Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation

Réunion du 6 février 2019 à 9h35

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Eblé

Nous avons ce matin le plaisir d'accueillir M. Alexandre Gardette, administrateur général des finances publiques, accompagné de Mme Lauren Turfait, inspectrice principale des finances publiques. M. Gardette a été chargé par M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics, de rédiger un rapport sur la simplification du recouvrement fiscal et social, qui pourrait amener à la création d'une agence unique du recouvrement.

Notre commission a souhaité vous entendre, monsieur Gardette, afin que vous puissiez nous présenter les grands enjeux de cette réforme. Il s'agit non pas d'exposer vos conclusions définitives, mais de nous présenter votre mission et vos méthodes de travail, et de nous faire part des enjeux et des premières orientations qui se dessinent.

Debut de section - Permalien
Alexandre Gardette, administrateur général des finances publiques

Il s'agit en effet d'un sujet important pour la transformation publique.

Je précise que la lettre de mission qui m'a été adressée le 2 octobre dernier est cosignée par Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, au titre des finances sociales et de la tutelle de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss).

Commençons par définir le champ de notre réflexion. Nous sommes partis du constat que les opérateurs qui s'occupent du recouvrement des prélèvements obligatoires sont très nombreux ; le rapport du Comité Action publique 2022 (CAP 2022) du printemps 2018 en recensait deux cent cinquante, pour un nombre de prélèvements supérieur à six cents. Ainsi, quand on est redevable - entreprise ou particulier - et que l'on doit s'acquitter d'impôts, de taxes et de cotisations sociales, on a affaire à un grand nombre d'interlocuteurs. Il m'est donc demandé s'il serait intéressant de rationaliser cet ensemble et si cette situation est source de complexité pour les contribuables.

Notre champ initial recouvre les prélèvements obligatoires, c'est-à-dire, selon l'OCDE, ce que l'on n'a pas le choix de payer : impôts, taxes et cotisations sociales. Les prélèvements obligatoires représentent, en 2017, 1 038 milliards d'euros, soit 45,3 % du PIB.

Cela dit, il nous semble que l'on ne doit pas forcément se limiter à ce champ. Les opérateurs sont polarisés, pour la partie fiscale, autour de la Direction générale des finances publiques (DGFiP), qui collecte 80 % de la masse des impôts et taxes, et de la Direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI), et, pour la partie sociale, autour de l'Acoss, qui recouvre 72 % des montants de cotisations sociales.

Nous considérons que l'on peut étendre le sujet, disais-je, car l'Acoss et la DGFiP recouvrent des « choses », si j'ose dire, qui ne correspondent pas à la définition des prélèvements obligatoires que je vous ai donnée, mais qu'il convient d'inclure dans notre réflexion ; je pense en particulier aux redevances. Les redevances ont, contrairement aux prélèvements obligatoires, une contrepartie directe ; seuls les acquittent ceux qui bénéficient du service fourni. En effet, il paraîtrait étonnant de s'orienter vers un, deux ou trois interlocuteurs sans tenir compte du regroupement qui a été fait précédemment ; aujourd'hui, les entreprises paient leurs impôts et redevances auprès d'un seul interlocuteur, la DGFiP. Il serait absurde de leur demander de payer, à l'avenir, leurs impôts auprès d'un nouvel interlocuteur unique mais de continuer de s'acquitter de leurs redevances auprès de la DGFiP.

Par ailleurs, lors du dernier comité interministériel de la transformation publique, le 29 octobre dernier, le Gouvernement a évoqué l'hypothèse d'une agence unique du recouvrement des entreprises. De quel redevable parlons-nous dans le cadre de notre mission, est-ce uniquement des entreprises, du travailleur indépendant au grand groupe ? En réalité, la question des particuliers se pose aussi, car ceux-ci ont aujourd'hui un interlocuteur unique, la DGFiP - en particulier, les travailleurs indépendants s'acquittent de leur impôt professionnel et leur impôt personnel auprès de la DGFiP. Il ne faut pas remettre cela en cause. Par ailleurs, les particuliers employeurs ont déjà affaire à l'Acoss. Nous irons donc au-delà des seules entreprises.

