Nous examinons le rapport pour avis de Jean Sol sur deux propositions de loi relatives à l'irresponsabilité pénale et aux conditions de l'expertise en matière pénale.
Au mois de mars, notre commission a adopté, conjointement avec la commission des lois, un rapport sur l'expertise psychiatrique et psychologique. Ce rapport et les vingt préconisations formulées avec Jean-Yves Roux étaient le fruit de plus d'un an de travail sur la mission peu connue des experts psychiatres ou psychologues, entre justice et santé.
J'avais alors insisté sur les conditions de réalisation des expertises et les modalités d'exercice des experts, en soulignant un manque criant de moyens.
La proposition de loi relative aux causes de l'irresponsabilité pénale et aux conditions de réalisation de l'expertise en matière pénale, reprend les recommandations d'ordre législatif de ce rapport.
Elle sera discutée mardi 25 mai prochain en séance publique, conjointement avec la proposition de loi tendant à revoir les conditions d'application de l'article 122-1 du code pénal sur la responsabilité pénale des auteurs de crimes et délits, déposée en 2020, par notre collègue Nathalie Goulet, également rapporteur pour la commission des lois.
Ces deux propositions de loi ont également été pensées en réaction à certaines affaires tragiques, et je pense ici à l'assassinat de Sarah Halimi et à l'émotion que cet acte antisémite a suscitée dans tout notre pays. La décision de la Cour de cassation sur ce drame a nourri les auditions que nous avons menées avec ma collègue.
La proposition de loi dont je suis l'auteur comporte neuf articles relatifs à l'expertise pénale. Cinq concernent l'expertise présentencielle et visent à concentrer l'expertise sur les seules causes d'irresponsabilité ou d'atténuation de la responsabilité pénale (article 2) ; prévoir un délai maximal de deux mois après l'incarcération pour la réalisation de la première expertise, mesure qui était demandée par de nombreuses personnes que nous avons auditionnées (article 3) ; préciser l'exclusion de l'expertise psychiatrique de l'examen clinique de garde à vue (article 4) ; mettre le dossier médical à disposition de l'expert (article 5) ; mieux encadrer la possibilité pour les parties de solliciter une contre-expertise (article 6).
En matière post-sentencielle, trois articles prévoient la communication systématique par le juge d'application des peines des résultats des expertises aux experts chargés de l'examen des détenus et aux conseillers des services pénitentiaires d'insertion et de probation (article 7) ; une meilleure répartition des missions entre l'équipe chargée de l'évaluation pluridisciplinaire de dangerosité et l'expert post-sentenciel (article 8) ; la possibilité pour l'expert psychiatre post-sentenciel d'assurer les fonctions de médecin coordonnateur du détenu lors de sa sortie d'incarcération (article 9).
Le dernier article, article 10, prévoit lui une déclaration d'intérêts obligatoire pour les experts.
Sur ces articles, je vous propose trois amendements, élaborés en lien avec la commission des lois. Le premier, à l'article 4, préserve l'obligation légale d'expertise psychiatrique dans le cas des infractions sexuelles. Le second vise à prévoir à l'article 5 une transmission obligatoire du dossier médical sans passer par le juge. Le dernier, à l'article 10, renforce les obligations déontologiques en inscrivant un devoir de réserve sur les affaires en cours.
Enfin, l'article unique de la proposition de loi de Mme Goulet et l'article 1er de la proposition de loi dont je suis l'auteur visaient à modifier l'article 122-1 du code pénal, selon des modalités différentes.
L'article 122-1 du code pénal pose le principe d'irresponsabilité pénale en cas d'abolition du discernement au moment des faits en raison d'un trouble psychique ou neuropsychique. Il prévoit en outre le cas d'une altération du discernement.
Mme Goulet souhaitait lever l'application des dispositions de cet article en cas de faute de l'auteur. Je souhaitais, pour ma part, inscrire que l'abolition du discernement ne pouvait être issue que d'un état pathologique ou d'une exposition contrainte aux effets d'une substance psychoactive. J'insiste sur le mot « contrainte ».
La commission des lois jugera de la formule la plus opportune à retenir ou de la pertinence d'une autre solution juridique. Je considère que ce débat doit avoir lieu.
