Commission d'enquête coût économique et financier de la pollution de l'air

Réunion du 21 mai 2015 : 2ème réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Au cours d'une première réunion tenue le matin, La commission poursuit ses auditions dans le cadre de la commission d'enquête sur le coût économique et financier de la pollution de l'air.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Mes chers collègues, nous reprenons aujourd'hui les auditions de notre commission d'enquête sur l'impact économique et financier de la pollution de l'air.

Nous commençons par une table ronde réunissant plusieurs acteurs du monde agricole : M. Antoine Henrion, président de la chambre d'agriculture de la Moselle et responsable du dossier « qualité de l'air » à l'assemblée permanente des chambres d'agriculture (Apca), M. Michel Gagey, médecin national adjoint à la caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA), MM. Éric Thirouin, président et Thierry Coué, vice-président de la commission environnement de la fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), et MM. Jean-François Soussana, directeur scientifique chargé de l'environnement et Antoine Momot, chef de cabinet du président de l'institut national de la recherche agronomique (Inra).

Le monde agricole est parfois pointé du doigt en matière de pollution de l'air, mais il en est aussi victime que ce soit pour les rendements ou, de manière particulièrement dramatique, pour la santé des agriculteurs.

Je vais maintenant, conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, de demander aux personnes auditionnées de prêter serment. Je rappelle qu'un faux témoignage devant notre commission serait passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal.

Les six intervenants prêtent serment

Messieurs, à la suite de vos exposés introductifs, ma collègue Leila Aïchi, rapporteure de la commission d'enquête, vous posera un certain nombre de questions. Puis les membres de la commission d'enquête vous solliciteront à leur tour. Vous avez la parole.

Debut de section - Permalien
Antoine Henrion

L'agriculture est certainement contributrice mais elle est également impactée par la pollution de l'air. Le secteur agricole est un secteur de production -il s'agit de sa première vocation- qui travaille sur des matières vivantes. L'agriculture évolue déjà dans un contexte réglementaire important. Plusieurs directives européennes influencent la pratique de l'agriculture et son effet sur la pollution de l'air. Il existe notamment des réglementations visant les installations agricoles, les bâtiments, les élevages, ou les pratiques agricoles. La directive « nitrates » en est un exemple emblématique. Mais ces réglementations existantes s'empilent et quelque fois se contredisent. Par exemple, vouloir encourager des pratiques alternatives à l'utilisation des pesticides par le travail du sol génère d'autres problèmes pour la qualité de l'air. Il est nécessaire que le législateur agisse donc en cohérence.

Le « fil rouge » de l'agriculture est celui de l'amélioration constante des pratiques agricoles dans un contexte d'équilibre économique qui conjugue la préservation des milieux (sol, eau ou air) et un niveau de production suffisant. La France est un pays de production et d'exportation agricole, qui doit avoir un niveau de résultat économique permettant de garantir un certain niveau de revenu pour l'exploitant et sa famille - le modèle de l'agriculture française, ce sont avant tout des exploitations familiales - ainsi qu'une capacité à réinvestir pour conforter et moderniser les exploitations, les équipements et pour répondre aux enjeux qui se présentent à l'agriculture, en particulier celui de la qualité de l'air.

Même si la qualité de l'air peut apparaitre comme un sujet nouveau, les actions menées par le secteur agricole depuis plusieurs années ont eu un impact sur cette problématique. Nous avons un devoir d'investir davantage dans la compréhension des facteurs de pollution et dans la mesure des émissions de polluants par le secteur agricole. Nous avons également besoin de mener des actions permettant d'établir des références et de conduire des « opérations pilotes » afin d'accompagner la transformation des pratiques agricoles par l'instauration de nouvelles techniques. Cela nécessite d'avoir un ensemble de moyens et d'investir notamment dans la formation des agriculteurs.

Nous sommes attachés à préserver un engagement volontaire de la part des agriculteurs. Rien n'est plus dissuasif pour eux que de se voir imposer des mesures réglementaires arbitraires qui ne tiennent pas compte de la diversité des contextes locaux. Les carcans qui pèsent sur le monde agricole sont suffisamment nombreux et rendent les missions d'accompagnement et de formation réalisées par les chambres d'agriculture difficiles.

Debut de section - Permalien
Michel Gagey

Vous m'avez présenté comme médecin national adjoint à la Mutualité sociale agricole (MSA) ; j'aimerais préciser que je suis essentiellement spécialisé sur l'aspect santé et sécurité au travail.

Il est très difficile pour la MSA d'avoir une vision claire des pathologies liées à la pollution de l'air. En effet, il existe un certain nombre d'éléments qui peuvent compliquer la mesure de l'impact sanitaire de la pollution de l'air : doit-on tenir compte des aspects aigus ou chroniques des pathologies ? Des pathologies d'organe ou systémiques ? De l'aggravation de pathologies existantes du fait de la pollution ? L'absence d'un référentiel commun et partagé sur les pathologies liées à la pollution de l'air pose donc un premier problème.

Par ailleurs, la MSA, comme les autres régimes de protection sociale, a des difficultés à analyser la part des dépenses de santé, liée à des facteurs environnementaux. La MSA a pour vocation première de percevoir des cotisations et d'assurer une redistribution sous forme de prestations. Les analyses qu'elle peut conduire sont des analyses internes portant sur la répartition des prestations ainsi que sur ses adhérents mais celles-ci n'ont pas la capacité de faire un lien entre les dépenses de santé et des facteurs environnementaux comme la pollution. Il est difficile pour nous de produire des analyses permettant de mettre en évidence des évolutions de la répartition de la dépense en fonction de tel ou tel facteur environnemental. Pour cela, il serait nécessaire, soit de mettre en place des outils complexes permettant de mesurer le lien entre, par exemple, les pics de pollution et les dépenses de santé, soit de conduire des études prospectives, de cohorte, comme peuvent le faire les agences sanitaires.

En outre, il existe une difficulté supplémentaire liée au fait que le suivi médical des travailleurs agricoles est très différent selon qu'il s'agisse de travailleurs salariés ou non-salariés. Nous connaissons essentiellement les populations salariées puisqu'un dispositif de suivi médical a été mis en place dès 1966. En revanche, pour les exploitants agricoles, nous n'avons qu'une vision très partielle de la sinistralité et de leur état de santé.

Ceci dit, la MSA, à travers ses propres actions ou dans le cadre de partenariats, s'intéresse à l'environnement professionnel de l'ensemble des travailleurs agricoles. Nous menons un certain nombre d'études portant sur l'environnement professionnel des travailleurs -certaines de ces études ont d'ailleurs mis en évidence la pollution des locaux professionnels par un certain nombre de particules, de gaz ou de vapeurs- ainsi que des études prospectives permettant de mesurer la prévalence augmentée de certaines pathologies liées à la pollution environnementale, et notamment la pollution de l'air, comme les broncho-pneumopathies chroniques obstructives (BPCO) ou les cancers pulmonaires. Ces derniers ont notamment été mis en évidence par l'enquête Agrican sur la santé en milieu agricole. Ces différentes études montrent qu'il existe des mesures d'adaptation et de prévention à développer dans le milieu professionnel agricole. D'autant plus que certaines pollutions sont étroitement liées à l'activité : il est difficile d'élever des animaux ou de faire des productions végétales sans générer un certain nombre de poussières ou d'émanations de gaz et de vapeurs, ou sans utiliser de produits chimiques qui polluent l'environnement professionnel. La MSA s'attache à développer une stratégie de prévention des risques professionnels pour limiter, le plus possible et de la façon la plus efficace possible, les effets adverses de ces pollutions.

Debut de section - Permalien
Éric Thirouin

Étant dans la grande culture, je vais partager mon intervention avec Thierry Coué qui est éleveur afin de répondre au mieux à vos questions. Je souhaite rappeler, comme cela a déjà été dit, que l'agriculture est émettrice de polluants atmosphériques mais qu'elle est également impactée par cette pollution. Il s'agit aussi d'un secteur dépolluant, ce que l'on oublie souvent : l'agriculture et la sylviculture sont les seules activités capables de transformer le dioxyde de carbone en oxygène grâce à la photosynthèse. Ces trois aspects sont donc à prendre en compte.

S'agissant de l'impact de la pollution de l'air sur la santé des agriculteurs, nous sommes conscients depuis longtemps, à la FNSEA, de la nécessité pour les agriculteurs de se protéger, en particulier des inhalations des produits chimiques ou d'autres produits grâce, par exemple, à des équipements de protection individuelle (EPI). Nous diffusons à cette fin un certain nombre de documents d'information.

Concernant l'impact de la pollution de l'air sur les cultures, il existe peu d'études sur le sujet. Les études existantes montrent que l'ozone conduirait à une baisse de rendement des cultures de blé, ce qui coûterait 850 millions d'euros par an. Elles mettent également en avant des effets sur un certain nombre de cultures sensibles à l'ozone comme les cultures de tomates ou de basilic. C'est un sujet qui nous préoccupe. Je souhaiterais que l'on puisse conduire des études plus poussées qu'elles ne le sont aujourd'hui afin de mesurer ces impacts sur la santé des plantes et sur l'économie agricole.

Nous aimerions également que des recherches plus poussées soient menées sur les différentes sources de pollution de l'air, étant donné qu'un certain nombre d'activités, dont l'agriculture, sont pointées du doigt, ainsi que sur l'impact des émissions d'ammoniac, qui concourent à la formation de particules secondaires comme les PM2,5 qui ont des impacts négatifs sur la santé humaine. Je viens d'un département proche de la région parisienne dans lequel il y a deux capteurs en zone urbaine mais un seul en campagne. Il faut chercher à comprendre davantage d'où viennent les émissions afin de pouvoir s'y attaquer de façon efficace. En cas de pic de pollution, des arrêtés sont pris afin d'arrêter le travail du sol. Or, lorsqu'un tel pic se produit, c'est parce qu'il n'y a pas de vent et que les particules urbaines et l'ammoniac se cumulent. Donc en l'absence de vent, les activités qui se font autour ne viennent pas aggraver l'existant.

Les particules inférieures à 2,5 microgrammes (ìg) ont un effet important sur la santé. D'après les études que j'ai pu lire, la part du monde agricole dans les émissions de ces PM2,5 est évaluée à hauteur de 10 %, dont 2 % dus à l'élevage, 1,4 % aux travaux des champs et 6,6 % aux engins agricoles et sylvicoles. S'agissant de ces engins, nous travaillons beaucoup à améliorer les moteurs.

