Ainsi que je l'évoquais hier soir à l'issue de l'audition de Mme Pénicaud, l'Assemblée nationale n'a pas achevé l'examen en nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, dont le texte n'a donc pas pu nous être transmis cette nuit. L'Assemblée nationale ne reprendra ses travaux sur le PLFSS que ce soir. Je me vois donc contraint de reporter l'examen de notre rapport demain matin, jeudi 29 novembre à 8 h 30. Venons-en à la mission « Travail et emploi ».
Les derniers chiffres, ceux du troisième trimestre 2018, montrent que la baisse du chômage observée depuis la fin du quinquennat précédent demeure très limitée. En effet, le taux de chômage s'est maintenu au troisième trimestre et ne baisserait que de 0,5 point sur un an pour s'établir à 9,1 %. La situation du marché de l'emploi demeure donc préoccupante.
Dans ce contexte, les crédits de la mission « Travail et emploi » baisseraient de près de 3 milliards d'euros. Certes, cette baisse s'explique en partie par des effets de périmètre, et notamment par la suppression de dispositifs spécifiques d'exonération, consécutive à l'augmentation des allègements généraux, qui sont compensés, non pas par des crédits budgétaires, mais par l'affectation de recettes fiscales. À périmètre constant, les crédits de la mission baisseraient tout de même de 2 milliards d'euros.
Pour l'essentiel, cette baisse des crédits résulte, d'une part, du recentrage du recours aux contrats aidés sur les publics les plus éloignés de l'emploi, d'autre part, de l'extinction progressive de dispositifs qui ont fait la preuve de leur échec, et dont la suppression a été décidée par le Gouvernement actuel ou le précédent.
Je partage globalement la philosophie du Gouvernement sur les contrats aidés et je note que la réduction des moyens qui leur sont alloués s'accompagne d'une hausse des crédits dédiés à l'insertion par l'activité économique. De même, le Sénat a eu l'occasion d'approuver la suppression de certains dispositifs peu efficaces, comme les contrats de génération ou les dispositifs de préretraite.
L'année 2019 doit marquer la première année pleine de mise en oeuvre du plan d'investissement dans les compétences, le PIC, qui serait doté de 2,5 milliards d'euros en crédits de paiement et 3 milliards d'euros en autorisations d'engagement. Une action forte en faveur de la formation des demandeurs d'emploi et des jeunes décrocheurs est tout à fait nécessaire et les crédits demandés à ce titre semblent tout à fait pertinents.
L'effort affiché par le Gouvernement doit toutefois être fortement relativisé. En effet, une partie importante des crédits présentés comme relevant du PIC finance en fait des dispositifs déjà existants qu'il aurait bien fallu financer, même en l'absence de plan spécifique. Il en est ainsi de la garantie jeune, qui représenterait près de 500 millions d'euros en 2019. La progression des crédits du programme 102 au titre du PIC est même gonflée quelque peu artificiellement par l'inscription sous ce label de dispositifs qui étaient présentés dans d'autres enveloppes en 2018, comme les parcours contractualisés d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie ou la rémunération de fin de formation. En outre, le programme 103 doit bénéficier d'un fonds de concours de 1,5 milliard d'euros provenant de la future agence France compétences en application des nouvelles modalités de collecte et de répartition de la contribution des entreprises au financement de la formation professionnelle.
L'année 2019 marquera, par ailleurs, la première année de mise en oeuvre de la loi du 5 septembre dernier pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Cette loi a prévu un certain nombre de changements dans la gouvernance et le financement de la politique de formation professionnelle. Il est regrettable de constater que très peu des mesures d'application nécessaires ont à ce jour été publiées. Notamment, le montant de l'aide unique aux employeurs d'apprentis n'est pas encore connu et les annonces du Gouvernement sont nettement en deçà de ce qui nous avait été annoncé au moment des débats sur le projet de loi.
Avant d'évoquer les articles rattachés, je souhaite aborder un point qui sort du cadre du PLF, mais qui relève de la politique de l'emploi.
La loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel a prévu la suppression des contributions salariales d'assurance chômage. Cette suppression devait être intégralement compensée à l'Unedic par l'État. Or l'affectation d'une part de CSG se traduit dès 2019 par une perte de recettes de 200 millions d'euros pour l'assurance chômage. À long terme, la CSG étant moins dynamique que les cotisations salariales, la trajectoire de solde pourrait s'en trouver dégradée. Mme la ministre a confirmé la compensation, hier, mais nous ne voyons rien venir pour l'instant dans les textes financiers.
Deux articles sont rattachés à la mission « Travail et emploi ». L'article 84 révise les conditions de versement de l'aide en cas d'activité partielle. Il est proposé de ramener de quatre à un an le délai dont les entreprises disposent pour demander le versement de cette aide et de prévoir des sanctions en cas de fraude. L'article 84 bis, inséré par l'Assemblée nationale, crée une contribution de 25 millions d'euros de l'association de gestion du fonds de développement pour l'insertion professionnelle des handicapés, l'Agefiph, pour le financement des entreprises adaptées.
Faute de pouvoir majorer les crédits demandés, et tout en constatant que les résultats de la politique menée en matière d'emploi ne sont encore que peu visibles, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission et des articles rattachés, ainsi que du compte d'affectation spéciale pour le financement de l'apprentissage.