Cependant, je tiens également, en tant que rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires sociales, à souligner deux principes fondamentaux en matière de justice, concernant l'état de la personne jugée. Car c'est bien de l'état de la personne, mental en l'occurrence, dont nous parlons.
Le principe d'irresponsabilité pénale doit être regardé comme un principe fondamental de notre droit pénal et s'inscrit dans la tradition humaniste de notre pays et le principe selon lequel « on ne juge pas les fous ».
Enfin, je rappelle que le droit à un procès équitable est un droit garanti par la Convention européenne des droits de l'homme et que nous devons toujours avoir à l'esprit que ne doivent être amenées à comparaître et à être jugées que des personnes en capacité de l'être au regard de leur état médical.
Voici, en quelques mots, l'éclairage que je souhaitais apporter devant notre commission. Je vous propose en conséquence d'adopter les trois amendements présentés aux articles 4, 5 et 10.
Le 14 avril 1998 à Montrabé, en Haute-Garonne, un homme est entré dans un salon de coiffure et a assassiné la coiffeuse et son apprentie. Cet individu a été déclaré pénalement irresponsable. Depuis, le père de la victime, M. Christian Stawoski, se bat pour modifier l'article 122-1. L'avez-vous auditionné ? Pensez-vous que cet article sera modifié ?
Vous avez dit que vous souhaitiez, pour votre part, « inscrire que l'abolition du discernement ne pouvait être issue que d'un état pathologique ou d'une exposition contrainte aux effets d'une substance psychoactive », et, également, qu'il ne fallait pas juger les fous. Faut-il comprendre que l'abus de substances psychoactives ne rend pas fou ?
Nous avons bien auditionné M. Christian Stawoski. La question de savoir s'il faut ou non modifier l'article 122.1 est, en effet, au coeur du débat. Les magistrats que nous avons auditionnés ne sont pas favorables à une évolution de sa rédaction. La commission des lois se prononcera.
Les juges ont-ils la possibilité de juger l'acte sans juger l'acteur, ou bien se prononcent-ils d'abord sur la responsabilité de l'acteur ? Dans ce cas, si l'acteur est déclaré irresponsable, l'acte est-il jugé ?
Le Gouvernement déposera sans doute un projet de loi sur ce sujet, mais il ne semble pas encore prêt. Il est choquant qu'un acte antisémite avéré, comme l'assassinat de Sarah Halimi, puisse se conclure par le constat d'une irresponsabilité pénale de son auteur. Un consommateur de substances psychoactives ne pourrait dès lors plus être déclaré responsable au titre de l'article 122-1 du code pénal.
Toutefois, en santé publique, on considère que les alcooliques et les toxicomanes sont avant tout des malades. Si je comprends bien votre réflexion, un consommateur régulier de substances psychoactives qui développerait, de ce fait, une psychose cannabique serait responsable de la survenue de cette psychose, car il aurait consommé délibérément ces substances. Comment concilier cette position avec les préoccupations de santé publique ? Quid des personnes qui ont développé une addiction aux opioïdes ? Les toxicomanes sont-ils responsables de ce qu'ils consomment ?
Je crois enfin que nous devrions nous interroger sur les conditions de sortie de l'internement psychiatrique des personnes qui ont été déclarées pénalement irresponsables. Il y a là un angle mort. Dispose-t-on de statistiques sur le temps qu'elles passent en hôpital psychiatrique ? Comment leur sortie s'effectue-t-elle ? Selon quelles modalités ?
Monsieur Lévrier, ma proposition, à l'article 1er, visait à distinguer l'exposition volontaire de l'exposition contrainte aux substances psychoactives et de l'état pathologique. Il s'agit ainsi de modifier l'article 122-1 du code pénal, mais les magistrats semblent considérer que la modification de sa rédaction ne changerait guère les choses. Je n'en suis pas totalement convaincu.
Monsieur Milon, la réforme de 2008 a ouvert une nouvelle possibilité dans le cadre de la déclaration d'irresponsabilité : dans certains cas, la chambre de l'instruction statue au cours d'une audience publique et contradictoire. La justice peut reconnaître qu'il existe des charges suffisantes d'avoir commis les faits reprochés à l'encontre de la personne reconnue pénalement irresponsable. Il s'agit d'une reconnaissance des faits commis en l'absence d'une condamnation pénale. Des mesures de sûreté peuvent aussi être décidées.
