Nous poursuivons en 2019 le travail que notre Délégation a entamé l'an dernier pour analyser le retard de nos PME en matière numérique et chercher à y remédier.
Après un déplacement à Bruxelles et l'autre à Berlin, nous nous sommes rendus au Danemark le 14 décembre dernier. Sous la conduite de la présidente de notre délégation, quatre d'entre nous ont participé à cette journée à Copenhague : Nelly Tocqueville, Fabien Gay, Jacques Le Nay et moi-même. Nous avons eu l'occasion d'échanger avec des représentants d'entreprises, français implantés au Danemark ou bien danois, ainsi qu'avec des représentants de l'administration danoise et avec notre ambassade à Copenhague.
Nous avons choisi de nous rendre au Danemark parce que ce pays est leader européen de la transition numérique.
La Commission européenne publie chaque année un rapport qui mesure un Indice de l'Économie Numérique et de la Société, le DESI : celui publié en 2018 montre que le Danemark est le pays le plus digitalisé de l'Union Européenne (UE). Au cours de ces deux dernières années, ce pays a renforcé sa position dans tous les domaines : la connectivité, le capital humain, l'utilisation des services Internet et les services numériques publics.
Le Danemark est donc un pionnier en termes d'utilisation des technologies numériques, tant dans l'administration publique que dans les entreprises : l'intégration du numérique y est globalement acquise dans 60 % des entreprises, contre une moyenne de 40 % dans l'UE et encore moins en France.
Bien sûr, ce taux de 60 % n'est qu'une moyenne ; si l'on va plus dans le détail, on observe que l'adoption des technologies numériques augmente avec la taille des entreprises. C'est vrai au Danemark, comme dans toute l'UE d'ailleurs. D'après SMVDenmark, qui représente les intérêts de quelques 20 000 PME danoises, à peine 30 % des entreprises de moins de 20 salariés sont hautement numérisées, contre 85 % des plus grandes. Malheureusement, aucune donnée n'est disponible sur les entreprises de moins de 10 salariés.
Concernant les entreprises de l'UE et pas seulement celles du Danemark, le constat à plus grande échelle se confirme : sur tous les volets de la numérisation, les PME européennes sont à la traîne des grands groupes, qu'il s'agisse de l'intégration de logiciels CRM ou ERP, de la présence sur les réseaux sociaux, de la numérisation de la chaîne logistique ou du commerce en ligne.
Le Danemark ne compte que 5,7 millions d'habitants, ce qui le rend difficilement comparable à la France - cela représente à peu près la population des Hauts-de-France. Sa performance en matière numérique reste néanmoins remarquable. Comment expliquer cette avance ?
Elle tient d'abord à une volonté très forte : en 2011, a été établie une Agence pour la numérisation. Cette agence, placée sous la tutelle du ministère de l'industrie et des finances danois, a pour mission de transformer d'abord le secteur public danois. Son action a déjà permis d'économiser 400 millions d'euros annuels de dépenses publiques. Depuis, et dans une vision plus large, le ministère a élaboré une stratégie de croissance numérique pour la période 2018-2025, par crainte que le Danemark se fasse distancer par d'autres pays, particulièrement asiatiques. Cette stratégie, publiée en février 2018, comprend 38 initiatives qui visent six objectifs majeurs : renforcer l'attractivité du Danemark dans le secteur numérique, soutenir la transformation numérique des entreprises (y compris des PME), améliorer les compétences numériques de l'ensemble des Danois, adapter la réglementation aux nouveaux business model numériques (en la testant préalablement auprès des entreprises dans un « bac à sable réglementaire »), développer l'économie autour des données et renforcer la cyber-sécurité. La mise en oeuvre de cette stratégie mobilisera 135 millions d'euros d'ici 2025 et son objectif est notamment d'intégrer le Big data et l'intelligence artificielle dans les systèmes de production des entreprises. Le gouvernement danois y affiche sa volonté d'influer sur l'élaboration des normes actuellement développées pour les diverses technologies numériques, à commencer par les « cobots », les robots collaboratifs.