Si cela ne doit pas conditionner la position de notre commission, je précise que la commission des finances a aussi émis un avis favorable, sous réserve de l'adoption d'un amendement de ses rapporteurs spéciaux tendant à augmenter les crédits dédiés aux maisons de l'emploi. Je serai à titre personnel favorable à cet amendement.
Les contrôles menés par l'inspection du travail doivent être renforcés, ce dont nous nous félicitons, mais comment celle-ci pourra-t-elle mener à bien ses missions, alors que ses effectifs sont en baisse ?
Effectivement, si les moyens ne sont pas mis en place, cela sera compliqué. Je voudrais ajouter une réflexion quant à la situation de l'emploi. On constate dans certains bassins économiques que l'activité reprend sans création d'emplois. C'est plutôt inquiétant.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Travail et emploi ».
Pour la seconde année consécutive, notre commission examine conjointement les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions ».
Cet avis budgétaire consolide notre analyse sur l'objectif de dépenses de la branche vieillesse que nous avons adopté dans le PLFSS pour 2019 : 241,2 milliards d'euros, qui couvrent les dépenses de l'ensemble des régimes de base obligatoires, y compris des régimes intégrés concernés par ces deux missions.
Le CAS « Pensions » retrace principalement les recettes et les dépenses du régime de retraite de la fonction publique de l'État, qui sont par construction équilibrées, et qui atteindront en 2019 un montant de 59 milliards d'euros.
De son côté, la mission « Régimes sociaux et de retraite » fixe les crédits budgétaires affectés aux subventions d'équilibre versées à 11 régimes spéciaux de retraite, ainsi qu'à une subvention pérenne au régime complémentaire obligatoire des exploitants agricoles. En 2019, alors que ces 11 régimes spéciaux verseront environ 9 milliards d'euros de prestations, ils bénéficieront de subventions d'un montant cumulé de 6,3 milliards d'euros, soit plus des deux tiers de leurs prestations financées par la solidarité nationale.
Dans le cadre de la mission d'information sur les conditions de réussite d'une réforme systémique des retraites en France, dont je suis le rapporteur, j'ai entendu les responsables de l'ensemble des régimes spéciaux ; et j'ai pu constater la convergence réelle de ces régimes spéciaux vers le régime général entreprise à partir de 2003 pour les régimes de la fonction publique, et de 2008 pour les autres régimes spéciaux propres à certaines branches ou entreprises publiques. Il demeure toutefois des différences structurelles qui constituent un véritable défi pour la réforme des retraites à venir. J'y reviendrai.
Le CAS « Pensions » regroupe trois programmes, dont deux concernent l'État en tant qu'employeur ou ancien employeur. Le programme 741 retrace les dépenses des pensions de retraite, ainsi que des allocations temporaires d'invalidité des fonctionnaires civils et militaires de l'État. Avec 55,4 milliards d'euros pour 2019, il représente plus de 95 % des dépenses du CAS « Pensions ». Le programme 742 concerne le Fonds spécial des ouvriers des établissements de l'État, qui verse 1,9 milliard d'euros de prestations en 2019 ; enfin, le programme 743 regroupe les pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, ainsi que les pensions ou rentes de régimes de retraite dont l'État est redevable, notamment au titre d'engagements historiques et de reconnaissance de la Nation. Ces dépenses sont financées exclusivement par la solidarité nationale et atteindront en 2019 1,7 milliard d'euros, en recul de 7,6 % par rapport à 2018, en raison d'une baisse du nombre des bénéficiaires.
La mission « Régimes sociaux et de retraite » est également composée de trois programmes, qui déterminent le montant des seules subventions d'équilibre aux régimes spéciaux. Le programme 198, relatif aux régimes sociaux et de retraite des transports, affiche une dépense de 4,2 milliards d'euros pour 2019, principalement les subventions versées aux régimes de la SNCF (3,3 milliards d'euros sur 5,4 milliards de prestations) et de la RATP (736 millions d'euros sur 1,2 milliard). Le programme 197 concerne le régime de retraite et de sécurité sociale des marins, qui comprend la subvention d'équilibre versée par l'État à la branche vieillesse de l'Établissement national des invalides de la marine, 815 millions d'euros. Enfin, le programme 195, relatif aux régimes de retraite des mines, de la Seita et divers réunit les crédits consacrés à des régimes en extinction rapide et aux caractéristiques démographiques extrêmement dégradées pour un montant de 1,3 milliard. La principale dépense correspond à la subvention d'équilibre au fonds spécial de retraite de la caisse des mineurs, d'un montant de 1,1 milliard d'euros. La subvention de 55 millions d'euros au régime complémentaire des exploitants agricoles figure également dans ce programme, ce qui constitue une curiosité car il n'est ni un régime de base ni un régime fermé. C'est d'ailleurs le seul régime complémentaire.
Les auditions des représentants de l'ensemble des régimes spéciaux m'ont fait connaître leur état d'esprit dans la perspective de la réforme systémique.
Tout d'abord, ils ont tous rappelé le très fort attachement culturel des assurés à leur régime spécial. Les régimes renvoient toujours à l'histoire sociale de notre pays, régime des mines créé sous Henri IV, celui des marins sur l'initiative de Colbert,... Le régime de retraite de la SNCF est celui des cheminots, qui entraient très jeunes « au statut », la SNCF les formant et jouant un rôle d'ascenseur social. Si leur existence mérite d'être interrogée au regard du principe d'équité, la réforme devra le faire sans pour autant « stigmatiser » leurs bénéficiaires.
