Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable

Réunion du 22 mai 2019 à 9h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Nous vous accueillons, monsieur le président, dans le cadre d'une audition, prévue par l'alinéa 5 de l'article 13 de la Constitution, préalable à votre reconduction aux fonctions de président-directeur général d'Aéroport de Paris (ADP), sur laquelle nous devons nous prononcer. Nous procéderons au dépouillement des votes aux alentours de 13 heures, en même temps que le dépouillement qui aura lieu à l'Assemblée nationale, et votre reconduction ne pourrait pas avoir lieu si le total des votes négatifs ou défavorables était supérieur ou égal aux trois cinquièmes des suffrages exprimés.

Nous vous avons déjà auditionné à plusieurs reprises. Ancien élève de l'ENA, vous avez fait une grande partie de votre carrière à la direction du Budget. Vous avez aussi exercé des fonctions dans les cabinets ministériels, notamment auprès du Premier ministre Jean-Pierre Raffarin. Vous avez été de 2007 à 2012 directeur général de la Caisse des dépôts, avant d'être nommé en 2012 président-directeur général d'ADP. Vous avez été renouvelé à ce poste en 2014, et le Gouvernement propose votre reconduction.

L'entreprise ADP gère les trois aéroports parisiens que sont Charles-de-Gaulle, Orly et Le Bourget, et sa filiale, ADP international, une vingtaine d'aéroports dans le monde. Au total, vous gérez 280 millions de passagers par an, dont 105 millions dans les seuls aéroports parisiens. Le chiffre d'affaires d'ADP atteint 4,5 milliards d'euros et son résultat net, qui a doublé en cinq ans, s'élève à 610 millions d'euros. En revanche, le classement des aéroports mondiaux publié récemment laisse apparaître que, sur 142 aéroports recensés, Charles-de-Gaulle n'est que 98e et Orly, 101e. Pourquoi ces résultats peu flatteurs ?

Nous vous entendrons aussi sur l'actualité de l'entreprise, très riche, puisque le Parlement a voté récemment la privatisation d'ADP et que, peu après, le Conseil constitutionnel a validé une proposition, déposée par 248 parlementaires, visant à donner le caractère de service public national aux aéroports de Paris. Cette proposition sera soumise à un référendum d'initiative partagée, si dans le délai de neuf mois qui s'est ouvert, au moins 4,7 millions de Français en font la demande. S'ouvre en attendant une période de gel et d'incertitude, qui retarde la mise en oeuvre de la loi votée par le Parlement - ce qui, j'imagine, n'est pas sans conséquences sur l'entreprise. Nous vous poserons sans doute aussi des questions sur le Charles-de-Gaulle Express (CDG Express), le quatrième terminal de Roissy ou sur les projets d'investissement que vous envisagez, notamment dans le prochain contrat de régulation économique.

Debut de section - Permalien
Augustin de Romanet, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de président-directeur général d'Aéroports de Paris

Je suis ravi de me retrouver parmi vous pour vous exposer les perspectives de l'entreprise. Je parlerai d'abord des enjeux du transport aérien dans le monde et de ce que nous avons fait à ADP depuis quelques années. J'évoquerai ensuite nos projets et, enfin, je vous dirai quelques mots sur la privatisation.

Une entreprise n'appartient pas uniquement à ses actionnaires, mais aussi à ses salariés, à ses clients et aux territoires sur lesquels elle a une empreinte.

En quelques générations, le volume du transport aérien aura été multiplié par 80. En 1960, il y avait 100 millions de passagers dans le monde. En 2040, il y en aura plus de 8 milliards. On sera passé, en un peu moins d'un siècle, d'un métier qui n'existait pas à un métier de masse.

Ce métier est composé de cinq activités : nous sommes des gestionnaires d'infrastructures - nous construisons des pistes et des terminaux. Nous assurons la sûreté et la sécurité. Le troisième métier est le commerce de détail : nous aurons, à terme, 80 000 mètres carrés de commerce, bars et restaurants entre Charles-de-Gaulle et Orly, soit davantage que les galeries Lafayette. Nous sommes un métier d'hospitalité : un aéroport, c'est un hôtel où les gens ne dorment pas. Nous avons enfin une activité immobilière, avec plusieurs centaines d'hectares à aménager et équiper en bureaux, stations logistiques, etc.

Pour accueillir des clients en nombre toujours croissant, nous sommes en permanence en travaux. Lorsqu'on a inauguré Orly en 1961, le patron de TWA disait qu'en quinze ans dans le métier, il n'avait jamais vu un aéroport qui n'était pas en travaux. De fait, entre 2013 et aujourd'hui, nous avons accueilli à Paris, en nombre de passagers supplémentaires, l'équivalent de deux fois l'aéroport de Marseille : c'est comme si, en six ans, nous avions construit deux aéroports de Marseille ! En 2012, nous avions 88 millions de passagers à Paris. Cette année nous en aurons probablement plus de 107 millions - nous en avons accueilli 105,3 millions l'an dernier.

Le métier de l'aéroport est de vérifier en permanence qu'il accueille les passagers dans des conditions acceptables, dans des salles d'embarquement dignes de ce nom, dans des avions qui soient le plus possible au contact - sujet qui préoccupe le Sénat, parce que beaucoup de lignes sous obligations de service public (OSP) sont malheureusement trop souvent au large. Il faut que, pendant les travaux, la vente continue. Nous nous sommes donc efforcés d'optimiser les terminaux, dans une logique one roof : nous fusionnons les terminaux qui, à Charles-de-Gaulle, sont très éclatés. Mon prédécesseur avait fusionné le A et le C. Nous avons poursuivi la fusion du B et du D, et nous fusionnons des satellites du terminal 1, qui étaient à l'origine destinés à accueillir le Concorde, c'est-à-dire une centaine de passagers par avion.

Le rôle d'un aéroport est aussi d'être au service de la connectivité, demandée par les clients. Paris est une ville attractive parce qu'elle dispose de la première connectivité d'Europe avec 331 villes et 117 pays desservis. Nous avons notamment la fierté d'être la ville européenne la mieux reliée à la Chine, avec quatorze destinations dans ce pays. Or nous n'avons pas encore vu le vrai développement du tourisme des Chinois. Sur 1,4 milliard de Chinois, il y a environ 100 millions de touristes chaque année et on nous dit qu'il pourrait y avoir 50 millions de visas supplémentaires décidés par la Chine à partir de l'an prochain. Nous avons mis du chinois partout dans la signalétique et nous nous apprêtons à accueillir ces touristes qui sont désireux de connaître d'autres pays.

La qualité de service est notre préoccupation au quotidien. Le classement que vous évoquez est principalement pondéré par les retards des avions. Il est donc absolument inégalitaire, puisqu'entre l'aéroport de Viracopos, au Brésil, ou l'aéroport de Tenerife, qui voient passer quatre avions par jour, et l'aéroport d'Heathrow, il n'y a pas de vraie comparaison possible ! Le dernier aéroport du classement, celui de Lisbonne, n'est pas géré par ADP mais par Vinci. Pourtant, il a fait des progrès considérables en termes de qualité de service. Ce classement est donc tout aussi injuste pour Lisbonne que pour les aéroports d'ADP.

Pour développer la qualité, nos équipes font des efforts considérables - même si l'expression « qualité de service » n'est apparue dans l'histoire d'ADP qu'en 2010 ! Ce sont mon prédécesseur et son directeur général qui l'ont introduite dans les plans stratégiques, avec la surveillance de la maintenance des escalators, la vigilance sur la qualité des salles d'embarquement... Ces préoccupations sont arrivées tard dans l'histoire du groupe, qui a été créé en 1946. Nous essayons de rattraper le retard, avec de bons résultats puisque nous avons gagné 65 places dans le classement Skytrax à Charles-de-Gaulle.