J'en viens aux trois objectifs de la mission.

Premièrement, nous ne modifierons pas les organisations existantes ni le droit applicable si cela ne correspond pas aux attentes des usagers, notamment des redevables que sont les entreprises. Notre premier objectif est de simplifier réellement les démarches de ces usagers. Par exemple, quand un contribuable communique une information sur sa situation, il doit contacter l'Acoss, les Douanes, la DGFiP, etc. On pourrait imaginer qu'il ne la transmette plus qu'une seule fois, à un interlocuteur unique, et que les organismes se la communiquent entre eux. De même, on peut imaginer qu'un redevable souhaitant poser une question à l'administration n'interroge qu'un seul point de contact et n'obtienne qu'une réponse, tant pour le volet fiscal que pour le volet social.

On peut aussi concevoir qu'une entreprise rencontrant des difficultés de paiement n'ait pas à exposer sa situation à plusieurs organismes, mais qu'elle puisse faire sa demande une seule fois et que les organismes de recouvrement répondent de même.

Deuxièmement, nous tâcherons d'améliorer, au travers de cette réforme, le taux de recouvrement des prélèvements obligatoires. Aujourd'hui, l'Acoss, la DGFiP et les Douanes affichent des taux d'encaissement spontané très élevés, de l'ordre de 98 à 99 %. La très grande majorité des redevables s'acquitte donc très vite des prélèvements obligatoires. Il paraît difficile d'améliorer substantiellement ces taux, mais, eu égard aux masses en jeu, les améliorer ne serait-ce que de dix points de base permettrait de collecter quelques dizaines de millions d'euros supplémentaires.

En réalité, c'est surtout le recouvrement forcé qui offre de réelles perspectives d'amélioration ; les procédures sont très différentes entre la sphère sociale et la sphère fiscale, et il est difficile d'être efficace sans disposer d'une vision consolidée sur la situation d'ensemble d'un redevable qui permettrait d'améliorer l'efficacité de ce recouvrement.

Troisièmement, nous essaierons d'apporter un gain d'efficience pour le service public. Si l'on veut mobiliser moins d'agents publics pour ces missions de recouvrement, que ce soit pour diminuer le nombre total d'agents publics ou que ce soit pour les redéployer vers des missions plus importantes, on doit se demander si l'on peut faire aussi bien, voire mieux, avec moins d'agents.

J'en arrive maintenant aux trois pistes que nous envisageons, qui peuvent être complémentaires.

Avant de constituer une agence unique, on peut d'abord aller plus loin dans l'unification du recouvrement au sein de chacune des deux sphères. Du côté fiscal, le recouvrement est déjà très polarisé autour de la DGFiP et des Douanes. Plusieurs transferts du recouvrement de taxes douanières, telles que la taxe générale sur les activités polluantes, ont été prévus dans la loi de finances pour 2019 ; ainsi, d'ici un, deux ou trois ans, la DGFiP recouvrera ces taxes. Néanmoins, le Gouvernement n'a pas prévu de s'arrêter là, et j'approfondirai la question du transfert, vers la DGFiP, d'autres taxes des Douanes ou de petits opérateurs publics.

Il en va de même dans la sphère sociale. Ainsi, la loi dite Pénicaud, adoptée l'été dernier, prévoit le transfert du recouvrement de la contribution à la formation professionnelle des organismes de formation professionnelle vers les Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf). Le recouvrement des cotisations des travailleurs indépendants a également été transféré aux Urssaf. Nous verrons si l'on peut aller plus loin.

Ensuite, deuxième piste, on peut développer des services communs sans fusionner les opérateurs. Outre le fait d'harmoniser les procédures, on peut prévoir une plus forte interaction des administrations entre elles, lors de la naissance de l'entreprise ; le guichet de création des entreprises pourrait offrir plus de services auprès des jeunes entreprises. De même, à l'échelon départemental, la commission des chefs de services financiers (CCSF), avec la direction régionale des finances publiques (DRFiP) et l'Urssaf de la région, pourrait accompagner les entreprises en difficulté en amont, avant que les problèmes ne s'intensifient.