Nous avons demandé au garde des sceaux des statistiques sur les internements psychiatriques, mais nous ne les avons pas encore reçues.
Je partage votre analyse sur les conduites addictives et la difficulté d'apprécier si les personnes sont, ou non, dans un état pathologique. Avec Mme Goulet, nous avons abordé, dans nos auditions, la question des circonstances aggravantes, avec l'idée de les préciser et de les intégrer dans le texte.
Mme Goulet prépare des amendements. Il est difficile d'identifier les causes des maladies mentales. Un malade qui cesse de prendre son traitement psychiatrique verra-t-il sa responsabilité engagée ?
Ces questions sont fort complexes. Il n'est pas toujours aisé de faire la distinction entre ce qui relève d'addictions, de pathologies, etc. Nous ne devons pas légiférer en nous fondant uniquement sur l'affaire Halimi si l'on veut que notre travail soit durable.
Mme Goulet proposera un amendement en commission des lois pour rédiger ainsi l'article unique de la proposition de loi tendant à revoir les conditions d'application de l'article 122-1 du code pénal sur la responsabilité pénale des auteurs de crimes et délits : « Lorsque le juge d'instruction, au moment du règlement de son information, estime que l'abolition temporaire du discernement de la personne mise en examen résulte, au moins partiellement, de son fait fautif, il renvoie devant la juridiction de jugement compétente qui statuera sur l'application de l'article 122-1 du code pénal et éventuellement sur la culpabilité. » C'est un compromis entre ce que souhaitaient les magistrats et l'idée des auteurs de la proposition de loi. Le garde des sceaux avait annoncé une loi, mais on ne sait pas où il en est.
Merci à notre rapporteur pour sa clarté, la psychiatrie est un sujet complexe. Vous avez fait part des réserves des juges face à toute modification. En tant que parlementaire, j'ai le sentiment que les juges sont toujours réticents à ce que l'on empiète sur leur pouvoir. Mais si la loi est mal interprétée, c'est qu'elle est mal faite ! Dans l'affaire Halimi, la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence spectaculaire. Je comprends que les juges souhaitent conserver leur liberté, mais cela ne doit pas empêcher le législateur d'intervenir !
L'article 122-1 du code pénal est ancien, et il est bon de le maintenir. En revanche, le renvoi devant une juridiction de jugement lorsque le juge d'instruction estime que l'abolition temporaire du discernement de la personne résulte, au moins partiellement, de son fait fautif me semble une bonne mesure. Nous ne devons pas nous focaliser sur l'affaire Halimi. Les juges de la Cour de cassation ont jugé le droit, pas les faits. Évitons donc les amalgames, même si la presse s'est saisie de l'affaire.
Il faut rappeler la chronologie : notre mission d'information sur l'expertise psychiatrique et psychologique en matière pénale a commencé ses travaux il y a plus d'un an. Arrivés à son terme, nous avons déposé cette proposition de loi, car la question de l'abolition et de l'altération du discernement nous semblait centrale. Il faut aussi se mettre à la place des victimes.
Nous voulons aussi revoir les conditions matérielles dans lesquelles les experts psychiatres travaillent : faible rémunération, effectifs peu nombreux - à peine 350 inscrits auprès de la cour d'appel -, et ils ont du mal à réaliser toutes les expertises demandées, d'autant plus que les juges demandent souvent plusieurs expertises. Notre travail n'avait initialement aucun lien avec l'affaire Halimi, mais la parution de notre rapport a été concomitante avec l'arrêt de la Cour de cassation.
Je ne suis pas convaincu de la nécessité de changer la loi. Le dernier cas qui a posé un problème remonte à l'époque où M. Sarkozy était encore Président de la République. Une loi qui n'occasionne des situations insatisfaisantes que tous les dix ans n'est pas une si mauvaise loi que cela ! Ne ravivons pas non plus un conflit entre le pouvoir législatif et « l'autorité » - et non le pouvoir ! - judiciaire. Cette question a été réglée dans la Constitution de 1958. Le sujet de l'irresponsabilité pénale est complexe. Les facteurs qui entrent en jeu sont nombreux et la loi ne peut tout prévoir. Même si l'affaire Halimi est atroce, ne dévaluons pas la loi pour en faire un outil de communication à la suite de faits divers.