Mais on peut faire dire ce qu'on veut aux classements... Je pourrais vous dire, par exemple, que Charles-de-Gaulle est le quatrième meilleur aéroport d'Europe occidentale. Pour autant, il y a toujours jusqu'à 30 minutes d'embouteillages à l'arrivée du 2 E le matin, la police aux frontières est trop souvent absente des aubettes, ce qui génère 25 minutes d'attente pour faire contrôler son passeport, les bagages sont parfois livrés en retard... Dans tous ces domaines, nous prenons le sujet à bras le corps et j'aurai l'occasion de vous expliquer, en réponse aux questions, les actions concrètes que nous menons au quotidien pour essayer de les régler. Le 11 juin, nous allons déployer de nouveaux uniformes plus élégants pour l'ensemble des collaborateurs d'ADP. Avec le dispositif « Bienvenue à Paris », nous mettons en place une nouvelle organisation, avec beaucoup plus de personnes en mobilité dans les linéaires, afin d'accueillir les passagers comme s'ils arrivaient dans un grand hôtel, en les aidant à trouver leur chemin.

Nous avons également à satisfaire les actionnaires. Que nous demandent-ils ? De la rentabilité, de la responsabilité, de la prévisibilité. La rentabilité, je crois que nous l'avons donnée : le total shareholder return (TSR) pour un actionnaire qui aurait investi en novembre 2012 ou janvier 2013 atteint, sur la période, 22,5 % par an. Avec la baisse du cours subséquente aux décisions récentes, ce TSR est ramené à 19 %. Bref, pour les actionnaires, nous avons rempli le contrat. Ils veulent aussi une entreprise socialement responsable. À cet égard, nous avons énormément progressé dans les notations et les classements et dans l'action quotidienne. Ils souhaitent enfin de la prévisibilité, c'est-à-dire des dividendes réguliers et pas trop volatiles. Notre bénéfice ayant doublé depuis cinq ans, le dividende a continûment progressé puisque nous avons pour règle de distribuer systématiquement 60 % de nos résultats, soit un peu plus de 300 millions d'euros - dont la moitié revient à l'État - pour un résultat de 610 millions d'euros.

Notre objectif a été de permettre à chaque salarié d'ADP de se développer dans son travail : une entreprise ne fonctionne pas bien si ses salariés ne sont pas au clair sur ses buts, s'ils ne sont pas épanouis et s'ils n'ont pas la certitude qu'ils auront un avenir professionnel. Nous portons donc beaucoup d'attention à la formation professionnelle et à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et nous avons un dialogue social nourri, avec des accords sur l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes ou sur la diversité - et nous sommes très fiers d'avoir un taux de recrutement de handicapés de 7 %, très au-dessus des contraintes fixées par la loi. Nous allons multiplier par deux le nombre d'apprentis et le nombre de travailleurs en alternance. Enfin, nous avons déménagé notre siège social à Charles-de-Gaulle, ce qui a eu pour avantage de nous rapprocher de nos clients et pour inconvénient de créer des conditions de transport un peu plus délicates pour nos salariés, que nous avons accompagnés du mieux que nous pouvions.

La quatrième partie prenante à laquelle nous portons attention, ce sont les territoires. Notre objectif est que les nuisances créées par les aéroports soient plus que compensés par les externalités positives liées notamment aux emplois qu'ils créent. Nous nous battons pour l'accessibilité par les transports publics : la ligne 14 à Orly, la ligne 18 entre Orly et Saclay et la ligne 17, dont nous nous sommes efforcés de vérifier qu'elle n'arriverait pas trop tard, et qui devra desservir le futur terminal 4 de Charles-de-Gaulle. Nous militons aussi pour la liaison directe CDG Express.

Chaque million de passagers supplémentaires génère environ mille emplois directs et 4 000 emplois indirects. Or chaque année, le croît naturel exigé par la hausse du transport aérien amène à Paris environ 3 millions de passagers supplémentaires, c'est-à-dire une création d'entre 10 000 et 15 000 emplois. Certes, cette croissance du transport n'est probablement pas soutenable sur un siècle : les arbres ne montent pas jusqu'au ciel. Un jour, nous verrons cette croissance se ralentir.

Mais pour l'instant, un Indien voyage en moyenne 28 fois moins qu'un Américain. Dès lors que les personnes des pays émergents accèdent au statut de classe moyenne, elles veulent voyager, et à des prix qui défient toute concurrence puisque, pour aller d'un pays à l'autre en Asie, cela coûte environ 35 dollars. Nous allons devoir faire face à cette hausse du transport aérien et nous nous efforçons de le faire dans des conditions environnementales raisonnables : nous pénalisons les avions qui font du bruit et essayons, dans la nouvelle structure tarifaire du contrat de régulation économique, de favoriser ceux qui polluent moins.

Nous nous sommes exprimés publiquement il y a deux mois pour dire que nous n'étions plus très amis des avions qui polluaient beaucoup et qui faisaient beaucoup de bruit à Orly, notamment le 747. Résultat : lorsque j'ai reçu il y a quelques jours les actionnaires allemands la compagnie Corsair, ils m'ont promis qu'ils allaient progressivement faire disparaître les 747 d'Orly.

L'indice global moyen pondéré de bruit, qui est notre indicateur de mesure à Charles-de-Gaulle, est passé de de 93 en 2007 à 67 aujourd'hui grâce à l'amélioration de la qualité des avions. Le groupe ADP a aussi une action importante en matière d'insonorisation puisque nous gérons le dispositif de la taxe sur les nuisances et finançons l'isolation de tous les bureaux et de toutes les maisons aux alentours.

Plus généralement, l'attention que nous portons aux territoires nous a conduits à organiser volontairement une concertation, entre le 12 février et le 12 mai, sur l'extension de la capacité d'accueil de Charles-de-Gaulle. Sans créer aucune nouvelle piste, nous devons, pour que les avions soient au contact et que les passagers soient accueillis dans des conditions raisonnables, construire de nouvelles installations terminales. La concertation a concerné 488 communes. Nous avons distribué 200 000 dépliants, fait 10 réunions publiques, 13 ateliers, et nous avons reçu 110 000 contributions formalisées.

Nos projets visent à réaliser le triangle magique qui consiste à donner satisfaction à nos clients, avec des capacités supplémentaires en terminaux, à attirer un maximum de compagnies aériennes en leur proposant les tarifs les moins élevés possible et à continuer à assurer l'épanouissement de nos salariés, puisque c'est de leur équilibre personnel individuel que viendra la performance collective.

Dans notre contrat de régulation économique, nous avons essayé de minimiser les investissements, puisque ceux-ci sont payés par nos clients. Néanmoins, l'achèvement de la logique one roof nous oblige à prévoir un terminal supplémentaire, tout en étant respectueux des clients qui ne supportent plus les embouteillages. En quelque sorte, Charles-de-Gaulle est, comme le Mont-Saint-Michel, une île magnifique desservie par deux digues : l'autoroute A1 et le RER B. Il suffit que ces digues soient cassées pour qu'on ne puisse plus y accéder. Et on peut avoir un passager japonais qui arrive à 6 heures du matin à Charles-de-Gaulle pour assister la Fashion Week à midi et à qui on dit qu'il ne peut pas accéder à Paris ! Pour pallier cette fragilité, nous devons multiplier les voies d'accès routier - et mener à terme le CDG Express.

La régulation des aéroports plafonne notre rentabilité. Il n'y a donc aucun risque de sur-rentabilité du groupe, puisque l'État vérifie que la rentabilité n'excède pas le coût moyen pondéré du capital (CMPC), qui est de 5,6 %. Grâce aux efforts de productivité que vont faire nos équipes, nous allons réduire nos dépenses de 130 millions d'euros par rapport à la tendance. Pendant la période du contrat de régulation économique n° 3, nous avons réussi à ce que nos dépenses annuelles croissent de 1 à 2 %, alors que la tendance précédente était de plus de 7 % par an. En réduisant nos dépenses, en investissant 6 milliards d'euros et sur la base d'un coût moyen pondéré du capital de 5,6 %, nous allons pouvoir augmenter nos tarifs de seulement 1,35 %, ce qui nous laisse très en-dessous de Francfort, de Londres et des principaux aéroports européens en matière de croissance des tarifs.