Enfin, on pourrait créer un portail informatique sur lequel les entreprises, et éventuellement, à terme, les particuliers, pourraient faire certaines démarches et obtenir une compensation des créances et des dettes. Ainsi, lorsqu'une entreprise doit payer des cotisations sociales et récupérer un crédit de TVA, on pourrait prévoir une compensation.

Le mot d'« agence » a été cité. Le ministre me demande de réfléchir aux conditions favorisant le meilleur service pour le redevable, et me demande si la fusion organique des opérateurs actuels serait la meilleure solution pour y parvenir. On peut se contenter de la mise en place d'un portail numérique sans fusion organique ; on peut concevoir au contraire une grande agence unique obtenue par la fusion des administrations, mais la présence de fonctionnaires d'État et de salariés de droit privé rend cette opération très délicate ; entre ces deux options, il y a des solutions intermédiaires, avec la mise en commun d'une partie du recouvrement, par exemple le recouvrement forcé.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Il s'agit d'un sujet important, même si le taux de recouvrement spontané est déjà très élevé en France. Je n'ai pas d'opposition de principe à l'égard des options que vous évoquez, si elles permettent d'améliorer le service et de réduire les coûts.

Première question : quel est le coût de recouvrement des prélèvements obligatoires collectés par la DGFiP, par la DGDDI et par l'Acoss ? Y a-t-il un organisme plus efficace ? Cela peut constituer un élément de réflexion pour vous.

Deuxième question, relative au champ de votre réflexion. Le mot « obligatoire » est central ; certains prélèvements ne rentrent pas dans la définition des prélèvements obligatoires mais sont obligatoires ; je pense notamment aux frais de mutuelle et de retraite complémentaire. Ces sommes perçues par des organismes de droit privé sont-elles incluses dans votre réflexion ? Les PME et TPE doivent aujourd'hui s'adresser à plusieurs organismes.

En ce qui concerne le service, je suis personnellement favorable à une simplification ; un interlocuteur unique pourrait représenter un gain pour les finances publiques, mais surtout un avantage pour le contribuable. Cela dit, j'ai une inquiétude : une agence s'appuierait-elle toujours sur le réseau des trésoreries ? Il devient compliqué de joindre l'administration fiscale... Le numéro de téléphone Impôts Service existe-t-il toujours ?

Debut de section - Permalien
Alexandre Gardette, administrateur général des finances publiques

Oui.

Debut de section - Permalien
Alexandre Gardette, administrateur général des finances publiques

Je pense que, pour l'heure, l'ensemble des agents travaillent à répondre à des questions portant sur le prélèvement à la source.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Le directeur général des finances publiques a été vague sur le nombre d'agents affectés à ce service, qui pourrait semble-t-il disparaître...

Bref, contacter l'administration fiscale devient compliqué et, si l'on s'oriente vers une solution centralisée, un numéro de téléphone sur lequel un message automatique demande de rappeler plus tard ne sera pas satisfaisant. Quant au portail en ligne, sachez que toutes les questions ne peuvent pas être traitées par internet ; un contact téléphonique ou physique est parfois nécessaire. On le voit, sur tout le territoire, il y a toujours beaucoup de monde dans les centres des impôts, et les redevables qui y viennent ne sont pas toujours à l'aise avec l'informatique. Comment concilier l'objectif d'économies avec le maintien du service ?

Enfin, faites-vous des comparaisons internationales ? Y a-t-il des exemples d'unification réussie ?

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Carcenac

Je m'interroge sur le champ de votre mission. Le Gouvernement a fait des annonces et, par deux fois, Gérald Darmanin a annoncé la création d'une agence unique de recouvrement à l'horizon de 2022.

Par ailleurs, vous avez évoqué les attentes des usagers - vous avez notamment mentionné la simplification des démarches -, mais des dispositifs existent déjà en la matière. La question qui se pose est plutôt celle des systèmes d'information. Or la DGFiP voit son budget informatique diminuer fortement, puisqu'il a été divisé par dix en dix ans.