On compte 20 000 affaires classées sans suite, avec des personnes plus ou moins suivies sur le plan médical. Il y a là un vrai enjeu et nous devons trouver des solutions.
EXAMEN DES ARTICLES
Article 4
La nécessité de concentrer l'objet de l'expertise psychiatrique lors de la garde à vue compte tenu de l'état de la personne et des circonstances d'un tel examen était l'une des recommandations portées dans le rapport d'information sur l'expertise psychiatrique et psychologique en matière pénale, que j'ai rédigé avec Jean-Yves Roux au nom des commissions des affaires sociales et des lois.
Une exception semble devoir être faite pour les infractions sexuelles, l'examen psychiatrique étant obligatoirement prévu aux termes de l'article 706-47-1 du code de procédure pénale, celle-ci pouvant être diligentée dès le stade de l'enquête. L'amendement COM-2 vise à intégrer ce cas.
L'amendement COM-2 est adopté.
Article 5
Souhaitant accroître l'information disponible à l'expert mandaté en vue d'évaluer l'état d'une personne, cet article prévoyait d'intégrer le dossier médical aux scellés. La transmission par l'intermédiaire du juge d'instruction des dossiers médicaux est source de complexité et fait l'objet d'un encadrement réglementaire destiné à réserver les droits des médecins et des établissements ayant pris en charge un malade et susceptibles d'être mis en cause. L'amendement COM-3 remplace le dispositif par un mécanisme de transmission des documents de médecin à médecin, sans passage par le juge, lequel pourra toujours recourir à la saisie des documents nécessaires à l'instruction selon les formes prévues par le code de procédure pénale. Cela correspond à une demande des médecins et des experts psychiatres, pour qui récupérer les dossiers médicaux s'apparente souvent à un parcours du combattant.
L'amendement COM-3 est adopté
Article 10
L'amendement COM-4 vise à compléter les obligations déontologiques des experts par un devoir de réserve en prévoyant explicitement qu'aucun expert ne peut s'exprimer sur une affaire en cours. Il s'agit d'éviter les commentaires stériles de toutes natures dans les médias, avant que la justice ne se soit prononcée.
Cela pourrait valoir pour d'autres professions !
L'amendement COM-4 est adopté
Le Gouvernement a déposé le 28 avril 2021 un projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire. Transmis par l'Assemblée nationale mercredi dernier 12 mai, ce texte a été adopté hier par la commission des lois et sera examiné cet après-midi en séance publique.
Dans ces délais d'examen si contraints, il me semblait difficile de vous proposer une saisine pour avis sur ce texte dont l'objet principal en matière sociale était initialement de prolonger des dispositifs existants relatifs au droit du travail et à l'activité partielle.
Cependant, plusieurs points de vigilance sur le droit du travail et deux sujets nouveaux en matière sanitaire nécessitent une attention particulière de notre commission des affaires sociales.
Aussi, après avoir sensibilisé à ces enjeux le rapporteur de la commission des lois, M. Philippe Bas, j'ai déposé quatre amendements au texte transmis par l'Assemblée nationale. La commission des lois, qui s'est réunie hier après-midi, les a tous intégrés à son texte de commission. Je tenais aujourd'hui, d'une part, à vous informer des enjeux pour notre commission du texte discuté et, d'autre part, à vous présenter les amendements que j'ai déposés.
J'évoquerai tout d'abord le droit du travail. L'article 7 habilite le Gouvernement à prendre jusqu'au 30 septembre 2021 des ordonnances permettant d'adapter et de prolonger non seulement l'activité partielle « classique », mais également l'activité réduite pour le maintien en emploi, dite activité partielle de longue durée (APLD).
Le régime de droit commun de l'activité partielle a été élargi puis adapté par ordonnance tout au long de la crise sanitaire, ce qui était nécessaire compte tenu des incertitudes pesant sur l'évolution de l'épidémie et l'activité économique. En revanche, les dispositions relatives à l'APLD, introduites par amendement au Sénat dans la loi du 17 juin 2020, à l'issue d'une séance mouvementée, n'ont pas nécessité d'adaptations depuis.
