à Toulouse. La direction générale, la direction en charge de l'Île-de-France et du Centre ainsi que les fonctions support se trouvent à Saint-Mandé. Météo France compte sept directions interrégionales en métropole (Lille, Strasbourg, Lyon, Aix-en-Provence, Toulouse, Bordeaux et Rennes), quatre en outre-mer (Antilles-Guyane, Polynésie française, Réunion-Océan Indien et Nouvelle-Calédonie) et des services basés dans les Terres australes et antarctiques françaises (aux îles Kerguelen et en Terre Adélie).
La direction générale, à Saint-Mandé, est en charge de Saint-Pierre-et-Miquelon. Nous travaillons actuellement au rattachement de ce territoire à la direction interrégionale Antilles-Guyane.
Certes, mais cela nous semble plus pertinent que d'observer ce territoire depuis la direction centrale qui n'a pas d'activités opérationnelles. Les moyens informatiques sont d'ores et déjà déployés par le service basé en Martinique.
Wallis-et-Futuna dépend de la direction interrégionale basée en Nouvelle-Calédonie. De même, Mayotte est rattachée aux services de La Réunion.
J'aimerais vous dire un mot au sujet de nos dispositifs de vigilance mis en place en 1999. Auparavant, il n'existait pas d'harmonisation dans la diffusion des informations à destination des responsables de la sécurité civile et du grand public à l'approche d'un phénomène dangereux. Le système de vigilance a donc été mis en place après les tempêtes de 1999 sur l'hexagone afin de pouvoir diffuser l'information à tous, en même temps et sur le même support. Cela contribue également à faire des citoyens des acteurs de leur propre sécurité. À l'heure actuelle, nous travaillons aussi à la manière dont nos concitoyens consomment l'information avec l'arrivée des nouvelles technologies de l'information et de la communication.
En suivant les habitudes de consultation des citoyens, nous constatons une augmentation de la consommation nomade et digitale de l'information, même si notre site internet demeure notre vitrine principale. Météo France met donc l'accent sur la dématérialisation en développant progressivement des applications sur smartphone et sur tablette. En outre, la question des réseaux sociaux est centrale, mais nous aurons l'occasion d'y revenir plus tard.
Sur l'hexagone, la légende de la carte de vigilance comporte quatre couleurs : jaune, orange, rouge et vert. Lorsqu'il y a vigilance jaune, le citoyen doit être l'acteur de sa propre sécurité car le niveau de dangerosité ne nécessite pas le déploiement d'actions publiques. À partir de la vigilance orange s'instaure une chaîne d'alerte, de secours et d'assistance par laquelle les autorités préfectorales et locales mettent en place des actions d'évacuation et d'hébergement.
Cette carte est diffusée deux fois par jour, à 6 heures et à 16 heures, ou plus fréquemment en cas d'évolution rapide d'un phénomène météorologique. Elle est complétée par plusieurs bulletins de situation nationaux et régionaux.
Pour compléter ce tour des missions de Météo France, j'aborderai les questions de défense. Contrairement à d'autres pays, la météorologie civile et la météorologie militaire forment un système intégré. Ainsi, les personnels prévisionnistes militaires sont formés au sein de notre Météopole qui accueille par ailleurs un centre interarmées chargé des prévisions sur les théâtres d'opérations extérieurs.
En outre, notre action de soutien à la sécurité du trafic aérien est fondamentale car la météo peut être un facteur aggravant des accidents aériens. Météo France détient la certification de la direction générale de l'aviation civile (DGAC) pour rendre ce service en métropole et en outre-mer. Il s'agit donc à la fois d'un enjeu sécuritaire et économique majeur, compte tenu de la croissance du trafic aérien. Pour être en mesure d'absorber ces évolutions, il est nécessaire d'affiner le service météorologique que nous apportons à la navigation aérienne.
Au-delà de nos missions institutionnelles, nous développons des activités commerciales, notamment pour les secteurs du transport, de l'agriculture et des assurances. Travailler à répondre aux besoins du secteur privé nous permet de nous maintenir à la pointe de l'innovation pour améliorer notre qualité de service. À titre d'exemple, nous avons récemment conclu un partenariat avec l'institut agronomique Arvalis dans le but de concevoir un service proposant à la fois des données météorologiques et des données agricoles. Ce système pourra permettre aux agriculteurs d'anticiper les périodes pour semer ou récolter.
Nous nous appuyons également sur trois filiales qui complètent notre expertise : Météorage, qui fournit des alertes spécifiques au risque de foudre, Predict-services, qui assiste les collectivités locales exposées aux risques d'inondation, et Météo France International, qui apporte notre savoir-faire à des pays développant leur propre système météo.
Enfin, la dernière de nos missions est liée au climat. Nous travaillons de plus en plus à prévoir, sur le long terme, l'évolution météorologique globale afin d'accompagner au mieux les diagnostics sur le changement climatique. Nous disposons pour cela d'une certaine mémoire du climat, puisque nous nous appuyons sur plusieurs décennies d'observations indispensables pour se projeter sur les cent prochaines années. Les modèles de Météo France sont utilisés dans le cadre du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC).
La direction de la recherche de Météo France compte 300 chercheurs, principalement basés à Toulouse. Il existe également à La Réunion une unité mixte de recherche avec le CNRS et l'université de La Réunion qui compte une vingtaine de permanents, des doctorants et des post-doctorants. Cette structure est spécialisée dans les questions cycloniques.
Au plan international, Météo France travaille en étroite collaboration avec d'autres services météorologiques car la météo ne s'arrête pas aux frontières et nous devons pouvoir disposer d'informations sur l'ensemble du globe. En Europe, seuls la France avec ARPEGE, l'Allemagne et le Royaume-Uni possèdent un modèle météorologique capable de faire des prévisions à l'échelle mondiale. L'organisation météorologique mondiale (OMM) organise cette coopération. Nos données sont donc mises à disposition de l'ensemble de la communauté. Une quinzaine de pays, dont la France, est chargée de redistribuer les données collectées. Par ailleurs, l'OMM organise une mutualisation de certains services opérationnels. Ainsi, certains pays sont chargés de la veille sur des phénomènes dans une zone donnée via les centres météorologiques régionaux spécialisés (CMRS). C'est le cas de la France pour la sécurité maritime en Méditerranée et en Atlantique, ainsi que pour la veille cyclonique dans l'océan Indien.
Cette présentation me permet de revenir plus particulièrement sur la comparaison entre les modèles français et américain qui a été évoquée à l'occasion des cyclones qui ont frappé les Caraïbes. Il est important de rappeler qu'il n'existe pas de concurrence entre les modèles. Au contraire, les météorologues tirent bénéfice de la complémentarité des modèles qu'ils utilisent. Cet exercice de comparaison est essentiel pour que nous puissions améliorer nos prévisions. À l'approche d'Irma, nos collègues de la direction interrégionale Antilles-Guyane ont travaillé avec le modèle de Météo France, mais aussi avec ceux du National Hurricane Center (NHC) américain et du Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme (CEPMMT). Ce centre, basé en Angleterre, a été créé dans les années 1970 à l'initiative de la France afin de mutualiser à l'échelle européenne la capacité de modéliser au-delà de 4 jours. ARPEGE, qui possède une maille plus fine sur l'Europe de l'ouest, est donc complémentaire au système développé par le CEPMMT car plus performant pour le court terme.
Je comprends donc qu'il existe une complémentarité mais pas de coopération formalisée avec les organisations américaines sur la zone Antilles.
Nous sommes en coopération étroite car le NHC est chargé de la veille sur cette zone. Il a la responsabilité de qualifier les événements météorologiques qui traversent les Antilles. Or, chaque pays, s'il dispose de moyens techniques suffisants, peut faire ses propres prévisions. Météo France collabore donc avec le NHC dans cette optique.
En ce qui concerne les risques et la surveillance des tsunamis, utilisez-vous les capteurs qui servent à mesurer les inondations, ou possédez-vous des dispositifs de surveillance spécifiques ?