Tout cela n'est possible qu'à la condition de minimiser l'empreinte carbone, sonore et la pollution de l'air. C'est pourquoi nous avons diminué de 70 % nos émissions de CO2 par passager depuis 2002. Nous nous sommes fixés un objectif de neutralité carbone en 2030 sans avoir recours à l'achat de quotas de compensation. Nous effectuons des investissements importants dans la géothermie, non seulement à Orly mais aussi à Charles-de-Gaulle, où nous avons par ailleurs une centrale qui chauffe le quart de l'aéroport au bois. Nous installons des prises sur les points de parking pour éviter que les avions ne se fournissent en groupes électrogènes, extrêmement consommateurs de pétrole, lorsqu'ils sont entre deux rotations. Enfin, nous avons décidé de fixer un prix interne du carbone pour nous, nos investissements et le fonctionnement de l'entreprise, à un niveau extrêmement élevé et aussi ambitieux que possible pour mordre sur nos comportements. Ce prix atteindra 100 euros en 2025, et est pour l'instant de 50 euros.

Nous proposons également des structures tarifaires qui pénalisent les avions les plus bruyants. Un avion A320 Neo émet deux fois moins d'agents polluants qu'un A320 d'ancienne génération. Et nous militons discrètement mais fermement pour que la direction générale de l'aviation civile mène à bien le projet de descente continue des avions. Il s'agit d'un mécanisme qui permet de systématiser la descente des avions sur des routes déterminées, ce qui limiterait fortement le recours aux moteurs des avions pendant la descente et réduirait la dispersion des routes à l'arrivée. Actuellement, chaque avion est pris en charge par un contrôleur aérien à 30 kilomètres de l'aéroport et le contrôle aérien lui fait un parcours sur mesure, ce qui donne des lignes en cheveux d'ange. Il faut aboutir à ce que les avions ne prennent qu'un seul couloir, prédéterminé, dans lequel ils seront conduits par ordinateur. Cela limitera les nuisances aériennes produites par les arrivées.

Nous favorisons aussi beaucoup l'emploi aux alentours de nos aéroports. À Charles-de-Gaulle, les territoires qui sont de l'autre côté de l'autoroute sont très mal connectés, et il arrive qu'un habitant de Gonesse, pour aller travailler à Charles-de-Gaulle, soit obligé de passer par la gare du Nord ! Nous finançons un service de bus qui permet aux personnes qui commencent très tôt le matin d'appeler un bus à quelques hectomètres de leur domicile : ce service est très apprécié. Nous avons aussi des services de location de voitures : un travailleur qui débute peut en louer une à 70 ou 80 euros par mois pour aller travailler.

Depuis que je suis arrivé dans cette entreprise, j'ai considéré que la privatisation était un événement extérieur. J'ai donc toujours dit à nos équipes de ne pas s'inquiéter et que, si la privatisation avait lieu, cela serait une bonne nouvelle, mais que si la privatisation n'avait pas lieu, ce serait aussi une bonne nouvelle. L'essentiel, pour les équipes, est d'être performantes afin de faire augmenter le cours de l'action pour garder la maîtrise de leur destin. Les salariés ont adhéré à cette démarche et consenti des efforts, puisqu'on a gelé les rémunérations pendant trois ans. Les salariés ont pris conscience du fait que ne pas augmenter trop les tarifs aériens était aussi de leur responsabilité. Ils savent aujourd'hui qu'ils sont suffisamment forts et compétents pour que l'évolution de l'actionnariat ne change pas leur existence. Notre objectif, en somme, a été d'immuniser l'entreprise contre le changement d'actionnaire.

En tous cas, le fait d'avoir l'État pour actionnaire ne nous a pas empêchés de devenir, en 2018, le leader mondial de la gestion des aéroports, avec 280 millions de passagers. M. Le Maire a déclaré dans le Journal du dimanche qu'il estimait utile qu'ADP soit un leader mondial. En perdant l'exploitation de l'aéroport d'Istanbul en 2019, nous ne serons peut-être plus leader en 2019, sauf si nous l'emportons au Japon ou en Bulgarie.

Bref, nous avons toujours envisagé la privatisation avec sérénité. Lorsque le Gouvernement, il y a deux ans, nous a annoncé qu'il préparait un projet de loi l'autorisant à descendre sous les 50 % du capital, nous avons eu avec lui des discussions qui ont conduit à préserver le modèle économique et social d'ADP et même à le renforcer. Ce texte renforce en effet les pouvoirs de l'État sur le foncier, et lui permet de reprendre possession de l'entreprise, pour sa partie parisienne, dans 70 ans. Il accroît son influence sur un certain nombre de décisions de l'entreprise. Comme je l'avais dit il y a un an, la privatisation dans ces conditions peut être une chance pour l'entreprise. Je n'ai pas de commentaire à faire sur le référendum d'initiative partagée, ni sur la décision du Conseil constitutionnel relative à la loi Pacte. Simplement, cette décision reconnaît que nous exerçons une activité concurrentielle : tous les jours, nous nous battons contre les hubs de Londres, Amsterdam, Francfort, Istanbul, Oman, Dubaï ou Abou Dhabi pour capter des passagers d'Amérique latine qui veulent aller en Chine, ou des passagers de Russie qui veulent se rendre en Amérique. Comme le rayon d'action maximal d'un avion est de 15 000 kilomètres, tous ces passagers sont obligés de faire une escale...

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

L'un des enjeux, dites-vous, est que les compagnies aériennes payent le moins cher possible. Plusieurs d'entre elles ont dénoncé le fait que, dans le prochain contrat de régulation économique, vous envisagiez une augmentation de 1,35 % par an de la redevance. N'y a-t-il pas contradiction entre la volonté que vous affichez et cette réaction des entreprises ? Vous avez évoqué à juste titre les difficultés d'accès, notamment à Roissy où, pour les dernières centaines de mètres, on met parfois une demi-heure, c'est-à-dire autant de temps que pour venir du centre de Paris. Vous auriez pu aussi mentionner les embouteillages à l'intérieur de l'aéroport : très souvent, l'attente pour accéder aux contrôles de sécurité est trop longue, y compris quand on utilise des voies censées être plus rapides. Et comme les deux embouteillages se cumulent...

Debut de section - Permalien
Augustin de Romanet, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de président-directeur général d'Aéroports de Paris

L'entreprise va investir 6 milliards d'euros, contre 3 milliards d'euros pendant le précédent contrat de régulation économique, qui a couvert la période 2016-2020, et pendant lequel nous avions demandé aux compagnies aériennes une hausse des tarifs de 1 %. Nous doublons les investissements et nous demandons aux compagnies aériennes une hausse de 1,35 %. Avons-nous une baguette magique ? Non. Mais nos collaborateurs ont accepté une certaine rigueur par rapport aux coutumes anciennes. En 2015, le taux de rentabilité des capitaux engagés était de 3,8 %. Et la loi nous impose une rentabilité des capitaux engagés égale au coût moyen pondéré du capital, qui est de 5,4 %. Nous étions donc en sous-rentabilité. Nous avons donc réduit nos dépenses, augmenté très modérément les tarifs et, depuis 2016 la rentabilité des capitaux engagés a augmenté chaque année, pour atteindre une situation où, en 2020, elle sera très légèrement supérieure au coût moyen pondéré du capital.