Debut de section - Permalien
Thierry Coué

Nous avons, en élevage, une approche systémique de la question de l'air puisque nous nous intéressons aussi à l'air, comme vecteur de transport de maladies, ou aux particules pouvant avoir un effet sur les capacités pulmonaires des animaux. Toute pollution de l'air impacte aussi l'élevage puisque les animaux y sont également sensibles.

L'Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) conduit des recherches particulières sur la protection des élevages ainsi que sur la qualité de l'air dans les bâtiments et notamment sur les modes de ventilation et d'évacuation de l'air. Nous avons également travaillé sur les odeurs dues aux rejets de l'élevage et donc sur les particules émises dans l'air à cette occasion, ainsi que sur les matériels d'épandage, sur les enfouisseurs, ou encore sur les modes d'épandage permettant d'apporter les effluents au plus proche de la plante et de ses besoins. Aujourd'hui l'électronique permet d'avoir une meilleure maitrise de la circulation de l'air dans les bâtiments et, en matière d'épandage, d'apporter la dose au bon endroit et au bon moment. Nous avons réalisé des investissements sur les dispositifs de centralisation de l'air dans nos bâtiments permettant de rejeter beaucoup moins de polluants dans l'atmosphère. Nous investissons également dans la couverture des fosses et des fumières, ce qui permet de limiter les dégagements.

Par ailleurs, nous travaillons sur l'alimentation des animaux afin qu'ils consomment un régime le plus équilibré possible pour que les rejets et les émanations soient les moindres possible.

L'élevage est soumis à une directive européenne sur les installations classées au document européen « Bref » actuellement en discussion qui liste l'ensemble des meilleures techniques disponibles permettant de réduire l'impact environnemental des élevages et qui contient un volet « air ».

En agriculture, nous travaillons sur l'économie circulaire en essayant de valoriser tous les intrants et les sortants. Nous considérons ainsi les effluents comme des engrais et non comme des déchets. Nous avons également fait beaucoup d'effort sur la filière « bois ». Autrefois, nous avions tendance à bruler le bois issus du taillage de haies car nous n'arrivions pas à le valoriser. Aujourd'hui, des filières permettent de valoriser ce bois, notamment en le broyant pour alimenter des chaudières.

Debut de section - Permalien
Éric Thirouin

Nous vous avons présenté la prise de conscience environnementale qui existe dans le monde agricole et qui a conduit à la mise en place de certains investissements coûteux. Nous nous projetons également dans l'avenir. Par exemple, nous travaillons depuis plusieurs mois sur l'opération « nitrates autrement ». Il existe un certain nombre de directives sur cette question qui s'additionnent pour former une avalanche de réglementations. C'est pourquoi nous conduisons un travail d'expérimentation avec des instituts techniques, des centres de recherche et des chambres d'agriculture, afin d'aborder cette problématique autrement en prenant en compte, non seulement son impact sur l'eau, mais également sur l'air et sur la biodiversité.

Concernant les produits phytosanitaires, il nous semble important de faire en sorte qu'il n'y ait plus de contact entre les agriculteurs et ces produits. À cet égard, nous encourageons les entreprises à standardiser les bidons de produits phytosanitaires de façon à ce que puissent être fixées, sur les bouchons, des sortes de seringues afin qu'il n'y ait plus de transvasement des bidons dans les pulvérisateurs, qui sont une occasion d'émanations pouvant être dangereuses.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Je voudrais tout d'abord indiquer le périmètre de notre propos : nous parlerons principalement de l'ozone, des particules, de l'ammoniac et des oxydes d'azote, soit différents composés qui sont réglementés en termes de surveillance et de plafonds d'émission. Nous parlerons moins de la volatilisation des produits phytosanitaires après épandage bien que nous travaillions également sur ce sujet -nous avons d'ailleurs observé que cette volatilisation est importante et peut atteindre 30 à 40 % des substances actives- car ils ne font habituellement pas partie de la pollution de l'air au sens réglementaire. Nous sommes également attachés, dans le cadre du plan Ecophyto, à toutes les mesures permettant de réduire l'emploi de ces substances et donc de limiter les phénomènes de pollution de l'air par ces composés.

Les composés impliqués dans la pollution de l'air et l'agriculture entretiennent des relations ambivalentes. L'agriculture est impactée par un certain nombre de ces polluants dont l'ozone. Une étude récente met en évidence des dommages annuels pour les cultures de blé atteignant 500 millions d'euros du fait de l'ozone. D'autres études nous renseignent sur les liens entre la pollution de l'air et le changement climatique. Les cultures sont parfois sensibles à d'autres contaminants, à proximité des villes ou des infrastructures de transport, comme les métaux lourds.

S'agissant des émissions issues de l'agriculture, la France est le premier pays européen pour ce qui est des émissions d'ammoniac. Selon les chiffres du Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique (Citepa), en 2014, l'agriculture a contribué à ces émissions à hauteur de 97 %, du fait principalement de l'élevage. L'ammoniac est connu pour intervenir dans la formation de particules secondaires. Toujours selon le Citepa, l'agriculture contribuerait à hauteur de 9 % à 10 % à l'émission des particules de 2,5 ìg, bien que cette contribution soit plus élevée quand on prend en compte l'ensemble de la pollution particulaire. Si nous connaissons assez bien les mécanismes d'émission et de dépôt de l'ammoniac, ceux qui conduisent à l'émission de particules, et notamment des PM2,5, sont moins connus.

Nous avons contribué à des études menées au niveau européen sur les impacts de la pollution de l'air. Concernant l'azote, ces études ont montré que les dommages économiques seraient plus importants par les aspects pollution de l'air que pollution de l'eau.

Nous menons également des études sur l'ammoniac ou les composés organiques volatiles pouvant être émis par les végétaux. Plusieurs expérimentations, observations de longue durée et modélisations, sont menée dans les deux sites de Grignon et de Lusignan afin de mieux comprendre et mesurer ces émissions mais aussi les dépôts, c'est à dire la capacité des agrosystèmes à retenir un certain nombre de ces polluants atmosphériques.

Concernant la recherche de pratiques permettant de réduire ces émissions, nous menons des études sur la réduction des intrants et sur différentes formes de fertilisation, avec des tests d'inhibiteurs de nitrification. Nous avons contribué à une étude qui a permis d'identifier dix mesures pour réduire les émissions d'ammoniac. Il existe également des travaux sur la génétique des animaux d'élevage et les systèmes de nutrition permettant d'augmenter substantiellement l'efficience de l'utilisation de l'azote lors de la nutrition des animaux.

Les moyens mobilisés par l'Inra sur les aspects pollution de l'air correspondent à un montant d'environ 2,5 millions d'euros, avec 34 personnes permanentes, dont 17 chercheurs, dédiés à cette problématique. Depuis 1994, nous avons recruté ou reconverti huit chercheurs et il y a eu au moins six bourses de thèse dans ce domaine. Nous avons 435 000 euros par an de contrats dans ce domaine dont 40 % de financements européens, 20 % de financements de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) et 15 % de l'Agence nationale de la recherche.

Nous avons également une contribution au développement d'analyseurs de polluants, de capteurs rapides pour l'ozone, d'analyseurs d'ammoniac, ainsi que d'outils avancés de recherche en matière de chromatographie ou de spectrométrie de masse. L'activité de l'Inra se traduit par une publication d'environ vingt articles scientifiques par an, ce qui représente environ un quart de la production française (en dix ans, 850 articles scientifiques ont été publiés en moyenne dont 200 par l'Inra). Nous contribuons à des expertises et notamment à l'évaluation de l'azote en Europe qui a permis un chiffrage économique des dommages associés à ce polluant, à des travaux sur l'ammoniac, les particules ou les pesticides. Nous avons également réalisé, à la demande des ministères, une expertise scientifique sur l'azote et l'élevage afin d'appréhender plus globalement les mesures qui pourraient être prises pour agir en la matière.

Nous collaborons avec un ensemble d'instituts, en particulier avec le Citepa, avec l'Anses, et nous participons à des groupes de travail nationaux et internationaux comme l'Unece, dans le cadre de la Convention de Genève sur le transport transfrontière de polluants atmosphériques.

Concernant la prise en compte, par les entreprises privées, de la question de la pollution de l'air dans l'élaboration et la commercialisation de leurs produits, je rappelle qu'il existe peu de réglementations en matière de pollution de l'air, hormis les plafonds d'émission nationaux qui ne sont pas ciblés sur une activité en particulier, même si l'agriculture est directement concernée. Les entreprises qui produisent des engrais ou qui les approvisionnent soutiennent les recherches sur la volatilisation de l'ammoniac et des pesticides.

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Je vais poser des questions dans l'ordre des présentations. Concernant tout d'abord les chambres d'agriculture, je souhaiterais savoir si vous considérez que l'action des producteurs de produits chimiques ou de semences prend suffisamment en compte la question de la pollution de l'air ?

Debut de section - Permalien
Antoine Henrion

Il ne m'appartient pas de juger s'ils font trop ou pas assez. Ce qui m'importe est de veiller à ce que les solutions proposées par les fabricants de produits chimiques ou de semences soient acceptables tant techniquement qu'économiquement par les agriculteurs. Les produits mis à disposition des exploitations agricoles sont soumis à une réglementation. Faut-il faire plus ou moins ? On observe une évolution technique qui permet davantage de qualité. Les nouvelles générations de pesticides ont une « qualité », a priori, meilleure que les anciennes, si je peux utiliser ce terme.

Debut de section - Permalien
Antoine Henrion

Par rapport aux matières actives, on voit une tendance à avoir des origines naturelles plutôt que chimiques. Concernant les engrais, on voit arriver de nouvelles générations d'engrais avec des retardateurs, des formules qui permettent de réduire leur impact sur l'air - mais cela est fortement lié à la qualité des agroéquipements employés. Eric Thirouin a mentionné les nouveaux dispositifs qui permettent aux agriculteurs de ne plus être en contact des produits lors de leur manipulation. Tous ces nouveaux équipements nécessitent des investissements. Les chambres d'agriculture ont un rôle d'expertise économique, de conseil et de formation auprès des agriculteurs. Nous avons formé près de la moitié des agriculteurs dans le cadre du programme « Certiphyto » qui comprend un panel dédié à la sécurité lors de la manipulation de produits. Nous accompagnons les agriculteurs dans le suivi de la performance économique de leur exploitation. Ces actions de conseil et d'accompagnement au quotidien intègrent la question des nouvelles techniques et des nouveaux produits disponibles.