La surveillance des tsunamis provoqués par les tremblements de terre ne relève pas de notre champ de compétence, et des progrès restent à faire dans ce domaine. Toutefois, nous sommes un maillon dans la chaîne de retransmission des alertes qui nous viennent des services spécialisés à La Réunion et aux Antilles. Par ailleurs, Météo France prévoit les marées de tempête et l'élévation du niveau de la mer liée à l'approche d'un cyclone. Ces deux phénomènes font l'objet de dispositifs de surveillance spécifiques.
J'ajouterai que le NHC, basé à Miami, regarde attentivement les modèles français et européens. Il s'agit donc d'échanges réciproques qui nous permettent de jouer au mieux de notre complémentarité.
Pour en revenir à la question posée par le président Michel Magras, la population constate que les prévisions de Météo France lui parviennent avec un léger retard par rapport à celles du NHC, qui est ainsi devenu spontanément la principale source d'information. Cette situation crée un décalage avec les réactions des autorités locales qui prennent leurs décisions sur la base des indications transmises par Météo France. J'aimerais donc avoir une explication à ce sujet.
Contrairement à ce que j'ai pu laisser entendre, le NHC n'offre pas de meilleures prédictions que Météo France dans la région. En revanche, nous sommes tributaires du NHC en ce qui concerne la qualification du phénomène cyclonique. Ainsi, Météo France passera un cyclone en catégorie 4 lorsque le NHC l'aura décidé. Toutefois, nous suivons l'évolution de l'intensité et de la trajectoire du phénomène avec notre propre modèle, que nous comparons aux résultats obtenus par le NHC. Nos collègues de la direction interrégionale Antilles-Guyane auront sans doute l'occasion de vous indiquer, lors de votre déplacement, que Météo France a pu identifier plus précisément la trajectoire d'Irma. Nous disposons en effet d'un modèle à plus haute résolution sur les Antilles.
La station du Mont-Aigoual, ouverte au grand public entre avril et octobre, sert aujourd'hui de musée et de lieu de visite et non plus d'observatoire.
Comme il s'agit d'un site spécifique, situé à 1 400 mètres d'altitude, nous l'utilisons pour tester du matériel dans des conditions de température et de pression particulières. Actuellement, nous y testons des pluviomètres pour peser la neige. D'autres services météorologiques européens ont également recours à ce site dans le cadre d'expériences internationales. Les effectifs mobilisés diminuent progressivement car la station du Mont-Aigoual n'a plus vocation à servir aux prévisionnistes.
Il me semble nécessaire, à cette étape de notre présentation, d'évoquer les progrès réalisés en matière de prévision. Cela peut s'expliquer par l'augmentation du nombre de données d'observation, avec 20 millions de données assimilées chaque jour, et par l'accroissement de notre puissance de calcul. Le supercalculateur nous permet ainsi de disposer d'un modèle global ARPEGE doté d'une résolution de 7,5 kilomètres contre 30 kilomètres dans les années 1990. Il s'agit du meilleur modèle au monde, après celui du centre européen (CEPMMT). Nous disposons également du modèle AROME, à plus haute résolution, que nous pouvons déployer sur l'hexagone et en outre-mer avec une maille de 1,3 kilomètre. Ce maillage plus fin nous permet de repérer des phénomènes météorologiques qui nous échappaient auparavant et nous fait donc gagner en capacité d'anticipation. Cela a un impact direct sur la rapidité de mise en oeuvre de la chaîne d'alerte et de secours.
Pour vous fournir quelques informations supplémentaires sur le statut de Météo France, nous sommes un établissement public administratif sous tutelle du ministère chargé des transports. Nos missions, décrites précédemment, sont fixées par le décret du 18 juin 1993, modifié le 9 juin 2016 pour intégrer nos activités dans le domaine climatique. Météo France compte environ 3 000 collaborateurs, pour un budget inférieur à 400 millions d'euros. Nous possédons plusieurs certifications, notamment la certification ISO 9001 (2015).
La norme en question correspond à un système général de certification de la qualité. Elle mesure l'organisation globale de Météo France et concerne aussi bien les produits que les matériels d'observation...
En regardant le support que vous nous avez fourni, je constate que cette certification remonte à février 2009. Avez-vous commencé la certification à cette date ? En êtes-vous titulaire depuis 2009 ? Ce système mesure-t-il l'amélioration continue ? Je souhaite avoir des précisions à ce sujet.
Il s'agit d'une mesure continue de la qualité de service. Les indications fournies sur le support sont obsolètes, puisque nous détenons aujourd'hui la certification ISO 9001 correspondant aux normes de 2015. Nous avons obtenu le guide de certification en fin d'année 2017 dans le cadre du renouvellement d'audit.
En ce qui concerne notre budget, celui-ci est constitué pour moitié de subventions d'État pour charge de service public (49 %) dans le cadre du programme du ministère de l'écologie. Les redevances de navigation aérienne représentent 22 % de notre budget total, suivies de nos activités commerciales (9 %) et des autres activités (5 %). J'attire votre attention sur les 15 % restants qui ne font en réalité que transiter par Météo France puisqu'il s'agit d'une subvention du ministère de la recherche que nous reversons à Eumetsat, l'organisme qui mutualise pour l'ensemble des pays européens les acquisitions de satellites.
Oui, car nous avons une responsabilité internationale dans l'océan Indien et une responsabilité nationale dans ce domaine. Nous produisons donc des bulletins météorologiques relatifs aux côtes, au large et au grand large pour la marine. Cela fait partie de notre mission de service public.
Par ailleurs, je me permets d'indiquer que nous intervenons en matière d'aide à la navigation aérienne en outre-mer sans percevoir de redevance, en raison d'un accord passé avec la direction générale de l'aviation civile.
Confirmez-vous que ces dernières redevances sont perçues par l'aviation civile qui ne les reverse pas à Météo France ?
C'est cela, absolument.
Pour en revenir à notre budget, 75 % de nos dépenses sont des dépenses liées à la masse salariale, compte tenu du maillage territorial de Météo France. Le total des dépenses de fonctionnement s'élève à 40 millions d'euros. Notre budget d'investissement est d'environ 20 millions d'euros, la location du supercalculateur coûtant à elle seule 12 millions d'euros par an, avec une augmentation significative prévue pour pouvoir passer à la puissance de calcul supérieure en 2020.
En ce qui concerne nos effectifs, Météo France a connu une restructuration importante prévue dans le contrat d'objectifs et de performance précédent. Les effectifs sont passés de 3 600 en 2009 à 3 000 aujourd'hui, et notre budget est en diminution régulière, notamment sur le poste des subventions pour charge de service public.
En 2008, Météo France comptait 108 implantations sur le territoire national, contre 54 actuellement. Sur décision politique, 54 sites ont donc été supprimés, ce qui ne nous permet plus, aujourd'hui, d'être présents dans tous les départements. La gestion de cette réorganisation territoriale a été difficile car 95 % des effectifs de Météo France sont des fonctionnaires. Nous avons donc incité certains agents à déménager mais nous avons surtout encouragé le développement du télétravail, domaine dans lequel Météo France s'est avéré précurseur.
Une telle réorganisation est souvent le produit d'une décision politique unilatérale. Est-ce que vous pouvez nous assurer que cette réorganisation n'a pas affecté la qualité du service dispensé par Météo France ?
Oui, en effet, car nous avons fait en sorte que cette réorganisation se fasse de manière progressive. Ainsi, la suppression des effectifs s'est étalée sur 5 ans, entre 2012 et 2016. Pour autant, certains maires et conseillers départementaux nous font savoir par courrier qu'ils regrettent de ne plus accueillir sur leur territoire un centre départemental de Météo France. Nous ne pouvons plus être aussi présents auprès des préfets de département, mais nous faisons en sorte de les accompagner au mieux et différemment. L'automatisation de la production et la concentration des moyens de prévision sont autant de moyens mis en oeuvre pour assurer la continuité du service. Nous travaillons actuellement à l'automatisation de nos bulletins départementaux sur répondeur. Pour autant, certaines tâches telles que la vigilance ne seront jamais automatisées car nous ne pouvons pas nous passer des experts prévisionnistes pour interpréter les modèles auprès des autorités locales et préfectorales.
Tous les territoires ne sont pas soumis aux mêmes phénomènes météorologiques. Êtes-vous sollicités par les collectivités territoriales pour mettre en place des outils spécifiques, pour les épisodes cévenols par exemple ? Adaptez-vous les outils existants aux besoins des territoires ?