Vous mentionnez, parmi les objectifs, une diminution du nombre d'agents publics ; on le sait, le Gouvernement veut supprimer 50 000 postes de fonctionnaires d'État. Il y a 100 000 agents à la DGFiP, dont environ 20 000 s'occupent de recouvrement. Quel est l'objectif en la matière ? Quelle conséquence cela aura-t-il sur la présence du réseau dans les territoires, eu égard à la décentralisation et à la déconcentration qu'envisage le Gouvernement ?

Enfin, il y a eu l'année dernière une panne informatique majeure sur les droits de mutation ; des correctifs ont-ils été mis en place ?

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Nougein

Quelles seront les conséquences de cette réorganisation sur les territoires, notamment ruraux ? Il y a environ 20 000 agents à la DGFiP, 3 000 aux Douanes et 13 000 aux Urssaf qui sont chargés du recouvrement, et l'on envisage une réduction des effectifs - c'est le but. Sans doute, cela entraînera, à terme, une réduction des dépenses publiques, mais cela aura aussi des conséquences sur nos territoires. La question du calendrier est également importante : quel serait le calendrier idéal pour vous ?

Par ailleurs, comment la réforme du recouvrement s'articulerait-elle avec le recours à un prestataire extérieur pour le décaissement et l'encaissement en numéraire ? On a parlé des buralistes et de la Poste lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2019.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Eblé

Le rapport CAP 2022 envisageait de confier tout le recouvrement à la DGFiP. Validez-vous cette recommandation ?

Aux Douanes, 3 000 agents travaillent au recouvrement ; quitteront-ils leur administration d'origine pour être intégrés dans la future agence ou au sein de la DGFIP ?

Debut de section - Permalien
Alexandre Gardette, administrateur général des finances publiques

Dans le rapport CAP 2022, on a, certes, évoqué la centralisation du recouvrement fiscal au sein de la DGFiP, mais la lettre de mission de Gérald Darmanin et Agnès Buzyn est revenue sur cette recommandation. Elle évoque la possibilité de faire exception au principe d'unification du recouvrement quand un acte « métier » est indissociable du recouvrement. Cela s'applique notamment aux Douanes ; en effet, mes travaux m'amènent à faire le départ entre les taxes douanières dont le recouvrement est intrinsèquement lié aux travaux de contrôle et les autres. Quand les douaniers contrôlent un entrepôt de pétrole ou dédouanent des importations, par exemple, la taxe douanière est intimement liée au contrôle de la matière. Ma lettre de mission prévoit cette exception et il m'est demandé de distinguer ce qui peut être unifié de ce qui doit demeurer séparé.

Très clairement, nous n'en sommes donc pas du tout à prévoir le transfert de la totalité des 3 000 agents des Douanes faisant du recouvrement vers la DGFiP ou vers une future agence, d'autant que la Douane a déjà revu l'organisation territoriale de son recouvrement, elle n'aura bientôt plus qu'une seule implantation par ancienne région.

Monsieur le rapporteur général, les opérateurs disposent de données sur le coût du recouvrement. On les trouve notamment dans les documents budgétaires accompagnant le projet de loi de finances. Le coût de la collecte s'étend, selon les impôts et taxes, de 0,25 % à 1 % des sommes collectées. En réalité, la question essentielle n'est pas tant celle de l'efficacité de tel réseau par rapport à tel autre que celle de la complexité de l'impôt à collecter, qui a une grande incidence sur son coût de recouvrement. La DGFiP est ainsi très compétente pour recouvrer la TVA, car il s'agit d'un prélèvement autoliquidé - l'entreprise redevable déclare et paie. Cela est donc plus facile que le recouvrement des impôts sur rôle, comme l'impôt sur le revenu, pour lesquels les administrations doivent faire le travail de calcul, établir un rôle et un avis d'imposition sur le fondement de la déclaration.

