Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande du Premier ministre, la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la modernisation de la distribution de la presse se réunit au Sénat le mardi 24 septembre 2019.
Elle procède tout d'abord à la désignation de son bureau, constitué de Mme Catherine Morin-Desailly, sénatrice, présidente, de M. Bruno Studer, député, vice-président, de M. Laurent Garcia, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale, et de M. Michel Laugier, sénateur, rapporteur pour le Sénat.
Sont également présents : Mmes Céline Calvez, Fannette Charvier, Virginie Duby-Muller, Frédérique Meunier et M. Jean-François Portarrieu, députés titulaires ; Mmes Fabienne Colboc et Sylvie Tolmont députées suppléantes ; MM. Jean-Pierre Leleux, David Assouline et André Gattolin, sénateurs titulaires ; Mmes Maryvonne Blondin, Céline Brulin et M. Stéphane Piednoir, sénateurs suppléants. Mme Frédérique Dumas, députée suppléante, est excusée.
Catherine Morin-Desailly, sénatrice, présidente. - Nous nous réunissons aujourd'hui en commission mixte paritaire afin de proposer à nos assemblées respectives un texte commun sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la modernisation de la distribution de la presse.
Au regard des membres titulaires absents de la réunion et afin de maintenir l'équilibre politique entre les délégations de nos deux assemblées, je propose que Mme Maryvonne Blondin, suppléante, remplace Mme Sylvie Robert, et que M. Stéphane Piednoir, suppléant, remplace M. Jean-Raymond Hugonet.
Le texte déposé le 10 avril dernier par le Gouvernement a été adopté largement par le Sénat le 22 mai, puis par l'Assemblée nationale le 23 juillet. C'est dire que les délais ont été brefs pour étudier une question essentielle pour l'avenir de la presse. Pour autant, je me félicite de la qualité du travail mené par les deux rapporteurs et nos deux assemblées. Ce travail a, je crois, permis d'améliorer significativement le texte. Je pense qu'une issue positive pour notre réunion de ce jour est non seulement possible, mais également souhaitable, tant le secteur de la distribution de la presse doit maintenant rapidement entrer dans une phase de réforme.
Je vais donner la parole successivement au vice-président Bruno Studer, puis au rapporteur de l'Assemblée nationale, Laurent Garcia, et au rapporteur du Sénat, Michel Laugier, avant d'ouvrir la discussion générale.
Le présent projet de loi était attendu et revêtait un caractère d'urgence. Je souhaite donc comme vous, madame la présidente, que nous parvenions à un accord. Ce texte changera notamment la vie des kiosquiers, qui ont un rôle de proximité auprès de nos concitoyens. Je me réjouis donc que notre travail touche à son terme.
Lors de l'examen de ce projet de loi capital pour l'avenir de la distribution de la presse, l'Assemblée nationale a entériné en grande partie les propositions, tout à fait opportunes, faites par le Sénat. Nous avons également opéré quelques ajouts de nature légistique, en particulier plusieurs pages de coordination avec les codes existants, et procédé à des modifications qui me semblent aller dans le sens voulu par les sénateurs. Je pense, notamment, à la précision relative aux parties intéressées aux conventions définissant les références et les quantités servies aux points de vente pour les titres « hors commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP) », et à l'intégration de la prise en compte de la diversité de l'offre de presse s'agissant de l'assortiment des titres CPPAP, des apports qui favorisent le pluralisme de la presse.
Nous avons également souhaité, tous groupes confondus, préciser les éléments figurant dans le cahier des charges auxquels seront soumises les sociétés agréées, en particulier s'agissant de la continuité territoriale, laquelle me paraît essentielle dans le contexte de cette réforme. Ont également été réaffirmés les principes d'indépendance et de pluralisme, ainsi que de protection de l'environnement. Je suis certain que nos collègues sénateurs approuvent ces modifications.
Seuls deux points me paraissent devoir être débattus.
Il nous a paru tout d'abord qu'un avis conforme du maire sur l'implantation des points de vente serait source pour celui-ci de trop lourdes responsabilités. Un avis simple devrait amplement suffire à nourrir la décision de la Commission du réseau. Nous avons donc conservé cet ajout intéressant du Sénat.
S'agissant du schéma territorial publié par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep), lequel doit mentionner les dépositaires centraux, il nous a semblé qu'il fallait revenir à la version du Gouvernement, en indiquant qu'il s'agit là d'un schéma d'orientation. L'Arcep donnera les grandes lignes de l'organisation de la distribution de la presse sur le territoire. Pour autant, j'entends bien l'inquiétude des dépositaires centraux et la nécessité de sécuriser les investissements, souvent lourds, consentis au fil des ans. À cet égard, le compromis sur lequel mon collègue rapporteur pour le Sénat et moi-même avons travaillé me semble équilibré.