Ensuite, ils s'inscrivent tous dans la dynamique lancée par le Gouvernement et rappellent les réformes actuellement menées pour faire converger certains de leurs paramètres vers le régime des salariés du privé. La réforme des retraites de 2003 comprenait l'alignement des régimes de la fonction publique sur le régime général, pour les critères à la fois de revalorisation des pensions et de durée d'assurance exigible pour le versement d'une retraite à taux plein. Le taux de « cotisation salariale » converge depuis la réforme 2010 et ce jusqu'en 2020 sur celui du régime général. Ces régimes sont depuis lors soumis aux mêmes réformes que les régimes alignés sur le régime général. Les autres régimes spéciaux, qui n'avaient jamais été concernés par les réformes des retraites depuis 1993, convergent depuis 2008 sur les régimes de la fonction publique, selon un calendrier très progressif. Les réformes de 2010 et de 2014 leur ont également été appliquées.
Tous les assurés « sédentaires » des régimes spéciaux partiront à la retraite à l'âge de 62 ans à partir de 2024, contre 2017 dans le régime général. Mais les personnels non roulants de la SNCF continueront à partir à 57 ans, contre 52 pour les personnels navigants. Pour cette raison, notre commission assortit depuis plusieurs années son vote sur la mission « Régimes sociaux» de réserves, que je vous demande de renouveler cette année encore. Je précise toutefois que l'ensemble des bornes d'âge inférieures à 62 ans, dans tous les régimes spéciaux, ont été reportées de deux ans à la suite de la réforme de 2010. Depuis le 1er janvier 2017, le taux de cotisation salariale dans les régimes spéciaux est également en train de converger sur le taux des fonctionnaires et augmentera de 2,7 points sur dix ans, et les pensions servies par les régimes spéciaux sont désormais revalorisées selon le même rythme que les pensions de la fonction publique et donc du secteur privé.
Enfin, les responsables que j'ai entendus ont insisté sur certaines spécificités qui leur semblent a priori difficilement solubles dans les axes de la réforme annoncée. La première concerne l'architecture et les règles de calcul de la pension. Les régimes de la fonction publique et les régimes spéciaux sont tous des régimes complets, qui servent une pension calculée sur le traitement de base des six derniers mois, excluant les primes, avec un taux de liquidation de 75 %. La deuxième difficulté tient à l'existence des « catégories actives » qui occupent un emploi présentant un risque particulier ou des fatigues exceptionnelles. Ces personnels peuvent partir à 57 ans dans la fonction publique, voire plus tôt dans certains régimes spéciaux. Le Gouvernement n'a encore rien annoncé à leur sujet. Nos interlocuteurs ont tous mis en avant la nécessité d'une transition suffisamment longue pour rendre acceptable le bouleversement que représenterait l'abandon de leur régime, considéré dans certaines entreprises comme « le totem des totems ».
Une réflexion générale devra être menée sur la pénibilité dans l'ensemble de la population active, avec des mécanismes clairs, ne créant pas de tensions dans les entreprises comme a pu le faire le compte personnel de prévention de la pénibilité. C'est, je crois, l'intention du Gouvernement, et nous serons attentifs à ce que le débat ait lieu suffisamment tôt pour être intégré par nos concitoyens.
En attendant, je vous propose de donner un avis favorable sur les crédits du CAS « Pensions » et de la mission « Régimes sociaux et de retraite », assorti des réserves évoquées.
Nous sommes nous aussi inquiets à leur sujet. En ce qui concerne la fusion des régimes spéciaux, nous sommes opposés à tout ce qui pourrait se traduire par une baisse des pensions.
Parlez-vous des pensions de réversion déjà versées ou du dispositif une fois la réforme intervenue ?
Pour 2018, les pensions de retraite représentent 316 milliards d'euros ; les pensions de réversion 36 milliards d'euros. La solidarité, c'est 20 % du système. Nous sommes actuellement dans un système par répartition à prestations définies ; on nous annonce un système par points à cotisations définies.
À notre connaissance, il n'y a pas de remise en cause des pensions de réversion, mais la recherche d'une harmonisation entre les treize régimes de pension de réversion existant. Selon le Haut-Commissaire, la réforme entrera en vigueur cinq ans après son adoption. Je ne sais pas ce qu'il adviendra de la pension de réversion pour les retraités actuellement à la retraite et qui décéderaient plus de cinq ans après la réforme. Seront-ils concernés par ces mesures ? Il faudra être attentif.
Aujourd'hui, le niveau de vie des retraités est supérieur en moyenne à celui des salariés, mais, avec la non-revalorisation de 2018 et la sous-revalorisation décidée pour les années 2019 et 2020, les pensions auront de fait baissé, dans cinq ans. Le Gouvernement aura beau jeu de dire que sa réforme ne fera pas baisser les pensions.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions ».