Le coût de la collecte des cotisations sociales par l'Acoss se situe entre 0,25 % et 0,3 %, mais le ratio est moins bon pour les cotisations des entrepreneurs indépendants. Le taux moyen de la DGFiP tourne autour de 0,4 ou 0,5 %, mais cela recèle des variations importantes : ce coût varie de 0,3 % pour TVA à 1 % pour les impôts locaux, qui sont les plus compliqués.

Je vous confirme par ailleurs, monsieur le rapporteur général, que le recouvrement des prélèvements assimilables à des prélèvements obligatoires, comme les cotisations de retraite complémentaire, est inclus dans ma réflexion. Il y a une réforme en cours sur ce sujet, d'ailleurs, et si une réforme systémique des retraites a lieu d'ici à 2025, il faudra que le Gouvernement détermine au préalable qui est collecteur. En ce cas, vaudra-t-il mieux transférer le recouvrement des cotisations de retraite complémentaire avant d'instituer la retraite universelle, ou faudra-t-il tout faire en même temps ? Les avis divergent à ce sujet.

Vous avez aussi parlé du réseau local. Quand j'ai cité le portail informatique pour illustrer le service commun, je ne voulais pas dire que l'éventuelle agence unique serait virtuelle. On ne fera pas, comme au Canada, une agence unique avec très peu de guichets - trois ou quatre pour les dix millions de Québécois sur un territoire immense. Il s'agirait d'offrir une couche unifiée de services sans fusionner les réseaux. Dans cette hypothèse, le réseau des Urssaf resterait inchangé et celui de la DGFiP continuerait d'évoluer au rythme choisi par ailleurs par le Gouvernement ; la réforme n'aurait pas d'incidence à cet égard.

En revanche, en cas de fusion des réseaux, il y aurait forcément une réorganisation. Pour ma part, à ce stade, je suis favorable au minimum à la maille départementale, voire infradépartementale ; je ne suis pas favorable à un lieu national unique avec un centre d'appel.

Thierry Carcenac, vous considérez l'intervention de Gérald Darmanin du 11 juillet dernier comme étant une décision prise. Ce qu'il m'a indiqué à plusieurs reprises, c'est que ce discours était un cap destiné à faire bouger les choses et à faire réagir. L'année 2022 n'est plus le terme fixé pour la réforme, et le ministre a indiqué avoir utilisé le mot d'« agence » pour illustrer son propos, il ne considère pas que c'est la seule voie possible.

En ce qui concerne le nombre d'agents publics et les moyens informatiques, j'insiste beaucoup sur le chemin de la réforme, sur la nécessité de prendre le temps et de disposer des moyens, notamment informatiques, indispensables, afin d'éviter une nouvelle catastrophe industrielle comme celle de l'interlocuteur social unique, qui gérait le régime social des indépendants au début des années 2010. Si l'on se précipite, si les systèmes ne peuvent pas communiquer entre eux avant toute autre action, on ira à la catastrophe. Or je ne veux pas mettre en risque le recouvrement de 1 038 milliards d'euros...

Des procédures formidables fonctionnent très bien, comme le prélèvement à la source ou la déclaration sociale numérique, mais cela a requis des années de travail et des investissements importants. Il faudra travailler par étapes et ne pas attendre de gain sans investissement informatique. Je ne suis pas spécialiste des droits de mutation à titre onéreux, je sais qu'il y a eu une panne et un correctif, mais je ne sais rien de plus.

Je ne travaille pas sur un nombre de suppressions de postes publics ; j'ai les mêmes chiffres que vous, mais, à ce stade, je ne fais pas de règle de trois.

Claude Nougein, j'ai déjà répondu à la question sur l'impact de la réorganisation pour les territoires. Le terme idéal n'est pas 2022, ce serait trop précoce. Il faut faire en sorte que cette réforme ne conduise pas à des difficultés. Si l'on peut faire des économies, tant mieux, mais le premier objectif est de fournir un meilleur service aux TPE, PME et ETI - les grandes entreprises ont les services nécessaires pour traiter ces questions.