Un effort spécifique est fait à l'adresse des PME, qui sont la cible d'une initiative dédiée intitulée « SME : digital », pour les aider à « grimper à l'échelle numérique », selon la formule du Gouvernement danois. A la tête de cette initiative, se trouve un « Conseil des PME » qui dessine de nouvelles perspectives à l'adresse du ministère de l'industrie. Ce programme « SME : digital » prévoit que les PME bénéficient d'informations sur les nouvelles opportunités technologiques, d'assistance pour leur transformation numérique, de formations au numérique, d'un meilleur accès au capital risque, d'un centre national de e-commerce promouvant les produits danois à l'export et enfin, en partie grâce au Fonds européen d'investissement, d'une subvention à hauteur de 50 % (et d'au plus 13 500 euros) de leurs dépenses de transformation numérique, qu'il s'agisse de consulting, de mise en place de solutions numériques ou de e-commerce. À ce propos, nous avons pu échanger dès notre arrivée avec une jeune femme qui a monté une entreprise proposant un service d'accompagnement des PME sur Internet : il est conçu sous la forme d'un abonnement mensuel que souscrit la PME pour améliorer et tenir à jour sa présence digitale, grâce à un site internet construit en partenariat avec Orange et grâce à d'autres outils simples et peu chers, soit une centaine d'euros par mois environ.
Ce volontarisme de l'État danois produit des fruits. Nous avons pu mesurer combien le secteur public était un moteur pour la digitalisation du secteur privé, à plusieurs niveaux : d'abord, l'État pratique lui-même une dématérialisation complète. Il impose aux entreprises la facturation électronique depuis déjà 2005. De même, depuis 2011, les remboursements des indemnités maladie et maternité sont exclusivement numériques. Enfin, depuis 2013, toutes les entreprises doivent avoir une boîte aux lettres électronique, si bien que la correspondance ne s'effectue plus que par mail avec les administrations. Les entrepreneurs que nous avons rencontrés ont pu faire une comparaison intéressante entre la France et le Danemark : en France, la dématérialisation est rarement totale et il faut souvent ajouter un dossier papier au dossier numérique. Au Danemark, un mail fait foi. En outre, la signature digitale permet une identification facile, si bien que chacun a accès à l'ensemble des sites web publics contenant ses données personnelles, ainsi qu'aux transactions bancaires en ligne. Ce système est utilisé par 80 % des Danois. Enfin, un portail unique propose en ligne 1 800 formulaires pour les entreprises et reçoit 25 millions de visites par an ; 92 % des demandes obtiennent une réponse immédiate et donc il suffit de 5 minutes pour créer son entreprise : le registre du commerce est mis à jour en direct ! On croit rêver ! Selon moi, le Danemark apporte bien la preuve que la digitalisation des relations entre entreprises et gouvernement emporte la digitalisation des entreprises elles-mêmes.
De surcroît, c'est le pays dans son ensemble qui mise sur le développement du secteur numérique.
D'une part, le pays investit dans des infrastructures fiables de connectique digitale, notamment dans les câbles sous-marins en fibre-optique : une nouvelle connexion avec l'Amérique du Nord est prévue pour fin 2019. De même, son approvisionnement en électricité est assuré avec un niveau de sécurité de 99,99 % depuis 1990, selon Energinet : ces efforts, associés à un prix de l'électricité compétitif, bénéficient à l'industrie danoise du numérique et attirent les entreprises étrangères. Hitachi a ainsi choisi d'installer son European Big Data Laboratory à Copenhague en 2013. Plus récemment, Apple a lancé la construction de deux data centers et Google a acheté des terrains proches afin de pouvoir faire de même en cas de besoin. En mai 2018, le leader nordique de solutions data center « vertes », Digiplex, a racheté au groupe télécom suédois Telia son centre de données à Copenhague, avec pour ambition de construire ses propres sites au Danemark à l'avenir. Ainsi, le Danemark se positionne comme le nouveau hub nordique du Big data.