Bref, au début du contrat de régulation économique n° 3, nous partions avec un handicap, et il fallait augmenter les prix pour rattraper une bonne rentabilité. Et, pour financer les investissements futurs du contrat de régulation économique n° 4, entre 2021 et 2025, nous n'allons pas être obligé d'augmenter notre rentabilité : nous allons même la baisser. Démagogique ? Non, dès lors que la loi nous autorise un taux de rentabilité égal au coût moyen pondéré du capital, et que ce taux devrait atteindre 5,8 % en 2020, nous aurons un peu d'avance et devrons entamer une courbe descendante : entre le début du contrat de régulation économique et sa fin, notre rentabilité va légèrement baisser. Ainsi, en moyenne, elle sera de 5,6 %.

En tous cas, nous sommes très conscients de notre responsabilité qui est de ne pas augmenter trop les tarifs. Cela dit, pour une compagnie aérienne comme Air France, nos redevances aéronautiques représentent 2 % du compte de résultat. Notre augmentation équivaut à peine à quelques heures de grève... Les compagnies comprennent qu'elles ont intérêt à ce que l'aéroport soit en forme, investisse, soit à leur écoute et continue à faire des efforts pour sa productivité - et pour la leur ! Nous avons en effet pour ambition d'investir pour réduire les coûts d'exploitation des compagnies aériennes. Quand nous construisons un nouveau trieur à bagages permettant aux compagnies aériennes de supprimer le conducteur de chariot pour les valises, ou lorsque nous installons des systèmes d'enregistrement automatique, ou d'enregistrement automatique des bagages, les compagnies aériennes peuvent économiser du personnel.

Vous avez raison d'évoquer les embouteillages au niveau de la police aux frontières. Sur ce sujet, nous sommes des paratonnerres : nous prenons la foudre de tous les passagers et nous devons la transmettre à ceux qui en sont responsables, c'est-à-dire les autorités de l'État. Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour aider à la manoeuvre. Nous avons pris la décision d'acheter nous-mêmes les systèmes Parafe, car s'il avait fallu attendre l'État, cela aurait pris du temps. Nous avons-nous-même fait avancer la validation du système de reconnaissance faciale. Et nous avons mis en place un système de mesure - car vous n'améliorez jamais que ce que vous mesurez. C'est ainsi que, pendant les vacances de Noël, de Pâques et d'été, toutes les autorités de l'aéroport, la police aux frontières, tous les patrons d'unités opérationnelles et tous les dirigeants d'ADP reçoivent toutes les heures sur leur iPhone le temps d'attente de chaque terminal.

Mais nous ne maîtrisons pas les vacances des policiers, nous ne maîtrisons pas leur temps de formation et nous ne maîtrisons pas ce qui se passe entre le moment où ils sont mutés et le moment où ils arrivent sur place. En tous cas, le Premier ministre a pris le dossier en main en juillet 2018 puisqu'il a fixé des limites maximales de temps d'attente et accru le nombre de policiers à Charles-de-Gaulle et à Orly de plus de 200 depuis deux ans, ce qui a évité la reproduction de la situation tragique du 14 juillet 2017 à Orly, où il avait jusqu'à trois heures de queue. Désormais, les temps d'attente supérieurs à 30 minutes pour les passagers Schengen et supérieurs à 45 minutes pour les passagers étrangers ne se produisent pas plus de quatre ou cinq fois par semaine - et c'est encore trop, j'en conviens.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Mme Bonnefoy est rapporteure pour avis du budget des transports aériens.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bonnefoy

Le transport aérien représente 2 % des émissions totales de gaz à effet de serre. Sa hausse devrait largement accroître cette part. En France, le secteur est pourtant totalement exonéré de TICPE - et vous savez les critiques que cela soulève. Le projet d'ADP à l'horizon 2025 s'appuie sur une augmentation des investissements dans les capacités aéroportuaires et donc sur une hausse du transport aérien. Il semble par conséquent peu compatible avec les objectifs climatiques. L'urgence climatique ne justifie-t-elle pas une contribution du secteur aérien à son empreinte carbone ? La stratégie de développement des capacités aéroportuaires pour accompagner la croissance du trafic aérien est-elle compatible avec les engagements climatiques pris dans le cadre de l'accord de Paris ?

Selon le rapport publié en février dernier par le préfet de région Michel Cadot, les travaux permettant la mise en service du CDG Express pour les Jeux olympiques de 2024 entraîneront des coupures de circulation importantes sur le RER B, dont les usagers seront ainsi pénalisés et probablement obligés de prendre des bus de substitution pour se déplacer. Faut-il à tout prix maintenir l'objectif de fin des travaux pour 2024 ? N'est-il pas plus raisonnable d'envisager la livraison des travaux pour 2025, afin de garantir aux usagers une continuité de service ?

ADP dispose d'une envergure internationale importante via sa filiale qui assure la gestion d'une vingtaine d'aéroports dans le monde. Quelles sont les perspectives de croissance d'ADP international d'ici 2025 ? Quels projets d'investissements internationaux sont privilégiés ?

Debut de section - Permalien
Augustin de Romanet, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de président-directeur général d'Aéroports de Paris

Le transport aérien n'est pas dans la COP 21 : il a un accord spécifique, le Carbon Offsetting and Reduction Scheme for International Aviation ou Corsia, qui a prévu que les émissions de gaz à effet de serre soient au même niveau en 2030 qu'en 2015, je crois. Les arbres ne montent pas jusqu'au ciel et je pense que notre siècle va voir la collision entre la demande des classes moyennes du monde entier de toujours voyager plus et la nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Dans cinquante ans, sera-t-il socialement acceptable qu'une famille aille passer ses vacances aux Maldives à Noël ? Je pense que la réponse est non. Mais il se trouve que nous sommes dans un moment de l'histoire où la demande sociale de transport aérien est si forte que, même si vous doubliez la taxe carbone, les gens continueraient à voyager. Du reste, on peut se demander s'il est légitime que, au motif qu'on a la possibilité de payer, on ait la possibilité de polluer...

Le monde du transport aérien est l'un des rares, dans le transport collectif, qui paie complètement ses infrastructures. Les chemins de fer, par exemple, sont subventionnés à plus de 50 %. Le transport aérien est aussi, déjà, très lourdement taxé. On peut toujours ajouter les taxes qu'on veut, à condition que cela se fasse au niveau mondial. Sinon, cela fera le lit des compagnies concurrentes.

Pour le CDG Express, il faut bien sûr tenir compte des difficultés des passagers du quotidien. Mais je ne souhaite pas qu'il soit pris comme bouc émissaire. Il y aura trente chantiers dans le faisceau nord de l'Île-de-France dans les cinq ans qui viennent. Et dès qu'un problème survient, on blâme le CDG Express ! Je ne suis pas fétichiste sur l'année d'ouverture. En tous cas, ce serait une faute de ne pas faire cette ligne. Je suis président de Paris Europlace et les investisseurs étrangers, sans que je les sollicite, me disent qu'une des trois raisons pour lesquelles Paris n'est pas attractif, c'est l'accès à l'aéroport. Beaucoup disent que c'est le transport des riches. Ce n'est pas le cas. Nous avions promis de faire cette ligne pour les Jeux olympiques. Si l'on décide autre chose, ADP n'en fera pas une maladie. En tous cas, nous sommes décidés à ce que les travaux du CDG Express ne nuisent pas aux transports du quotidien - et même, qu'ils les améliorent, puisque sur 1,8 milliard d'euros prévus, 500 millions seront consacrés au renforcement de la robustesse du RER B et de la ligne K.

Nous devons nous apprêter à une croissance très forte du transport aérien pendant les vingt prochaines années. En tout état de cause, les aéroports parisiens seront saturés, et il faudra trouver des solutions nouvelles pour la fin du 21e siècle et le 22e siècle, car on ne construira pas un nouveau Charles-de-Gaulle ou un nouvel Orly ! Orly est plafonné à 250 000 mouvements et nous sommes déjà à 235 000. Même si les avions grossissent, même si le taux d'emport s'accroît, nous trouverons des limites naturelles à cette croissance.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Les Jeux olympiques ont été l'une des raisons mises en avant pour faire le CDG Express. C'est un engagement de la France. Peut-on ne peut pas le tenir ? Cela pose un problème moral, juridique, et pratique.