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Selon l'Ademe et le Citepa, l'agriculture était responsable, en 2010, de 48 % des émissions de particules totales. Vous avez mentionné l'expertise économique que vous prodiguez à vos membres, avez-vous évalué le coût économique et financier de cette part de pollution dans l'air ?

Debut de section - Permalien
Antoine Henrion

Face à ce problème nouveau, nous n'avons pas assez de recul...

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Ce n'est pas un problème nouveau ! Que vous ne l'ayez pas intégré dans vos analyses ou dans votre agenda c'est possible, mais on ne peut pas dire que le sujet de la pollution de l'air est un problème nouveau !

Debut de section - Permalien
Antoine Henrion

Non, mais c'est une problématique qui fait l'objet d'évaluations nouvelles et nous avons pour l'instant peu de recul sur les données relatives au coût de la pollution de l'air et à son impact sur les productions. Il est donc nécessaire de conduire un travail de fond afin de mesurer ce coût.

Par contre, nous intégrons les conséquences de la réglementation dans nos pratiques agricoles.

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Mais vous n'intégrez pas le coût que représentent les émissions de polluants par l'agriculture ?

Debut de section - Permalien
Antoine Henrion

Si, nous l'intégrons.

Debut de section - Permalien
Antoine Henrion

Je ne dispose pas des chiffres précis.

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Alors comment pouvez-vous dire que vous l'intégrez ?

Debut de section - Permalien
Antoine Henrion

Nous l'intégrons lorsque nous nous conformons aux réglementations, comme par exemple la directive « nitrates », lorsque nous développons une approche agronomique visant à favoriser les rotations de cultures ou lorsque nous encourageons la plantation de légumineuses, des plantes fixatrices d'azote, sur les exploitations, afin de réduire l'utilisation d'engrais azotés. Toutes ces démarches intègrent la question de la pollution de l'air. En revanche, nous ne disposons pas d'un indicateur économique nous permettant de mesurer la pollution effectivement réduite.

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Ma question était simple, il n'y avait pas de piège. Si vous ne connaissez pas le coût associé à la pollution de l'air, nous l'acterons. Vous prenez simplement en compte ce qui fait l'objet d'une réglementation, ce qui implique que vous n'intégrez que partiellement la pollution existante puisque nous savons, à l'issue des auditions que nous avons menées, que la règlementation ne porte que sur un faible nombre de polluants. Par exemple, dans son étude, l'Anses n'a retenu que six polluants pour évaluer l'impact sanitaire de la pollution de l'air intérieur.

Debut de section - Permalien
Antoine Henrion

La question que nous nous posons au regard des différentes études menées sur les polluants atmosphériques et des partenariats que les chambres d'agriculture développent avec le réseau Atmo France, c'est de savoir quelle est la part de l'agriculture dans l'émission des polluants par rapports à d'autres secteurs d'activité, et d'où viennent précisément ces émissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Je peux répondre à cette question. Il ressort des différentes auditions que nous avons menées que la pollution atmosphérique est issue pour un tiers des transports, pour un tiers du chauffage résidentiel et pour le tiers restant des pratiques agricoles. Dans l'Avesnois, une région très agricole, les derniers pics de pollution ont été beaucoup plus importants qu'à Paris. On voit bien que dans certains territoires, la pollution atmosphérique est davantage imputable à l'agriculture qu'à d'autres secteurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Ceci vaut pour les pollutions atmosphériques de printemps. Lors des pollutions estivales, les mélanges de polluants ne sont pas les mêmes.

Je souhaiterais savoir quel lien vous avez avec le réseau Atmo France et les Associations agréées pour la surveillance de la qualité de l'air (AASQA), en particulier au niveau des chambres d'agriculture. J'en profite d'ailleurs, puisque vous avez produit en 2012, dans le cadre du plan particule, un document de grande qualité intitulé « Émissions agricoles de particules dans l'air. État des lieux et leviers d'action », pour vous demander si vous avez réalisé une actualisation de ces travaux ? De quelle manière appréhendez-vous l'impact de la pollution de l'air sur la santé des agriculteurs et sur celle de leurs personnels ? Souscrivez-vous au principe pollueur-payeur ? Les nouvelles pratiques ou techniques agricoles permettent-elles de réduire la pollution de l'air sans porter atteinte à la rentabilité des exploitations agricoles. De manière générale, comment réduire la pollution de l'air sans nuire à la rentabilité ?

Debut de section - Permalien
Antoine Henrion

Nous avons des partenariats étroits avec le réseau Atmo France et les AASQA. Ce qui nous importe, c'est le recueil de données fiables, dans la durée. Il me semble qu'il y a encore beaucoup de chemin à faire, bien que je reconnaisse la fiabilité scientifique des mesures visant à identifier les sources de pollution.

Concernant les nouvelles technologies, les chambres d'agriculture sont présentes pour accompagner les agriculteurs dans leurs choix. L'agriculture de précision contribue à réduire la consommation des intrants et par conséquent les niveaux de pollution. Ainsi, les technologies informatiques embarquées permettent aux agriculteurs de rendre leurs pratiques plus efficientes, mais la question se pose de la capacité des agriculteurs à investir dans ces nouvelles technologies qui représentent des enjeux financiers importants.

S'agissant du principe pollueur-payeur, j'aimerais faire un aparté pour souligner que lorsque l'on construit une infrastructure routière, on consomme souvent du foncier agricole et, de surcroît, la pollution automobile générée sur ces voies de transport a un impact sur la production agricole. Au-delà du principe pollueur-payeur et plutôt que de taxer, ce qui est le plus important, c'est d'avoir des dispositifs permettant aux agriculteurs de diminuer leurs émissions de polluants. En cas de taxe, il faut au moins que le produit serve intégralement à améliorer les pratiques agricoles et à investir dans les technologies permettant une diminution de la pollution de l'air.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Cela va dans le sens de notre démarche qui consiste, au-delà de la mesure du coût économique et financier de la pollution de l'air, à identifier les solutions pouvant être mises en oeuvre afin de réduire cette pollution.

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

J'aurais une question pour les représentants de la Mutualité sociale agricole : avez-vous pu analyser les dépenses de santé liées aux pathologies imputables à la pollution de l'air ?

Debut de section - Permalien
Michel Gagey

Ceci est difficile, car si nos bases de données gèrent un certain nombre d'informations relatives aux prestations remboursées et à nos adhérents, nous n'avons, en revanche, pas la possibilité de croiser ces informations avec les pathologies que l'on peut inférer à la pollution de l'air. Par exemple, s'agissant de la consommation de médicaments liée à des pathologies pulmonaires, nous pouvons mesurer les évolutions de cette consommation mais nous sommes dans l'incapacité d'établir un lien avec des événements de pollution externe, comme la pollution atmosphérique, ou interne, comme la consommation de tabac. Ceci nécessite de conduire des travaux spécifiques dans lesquels la MSA ne s'est pas encore engagée. Une idée pourrait être de réaliser des études prospectives, de cohorte, à l'instar d'une étude qui doit démarrer à l'automne prochain afin de croiser les données relatives à l'exposition professionnelle des travailleurs agricoles devenus inactifs avec des données de consommation de soins.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Il est dommage que les organismes de Sécurité sociale soient des « payeurs aveugles ». En tant que responsable du volet « sécurité et santé au travail », j'imagine pourtant que vous devez être mesure d'établir un lien entre les prestations versées et les maladies traitées et leurs causes, en particulier s'agissant des maladies liées à l'activité professionnelle. Un certain nombre d'affections liées à l'exercice de la profession agricole sont reconnues comme maladies professionnelles. Quelle évolution voyez-vous s'agissant de la sinistralité et de la prévalence de ces maladies dans le milieu agricole, dont une part est liée à la qualité de l'air ?

Debut de section - Permalien
Michel Gagey

Nous suivons deux indicateurs relatifs aux expositions professionnelles : les effets aigus de ces expositions en termes d'accidents du travail et les expositions chroniques responsables du développement de maladies professionnelles. Il existe à ce jour, au sein du régime agricole, 58 tableaux de maladies professionnelles parmi lesquelles seul un petit nombre peut être lié à des expositions à des polluants atmosphériques. Ces tableaux sont de mauvais indicateurs de la sinistralité car nous savons, d'une part, qu'ils ne recouvrent pas l'ensemble des pathologies liées au travail, et, d'autre part, qu'il existe une forte sous-déclaration des maladies professionnelles. Lorsque l'on conduit des études permettant de comparer les pathologies effectivement déclarées comme maladies professionnelles auprès des organismes de protection sociale et celles qui, d'après l'avis du médecin du travail, pourraient être prises en charge par ce dispositif, on constate des écarts pouvant varier, selon les pathologies, de un à dix.

Lorsque l'on regarde l'évolution de la sinistralité liée aux maladies professionnelles, les chiffres sont brouillés du fait de l'émergence, depuis 20 à 25 ans, des troubles musculo-squelettiques (TMS) qui viennent masquer les autres maladies professionnelles. Ainsi, les TMS représentent 92 % de l'ensemble des maladies professionnelles au sein du régime agricole.

Indépendamment du fait que ce n'est pas la mission première d'un organisme de protection sociale de rechercher le lien entre les pathologies et les événements environnementaux, nous rencontrons donc des difficultés pour avoir des indicateurs pertinents permettant de mettre en évidence ce lien.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Je peux comprendre la fin de votre propos mais sous une réserve. Si l'on peut comprendre que la MSA ne conduise pas, seule, de tels travaux, il pourrait, en revanche, être utile de conduire une étude sur l'ensemble des régimes de protection sociale en incluant les régimes complémentaires d'assurance maladie.

Debut de section - Permalien
Michel Gagey

Nous sommes d'accord, c'est une démarche inter-régime qui permettrait de faire progresser les connaissances.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Lors de nos auditions, un intervenant nous a fait part d'une étude laissant entendre que les agriculteurs sont en meilleure santé que le reste de la population. Est-ce que cela vous paraît correspondre à la réalité ? Les professions indépendantes et les agriculteurs paraissent statistiquement moins consommateurs de dépenses de santé que les salariés, mais est-ce à dire qu'ils sont en meilleure santé ?