D'autre part, l'État met un nombre croissant de données à disposition des entreprises, convaincu qu'il s'agit d'un moteur de croissance pour la société. Cette politique d'open data ouvre la voie à des innovations privées à fort potentiel, par exemple en matière d'objets connectés, de systèmes de trafic intelligents ou de smart city. L'industrie danoise du numérique est de fait en plein développement : les 350 entreprises du cluster Dansk Industri Digital représentent plus de 90 000 emplois et un chiffre d'affaires de plus de 32 Mds d'euros.
À bien des égards, l'expansion de l'industrie danoise du numérique agit comme un catalyseur de la transformation des entreprises plus traditionnelles. Le numérique y est considéré comme un levier pour relancer la croissance de la productivité de l'industrie, et plus largement de l'économie danoise. J'indique au passage que l'industrie au Danemark contribue à plus de 23 % du PIB, contre un peu plus de 10 % en France, et performe dans de nombreux secteurs : agroalimentaire, sciences de la vie, transport maritime, énergie verte... Évoluant dans ce dernier secteur justement, l'entreprise danoise Vestas, qui est numéro un mondial de l'éolien, a par exemple conclu un partenariat avec Cadpeople pour former ses employés via des simulateurs d'éoliennes sur 7 500 écrans géants tactiles. Le personnel de Vestas étant réparti à plusieurs endroits de la planète, cette solution permet d'économiser beaucoup de déplacements, d'énergie et de dépenses.
Les autorités publiques danoises ne craignent pas de s'appuyer sur les GAFA pour accélérer la transition numérique des PME : ainsi, nous avons été reçus à la mairie de Copenhague qui déploie de nombreuses actions pour accompagner vers le numérique les 35 000 entreprises implantées sur son territoire. La municipalité déplore notamment que, si une vaste majorité de ces PME ont un site internet, seul un quart d'entre elles vend directement en ligne par le biais de ce site. La ville collabore donc avec Ivaekst, un centre de conseil gratuit pour les entreprises lancé par l'autorité commerciale danoise ; ce centre est désormais géré par un cercle de partenaires privés qui financent entièrement son fonctionnement depuis 2005 et il propose des cours, des ateliers, des séminaires et des événements de réseautage. La municipalité a aussi noué un partenariat avec Google, comme d'ailleurs de nombreuses autres municipalités danoises : depuis 2012, le programme « Success on Line » déployé par Google permet de former gratuitement au numérique des PME (22 000 à ce jour), des étudiants ou des chômeurs. Plus récemment, un programme spécifique a été monté qui s'adresse aux diplômés qui sont sans emploi : Google finance trois semaines de formation au numérique pour ces jeunes diplômés au chômage, que repère la mairie ; à l'issue, la municipalité les met en relation avec les PME qui ont besoin de compétences numériques. La mairie de Copenhague facilite ainsi leur recrutement au sein d'une PME comme coordinateur numérique : la ville de Copenhague met en avant le succès de ce programme puisque 82 % de ceux qui sont formés sont ensuite recrutés. Elle insiste sur le double bénéfice de l'opération, qui favorise l'accès des jeunes chômeurs à l'emploi et qui facilite la numérisation des PME ; elle reste toutefois très évasive sur l'intérêt que Google peut trouver dans ce partenariat et sur le lien de dépendance ainsi créé entre cette firme américaine et l'autorité municipale. Les représentants de Google, pour leur part, défendent leur parfaite neutralité lors de leurs interventions de formation... Ils ont évoqué au passage les ateliers numériques que Google organise aussi en France : il s'agit d'ateliers numériques lancés depuis 2012 à travers la France pour former des PME, des étudiants et des chômeurs. 250 000 personnes ont déjà profité de ces formations, en ligne ou en présentiel. Plus récemment, Google a annoncé la création en France de quatre hubs permanents qui proposeront des formations au numérique six jours par semaine : le premier a ouvert à Rennes en juin 2018 et a déjà formé 8 000 personnes ; trois autres hubs vont suivre à Saint-Etienne, Nancy et Montpellier. En France aussi, Google monte ces actions en partenariat avec les autorités locales et d'autres acteurs privés ou publics, comme par exemple les CCI ou les universités. Et Google France met en avant que, grâce à ces formations, 35 % des PME enregistrent une hausse de leur résultat.