Debut de section - Permalien
Augustin de Romanet, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de président-directeur général d'Aéroports de Paris

ADP est investisseur, avec la Caisse des dépôts et SNCF Réseau, dans ce projet. Nous avions pris note de cette promesse faite par les pouvoirs publics.

Concernant le développement international envisagé d'ADP, à l'étranger, nous travaillons aujourd'hui sur la Bulgarie et le Japon.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Boyer

Je souhaite revenir aux conditions d'accueil et d'accès pour les passagers, en particulier à Orly. Le Sénat a constitué une mission sur le transport aérien et l'aménagement du territoire, qui débat beaucoup des conditions d'accueil sur les petites lignes, c'est-à-dire les lignes intérieures. Quelles améliorations prévoyez-vous dans les relations avec Hop! et Air France ? Comment réduirez-vous les délais pour les passagers entre le moment de l'atterrissage et celui du débarquement ? Quid des liaisons, parfois en bus, ce qui accroît le temps de transfert ? Améliorerez-vous l'accès pour les taxis ? Il faut aussi améliorer la lisibilité sur les terminaux, en particulier à Orly. Pour des passagers qui n'ont pas l'habitude, c'est difficile, notamment dans les terminaux ouest et sud qui ont été dernièrement rassemblés. Il faut simplifier la signalétique. Au Canada et au Québec, il y a un système de reconnaissance faciale pour les contrôles de sécurité. Allons-nous mettre la même chose en place en France ?

Debut de section - Permalien
Augustin de Romanet, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de président-directeur général d'Aéroports de Paris

Vous avez raison, les lignes sous obligation de service public sont un talon d'Achille. Nous avons donc réaménagé 48 postes avions, pour avoir des infrastructures modulaire permettant d'accueillir des gros et des petits modules. Sur la ligne d'Aurillac, on est passé de 31 % à 48 % d'avions au contact. L'ouverture d'Orly 3, qui nous donnera huit postes avions gros et moyens porteurs à terme, va nous permettre de libérer des postes Schengen pour les OSP. Quant aux bus utilisés quand les avions sont au large, ils sont de la compétence des compagnies aériennes.

Pour accéder à Orly 1, le décrochage se fait en amont de l'aéroport. Nous avons essayé de rendre la signalétique aussi claire que possible. L'accès à Orly est assez complexe pour que nous ayons pris sur nous de ne pas reconstruire le Hilton, que nous préférons remplacer par des voies d'accès. Nous avons aussi fait de nouvelles installations pour les cars de seniors afin qu'aucun passager n'ait plus de dix minutes de marche à faire. À partir du 7 juin, un nouveau rond-point facilitera les accès.

La reconnaissance faciale existe déjà à Paris, pour les vols internationaux. En revanche les passeports ne sont pas contrôlés pour les vols intérieurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

On pourrait envisager d'améliorer la circulation des voiturettes et autres engins pour les personnes à mobilité réduite, âgées ou fatiguées. De façon générale, les distances à parcourir sont de plus en plus longues dans les aéroports. Je crois qu'il existe des marges d'amélioration.

Debut de section - Permalien
Augustin de Romanet, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de président-directeur général d'Aéroports de Paris

Un aéroport est un hôtel où les clients ne dorment pas. C'est aussi un lieu où il y aura de plus en plus de seniors, dont il faut éviter qu'ils ne détournent les services aux personnes handicapées. Beaucoup de personnes valides se déclarent handicapés pour avoir droit à une petite voiture, un chevalier servant et la priorité aux filtres de sécurité. Cette difficulté à laquelle nous sommes confrontés s'accroîtra si nous ne sommes pas capables d'assurer des services de bonne qualité.

Nous suivons un référentiel selon lequel on ne doit jamais avoir plus de x mètres à parcourir sans travelator. Nos équipes ont toujours tendance à ne pas vouloir s'y plier et la direction se bat au quotidien pour que l'installation de travelators assure le respect de la qualité de service attendue dans tous les terminaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Nelly Tocqueville

Monsieur de Romanet, vous avez salué la décision du Conseil constitutionnel sur la loi Pacte validant le principe de la privatisation du groupe ADP, dont vous venez de dire qu'elle constituait une chance pour l'établissement. Dans cette perspective, comment concilier les intérêts industriels et ceux des actionnaires, qui peuvent parfois diverger ? Comment concilier les exigences environnementales et le bien-être des populations riveraines, très inquiètes ? Une des préoccupations des actionnaires est la rentabilité, qui suppose une augmentation des vols, ce qui ne semble pas conciliable avec les problématiques que je viens d'évoquer, en particulier la baisse des émissions de gaz à effet de serre et des impacts environnementaux.

Debut de section - Permalien
Augustin de Romanet, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de président-directeur général d'Aéroports de Paris

La dépêche AFP n'a pas bien traduit mes propos. Je salue les considérants de la décision du Conseil constitutionnel qui disent que nous sommes en concurrence. Je n'ai pas dit que la privatisation était une chance, mais qu'elle pouvait en être une. Nous avons toujours conservé une santé mentale intacte en ne nous identifiant jamais à la privatisation. Nous sommes capables de gérer l'entreprise avec un actionnaire public. Nous n'avons pas besoin d'un actionnaire privé pour faire mieux, mais ce n'est pas non plus interdit. La vraie différence entre public et privé, presque organique, est que lorsque la loi empêche un actionnaire de voir sa part descendre en-deçà de 50 %, certaines opérations de développement ne sont pas autorisées, telles que la fusion avec une grande compagnie mondiale d'aéroports par échange de titres. Hormis ce point, rien ne change, ni la motivation des collaborateurs, ni la rentabilité, qui est plafonnée au coût moyen pondéré du capital. Si nous étions en 2012 et que notre rentabilité était inférieure de deux points au CMPC, certains pourraient dire : « C'est une boîte publique, elle est incapable d'être performante, il faut la privatiser. » On ne peut pas le dire aujourd'hui. Notre rentabilité va continuer à croître, je l'espère. Notre entreprise a vocation à se développer quels que soient ses actionnaires. La loi Pacte que vous avez votée autorise à ce qu'elle se développe bien avec un actionnaire privé. Il sera possible à l'entreprise de concilier intérêts économiques et environnementaux dans un dialogue permanent avec les parties prenantes. Nous allons, à ce titre, créer un comité des parties prenantes et probablement un comité de responsabilité sociale et environnementale au sein du conseil d'administration. Quoi qu'il arrive, l'empreinte territoriale est si importante que le Parlement ne sera jamais dessaisi de son regard sur le nombre de vols ou leurs conditions. Nous pouvons prévoir des débats politiques sur la soutenabilité du transport aérien, que l'actionnaire soit public ou privé.

Debut de section - PermalienPhoto de Nelly Tocqueville

J'ai bien noté qu'il n'y avait pas besoin d'un actionnaire privé pour faire mieux.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Chevrollier

Pouvez-vous nous en dire plus sur les engagements d'ADP en faveur de la transition énergétique et sur son positionnement par rapport à ses concurrents internationaux ? Êtes-vous beaucoup plus vertueux que d'autres dans ce domaine tout à fait essentiel ? Quelle est votre réaction au mouvement « Honte de prendre l'avion » qui est de plus en plus en vogue ?

Debut de section - Permalien
Augustin de Romanet, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de président-directeur général d'Aéroports de Paris

Je n'aime pas les donneurs de leçons ni les faiseurs de morale. Je ne vais pas vous dire que nous sommes les plus beaux et les plus forts en matière de transition énergétique. Cela vous énerverait et vous me prendriez pour un menteur.