Nous pouvons tous être légitimement fiers du chemin parcouru. Rappelons-nous : il y a un an, les positions des uns et des autres - coopératives, éditeurs, distributeurs - semblaient inconciliables et marquées par la plus grande défiance. Aujourd'hui, sans aller jusqu'à dire que chacun a eu précisément ce qu'il souhaitait, on peut considérer que le compromis matérialisé par ce texte ne suscite pas de rejet massif. Mieux, les uns et les autres ont déjà commencé à travailler ensemble. S'il reste de très nombreuses questions à régler, et nous commencerons dans quelques jours à les examiner avec le projet de loi de finances pour 2020, une étape essentielle a été franchie. Je ne reviendrai pas sur les grandes avancées du projet de loi. Il permet de préserver les acquis de la grande loi Bichet de 1947, qui participe de la force et de la spécificité de la presse depuis la Libération. Je note que nos commissions de la culture ont été en mesure d'effectuer dans des délais très contraints, en particulier du fait de la situation de Presstalis, un travail approfondi en liaison avec l'ensemble des groupes politiques et à l'écoute de la profession.
Je salue la qualité du travail du rapporteur de l'Assemblée nationale, Laurent Garcia, avec lequel la réflexion a été très largement convergente et respectueuse des positions de chacun. L'Assemblée nationale a conservé la quasi-totalité des nombreux amendements adoptés à l'initiative de tous les groupes politiques du Sénat. De même, je salue la pertinence des amendements adoptés par l'Assemblée nationale, qui ont considérablement renforcé le texte.
Pour ce qui concerne nos rares divergences, j'ai accepté de revenir sur l'avis conforme du maire pour l'implantation d'un distributeur de presse, que nous avions adopté au Sénat. À la réflexion, l'avis simple, résultant d'un amendement que la commission avait adopté à mon initiative, paraît suffisant et évite de placer le maire dans une position délicate.
Nous sommes parvenus, avec Laurent Garcia, à trouver un accord d'ensemble sur le texte. Nous ne vous proposerons donc que deux modifications, la première rédactionnelle, l'autre résultant d'un compromis que nous croyons équilibré sur les dépositaires centraux. En conséquence, je crois que notre commission mixte paritaire peut être assez facilement conclusive, ce qui permettra à cette loi importante d'être rapidement promulguée et d'offrir enfin aux différents acteurs un cadre clair et unifié pour plusieurs années.
Nous sommes certes parvenus à un consensus, mais les problèmes demeurent. Le groupe socialiste et républicain s'est abstenu en première lecture. Nous touchons à une loi historique très importante qui a permis de construire la démocratie de ces soixante-dix dernières années et d'ancrer la liberté d'expression dans tous les territoires, même les plus reculés. Il était compliqué de maintenir les mêmes outils avec la révolution numérique. Cette réforme était d'autant plus nécessaire que la situation n'était plus tenable : les donneurs d'ordres étaient eux-mêmes les clients, ce qui a entraîné des contestations et un manque de crédibilité.
Premièrement, cette loi arrive trop tôt ou trop tard. Presstalis venait de lancer un plan de redressement, avec une présidente très volontariste, et commençait à reconquérir les clients, voire à engager des plans de développement. Or l'annonce de la loi, avec l'ouverture à la concurrence, a eu pour effet immédiat de briser cet élan. Le départ de cette présidente est un aveu.
Deuxièmement, je continue à contester le fait de confier à l'Arcep, une instance de régulation économique, un secteur qui est bien plus qu'économique. Or, quelles que soient les contingences économiques, la loi avait pour mission de faire en sorte que la liberté d'opinion, la liberté d'expression, puisse exister au travers du pluralisme de la distribution de la presse. L'Arcep n'est pas le bon régulateur. Toutefois, je le reconnais, le travail réalisé par le Sénat, confirmé par l'Assemblée nationale, pour encadrer cette régulation a constitué une avancée.
J'ai fait confiance au Gouvernement, qui a promis de réunir un comité interministériel pour examiner les questions liées aux kiosquiers : considérés comme la « dernière roue du carrosse », ils sont pourtant un maillon indispensable en assurant le dernier lien avec le citoyen. L'amendement présenté par le Gouvernement à l'Assemblée nationale me satisfait.
Tout en reconnaissant les améliorations apportées au texte et le travail sérieux réalisé par nos rapporteurs, nous nous abstiendrons. N'y voyez pas là un manque d'engagement, mais nous restons interrogatifs. Si Presstalis dépose le bilan, un séisme s'ensuivra, quelle que soit la loi. Aussi, nous devons rester vigilants.