Le volontarisme des autorités publiques danoises pour accélérer la numérisation des entreprises s'appuie non seulement sur la très large couverture du territoire en haut débit fixe et mobile (à hauteur de 90 %) mais aussi sur l'ouverture des citoyens aux technologies. Sur ce dernier point, l'un des entrepreneurs que nous avons rencontrés le soir de notre arrivée, un danois francophone, a souligné que cette ouverture prenait sans doute racine dans le système d'éducation danois : dès l'école, l'apprentissage se fait sur un mode interactif et le travail est souvent collectif. Apprendre en progressant, dans le dialogue et sans la crainte du jugement, nourrit une liberté et une agilité qui sont les principes même du développement technologique. Cette culture danoise bien ancrée est donc très propice à l'intégration du numérique. En outre, une attention spécifique est portée à l'éducation au numérique à l'école, où les « compétences numériques » constituent une nouvelle matière, pour apprendre à créer grâce aux nouvelles technologies et dans le respect de l'éthique en matière de données.
Si l'État danois est donc particulièrement engagé sur tous les volets de la digitalisation, le défi est également bien identifié du côté des entreprises.
Quand nous avons rencontré Dansk Industri, organisation privée gérée par 10 000 entreprises du secteur de l'industrie, du commerce ou des services, nous avons pu apprécier la priorité que cette organisation donne à l'enjeu du numérique : le président de Dansk Industri affiche ainsi sa volonté de faire du Danemark un « phare numérique » car il identifie le numérique comme un paramètre compétitif décisif pour les entreprises. Selon lui, ceux qui ne le saisissent pas seront rapidement distancés. Notre interlocuteur a fait valoir que, selon un rapport de Mc Kinsey sur les pays du G8, pour chaque emploi perdu à cause d'internet, ce sont 2,6 emplois nouveaux qui sont créés, mais pas nécessairement dans le même secteur ni le même pays. Il a donc insisté sur la nécessité de bien appréhender les changements à l'oeuvre pour ne pas les subir : d'abord, la victoire du logiciel sur les équipements ; ensuite, la mort des intermédiaires ; la cobotisation enfin, qui amène l'homme à collaborer avec les robots ou l'intelligence artificielle dans tous les métiers, non plus pour accélérer les processus de production mais pour produire des produits intelligents. D'où la nécessité de se focaliser sur le développement des nouvelles compétences utiles à l'ère numérique : la créativité, la pensée critique, la communication, la collaboration. De nouveaux métiers vont apparaître dont nous n'avons pas encore notion aujourd'hui. D'autres reviennent que l'on croyait oubliés, comme celui de livreur.
Enfin, Dansk Industri a soulevé les grands défis que le numérique demande d'adresser : le premier est celui de la cyber-sécurité, sujet sur lequel notre pays s'est positionné en fer de lance. Lors du Forum pour la gouvernance de l'Internet le 12 novembre 2018, a été lancé l'appel de Paris pour la confiance et la sécurité dans le cyberespace. Cet appel a déjà reçu le soutien de nombreux États et entreprises et de la société civile. Les pouvoirs publics danois, quant à eux, consacrent à la cyber-sécurité un site internet dédié, sur lequel chaque entreprise, comme d'ailleurs chaque citoyen, peut faire un test pour mesurer son niveau de risque informatique et obtenir en retour des recommandations pour améliorer sa sécurité.
Seconde question cruciale : comment faire évoluer la fiscalité ?
Cette question fiscale, nous le savons, constitue une pomme de discorde sensible entre nos deux pays. La France plaide depuis longtemps, au sein de l'Union européenne, pour une taxation européenne du numérique, que refuse notamment le Danemark, en raison de ses liens étroits avec les GAFA. C'est d'ailleurs un sujet sur lequel l'autorité commerciale danoise, bras armé du ministère de l'économie danois sur les questions numériques, est restée muette lors de notre entretien.