Le groupe ADP est très attentif à développer sa certification carbone, c'est-à-dire à ce que tous nos aéroports soient, à terme, neutres en émissions carbone. Les aéroports de Charles-de-Gaulle et d'Orly sont au niveau de classification 3, qui est très bon. Nous avons amélioré notre efficacité énergétique de 7 % ces cinq dernières années en diminuant nos émissions de CO2 de 65 %. Notre consommation d'eau potable a baissé de 5 % depuis 2014. Nous avons atteint une valorisation des déchets de 45 % et visons 70 % pour les déchets de chantier en 2020 et 100 % pour la collecte des biodéchets de nos clients à cette même date. Nous visons la classification Haute Qualité environnementale (HQE) pour 100 % de nos bâtiments. Nous allons vers une diminution de 50 % de l'usage de produits phytosanitaires d'ici 2020 et avons pour objectif 25 % de véhicules hybrides ou électriques en 2020. Je n'imagine pas un seul véhicule à pétrole sur les tarmacs en 2030. Si nous ne montrons pas l'exemple, nous n'y arriverons jamais. C'est pourquoi chaque année, nous essayons de faire mieux.

Le débat sur « Honte à l'avion » est politique. Est-ce que les Scandinaves, qui ont usé et abusé du transport aérien ont le droit de dire à la population mondiale de ne plus utiliser l'avion ? La Suède a-t-elle le droit d'imposer aux Philippines un comportement en matière de de tourisme ou d'utilisation de l'avion ? C'est une question politique à laquelle j'ai personnellement une réponse de citoyen qui n'intéresse personne.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mandelli

Merci monsieur de Romanet pour votre travail à la tête d'Aéroports de Paris, qui a été profondément adapté aux enjeux, notamment environnementaux.

Avec la privatisation, l'attrait d'ADP est évident. Ma question porte sur les investissements prévus, de six milliards d'euros à échéance 2025. Vous avez indiqué que la rentabilité allait légèrement baisser pendant cette période. Certains investissements pourraient-ils être remis en cause pour l'éviter ? Quelques investisseurs potentiels pourraient s'interroger.

Debut de section - Permalien
Augustin de Romanet, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de président-directeur général d'Aéroports de Paris

Mon propos n'était pas clair : c'est la rentabilité du secteur régulé qui va baisser. Elle est capée par la loi. Le fait que nous ayons atteint le niveau du coût moyen pondéré du capital dès 2019 nous autorise une légère baisse ultérieure. En revanche, nos activités dans les domaines de l'international, de l'immobilier, des commerces vont se développer. C'est pourquoi, lors de la journée des investisseurs du 5 avril, nous avons présenté des projections montrant que notre ambition était d'accroître le résultat opérationnel courant et l'EBITDA (bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement) de l'entreprise de 40 à 60 % d'ici 2025. Le résultat net pourrait même augmenter un peu plus vite. Un investisseur qui voudrait acheter le titre ADP a connaissance de ces chiffres. Les perspectives de croissance de la rentabilité de l'entreprise demeurent.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

Monsieur de Romanet, je souhaite revenir à vos déclarations sur la loi Pacte et la privatisation. Vous expliquez qu'il n'y aura pas de réelle différence de fonctionnement selon que la participation est publique ou privée. Je rappelle que dans le premier cas, l'État engrange des dividendes de 130 millions d'euros par an.

Quel est votre avis sur la privatisation de l'aéroport de Toulouse, qui ne s'est pas très bien passée ? Qu'est-ce qui n'a pas fonctionné ?

Vous avez répondu à propos de la taxe sur le kérosène, qui pose un problème de concurrence. Quel est votre avis sur une taxation des billets, notamment en s'appuyant sur la taxe Chirac ? Un amendement au projet de loi sur les mobilités a été adopté pour que le surplus de la taxe Chirac soit reversé à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF).

Debut de section - Permalien
Augustin de Romanet, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de président-directeur général d'Aéroports de Paris

Du côté de l'entreprise, la situation est identique que l'actionnaire soit privé ou public. Il est vrai que c'est différent du côté de l'État. Ce dernier peut utiliser son argent comme il le juge utile. Le ministre de l'économie a estimé qu'ADP avait un modèle économique lui offrant une rentabilité raisonnable et prévisible, ce qui permettait de le vendre à bon prix - s'il y avait privatisation, nous nous assurerions que l'investisseur paie le vrai prix.

La démarche du Gouvernement, dans la course technologique à l'innovation de rupture, est de tirer le maximum d'argent de la vente d'ADP - ce n'est pas très agréable pour nous qui sommes un peu pris pour des objets - et de l'investir dans des technologies de rupture pour que d'autres entreprises puissent atteindre un rythme de croisière.

Le cas de Toulouse est compliqué. Il a suscité beaucoup de fantasmes. Je veux rendre justice à l'équipe de direction de l'aéroport de Toulouse et à Mme Idrac qui en était présidente. Les habitants vous diront que la qualité de service de l'aéroport s'est améliorée. Je ne crois pas qu'ils en soient malheureux.

L'actionnaire de l'aéroport de Toulouse était une personnalité venue d'un pays lointain - on a souvent tendance à les prendre comme boucs émissaires, surtout quand ils viennent de Chine - qui a eu des problèmes avec la justice de son pays et a, semble-t-il, disparu. Certains se sont dit : « On n'a pas été très vigilants sur la personne à qui l'on vendait. » Je reconnais que ce n'était pas très satisfaisant.

On a reproché aux nouveaux actionnaires de l'aéroport de Toulouse d'avoir prélevé des dividendes mais l'honnêteté commande de dire que tous les candidats à l'achat, y compris ADP, l'avaient prévu dans leur plan d'acquisition car l'aéroport a été vendu très cher et disposait de beaucoup de trésorerie. Ce qui n'a pas fonctionné, c'est que personne n'a été en mesure d'identifier la grande inquiétude que l'acheteur pouvait susciter. Finalement, l'aéroport a été bien géré. Mais je conviens du fait que lorsque l'on privatise un actif aussi important, il faut prendre garde à qui l'on vend.

Quant à la taxe Chirac, je pense que le transport aérien est déjà très taxé. C'est un monde qui s'auto-entretient. Un de ses privilèges énormes est de pouvoir entretenir ses propres équipements sans problème de maintenance contrairement au secteur ferroviaire. L'introduction d'un pipeline de financement de l'aérien vers le ferroviaire est une question politique qui n'est pas du ressort d'ADP.

Debut de section - PermalienPhoto de Cyril Pellevat

Monsieur de Romanet, vous avez mentionné vouloir faire des gains de productivité pour diminuer les coûts d'exploitation tout en améliorant la qualité de service. C'est bien, parce qu'AirHelp classe les aéroports de Roissy et d'Orly parmi les pires plateformes. Où ces gains de productivité peuvent-ils exister ?

Concernant la reconnaissance faciale, un seul sas sur huit fonctionnait, ce matin à Roissy. Dans les autres aéroports, la norme est que tout fonctionne. Cela crée des engorgements.

Pourquoi l'Autorité de supervision indépendante a-t-elle contesté la méthode de calcul du coût capital moyen pondéré effectuée par ADP sur lequel vous avez justement été retoqués ?

Debut de section - Permalien
Augustin de Romanet, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de président-directeur général d'Aéroports de Paris

S'agissant des gains de productivité, je vais vous donner un seul exemple : nous avions 128 lieux de stockage de pièces détachées. Nous surstockions et constations des disparitions inexplicables de prises électriques ou de groupes électrogènes, notamment. Nous avons mis en place une direction spécifique pour améliorer la logistique, avons réduit le nombre de lieux de stockage à une dizaine et mis en place un système d'information bien plus actualisé.

Concernant Parafe, une phase de transition pour certifier la reconnaissance faciale des équipements de Gemalto ayant lieu en juin, ce sera le mois du cauchemar. La situation que vous évoquez n'est pas acceptable. J'espère que ce sera bientôt un mauvais souvenir.

