L'audition publique de ce matin concerne un sujet important pour notre pays, alors que l'indépendance énergétique occupe tout particulièrement le Parlement ces jours-ci. Après les questions relatives au nucléaire, évoquées en début de semaine, l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) se penche aujourd'hui sur une filière prometteuse des énergies renouvelables, celle de l'éolien offshore. Des objectifs ambitieux ont été fixés en France et pour l'Union européenne, et il est important pour nous de voir quelles technologies peuvent être mobilisées pour y parvenir.
Je remercie notre premier vice-président pour l'idée de cette audition qui vient à point nommé dans la préparation des débats sur la prochaine programmation pluriannuelle de l'énergie. Je rappelle que cette audition est diffusée en direct sur le site de l'Assemblée nationale et qu'elle sera ensuite disponible en vidéo à la demande. Les internautes qui nous suivent en direct ont également la possibilité de poser des questions sur la plateforme dont le lien se trouve sur les sites de l'Assemblée et du Sénat.
Nous avons tenu à organiser cette audition pour que les parlementaires, députés et sénateurs, soient le mieux informés possible des capacités nouvelles des éoliennes offshore. Beaucoup en parlent - et les élus qui en parlent le plus ne sont pas nécessairement ceux qui en font le plus : je suis moi-même sénateur d'un département, la Meuse, qui compte plus de 300 éoliennes, avec lesquelles on « pompe » l'argent du milieu urbain pour le redistribuer dans le milieu rural. C'est l'unique raison pour laquelle je les soutiens. Car ces beaux engins, avec leur belle mécanique, posent un certain nombre de problèmes, divers et parfois en lien avec des technologies nouvelles.
Cette audition rassemble des acteurs de types différents. Nous entendrons ainsi des représentants des pouvoirs publics, en l'occurrence de la DGEC (Direction générale de l'énergie et du climat) et de l'Ademe (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie). Nous entendrons également le gestionnaire du réseau, RTE (Réseau de transport d'électricité) : les éoliennes en mer peuvent être posées ou flottantes, mais elles doivent malgré tout être reliées à la terre, ce qui pose un certain nombre de problèmes techniques sur lesquels nous aimerions être éclairés.
Nous entendrons aussi France Énergie Éolienne, qui assure une représentation institutionnelle de la filière éolienne, ainsi que France Énergies Marines, qui mutualise une partie de la R&D du secteur.
Quatre opérateurs de parcs flottants auront enfin la parole. Des appels d'offres sont en cours, et il n'en sera pas question ici. L'objectif est de permettre aux parlementaires d'être plus éclairés et mieux informés des grandes options technologiques actuelles.
Nous soutenons les technologies de l'éolien posé et de l'éolien flottant depuis un peu plus d'une dizaine d'années. Un premier parc a ainsi été mis en service de façon complète à la fin de l'année dernière, au large de Saint-Nazaire. Il repose sur une technologie posée, pour une puissance d'environ 500 mégawatts. Parmi les premiers appels d'offres attribués en 2012 et 2013, cinq autres projets reposant sur une technologie posée seront installés, pour une puissance à peu près équivalente. Enfin, un septième parc, au large de Dunkerque, attribué en 2019, repose également sur une technologie posée.
Notre pays fait partie de ceux qui bénéficient des surfaces maritimes les plus importantes au monde. Nos contraintes sont toutefois un peu différentes de celles des pays du nord de l'Europe, où la faible profondeur des fonds marins permet d'installer ces technologies posées très loin des côtes.
En France, dès qu'on s'éloigne des côtes, les profondeurs peuvent dépasser 70 mètres, rendant nécessaire le recours au flottant.
Sur la façade maritime de la Manche, les profondeurs sont relativement modestes jusqu'à la limite du rail maritime, au-delà de laquelle on ne peut aller. Sur la façade Manche Est-Mer du Nord, on restera ainsi essentiellement sur des technologies posées. C'est d'ailleurs dans ces zones de technologie posée que le plus grand nombre de projets éoliens en mer sont prévus.
En revanche, en Méditerranée, on devra recourir au flottant : après trois fermes pilotes soutenues en 2015, d'une puissance d'environ 25 mégawatts chacune, deux projets commerciaux sont actuellement en phase de dialogue concurrentiel.
Au large de la Bretagne et sur la façade Atlantique, dès que l'on s'éloigne de quelques dizaines de kilomètres des côtes, on doit aussi recourir à l'éolien flottant.
Je laisserai d'autres plus compétents que moi l'évoquer, mais il semble qu'il y ait beaucoup d'enjeux autour de l'innovation dans l'éolien flottant, notamment en ce qui concerne les flotteurs et leurs matériaux. C'est aussi la raison pour laquelle nous avons soutenu plusieurs fermes pilotes, qui s'appuient sur des technologies différentes et pour lesquelles la marge d'apprentissage apparaît importante.
Dans l'éolien posé, les innovations portent moins sur la technologie elle-même que sur les questions environnementales, et notamment la recyclabilité des pales. En quelques années seulement, certains producteurs de pales se sont engagés à fabriquer des pales 100 % recyclables. Et dans nos appels d'offres, les questions environnementales font désormais partie des critères, pour que les systèmes soient le plus vertueux possible.
La question du raccordement électrique est un grand enjeu : dès que l'on s'éloigne des côtes, un poste électrique en mer doit pouvoir convertir l'électricité et l'acheminer sur la côte. Et, comme pour les éoliennes elles-mêmes, dès que la profondeur est importante, il faut que le poste puisse être flottant. Or les technologies actuelles ne le permettent pas toujours. RTE évoquera ces questions plus tard.
Dans d'autres pays, notamment proches de la mer du Nord, un autre point majeur, lié à la question du raccordement, est celui de la transformation de l'électricité, en hydrogène par exemple, lequel peut plus facilement être ramené sur la côte. Une telle opération présente toutefois des risques industriels et des difficultés tenant à la conversion, cette opération entraînant des pertes importantes. En outre, une fois acheminé, cet hydrogène devra être à son tour retransformé en électricité, ce qui demande d'autres types d'infrastructures et d'adaptations.
Ces enjeux liés au raccordement ne touchent pas les parcs qui seront en service dans les prochaines années. Mais plus nous nous éloignerons des côtes, et plus ils deviendront prégnants.
L'Ademe, dans une publication de novembre 2021 complétée en février 2022, a exploré quatre scénarios permettant d'atteindre la neutralité carbone en 2050, afin d'éclairer les choix de politiques publiques. Tous les secteurs ont été examinés, qu'il s'agisse du bâtiment, de l'agriculture, des forêts ou de l'industrie, afin de pouvoir vérifier leur interdépendance et la bonne marche du système, en termes d'équilibre entre les émissions de gaz à effet de serre et les puits de carbone, mais aussi l'usage des sols, la biomasse.
S'agissant du mix énergétique, ces scénarios atteignent des niveaux de consommation d'électricité différenciés. Ainsi, les scénarios 1 et 2 sont davantage axés sur la sobriété et les scénarios 3 et 4 mobilisent davantage les technologies.
Les consommations d'électricité finale dans ces quatre scénarios sont comprises entre 408 et 839 térawattheures par an, et la part des énergies renouvelables va de 72 %, pour le scénario 4, à 97 %, pour le scénario 1.