La parole est à Mme Élisabeth Doineau, en remplacement de Mme Nassimah Dindar, pour la présentation de l'avis sur la mission « Outre-mer ».
en remplacement de Mme Nassimah Dindar, rapporteur pour avis sur les crédits de la mission « Outre-mer ». - J'ai le plaisir et l'honneur de vous présenter les observations de notre rapporteure pour avis, Mme Nassimah Dindar, sur les crédits de la mission « Outre-mer » dans le projet de loi de finances pour 2019.
Mme Dindar a été contrainte de se rendre à La Réunion en raison de l'urgence de la situation sur l'île. Comme vous le savez sans doute, la contestation portée par le mouvement des « gilets jaunes » y a pris une tournure violente, et l'économie de l'île, déjà en grande difficulté, est quasiment paralysée depuis plus de dix jours. Un couvre-feu a été instauré la semaine dernière, et, à la demande de la ministre outre-mer, qui se rend aujourd'hui sur place, les prix des carburants et du gaz ont été abaissés hier.
Notre rapporteure pour avis nous avait alertés l'an passé sur la situation sociale très dégradée de la plupart des territoires ultramarins, qui en fait de véritables poudrières. Entre la fin de l'année 2016 et le début de l'année 2017, la Guyane avait été secouée par un mouvement social d'une ampleur et d'une longueur inédites depuis les émeutes de 2009. Le passage de l'ouragan Irma à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy et les difficultés sociales et sécuritaires qui en découlent appellent toujours un important effort de reconstruction. Le CHU de Pointe-à-Pitre, pivot de l'organisation des soins sur l'île de la Guadeloupe, a été largement détruit par un violent incendie en novembre 2017. Cette année, l'île de Mayotte a été le théâtre d'intenses manifestations contre l'insécurité et l'immigration illégales.
Ces difficultés remettent cruellement en lumière l'intensité des difficultés économiques, sanitaires, sociales et sécuritaires rencontrées par la plupart des territoires ultramarins. Permettez-moi de citer, à titre d'illustration, quelques chiffres qui me paraissent rendre compte de manière particulièrement parlante de la situation difficile, parfois même critique, des outre-mer sur les sujets qui intéressent notre commission.
Le chômage des jeunes culmine à des niveaux insoutenables, avec 45 à 55 % de jeunes concernés dans la plupart des outre-mer, soit la moitié d'une génération. Il est inquiétant de constater que ces chiffres sont en très nette augmentation par rapport à l'an dernier aux Antilles et à La Réunion.
Les Drom, qui ne comptent que 2,8 % de la population nationale, représentent 10 % des bénéficiaires du RSA en 2015. 19 % de la population est bénéficiaire du RSA en Guadeloupe, 16 % en Martinique, 14 % en Guyane et 18 % à La Réunion, contre 4 % dans l'hexagone.
De très graves et profondes difficultés sont également constatées dans le champ sanitaire, du point de vue de l'état de santé des populations ultramarines comme de l'offre de soins disponible sur ces territoires. Notre commission a pu le mesurer de manière très concrète lors des deux déplacements qu'elle a effectués, en 2016 et 2018, sur les territoires de l'Océan Indien et en Guyane. Mayotte et la Guyane sont particulièrement affectées par la mortalité périnatale, qui est le triple de celle constatée dans l'hexagone. Les standards de prise en charge sont encore très éloignés des normes hexagonales, du fait principalement du manque de praticiens. Ainsi, dans les maternités périphériques du centre hospitalier mahorais (CHM), les accouchements se font le plus souvent sans présence d'un médecin obstétricien. L'ensemble du territoire guyanais est déficitaire pour tous les maillons de l'offre de soins (offre médicale, PMI, prise en charge du handicap et de la dépendance, structures psychiatriques), ce qui nécessite de fréquentes évacuations sanitaires.
Sur le logement, enfin, les besoins restent immenses en matière de logement social, alors qu'une très large part de la population ultramarine y est éligible. Selon la DGOM, il serait nécessaire de disposer d'ici à 2030 de 50 000 logements supplémentaires en Guadeloupe pour répondre aux besoins, dont au moins 25 000 logements sociaux. 113 500 logements ultramarins dans les Drom sont par ailleurs considérés comme insalubres et indignes.
Face à ce sombre tableau, il faut reconnaître que le Gouvernement s'est montré particulièrement actif, en ce début de quinquennat, sur le front ultramarin. L'exécutif s'est déplacé à plusieurs reprises dans ces territoires, et a fait passer de nombreuses annonces portant sur le champ social. Lors de son déplacement aux Antilles en septembre dernier, le Président de la République a ainsi annoncé la reconnaissance de l'exposition au chlordécone comme maladie professionnelle ; après sa visite à Mayotte en octobre 2017, la ministre de la santé a annoncé la création d'une agence régionale de santé (ARS) de plein exercice sur ce territoire, ainsi que le doublement des montants du fonds d'intervention régional (Fir) dédiés à Mayotte.
Surtout, des Assises de l'outre-mer se sont tenues au premier semestre 2018, et ont débouché en juin dernier sur la publication d'un Livre bleu retraçant les attentes formulées par nos concitoyens d'outre-mer au cours de larges consultations publiques.