Enfin, la question de l'articulation avec le recours à la Poste pour le paiement en numéraire est déjà pendante. Il faut articuler chaque encaissement ou décaissement en numéraire avec l'information comptable, dans le système d'information de la DGFiP, selon laquelle M. Untel a acquitté sa taxe locale ou un produit local dans le bureau de poste de son village.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

Certaines petites taxes ont des coûts de recouvrement très élevés ; d'ailleurs, on en a supprimé un certain nombre.

La question du maintien de la double comptabilité entre la collectivité et le comptable public se pose ; votre mission aura-t-elle une incidence sur ce sujet ?

La validation des accords d'intéressement par la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) ne vaut pas aujourd'hui rescrit social. La nouvelle organisation pourrait-elle remédier à cela ?

L'Agence de services et de paiement (ASP) a connu de graves difficultés de fonctionnement, je pense notamment à la gestion des fonds européens. Les dispositifs d'unification ne doivent donc pas aboutir à des pannes informatiques ; de nombreux projets ont échoué faute d'investissement informatique.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Delcros

Vous avez évalué le coût du recouvrement entre 0,25 % et 1 % ; envisagez-vous une réduction de ces coûts ?

L'objectif final d'une agence unique est-il réaliste et, si oui, dans quels délais ?

Comment cette réforme peut-elle se décliner localement ? Est-elle compatible avec l'aménagement du territoire et la présence de services de proximité dans des territoires ruraux ? Il y a besoin de contact humain dans certains cas.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Houpert

Vous avez évoqué, à propos du regroupement des services de l'État, moins d'agents et plus d'efficacité. Je me félicite de l'efficacité financière, mais les services fiscaux sont éloignés, ce qui se traduit par une déshumanisation galopante. Or, que je sache, la détention d'un ordinateur n'est pas obligatoire pour s'acquitter de ses impôts. Je crains que l'on en arrive à une révolte fiscale - on le constate chaque samedi dans les rues.

En outre, quand les services fiscaux commettent une erreur, ils ne la réparent pas intégralement. On m'a rapporté le cas d'une petite entreprise qui a été contrainte de payer indûment la cotisation foncière des entreprises pour 1 083 euros, et à qui on a accordé un dégrèvement de seulement 903 euros, le solde étant conservé « pour frais de dossier ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Genest

Votre feuille de route contient la conclusion de votre mission : une agence unique de recouvrement. Le prélèvement à la source était le premier pas vers un regroupement à la DGFiP ou aux Urssaf - je ne pensais pas que l'on irait jusqu'à une agence, qui sera très coûteuse.

Aujourd'hui, notre taux de recouvrement est très bon ; pourquoi casser un système qui fonctionne ? Il ne faut pas créer une agence ; il faut tout regrouper soit à la DGFiP, soit à l'Acoss, mais créer une agence sera très coûteux.

Le réseau du trésor public, où j'ai travaillé, sera mis à mal. On a déjà prévu de nombreuses fermetures, et, en retirant le recouvrement à la DGFiP, vous allez tuer le réseau et le service offert aux collectivités territoriales. Le premier pas est déjà fait, au travers des expérimentations des agences comptables. On s'éloigne encore du terrain...

J'ai alerté le Président de la République sur la déshumanisation des services publics. Pour faire des économies, je lui ai suggéré d'étudier le cas des hauts fonctionnaires des ministères, notamment de Bercy, qui sont très bien payés et dont on ignore l'activité.

La fusion des directions générales des impôts et de la comptabilité publique a été catastrophique sur le terrain ; un comptable ne sait pas gérer les finances d'une commune, donc c'est la panique.

Puisque nous y sommes, pourquoi ne pas privatiser le recouvrement, comme on privatise les aéroports ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

C'est très bien de tout automatiser avec des superordinateurs, mais il faut aussi des gens compétents pour les faire fonctionner. Regrouper prélèvements fiscaux et sociaux suscite des interrogations. Il y a de moins en moins de trésoreries dans les territoires ruraux ; quelle sera, à terme, l'incidence de cette réorganisation sur le fonctionnement des collectivités territoriales ? Les trésoriers restent des interlocuteurs privilégiés des collectivités - pour le budget, les finances locales, les impôts locaux et diverses taxes - et des hôpitaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Vermeillet

Comment la nouvelle organisation participera-t-elle à la lutte contre la fraude fiscale ?