Nous nous intéressons aujourd'hui à la place de l'éolien dans ces quatre chemins vers la neutralité carbone. Pour des questions d'acceptation sociale, les possibilités de l'éolien terrestre sont assez resserrées et se situent entre 58 et 63 gigawatts de puissance installée. L'éolien en mer offre davantage de marge, avec une fourchette comprise entre 14 et 48 gigawatts. Dans cet ensemble, l'éolien flottant se situe entre 5 gigawatts (pour les scénarios 1 et 2 ainsi que la version nucléaire du scénario 3) et 28 gigawatts (pour le scénario 4 et la seconde variante énergies renouvelables du scénario 3). Quel que soit le scénario retenu, la part de l'énergie éolienne représente au moins 12 %, et peut atteindre 25 % pour la version renouvelable du scénario 3.
Je voudrais également rappeler que l'Ademe travaille beaucoup sur les questions d'appropriation citoyenne, sur la question des paysages ainsi que sur les conséquences de l'éolien de façon générale. Nous avons notamment un projet de centre de ressources énergies renouvelables et biodiversité avec l'Office français pour la biodiversité (OFB), et nous avons lancé un grand projet de recherche sur les enjeux socio-économiques du déploiement de l'éolien en mer avec une cinquantaine de chercheurs et de nombreux organismes de recherche. Cet observatoire permettra d'examiner, sur plusieurs années, les conséquences de l'éolien en mer en termes d'emplois et d'impact sur les territoires. Les derniers chiffres publiés par l'Observatoire de l'énergie éolienne en mer font état de 6 600 emplois dans la filière éolienne en mer, dont 5 000 dans l'éolien posé et 1 120 dans l'éolien flottant en 2022. C'est 36 % de plus que l'année précédente.
La DGEC, dans son introduction, a rappelé que l'innovation était l'un des facteurs-clés du développement de l'éolien flottant. Il y a effectivement en France, depuis 2010, un continuum de l'innovation et du développement de l'éolien flottant, porté par l'Ademe dans le cadre du Programme d'investissements d'avenir (PIA). Cela a commencé avec des démonstrateurs au cours de la période 2010-2015, dans le but de développer des briques technologiques permettant d'améliorer les coûts de revient de l'éolien flottant, puis cela s'est poursuivi avec le lancement de fermes pilotes en 2018 qui devraient voir leur mise à l'eau à partir de 2024.
Pas moins de 350 millions d'euros d'aides d'État ont été apportés aux acteurs industriels sur l'ensemble de ces projets qui constituent des enjeux importants pour le développement de l'éolien flottant. Ces projets se poursuivent aujourd'hui dans le cadre du programme France 2030. Les enjeux sont la fiabilisation de la technologie et surtout le développement des structures industrielles dans des marchés commerciaux.
À cet égard, les ports sont des maillons essentiels, et leur capacité à accueillir des charges lourdes, les moyens de mise à l'eau et de stockage, les longueurs et les profondeurs de quai sont cruciaux. Certains ports maritimes français, qui ont une tradition de construction navale, ont des opportunités à saisir dans le développement de l'éolien flottant.
Ces opportunités industrielles sont partagées, puisque la chaîne de valeur de l'éolien flottant est assez similaire à celle de l'éolien posé. Les risques et les besoins de développement ne portent pas tant sur l'éolienne elle-même que sur les flotteurs, les ancrages, les câblages dynamiques.
Quant aux infrastructures, le territoire français a la chance de disposer déjà d'usines d'éoliennes flottantes, comme les usines de Siemens Gamesa ou de General Electric à Saint-Nazaire, ainsi que d'usines de production de pales, comme Siemens Gamesa au Havre. L'innovation peut désormais porter sur l'impact carbone de la production de flotteurs, lié à la décarbonation de l'industrie de l'acier et du béton.
L'éolien flottant permet la rencontre de plusieurs métiers : des énergéticiens, des développeurs, des métiers de l'offshore pétrolier qui vont se convertir vers des métiers de la transition écologique, de la construction navale, des ports, qui vont eux-mêmes intégrer les métiers des énergies renouvelables.
Les défis à relever sont nombreux : la France et l'ensemble des acteurs industriels, qu'il s'agisse des ports eux-mêmes ou des entreprises qui y développeront des capacités de production, devront notamment acquérir des compétences humaines en métallurgie et dans le béton. L'arbitrage entre des flotteurs béton et des flotteurs acier n'est d'ailleurs pas encore fait. La production de flotteurs apportera dans tous les cas des opportunités économiques pour les territoires.
Dans le développement des énergies marines renouvelables, RTE est maître d'ouvrage pour l'ensemble des raccordements des parcs éoliens en mer français, qu'ils soient posés ou flottants. D'une manière générale, il est co-maître d'ouvrage avec les pouvoirs publics pendant les phases de débat public, d'identification des zones d'implantation des parcs, puis de dialogue concurrentiel, période pendant laquelle un développeur pour le parc est choisi. Il est ensuite co-maître d'ouvrage avec le lauréat, avec lequel il se coordonne pour que les ouvrages de raccordement arrivent au bon moment par rapport à l'installation du parc d'éoliennes lui-même.
Opérateur industriel maritime, RTE a par ailleurs un rôle d'éclaireur des pouvoirs publics sur l'évolution du système électrique vers la neutralité carbone. Dans l'étude prospective Futurs énergétiques 2050, plusieurs scénarios ont été identifiés en termes de développement de l'éolien en mer. Si l'on s'en tient à l'objectif fixé par le président de la République de 40 gigawatts de capacité d'éolien en mer en service à l'horizon 2050, il faudra qu'environ 50 % de cette capacité de production soit posée et 50 % flottante, d'où l'importance pour la filière flottante de se développer et d'arriver à maturité industrielle.
Un point de repère a déjà été évoqué pour l'installation des éoliennes : la profondeur de 50 mètres, en-dessous de laquelle on installe du posé, et au-delà de laquelle on bascule sur du flottant, avec une zone grise entre les deux.
Il y a un deuxième chiffre à avoir en tête, 100 mètres, qui concerne la technologie de raccordement. On peut raccorder des parcs flottants avec une plateforme électrique en mer posée jusqu'à environ 100 mètres de profondeur, ce qui permet d'aller plus loin que pour les éoliennes posées elles-mêmes. Les projets Sud Bretagne, Provence-Alpes-Côte d'Azur et Occitanie sont les trois premiers appels d'offres de parcs éoliens flottants commerciaux, avec un raccordement posé.
Mais si l'on veut atteindre les 40 gigawatts d'éolien en mer, dont la moitié issus d'éoliennes flottantes, on devra recourir aux technologies de raccordement flottant. Il s'agit de postes à forte puissance, comme sur l'image d'illustration que vous voyez, prêtée par les Chantiers de l'Atlantique.
Pour atteindre cet objectif de développement industriel, il faut avoir en tête deux tendances. La première est la propension à l'augmentation de la puissance des parcs pour des raisons d'optimum technico-économique. Cela conduit, en termes de raccordement, à basculer sur des technologies en courant continu. Celles-ci nécessitent de prévoir, dans les postes électriques en mer, des stations de conversion du courant alternatif vers le courant continu assez massives et sensibles. À terre, le courant est à nouveau transformé en alternatif. La deuxième tendance est celle de l'éloignement des côtes, qui implique de basculer sur un raccordement flottant.