Il est frappant au Danemark de voir combien le numérique transforme l'État, l'économie mais aussi la société. D'ailleurs, le gouvernement danois a nommé un « Conseil de la disruption », présidé par le Premier ministre et composé des ministres les plus concernés, de partenaires sociaux, d'entrepreneurs et d'intellectuels : ce conseil tient des séminaires réguliers sur plusieurs jours et a pour mandat de comprendre les implications de la transformation numérique combinée à la mondialisation et à la protection des données. Il lui revient d'anticiper et de proposer des pistes d'avenir, dans l'esprit « d'embrasser les progrès technologiques et les solutions numériques nouvelles » au Danemark.
Assurément, l'exemple du Danemark est inspirant. Il n'est évidemment pas transposable en France, d'abord car l'échelle n'est pas comparable : le Danemark compte seulement 460 entreprises de plus de 250 salariés. Mais cela tient aussi à des raisons culturelles : les Danois n'ont visiblement pas peur du changement et les syndicats, notamment, sont positifs à l'égard du numérique car ils y voient le moyen de garder des emplois au Danemark. Ainsi, nous a-t-on rapporté, les syndicats danois disent avoir peur des anciennes technologies, pas des nouvelles !
En tout cas, il me semble que nous pouvons retenir deux points décisifs de notre déplacement au Danemark :
1. la numérisation des relations entre les autorités publiques et les entreprises est visiblement un moteur puissant de numérisation des entreprises ;
2. l'intégration du numérique dans les PME est corrélée à l'intégration du numérique dans l'ensemble de la société et cette agilité à intégrer le numérique doit s'acquérir dès le plus jeune âge, d'où l'importance du volet éducatif pour accélérer la transition numérique de nos PME.
Je vous remercie.
Je remercie Madame Gruny pour ce compte rendu. Certes les solutions danoises sont difficiles à transposer en France, le Danemark ayant dix fois moins d'habitants que la France. Malgré cela, on peut quand même comparer le tissu économique des PME des deux pays, puisqu'il y a très peu de grandes entreprises au Danemark. Certains exemples sont tout à fait inspirants, notamment quant à l'intégration complète du numérique dans la société. Ainsi, chaque citoyen à l'obligation d'avoir une adresse internet, car tout se fait par internet. C'est surprenant pour nous Français. Je pense que cela finira par arriver aussi en France d'une façon naturelle, mais on voit bien aujourd'hui les résistances qui surgissent régulièrement dans nos discussions en séance : il faut toujours considérer qu'il y a des personnes qui n'ont pas accès au numérique et qui n'y auront pas accès avant des années. Nous aurions sûrement besoin d'aller plus vite en ce domaine.
Merci à Madame Gruny pour le compte-rendu de ce déplacement qui fut très intéressant. Notons que le taux de couverture numérique danois est de 100 %, ce qui facilite les choses. L'enseignement au numérique est un point essentiel, et l'éthique des donnes en est un volet central dont l'acquisition par les élèves est primordiale. En ce qui concerne les PME, j'ai été assez impressionnée par l'avance danoise mais, comme nous avons pu le constater au cours de nos échanges à la Mairie de Copenhague, de nombreuses TPE n'utilisent pas encore assez les outils du numérique et font face à des problèmes de financement. En outre, la question de la cyber-sécurité n'est pas assez appréhendée par les PME qui manquent de vigilance et chez qui, pour la plupart, la protection est inexistante. Enfin, le secteur du BTP échoue à sensibiliser ses PME au numérique mais peut-être cela tient-il à la nature de ce secteur d'activité. En tout état de cause, j'ai été impressionnée par le travail de formation des étudiants et des chômeurs, modèle dont on pourrait s'inspirer. Je tiens à vous remercier pour l'organisation de ce déplacement.