La problématique cévenole est en effet spécifique à certains territoires. Nous collaborons avec le conseil régional et l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (Irstea) sur le projet RYTHME afin d'affiner le système PREDICT pour avoir une vision précise du risque d'inondation dans les départements concernés. Cet outil est mis à disposition des communes et des préfectures au travers de l'extranet. Nous utilisons également des moyens d'observation particuliers comme les radars en bande X récemment déployés dans les Alpes. Enfin, Météo France mobilise des armements spécifiques pour les régions particulièrement soumises aux aléas climatiques avec un renforcement des effectifs.
La mesure de la qualité de l'air relève-t-elle de Météo France également ?
En partie, car nous avons développé une modélisation commune avec l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS) pour mesurer ces phénomènes. Météo France apporte les données météorologiques qui, combinées à la modélisation des phénomènes chimiques, permet de faire des prévisions. D'autre part, nous travaillons en partenariat avec la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) qui anime le réseau des associations agréées de surveillance de la qualité de l'air (AASQUA).
Plusieurs phénomènes influent sur la qualité de l'air. Nous disposons par exemple de modèles spécifiques dans le cadre des plans particuliers d'intervention (PPI) liés à une explosion chimique ou à un épanchement pour anticiper la trajectoire du nuage. Météo France est l'autorité compétente, en lien avec l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), pour fournir ces modèles de prévision.
En revanche, la mesure de la qualité de l'air au quotidien est gérée par des associations agréées. Météo France aurait sans doute pu prendre en charge cette mission, mais le système actuel résulte d'une volonté politique. Nous disposons des paramètres météorologiques qui sont des données d'entrée diffusées à ces associations dans le cadre d'accords signés avec Météo France. Ces associations sont chargées d'informer les autorités en cas de risque majeur.
Pour autant, les prévisions météorologiques et les mesures de la qualité de l'air ne semblent pas relever du même champ de compétences.
Dans nos modèles de prévision, nous devons prendre en compte la chimie de l'air qui influe directement sur certains phénomènes météorologiques. Nous disposons donc d'une compétence dans ce domaine.
Les AASQUA sont des autorités indépendantes, avec le statut d'association loi 1901, ce qui fournit une garantie supplémentaire d'indépendance et de transparence aux responsables politiques. Le gouvernement souhaite sans doute éviter de réitérer l'épisode de Tchernobyl, où il avait été demandé à la météorologie nationale d'affirmer que le nuage radioactif s'était arrêté à la frontière.
Pour en revenir à la question des outre-mer, la baisse nationale des effectifs se ressent également dans ces territoires, même si la réorganisation n'a pas pris la même ampleur. À titre d'exemple, les équipes présentes dans les îles éparses ont été réintégrées à La Réunion. Ces surnombres seront résorbés au fur et à mesure des départs à la retraite.
J'aimerais aussi évoquer le cas particulier de la Nouvelle-Calédonie où la météorologie a été transférée au gouvernement. Pour le moment, une convention nous lie avec le gouvernement calédonien, mais l'avenir de cette coopération n'est pas très clair. La Nouvelle-Calédonie rémunère 16 agents, sur un effectif total de 69 personnes, avec les 5 agents consacrés à Wallis-et-Futuna. Le plus grand nombre est donc pris en charge par Météo France.
Avant d'entrer dans le détail de l'organisation de Météo France en outre-mer, je souhaiterais vous expliquer notre rôle en matière d'anticipation et d'appui à la gestion de crise. Celui-ci repose d'abord sur des postes permanents qui permettent un fonctionnement opérationnel 24 heures sur 24 au centre de Toulouse mais aussi dans les directions interrégionales. Des permanences informatiques sont également mises en place pour s'assurer du bon fonctionnement du supercalculateur. Nous disposons d'ailleurs d'un deuxième supercalculateur situé à quelques kilomètres du premier, à l'université de Toulouse. Ce système nous permet, en cas de problème, d'interrompre les activités de recherche pour basculer sur ce deuxième calculateur, et ainsi d'assurer la continuité du service. Il est essentiel que nous puissions pallier toute interruption dans la production opérationnelle pour la sécurité et la surveillance des phénomènes dangereux.
En ce qui concerne la vigilance, la carte est directement transmise aux citoyens, aux médias et aux acteurs de la gestion de crise. La direction de la sécurité civile relaie ces informations auprès des personnes concernées. Notre organisation, à plusieurs échelons, reflète celle de la sécurité civile et d'autres cellules de crise afin d'assurer une coopération optimale avec nos interlocuteurs. Le chef prévisionniste national, basé à Toulouse, est en lien direct et régulier avec les autorités. C'est lui qui valide la carte de vigilance en dernier ressort. Le même type de relations existe à l'échelle régionale entre les commandants des opérations de secours (COS) et les chefs prévisionnistes régionaux, basés dans nos directions interrégionales. L'expertise se fait toujours à plusieurs, les chefs prévisionnistes régionaux s'appuyant sur les informations générales communiquées depuis Toulouse. La décision finale de changer la couleur de vigilance d'un département émerge d'un dialogue constant entre ces deux niveaux. Quand une cellule interministérielle de crise est activée, nous déployons également un système de permanence au sein de la direction générale.
J'aimerais savoir s'il arrive que les services locaux vous signalent que les prévisions nationales sont erronées sur certains territoires. Dans ce cas, comment corrigez-vous l'information déjà diffusée ?
La vigilance repose sur le centre national de prévision à Toulouse et sur les chefs prévisionnistes régionaux en métropole. Nous sommes organisés en 7 directions interrégionales. Deux fois par jour, des conférences sont organisées entre les 7 chefs prévisionnistes régionaux et le chef prévisionniste du centre national pour décider ensemble de la couleur de vigilance des départements. En cas de désaccord, le chef prévisionniste régional a le dernier mot. En métropole, les cartes de vigilance sont produites à 6 heures et à 16 heures chaque jour. S'il y a des changements météorologiques importants entre ces deux horaires, nous produisons des cartes de vigilance supplémentaires. Dans ce cas, les chefs prévisionnistes se mettent spontanément en relation pour en décider.
En outre-mer, le chef national n'intervient pas dans le choix de couleur pour chaque territoire. Cette responsabilité incombe au chef prévisionniste régional.
Compte tenu des spécificités météorologiques en outre-mer, nous avons créé un site spécifique pour chaque bassin géographique : Antilles-Guyane, La Réunion-Mayotte, Nouvelle-Calédonie, Polynésie française et Saint-Pierre-et-Miquelon.
Pouvez-vous m'expliquer pourquoi les sites de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française sont désignés par « meteo » et non pas « meteofrance » ?
Cela résulte d'un accord d'agrément avec les autorités locales afin de prendre en compte la spécificité statutaire de ces territoires.
La vigilance répond aux mêmes principes qu'en métropole.
Sur les sites outre-mer comme sur le site national, les mises à jour sont régulières pour permettre aux usagers de suivre les phénomènes météorologiques en temps réel, surtout en cas d'épisode cyclonique comme Irma.
Je considère que, sur ce point, il reste d'importants progrès à faire. Les bulletins diffusés sur TF1 et France Télévisions décrivent avec un temps de retard la situation sur place. Les familles basées en métropole qui suivent les informations de Météo France obtiennent des nouvelles qui remontent à 24 ou 48 heures.
Les chaînes de télévision (TF1 et les chaînes de la TNT) et de radio nationales qui relaient nos informations sont nos clients. Nous leur fournissons des données et des cartes qu'ils utilisent comme bon leur semblent pour satisfaire leur audimat. Sur les sites de Météo France, les données sont mises à jour plus régulièrement afin de répondre aux interrogations des familles.
Les événements que nous venons de vivre aux Antilles nous ont amenés à être coupés du monde. Cela nous a donné l'occasion de réaliser l'importance du numérique. La panique s'est emparée de la population, surtout pour ceux dont la famille se trouvait en métropole et qui n'étaient plus en mesure de communiquer avec l'extérieur. Quand la connexion a été rétablie, nous avons eu le sentiment que les informations nationales ne reflétaient pas la situation sur le terrain. Il est donc essentiel que la chaîne de diffusion de l'information soit améliorée pour que, dans les heures et les jours qui suivent le passage d'un cyclone, nous soyons en mesure d'obtenir des informations à jour.