Un certain nombre de difficultés devront être surmontées, car si l'on sait aujourd'hui faire un poste flottant pour le courant alternatif, on ne sait pas si on pourra le faire - ni comment - pour un courant continu de forte puissance, 1 000 mégawatts voire davantage.
Nous avons trois défis technologiques principaux : le premier est de parvenir à concevoir une station de conversion de courant continu en courant alternatif dans un environnement d'oscillation vibratoire, avec de la houle et des vagues. Il concerne les industriels.
Le deuxième a trait au câble dynamique de forte puissance. Le raccordement flottant implique en effet l'existence d'un câble, enfoui sous les fonds marins sur une certaine distance, joint à son extrémité à un câble souple, dynamique, qui accompagne les mouvements de la plateforme flottante. On sait aujourd'hui fabriquer des câbles dynamiques à des niveaux de tension intermédiaires de l'ordre de 66 000 volts. Des recherches sont en cours pour un courant alternatif de 225 000 volts. Si l'on bascule en courant continu, il faudra prévoir des câbles dynamiques de plus forte puissance, de 320 000, voire 525 000 volts.
Le dernier défi, moindre que les deux précédents, est de parvenir à installer des transformateurs électriques sur ces plateformes. On ne sait pas encore très bien comment se comporte un transformateur électrique lorsqu'il est soumis à un ballottement d'huile dans sa cuve. Il faut examiner les conditions de résistance, de résilience, d'usure éventuellement accélérée d'un certain nombre de composants placés sur ces postes électriques en mer.
Tout ceci constitue un véritable écosystème rassemblant des organismes de recherche et des industriels, puisqu'on allie les compétences électriques et les compétences mécaniques, notamment avec nos partenaires des Chantiers de l'Atlantique. Notre feuille de route R&D vise la mise en service industrielle d'un premier poste électrique flottant de forte puissance autour de 2040 : cela implique que toutes ces difficultés aient été surmontées autour de 2030.
Dans tous les scénarios évoqués par RTE, l'éolien, notamment offshore, est une composante essentielle de l'atteinte de la neutralité carbone en France à l'horizon 2050. Aujourd'hui, 225 gigawatts d'éolien terrestre sont installés au niveau européen, la part de la France étant d'environ 8 %, soit à peu près 20 gigawatts. Et sur les 30 gigawatts d'éolien offshore déjà installés en Europe, la part française est à peu près de 1,5gigawatt, en incluant depuis le mois de novembre le parc de Saint-Nazaire, sachant que d'autres vont arriver.
Bien que représentant une part modeste des capacités offshore installées en Europe, la France a néanmoins réussi un véritable tour de force industriel, qu'il convient de souligner, car la transition énergétique et le développement des énergies renouvelables doivent avoir des retombées industrielles importantes et contribuer à la réindustrialisation du pays. Un tiers des capacités de production européennes de composants se situent sur le territoire français : citons Le Havre avec l'usine de Siemens Gamesa, Saint-Nazaire avec General Electric, Cherbourg avec les pales, et les Chantiers de l'Atlantique, avec les sous-stations et les stations de conversion. Cela représente pas moins de 6 500 emplois sur notre territoire.
Et si on atteint l'objectif de 18 gigawatts d'éolien offshore à l'horizon 2035 - on parle en effet beaucoup de 2050, mais les horizons intermédiaires sont extrêmement importants -, ce seront pas moins de 20 000 emplois sur le territoire national qui seront associés à ce développement, comme cela a été indiqué dans le pacte éolien en mer signé entre l'État et la filière en mars 2022.
Il est important de noter qu'aujourd'hui la France n'est pas en retard sur la recherche, le développement, la démonstration et la pré-industrialisation de l'éolien flottant. La dynamique de continuum d'innovation mise en place depuis 2010 fonctionne. Nous faisons néanmoins face à une accélération des autres pays, notamment la Corée du Sud, le Japon, les États-Unis et, plus près de nous, le Royaume-Uni et les pays du nord de l'Europe, mais aussi du Sud avec l'Italie notamment.
Dans ce contexte, il est important de capitaliser sur la dynamique d'innovation mise en place pour resserrer les calendriers et augmenter en taille les appels d'offres commerciaux, dans le prolongement de ceux de Bretagne-Sud et de Méditerranée. Nos appels d'offres commerciaux tournent autour de 250-300 mégawatts. Il faut qu'au cours du quinquennat on arrive à des extensions de 500 mégawatts qui, progressivement, grâce à l'augmentation de la taille, l'industrialisation, la standardisation des process, vont permettre une importante baisse des coûts.
Aujourd'hui, le coût de l'éolien en mer posé est entre 40 et 60 euros par mégawattheure, hors raccordement. Le dernier projet attribué en France, celui de Dunkerque, est à 44 euros par mégawattheure, et autour de 60 euros par mégawattheure si l'on ajoute le raccordement. On attend encore les chiffres des premiers appels d'offres commerciaux, notamment de Bretagne-Sud, sur l'éolien flottant. En échangeant avec l'ensemble des acteurs industriels, on entrevoit un rapprochement des coûts entre l'offshore flottant et l'offshore posé à l'horizon 2033-2035, ce qui permettra alors de ne plus parler que d'une seule filière offshore, où le flottant constituera un relais de croissance et permettra de s'adapter notamment aux différentes composantes des fonds marins.
Un dernier enjeu majeur concerne les 12 gigawatts d'éolien en mer qui doivent être attribués avant la fin du quinquennat. Il s'agit pour deux tiers de posé et pour un tiers de flottant. Ces projets seront mis en oeuvre à partir de 2035 ou 2036 et amèneront aux horizons indiqués par RTE à l'instant, soit de 50 % de posé et de 50 % de flottant en 2050. Le respect du calendrier est un point important. Si en effet on doit faire un bilan des douze dernières années d'engagement sur l'éolien en mer en France, il apparaît qu'un travail significatif a été effectué sur le continuum d'innovation. Nous poursuivons ce travail, notamment avec les investissements dans les ports. Mais nous n'avons pas été parfaits sur les questions de calendrier. L'environnement actuel mondial, au-delà des questions climatiques, est marqué par une accélération, ce qui pourrait nous faire perdre notre avantage compétitif industriel. La Corée du Sud ou le Japon sont décidés à devenir des acteurs significatifs sur ce terrain-là.
France Énergies Marines est l'institut pour la transition énergétique consacré aux énergies marines renouvelables, dont plus de 90 % de l'activité porte sur l'éolien posé et l'éolien flottant. Sa vocation est d'en fédérer les différents acteurs - industriels, partenaires publics, collectivités, partenaires académiques - et de mutualiser les efforts de recherche et développement pour lever les verrous technologiques, dont certains ont déjà été mentionnés, et améliorer à terme la compétitivité de la filière. Notre activité principale porte sur la mise en place, le pilotage et la réalisation de projets de R&D collaboratifs, par l'intermédiaire de quatre programmes qui donnent un aperçu des innovations nécessaires au développement des filières.