Au sujet de l'accompagnement de la transformation numérique menée par la Mairie de Copenhague, notons tout de même que Google en est le principal acteur.
J'ai également participé au déplacement, dont le compte rendu a été très détaillé. La comparaison n'est pas évidente : le Danemark est un plus petit pays avec une couverture numérique quasiment totale, et la France, apparaît, de ce point de vue, en retard. Néanmoins, le Danemark souffre d'un manque de main d'oeuvre. Par ailleurs, le système d'éducation très libéral m'a surpris : les jeunes baignent déjà dans un esprit entrepreneurial. La forte présence d'éolienne en mer a été aussi frappante, ce qui contraste avec le retard de la France dans ce domaine. Cela dit, je crains que le Brexit soit pour le Danemark un handicap, le pays étant très lié à l'économie anglaise. Le déplacement était en tout cas très intéressant et les échanges fructueux.
Je vous remercie pour cet exposé très complet. Nous avons pu remarquer que le Danemark se numérise à marche forcée, au point que chaque Danois doit avoir son adresse mail, montrant au passage que chaque Danois sait lire et écrire, ce qui n'est pas le cas en France où nous comptons chaque année 150 000 « décrocheurs » de l'Éducation nationale. Autre point étonnant, vous avez parlé de la cyber-sécurité, sujet qui ne semble pas être la préoccupation première de l'État danois, ce qui selon moi constitue une faute grave. Actuellement, nous comptons en Europe seulement quatre pays dotés d'un système de cyber-sécurité solide : la France, l'Angleterre, l'Allemagne et l'Estonie. L'Estonie s'était lancée très tôt dans la numérisation et a créé une carte d'identité numérique, regroupant aussi les informations médicales des cartes vitales. Ces données ont été piratées, si bien que l'Estonie a décidé la mise en place d'une instance de sécurité informatique comme l'Agence Nationale de la Sécurité des Systèmes d'Information (ANSSI) en France. Je constate que l'État danois s'est contenté de créer un site internet pour informer les citoyens sur leur cyber-protection. Cela me paraît.
J'ai eu l'occasion de me rendre au Danemark avec le Président de la République à la fin du mois d'août, ce qui m'a permis d'apprécier un décalage en termes de vision sur l'Europe, le Danemark étant un des pays ne faisant pas partie de la zone euro. Le Danemark est le pays le plus digitalisé d'Europe mais aussi le plus vulnérable aux cyberattaques. Au début de l'année 2017, le Ministère de la Défense danois avait révélé une attaque, menée par des hackers russes liés au Kremlin, sur sa messagerie de 2015 à 2016. Un plan prévu jusqu'en 2025 a été lancé depuis pour renforcer la sécurité dans les entreprises avec une allocation de 740 millions d'euros. Je mène actuellement des auditions dans le cadre du piratage d'un site de notre Ministère des Affaires étrangères en décembre dernier. La DGSI, l'ANSSI ou encore le Procureur de la République y participent, ce qui nous permet de constater que nous présentons encore d'énormes fragilités dans ce domaine, ce que j'ai souligné lors de l'examen du PLF : tous les ministères n'ont pas le même niveau d'investissement en sécurité. Pour ma part, je préconise aux entreprises d'allouer 5 % de leur budget informatique dans la cyber-sécurité. Ayant été « hacké » dans les années 1990 lors du lancement de mon site internet, je ne peux que recommander une attention particulière à ce sujet. Les attaques n'ont plus pour but de tirer un bénéfice des données mais plutôt d'attaquer les démocraties en affaiblissant la confiance envers leurs dirigeants. Pour l'anecdote, pendant l'examen du projet de loi PACTE, certains commissaires aux comptes ont demandé de pouvoir apporter une certification « cyber » à leurs clients. Le site internet danois d'auto-évaluation des entreprises quant à leur cyber-sécurité m'intéresse tout de même : la France n'en est pas dotée et Israël, où je me suis rendu, non plus. Néanmoins, vous avez raison, M. Danesi, la question de la cyber-sécurité n'est pas assez prise en compte alors qu'elle est prioritaire pour les entreprises.