Il faut bien entendu se réjouir de cette meilleure prise en compte des difficultés ultramarines dans le débat public comme dans les ambitions gouvernementales. Nous devrons cependant nous montrer très attentifs quant à la traduction concrète de ces annonces, qu'elle soit législative ou financière. Les Assises de l'outre-mer sont intervenues huit ans après les États généraux de 2009, alors que nombre des constats et des propositions formulés dans ce cadre gardent toute leur actualité et toute leur urgence. Je vous rappelle par ailleurs que nous avons voté en 2017 une loi d'orientation pour les outre-mer, dite loi « Erom », qui est encore bien loin d'avoir produit tous ses effets - à tel point que l'on peut craindre qu'elle demeure à l'état de loi programmatique, plutôt que de loi de programmation. Afin que les constats et propositions formulés par les Assises ne se restent pas limités à de simples outils de communication, les véhicules législatifs et juridiques permettant de mettre en oeuvre l'ensemble des mesures du Livre bleu doivent être très rapidement identifiés.
Je me suis employée à rechercher la traduction de ces annonces dans le budget qui nous est proposé pour l'année 2019. Je vous le dis sans plus de suspense : si l'on peut observer une première évolution positive des outils financiers déployés en direction des outre-mer, les moyens proposés seront très insuffisants à répondre à l'immensité des besoins.
En 2019, les crédits de la mission « Outre-mer » s'élèveront à 2,6 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 2,5 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), soit une augmentation respective de près de 23 % et 27 %, à périmètre courant, par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2018.
Cette augmentation, spectaculaire à première vue, résulte d'importantes mesures de périmètre qui font sensiblement évoluer les contours de la mission, puisqu'elles s'élèvent au total à 417 millions d'euros de crédits de paiement, soit 17 % des crédits de la mission. Ces mesures portent principalement sur le programme 138, qui retrace les différentes actions de soutien aux entreprises ultramarines.
Hors mesures de périmètre, les crédits de la mission seraient stables par rapport à la loi de finances initiale pour 2018 (0 % d'évolution en AE et + 0,1 % en CP, selon les éléments fournis par la DGOM). L'augmentation des crédits constants serait concentrée sur le programme 138, tandis que le programme 123 relatif aux conditions de vie outre-mer connaîtrait une diminution de 3,2 % en AE et 0,2 % en CP. Je dois vous dire que je m'interroge sur la compatibilité de cette évolution avec les objectifs de convergence fixés par le Gouvernement.
Dans ce budget, deux sujets entrent plus particulièrement dans le champ de compétence de notre commission.
Plus de la moitié des dépenses de la mission (soit 1,4 milliard d'euros) est consacrée à la compensation des exonérations de cotisations sociales dont bénéficient les entreprises de Guadeloupe, de Martinique, de Guyane, de La Réunion ainsi que de Saint-Martin et Saint-Barthelémy. Cette politique d'exonération vise à la fois à améliorer la compétitivité des entreprises ultramarines, par une compensation des difficultés structurelles liées à leur position géographique, et à encourager la création d'emplois par la réduction du coût du travail.
Cette politique d'exonération a fait l'objet de mesures de rationalisation successives au cours des dernières années, visant notamment à recentrer ces exonérations sur les bas salaires, et qui est poursuivie dans le cadre de l'article 8 PLFSS pour 2019. Cet article opère, en même temps que la transformation du CICE en exonérations de cotisation sociales, un recentrage du soutien aux entreprises sur les niveaux de rémunération allant jusqu'à 2 SMIC - alors que le régime précédent permettait des allégements jusqu'à 3,5 SMIC pour les secteurs prioritaires, voire 4,5 SMIC pour certaines entreprises. C'est là l'origine de la première mesure de périmètre touchant à la mission, pour un montant de 296 millions d'euros.
Les amendements que j'ai déposés sur le PLFSS pour étendre la fourchette d'exonération n'ont malheureusement pas été repris par l'Assemblée nationale. Cela me paraît regrettable, et je vous le redis : il me semble dangereux de créer des trappes à bas salaires dans les outre-mer, qui ont au contraire fortement besoin de développer l'emploi qualifié pour renforcer leur attractivité.
S'agissant ensuite du domaine sanitaire et social, les budgets prévus dans le cadre de la présente mission sont limités : ils s'élèvent à 21 millions d'euros seulement pour un ensemble hétéroclite regroupant le sanitaire, le social, la culture, la jeunesse et les sports. En réalité, la plupart des dispositifs sanitaires sont financés ou dans le cadre de la sécurité sociale, ou au travers de financements versés aux collectivités territoriales pour l'exercice de leurs compétences.
Les crédits ouverts sont fléchés vers l'allocation spéciale vieillesse à Saint-Pierre-et-Miquelon, une aide aux personnes âgées et handicapées à Wallis-et-Futuna, ainsi que diverses subventions visant au financement d'actions de santé dans les collectivités d'outre-mer. La mission finance également le régime de solidarité territoriale (RST) polynésien.
J'observe que, contrairement aux années passées, les montants associés à ces différentes lignes budgétaires ne sont pas détaillés, ce qui ne me paraît pas de nature -c'est un euphémisme- à garantir la bonne information des parlementaires que nous sommes.
Les budgets dédiés au service militaire adapté (SMA) et au logement sont stables par rapport à l'année dernière, et ne portent pas de particulière ambition - ambition pourtant plus que nécessaire au regard des enjeux associés dans les outre-mer.