Le premier programme porte sur la caractérisation des sites, et notamment des conditions météorologiques : le vent, les vagues, le courant, pour le dimensionnement des systèmes. Avec l'éloignement des côtes, certaines données sont plus difficiles à appréhender, comme le déferlement des vagues ou la turbulence du vent, car on ne peut pas disposer de mât de mesure. Le changement climatique entre aussi en jeu : quelles sont les tendances en conditions normales, en conditions extrêmes ? Il faut tenir compte de tous ces paramètres dans le dimensionnement des projets, et améliorer le cadre normatif.
Le deuxième programme porte sur le dimensionnement et le suivi des systèmes. On a déjà évoqué le câble dynamique, ce câble soumis à de fortes sollicitations pour délivrer l'électricité au câble statique. Il y a également la question des lignes d'ancrage : on constate que plus les profondeurs augmentent, plus les solutions classiques de type ancrage par chaînes montrent leurs limites. Soit elles ne sont plus faisables, soit elles ne sont plus assez compétitives en termes de coûts. On travaille sur des lignes synthétiques, en nylon ou polyester.
Le troisième programme s'attache au sujet important de l'intégration environnementale et sociétale. En effet, ce n'est pas parce que ces parcs seront placés beaucoup plus loin des côtes qu'ils seront sans impacts. Tout un travail est mené pour élaborer des protocoles de caractérisation de l'état initial. L'objectif est de parvenir à identifier la faune marine de la zone, les oiseaux, la faune benthique, ainsi que les usages en mer, et ensuite de déterminer des protocoles de suivi pour identifier tous les impacts. Une des activités principales de France Énergies Marines est ainsi d'accompagner les acteurs industriels sur cette thématique.
Le dernier programme porte sur l'intégration en réseau et l'architecture de fermes pour organiser les différents systèmes. Sur l'intégration en réseau, nous travaillons conjointement avec RTE sur les sous-stations du futur, flottantes, en courant continu et d'une capacité se mesurant en gigawatts. On réfléchit également à la façon de gérer l'intermittence de la production grâce à l'hydrogène, et à la façon de la valoriser, soit en l'utilisant en mer, soit en la rapatriant à terre.
On essaie ainsi de couvrir l'intégralité des problématiques. Les défis à relever sont encore très nombreux. L'accélération est réelle et nous devons faire des efforts pour lever ces dernières difficultés et améliorer la compétitivité de la filière. La France a la chance de disposer d'un institut tel que France Énergies Marines.
C'est une SAS, financée par des partenariats, des industriels et des acteurs académiques.
On ne dispose pas actuellement en France d'infrastructures d'ampleur comme il en existe à l'étranger. Il y a ainsi des observatoires à très grande échelle en Allemagne, des éoliennes flottantes dédiées à la R&D en Norvège, des éoliennes offshore dédiées à la R&D au Royaume-Uni.
En France, nous sommes encore limités à des échelles réduites, en termes de représentativité de nos travaux. Si l'on veut accompagner la filière et accélérer, un point important sera de pouvoir disposer d'infrastructures comme celles qui sont déjà très originales à l'échelle de l'Europe. On évoque par exemple une éolienne de grande échelle dédiée à la R&D, où l'on pourrait tester des briques technologiques en conditions réelles. Cela permettrait de confirmer plus rapidement la viabilité des lignes d'ancrage, des connecteurs, des câbles dynamiques, etc. En plus des verrous technologiques, il y a les problématiques liées à la formation, à l'industrialisation, aux infrastructures portuaires. On essaie d'accompagner la filière sur tous ces sujets.
EDF Renouvelables est un acteur historique de l'éolien, présent en Europe depuis dix ans, pour une puissance installée d'un peu plus de 1 500 mégawatts, dont 500 en France depuis novembre avec le parc de Saint-Nazaire. 1 500 mégawatts supplémentaires sont en cours de construction, avec les champs de Fécamp, Courseulles et Provence Grand Large, et 3 000 mégawatts supplémentaires sont en phase de « pré-construction », comme par exemple le champ de Dunkerque.
Les chiffres de notre activité de prospection et de développement atteignent aujourd'hui quasiment 15 gigawatts, un ordre de grandeur caractéristique de cette industrie en très forte croissance.
Actuellement, EDF Renouvelables est principalement présent sur le posé. Mais il est également très actif sur le flottant, qui est beaucoup moins mature. Dans le monde, le posé totalise une cinquantaine de gigawatts installés quand le flottant ne représente encore que 123 mégawatts installés. La France se distingue à cet égard : dans nos trois parcs pilotes méditerranéens, 75 mégawatts vont bientôt être mis en service, ce qui, au regard des 123 mégawatts mondiaux, est loin d'être anecdotique. Des appels d'offres de 250 mégawatts sont à venir. Ce sont encore de petits volumes, mais les opportunités sont nombreuses, et ceci dans toutes les régions du monde.
Nous travaillons sur différents fronts et dans différentes régions : aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Asie, et évidemment en France, avec le projet Provence Grand Large qui sera mis en service à la fin de l'année, ou avec différents appels d'offres commerciaux auxquels nous participons.
Nous avons fait le choix technologique de considérer une grande variété de flotteurs. Par exemple, des flotteurs semi-submersibles dits à stabilité de forme, dont l'ancrage n'affecte pas directement les mouvements du flotteur. Pour l'appel d'offres français, on s'est intéressé aux barges, avec des flotteurs plus compacts, qui déplacent un peu plus d'eau. Citons aussi la technologie assez atypique du projet Provence Grand Large, qui est une plateforme à ligne tendue : il faut imaginer un ancrage qui tire le flotteur sous l'eau, participant ainsi directement au mouvement du premier rang du flotteur et donc à la façon dont la turbine va vivre l'excitation dynamique liée à l'environnement marin.
Cette variété technologique est un choix délibéré de la part d'EDF Renouvelables. Nous sommes convaincus que c'est à travers un exercice détaillé avec plusieurs flotteurs que nous deviendrons compétents. Cela nous permettra de lever certains verrous technologiques, et d'atteindre l'échelle commerciale que nous visons tous. Et nous serons plus efficaces en expérimentant ces nouveaux concepts sur un site réel, avec un vrai port et des fabricants, qu'en travaillant sur des exercices papier théoriques qui auraient vocation à trouver une technologie universellement pertinente. Nous n'en sommes pas encore là.
L'idée même de projet pilote mise en oeuvre en France, et avec Provence Grand Large, est très féconde. Le projet est encore en phase de fabrication et sera installé cet été, mais les apports et le retour d'expérience bénéficient déjà directement aux appels d'offres en cours et sont très importants pour la filière.
De nombreuses questions subsistent sur cette échelle commerciale - cela a été évoqué notamment au sujet de l'industrialisation de la fabrication des flotteurs. Si l'on considère le taux de croissance des prochaines années, on obtient le chiffre de 3 ou 4 gigawatts par an, ce qui correspond, pour la technologie utilisant l'acier, à quasiment un million de tonnes par an, soit environ 15 % de la construction navale mondiale. Les enjeux en termes de disponibilité, de moyens et d'intérêt des différents acteurs pour la filière sont importants et doivent donc être correctement évalués.