Ceci est d'autant plus important que le cyclone José menaçait de ravager des territoires déjà détruits par Irma.
Il me semble que Météo France a contribué à la radio mise en place localement, même si j'ai conscience que ces moyens sont insuffisants.
Dans cette optique, nous souhaitons investir dans le domaine des réseaux sociaux, notamment en outre-mer.
J'aimerais tout de même rappeler que les personnes qui ont le réflexe de consulter le site de la préfecture peuvent obtenir directement les informations en temps réel. Il est donc essentiel que nous transmettions ce message à la population.
En sens inverse, les communes doivent faire remonter certaines informations de terrain à la préfecture dans le cadre des dispositifs communaux mis en place par les commissions de sécurité en cas d'alerte.
J'espère que nous serons en mesure de formuler des préconisations en ce sens. J'aurais d'ailleurs plusieurs remarques à faire sur la manière dont la préfecture de région, qui a pris le relais lorsque la préfecture déléguée de Saint-Martin n'était plus en mesure de fonctionner, a géré la crise. Le centre opérationnel départemental (COD) créé à Basse-Terre ne sachant strictement rien de ce qui se passait à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy, nous avons été contraints de monter nos propres COD sur le terrain.
Je souhaite en venir aux décisions officielles qui ont été prises lorsque le cyclone José a été annoncé après le passage d'Irma. Les prévisions du NHC montraient clairement que nos territoires ne figuraient pas sur la trajectoire du cyclone qui devait passer au minimum à 187 milles marins de Saint-Barthélemy. Pourtant, au nom du principe de précaution, le préfet de région a demandé aux habitants qui venaient de vivre l'ouragan Irma de rester confinés. C'est une aberration ! On nous a ensuite expliqué que cela permettait d'éviter les pillages, sauf qu'il y avait urgence à agir au lendemain du cyclone, et la collectivité n'a rien pu faire. Cet exemple montre la nécessité de s'assurer de la cohérence des prévisions météorologiques dont disposent les différents organismes de prévision afin que le préfet ne perçoive pas d'informations contraires à celles auxquelles la population a accès. Nous devons absolument trouver des moyens concrets de renforcer la coopération avec le NHC.
J'illustrerai à présent mon propos avec des exemples concrets de traitement de phénomènes météorologiques en outre-mer. Les bulletins de vigilance que nous vous avons montrés sont envoyés aux autorités et disponibles sur internet.
Pour vous donner quelques éléments de communication, je rappellerai d'abord que les sites internet restent la vitrine de Météo France avec plus de 572 millions de visiteurs en 2017. Au quotidien, cela représente entre 1 et 1,2 million de visiteurs par jour. Il y a deux semaines, les épisodes neigeux en Île-de-France ont incité 4 millions de visiteurs par jour à consulter le site national. Le site de Météo France figure dans le top 20 des sites francophones les plus consultés, y compris les sites marchands, ainsi que dans le top 10 des sites publics français.
En outre-mer, les sites enregistrent des pics de connexion lorsqu'un phénomène météorologique particulier est identifié. Le numérique, et notamment le nomade, reste donc un outil de communication important. En ce qui concerne les réseaux sociaux, Météo France ne dispose ni de comptes sur Twitter ni de comptes sur Facebook en outre-mer, mais nous y travaillons actuellement. Météo France est arrivé tardivement sur les réseaux sociaux, y compris en métropole, puisque nous sommes présents sur Facebook depuis un an et sur Twitter depuis quatre ans. Nous voulions donc d'abord apprendre à gérer ces nouveaux outils au niveau national avant de déployer des dispositifs locaux. Ainsi, nous avons pour projet de créer un compte sur Twitter en automatique dédié à la vigilance pour la zone Antilles-Guyane qui nous l'a expressément demandé. Avant de lancer un tel projet, Météo France s'assure de l'adhésion des agents chargés de l'entretien du compte et de l'intérêt de la population.
Par ailleurs, la création d'un compte sur Facebook alimenté par des prévisionnistes est envisagée. En métropole, le compte n'est alimenté qu'en semaine et nous cherchons, aux Antilles-Guyane, à pouvoir produire du contenu y compris le week-end. En Polynésie française, un compte sur Facebook calqué sur le modèle métropolitain devrait voir le jour dans quelques semaines. Nous réfléchirons éventuellement, en fonction des retours que nous obtiendrons, à entretenir ce compte en dehors des horaires de bureau également. Ces premiers retours d'expérience aux Antilles-Guyane et en Polynésie française nous serviront, le cas échéant, pour étendre ces dispositifs au reste des outre-mer.
Même si Météo France met un point d'honneur à s'assurer que les usagers reçoivent une information de qualité et en temps réel, d'autres acteurs sur lesquels nous n'exerçons aucun contrôle, comme les préfectures, font partie de la chaîne de diffusion des informations. La direction générale héberge une équipe spécialement formée à répondre aux médias et chargée d'écrire les bulletins des présentateurs de la météo. Toutefois, nous devons également nous assurer que les citoyens puissent, s'ils le veulent, avoir directement accès à une information simple et compréhensible, sans passer par ces intermédiaires. Météo France souhaite donc continuer à renforcer sa présence auprès des citoyens via les réseaux sociaux.
Le recours à la messagerie instantanée fonctionne très bien sur les réseaux sociaux car cela permet de renforcer le lien avec les usagers. Certaines sociétés comme la SNCF et la RATP sont ainsi parvenues à dynamiser leur service. Cela nécessite toutefois que les équipes se rendent disponibles pour répondre immédiatement aux sollicitations des usagers.
Je vous rejoins sur la nécessité de s'assurer de l'engagement des équipes sur ce genre de projet. Météo France est déjà particulièrement réactif sur les réseaux sociaux. Sur Facebook, notre temps de réponse est quasiment instantané, et notre compte, créé récemment, regroupe 120 000 amis, et 90 000 abonnés sur Twitter pour une moyenne de 6 publications par jour. À titre comparatif, la chaîne Météo ne compte que 56 000 abonnés. Nous nous focalisons sur la qualité plutôt que sur la quantité d'informations fournies. Certains usagers nous écrivent pour des problèmes spécifiques qui ne relèvent pas de notre compétence, et le service d'écoute client, formé aux réponses commerciales, prend tout de même le temps de répondre, sauf en cas d'insulte.
Nous en revenons donc au point clef qui est la qualité de l'information. Par ailleurs, j'insiste sur la nécessité de faire de la pédagogie auprès de la population car certains publics sont incapables d'interpréter correctement les messages qui leur sont communiqués. Il faut donc travailler en amont sur la sémantique pour s'assurer que tout le monde soit en mesure de comprendre les informations. Cette démarche me semble essentielle pour éviter les mouvements de panique injustifiés ou, au contraire, pour que la population soit en mesure de prendre conscience d'un danger imminent. Cela explique aussi pourquoi les collectivités territoriales et les préfectures ne relaient pas systématiquement les informations qui leur parviennent, alors que les journalistes ont parfois tendance à verser dans le sensationnel.
Dans le cas d'Irma, la problématique est différente car nous nous sommes trouvés dans une situation de carence de l'information. Quand les responsables politiques ont la possibilité d'être informés, en revanche, ils doivent faire un effort pédagogique pour transmettre les messages de la manière la plus claire possible à toute la population. Ceci est d'autant plus important que la loi de modernisation de la sécurité civile insiste sur le rôle du voisinage en cas de risque majeur.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous sommes présents sur tous les réseaux sociaux, car chaque canal d'information touche un public différent. Météo France est capable d'adapter son message pour répondre aux usagers de Twitter et de Facebook. Nous sommes également présents sur Snapchat, où les utilisateurs sont âgés de 12 ans en moyenne. De même, le Kiosque existe toujours car nous devons informer des populations qui possèdent un téléphone sans accès à internet. Météo France s'attache donc à diffuser l'information largement en l'adaptant à tous les publics.