Debut de section - Permalien
Michel Gagey

Je pense que vous faites référence à l'enquête Agrican, à laquelle participe la MSA. Depuis l'exploitation des premières données en 2007, cette étude n'a jamais fait que confirmer des données internationales qui montrent que les populations agricoles connaissent une sous-mortalité par rapport à la population générale. Ceci s'explique en particulier par des différences comportementales avec, par exemple, une consommation de tabac qui est moins importante au sein des populations agricoles ou des régimes alimentaires différents. En revanche, on observe des phénomènes de surmortalité, liés à certaines localisations cancéreuses, notamment concernant les cancers cutanés ou les hémopathies malignes, ainsi que des localisations de cancers peu fréquents, comme le cancer du cerveau, qui nécessitent un certain nombre de travaux pour confirmer le lien avec l'exposition aux pesticides. En 2015, la deuxième partie de l'étude Agrican est parue ; elle confirme l'ensemble de ces données et, en termes d'incidence de cancers, ne montre que deux faits statistiquement significatifs : une augmentation des mélanomes cutanés, liés notamment à l'exposition solaire, et des hémopathies malignes. Au sein de la commission supérieure des maladies professionnelles, un nouveau tableau est en cours de finalisation qui intégrera ces données sur les hémopathies et sur l'exposition aux pesticides.

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Connaissez-vous le nombre de procédures que des agriculteurs ont mené devant les tribunaux à votre encontre afin d'obtenir un dédommagement du fait de leur exposition à des pesticides, ainsi que le coût qu'elles représentent ?

Debut de section - Permalien
Michel Gagey

Dans le cadre de procédures de reconnaissance de pathologies comme maladies professionnelles, il existe des contentieux qui portent sur les décisions médico-administratives de reconnaissance. Il existe un certain nombre de contentieux mais nous ne sommes pas en capacité d'évaluer leur nombre.

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Au moment où nous parlons, savez-vous combien de fois les MSA ont été condamnées suite à de tels contentieux ?

Debut de section - Permalien
Michel Gagey

Je ne suis pas sûr que l'on puisse parler de condamnation. Il s'agit de reconnaissances qui n'ont pas été accordées par les commissions régionales de reconnaissance des maladies professionnelles. Lorsque le plaignant obtient satisfaction, cela n'aboutit pas à une condamnation mais à la reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie.

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Savez-vous s'il y a des procédures pendantes devant les tribunaux des affaires sanitaires et sociales (Tass) et si oui combien ? Connaissez-vous le nombre de personnes qui ont obtenu reconnaissance du caractère professionnel de leur maladie ?

Debut de section - Permalien
Michel Gagey

Je ne peux pas vous dire le nombre de recours pendants devant les Tass mais c'est une information que nous pouvons rechercher et vous communiquer.

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

C'est donc une donnée que vos organismes n'intègrent pas, alors même qu'il peut y avoir un coût en cas de condamnation par les tribunaux ?

Debut de section - Permalien
Michel Gagey

Je n'arrive pas à percevoir le sens de votre question.

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Lorsqu'une procédure donne raison à une victime de la pollution de l'air, cela a un coût pour l'organisme gestionnaire

J'aurais maintenant quelques questions pour la FNSEA. Considérez-vous que les pesticides soient cancérigènes ?

Debut de section - Permalien
Éric Thirouin

Je ne suis ni scientifique ni médecin mais si je me réfère à l'étude Agrican qui vient d'être présentée. On voit qu'il y a deux cancers qui sont plus importants dans les populations agricoles sur les 36 évalués, dont un qui semblerait plutôt dû aux expositions au soleil. C'est une question importante qui nous occupe au sein de la FNSEA. Lorsque l'on regarde les médias, on a l'impression que les pesticides sont automatiquement responsables de cancers ; or, dans les faits, les études montrent que les agriculteurs ont moins de cancers que le reste de la population.

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Quelles sont les actions, conseils et formations mis en oeuvre pour aider vos collègues agriculteurs à se former à d'autres pratiques moins dépendantes des pesticides et des engrais de synthèse ?

Debut de section - Permalien
Éric Thirouin

Je pense, par exemple, au plan Ecophyto qui est en train d'être révisé. Le Grenelle de l'Environnement a mis en place le plan Ecophyto 1. Actuellement est préparé le plan Ecophyto 2, qui inclut un volet « air ». Les actions menées dans ce cadre sont très nombreuses et il va falloir les poursuivre et les amplifier comme, par exemple, la mise en place d'un certificat de produits phytosanitaires, nécessaire pour avoir le droit de les utiliser ; 92 % des agriculteurs détiennent ce certificat aujourd'hui. Plusieurs opérateurs se sont lancés dans le projet des fermes Dephy ; il y en a 1 500 en France, où sont testées un certain nombre de pratiques agricoles utilisant beaucoup moins de produits phytosanitaires. Le plan Ecophyto 2 prévoit d'amplifier ces expérimentations pour faire en sorte qu'elles puissent être communiquées au plus grand nombre.

Plus largement, le ministre Stéphane Le Foll appelle de ses voeux l'agroécologie. La FNSEA souhaite s'engager sur ce thème. Il est évident qu'il nous faut travailler au quotidien pour réduire au maximum l'utilisation de produits phytosanitaires à ce qui est nécessaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Pourquoi préconisez-vous la réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires ?

Debut de section - Permalien
Éric Thirouin

Lorsque je suis malade, si je peux me passer des médicaments et me soigner avec des produits naturels, je le fais. Pour soigner nos cultures et nos animaux c'est la même chose. Si l'on peut trouver des traitements naturels ou développer des cultures résistantes, cela est préférable à l'utilisation des produits phytosanitaires qui ont certes un impact positif sur l'objectif visé de protection des plantes, mais également des impacts négatifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Si je vous pose cette question, c'est parce que les différentes auditions que nous avons pu mener jusqu'ici ont mis en avant qu'un tiers de la pollution de l'air est dû aux pesticides. Vous dites que vous souhaitez aller dans une logique de réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires. De nombreux agriculteurs français ont mis en place des systèmes de production intégrés qui leur permettent de maintenir, voire même d'augmenter leurs productions et leurs revenus, tout en diminuant de manière significative leur utilisation de pesticides de 40 à 50 %. Pourquoi vos organismes ne les aident-t-ils pas et n'agissent-ils pas pour généraliser ces pratiques ?

Debut de section - Permalien
Éric Thirouin

Ce que vous êtes en train de décrire, c'est justement ce que nous développons dans les fermes Dephy que je viens de promouvoir. Ne dites pas que nous sommes contre ces pratiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Je n'ai pas dit que vous étiez contre, j'ai dit que vous ne les encouragiez pas assez.

Debut de section - Permalien
Éric Thirouin

Vous pouvez effectivement juger que nous ne développons pas assez ces pratiques, par rapport à ce que vous affirmez sur le fait qu'un tiers de la pollution de l'air est due aux pesticides...

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Ce n'est pas moi qui l'affirme, ce sont les différents organismes que nous avons auditionnés comme l'Anses ou l'IIASA.

Debut de section - Permalien
Éric Thirouin

Je suis très surpris par ce chiffre. Que l'agriculture ait un rôle dans la pollution atmosphérique, cela est évident mais, à mon sens, ce ne sont pas les pesticides mais l'ammoniac qui est principalement responsable de la pollution de l'air.

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Comment expliquez-vous alors que dans l'Avesnois, une zone agriculture dans laquelle il n'y a pas beaucoup de trafic routier, les récents pics de pollution aient été beaucoup plus importants qu'en Ile-de-France ? Ceci dit, je vous invite à vous reporter aux comptes rendus de nos auditions.

Debut de section - Permalien
Thierry Coué

Ce ne sont pas les chiffres que nous avons. Ce ne sont pas les pesticides qui sont responsables de la pollution de l'air mais une combinaison d'éléments incluant les oxydes d'azote, le méthane et d'autres polluants. Par ailleurs, je souligne que les pesticides sont aussi utilisés en zone urbaine, par exemple dans les jardins et je ne vois donc pas comment l'Anses arrive à distinguer ces usages des utilisations en milieu agricole.

Nous sommes très proactifs sur la diminution de l'utilisation de produits phytosanitaires, ne serait-ce que parce qu'il s'agit d'un coût important pour les exploitants. C'est tout l'objet du travail mené par les chambres d'agriculteurs à travers les expérimentations menées dans le cadre des fermes Dephy ou d'autres initiatives.

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Pouvez-vous, dans ce cas, nous indiquer quels sont vos objectifs en matière de réduction de l'utilisation des pesticides ? Vous avez participé au Grenelle de l'Environnement qui avait fixé comme objectif de réduire l'utilisation des produits phytosanitaires de 50 % d'ici 2018. Or, nous constatons une augmentation de cette utilisation d'environ 8 %. Comment expliquez-vous cela, alors même que vous nous faites part des efforts que vous menez pour diminuer l'utilisation de ces produits ?

Je trouve par ailleurs déplacé que vous incriminiez les phénomènes météorologiques comme étant responsables de la pollution de l'air. S'il y a pollution, c'est bien parce que l'on émet des polluants.

Debut de section - Permalien
Éric Thirouin

L'indicateur qui a été choisi lors du Grenelle, à savoir le nombre de doses utilisées (Nodu), a effectivement montré une augmentation de l'utilisation des produits phytosanitaires de l'ordre de 5 à 8 %. Mais à aucun moment ce nombre de doses n'est apprécié de manière qualitative. Or, dans le cadre du plan Ecophyto 1, les produits phytosanitaires qui sont les plus dangereux pour la santé, en particulier ceux classés CMR 1, ont connu une réduction de 80 %. Quant aux produits classés CMR 2, ils ont connu une réduction d'environ 20 %. Cela veut dire que si l'utilisation des produits phytosanitaires n'a pas baissé en nombre de doses, il y a toute de même eu une amélioration en termes d'impact sur l'environnement. Lorsque l'on regarde de plus près, on voit que les produits classés CMR 1 qui ont été enlevés du marché ont été remplacés par des produits moins dangereux mais également moins efficaces, ce qui a conduit les agriculteurs à les utiliser plus souvent et donc à augmenter le nombre de doses, d'où l'évolution du Nodu observée.

Si l'on compare la consommation des pesticides par hectare cultivé dans l'ensemble des pays européens, la France est passée de la 10e à la 8e place. Mais ayant une surface agricole très importante, la France se retrouve être un des plus grands pays consommateurs de produits phytosanitaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Il me semble que nous ne sommes pas très loin, en termes de consommation, des États-Unis et de la Chine ; or nous n'avons pas la même surface cultivée.