Pour parvenir à l'échelle industrielle sur le flottant, un autre point important pour tous les développeurs de France Énergies Marines est celui de la maintenance des parcs, et notamment la possibilité de réparations directement en mer. On s'est longtemps attaché à des questions de design : cela va-t-il flotter ? Cela va-t-il tourner avec un flotteur qui bouge ? Cette étape semble franchie et désormais, la question de la maintenance influe sur la pertinence de tel ou tel flotteur.
L'industrialisation demande de l'innovation, et donc une certaine vigilance et une ouverture à ce qui est proposé, à ce qui peut-être demain nous fera préférer un flotteur qu'on regarde un peu moins aujourd'hui.
Si l'on doit résumer notre vision du flottant aujourd'hui, la première chose me paraît être la nécessité d'un changement d'échelle. L'augmentation de la taille des turbines fait que, pour une taille de parc donnée, on a moins de flotteurs. Et si l'on veut commencer à fabriquer des flotteurs en série, il nous faut des parcs encore un peu plus grands. Les appels d'offres Bretagne-Sud et Méditerranée, avec 250 mégawatts, sont déjà de beaux projets, mais ils ne permettent pas encore de profiter à plein de l'effet d'échelle. La baisse du coût du flottant est fonction du volume et de la taille des projets, et à cet égard il est difficile de donner une date indépendamment du nombre de projets installés et des volumes fabriqués.
Un deuxième point important sur le flottant est la visibilité. Les questions de planification sont cruciales pour les industriels, et surtout pour les infrastructures portuaires : les projets pris isolément ne seront pas suffisants pour mettre à niveau les ports de nos façades sur l'éolien flottant. Il s'agit donc d'établir un programme pour savoir comment transformer nos ports, qui constituent déjà en eux-mêmes des atouts de proximité évidents. Des travaux et des adaptations sont à prévoir.
Le flottant est enthousiasmant et innovant, et sa technologie suscite naturellement l'intérêt. Je pense néanmoins, et c'est mon dernier point, que le posé n'a pas dit son dernier mot. Cette technologie est compétitive de façon avérée. La profondeur limite d'installation est aujourd'hui de 50 mètres, parfois de 60 mètres ou 70 mètres, mais il n'existe pas en réalité de limitation technique. Les pétroliers installent des structures fixes dans 200 ou 300 mètres d'eau.
Évidemment, cela n'aurait pas de sens d'installer un champ de 100 éoliennes dans 300 mètres d'eau. Mais nous devons garder en tête que la limite n'est pas technique mais plutôt technico-économique. Si le flottant met un peu plus de temps que prévu à faire baisser son coût, le posé aura peut-être la possibilité d'aller un petit peu plus profond. Dans le partage futur entre flottant et posé, je suis très optimiste pour le flottant, mais le sujet est dynamique et mouvant.
Mon rôle au sein de la direction technique de TotalEnergies est de concevoir tous les futurs projets éoliens offshore, de prévoir les schémas de développement industriel et de les mettre en oeuvre jusqu'à la décision d'investissement. Notre chemin dans l'éolien en mer a commencé il y a trois ans. Nous avons aujourd'hui un portefeuille d'une dizaine de projets pour à peu près 10 gigawatts : 4 gigawatts aux États-Unis, 4 gigawatts en Grande-Bretagne, 3 gigawatts en Corée, et nous participons à l'un des projets pilotes de l'Ademe en France. Un quart de ce portefeuille est flottant.
L'éolien correspond assez bien à l'ADN de TotalEnergies : ce sont de grands projets industriels qui mobilisent notre capacité à investir, à développer, à construire. C'est en mer, et c'est très international. Nous nous intéressons particulièrement au flottant, qui est la nouvelle frontière de l'éolien en mer.
Mon propos ressemblera beaucoup à celui d'EDF Renouvelables. La frontière est floue entre le flottant et le posé, et TotalEnergies est bien placé pour le savoir : on pose du posé très profond dans le pétrole. Mais le flottant a un certain nombre d'avantages qui le rendent particulièrement intéressant, et font qu'il représente un quart de notre portefeuille de projets, bien au-delà de la proportion réelle entre posé et flottant dans l'industrie aujourd'hui.
La spécificité du flottant tient au flotteur et aux ancrages, davantage qu'aux turbines et au raccordement, semblables à ceux du posé. TotalEnergies connaît bien les différents flotteurs, leurs avantages et leurs inconvénients respectifs, pour en avoir mis en oeuvre à peu près tous les types possibles dans l'industrie pétrolière : des barges, des semi-submersibles, des flotteurs à ancrage tendu. L'adaptation de gros flotteurs pétroliers à une multitude de flotteurs plus petits pour l'industrie éolienne en mer constitue une forme d'innovation. Elle ne pose pas de problème technologique majeur en termes d'architecture navale, tous les flotteurs ayant des avantages et des défauts. Nous nous intéressons à ceux qui peuvent être produits en grande série et pour un coût intéressant, c'est-à-dire à ceux qui ont un véritable potentiel d'industrialisation. Des flotteurs légers, mobilisant moins de matière, béton ou acier, sont à cet égard plus intéressants, car les besoins en matériaux sont gigantesques. Nous privilégions aussi des flotteurs faciles à assembler. Les ports, même s'ils font beaucoup d'efforts d'adaptation, auront beaucoup de difficultés à accueillir des monstres de 80 mètres d'empattement construits par dizaines. En résumé, le premier défi de l'éolien flottant est de trouver des flotteurs légers et pas chers à assembler.
Le deuxième défi est celui des ancrages qui mobilisent aussi énormément de matière. Sur un ancrage classique, c'est le poids de la chaîne qui maintient le flotteur en place, comme pour un bateau. Cela représente des quantités d'acier astronomiques, une emprise au sol importante, et plusieurs centaines de mètres de chaîne - à moins d'avoir des ancrages tendus. On essaie d'innover sur ces ancrages, et l'on travaille notamment à tenter de réduire leur emprise, pour diminuer à la fois les tensions dans les ancres et la quantité de matière à utiliser.
Le troisième sujet se situe à l'interface de plusieurs champs, or l'industrie ne parvient pas encore bien à travailler collectivement. Un flotteur d'éolienne est une sorte de culbuto : une grosse masse avec un très grand bracon sur lequel on met une masse lourde assez haut. Le design des flotteurs est réalisé par les flottoristes ; la turbine et le mât, par les turbiniers. Mais ces acteurs ne parviennent pas encore bien à travailler ensemble. Accorder ces deux pans de l'industrie est l'un des défis des intégrateurs, des développeurs. Une turbine bon marché ne servira à rien si le prix du flotteur est démesuré.
Un autre sujet important, également à l'interface de plusieurs champs, est celui des ports. L'infrastructure portuaire française est un de nos atouts, comme on l'a déjà dit. Mais sa mise à l'échelle requiert encore beaucoup de travail, et des financements auxquels un seul projet ne suffira pas.