Face à certains médias adeptes du sensationnel, Météo France doit conserver et diffuser son expertise afin d'éviter au maximum le développement de situations anxiogènes pour la population.
Il existe, à Saint-Barthélemy, un système d'alerte qui mérite d'être évoqué. La sécurité civile enregistre un message diffusé sur tous les téléphones. Le téléphone sonne à intervalles réguliers jusqu'à ce que son propriétaire écoute le message en entier. Ce système, s'il était généralisable, permettrait d'informer toute la population de la manifestation d'un risque naturel majeur.
Des campagnes de sensibilisation sont menées dans les départements concernés en amont des épisodes cévenols. Les populations locales connaissent déjà les bons réflexes, ce qui n'est pas le cas des personnes récemment arrivées sur ces territoires.
Ces dispositifs s'inscrivent dans le cadre plus large des campagnes de sensibilisation menées par la sécurité civile et le ministère de l'environnement et des solidarités à certaines périodes de l'année particulièrement propices à l'arrivée de phénomènes météorologiques dangereux. Dans cette optique, il convient de privilégier les messages sous forme de pictogrammes ou de visuels simples pour que tout le monde puisse comprendre et apprendre les gestes à adopter en cas d'événement majeur.
En écoutant toutes ces préconisations, je ne peux m'empêcher de me demander comment faisaient les générations précédentes pour se maintenir à l'abri. Cela me révolte de voir que certaines personnes font fi des consignes météo et risquent leur vie.
Il est vrai que certaines personnes, par leur comportement inconscient, se mettent en danger.
Cela est d'autant plus inacceptable que ces personnes engagent la vie des secouristes mobilisés pour leur porter secours. Leur inconscience devrait être sanctionnée.
Pour en revenir à la question de la pédagogie, nous sommes très attentifs à l'éducation des populations au risque cyclonique. Nous organisons des interventions dans les écoles et les collèges ainsi que des opérations de sensibilisation en partenariat avec des acteurs locaux.
J'aimerais à présent vous présenter le système d'alerte et de vigilance cyclonique en outre-mer. Une circulaire organise précisément le dispositif en hexagone, mais elle ne s'applique pas en outre-mer, ce qui explique l'absence d'harmonie entre les différents territoires. Chaque territoire a développé son propre système, avec un découpage géographique plus ou moins fin, un code couleur particulier, des aléas spécifiques à la climatologie locale et un mode d'activation plus ou moins interfacé avec l'alerte cyclonique. Ces dispositifs ont été déployés de manière progressive entre 2006 et 2014, et les phénomènes météorologiques traités diffèrent selon les territoires. Le risque cyclonique, par exemple, est traité par une procédure spécifique dans tous les territoires, à l'exception des Antilles où il est intégré au système classique de vigilance.
En 2012, la direction générale de la sécurité civile (DGSC) et la direction générale des outre-mer (DGOM) ont tenté d'harmoniser ces systèmes. Pour des raisons historiques, cette démarche s'est soldée par un échec car chaque préfecture fonctionne avec son propre système de vigilance depuis longtemps.
Comme nous l'avons expliqué précédemment, l'organisation météorologique mondiale (OMM) a confié à certains centres météorologiques régionaux spécialisés (CMRS) la responsabilité d'expertise particulière, comme les prévisions marines ou volcaniques dans certaines zones du monde. En ce qui concerne les cyclones, le NHC a cette responsabilité dans l'Atlantique Nord et le Pacifique Est et Météo France, au travers de sa direction interrégionale basée à La Réunion, dans le sud-ouest de l'océan Indien. Il existe 6 CMRS dans le monde, dont la mission consiste à aider les pays qui n'ont pas de moyens techniques importants à bénéficier de prévisions météorologiques de qualité. Le CMRS de Miami, par exemple, déploie des moyens particuliers tels que les chasseurs d'ouragan - ces avions lancés dans les cyclones pour réaliser des mesures in situ - qui alimentent leur modèle. Nous ne disposons pas de ce genre de matériel à La Réunion.
Pour prendre l'exemple de la zone Antilles-Guyane, la vigilance couvre trois paramètres standards : les vents violents, la mer dangereuse à la côte et les fortes précipitations ou l'orage. À la DIRAG, les fortes précipitations et l'orage sont rassemblés en un seul paramètre, ce qui n'est pas le cas à La Réunion ou en métropole. Pour qualifier le risque cyclonique, la vigilance météorologique dans cette zone compte deux couleurs supplémentaires, le rose et le gris. Contrairement à la métropole, la vigilance n'est pas gérée sur place uniquement par Météo France mais aussi par le préfet qui intervient directement dans le choix des couleurs. Enfin, les bulletins de suivi sont produits aux Antilles-Guyane dès l'activation de la vigilance jaune. En métropole, ces bulletins sont envoyés aux préfectures et publiés toutes les trois heures à partir du passage en vigilance orange. Le mois dernier, les trois préfets compétents se sont opposés à la suppression par Météo France de cette production supplémentaire que nous ne jugeons pas indispensable.
Le dispositif de vigilance est normalement déployé pour 24 heures. Dans le cadre du prochain contrat d'objectifs et de performance, Météo France s'est engagé à augmenter l'échéance à 48 heures, ce qui est déjà mis en oeuvre en cas de phénomène cyclonique.
Sur la question de la communication, je rejoins la position de M. le sénateur Michel Magras. En effet, la population peut parfois avoir le sentiment qu'il existe un décalage entre les prévisions du NHC et celles de Météo France. Cela peut sans doute s'expliquer par la prudence des autorités françaises dans ce domaine, au regard des fortes incertitudes qui pèsent sur l'estimation de la trajectoire d'un cyclone. Le système d'alerte préfectoral est enclenché après 48 heures d'observation. Même si des améliorations sont envisageables, cela permet d'éviter de plonger inutilement dans l'angoisse la population.
Vous avez raison, il existe un décalage entre les prévisions du NHC et celles de Météo France. Mais j'insiste également sur le décalage entre ce que diffusent les médias nationaux et les données fournies par la base régionale. À mon sens, il manque un maillon pour que cette chaîne de diffusion soit efficace.
La zone Antilles-Guyane est découpée en quatre domaines géographiques dirigés par les chefs prévisionnistes départementaux. Compte tenu de la superficie des territoires, nous n'avons pas la capacité de faire de l'infra-départemental, sauf en Guyane où nous avons distingué quatre zones distinctes.
Météo France possède des centres de prévision à la fois en Guadeloupe, en Guyane et en Martinique où s'effectue la coordination des données en cas de phénomène majeur. Nous ne sommes toutefois plus présents à Saint-Barthélemy.
À La Réunion et à Mayotte, la vigilance Météo France diffère des autres territoires puisqu'elle est symbolisée par des hachures pour distinguer la vigilance classique du risque cyclonique. De plus, le jaune ne figure pas dans le code couleur et la vigilance se construit en trois niveaux : pas de vigilance particulière, soyez très vigilant et une vigilance absolue s'impose.
Météo France divise La Réunion en 5 zones, voire 7 dans le cadre du risque de houle, alors que Mayotte relève d'une zone unique.
En cas d'alerte cyclonique, la vigilance n'est plus produite à partir de l'alerte rouge, le système basculant directement sur l'alerte cyclonique. Le déclenchement de cette alerte est décidé par le préfet, tandis que la vigilance dépend de Météo France. Aux Antilles, pour rappel, le préfet intervient dans le système de vigilance.
Ces exemples ultramarins prouvent que les outre-mer sont en avance sur la métropole pour l'approche infra-départementale que nous cherchons à développer dans le cadre de notre contrat d'objectifs et de performance à l'horizon 2020-2021. Pour illustrer mon propos, en Nouvelle-Calédonie, le zonage suit le découpage des 33 communes. Comme à La Réunion, le système d'alerte cyclonique diffère de la vigilance classique. Les différentes phases d'alerte ne sont pas désignées par un code couleur mais par des numéros. Les dispositifs d'alerte suivent les mêmes principes à Wallis-et-Futuna.
En Polynésie française, l'étendue du territoire nous permet de distinguer 17 zones fixes. À nouveau, Météo France est responsable du système de vigilance. En cas d'alerte cyclonique, la vigilance continue à être produite, donc les deux systèmes sont déployés en même temps.