Debut de section - Permalien
Éric Thirouin

Je n'ai pas d'éléments chiffrés sur ce point, en revanche, sur le plan européen, ce que je vous ai dit est exact.

Nous avons pour objectif de réduire l'utilisation des produits phytosanitaires au strict nécessaire, ce qui passe par un changement des pratiques et une meilleure formation des agriculteurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Quels sont les objectifs précis que vous vous êtes fixés afin de réduire cette utilisation ?

Debut de section - Permalien
Éric Thirouin

Dans le cadre du plan Ecophyto 2, nous avons demandé au Gouvernement un objectif de réduction de 10 % d'ici cinq ans, ce qui nous paraît ambitieux. Ce qui nous semble important, c'est de s'engager fortement sur la réduction des produits les plus « impactants ».

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Les données chiffrées que nous avons n'accréditent pas ce que vous êtes en train de dire.

Debut de section - Permalien
Éric Thirouin

S'agissant de votre remarque sur les phénomènes météorologiques, il y a bien évidemment des émissions de polluants qu'il faut prendre en compte. Ce que je voulais dire, c'est que les pics de pollution sont associés à une absence de vent qui provoque une accumulation de polluants.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Les mesures que prennent les AASQA, en continu, sont incontestables mais les sources d'émission sont diverses. Vous associez-vous à la proposition de conduire des études afin de mieux mesurer les sources d'émission et leurs impacts, de manière à ce que la profession agricole puisse prendre sa part dans la réduction de la pollution atmosphérique ?

Par ailleurs, certains auditionnés nous ont dit que la contrainte législative ou réglementaire était l'outil à privilégier dans la lutte contre la pollution de l'air. Pensez-vous que c'est par la réglementation et par la fixation d'un cadre coercitif que l'on progresse ?

Debut de section - Permalien
Thierry Coué

Nous souhaitons évidemment que la recherche progresse. Il est nécessaire d'avoir une approche intégrée considérant les aspects « air », « eau », et « sol ». Des progrès ont été faits grâce notamment aux travaux de l'Inra ou de l'institut de l'élevage. Par exemple, beaucoup de recherches ont été conduites sur la valorisation des effluents. De même, des efforts financiers importants ont été réalisés par les exploitants dans le cadre du programme d'action associé à la directive « nitrates » avec un investissement d'environ 53 000 euros par exploitation. Nous menons également des actions relatives à la couverture des fosses. Mais toutes ces solutions sont très onéreuses et lentes à se mettre en place.

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Pouvez-vous nous indiquer s'il existe des produits phytosanitaires qui sont importés illégalement par des filières parallèles ?

Debut de section - Permalien
Éric Thirouin

Je n'ai pas d'informations sur ce sujet. J'imagine que cela doit exister et dans ce cas-là il faut absolument sanctionner toute importation illégale.

Debut de section - Permalien
Antoine Henrion

Vous avez abordé la question de la réglementation. Les réglementations sont certes utiles mais peuvent parfois conduire à des impasses techniques et financières. À quoi cela sert-il de fixer des objectifs trop ambitieux de réduction d'intrants pour l'agriculture si les agriculteurs ne sont pas en capacité de les atteindre ? Changer les pratiques agricoles demande du temps et s'inscrit dans des échéances plus longues que les mandats politiques. La politique agricole commune (PAC) prévoit des mesures de soutien des pratiques agroenvironnementales mais il n'y a pas de moyens financiers et les cahiers des charges sont difficilement compréhensibles. Il faut donc que la réglementation soit opérationnelle et réalisable.

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

J'aurais maintenant une question pour les représentants de l'Inra. Vous avez expliqué que vous réalisez des études ciblées sur la pollution de l'air au sens réglementaire. Pouvez-vous préciser ce que vous entendez par cela ainsi que les polluants que vous étudiez précisément ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Compte tenu de l'étendue du sujet de la pollution de l'air, j'ai centré mon propos sur les polluants qui sont réglementés en termes de plafonds nationaux d'émission comme, par exemple, l'ammoniac, l'azote, les particules ou l'ozone. Concernant les pesticides, il n'existe actuellement pas de plafond national d'émission et, à ce titre, certains acteurs ne les considèrent pas comme étant des éléments de la pollution de l'air.

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

J'ai l'impression que nous sommes un peu face à la quadrature du cercle : si vos recherches ne se concentrent que sur les polluants réglementés, les analyses demeurent les mêmes et la question ne progresse pas. Travaillez-vous sur d'autres polluants qui vous semblent pertinents à analyser ? Vous avez indiqué que l'Inra avait réalisé 250 études ces dix dernières années...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Bien évidemment, nous conduisons des recherches sur l'ensemble des phénomènes de pollution, associés à l'agriculture. Les 250 études publiées par l'Inra ces dix dernières années représentent des travaux qui concernent les émissions soumises à des plafonds réglementaires.

S'agissant des pesticides, il existe un plan national de recherche sur les aspects santé et environnement, porté par plusieurs alliances de recherche comme l'Alliance nationale de recherche pour l'environnement (AllEnvi) et l'Alliance pour les sciences de la vie et de la santé (Aviesan). Nous contribuons au développement de ce plan, à la compréhension de l'articulation des impacts sur l'environnement et les écosystèmes, d'une part, ce que l'on appelle l'éco-toxicologie et sur la santé, d'autre part, c'est-à-dire la toxicologique. Les compétences sont partagées, en toxicologie ce sont principalement l'Institut national de la recherche et de la santé médicale (Inserm) et l'Anses qui sont compétentes, tandis que l'Inra intervient sur les aspects relatifs à l'agriculture et à l'alimentation. Sur les huit méta-programmes que nous menons à l'Inra, un est dédié à la réduction de l'usage des produits phytosanitaires dans l'agriculture et un autre à la réduction de l'usage des produits vétérinaires dans l'élevage. Nous conduisons également des recherches afin de trouver des méthodes de régulation biologique permettant de réduire l'usage des intrants.

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Travaillez-vous sur les « effets cocktails » des différents polluants ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Nous avons une unité mixte de recherche à Toulouse qui mène des travaux en lien avec des équipes de l'Inserm et de l'Anses afin de mesurer les effets cocktails des polluants et qui nous permet d'avancer dans la compréhension de ces effets. De même, nous essayons de comprendre, parmi les molécules qui sont utilisées en agriculture, lesquelles ont potentiellement une fonction de perturbateur endocrinien.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Vous êtes la première personne auditionnée à avoir une réponse aussi claire sur les effets cocktails.

Vous nous avez dit que les polluants liés aux épandages de produits phytosanitaires n'étaient pas soumis à un plafond d'émission, savez-vous pourquoi ?

Par ailleurs, s'agissant des travaux visant à réduire l'utilisation d'azote dans l'alimentation animale, vous nous avez indiqué que les résultats n'étaient pas à la hauteur, pouvez-vous nous dire pourquoi ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Sur votre première question, s'il n'existe pas de plafonds d'émission des produits phytosanitaires, il existe en revanche des recherches visant à quantifier les émissions et transferts atmosphériques et les dépôts d'un certain nombre de pesticides. Ces travaux sont compliqués compte tenu de la grande variété de substances qui sont émises et qui peuvent être transportées.

Concernant votre deuxième question, nous avons contribué à une étude de l'Ademe qui a évalué le coût et le bénéfice associés aux dix mesures proposées pour réduire les émissions d'ammoniac par l'agriculture. Les résultats de cette étude montrent que les mesures qui concernent les bâtiments sont les plus coûteuses, alors que celles qui concernent l'épandage ont un coût modéré et un potentiel de réduction important. Par ailleurs, une meilleure efficacité dans l'alimentation des animaux d'élevage permet de diminuer les émissions d'ammoniac.

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Je vous remercie de votre présence, mais j'aimerais vous manifester une certaine déception de ma part car les premières victimes de ces pollutions agricoles ce sont les agriculteurs eux-mêmes et j'attendais davantage de la part des organisations qui les représentent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Mes chers collègues, nous procédons à l'audition de M. Xavier Susterac, président de BASF France.

Je vais maintenant, conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, demander à M. Xavier Susterac de prêter serment.

Je rappelle pour la forme qu'un faux témoignage devant notre commission serait passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal.

Monsieur Xavier Susterac, prêtez serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, levez la main droite et dites : « Je le jure. »

M. Xavier Susterac prête serment.

Debut de section - Permalien
Xavier Susterac, président de BASF France

Depuis décembre 2014, j'assume la présidence de BASF France après avoir passé plus de vingt ans en Allemagne. Plus particulièrement, j'ai exercé des fonctions dans la spécialité qu'est la catalyse automobile chez BASF à Hanovre. La problématique de la pollution de l'air, à laquelle j'ai consacré au moins quatre ans de ma vie professionnelle, est un sujet qui me tient particulièrement à coeur.

Notre société, dont le siège est à Levallois-Perret, emploie 3.000 personnes réparties sur quatorze sites en France. Elle génère un chiffre d'affaires de deux milliards d'euros. Parmi ces sites, deux se trouvent d'ailleurs en Meurthe-et-Moselle et en Seine Maritime.

Dans le rapport de 2011 de l'agence européenne de l'environnement, sont recensés 622 sites qui contribuent à la pollution atmosphérique. J'évoquerai, à cet égard, les deux sites BASF d'Anvers et de Ludwigshafen, respectivement classés 152ème et 50ème sur cette liste ; ceux-ci n'étant d'ailleurs pas placés sous ma responsabilité. Nous disposons également d'un rapport mentionnant l'ensemble des données sociales et environnementales que notre société a diffusé sur ces deux sites. Un rapide calcul fait ainsi état de 9,2 millions de tonnes de CO2 diffusés, soit 0,6 % du total des émissions de ces 622 sites. Environ 80 % proviennent du secteur de l'énergie ; les émissions en provenance des activités du secteur de la chimie étant bien inférieures à ce chiffre.

J'évoquerai à présent le concept de « site Verbund», qu'on peut traduire en français par économie circulaire, pour qualifier ces deux sites. Il faut avoir conscience par exemple qu'un site comme celui de Ludwigshafen rassemble à lui seul quelque deux cent usines pour 35.000 employés, ainsi que celui d'Anvers qui réunit cinquante usines pour 3.000 employés. Ce sont ainsi des sites consolidés qui accueillent toute la chaîne de fabrication, depuis la création de la matière première jusqu'aux applications les plus sophistiquées.