Les risques en matière de cyber-sécurité sont le revers de la médaille de cette numérisation. Le sujet est primordial.
À propos du site web consacré à mesurer ce risque, qui nous a été présenté, il concerne également les particuliers qui peuvent évaluer leurs risques en ce domaine. C'est effectivement une véritable inquiétude, la menace pèse et nous n'avons pas toujours les moyens de nous protéger à 100 %. En ce qui concerne le manque de main d'oeuvre, la France est, elle aussi, vulnérable. Remplacer un informaticien, par exemple est souvent compliqué et coûteux pour une entreprise. Pour revenir sur l'avance danoise en termes de transition numérique, des commerces danois de centre-ville commencent à exister uniquement sous la forme de show-rooms : certaines enseignes utilisent ainsi leur boutique uniquement pour exposer, la vente s'effectuant sur internet.
Le temps nous dira si cette forme de commerce représente un exemple à suivre. Il est vrai que la culture des pays du nord de l'Europe n'est pas tout à fait la même que la nôtre... Je précise que le rapport de Pascale Gruny sur la transformation numérique des PME nous sera présenté au printemps, après la série d'auditions prévue.
J'en profite pour faire un point sur le calendrier de la Délégation. Nous ferons un déplacement, à l'invitation de Jackie Pierre, dans les Vosges, les 14 et 15 février. Nous partirons le 14 au soir, après la séance de Questions d'Actualité au Gouvernement.
Je tenais à vous tenir informés du programme de la journée des entreprises qui se déroulera le 28 mars. Nous voudrions organiser la matinée autour d'un retour sur les immersions de sénateurs en entreprise. Une douzaine de sénateurs ont ainsi effectué une immersion en 2017 et 2018, et cette table ronde pourrait mettre en valeur les retours croisés d'expérience des sénateurs participants, mais aussi des entrepreneurs qui les ont reçus. Un court documentaire-vidéo, réalisé par le service de la communication, sur l'immersion de notre collègue François Bonhomme, sera projeté à cette occasion.
Nous accueillerons donc les PDG et Directeurs Généraux des entreprises ayant accueilli nos sénateurs : le PDG de Cilas, où s'est rendu Ronan Le Gleut ; le directeur général d'Armor chez qui Annick Billon a pu faire son immersion ; le directeur de Léo Lagrange chez qui Vivette Lopez a fait son immersion et enfin le Directeur Général d'EarlyMetrics, start-up spécialisée dans la notation de start-ups, immersion fort intéressante que nous a racontée Anne-Catherine Loisier ; Patricia Morhet-Richaud et Patricia Schillinger feront aussi un retour sur leur expérience en entreprise. D'autres témoignages pourraient encore s'ajouter. Cela permettra de montrer davantage les liens entre les entreprises françaises et le Sénat. Des échanges avec le public sont évidemment prévus.
Ensuite, nous avons prévu d'illustrer les fruits de nos échanges de terrain avec les entreprises par l'exemple des surtranspositions, dont nous avons été saisis par les entreprises et contre lequel nous avons pu agir sur le plan législatif. Nous espérons pouvoir mobiliser les entreprises qui nous ont interpellés à ce sujet, lors de nos déplacements notamment. Pourront répondre, d'une part René Danesi, auteur du rapport La surtransposition du droit européen en droit français : un frein pour la compétitivité des entreprises, et d'autre part Olivier Cadic, rapporteur du projet de loi portant suppression de surtranspositions de directives européennes en droit français, qui attend d'être inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée Nationale.
Le sujet des surtranspositions est délicat, et lors de l'examen du projet de loi en question, il a souvent été difficile de convaincre nos collègues de voter leur suppression. Le cas de figure s'est à nouveau présenté lors de l'examen du projet de loi (PJL) PACTE lors duquel le Sénat est en définitive revenu sur une surtransposition dont nous nous étions débarrassés dans le cadre du projet de loi précédent, concernant la confidentialité des comptes des petites entreprises...Les résistances sont donc également bien ancrées chez nous, et je ne suis pas certain qu'il soit aisé de défendre notre bilan devant des entrepreneurs.