Imaginez-vous une forme de mutualisation ou de partenariat avec la Mutuelle sociale agricole (MSA) ?

Vous avez parlé des CCSF pour les défaillances d'une entreprise ; la réforme pourrait-elle conduire à des saisines automatiques ?

Le coût du recouvrement de la fiscalité locale facturé aux collectivités territoriales est beaucoup plus élevé que ce que vous avez dit - autour de 8 %, de mémoire. Une réorganisation entraînerait-elle une économie pour les collectivités territoriales ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Le Gouvernement s'est engagé à supprimer 50 000 postes de fonctionnaires d'ici à la fin du quinquennat, mais votre réforme n'y contribuera pas d'ici à 2022. Le Gouvernement vous a-t-il fixé un objectif d'économie, en nombre de postes ou en euros ?

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

L'expression de prélèvements obligatoires me gêne, il faut rappeler à quoi cela sert. On ne jette pas les produits fiscaux dans un trou, cela donne accès à l'école, aux collectivités, aux services publics, à tout ce qui fait que la société fonctionne.

Quel est l'avantage du prélèvement à la source s'il n'améliore pas le taux de recouvrement, qui est déjà excellent ?

Apple va s'acquitter de 500 millions d'euros auprès de l'État ? Est-ce un redevable défaillant ? Quel est votre point de vue sur ce sujet ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Lavarde

Avec la mise en place du prélèvement à la source, on entend dire qu'un premier système de compensation pourrait être mis en place pour les particuliers employeurs, qui paient des cotisations sociales pour leurs salariés et reçoivent un crédit d'impôt. Où en est-on ?

Debut de section - Permalien
Alexandre Gardette, administrateur général des finances publiques

Rassurez-vous, Jacques Genest, j'ai d'autres fonctions en parallèle de mon rapport ; je n'étais donc pas totalement désoeuvré avant que l'on me confie cette mission...

Michel Canévet, les petites taxes ont effectivement un coût très élevé. Au travers de la mission qui m'a été confiée, on peut proposer des simplifications. Vous avez adopté le principe de la suppression de petites taxes en loi de finances ; la perte de ces revenus fiscaux représentera un assez faible coût global, vu leur coût de recouvrement. Les petites taxes ayant un coût de gestion élevé sont donc incluses dans le champ de notre réflexion.

La DGFiP refacture un coût plus élevé aux collectivités territoriales, car elle ne traite pas que le recouvrement ; elle assure aussi le calcul de l'assiette et le contrôle ; elle facture un service global.

Je n'ai pas encore rencontré l'ASP, mais je déconseille effectivement de faire quelque chose de grand et d'immédiat, de tout fusionner, sans se demander pourquoi on le fait et quelles en sont les conséquences.

Je ne sais pas encore estimer les gains sur les coûts de recouvrement, Bernard Delcros, mais ils seront élevés si l'on supprime les taxes chères à recouvrer. Surtout, j'attends une amélioration du taux de recouvrement forcé.

Pour la question du calendrier, l'échéance de 2022 ne me semble pas raisonnable.

En ce qui concerne l'efficience et le réseau local, le directeur général des finances publiques ou le ministre de l'action et des comptes publics lui-même seraient mieux placés pour vous répondre. Je peux toutefois vous dire que Gérald Darmanin demande à la DGFiP de travailler différemment sur les fermetures de petits postes, il parle de « déconcentration de proximité » ; il ne s'agit plus de concentrer les agents dans les métropoles ou les préfectures, mais de les installer là où ils habitent, là où les collectivités territoriales ont des locaux à proposer.

Pour ce qui concerne le risque de déshumanisation, mon propos introductif était sans doute peu clair ; quand j'ai cité l'exemple d'un portail informatique, je ne voulais pas dire que celui-ci aurait vocation à remplacer le guichet, il s'agirait d'un moyen d'apporter un service unique sans procéder à la fusion. Les premiers publics concernés sont les entreprises, je vous le rappelle, qui fréquentent beaucoup moins le réseau de la DGFiP que les particuliers. La question de la proximité se pose différemment pour elles. Les exemples que vous avez donnés concernent des particuliers, qui sont en marge du sujet que l'on m'a confié, même s'ils n'en sont pas absents.