Les émissions de gaz toxiques et polluants représentent un très grand sujet pour BASF qui a fait du développement durable le fer de lance de sa stratégie. D'ailleurs, alors que le groupe fête son 150ème anniversaire, le changement de logo et de devise, qui est désormais de « créer de la chimie pour un avenir durable » s'inscrit en ce sens. D'une part, les émissions de monoxyde de carbone, d'oxyde d'azote et d'hydrocarbure font l'objet de toute l'attention du groupe qui a prévu de les réduire de 60 % entre 2002 et 2020 ; chiffre déjà atteint par le groupe qui est parvenu à atteindre une réduction globale de 63 % en douze ans.

Il est important pour nous de réduire les émissions de CO2, qui sont le corrélat des processus chimiques, par kilos produits, afin de respecter une échelle de comparaison avec les autres sociétés. Ainsi, les émissions de gaz à effet de serre doivent également être réduites de 40 % entre 2002 et 2020, et nous avons d'ores et déjà atteint 34 % en 2015.

L'ensemble des chiffres, qui couvre la totalité des émissions de notre groupe, figure dans notre rapport environnemental de cette année. Cette démarche reflète l'exigence de transparence qui est celle de BASF.

Les usines de type Verbund assurent des économies d'échelles elles-mêmes qui permettent, à leur tour, des économies d'énergie substantielles. D'une part, sur les 6 sites Verbund du groupe, ce sont quelque 3,5 millions de tonnes d'équivalent CO2 de substances rejetées qui sont ainsi évitées, ainsi que l'utilisation de 280.000 camions qui assureraient des transports routiers, si les différents sites qui composent ces usines étaient distincts les uns des autres. D'autre part, l'efficacité énergétique a été augmentée de 19 % en 2014 par rapport à l'année de référence 2002.

En outre, le Groupe BASF a investi 350 millions en 2014 pour la protection de l'environnement et, au niveau des coûts de fonctionnement, 897 millions d'euros ont été consacrés à l'amélioration des infrastructures pour mieux répondre aux exigences de protection de l'environnement.

N'oublions pas, en définitive, que les émissions des deux sites de Ludwigshafen et d'Anvers ne représentent au total que 0,6 % des émissions mesurées au niveau européen et que le Groupe BASF consacre tous les efforts possibles pour poursuivre leur réduction.

Debut de section - Permalien
Philippe Prudhon, directeur technique de l'Union des industries chimiques

L'industrie chimique en France réalise un chiffre d'affaires de 82 milliards d'euros et représente 3.345 entreprises qui emploient 157.000 salariés directs. On estime par ailleurs qu'à chaque salarié direct s'ajoutent trois salariés indirects. Secteur dynamique, l'industrie chimique est le premier exportateur national avec 54 milliards d'euros et un solde positif de plus de 7 milliards d'euros dans les échanges. La partie cadre et technicien représente 68 % des effectifs qui sont, à hauteur de 96 %, sous contrat à durée indéterminée, du fait de la technicité des métiers qui se trouvent dans cette filière.

Les gaz à effet de serre ont été réduits, dans l'industrie chimique, de 50 % par rapport à 1990, ce qui a permis à la France de respecter son engagement souscrit dans le cadre du Protocole de Kyoto. L'industrie chimique représente ainsi 5 % des émissions de gaz à effet de serre en France. Les émissions de CO2 ont été divisées par quatre depuis 1990 et représentent 10 % des émissions nationales. Les composés organiques volatiles (COV) ont été, quant à eux, réduits de 50 % par rapport à 1990 et l'industrie chimique émet 1 % de l'ensemble des particules émises en France ; ces dernières ayant enregistré une baisse de 41 % par rapport à leur niveau de 1990.

De tels résultats ne sont nullement l'effet du hasard mais les effets d'une réglementation stricte et de longs efforts en matière d'innovation. En termes d'investissement, la chimie investit chaque année un peu plus de trois milliards d'euros, sur lesquels 245 millions d'euros sont consacrés spécifiquement à l'environnement, 381 millions d'euros à la sécurité et au risque industriel et 1,46 milliards au maintien à niveau des infrastructures industrielles ; le reste de la capacité d'investissement étant consacré à l'augmentation des capacités ou à la réalisation de nouveaux produits. Force est ainsi de constater qu'avec 245 millions d'euros, la protection de l'environnement constitue un poste important de l'investissement de notre filière.

Je ne suis cependant pas en mesure de préciser la part qui y est allouée aux différents postes, puisque le management de nos sites industriels est intégré. D'ailleurs, la Directive 2010/75/UE relative aux émissions industrielles, dite « IED » adoptée en 2010, transposée depuis lors en droit français, implique la publication de documents dénommés des Brefs, qui font référence aux meilleures technologies disponibles et visent l'ensemble de l'environnement par grands secteurs.

La chimie est l'industrie mère des autres industries puisque celle-ci se trouve très en amont de l'ensemble des autres secteurs quels qu'ils soient, y compris l'industrie pharmaceutique. Nous essayons ainsi d'apporter des réponses aux grands défis climatiques et environnementaux auxquels nous sommes confrontés.

Debut de section - Permalien
Gilbert Emeric, directeur du développement durable de Bayer France

Scientifique de formation, je représente la société Bayer qui est active dans trois domaines, à savoir le domaine de la santé humaine et animale, celle des plantes et les matériaux de haute performance ; ces matériaux présentant des applications au quotidien qui impliquent notamment des consommations énergétiques. La manière dont les productions sont réalisées est à cet égard fondamentale : notre référentiel en matière d'impact environnemental, économique et social part de l'année 2010. L'industrie chimique dans son ensemble, petites sociétés comprises, fait aujourd'hui tout son possible pour accompagner les progrès en matière de réduction des émissions néfastes à l'environnement.

J'espère ainsi être en mesure de vous apporter les compléments d'information que votre commission d'enquête a sollicités, que ce soit pour les sites français ou pour l'ensemble de nos implantations.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Je vous remercie et passe la parole à ma collègue, Mme Leila Aichi, Rapporteur de notre commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Merci de vos présentations. A titre liminaire, je tenais à saluer le président de BASF France qui est venu personnellement répondre à nos questions. Mes questions seront précises : comment envisagez-vous de contribuer à la réduction de la pollution de l'air ? Quels sont les budgets que vous consacrez à la recherche et comment travaillez-vous avec les administrations et les différentes associations qui ont pour fonction l'élaboration des normes et l'amélioration des dispositifs de lutte contre la pollution de l'air ?

Debut de section - Permalien
Xavier Susterac, président de BASF France

S'agissant de la contribution quotidienne de notre groupe à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, notre action s'opère à plusieurs niveaux : par une participation importante dans le secteur de l'énergie éolienne et dans celui de la catalyse qui permet une réduction de la diffusion de l'oxyde d'azote. La réduction du poids des composants dans l'automobile participe à cette dynamique dans laquelle nous sommes également présents. D'ailleurs, l'élaboration de jantes en matière plastique, sur laquelle nous travaillons actuellement et qui se substitueraient à l'acier ou l'aluminium, contribuerait significativement à la réduction du poids des véhicules.

Quel est l'impact de l'ensemble des activités de BASF en matière de réduction d'émissions de CO2 ou d'équivalent CO2 en développant les produits innovants ? Nous sommes parvenus au chiffre de 520 millions de tonnes. Nous ne sommes bien évidemment pas les seuls contributeurs, mais nous estimons que 11 % de ces 520 millions de tonnes seraient attribuables, tout au long de la durée de vie des produits, à BASF. Cette intervention ne génère d'ailleurs pas d'empreinte carbone car les réductions d'émission de nos produits s'avèrent supérieures à celles émises par nos sites de production. Au niveau des investissements, le groupe investit 1,8 milliard d'euros dans la recherche et le développement ; trois cent projets sont en cours et présentent des incidences sur l'environnement.

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Une partie de votre budget de recherche et développement est-elle consacrée à l'évaluation du coût financier et économique de la pollution de l'air qu'engendrent vos activités ?

Debut de section - Permalien
Xavier Susterac, président de BASF France

Cette démarche est très difficile et ne relève pas, à proprement parler, de notre métier.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Pétat, directeur du développement de BASF

Pour compléter ce que vient de rappeler M. Susterac, BASF a développé en interne, depuis de nombreuses années, les outils pour optimiser l'impact de nos produits sur l'environnement. Ceux-ci sont constitués de 69 indicateurs et permettent d'évaluer la pertinence de nos productions et de l'optimiser. Cette démarche, dénommée en interne « See Balance », permet de répondre davantage aux préoccupations environnementales.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Et vous considérez donner suite à un projet à partir du moment où il répond à combien de critères sur les 69 que vous venez d'évoquer ?

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Pétat, directeur du développement de BASF

Ces 69 critères, élaborés en partenariat avec la communauté scientifique, n'ont pas tous la même valeur et tout dépend de l'usage des produits. Cependant, ce sont près de 600 produits qui ont en définitive été évalués de la sorte.

Debut de section - Permalien
Xavier Susterac, président de BASF France

La catalyse automobile fournit ainsi un exemple pertinent de cette démarche. En termes d'émission de différents polluants, un facteur 100 est constaté entre 1974 et un véhicule d'aujourd'hui qui répond aux critères d'Euro-6-c. BASF est l'un des acteurs essentiels du marché des filtres à particules et attend impatiemment la mise en place d'Euro-6-c dans le domaine de l'essence, car les particules fines émises par les véhicules à essence sont aussi préoccupantes. Or, celles-ci s'avèrent beaucoup plus fines que les particules émises par les véhicules diésel qui sont désormais équipés de pots avec filtres. Ces particules extrêmement fines sont dangereuses et il était grand temps que la Commission européenne décidât enfin l'installation de filtres à particules pour les véhicules à l'essence ou, à tout le moins, l'élaboration d'une réglementation sur les particules issues de ces automobiles.

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Vous saluez le fait que la Commission a élaboré une réglementation idoine ?

Debut de section - Permalien
Xavier Susterac, président de BASF France

J'ai en effet employé l'adverbe enfin à dessein. Plus tôt eût certes été mieux !

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Vous considérez ainsi que la réglementation a un impact important sur votre activité ?