Article 1er
Notre collègue députée Virginie Duby-Muller a présenté en séance un amendement portant sur la limitation des prises de participation étrangère dans les sociétés agréées de distribution de la presse. Il nous a semblé souhaitable de déplacer cet article pour des raisons de cohérence et d'en revoir la rédaction pour tenir compte à la fois de la disparition de la Communauté européenne au profit de l'Union européenne et de l'Espace économique européen, le fond restant inchangé. À cet effet, nous proposons de rédiger l'article 10-1 comme suit :
« Sous réserve des engagements internationaux de la France comportant soit une clause d'assimilation au national, soit une clause de réciprocité dans le domaine de la presse, une personne physique non ressortissante d'un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ne peut détenir ou acquérir plus de 20 % des droits de vote d'une société agréée de distribution de la presse. »
« Il en est de même des personnes morales établies en dehors du territoire d'un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou contrôlées, au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce, par une personne physique non ressortissante de l'un de ces États ou par une personne morale établie ou ayant son siège social en dehors de l'un de ces mêmes États. »
La proposition de rédaction n° 1 est adoptée.
La seconde modification concerne le seul point susceptible de faire naître une divergence entre nos deux assemblées, à savoir les dépositaires centraux de presse. Le Sénat avait choisi de faire un geste en direction de ces acteurs essentiels de la chaîne de distribution, les seuls à n'avoir jamais bénéficié de l'argent public et qui, au contraire, ont beaucoup investi. L'avis du Conseil d'État relevait, à juste titre, que leur place résultait du fait, et non pas du droit. L'Assemblée nationale est revenue au texte initial. La rédaction de compromis que nous avons élaborée avec Laurent Garcia et qui satisfait la profession constitue une belle avancée.
Au lieu de dire que le schéma d'orientation de la distribution de la presse mentionne les dépositaires centraux de presse, nous vous proposons d'écrire qu'il les prend en compte. Cela n'entre pas en contradiction avec les normes juridiques et constitue un gage important pour ces dépositaires.
La proposition de rédaction n° 2 est adoptée.
L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 2
L'article 2 est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
Article 2 bis
L'article 2 bis est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
Article 3
L'article 3 est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
Article 3 bis
L'article 3 bis est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
Article 4
L'article 4 est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
Article 5
L'article 5 est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
Article 5 bis
L'article 5 bis est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
Article 5 ter
L'article 5 ter est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
Article 5 quater
L'article 5 quater est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
Article 6
L'article 6 est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
Article 7
L'article 7 est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
Article 8
L'article 8 est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
Au terme de cette discussion, qui va conduire à une CMP conclusive, permettez-moi de dire quelques mots.
La loi Bichet était très forte dans notre esprit républicain au regard de la liberté de la presse, de sa diffusion et de son pluralisme. On le sait depuis longtemps, d'une part, cette loi n'était plus adaptée aux modes de diffusion actuels et, d'autre part, elle était juridiquement instable.
Je salue le travail des deux rapporteurs et de nos deux assemblées qui ont, chacune, apporté leurs contributions. L'examen de ce projet de loi s'est très bien déroulé, malgré la procédure accélérée. Il s'agit d'un bon texte. Toutefois, il convient de surveiller la mise en oeuvre de cette loi. Des éléments très fragiles demeurent, au nombre desquels la situation financière de Presstalis, comme cela a été évoqué.
Je précise que ce travail a été précédé d'un véritable travail de fond de part et d'autre depuis deux ans, notamment à l'occasion de l'examen des projets de loi de finances.
Tout à fait. Je rejoins vos propos. Nous avions procédé de notre côté à l'évaluation de la loi de 2015, qui a constitué un travail préparatoire à ce texte.
J'irai aussi dans votre sens, messieurs Assouline et Leleux, la situation n'est effectivement pas réglée aujourd'hui. Une épée de Damoclès continue à planer au-dessus du secteur de la presse. Toutefois, nous pouvons nous réjouir de l'adoption de la loi tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse - je salue à cet égard le travail de David Assouline -, ainsi que des futures dispositions relatives à la prochaine loi sur l'audiovisuel. J'entends vos réserves, mais, depuis deux ans, nous avons vraiment bien travaillé ; nous soutenons la presse, qui est la garantie de notre démocratie.
Notre prochain rendez-vous sera effectivement le projet de loi sur l'audiovisuel.
En conclusion, je veux souligner qu'il nous faudra continuer à travailler sur la question de la distribution de la presse numérique. Les algorithmes sont opaques ; tel contenu sera surexposé plutôt que tel autre. On parle beaucoup d'un troisième statut des plateformes. L'Assemblée nationale et le Sénat doivent poursuivre leur réflexion sur ce point.
La commission mixte paritaire adopte l'ensemble des dispositions du projet de loi restant en discussion dans la rédaction issue de ses travaux.
La réunion est close à 18 h 25