À Saint-Pierre-et-Miquelon, enfin, le système de vigilance date de 2014. Météo France, comme aux Antilles, produit un bulletin de suivi en cas de vigilance jaune.
J'aimerais à présent vous montrer quelques exemples récents de production en temps réel de Météo France lors du passage de l'ouragan Irma aux Antilles et des cyclones Berguitta à La Réunion et Gita en Nouvelle-Calédonie. Les prévisionnistes ont de plus en plus recours à la prévision d'ensemble qui permet d'estimer la robustesse du modèle. Cela consiste à varier légèrement les données initiales d'observation pour en mesurer l'impact sur les prévisions établies. En se basant sur ce test, Météo France peut définir l'indice de confiance à donner à sa trajectoire.
Je partage les mêmes observations que mes collègues Michel Magras et Guillaume Arnell en ce qui concerne le décalage entre les prévisions communiquées et la réalité de terrain. Ces dernières années, la Nouvelle-Calédonie a subi ce manque d'efficacité. À titre d'exemple, une dépression dont nous ne connaissions pas la trajectoire s'est abattue sur la côte Est. Les éboulements provoqués par ce phénomène ont fait plusieurs victimes et détruit de nombreuses habitations. J'ignore qui est responsable, mais je peux affirmer qu'il existe un réel problème de communication.
S'agit-il d'un problème de communication au niveau local ?
Oui, c'est cela. Je suis parfaitement conscient que la météorologie demeure une compétence partagée entre l'État et la Nouvelle-Calédonie. Au passage de Gita, la population a obtenu davantage d'informations par la NHC que par l'antenne locale de Météo France. La trajectoire du cyclone a été annoncée par Météo France plusieurs jours après le centre américain, alors que cette information est essentielle pour que nous puissions nous préparer à l'impact. Je me permets d'insister sur ce point, car nous avons longuement souligné dans nos échanges l'importance de la communication. Or, je constate que la population n'hésite plus à consulter les sites météorologiques d'autres pays et à diffuser l'information. Je ne cherche pas à tirer à boulets rouges sur qui que ce soit, mais j'estime qu'il est urgent d'améliorer à la fois les prévisions et la communication de ces prévisions au grand public.
L'autre sujet qui touche particulièrement la Nouvelle-Calédonie est la sécheresse. Les responsables politiques souhaiteraient obtenir des prévisions de long terme, en mois ou en années, dans ce domaine afin d'anticiper au mieux l'impact de ce phénomène.
Nous nous renseignerons davantage sur la manière dont Météo France en Nouvelle-Calédonie a suivi le cyclone Gita, car votre ressenti est important. Météo France déploie pourtant un système de permanence lorsque des phénomènes comme celui-ci se déclarent. La permanence s'organise au niveau local mais aussi au sein de la direction générale et du centre national à Toulouse. Les informations nous sont donc parvenues régulièrement. La carte figurant dans le diaporama que nous vous montrons est directement extraite du site internet de Météo France en Nouvelle-Calédonie. Cette carte a été diffusée alors que Gita se trouvait encore à 900 kilomètres à l'Est de Nouméa. Elle s'accompagnait d'informations satellites et d'une estimation de la trajectoire du cyclone. Il est toutefois possible que ces informations n'aient pas été relayées par les médias de manière satisfaisante. La direction générale sollicitera le chef prévisionniste régional pour avoir des précisions à ce sujet.
Je vous remercie pour ces précisions. Les internautes calédoniens ont quand même diffusé sur les réseaux sociaux des cartes issues du NHC plutôt que de Météo France car ces dernières ont été publiées plus tardivement. Il convient donc de résoudre ce problème.
Je note votre observation. Pour en revenir à la deuxième partie de votre intervention, la sécheresse fait partie des missions de Météo France. Tous les mois, des prévisions dites « saisonnières », jusqu'à trois mois, sont réalisées et publiées sur le site. Sous les latitudes tempérées, le signal est plutôt faible, c'est-à-dire qu'il est difficile de fournir des données précises et régionalisées. En revanche, les latitudes tropicales sont plus propices à ce genre de prévisions. J'ignore si Météo France effectue des relevés en Nouvelle-Calédonie, je me renseignerai sur la question afin de vous donner des informations supplémentaires.
Les prévisions à plus long terme sont plus difficiles à réaliser. Météo France participe aux réflexions sur le changement climatique en communiquant des estimations sur les évolutions météorologiques majeures dans 50 ou 100 ans. Cependant, nous ne disposons pas des moyens nécessaires pour offrir des prévisions de qualité à moyen terme, sur quelques années.
J'ajouterai que l'état de l'art ne permet pas d'avoir une information fiable 5 ou 6 jours avant le passage d'un cyclone. En moyenne, nous sommes en mesure d'anticiper le phénomène à partir de 3 jours avant, avec une anticipation réelle concentrée sur les 48 heures précédant l'impact. Les autorités et l'antenne locale de Météo France choisissent donc sans doute de ne pas surinformer la population sur des événements qui pourraient finalement s'avérer inoffensifs.
Pour en terminer sur les évolutions de la vigilance, Météo France est évalué sur son taux de non-détection des phénomènes météorologiques dangereux. Or, pour que les citoyens conservent une réponse comportementale satisfaisante aux alertes, celles-ci ne doivent pas être déclenchées trop régulièrement. Le fait que la population se renseigne via de multiples canaux d'informations est préoccupant de ce point de vue. L'enjeu consiste ainsi, pour Météo France et en lien avec les autorités, à définir le bon moment pour déclencher l'alerte. Cela contribue à expliquer pourquoi les prévisions ne sont pas annoncées publiquement trop longtemps à l'avance.
Ceci est d'autant plus important que les cyclones ont un comportement particulièrement imprévisible. En Atlantique, certains cyclones comme Luis, Hugo et Irma sont facilement repérés lorsqu'ils se forment au large du Cap-Vert. En revanche, l'intensification des phénomènes qui se forment dans les Caraïbes est très difficile à prévoir.
Pour en revenir à ce que vous disiez, M. le sénateur Michel Magras, José était considéré comme un cyclone de faible envergure. Or, l'incertitude sur la trajectoire et la dangerosité de ce type de phénomènes est encore plus grande, ce qui peut expliquer pourquoi les autorités préfectorales ont pris de telles mesures de précaution.
À La Réunion, par exemple, Berguitta a provoqué des précipitations plus fortes dans le sud de l'île qu'au nord. Les records établis au passage du cyclone Hyacinthe en 1980 ont été battus, avec 1 862 millimètres de précipitations sur l'ensemble de l'épisode. À titre comparatif, il tombe 600 millimètres de pluie à Paris en une année.
Nous n'avons pas encore évoqué les radars, qui constituent pourtant un outil essentiel de mesure en cas de cyclone, au même titre que les satellites. Les radars nous permettent d'estimer la quantité de précipitations à venir ainsi que la force des vents. Celle-ci est représentée sur la carte par des cercles dont le diamètre varie en fonction des estimations.
Vous trouverez également dans le diaporama qui vous a été communiqué des exemples de bulletins de suivi publiés sur les sites de Météo France. Les chronologies réalisées pour chacun des paramètres météorologiques et cycloniques sont également accessibles en ligne.
Constatez-vous une évolution du nombre de cyclones et de leur intensité au fil des années ? Les météorologues se réfèrent souvent aux « normales saisonnières ». Au regard de la multiplication des phénomènes hors normes, est-ce encore pertinent ?
Le fait qu'il y ait des normales saisonnières n'exclut pas l'existence de perturbations. En météorologie, les normales correspondent à la moyenne des observations sur 30 ans. Il est impossible de définir des normales en ce qui concerne les phénomènes cycloniques puisque ceux-ci sont, par définition, exceptionnels. Les projections liées au changement climatique indiquent qu'il n'y a pas d'évolution significative du nombre de cyclones. En ce qui concerne leur intensification, les avis divergent au sein de la communauté scientifique, même si l'augmentation des températures et des précipitations constitue un facteur aggravant. Ces théories sont à manier avec la plus grande précaution. Quoi qu'il en soit, le cyclone est un risque naturel majeur auquel la population doit se préparer dès le plus jeune âge. Aux Antilles, il est dit que chaque génération sera amenée à connaître au moins un cyclone majeur dans sa vie.