Debut de section - Permalien
Xavier Susterac, président de BASF France

En effet. L'une de nos préoccupations réside dans la limitation des émissions de particules dans les grandes villes. L'une de nos avancées technologiques consiste d'ailleurs à transformer l'ozone en oxygène. Nous avons d'ailleurs équipé trois millions de véhicules aux États-Unis, et notamment dans l'État de Californie, avec une imprégnation des moteurs de voitures, lesquels transforment l'ozone en oxygène. Il n'y a pas de réglementation en ce sens en Europe, mais je souhaite qu'à terme nous soyons en mesure de travailler en Europe sur cette question.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Pétat, directeur du développement de BASF

La réglementation va parfois trop vite par rapport au rythme de l'innovation. Il faut gérer ce risque de décalage.

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Le contraire se produit également ; la réglementation arrivant quelquefois en retard ! Mais ce n'est pas notre sujet. Le processus de transformation de l'ozone en oxygène, que vous nous avez évoqué, nous intéresse quant aux solutions susceptible d'être préconisées pour lutter contre la pollution atmosphérique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

L'objet de cette commission d'enquête étant le coût économique et financier, pourriez-vous poursuivre plus avant votre évocation de cet exemple d'innovation en Californie susceptible, à terme, de réduire les coûts de la pollution atmosphérique ? La réglementation était-elle à l'origine de ce programme ? En définitive, qu'apporte ce dernier ?

Debut de section - Permalien
Xavier Susterac, président de BASF France

Des incitations financières, via un système de crédit, faites aux particuliers étaient à l'origine de cette démarche. L'ozone est au coeur des préoccupations pour les grandes villes. Cette substance ne résulte pas, en tant que telle, des émanations des véhicules, mais de l'agrégation de divers composants chimiques. Il faut, en conséquence, réduire sa concentration.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Nous souhaitons obtenir plus amples informations sur ce programme susceptible d'inspirer la recherche de solutions qui est également l'une des préoccupations de notre commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

L'existence de particules extrêmement fines, émises par les véhicules à essence, est-elle de nature à remettre en cause les orientations actuelles qui préconisent la suppression du diésel et ce, dès lors que la Communauté européenne va mettre en place une régulation idoine ?

Debut de section - Permalien
Xavier Susterac, président de BASF France

Euro-6 est valable à la fois pour les véhicules diésel et essence. Le domaine des particules pour l'essence est une nouveauté et les industriels sont conscients de la nécessité de faire quelque chose à ce sujet. Par ailleurs, les moteurs diésel d'aujourd'hui émettent bien moins de dioxyde de carbone que par le passé !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Ce que vous nous dites est extrêmement important ! Dès lors, si à l'analyse le résultat de la comparaison est différent, le résultat est dramatique, surtout si nous orientons notre appareil productif vers ce qui polluera plus !

Debut de section - Permalien
Xavier Susterac, président de BASF France

Le diésel polluait auparavant beaucoup plus. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas. Des systèmes de catalyse très complexes permettent en effet de réduire les émissions de polluants par les véhicules diésel et, de surcroît, les particules fines sont filtrées depuis la mise en oeuvre des normes Euro 5. Une réelle préoccupation demeure cependant quant aux véhicules diésel plus anciens.

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Il y a toutefois une hiérarchie dans les sources de pollution ! Le diésel est ainsi reconnu, de manière incontestable par de nombreuses études, comme cancérigène. Ce sujet demeure d'actualité ! Je souhaiterais connaître si le représentant de Bayer est en mesure de répondre aux questions qui lui ont été préalablement adressées.

Debut de section - Permalien
Gilbert Emeric, directeur du développement durable de Bayer France

La première de vos questions concernait le classement en 2010 de Bayer comme l'entreprise la plus polluante de l'air aux États-Unis, du fait de ses émissions de substances chimiques. Ce classement a été dressé par un institut basé dans le Massachusetts, le « Political economy research institute » (PERI), en vertu d'un modèle lui permettant de recenser les industries les plus polluantes sur le continent nord-américain. Il est vrai qu'à l'aune de ce modèle, Bayer s'est retrouvée l'industrie la plus polluante aux États-Unis. Un tel résultat nous a naturellement alertés et il nous a fallu comprendre les raisons d'un tel rang. Ainsi, l'Agence fédérale pour l'environnement demande à chaque industriel de fournir une liste des produits utilisés et rejetés par les usines et c'est sur cette base que le PERI a opéré. Dans le cadre fixé par cet institut de recherche, les modèles de dispersion des produits chimiques dans l'air sont mis en oeuvre, ainsi que leur toxicité et les volumes déclarés d'émissions. En outre, la présence de populations dans un rayon de cinquante kilomètres des sites de production est également prise en compte. Ce modèle, pour complexe qu'il est, ne rend que partiellement compte de la différence de localisation entre les émissions et le traitement des déchets. Les résultats sont publiés sur une base biannuelle et les résultats auxquels vous faisiez référence dans votre questionnaire renvoyaient à l'année 2010. Un second classement a également été publié en août 2013 et le classement de notre groupe ne nous convient pas puisqu'il porte à nouveau sur les données transmises en 2010. Le temps d'adaptation est, pour les industriels que nous sommes, important et force est de constater que le modèle, à l'aune duquel nos émissions sont évaluées, demeure perfectible.

Debut de section - Permalien
Gilbert Emeric, directeur du développement durable de Bayer France

Ce modèle est en effet perfectible, mais comme entreprise responsable, Bayer ne peut que questionner son propre mode de fonctionnement. Il nous faut ainsi comprendre la méthodologie du modèle et prendre des mesures correctives destinées à amender son résultat, dans un dialogue avec l'institut. Mais force est de constater que l'ensemble des mesures prises seront reflétées dans les résultats destinés à être publiés à l'horizon 2017. Entre la publication des résultats et les mesures prises, un délai de trois ans subsiste ! En outre, lorsqu'on regarde les résultats de l'enquête, nous constatons qu'un de nos sites représente 91 % des facteurs expliquant notre classement. Hormis ce site, le reste de nos implantations est considéré comme ne présentant aucun impact d'après le modèle du PERI. En outre, dans ce site, l'utilisation d'un seul produit chimique, le tolluenediamine qui entre comme précurseur dans la fabrication des mousses souples polyuréthane, est mise en exergue. Bien que nous prenions toutes les mesures nécessaires au maniement de ce produit, qui est cancérigène, c'est ce produit, et l'incinération des substances qui ont été en contact avec lui, que prend le modèle PERI comme base de son classement. Nous travaillons, à cet égard, avec les entreprises spécialisées afin de nous assurer que les déchets que nous générons soient traités de la manière la plus optimale possible. Et cette démarche n'est pas prise en compte par le modèle PERI qui prend en compte l'origine du produit et non l'endroit où celui-ci est éventuellement incinéré. En outre, la valorisation énergétique est prise en compte dans le modèle comme un facteur de moindre toxicité et il est clair que si Bayer travaillait avec les entreprises spécialisées dans ce secteur, sa place passerait au 42ème rang. Cette démarche concerne 30% des déchets actuels, mais il faut savoir que les usines de valorisation énergétique des déchets se trouvent à quelque 600 kilomètres de leur lieu de production ! Les externalités générées par le transport de ces déchets, comme les gaz à effet de serre, ne sont pas prises en compte dans le modèle. Les modèles eux-mêmes doivent bel et bien être amendés afin de mieux prendre en compte la réalité de nos activités industrielles, de manière à ne pas prendre de mauvaises décisions.

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

L'objet de notre commission d'enquête n'est pas, à proprement parler, le dérèglement climatique et les émissions de gaz à effet de serre, mais celui-ci porte sur le coût économique et financier de la pollution de l'air. Est-ce un sujet sur lequel vous avez travaillé ou sur lequel votre entreprise commence à forger des outils de mesure idoines ?

Debut de section - Permalien
Gilbert Emeric, directeur du développement durable de Bayer France

Les outils de mesure, dans une entreprise comme la nôtre, existent par rapport aux préoccupations environnementales. Mais il n'est pas aisé d'obtenir un standard assurant la valorisation économique et financière.

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Nous avons auditionné des acteurs sur les aspects sanitaires de cette valorisation qui demeure complexe. Il faut reconnaître la diversité des effets de la pollution de l'air mais aussi proposer des solutions, afin d'impulser collectivement des mesures. Votre groupe a-t-il évalué l'impact de la pollution de l'air ?

Debut de section - Permalien
Gilbert Emeric, directeur du développement durable de Bayer France

Nous avons envisagé ces questions à l'échelle de notre industrie tout entière, par le biais notamment de regroupements professionnels dans lesquels s'expriment des sociétés qui ont conduit, à leur tour, des études d'impact environnemental(« environmental profits and loss programs») chiffrées. Mais ce questionnement en est à ses débuts.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Néanmoins, au titre de votre outil de production, vous êtes éligible en France à la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) qui alimente également le réseau ATMO de lutte contre la pollution de l'air ; l'objectif étant pour une entreprise de prendre les mesures nécessaires pour s'en soustraire ou éviter d'en acquitter un montant trop élevé !

Debut de section - Permalien
Gilbert Emeric, directeur du développement durable de Bayer France

Une diversité de taxes existe en effet qui permettent d'alimenter certains réseaux comme ADELF avec lequel nous travaillons et qui implique que soient modifiés des produits courants, comme les emballages de boissons notamment qui ont connu de réels allégements. Les industries qui sont les nôtres font leur maximum pour à la fois répondre à des exigences environnementales et fiscales. De telles démarches peuvent ainsi être à l'origine de cercles vertueux. Nous sommes typiquement dans ce type de développement.

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Précisément, avez-vous une idée de l'impact sur la pollution de l'air des produits du groupe Bayer en Europe et en France, à l'instar de la situation en Amérique du Nord ?

Debut de section - Permalien
Gilbert Emeric, directeur du développement durable de Bayer France

Sur l'ensemble des facteurs qui ont été évoqués par mes collègues de BASF, comme en matière d'émissions de gaz à effet de serre, celui-ci est retracé, depuis 2008, dans un rapport spécifiquement consacré au développement durable. Si l'on se réfère à l'article 75 du Grenelle II de l'environnement, qui vise la communication des gaz à effet de serre, réussir à intégrer de telles données dans un rapport n'est pas chose aisée, d'autant plus lorsqu'on y intègre également les données environnementales, économiques et sociales, comme nous y parvenons ! D'ailleurs, comme l'ADEME l'a souligné, cet article 75 s'applique aux entreprises de plus de 500 employés et seulement 49 % d'entre elles ont rempli cette obligation, et ce chiffre n'atteint que 26 % pour les collectivités locales ! Cette démarche est certes récente, mais elle traduit les efforts d'un groupe comme le nôtre de remplir ses obligations.