Je suis moi aussi sensible à ce qui se passe dans la rue, Alain Houpert, et j'en tiens compte dans mon rapport. La question des frais de dossier que vous évoquez m'étonne beaucoup, en revanche ; je regarderai cette question de plus près, car je n'ai jamais vu cela.

Jacques Genest a fait part plutôt d'opinions que d'interrogations. Je partage toutefois votre analyse, monsieur le sénateur, il faut bien réfléchir avant de casser quelque chose qui fonctionne, et j'y travaille. L'hypothèse de la privatisation du recouvrement sera en revanche totalement écartée dans mon rapport. L'Italie a expérimenté cette modalité, mais elle en revient car cela s'avère très cher.

Marc Laménie, je crois avoir répondu à votre question sur les trésoreries et les ordinateurs. Les produits locaux ne devront pas être recouvrés par tel ou tel réseau si un service unique est créé ; le recouvrement ne doit pas être éclaté. Quel que soit le service qui en est chargé à terme, il fera l'ensemble du recouvrement. Cela dit, les produits locaux concernent plus souvent les particuliers que les professionnels, qui sont principalement concernés par ma mission. Aujourd'hui, en matière de produits locaux, l'ordonnateur est la collectivité, et c'est elle qui autorise le comptable à engager le recouvrement forcé ; nous ne toucherons pas à cela, évidemment.

Sylvie Vermeillet, vous me demandez si l'agence pourra contribuer à la lutte contre la fraude ; je prendrai la question dans l'autre sens. Le bon recouvrement est la condition pour que le travail des vérificateurs ne soit pas perdu. Il faut que l'organisation permette de recouvrer le maximum des sommes dues par les mauvais payeurs et les fraudeurs, et le fait d'avoir une vision globale sur leur situation nous donnera plus de chances de recouvrer ce qu'ils doivent.

J'ai rencontré le directeur général de la MSA. À ce stade, je propose qu'on rapproche les systèmes informatiques, mais que l'on s'en tienne là ; je ne souhaite pas inclure la MSA dans notre réflexion d'ensemble, car elle a un modèle intégré, qui couvre tous les risques, avec un interlocuteur unique. Il me semble délicat de casser ce système intégré en en sortant le recouvrement.

Je vous le confirme, l'objectif est que les CCSF soient actifs, repèrent les entreprises en difficulté avant même que celles-ci ne s'en rendent compte et proposent un soutien.

Philippe Dallier, le Gouvernement ne m'a pas fixé d'objectifs d'économie, ni en ETP ni en euros. Mon objectif est plus général, il s'agit de se demander si une telle réorganisation peut emporter ce type de conséquences.

Pour ce qui concerne les prélèvements obligatoires, Éric Bocquet, j'ai insisté sur le fait que cela sert à financer les politiques publiques dans mon propos liminaire. Je n'ai toutefois pas compris votre question sur les incidences du prélèvement à la source.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Je pensais aux conséquences sur les effectifs et les services dans les territoires.

Debut de section - Permalien
Alexandre Gardette, administrateur général des finances publiques

Les personnes chargées du recouvrement des impôts des particuliers à la DGFiP sont très peu nombreuses ; je ne crois donc pas que ce soit la réduction des effectifs qui ait motivé la mise en place du prélèvement à la source.

Vous vous en doutez, je ne peux pas m'exprimer sur Apple, surtout si le ministère a refusé de le faire.

Christine Lavarde, le projet de fourniture d'un service intégré pour les particuliers employeurs est toujours en cours, sa mise en oeuvre est prévue pour le début de l'année 2020, selon les informations dont je dispose.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Eblé

Nous vous remercions pour vos éclairages très précieux pour les travaux de notre commission.

Le compte rendu de cette réunion sera publié ultérieurement.

La réunion est close à 12 h 35.