L'ouragan Irma fut un phénomène à la fois inédit et irrationnel. J'ai entendu dire que le NHC considérait que cet ouragan produisait à la fois des vents cycloniques et des vents de tornade. Sur place, j'ai vu des toitures entières s'envoler pour être retrouvées à plusieurs kilomètres de là et des structures se fendre dans le sens de la longueur. Cela laisse à penser que des vents soufflant verticalement se sont abattus sur les Antilles. Avez-vous connaissance de ces éléments ? Le cas échéant, pourriez-vous obtenir des informations de la part du NHC à ce sujet ?
Je vous invite à poser la question à nos collègues de la direction interrégionale Antilles-Guyane lors de votre déplacement. Ayant effectué les prévisions, ils seront plus à même de vous répondre.
Après chaque cyclone, des rapports produits par le NHC sont diffusés publiquement. Vous y trouverez sans doute des éléments de réponse.
Des retours d'expérience sont systématiquement effectués après des épisodes comme celui-ci. Mais nous ne disposons pas des moyens techniques du NHC pour réaliser les mesures in situ permettant de répondre à votre question. Nous nous renseignerons également auprès des services compétents.
J'ajouterai que j'ai vu à certains endroits de Saint-Martin des couloirs de destruction autour desquels les constructions étaient intactes. Un cyclone ordinaire, d'après mon expérience, balaye tout sur son passage.
Je ne connais pas cette situation spécifique, mais j'ai eu l'occasion de me rendre à Fidji et aux îles Tuvalu l'année dernière. Les gouvernements locaux nous ont affirmé que les cyclones étaient devenus plus violents et moins prévisibles dans le Pacifique sud.
Qu'en est-il des balises placées au nord-est des Antilles ? Donnent-elles des informations relatives aux houles cycloniques ? J'ai cru comprendre que l'une d'entre elles avait récemment disparu, et je souhaiterais avoir des explications là-dessus.
Nous disposons de plusieurs moyens d'information en mer, dont une bouée au large des Antilles, la deuxième ayant été perdue. Il s'agit d'un dispositif lourd avec un ancrage de plus de 4 kilomètres de chaîne et soumis à un environnement très rude. La bouée nous permet de connaître la hauteur de la houle, le vent et la pression à l'approche d'un cyclone. Elle est située suffisamment loin de la côte pour que les autorités puissent anticiper la situation et prendre les mesures appropriées.
Les houlographes, plus proches de la côte, nous permettent également d'estimer la houle. Tout comme pour les bouées, les ancrages peuvent lâcher, ce qui nous contraint à changer le matériel régulièrement. À l'heure actuelle, 3 houlographes sont installés en Martinique, 2 en Guyane et il est prévu que 2 appareils soient déployés en Guadeloupe au début de l'année 2018. En termes de financement, les investissements sont entièrement subventionnés par la collectivité territoriale de Martinique tandis que Météo France finance les installations en Guadeloupe. En Guyane, un partenariat avec la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DEAL) définit les modalités du co-financement.
Ces dispositifs permettent-ils d'améliorer les prévisions à l'approche d'un cyclone ?
Les données sont communiquées en temps réel. Les mesures obtenues par les bouées, plus au large, permettent effectivement de mieux anticiper la situation que celles du houlographe. L'utilisation combinée de ces deux dispositifs nous permet d'évaluer la progression de la houle afin d'affiner légèrement la prévision.
Le dernier outil dont Météo France dispose est le marégraphe qui mesure l'élévation du niveau de la mer. Cet appareil est particulièrement utile pour étudier les marées de tempête et identifier les endroits les plus à risque comme le grand cul-de-sac marin en Guadeloupe.
Les collectivités de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy ont récemment financé des marégraphes. Il serait intéressant de dresser un bilan de cette opération. Les appareils ont-ils survécu au passage d'Irma ? Si oui, pouvons-nous exploiter les données recueillies ? Si non, serait-il pertinent d'en installer de nouveaux ?
Je ne dispose pas d'informations sur ce sujet mais la direction interrégionale Antilles-Guyane devrait être en capacité de vous répondre.
De manière générale, ces trois dispositifs sont des outils essentiels pour Météo France. Même si nous utilisons le satellite, la diversification des données d'observation est essentielle pour que le modèle de prévision soit le plus efficace possible. Aux systèmes que je vous ai cités s'ajoutent les radars et les données au sol pour les précipitations et le vent. Toutes ces mesures sont primordiales pour la prévision mais également pour la gestion de l'après-crise. Dans ce contexte, Météo France doit être en mesure de fournir des observations objectives.
Pour en revenir à la question du retour d'expérience, Météo France organise trois fois par an une réunion conjointe avec la sécurité civile et les autres acteurs de la vigilance pour passer en revue tous les événements classés en orange et dresser le bilan des interventions de chacun.
Il me semble également utile de vous présenter les évolutions envisagées par Météo France pour améliorer sa qualité de service. Nous mettons à votre disposition le nouveau contrat d'objectifs et de performance qui couvre la période 2016-2021. Notre priorité reste de gagner en précision sur les prévisions de phénomènes dangereux. À terme, les modèles seront capables d'intégrer davantage de données d'observation.
En métropole, nous travaillons au développement de l'approche infra-départementale. Cela est désormais possible grâce à l'augmentation de la résolution de nos modèles qui peuvent aujourd'hui mettre en évidence des phénomènes localisés.
En outre, Météo France compte étendre la vigilance sur 48 heures. Il s'agit d'une avancée majeure en termes d'anticipation.
La direction de la communication a par ailleurs mené une enquête de perception auprès du grand public, des médias et des services de préfecture et de certaines mairies sur le système de vigilance, en vigueur depuis 2001. Cette enquête s'avère utile dans le cadre de la refonte de notre site internet prévue pour 2019. Il en est ressorti que le système de vigilance est bien connu du public capable de faire la distinction entre la vigilance et l'alerte. En revanche, nous avons compris que la surinformation pouvait nuire à la bonne compréhension de nos cartes. Les citoyens nous ont ainsi indiqué que nos contenus étaient parfois trop riches, et nous veillerons donc désormais à privilégier les visuels. D'un premier coup d'oeil, l'usager doit pouvoir identifier le phénomène, ainsi que la chronologie, la localisation et l'intensité de l'événement.
Comme le montrent ces explications, notre contrat d'objectifs et de performance est orienté sur une logique de service où l'écoute client est essentielle. Dans cette optique, le métier de prévisionniste doit évoluer pour s'assurer que nos experts soient capables d'apporter aux autorités des conseils et de l'aide à la décision. Les progrès scientifiques nous permettent aujourd'hui de donner des informations probabilistes, c'est-à-dire de présenter plusieurs scénarios possibles. Les prévisionnistes doivent donc être spécifiquement formés à la pédagogie pour être capables de donner ces explications avec toute la prudence nécessaire. Notre priorité consiste à s'assurer de la pertinence des messages que nous communiquons.
Je précise également que, dans le cadre du programme Action publique 2022, Météo France continuera à réduire ses effectifs et ses implantations. Le ministère nous a demandé de préparer une feuille de route afin de s'assurer que nous conservions le niveau d'ambition inscrit dans le contrat d'objectifs et de performance. Nous privilégierons la réorganisation à travers l'automatisation de certaines productions et en adaptant les effectifs dans les services aux besoins saisonniers pour gagner en efficience. Ainsi, au moment des épisodes cévenols, les services de prévision de la direction interrégionale sud-est seront renforcés. Un dispositif d'astreinte pourra également être envisagé en outre-mer en période cyclonique. L'objectif de Météo France est de parvenir à répondre à la contrainte gouvernementale de réduction de moyens tout en améliorant la qualité de service.
La réorganisation est conséquente puisque sur les 5 prochaines années Météo France devra supprimer environ 95 effectifs par an, soit 3,2 % du personnel.
L'objectif final est de faire fonctionner Météo France avec 2 500 agents.