Il nous faut malgré tout nous satisfaire de ce que le budget qui nous est proposé confirme, en tout état de cause, la stabilisation des crédits spécifiquement dédiés à l'outre-mer au-dessus du seuil symbolique de 2 milliards d'euros. Je relève par ailleurs la mission « Outre-mer » représente 0,54 % du budget général de l'État pour 2019, contre 0,48 % l'an passé. Ce pourcentage en hausse témoigne au moins d'une certaine préservation des crédits spécifiquement affectés à l'outre-mer dans le cadre de l'effort financier global.
Je souhaite, pour conclure, vous faire quelques observations sur la confusion qui me paraît régner autour des dispositifs budgétaires bénéficiant aux outre-mer, ce qui rend malaisée l'évaluation des crédits associés dans le cadre du débat parlementaire.
Nous devons avoir en tête que la mission « Outre-mer » est bien loin de retracer l'ensemble des crédits consacrés aux territoires ultramarins : ceux-ci bénéficient en effet de crédits transversaux portés par 88 programmes relevant de 31 missions. La majeure partie des crédits concourant à l'action sanitaire et sociale de l'État dans les outre-mer est ainsi portée par d'autres missions que celle que nous examinons aujourd'hui. Au total, si l'on prend en compte à la fois les crédits retracés par la présente mission, ces crédits transversaux ainsi que les dépenses fiscales spécifiques aux territoires ultramarins, l'effort total de l'État en outre-mer atteindra 21,2 milliards en 2019 - soit dix fois les montants sur lesquels nous nous prononçons aujourd'hui.
Il résulte de cette architecture budgétaire que les réformes touchant aux outre-mer sont pour l'essentiel opérées en dehors du champ de la présente mission, ce qui rend leur suivi complexe. Je relève en particulier un réel problème de lisibilité des mesures successives d'ajustement des exonérations de cotisations sociales, qui sont faites, selon les années, ou bien dans le cadre du projet de loi de finances (PLF), ou bien dans celui du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), c'est-à-dire de manière non concomitante à l'examen de la présente mission. Les mesures structurantes concernant la santé interviennent également à titre principal en dehors du présent budget : la prise en charge totale par l'assurance maladie des soins de ville à Mayotte -et le report du déploiement un temps annoncé de la CMU-C sur ce territoire- a ainsi été actée dans le cadre de l'article 35 du PLFSS.
Enfin, les diverses mesures de périmètre qui redessinent au fil des ans les contours de la mission rendent très malaisé l'établissement de comparaisons entre les différents exercices budgétaires.
Sur ce point cependant, un élément du budget qui nous est proposé retient mon attention : les marges de manoeuvre dégagées par les mesures de périmètre prévues pour 2019 sont pour partie réaffectées à de nouvelles dépenses budgétaires. La maquette du programme 138 intègre ainsi une nouvelle action intitulée « Financement de l'économie », abondée par l'extinction de la TVA NPR ainsi que la réforme de l'impôt sur le revenu. Ce déplacement des moyens de la mission des dépenses fiscales et sociales vers des crédits budgétaires correspond à une orientation générale fixée par le Gouvernement. Lors de la discussion de l'article 8 du PLFSS en séance publique au Sénat, le ministre de l'action et des comptes publics a décrit la logique des mesures proposées en ces termes ! « moins de niches sociales et moins de niches fiscales pour les transformer en crédits budgétaires pour la mission ».
Je ne suis pas par principe opposée à une telle évolution, à condition de garder en tête que l'économie des territoires ultramarins est devenue, au fil des années, largement dépendante de la dépense fiscale et des exonérations de cotisations sociales. Cette dépendance ne résulte bien évidemment pas d'une préférence formulée par les territoires ultra marins eux-mêmes : c'est le résultat d'une préférence historique pour l'outil de la défiscalisation, au détriment de celui de la dépense budgétaire. Toute réforme en ce sens devra donc, en tout état de cause, être accompagnée d'un important travail d'évaluation préalable, afin de ne pas asphyxier les économies ultramarines, et de pédagogie auprès des acteurs concernés.
Tels sont, Monsieur le Président, mes chers collègues, les principaux éléments que je souhaitais porter à votre connaissance au sujet de la mission « Outre-mer ». Compte tenu de l'ensemble de ces observations, vous comprendrez que c'est sans grand enthousiasme que je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption de ces crédits - qui correspondent, je l'espère, à un budget de transition en attendant la traduction concrète des propositions des Assises.
J'adresse mes remerciements à notre collègue Nassimah Dindar pour la qualité de son travail et la sincérité de son propos, retranscrit fidèlement par Élisabeth Doineau. La gravité de la situation dans nos territoires ultramarins en matière sociale, de logement et d'emploi ne cesse de me frapper. Nos collègues d'outre-mer nous alertent régulièrement, mais il faut s'y rendre pour véritablement observer les difficultés. Le budget qui nous est proposé pour 2019 apparaît très insuffisant au regard des besoins et notre insatisfaction à son endroit doit nous conduire à le rejeter. Les différents postes de dépense ne répondent pas à l'ambition qu'exige la situation. Le chômage des jeunes affiche un niveau inquiétant, pourtant le Gouvernement poursuit sa politique d'exonération des charges patronales, que notre groupe dénonce de longue date comme une trappe à bas salaires. Les remèdes proposés sont inefficaces ; ils n'amélioreront ni l'emploi, ni la situation sanitaire. La crise qui retient Nassimah Dindar à La Réunion représente la traduction d'une colère justifiée de nos concitoyens. Le groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste (CRCE) votera contre les crédits de la mission.