L'idée de départ de cette table ronde était de revenir sur un exemple venant du terrain et qui finit par aboutir sur le plan législatif, et ainsi répondre aux attentes des entreprises en la matière. Cela dit, je suis d'accord avec Olivier Cadic. Pendant l'examen des projets de loi, beaucoup d'amendements sont en réalité des surtranspositions. Cela part évidemment d'une bonne intention, mais en définitive, on surtranspose : il nous faut en vérité revoir notre culture législative.
Si l'on veut traiter ce sujet face aux entrepreneurs, il nous faudra être subtils et pédagogues, leur expliquer que le problème est général et que nous essayons de le résorber. À ce sujet, le rapport de René Danesi représente un travail extraordinaire, puisqu'il pointe un certain nombre de ces surtranspositions. Pourtant, à l'heure de leur suppression, de nombreuses résistances se font entendre, qui nous font perdre beaucoup de temps.
Pour illustrer ces résistances, il est intéressant de remarquer que le gouvernement n'a toujours pas mis son projet de loi de suppression des surtranspositions, pourtant modeste, à l'ordre du jour de l'Assemblée Nationale. Et les vingt-sept surtranspositions dont il était question n'étaient pourtant pas particulièrement clivantes ou existentielles pour notre pays : elles auraient dû passer comme une lettre à la poste.
Un autre sujet que nous pourrions aborder à la Journée des entreprises est le bilan de notre rapport de l'an dernier Pour une France libre d'entreprendre, que nous avions présenté aux entrepreneurs lors de l'édition 2018 et qui avait beaucoup plu. Nous pourrions revenir sur les propositions de ce rapport et voir celles qui ont été reprises, ou non, notamment dans le PJL PACTE.
Nous avons tout de même retenu l'exemple des surtranspositions car c'est un des sujets qui revient le plus régulièrement dans nos échanges avec les entreprises.
Pour poursuivre sur le déroulé de la Journée, nous aurons au déjeuner, dans le même esprit que l'année dernière, la présence des jeunes médaillés des finales européennes des Olympiades des métiers (EuroSkills), organisées à Budapest en septembre 2018. Cela permettra de plus, d'appuyer la candidature de la France pour l'organisation des finales mondiales en 2023.
L'après-midi, nous aborderons la question du bien être en entreprise qui est un sujet dont on parle beaucoup et qui donnerait lieu à deux tables rondes :
- La première s'intitulerait « Bien être en entreprise, pourquoi est-ce un enjeu ? » et nous permettrait de faire intervenir notamment des universitaires et des auteurs, pour définir les termes du sujet dans sa globalité, au-delà de l'aspect santé ;
- Lors de la table ronde suivante interviendraient des entreprises exemplaires en ce domaine, cette table ronde pourrait s'intituler « Bien être en entreprise : quelles voies d'amélioration ? ».
Ce sont là les grandes lignes des tables rondes de l'après-midi, si vous avez des propositions d'intervenants à nous faire, n'hésitez pas à les communiquer.
Le sujet est réellement dans l'air puisque d'une part, la commission des Affaires sociales a récemment mis en place un groupe de travail sur le sujet de la santé au travail, et d'autre part, le hasard faisant bien les choses, une exposition sur les grilles du Jardin du Luxembourg, intitulé « Être(s) au travail », aura lieu au même moment. Cela nous permettra, l'après-midi, de projeter une vidéo sur l'exposition comme entrée en matière au sujet.
Nous avons, comme les années précédentes, contacté tous les sénateurs pour qu'ils nous transmettent les contacts d'entreprises qu'ils souhaiteraient voir invitées à la Journée.
Pour ce qui est de notre prochaine réunion, elle aura lieu le 7 mars prochain, et notre prochain déplacement aura lieu dans le Val d'Oise, le 14 mars. Je vous remercie.
La réunion est close à 10 h 10.