Debut de section - Permalien
Xavier Susterac, président de BASF France

Les 350 millions d'euros investis par notre groupe pour améliorer la situation environnementale et les 900 millions d'euros que coûte, de manière récurrente, l'amélioration de nos sites, représentent un investissement considérable pour notre groupe. Nous avons d'ailleurs réglé 61.000 euros de TGAP, ce qui signifie que notre groupe est tout à fait dans les normes, même si des marges de progression demeurent !

Debut de section - Permalien
Philippe Prudhon, directeur technique de l'Union des industries chimiques

Autant les sociétés ont agrégé, peut-être pas toutes à la même vitesse, l'ensemble des résultats de leurs sites dans le monde, autant la réglementation en Europe et en France exige la connaissance des chiffres, et notre industrie connaît, quant à elle, une longue tradition d'évaluation des émissions et de leurs impacts. D'ailleurs, celle-ci nourrit un dialogue avec l'administration à ce sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Connaissez-vous la part dans la pollution de l'air des entreprises qui sont membres de votre union ?

Debut de section - Permalien
Philippe Prudhon, directeur technique de l'Union des industries chimiques

Nous disposons d'indicateurs, comme les émissions de SO2 et de gaz à effet de serre, dont notre industrie est à l'origine respectivement de 10 et 5 %. L'industrie chimique représente ainsi 5 % des SOV, 5 % des Nox et 1 % des particules toutes confondues. Des documents reprennent ainsi ces données dont le CITEPA collecte l'intégralité. D'ailleurs, le Commissariat général au développement durable a indiqué qu'entre 2001 et 2012, l'intensité énergétique a diminué de 11 % ; la chimie intervenant après le secteur automobile dans cette baisse. D'autres instances que les nôtres ont ainsi mesuré les progrès enregistrés.

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Je note que de tels progrès ont été réalisés grâce à la réglementation ce que, du reste, vous avez à votre tour signalé. Comme nous l'évoquait un économiste, la réglementation demeure le meilleur moyen de lutte contre la pollution de l'air. Ce qui m'amène à vous interroger sur les actions de lobbying conduites par les grands groupes industriels, notamment au niveau européen, lorsqu'il s'agit de limiter de nouvelles normes contraignantes alors que, dans le même temps, il est avéré que la réglementation est un facteur de progrès ; ce que, du reste, vous corroborez.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Pétat, directeur du développement de BASF

La réglementation est importante, mais l'engagement des sociétés en faveur du développement durable l'est tout autant. Lorsqu'un groupe comme BASF se fixe comme objectif une baisse de 70% des émissions globales de polluants à l'horizon de 2020, c'est un engagement auquel la réglementation, à l'échelle locale, est à même de contribuer.

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Il est important d'actionner tous les leviers. La réglementation étant ainsi un levier important, il n'y a pas de raison de s'en priver. C'est d'ailleurs le sens de notre rapport qui vise à élaborer, de manière collective, les moyens d'amélioration de l'air que nous respirons. Je suis d'ailleurs ravie que nos intervenants d'aujourd'hui aient à leur tour rappelé l'importance de la réglementation !

Debut de section - Permalien
Philippe Prudhon, directeur technique de l'Union des industries chimiques

Il nous faut des règles et des spécifications. Il faut toutefois faire attention au périmètre de la réglementation laquelle, si elle est trop franco-française, risque de créer de la distorsion susceptible de conduire, à terme, à la délocalisation des outils de production impliquant le rapatriement vers l'Europe de produits finis en recourant aux transports ! Notre industrie fortement capitalistique, dont les cycles de production s'étalent sur plusieurs années, voire décennies, a ainsi besoin de visibilité !

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Je comprends parfaitement ces contraintes. Mais, en guise d'illustration de nos propos, le tournant pris vers le diésel, quand bien même l'ADEME dès 1999 tirait la sonnette d'alarme, est une aberration ! C'est pour éviter de tels errements que nous souhaitons échanger avec vous. Mais je retiens que la réglementation, en matière de pollution et de dépollution, est particulièrement significative !

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Pétat, directeur du développement de BASF

Pour en revenir au diésel, je pense que la réglementation s'est trompée de cible puisqu'il eût mieux valu débuter par cibler les particules plutôt que les gaz à effet de serre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Il faut tout de même rendre à César ce qui lui appartient ! Madame la Rapporteure a bien expliqué que notre commission d'enquête était consacrée à l'évaluation des coûts économiques et financiers de la pollution de l'air. À ce titre, parmi les leviers qui permettent d'en atténuer le cours, figure la réglementation, qu'elle vienne d'Europe ou d'ailleurs. D'ailleurs, la réglementation peut conduire à l'émergence d'activités nouvelles, amorçant ainsi une sorte d'économie circulaire. Certes, il importe de se fonder sur des diagnostics pour que soient dégagées des solutions communes. Tout cela est complexe, comme l'a rappelé l'épisode de l'écotaxe, mais le dialogue entre les entreprises et les élus est à ce titre essentiel. La situation que vous décrivez, en tant qu'acteurs industriels et représentants de votre secteur, ne peut bien évidemment nous laisser indifférents.

Debut de section - Permalien
Xavier Susterac, président de BASF France

Lorsque, dans mes fonctions précédentes, je me rendais à Bruxelles, nos interlocuteurs reconnaissaient nos activités comme une forme de lobbying positif. Il s'agissait pour nous de faire en sorte que les Autorités européennes mettent en place, le plus vite possible, des réglementations. Deux niveaux de réglementation nous paraissent également devoir être distingués : d'une part, les réglementations européennes qui régissent notamment les activités de leaders mondiaux de l'automobile et qui doivent être prises dans le domaine des particules fines et extrafines et, d'autre part, les réglementations nationales, lesquelles ne doivent pas se télescoper avec les premières, sous peine de devenir contreproductives. Si on pouvait, d'ailleurs, accélérer les choses dans le domaine de la lutte contre les émanations de particules fines, ce serait formidable !

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

On a pu constater, dans les domaines agricoles et phytosanitaires, un fort lobby au niveau européen pour ne pas permettre l'interdiction de pesticides qui étaient des perturbateurs endocriniens. Je veux bien entendre qu'il existe une sorte de lobby positif, mais je vois plutôt les principaux acteurs du lobbying agir en défaveur des causes environnementales. D'ailleurs, ces dernières sont souvent prises en otage par les contraintes économiques et c'est aussi l'intérêt de notre rapport qui est de partir de l'aberration sanitaire qu'est la pollution de l'air, qui présente de nombreux impacts, pas seulement sur les populations mais aussi sur les terres agricoles et la qualité de l'eau ainsi que sur la biodiversité, pour dénoncer l'enfermement dans une rhétorique condamnant a priori les innovations de demain. Mais une telle aberration est également porteuse de développement économique pour l'ensemble de nos acteurs, ce que refusent d'entendre, du reste, les principaux lobbys. Il y a toujours un moment où les externalités doivent être supportées par la collectivité ! Donc, soyons cohérents dans notre démarche, reconnaissons à la réglementation son rôle essentiel et réfléchissons collectivement à des solutions permettant d'assurer le développement durable.

Debut de section - Permalien
Gilbert Emeric, directeur du développement durable de Bayer France

La notion de réflexion collective est extrêmement importante et doit aller au-delà de la simple énumération de données économiques. Il me paraît important que nous partagions le même constat, ce qui n'est nullement évident ! Nous sommes ainsi en train d'assurer une mutualisation de l'information qui est importante !

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Mais force est de constater une grande résistance au changement à l'instar de ce qui s'est passé pour le diésel ! J'ai d'ailleurs été l'une des premières avocates à avoir attaqué l'État en 1999 mais que de temps perdu sur cette question !

Debut de section - Permalien
Gilbert Emeric, directeur du développement durable de Bayer France

Les sociétés que nous représentons autour de cette table sont nécessairement innovantes. À cet égard, un tiers du chiffre d'affaires que Bayer réalise vient de l'innovation récente. Sur les sujets que vous évoquez, en tant qu'élus, il importe que les acteurs des domaines concernés doivent échanger avant que ne soit élaborée une réglementation qui soit respectée. Mais l'industrie requiert du temps pour s'adapter à la réglementation et la zone d'application demeure cruciale.

Debut de section - Permalien
Philippe Prudhon, directeur technique de l'Union des industries chimiques

Je ne partage pas votre point de vue, Madame la Sénatrice, sur les perturbateurs endocriniens. Nous attendons une définition scientifique de ces derniers au niveau européen. L'exemple du bisphénol A (BPA) est révélateur : alors qu'il est interdit en France, il est autorisé par une agence européenne qui en précise cependant les taux d'exposition. Deux agences en Europe se sont d'ailleurs prononcées de façon contradictoire à la lueur de 700 études !

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Lorsqu'on connaît la force des lobbys à l'échelle européenne, ce n'est guère étonnant ! Mais ce n'est pas notre sujet ! Vous savez d'ailleurs pertinemment comment sont financées les études par les lobbys. On ne peut nier cette réalité !

Debut de section - Permalien
Philippe Prudhon, directeur technique de l'Union des industries chimiques

On ne peut pas non plus nier que deux agences européennes se sont prononcées sur cette question de manière contradictoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Avec 1.600 lobbyistes au Parlement européen, la force des lobbys y est conséquente. Le sujet de notre commission n'est nullement à charge et son objectif est de faire qu'une situation défavorable s'avère porteuse d'opportunités et de développement pour notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Toute évaluation précise d'un problème auquel a été confrontée l'industrie que vous représentez, pourrait être intéressante pour notre appréciation du coût économique et financier de la pollution de l'air. Du fait de notre accord sur la portée de la réglementation, notre commission est particulièrement désireuse d'examiner un site industriel qui, selon vous, illustre la prise en compte des exigences environnementales par vos sociétés.

Debut de section - Permalien
Gilbert Emeric, directeur du développement durable de Bayer France

Je peux vous proposer également, au-delà des sites industriels, de visiter des sites de recherche et développement susceptibles de vous intéresser.

Debut de section - Permalien
Xavier Susterac, président de BASF France

BASF serait très heureux de vous accueillir dans le site de Ludwigshafen, dont les dimensions et le nombre d'employés, pour vous montrer ce que notre groupe réalise dans le domaine qui vous intéresse.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Je vous remercie, Messieurs, pour vos interventions et vos propositions.

Présidence de M. Charles Revet, président -