Nous avons débattu hier soir en séance publique des difficultés de l'outre-mer. Nous ne demandons pas l'aumône, mais une attention soutenue des pouvoirs publics à l'endroit de nos territoires qui cumulent les faiblesses et s'interrogent parfois sur la réalité de leur appartenance à la nation française... Le vote extrême, les velléités d'indépendance en sont favorisés. Nous sommes évidemment conscients des difficultés de la métropole. En tant que sénateur, je ne me préoccupe pas uniquement de l'outre-mer et souhaite un soutien réciproque. Je me réjouis d'ailleurs que mes collègues métropolitains s'intéressent à l'outre-mer, s'y déplacent et se rendent ainsi compte de la situation dégradée qui est la nôtre en tous domaines.
Nous défendons le maintien des exonérations, bien que nos entreprises ne jouent pas toujours le jeu de l'emploi au point que la situation des jeunes ne cesse de se dégrader, car elles sont les seules armes dont nous disposons. Les problèmes sanitaires de nos territoires ne sont plus acceptables ! Certes, les distances existent également en métropole, mais les surcoûts sanitaires demeurent supérieurs en outre-mer. Je comprends mal que les gouvernements successifs n'y aient apporté aucune réponse ! Il faut modifier en profondeur l'architecture même de la nation ; le ministre des outre-mer ne pèse que trop peu au sein du Gouvernement. Pour ne pas être contraint de voter par défaut, je m'abstiendrai sur les crédits de la mission. J'espère qu'un jour nos interventions porteront leurs fruits et que le Gouvernement, constatant que les mesures prises paraissent jusqu'à présent inefficaces, changera d'orientation. L'outre-mer représente un rayonnement pour la France. Nos territoires constituent un vivier d'athlètes ; nous placions de grands espoirs en Laura Flessel mais ce fut, hélas, une catastrophe.
Veillons, outre-mer, à ne pas construire sans précaution et à prendre en considération le risque d'ouragan et de glissement de terrain. La population diminue en Martinique, nombre de logements demeurent vides et sans propriétaire connu : pourquoi, dès lors, en construire de nouveaux ? Il conviendrait de réhabiliter l'existant avant d'étendre l'habitat sur les collines ! La population antillaise est pauvre, car les Antillais qui étudient en métropole n'en reviennent pas. Les habitants sont, pour beaucoup, déscolarisés et peu d'emplois, hormis dans l'industrie de la canne à sucre, peuvent leur être proposés. Le tourisme souffre, en outre, du fléau des sargasses, qui touche également les autochtones. Des aides de l'État seraient utiles, d'autant que la vie quotidienne est déjà bien coûteuse. La lutte contre les sargasses doit constituer une priorité sanitaire et sociale pour que les touristes ne boudent plus nos territoires des Caraïbes.
Je salue l'excellent rapport de notre collègue Nassimah Dindar. Reconnaissez combien les territoires ultramarins sont résilients : ils subissent chaque année une catastrophe naturelle - cyclone, risque sismique, incendie de l'hôpital de Pointe-à-Pitre, scandale du chlordécone, dont la réminiscence est évaluée à 300 ans et qui a détruit de nombreuses zones de pêche. Je fais partie d'une mission internationale sur le problème des sargasses, qui ne pourra trouver une solution que dans une collaboration interétatique. Avec le réchauffement climatique, l'ammoniac qui se dégage des algues après quarante-huit heures représente un grave problème sanitaire, au point d'entraîner parfois des déplacements de population.
Un territoire comme Marie-Galante, en Guadeloupe, souffre d'une double insularité. Pourtant, nous bénéficions de richesses à développer, compte tenu notamment de notre proximité avec d'autres États des Caraïbes et avec les États-Unis. Nous représentons un atout pour la France ! Nous devons changer de paradigme en matière d'architecture budgétaire, car la multiplication des budgets transversaux rend moins lisible la politique menée en faveur de l'outre-mer et malaisée son évaluation. Malgré nos difficultés, qui nécessitent des aides de l'État, nous possédons des atouts ! Ainsi, la Guadeloupe dispose d'un cyclotron : pour un coût de 1 000 euros, au lieu des 9 000 euros exigés au Mexique ou aux États-Unis, les habitants des pays limitrophes pourraient y réaliser leurs examens. Si nous arrivions à capter cette patientèle, nous créerions des emplois dans le secteur sanitaire. De la même façon, les coopérations pourraient utilement être développées avec d'autres États caribéens dans le domaine de l'enseignement supérieur et de la recherche. Les moyens budgétaires doivent, en conséquence, être consacrés au développement de nos économies, pour qu'elles ne dépendent plus seulement des crédits publics et des exonérations de charges. Nous espérons à cet égard beaucoup du Livre bleu et souhaitons la mise en oeuvre d'un véritable plan Marshall en faveur de nos territoires. Dans cette attente, je voterai en faveur de l'adoption des crédits de la mission.