La demande d'habilitation, justifiée par une concertation en cours, est formulée de manière très large. Or, il ressort de mon entretien du 7 mai dernier avec Mme Borne que la modification apportée au dispositif d'APLD ne serait que ponctuelle et concernerait la possibilité d'individualiser le dispositif.
En tout état de cause, c'est bien l'activité partielle « classique » qu'il faut continuer à adapter dans les mois à venir en vue de revenir progressivement au droit commun, et non l'APLD, qui deviendra attractive pour les entreprises concernées à partir du moment où les conditions d'indemnisation de l'activité partielle seront devenues moins favorables.
Quant à la question d'une éventuelle prolongation du dispositif d'APLD au-delà du 30 juin 2022, j'estime qu'elle devrait être débattue par le Parlement.
Mon amendement supprime donc l'habilitation à adapter par ordonnance le régime d'APLD, afin d'inviter le Gouvernement à présenter un amendement modifiant directement la loi ou demandant une habilitation circonscrite au strict nécessaire. Le Gouvernement avait pris cet engagement voilà un an, mais il ne l'a pas tenu.
Le Gouvernement demande par ailleurs à être habilité à prolonger par ordonnance les droits à l'assurance chômage des intermittents du spectacle. Les demandeurs d'emploi relevant de ce régime peuvent actuellement bénéficier d'une prolongation de leurs droits jusqu'au 31 août 2021. Le Gouvernement ayant annoncé que cette prolongation serait prévue jusqu'au 31 décembre 2021, j'ai déposé un amendement tendant à supprimer l'habilitation et à inscrire directement cette date dans la loi.
J'en viens aux enjeux sanitaires. L'article 1er prévoit la création du « passe sanitaire ».
Les déplacements « à destination ou en provenance du territoire hexagonal, de la Corse ou de l'une des collectivités mentionnées à l'article 72-3 de la Constitution » et l'accès à « certains lieux, établissements ou évènements impliquant de grands rassemblements de personnes pour des activités de loisirs ou des foires ou salons professionnels » pourraient ainsi être subordonnés par le Premier ministre à la présentation d'une des attestations suivantes : le résultat d'un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19 ; un justificatif attestant de l'administration d'un vaccin contre la covid-19 ; un document attestant du rétablissement à la suite d'une contamination par la covid-19.
L'accès aux activités de « la vie courante » ne serait pas conditionné à la présentation de tels justificatifs.
L'acceptabilité par la population de ces restrictions d'accès suppose qu'une option soit possible pour toute personne. La vaccination n'étant à ce jour pas ouverte à tous et n'ayant à ce stade pas vocation à être rendue obligatoire, cette préoccupation est à mon sens levée par le fait de présenter le test négatif comme une condition équivalente.
En outre, il convient de rappeler que la vaccination sera à terme ouverte à tous les adultes au moins, et ce sans critère. Elle est par surcroît prise en charge intégralement par l'assurance maladie, tout comme les tests de dépistage. Il n'y a pas de barrière « économique » à la présentation de l'un des justificatifs.
J'en viens maintenant au dispositif en lui-même. Le texte transmis présentait différentes lacunes opérationnelles et souffrait d'insuffisantes garanties de protection des données de santé, que j'ai souhaité combler en collaboration avec Philippe Bas, rapporteur pour la commission des lois.
Nous avons ainsi précisé le contenu et les modalités de mise en oeuvre du passe sanitaire mais aussi renforcé la protection des données à caractère médical qu'il contient.
Concernant le contenu du passe sanitaire, l'amendement que j'ai déposé apportait une précision rédactionnelle sur la notion d'administration d'un vaccin.
En effet, les schémas vaccinaux peuvent varier selon les types de vaccins, les antécédents de contamination de la personne et son immunité. Par ailleurs, les niveaux de protection varient selon que la vaccination est partielle ou complète. Enfin, l'immunité acquise par la vaccination n'est pas immédiate à l'issue de l'injection et la durée permettant de considérer l'immunité comme suffisante peuvent également varier. La notion de « statut vaccinal » me semble à privilégier.
Aussi, il reviendra au Premier ministre, en l'état des données scientifiques connues, de déterminer pour les restrictions faites aux accès ou déplacements quel statut de vaccination particulier est attendu.