Outre ces défis d'ingénierie technique, d'autres tiennent aux spécificités du système français. Nous avons beaucoup d'atouts, notamment celui d'être parvenus rapidement à mettre en place des projets pilotes, et il ne faut pas perdre notre avance. En revanche, dans les autres pays, l'industrialisation est plus rapide, ainsi que l'attribution de grandes capacités. Or l'industrialisation de l'éolien offshore a besoin de pouvoir compter sur des quantités, et sur un calendrier. Attribuer des projets par quarts de gigawatt est insuffisant, il faut aller plus vite et tout faire pour améliorer la visibilité sur l'attribution des permis de construction. Outre l'importante question du volume, il faut pouvoir planifier, anticiper les délais de mise en oeuvre de ces volumes. C'est dans ces conditions seulement que l'industrie française, avec toute la chaîne de sous-traitants, pourra s'organiser.
Un autre sujet est celui des coûts. La filière n'est pas encore mature, et l'on demande aujourd'hui, particulièrement en France, de prédire ce que seront les coûts pour des constructions dans huit à dix ans. C'est impossible, et cela constitue un risque énorme pour l'industrie. Les appels d'offres sont aujourd'hui ultra-concurrentiels, et ils ne portent pas sur de très gros volumes, et cela, pour des constructions dans huit à dix ans, sur une filière qui n'est pas mature. L'énorme difficulté pour nos équipes techniques, ainsi que pour l'industrie en général, est moins de dimensionner le flotteur que de savoir combien il va coûter dans dix ans. Or c'est maintenant qu'il faut prévoir un prix.
Enfin, plus il y aura de la visibilité sur le calendrier de mise en oeuvre de ces projets, plus il sera facile pour nous et nos sous-traitants de concevoir des schémas innovants, de développer des outils industriels adaptés en France, de nous appuyer sur les avantages considérables dont la France dispose pour une fabrication locale de ces flotteurs. À l'inverse, sans visibilité, avec une pression sur les coûts, nous ne pourrons plus prendre de risques sur nos projets, et nous utiliserons des capacités de construction déjà mises à l'échelle, à bas coûts - et elles ne seront pas françaises.
On est au coeur du sujet, mais j'y reviendrai plus tard dans le débat. Je veux d'abord laisser parler nos intervenants et je donne maintenant la parole aux opérateurs.
OceanWinds est la co-entreprise fondée il y a quelques années par Engie et EDPR, la filiale énergies renouvelables d'Energias de Portugal (EDP). Nous sommes donc un « pure player » dans l'éolien offshore.
L'expérience d'OceanWinds montre que l'éolien flottant est prêt à passer à une échelle industrielle. Nous opérons dans l'éolien depuis dix ans. Après l'étape des prototypes est venue celle des projets pilotes : ainsi, le projet de 24 mégawatts au large des côtes du Portugal, avec trois éoliennes sur flotteurs, est une expérience riche en enseignements.
La société Principle Power, dont nous sommes actionnaires à travers EDP, a développé, avec ses équipes, basées en grande partie à Aix-en-Provence, une technologie de flotteurs assez innovante : il s'agit de trois flotteurs classiques sous une turbine, mais avec un système d'équilibrage interne qui transfère de l'eau d'un flotteur à l'autre, selon les conditions météorologiques et océaniques. Cette technologie est aujourd'hui complètement aboutie et prête à être mise en oeuvre à l'échelle industrielle. Nous allons l'utiliser dans un projet pilote de 30 mégawatts, que nous sommes en train de développer, en partenariat avec l'Ademe, au large de Port Leucate et Port-la-Nouvelle.
Je voulais également insister sur notre action à l'étranger : notre portefeuille d'éolien représente aujourd'hui à peu près 16,5 gigawatts, dont un tiers de flottant. Des projets à taille industrielle vont être lancés très prochainement : un projet de 1,3 gigawatt en Corée, qui sera mis en service avant la fin de la décennie ; deux projets de 2 gigawatts, l'un en Californie, l'autre au nord de l'Écosse, qui seront mis en service probablement au début des années 2030. Nous sommes donc prêts à investir, à développer des projets de cette taille, qui vont émerger un peu partout dans le monde dans les prochaines années : l'industrie est prête à relever ce défi et à développer des capacités importantes d'éolien flottant.
Nous serions ravis de pouvoir le faire également en France : je pense qu'il y a une capacité de développement plus rapide que celle annoncée aujourd'hui. L'objectif de 40 gigawatts à l'horizon 2050 correspond à un rythme de développement d'éolien flottant et posé d'environ 1,4 gigawatt par an, bien inférieur aux rythmes annoncés au Royaume-Uni, en Allemagne ou aux Pays-Bas, qui sont de 2,5 gigawatts par an, voire davantage, sur la même période. Nos voisins vont donc beaucoup plus vite, et l'industrie va s'organiser autour de ces volumes. La France peut donc saisir cette opportunité d'accélérer son développement de l'éolien.
Equinor est le principal énergéticien norvégien, et compte plus de 22 000 collaborateurs dans 30 pays. Son actionnaire majoritaire est l'État norvégien, ce qui lui donne une spécificité : celle d'être guidé principalement par des valeurs et des engagements envers les communautés et la planète. Equinor applique ainsi toujours les plus hauts standards et a une éthique de travail reconnue dans l'industrie. Nous essayons de rester des alliés fiables et de procurer une sécurité d'approvisionnement énergétique à nos partenaires. Equinor est ainsi, depuis plus de vingt ans, le premier fournisseur de gaz naturel de la France.
L'autre spécificité d'Equinor est sa longue tradition de travail en mer. Depuis plus de cinquante ans, nous sommes spécialisés dans la livraison de projets complexes offshore, ce qui nous a donné une expérience unique et nous a permis d'être à la pointe de l'innovation industrielle en mer. Nous sommes également à l'origine de la fabrication de stations de production sous-marines. Il n'existe que trois stations pétrolières flottantes dans le monde, construites en béton, dont deux sur ancrage tendu, et toutes sont opérées par Equinor. Nous développons aujourd'hui des câbles dynamiques pour des liaisons de plus de 300 kilomètres de long en courant continu, pour alimenter l'une de ces plateformes flottantes au large de la Norvège.
Equinor a ainsi naturellement été le premier à fabriquer un démonstrateur d'éoliennes flottantes, mis en service en 2009 au large de la Norvège, qui est toujours utilisé dans le cadre d'un centre d'essais pour servir au développement de briques technologiques. Celui-ci nous a permis d'établir le fonctionnement de cette technologie et de développer le contrôleur de turbines lié à l'éolien flottant.
Depuis cinq ans maintenant, nous sommes opérateurs d'une ferme flottante au large de l'Écosse, qui présente de manière répétée les meilleurs facteurs de charge au monde, et qui nous a notamment permis de développer les techniques d'installation et d'exploitation de l'éolien flottant. En 2022, Equinor a mis en service au large de la Norvège la plus importante ferme flottante au monde, Hywind Tampen, avec onze flotteurs et une capacité installée juste en-deçà de 100 mégawatts. Cette installation nous a permis d'aborder l'industrialisation des flotteurs et des ancrages. Les précédents flotteurs étaient en acier, ceux d'Hywind Tampen sont en béton. Equinor a donc construit et installé plus de la moitié de la capacité flottante mondiale en service, qui est aujourd'hui d'un peu plus de 200 mégawatts - un chiffre en constante évolution, mais qui reste encore modeste par rapport à la proportion d'éolien posé installée.