Je remercie Nassimah Dindar pour son excellent rapport. Mes pensées accompagnent nos collègues réunionnais, dont le territoire connaît une violente crise. Je voterai, par cohérence, contre les crédits de la mission, même si certaines mesures bénéficient à Saint-Pierre-et-Miquelon. Le présent projet de loi de finances devait traduire la vision du Gouvernement ; il n'en est hélas rien. À mon initiative, Saint-Pierre-et-Miquelon n'a pas participé aux Assises de l'outre-mer. J'assume ce choix : la méthode n'était pas efficiente et nous avions déjà, en 2009, établi un schéma programmatique de développement économique pour notre collectivité. La crise de confiance entre les élus ultramarins, qui pourtant connaissent parfaitement les difficultés de leur territoire, et le Gouvernement est réelle. Nous souhaitons, au-delà des exonérations de charges, bénéficier de solides investissements publics.
La loi du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique est vidée de son sens, les Assises se résument à un effet d'affichage et le projet de loi de finances ne traduit aucune vision. Il a fallu attendre la nuit de dimanche à lundi pour que la ministre des outre-mer obtienne enfin un arbitrage favorable sur les exonérations de charge, à hauteur de 120 millions d'euros, qui a été présenté à l'Assemblée nationale lors de la nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Les documents budgétaires de programmation transversale n'ont été distribués que fort tardivement et certains chiffres, notamment relatifs au logement, n'ont pas été fournis par le Gouvernement. Ces méthodes ne sont pas acceptables et attisent la colère des élus ! Quoi qu'il en soit, le budget annoncé pour 2019 ne permettra pas le développement endogène des outre-mer que souhaite le Président de la République ; il ne traduit ni le contenu des Assises, ni le Livre bleu. Si les politiques en faveur de l'outre-mer sont désormais alignées sur celles qui s'appliquent en métropole alors que les difficultés économiques et sanitaires diffèrent, quel est le rôle du ministre des outre-mer ? Le ministère de l'économie et des finances paraît tellement plus puissant !
Cohérent avec le constat qu'il dresse de la situation des outre-mer, le groupe socialiste et républicain ne votera pas les crédits de la mission.
Notre collègue Nassimah Dindar m'a indiquée avoir été partagée sur l'avis qu'il convenait de proposer. Les territoires ultramarins subissent les effets d'une lente dégradation et cumulent les difficultés structurelles comme les catastrophes naturelles. Les Assises ont suscité un vent d'espoir, mais je comprends le scepticisme de Stéphane Artano, car la réflexion demandée a déjà été menée en 2009 et les besoins demeurent considérables par rapport à ceux de la métropole.
Madame Cohen, je suis favorable à ce que notre commission travaille régulièrement sur les sujets ressortant de l'outre-mer et s'y rende pour observer les lacunes et les défis à relever. Certes, les moyens budgétaires pour 2019 restent insuffisants, mais ils n'en sont pas moins en augmentation, quoi qu'il soit malaisé de repérer l'ensemble des sommes consacrées à l'outre-mer dans le projet de loi de finances et dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. À cet égard, je ne suis pas certaine qu'une différenciation absolue des politiques et des budgets constitue la solution idoine pour l'outre-mer, même si elle offrirait effectivement au Parlement une visibilité bienvenue sur ces crédits.
Monsieur Arnell, par une implication renforcée des sénateurs, je suis convaincue que nous pourrons améliorer notre connaissance de l'outre-mer et de ses spécificités, qu'il s'agisse de faiblesses ou de points forts. Votre appartenance à la nation française constitue une évidence, mais je mesure le doute que, parfois, vous pouvez ressentir. Vos difficultés sont nombreuses et il apparaît difficile de les prioriser. S'agissant des sargasses, j'ai ouïe dire qu'une entreprise bretonne cherchait à les transformer en plastique, mais la solution sera, d'après moi, internationale.
Madame Guidez, il apparaît effectivement indispensable d'engager une réhabilitation ambitieuse des logements, dont il n'est hélas pas suffisamment fait mention dans le Livre bleu. La vue est certes plus belle depuis les collines, mais la vie y est plus dangereuse !
Les territoires ultramarins souffrent de la grande pauvreté d'une partie de leurs habitants ; comme en milieu rural, les plus qualifiés s'en vont. Voici un exemple parmi d'autres des difficultés auxquelles nous devons nous atteler : les premières années des études de médecine peuvent se dérouler dans les outre-mer, mais les étudiants doivent ensuite poursuivre leur cursus dans l'hexagone, et bien souvent ne reviennent pas ensuite. Pour remédier à la carence constatée en personnel médical, il pourrait être envisagé d'embaucher des médecins non européens, notamment cubains.
Je partage votre analyse, monsieur Théophile : les habitants des outre-mer, où une tempête, au propre comme au figuré, chasse l'autre, font preuve d'une admirable résilience.
Nous prenons acte de vos propos, monsieur Artano, qui s'expliquent d'autant plus que votre territoire est isolé et que les outre-mer ont déjà, en 2009, mené un important travail de prospective. Je suis convaincue que les propositions doivent être issues des territoires. Il nous faudra rester vigilants quant à l'application effectives des mesures du Livre bleu. Nos collègues réunionnais sont inquiets, comme habituellement lorsque des émeutes secouent un territoire isolé. Je crois, pour ma part, en la nécessité de développer une culture de l'expérimentation, en lien avec les entreprises métropolitaines.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Outre-mer ».
La réunion est close à 10 h 15.