À titre comparatif, nous comptions 3 700 agents il y a encore quelques années. Une réforme d'une telle ampleur suscite forcément des remous au sein de la maison.
Je conclurai cette présentation en évoquant les évolutions de Météo France à moyen terme. En matière de satellites, nous participons au financement via l'organisme européen Eumetsat et cela ne pose pas de difficulté particulière. En revanche, nous devons renouveler régulièrement nos matériels d'observation. À titre indicatif, le budget d'investissement de Météo France est de 20 millions d'euros par an alors qu'un radar coûte environ 2,5 millions d'euros. La direction générale de la prévention des risques (DGPR) subventionne le remplacement de certains radars.
En Nouvelle-Calédonie, le gouvernement réalise les investissements nécessaires à l'entretien des 3 radars qui devront être changés à partir de 2020.
De même, nous travaillons actuellement au remplacement du radar du Moule en Guadeloupe, prévu la même année, et à celui du Diamant, en Martinique, pour 2021.
En Guyane, le radar est principalement financé par le centre spatial guyanais. Pour votre information, 4 personnels de Météo France sont détachés au sein de la station météo de Kourou, et nous disposons par ailleurs de notre propre station météo basée au sein de l'aéroport Félix Éboué.
Pour finir, nous ne disposons d'aucun radar sur les Îles du Nord.
Il me semble qu'un projet de cofinancement d'un radar positionné sur la partie néerlandaise de Saint-Martin est actuellement discuté.
En effet, nous avons connaissance de ce projet porté par la collectivité et sur lequel aucun financement ne nous serait demandé. Nous ignorons toutefois l'état de l'avancée des travaux depuis le passage d'Irma.
Deux radars sont installés à La Réunion, même si certaines études préconisent l'installation d'un troisième radar compte tenu de la topographie particulière du territoire. Or, un radar est à la fois coûteux en termes d'investissement mais aussi d'entretien, donc nous cherchons toujours à prioriser d'autres moyens pour combler ces besoins.
En Polynésie française, par exemple, il n'y a aucun radar. Suite aux fortes précipitations de janvier 2017, certains élus s'étaient inquiétés de ce manque d'infrastructures.
De même, aucun radar n'a été installé à Saint-Pierre-et-Miquelon, mais les enjeux sont différents sur ce territoire.
En outre, nous avons également recours au radiosondage. Cette méthode consiste à envoyer deux fois par jour des ballons dans l'atmosphère, à 30 kilomètres d'altitude, pour obtenir la pression, la température et l'humidité. Cette procédure est désormais automatisée à l'aide de robots-sondes qui possèdent une autonomie de 12 ballons environ, soit 6 jours. Nous déployons ce dispositif en Guyane, en Guadeloupe et à La Réunion. En Polynésie française, qui accueille 3 stations de radiosondage à Hiva-Oa, Tahiti-Faa'a et Rapa, la procédure devrait être automatisée prochainement.
En effet, la direction de la recherche développe un programme expérimental pour tester l'intérêt des drones en basse altitude.
Cela nous permettrait d'obtenir des informations adaptatives, c'est-à-dire en réponse à un besoin particulier. Les drones ne résisteraient sans doute pas à un cyclone, mais nous pourrions les utiliser dans d'autres cas de figure.
Nous vous avons donc présenté la panoplie des moyens d'observation à disposition de Météo France pour réaliser les prévisions les plus réalistes possibles.
En ce qui concerne les autres évolutions prévues pour Météo France à moyen terme, le référendum de Nouvelle-Calédonie aura sans doute un impact limité sur notre organisation puisque les textes prévoient déjà que la météorologie relève de la compétence du gouvernement. Même si toutes les compétences ne sont pas encore transférées, le processus est en marche, avec une répartition temporaire définie dans le cadre d'une convention signée entre le gouvernement et Météo France.
Sur la question de l'évolution des effectifs outre-mer, nous sommes contraints de poursuivre l'effort de rationalisation des dépenses. J'ai notamment évoqué le cas de La Réunion tout à l'heure où les départs à la retraite des anciens manoeuvres ne seront pas remplacés. La réorganisation touchera également les personnels administratifs. En revanche, les implantations en outre-mer ne seront pas modifiées, à l'exception du site de Desaix et de celui du Lamentin, en Martinique, qui pourront être amenés à fusionner. La station de Desaix accueillerait la nouvelle implantation commune, mais le dossier est actuellement en cours d'instruction. De même, en Nouvelle-Calédonie, nous concentrerons progressivement les prévisionnistes basés à Magenta et à Tontouta sur la station du Faubourg Blanchot.
Vous pourrez bien sûr approfondir tous ces sujets lors de vos visites à la Météopole à la direction interrégionale Antilles-Guyane. J'ai pris note des remarques du sénateur de la Nouvelle-Calédonie en ce qui concerne les prévisions de sécheresse et la gestion du passage de Gita et interrogerai les services compétents. Je tâcherai également d'obtenir les rapports du NHC sur Irma.
Je souhaite vous remercier pour la qualité de votre accueil et la richesse de votre intervention. Les territoires d'outre-mer, répartis sur tous les océans, ne se ressemblent pas. Météo France l'a bien compris en développant des dispositifs spécifiques à chaque territoire. Au-delà de ces singularités, les populations ultramarines sont toutes soumises à des risques naturels majeurs qui les forcent à être résilientes. Innover, pour nous, n'est pas une option : c'est une obligation.
Or, nous ne pouvons agir seuls. Je forme donc le voeu que nous puissions institutionnaliser une coopération basée sur l'obligation de mutualisation des moyens pour faire face à des crises majeures. Je pense notamment à ces personnes trop longtemps privées de réseau au moment du passage d'Irma, faute de coordination entre les opérateurs téléphoniques. Cette coopération devrait être établie non seulement entre l'État et l'outre-mer, car nous avons récemment constaté à quel point la solidarité nationale était essentielle pour les populations en détresse, mais aussi avec les autres pays.
Par ailleurs, j'abonde dans votre sens en ce qui concerne les réseaux sociaux. Le numérique est le meilleur des moyens pour lutter contre l'isolement et mettre en contact les outre-mer avec le reste du monde.
Dans le prolongement de l'intervention du président, j'aimerais savoir si Météo France développe des coopérations et des programmes d'assistance avec les États qui ne disposent pas d'une telle expertise technique.
Il existe effectivement plusieurs programmes de coopération, généralement sous l'égide de l'organisation météorologique mondiale (OMM). À titre d'exemple, Météo France a développé un partenariat avec le Burkina Faso.
Météo France a candidaté pour intégrer des programmes de coopération dans les Caraïbes via son CMRS cyclone. D'autres projets sont également en cours comme le Severe Weather Forecasting Demonstration Project (SWFDP) qui nous donne la responsabilité d'assister les pays caribéens dans les prévisions à court terme en matière de fortes pluies. Afin d'éviter de concurrencer le NHC, nous sommes compétents pour porter assistance aux pays de la région pour les prévisions en dehors du phénomène cyclonique. Ce soutien se manifeste par un site extranet avec des produits en anglais à destination des services météorologiques de la région.
Quels sont les moyens déployés par Météo France pour couvrir le territoire de Mayotte ?
Mayotte est rattaché à la direction régionale de l'océan Indien et bénéficie donc pleinement des services de Météo France. À l'heure actuelle, le chef prévisionniste de La Réunion réalise la vigilance de Mayotte. Nous étudions actuellement la possibilité de faire monter en compétence les prévisionnistes mahorais, titularisés depuis la départementalisation, pour s'occuper de cette tâche.
Nous ne disposons toutefois pas de radar à Mayotte. L'installation d'un radar constituerait un investissement conséquent, mais les enjeux démographiques et naturels nous incitent à réfléchir à la question.
La direction générale de la prévention des risques (DGPR) a déjà réalisé des études à ce sujet et conclu qu'il existait d'autres solutions comme les données satellitaires pour améliorer les prévisions et l'observation des précipitations compte tenu de la topologie du territoire. En outre, la maintenance du radar est coûteuse et complexe. Nous continuons toutefois à étudier cette possibilité.
A titre informatif, Météo France compte 6 personnels à Mayotte.
Nous tenons à vous remercier de votre venue et de nous avoir consacré autant de temps.