Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande de M. le Premier ministre, une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à préserver les intérêts de la défense et de la sécurité nationale de la France dans le cadre de l'exploitation des réseaux radioélectriques mobiles s'est réunie à l'Assemblée nationale le mercredi 3 juillet 2019.
Elle a procédé à la désignation de son bureau, ainsi constitué : M. Roland Lescure, député, président, Mme Sophie Primas, sénateur, vice-présidente. La commission a également désigné : M. Éric Bothorel, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale, Mme Catherine Procaccia, sénateur, rapporteur pour le Sénat.
Madame la présidente, chers collègues, le texte qui nous est soumis aujourd'hui en commission mixte paritaire (CMP), a été voté, en première lecture, par l'Assemblée nationale le 10 avril 2019 et par le Sénat le 26 juin dernier. Comme nous sommes désormais familiers de cette procédure, je mentionnerai seulement que, si des scrutins venaient à être organisés, les suppléants ne peuvent pas voter, sauf si un titulaire du même groupe ou de la même sensibilité s'est absenté. Je rappelle, enfin, que notre réunion se tient hors la présence du Gouvernement et qu'elle n'est pas retransmise.
Je suis d'abord très heureuse que nous puissions examiner ce texte en CMP, alors que le Gouvernement entendait initialement l'introduire par voie d'amendement dans le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises, dit « PACTE ». La discussion de nos assemblées a été fructueuse : de nombreuses modifications ont été effectuées par l'Assemblée nationale, par le Sénat également. Cela tend à prouver qu'il y a toujours à gagner à examiner un texte par la procédure normale. Je salue le travail des députés, des sénateurs, celui des rapporteurs et des équipes qui ont concouru au travail sur ce texte. Je crois que nous avons près de nous la possibilité d'aboutir à une CMP conclusive, mais je laisserai les rapporteurs évidemment s'exprimer. Ils ont travaillé en amont de cette réunion et je suis assez optimiste.
Je voudrais saluer la qualité du travail que nous avons pu collectivement mener sur ce texte dont l'objet nous concerne tous. La préservation de la sécurité nationale dans le cadre de l'exploitation des réseaux radioélectriques mobiles est en effet un enjeu majeur qui dépasse les clivages politiques.
Comme vous le savez, la 5G est une véritable rupture par rapport aux technologies précédentes. Elle ouvre de nombreuses opportunités mais elle est également porteuse de risques. La présente proposition de loi apporte une réponse adéquate à ce défi en créant un régime d'autorisation préalable permettant au Premier ministre de refuser l'exploitation d'équipements de réseaux radioélectriques mobiles en cas de risque avéré pour la sécurité nationale.
Le Sénat a permis de réaliser de nombreuses avancées sur ce texte, ce dont je me réjouis comme rapporteur au nom de l'Assemblée nationale. C'est le cas en ce qui concerne l'encadrement du régime d'autorisation préalable, en rappelant par exemple son lien exclusif avec la 5G et en apportant des précisions sur la liste des appareils concernés. L'élargissement des motifs de refus d'autorisation, en intégrant la protection des communications électroniques des pouvoirs publics, et la possibilité de déroger à la communication des motifs d'une décision lorsqu'elle mettrait en péril la sécurité nationale me semblent également d'utiles ajouts pour garantir la pleine efficacité de ce nouveau régime juridique.
Devant l'Assemblée nationale, comme devant le Sénat, nous avons tous oeuvré à satisfaire trois objectifs : créer un nouvel outil qui soit simple, efficace et robuste sur le plan juridique pour protéger au mieux nos intérêts nationaux. C'est d'ailleurs dans cet esprit que Mme la rapporteure a ajouté, par amendement, l'article 4 de la présente proposition de loi, qui simplifie l'articulation entre les deux régimes d'autorisation applicables aux opérateurs une fois cette proposition de loi adoptée.
C'est au nom de cet impératif de simplicité et d'efficacité que nous vous proposerons des modifications marginales du texte issu du Sénat, afin de le renforcer juridiquement et d'accroître l'information du Parlement sur la mise en oeuvre du dispositif.
Le Sénat partage l'objectif de ce texte, à savoir rehausser le niveau des exigences en matière de sécurité des réseaux 5G. Nous sommes cependant particulièrement sensibles à la couverture numérique du territoire, c'est pourquoi nous avons voulu minimiser l'impact du nouveau régime d'autorisation sur le déploiement des réseaux. C'est une question d'égalité des chances économiques.
Cette orientation générale s'est notamment traduite par l'adoption de dispositions limitant l'impact du texte sur les déploiements de la 4G - le seul impact sera celui qui pourrait résulter du manque d'interopérabilité avec les équipements 5G qui ne seraient pas autorisés à être exploités.
Nous avons également supprimé la référence au périmètre géographique dans le dossier de demande afin qu'il soit bien clair qu'il ne reviendra pas à l'État de dicter la politique d'achat des opérateurs.
Nous avons, enfin, évité les surcharges administratives en fusionnant l'autorisation au titre de la proposition de loi et celle au titre de l'article R. 226-7 du code pénal.
Nous avons travaillé en bonne entente avec le Gouvernement - les seuls points de désaccord persistant se retrouvaient dans les deux amendements déposés au Sénat en séance publique.