L'Autorité de supervision indépendante avait pour ambition de revenir sur le fait qu'un contrat de régulation économique prévoyait un CMPC fixe pour cinq ans. Elle a souhaité l'examiner chaque année. C'est là qu'était notre point de désaccord. Nous avons revu notre position et l'Autorité a approuvé nos tarifs pour l'année 2019.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Pemezec

La problématique de la privatisation nous préoccupe. Nous sommes un certain nombre à penser que l'entreprise privée est bien plus efficace au quotidien dans ce secteur d'activité, cependant compte tenu du caractère très stratégique des aéroports, il est difficile d'imaginer que la puissance publique ne puisse pas continuer à exercer un contrôle. Les collectivités territoriales, en particulier les départements, pourront-elles devenir actionnaires ?

Alors que la France accueillera bientôt les Jeux olympiques, la question de son image se pose. L'effort d'entretien autour des aéroports est notable. En revanche les circuits routiers sont très négligés. Avez-vous un programme d'actions ou de conventions avec les différents départements franciliens pour que les touristes soient accueillis dans un environnement moins inesthétique ?

Enfin, les contrôles sont très approfondis, ce qui est rassurant, cependant je ne suis pas sûr que les personnes voilées fassent l'objet d'un contrôle aussi exigeant que les autres. Que comptez-vous faire ?

Debut de section - Permalien
Augustin de Romanet, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de président-directeur général d'Aéroports de Paris

Justement, il ne devrait pas y avoir, en pratique, de différence de gestion selon que l'actionnariat est public ou privé. C'est notre fierté d'essayer d'avoir une gestion efficace. Et ce n'est pas parce que l'on est public que l'on n'est pas efficace.

Sur les collectivités territoriales, la réponse est oui. Votre assemblée a voté qu'elles pouvaient devenir actionnaires d'ADP.

Nous gérons 275 kilomètres de routes à Charles-de-Gaulle. Mais au-delà de l'hôtel Hyatt, ce n'est plus du ressort d'ADP. Nous essayons de donner un coup de main, par exemple une contribution volontaire il y a trois ans lorsque le préfet d'Île-de-France a voulu nettoyer l'autoroute A1. L'an dernier, nous avons dépensé 150 000 euros contre la flaque d'eau qui menaçait les conducteurs d'aquaplaning la nuit.

Le directeur général de l'Aviation civile donne ses prescriptions en matière de contrôle. Il ne supporterait pas que vous lui citiez un cas où les femmes voilées ne sont pas contrôlées comme les autres. Si vous en recensez-un, signalez-le-moi et je le lui transmettrai.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis-Jean de Nicolay

Le développement international d'Aéroports de Paris relève-t-il d'opportunités économico-financières ou d'une véritable stratégie indispensable au développement de l'entreprise ?

Debut de section - Permalien
Augustin de Romanet, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de président-directeur général d'Aéroports de Paris

C'est une véritable stratégie. Le développement international est de nature à satisfaire les actionnaires, en allant chercher la croissance mondiale où elle se situe ; les salariés en leur offrant des possibilités de carrière internationale - ce qui est extrêmement précieux pour les jeunes recrues ; nos territoires car nous acquérons des connaissances nouvelles à l'étranger et développons des synergies de performances ; nos clients, enfin, car en créant un réseau d'aéroports on crée aussi un réseau de services et d'hospitalité plus satisfaisant. Nous espérons amener plus de Français à voyager en Jordanie, au Chili, en Bulgarie - si nous remportons le marché - ou au Japon parce que nous développerons la marque ADP. Le client saura qu'à Hokkaido au Japon, il sera accueilli dans une ambiance gérée par des Français avec des services auxquels il sait pouvoir s'attendre. Notre idée est de passer de l'aéroport commodité à l'aéroport hospitalité et de créer une chaîne d'aéroports mondiaux.

J'ajoute que nous pouvons emmener nos équipes de BTP, de people movers - les petits trains de passagers -, d'ingénierie avec nous à l'étranger. Disposer d'un réseau international sera de nature à créer beaucoup d'emplois pour les jeunes Français.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaspart

L'image de la France dans le monde est surtout véhiculée par Air France. En long courrier, Air France est en concurrence avec des compagnies du Golfe et de l'Asie du Sud-Est qui ne jouent pas du tout selon les mêmes règles puisqu'elles reçoivent des investissements directs de leurs pays d'origine. Cette concurrence est déloyale. Est-il possible que les accords entre Air France et ADP tiennent compte de ce phénomène ?

Debut de section - Permalien
Augustin de Romanet, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de président-directeur général d'Aéroports de Paris

Le devoir d'un aéroport étant de traiter toutes les compagnies à égalité, de façon provocatrice, je répondrai donc qu'a priori, la réponse est non. Dans la réalité, Air France est un client extrêmement important puisqu'il représente plus de 50 % de notre trafic. Nous sommes très attentifs à optimiser les temps de connexion à Charles-de-Gaulle, qui est son hub. Nous nous attachons par conséquent à améliorer les parcours de connectivité, la signalétique et les services.

Une des premières décisions que j'ai dû prendre en arrivant chez ADP portait sur la création d'un centre de correspondance longue au terminal 2 E de type lounge de 4 000 mètres carrés, avec un hôtel. Le coût était de 15 millions d'euros. On m'expliquait que c'était bien trop cher et n'engendrerait aucune recette. C'est vrai. Quelques années plus tard, lors de son inauguration, j'ai rencontré un passager qui effectuait un trajet entre la Russie et la Colombie. Comme il n'avait pas de visa pour sortir de l'aéroport, il passait 24 heures dans le lounge. Avant, c'était 24 heures dans une salle d'embarquement assis sur un siège poutre. Il m'a dit que ce lounge lui avait changé la vie. Voilà typiquement un service qui, de facto, profite aux clients d'Air France dans l'immense majorité, tout en étant payé en totalité par ADP et l'ensemble des compagnies.

La norme est le level playing field, mais Air France étant l'un de nos très gros clients, nous menons un dialogue particulièrement nourri.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Merci à M. de Romanet qui démontre que la privatisation n'est ni utile ni nécessaire car ADP avec un actionnariat public fonctionne bien et se projette dans son développement.

Vos propos sur les opposants à la ligne Charles-de-Gaulle Express m'ont heurté. Ils comprennent très bien de quoi il s'agit puisque ce sont des usagers quotidiens de la ligne B du RER. Ils sont tout aussi intéressés que vous par le développement économique de notre pays. Ils ont des propositions alternatives mais elles ne sont pas entendues.

Debut de section - Permalien
Augustin de Romanet, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de président-directeur général d'Aéroports de Paris

Je n'ai pas dit que la privatisation n'était ni utile ni nécessaire. J'ai dit qu'il était loisible à notre actionnaire de considérer qu'il pouvait investir son argent ailleurs. On peut même se demander si ce ne serait pas une bonne idée de financer plutôt des innovations de rupture : c'est la position du ministre de l'économie et des finances. À titre strictement personnel, elle me paraît recevable.

Le CDG Express et le RER B sont complémentaires. Nos collaborateurs sont usagers du RER B et font, le matin, la chronique de leurs retards. Vous devez avoir la conviction que nous sommes amis des transports du quotidien. Notre ambition est que le RER B fonctionne bien. Le CDG Express offrira en plus une liaison directe en vingt minutes, quatre fois par heure. Notre rêve est de réaliser la coexistence des deux mondes sans que l'un nuise à l'autre. Je pense que c'est possible. Tous les techniciens de SNCF Réseau nous le disent.

Nous payons collectivement un héritage auquel nous ne pouvons rien : pendant un grand nombre d'années, on a préféré investir dans le TGV Paris-Besançon plutôt qu'entretenir le RER B - désolé pour Besançon.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

La deuxième tranche de ce TGV a été votée hier à l'Assemblée nationale !