Par ailleurs, l'amendement visait à exiger que soient précisés les éléments permettant d'établir l'un des documents exigés. Cela concerne tant le statut vaccinal - types de vaccins, éventuellement nombre de doses et durée depuis la dernière injection - que les tests - types de tests, durée de validité selon les tests - ou la notion de rétablissement - date de l'infection, éventuellement sérologie.
Concernant la protection des données à caractère médical, l'amendement que j'ai déposé visait à renforcer les exigences de protection de la vie privée. En effet, les documents demandés comportent des informations à caractère personnel avec des indications sur l'état de santé passé ou actuel.
Aussi, les établissements ou services qui auront à appliquer les restrictions d'accès ou de circulation, dont les personnels ne sont pas soumis au secret médical, n'ont pas à connaître de la nature du document qui autorise la personne concernée. Par ailleurs, la finalité du passe sanitaire n'est pas de limiter les circulations ou accès selon l'un ou l'autre des états permettant la production de l'un des documents acceptés.
Ainsi, il est prévu qu'une forme simplifiée soit proposée, limitant les informations accessibles au lecteur aux seules données strictement nécessaires au contrôle. À cet égard également, l'amendement visait en outre à affirmer l'interdiction de conservation, qu'elle soit sous forme de stockage numérique ou sous forme de copie papier, des documents présentés lors des contrôles. Il s'agit de prévenir toute constitution formelle ou informelle par les établissements ou sociétés concernés de ce qui relèverait d'un fichier de données de santé.
Enfin, l'amendement adopté garantit que la preuve de satisfaction à l'un des critères prévus peut toujours se faire sous forme électronique ou papier.
Concernant le format électronique, l'amendement donne une base légale à l'application « TousAntiCovid » sur sa fonctionnalité « Carnet » et prévoit que seules des applications reconnues « sûres » pourront porter les documents demandés. La rédaction proposée vise également à mettre cet article en conformité avec les exigences du règlement européen relatif au « certificat vert ».
Enfin, l'article 5 du projet de loi concerne les données de santé et vise à transférer les données contenues dans les systèmes SI-DEP et Contact Covid au système national des données de santé (SNDS).
Alors que l'épidémie de covid-19 est toujours en cours mais que le retour « au droit commun » s'organise progressivement, il apparaît important de garantir un cadre clair et sécurisant de conservation des données mais aussi d'exploitation future de celles-ci dans le cadre de la recherche scientifique. En effet, les données issues de SI-DEP et de Contact Covid présentent un potentiel particulièrement fort pour la recherche médicale et l'évaluation des politiques de santé publique.
Ainsi, afin de conforter juridiquement la définition des données transférées, le code de la santé publique est modifié à son article L. 1461-1 afin d'inscrire au titre des données du SNDS les données issues de la gestion de l'épidémie de covid-19 et traitées par les systèmes prévus par la loi du 11 mai 2020, à savoir SI-DEP et Contact Covid.
Par ailleurs, afin d'éviter des contradictions éventuelles entre différentes dispositions relatives à la durée de conservation des données, il est prévu de modifier les dispositions relatives à la suppression des données de la loi du 11 mai 2020 pour soumettre ces données de manière claire aux conditions du code de la santé publique.
Enfin, au-delà du seul transfert des données au SNDS, il apparaît nécessaire, au moins à ce stade, de sécuriser plus fortement l'accès à ces données particulières et leurs traitements possibles.
Ainsi, l'article L. 1461-3 du code de la santé publique est modifié pour préciser que l'accès et le traitement des données de ces deux fichiers suivent un protocole soumis aux règles spécifiques de la CNIL et du comité éthique. Par ailleurs, une sécurisation supplémentaire est apportée pour les données issues du fichier Contact qui apparaissent particulièrement sensibles : seuls les organismes publics ou chargés d'une mission de service public, listés après avis de la CNIL, peuvent y avoir accès.
Voilà les enjeux que je souhaitais porter à votre connaissance. Certains trouvent que le passe sanitaire ne va pas assez loin, d'autres qu'il est dangereux. Nous avons cherché à trouver le bon équilibre. Je vous proposerai à la rentrée de constituer une mission d'information sur les données de santé, sujet récurrent qui mérite notre réflexion. Il s'agit là encore de trouver le bon équilibre entre les exigences de la recherche et la protection de ces données.
La réunion est close à 14 h 15.