C'est aussi les principaux points dont nous avons dû discuter avec le rapporteur de l'Assemblée nationale. La solution que nous proposons aujourd'hui est la suivante : tous les ajouts du Sénat sont préservés, à l'exception de la mention de l'ensemble des États étrangers pour déterminer le champ du contrôle d'un opérateur et, surtout, de l'alinéa 12 de l'article 1er sur la proportionnalité des décisions du Premier ministre. Le rapporteur de l'Assemblée nationale et le Gouvernement craignent que cette dernière disposition soit un « nid à contentieux » : dont acte ! Si tel était le cas, j'en conviens, personne ne serait gagnant. Les préoccupations figurant à l'alinéa 12 seront donc retranscrites à l'article 5 relatif à un rapport que le Gouvernement devra transmettre au Parlement.
C'est par esprit de responsabilité que j'estime que les positions qui vous sont proposées aujourd'hui tiennent suffisamment compte des travaux de notre assemblée pour que nous puissions aboutir à l'adoption d'un texte commun.
Je tiens donc à remercier l'ensemble de nos collègues députés et sénateurs, ainsi que les rapporteurs pour avis avec qui, je crois, nous avons tous pu travailler en bonne intelligence.
La commission procède ensuite à l'examen des dispositions restant en discussion.
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
La première proposition de rédaction porte sur la définition a contrario du champ d'action de la proposition de loi, dont je rappelle qu'il visait la cinquième génération et les générations ultérieures. Nous préférons finalement écrire : « à l'exception des réseaux de quatrième génération et des générations antérieures ». Cela permet de sanctuariser les évolutions futures qui pourraient être sensibles à la doctrine que nous allons mettre en oeuvre. Il s'agit d'être certain que l'on ne pénalise pas les opérateurs et que l'on préserve l'innovation.
La proposition de rédaction n° 1 est adoptée.
La proposition de rédaction n° 2 améliore la lisibilité du texte et évite le risque d'une interprétation cumulative qui pourrait être trop contraignante pour l'État.
La proposition de rédaction n° 2 est adoptée.
Les propositions de rédaction n° 3 et n° 4, d'harmonisation rédactionnelle, sont adoptées.
La proposition de rédaction n° 5 repose sur deux motifs. D'un point de vue juridique, elle permet d'éviter de fragiliser, au regard du droit européen, le régime d'autorisation préalable créé. Il existe en effet un risque de discrimination entre les entreprises installées dans les États de l'Union européenne (UE) selon qu'elles possèdent un lien avec un État tiers ou uniquement avec des États membres de l'UE. En matière politique, l'inclusion des États membres de l'UE pose également problème. Au-delà du message de défiance véhiculé, elle s'inscrit en faux par rapport à l'ambition d'une évaluation globale des risques pour les États membres. La Commission européenne a présenté le 26 mars dernier, à la demande du Conseil européen, une recommandation dans laquelle elle envisage une évaluation des risques commune à l'UE pour l'automne.
Nous acceptons cette modification, dont l'apport n'était pas fondamental. Il s'agissait d'une précision qui nous semblait plutôt protectrice des intérêts de la France mais nous cédons sans trop de difficulté.
La proposition de rédaction n° 5 est adoptée.
La proposition de rédaction n° 6 vise à supprimer l'alinéa 12, qui prévoit un principe de proportionnalité renforcée, créé par le Sénat. Je regrette que nous n'ayons pu trouver de compromis malgré nos différentes propositions. Dans un esprit de responsabilité et pour que ce texte soit rapidement adopté, nous avons accepté de faire prévaloir le compromis global sur ce point particulier.
La proposition de rédaction n° 6 est adoptée.
La commission mixte paritaire adopte l'article 1er dans la rédaction issue de ses travaux.
Articles 2 et 4
La commission mixte paritaire adopte les articles 2 et 4 dans la rédaction du Sénat.
Article 5
Avec la proposition de rédaction n° 7, nous avons repris des dispositions liées aux préoccupations du Sénat. Cette proposition de rédaction entend préciser la rédaction de l'article 5 afin de souligner que le Gouvernement devra, dans son rapport au Parlement, évaluer les conséquences des décisions du Premier ministre sur le rythme et le coût des déploiements d'appareils 4G et 5G.
Cette proposition de rédaction est un compromis trouvé avec le rapporteur de l'Assemblée nationale. Les éléments supprimés à l'article 1er sont désormais prévus dans cette demande de rapport, ce qui est important. Le rapport évaluera s'il y avait lieu ou non que nous exprimions des inquiétudes sur les conséquences de ce dispositif en matière de couverture numérique du territoire. Avec le rapporteur de l'Assemblée nationale, nous suivrons la remise de ce rapport avec beaucoup d'intérêt.
La proposition de rédaction n° 7 est adoptée.
La commission mixte paritaire adopte l'article 5 dans la rédaction issue de ses travaux.
Avant de mettre la proposition de loi au vote, je remercie les rapporteurs et les parlementaires qui ont contribué à l'efficacité du travail mené aujourd'hui. Ce compromis est important pour la France et pour l'Europe, qui doit se saisir de ce sujet. Des parlementaires américains que j'ai pu rencontrer récemment se félicitaient que nous avancions dans cette direction, mais s'inquiétaient du retard pris par certains de nos partenaires européens.
En tant que première vice-présidente de la commission supérieure du numérique et des postes, je souhaitais ajouter que les apports à ce texte effectués par les deux chambres sont en accord avec l'avis que nous avions rendu sur la proposition de loi et ont répondu aux alertes que nous avions émises. Je me félicite donc de son adoption.