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Jacquin

Merci, monsieur de Romanet, pour ces éclairages très intéressants. Vous m'avez convaincu quand vous avez affirmé qu'une gestion publique pouvait être performante. Vous n'avez pas été plus convaincant que le ministre de l'économie quand vous avez tenté de nous faire croire qu'avec la privatisation, l'État pourrait être encore plus présent. Ni le ministre de l'économie ni le Premier ministre n'ont su expliquer en quoi ce montage alambiqué et complexe que personne n'a su comprendre ni décrire - une concession de 70 ans, c'est du jamais vu - renforcerait la place de la sphère publique. La réponse transpartisane de notre assemblée a été limpide.

Les salariés d'ADP et vous-même avez dû réagir lorsque le ministre de l'économie a qualifié la gestion aéroportuaire de simple gestion de supermarchés et d'hôtels. Il est vrai que le modèle économique des aéroports est plutôt facile grâce à l'allocation très profitable de mètres carrés commerciaux.

Je souhaite un éclairage sur vos ressources humaines. La pyramide des âges est très élevée, l'âge moyen s'approchant des 50 ans. Vous développez très fortement la sous-traitance.

Vous avez été convaincant lorsque vous avez affirmé que le modèle de développement du transport aérien n'était pas soutenable pour l'environnement dans le temps long. Vous n'êtes pas convaincant lorsque vous dites que vous ne voulez pas de taxe supplémentaire, ou alors sans distorsion de concurrence à l'échelle mondiale. Hier soir le Sénat a débattu d'une petite taxe sur les GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple) qui prend les devants, comme la Suède a su le faire sur le transport aérien. Quelle est votre vision d'avenir en la matière ? Il est moins cher de traverser la France en avion qu'en train alors que le bilan carbone du premier est désastreux.

Debut de section - Permalien
Augustin de Romanet, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de président-directeur général d'Aéroports de Paris

Nous avions coutume de dire, en interne, que la loi Pacte instaurait la nationalisation d'ADP car elle offre bien plus de leviers à l'État pour contrôler l'entreprise.

En effet, l'âge moyen chez ADP est de 48 ans.

Pour ce qui est de la sous-traitance, j'estime qu'il ne faut perdre de compétences dans les métiers techniques comme la plomberie ou le chauffage mais conserver en interne des gens qui connaissent nos réseaux et peuvent intervenir rapidement. La sous-traitance, dans ces domaines, coûte trop cher. J'ai en revanche changé d'avis sur l'accueil. Dans la réalité, on ne peut pas demander à un employé de courir dans les aéroports de 20 à 60 ans tout en restant aimable avec les clients. L'encadrement est interne mais pour le reste, la sous-traitance offre un personnel très motivé de très bonne qualité.

J'en viens aux taxes. Je le dis très clairement : cela ne me dérange pas que le transport aérien coûte plus cher à condition que ce soit le cas pour tous les habitants de la planète au même moment.

Debut de section - Permalien
Augustin de Romanet, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de président-directeur général d'Aéroports de Paris

Je n'en suis pas sûr.

Mme Borne elle-même me faisait remarquer que le bilan carbone d'un trajet Paris-Toulouse était bien moindre en avion qu'en TGV, quand on prend en compte le bilan carbone de la construction d'une ligne de TGV. Ces débats sont compliqués. Allons vers la réduction des émissions de CO2 mais n'asphyxions pas les acteurs économiques de notre pays. Ne tuons pas Air France en la taxant toujours plus.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Priou

Vous avez évoqué, en parlant de l'emploi des travailleurs handicapés, des contraintes fixées par la loi. Je pense que vous souhaitiez plutôt parler d'obligation morale.

Vous avez évoqué l'ardente obligation d'optimiser Charles-de-Gaulle et Orly. Faut-il y voir les conséquences de l'abandon du projet de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes ? Je ne suis pas favorable à la privatisation. Le cas échéant, je serai attentif à ce qu'il n'y ait pas de jeu de compensation pour des grands groupes qui ont dû renoncer à Notre-Dame-des-Landes.

Debut de section - Permalien
Augustin de Romanet, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de président-directeur général d'Aéroports de Paris

Très sincèrement, il n'y a aucun lien entre Orly et Notre-Dame-des-Landes. J'étais plutôt favorable à cet aéroport car je pense que la concurrence est positive pour l'activité économique. En outre, la croissance du trafic aérien nantais est considérable.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Bigot

La construction du terminal 4 de Roissy a été annoncée peu de temps après la décision de ne pas réaliser Notre-Dame-des-Landes, dont on disait qu'il serait le quatrième aéroport de Paris. Le trafic croît de manière exponentielle à Nantes. Quelle plus-value y a-t-il à tout concentrer à Paris ? Construire ce terminal 4 thrombosera Paris. C'est Paris et le désert français au détriment de la modernisation d'autres aéroports.

Debut de section - Permalien
Augustin de Romanet, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de président-directeur général d'Aéroports de Paris

À titre personnel, j'étais favorable à Notre-Dame-des-Landes. Il n'y pas de plus-value mais de moins-value. La France crève de sa centralisation, comme le rappelle Tocqueville dans L'Ancien Régime et la Révolution.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Bigot

Mais quelle est la plus-value du nouveau terminal parisien ?

Debut de section - Permalien
Augustin de Romanet, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de président-directeur général d'Aéroports de Paris

Les deux sujets n'ont rien à voir. Il n'y a aucun lien entre l'abandon de Notre-Dame-des-Landes et ce terminal.

Pour tout vous dire, nous essayons de reporter au maximum l'ouverture du terminal 4 car nous voulons limiter les tarifs pour les compagnies aériennes. Le précédent directeur général d'Air France m'avait envoyé une belle lettre pour me dire que j'étais un affreux si le terminal 4 n'était pas prêt en 2023. Le nouveau directeur général d'Air France a reconsidéré la situation et envisagé un report à 2028. Si nous voulons accueillir correctement les passagers qui sont de plus en plus nombreux à Paris, il faut pouvoir créer des postes d'avion.

Le fait que l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes ne soit pas construit n'a en rien changé nos plans de développement. Paris et Nantes sont suffisamment éloignées pour qu'il n'y ait pas de zone de chalandise concurrente.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Nous avons procédé à l'audition de M. Augustin de Romanet, dont la nomination est envisagée par le Président de la République pour exercer les fonctions de président-directeur général d'Aéroports de Paris.

Nous allons désormais procéder au vote.

Le vote se déroulera à bulletins secrets, comme le prévoit l'article 19 bis du Règlement du Sénat, et les délégations de vote ne sont pas autorisées, en vertu de l'article 1er de l'ordonnance n° 58-1066 du 7 novembre 1958 portant loi organique autorisant exceptionnellement les parlementaires à déléguer leur droit de vote.

Le dépouillement se déroulera à 13 heures, de manière simultanée avec la commission du développement durable de l'Assemblée nationale.

Il est procédé au vote.

La commission soumet au Sénat la désignation de MM. Hervé Maurey, Jean-Claude Luche et Jean-Noël Cardoux, Mme Anne Chain-Larché, MM. Claude Bérit-Débat, Jean-Michel Houllegatte et François Patriat, comme membres titulaires, et de MM. Patrick Chaize, Pierre Charon, Guillaume Chevrollier et Ronan Dantec, Mme Martine Filleul et MM. Guillaume Gontard, Christophe Priou, comme membres suppléants, de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant création de l'Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l'environnement, et de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution.

La réunion est close à 10 h 45.

La commission procède au dépouillement du scrutin sur la proposition de nomination, par le Président de la République, de M. Augustin de Romanet, aux fonctions de président-directeur général d'Aéroports de Paris simultanément à celui de la commission du développement durable de l'Assemblée nationale.

Résultat du scrutin :

Nombre de votants : 28

Bulletin blanc : 0

Bulletin nul : 0

Nombre de suffrages exprimés : 28

Pour : 19

Contre : 9