La ferme d'Hywind Tampen a été réalisée avec plus de 50 % de contenu local, bien qu'il n'y ait pas de turbiniers en Norvège et que ce soit la première ferme éolienne en mer du pays, ce qui prouve que le projet est non seulement possible, mais aussi réussi, puisqu'il apporte des bénéfices aux communautés locales. Nous agissons toujours de façon transparente en promouvant la co-construction de ces projets avec les acteurs locaux.
Equinor est également présent sur l'éolien posé, avec plusieurs parcs en exploitation et la construction actuelle de la plus importante ferme posée au monde, Dogger Bank en Angleterre, qui produira à terme 5 gigawatts et qui mobilise par exemple pour les prochaines années l'usine General Electric de Saint-Nazaire. Nous sommes donc d'ores et déjà en collaboration avec des entreprises et des infrastructures situées en France, afin de partager notre savoir-faire et développer les innovations qui nous permettront de lancer la filière de l'éolien flottant en France. Comme cela a déjà été dit, la visibilité, les volumes, l'adaptation des infrastructures portuaires et le calendrier vont être des points-clés dans le lancement de cette filière qui présente énormément d'opportunités en France.
Cet échange entre vous, professionnels aux expériences et responsabilités diverses, qui maîtrisez les aspects techniques, et nous, élus qui aurons la responsabilité de voter la prochaine loi de programmation pluriannuelle de l'énergie, est absolument passionnant. Il ne faut pas oublier que nous sommes dans un monde ouvert et que chacune de nos décisions doit être mesurée à l'aune de ce qui se passe dans le monde, y compris lorsque l'entreprise est de culture française.
La France représente 4 % de l'économie mondiale. Vos entreprises sont en général présentes dans le monde entier. Si nous prenons une décision sans tenir compte de ce qui se passe hors de France, nous risquons d'arriver après la bataille. Notre réflexion publique doit donc être guidée par la volonté de nos compatriotes, tout en s'insérant dans le schéma général des actions et des décisions prises par ceux qui vont déterminer la nature même des outils de production, selon une norme mondiale, et leur capacité de transfert. Il s'agit d'identifier les problèmes techniques et peut-être de donner la parole à ceux qui vont être les voisins de ces projets, préoccupés par la nature même de ceux-ci.
En ouvrant la séance, j'ai dit aimer les éoliennes, parce qu'elles ont un effet redistributeur entre les villes et le monde rural. Qui sont les partisans de l'éolien maritime ? Les premiers sont ceux qui ne veulent pas de l'éolien à terre ; ils ne se mobilisent pas très activement. D'autres font partie des bénéficiaires potentiels du développement économique apporté par ces projets qui impliquent des investissements colossaux. Mais la plupart d'entre nous voudraient le beurre et l'argent du beurre, c'est-à-dire continuer à jouir de ce qu'ils connaissent, leurs paysages, et bénéficier malgré tout des retombées économiques.
Aux professionnels qui s'expriment aujourd'hui, je souhaiterais poser quelques questions techniques. La première s'adresse à RTE : le raccordement étant complexe, quel est son impact sur les coûts de production ?
La deuxième porte sur les turbines, leur taille, leur puissance et leur probable évolution. On peut penser qu'il vaut mieux installer des éoliennes moins nombreuses, avec des turbines plus puissantes, produisant unitairement plus de courant. Quelle est la capacité optimale des turbines et est-elle limitée ? Cette puissance est naturellement liée à la structure qui porte la turbine, et c'est cette structure qui définit l'impact de l'éolienne sur le paysage et sur la vie quotidienne.
La dernière question porte sur les capacités des installations portuaires : ce sont des productions qui requièrent beaucoup d'espace, pour la préparation et le stockage. Or les ports disposent souvent d'un espace limité à dédier à de telles activités : Le Havre est par exemple un très grand port, mais il a de très grandes ambitions et un espace limité ; Marseille a une vocation vraiment plus spécialisée aujourd'hui. Il serait intéressant de connaître votre point de vue sur les atouts et les faiblesses de nos ports, ceux où l'on construit et assemble les éoliennes maritimes constituant pour vous des alliés de taille.
Merci aux intervenants pour tout ce que vous nous avez apporté aujourd'hui, et pour la diversité de vos approches sur cette même question de l'éolien en mer, qui, en tant que sénatrice de la Loire-Atlantique, m'a beaucoup intéressée. Pour ma part, j'inscrirai mes questions dans le champ des sciences sociales.
La première s'adresse à Florent Guinot, de France Énergies Marines, qui a évoqué les défis d'intégration à la fois environnementale, sociale, voire sociétale, de l'éolien en mer. La population étant parfois réticente, voire hostile, à ces installations, avez-vous des perspectives pour développer davantage encore cette intégration environnementale et sociale ?
Ma seconde question s'adresse à Grégoire de Roux, d'EDF Renouvelables, qui a évoqué la nécessité d'une démarche programmatique. Ne faut-il pas aussi tenir compte de tout ce que les collectivités ont déjà pu développer, en termes d'accès, de transport, de déplacement et de mise à disposition de ces techniques ?
J'aurai quelques précisions à vous demander sur les questions de planification et sur le calendrier de mise en place des infrastructures industrielles, en back office. Pour les projets de loi de finances, nous aurions besoin d'une estimation du montant nécessaire à la mise à niveau des infrastructures portuaires en France.
Ma deuxième question porte sur les ressources humaines : vous prévoyez de créer de très nombreux emplois ; or, depuis quelques années déjà, le recrutement pose problème en France, de l'ingénieur au technicien. Existe-t-il un comité interministériel en lien avec les industriels pour aborder ces questions ? Quel est l'état des ressources humaines dans ce domaine ?
Ma troisième question concerne la R&D : alors que certains pays dédient des éoliennes flottantes à la R&D, pourquoi la France, alors qu'elle était pendant un temps plutôt en avance dans ce domaine, ne l'a pas fait ?
Ma question suivante porte sur les impacts des éoliennes, qu'il ne faut pas sous-estimer. Les impacts sur la faune et la pêche, notamment, sont des questions qui nous mobilisent énormément sur le terrain. Y a-t-il, au niveau international, un suivi et une recherche en matière d'innovation ? Sur l'exploitation des grands fonds marins, par exemple, cela se met en place difficilement. Pourrait-il y avoir une mise en commun des connaissances scientifiques sur les impacts possibles de l'éolien offshore ? Rappelons que l'absence de données formelles, précises et consensuelles sur l'éolien terrestre a créé du doute et de l'hostilité, ce qui constitue ici un danger potentiel.
Enfin, si la France n'a pu être pionnière pour l'éolien posé, que manque-t-il pour qu'elle puisse l'être un peu pour l'éolien flottant ?
La parole est d'abord aux pouvoirs publics - la DGEC et l'Ademe -, directement sollicités par les questions de nos collègues. Nous donnerons ensuite la parole aux entreprises, dont l'expérience internationale constitue une grande chance pour nous.
Les entreprises seront peut-être plus à même d'apporter des précisions sur la partie technologique. Sur le parc de Saint-Nazaire, la puissance des turbines est de 6 mégawatts. L'usine qui produisait ces turbines de 6 mégawatts à Saint-Nazaire a aujourd'hui basculé sur du 13 ou 14 mégawatts, nous sommes donc dans une optique d'augmentation assez significative. Je ne sais pas s'il y a un plafond technique.
En tout état de cause, il est certain que dès lors qu'on augmente la puissance de la turbine, on augmente aussi la hauteur de l'éolienne, d'où la nécessité de disposer d'infrastructures portuaires de taille suffisante pour procéder à leur assemblage. Il ne s'agira pas alors de frein technologique quant à la hauteur des ouvrages, mais de contrainte de taille et de logistique pour les infrastructures portuaires en mesure de les accueillir. Sur les prochains parcs, pour lesquels nous sommes en procédure de mise en concurrence, nous prévoyons des puissances unitaires d'un peu plus de 15 mégawatts, pour une mise en service entre 2028 et 2030.
Un certain nombre de financements sont déjà mobilisés pour la mise à niveau des infrastructures portuaires, notamment par l'intermédiaire du plan France 2030 : 100 millions d'euros sont prévus pour la phase d'industrialisation des ports, mais il y aura évidemment d'autres fonds à mobiliser, l'estimation des investissements nécessaires à la mise à niveau des infrastructures portuaires s'élevant entre 100 et 300 millions d'euros. Tous les ports ne seront pas concernés, mais plusieurs sont intéressés, dont un ou deux sur la façade méditerranéenne. La région Bretagne a également investi dans le port de Brest pour accueillir la construction du parc du cinquième appel d'offres sur l'éolien en mer, dans la perspective d'en avoir effectivement d'autres par la suite. Ces niveaux d'investissement demandent donc, comme cela a déjà été dit, d'avoir une certaine visibilité sur un volume : une puissance limitée à 250 mégawatts ne saurait y suffire. Dans cette perspective, la loi prévoit d'ores et déjà un rythme d'attribution de l'ordre d'un gigawatt par an à compter de 2024.
Pour répondre à la question des impacts sur l'environnement et la pêche, nous avons déjà quelques retours d'expérience au niveau international. Un observatoire de l'éolien en mer, annoncé par le Premier ministre Jean Castex à l'été 2020, a été mis en place et est toujours en construction. L'un des premiers objectifs de cet observatoire est d'établir un retour d'expérience à partir des observations faites pour l'instant essentiellement à l'étranger, mais aussi de capitaliser sur ce qui pourra être fait en France. Nous sommes en train d'établir un programme d'acquisition de connaissances, de nouvelles études, sachant que certaines sont directement liées à des projets en cours, notamment sur l'avifaune dans le golfe du Lion. Nous envisageons de faire de même pour les prochains appels d'offres sur l'arc atlantique, afin de bien caractériser les enjeux environnementaux et d'être mieux à même de mesurer par la suite les impacts de l'éolien.
Je complète le propos pour l'Ademe. Les premières fermes pilotes d'éolien flottant étaient du 6 mégawatts par turbine. Aujourd'hui, on voit des productions de 13 mégawatts développées, et, pour l'éolien offshore, la norme devient 15 mégawatts. Les turbines ont des pales de plus de 100 mètres et des rayons de 50 mètres. On atteint donc déjà des hauteurs limites très importantes, et aujourd'hui, à la demande de l'État, l'Ademe mène des études sur la possibilité d'industrialiser la production avec des standards de 20 mégawatts. Les turbiniers, qui ont des objectifs supérieurs, nous disent ouvertement qu'il n'y a pas de limite technique, mais cela pose la question de l'adéquation entre la turbine et le flotteur. Il n'y a cependant pas d'homothétie directe : ce n'est pas parce qu'on double la puissance de la turbine qu'on double la taille du flotteur. La taille des flotteurs reste dans des standards, passant peut-être de 60 à 80 mètres de largeur.
Pour compléter ce qui a été dit par la DGEC sur les ports, l'État a demandé à l'Ademe, agence de la transition écologique, d'appeler les ports à manifester leur intérêt, afin d'anticiper leurs besoins en termes d'investissements. Ceci nous permettra de déterminer les sommes nécessaires pour rallonger les quais, à savoir 60, 100 ou 200 millions d'euros. Cette étude doit également permettre d'établir des synergies entre les ports : un port ne va peut-être pas, à lui seul, porter l'ensemble de la chaîne de fabrication et d'intégration. L'un peut se spécialiser sur les sujets liés au béton, un autre sur l'acier. Un port peut effectivement construire le flotteur, un deuxième intégrer le mât de l'éolienne sur le flotteur, et un troisième gérer ce qui concerne le câblage dynamique et l'ancrage. Cette synergie peut être importante et créer effectivement des emplois distribués sur l'ensemble d'une façade maritime, en distinguant bien la façade atlantique de la façade méditerranéenne.
Enfin, le sujet des compétences a partiellement été pris en compte dans le cadre du programme France 2030, qui inclut bien le ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation. Ce dernier a publié des appels à projets, pour que les métiers puissent être développés. Mais si les compétences manquantes pour développer l'éolien flottant ont été anticipées - France Énergie Éolienne pourra sans doute évoquer plus longuement ce point -, ce n'est pas pour autant qu'elles sont résolues.
Je souhaiterais apporter un complément d'information sur le calendrier et les volumes de l'éolien flottant construits avant la fin de la décennie : je pense que nous parviendrons au gigawatt en Norvège ou en Corée du Sud avant 2030. En ce qui concerne la taille des turbines, comme cela a été dit, nous nous projetons plutôt sur 20 mégawatts à la fin de la décennie. Deux turbiniers chinois proposent déjà des machines de l'ordre de 18 mégawatts. Il n'y a pas en effet de limite technique, et des concepts de turbines de potentiellement 50 mégawatts existent déjà.
Outre les questions liées aux infrastructures et aux moyens humains que pose l'installation de telles turbines, il y a la dimension économique : la technologie évoluant très rapidement, l'investissement des turbiniers pour développer une nouvelle plateforme ne sera pas nécessairement rentabilisé si les volumes produits pendant une période donnée sont insuffisants. Pour surmonter cette limite technico-économique, située sans doute entre 20 et 30 mégawatts, il sera nécessaire de passer un palier.
Je suis tout à fait d'accord avec Alexis Darquin au sujet du problème économique des turbines : les turbiniers sont en très mauvaise santé aujourd'hui, ils se sont fait prendre au jeu de la course à la taille, et ils ne rentabilisent pas les investissements de leurs plateformes. Nous espérons un ralentissement, mais il y a là un vrai enjeu de survie de la chaîne et des turbiniers européens, dans un contexte où les turbiniers chinois poussent fort à la porte.
Quant à la taille, il faut faire la différence entre la puissance de la machine et le diamètre des pales, qui doit être adapté à la force des vents. Pour moissonner large dans les zones de vents faibles, comme l'Asie, il faut des pales au diamètre important et des turbines adaptées : on ne va pas faire de très gros rotors pour de toutes petites puissances. Dans les zones de vents forts, qui sont plutôt les zones du nord de l'Europe, le diamètre des pales se standardise et les turbines sont de grosses machines, avec la limite technico-économique de la rentabilité des turbiniers.
La question des infrastructures portuaires est vraiment essentielle pour l'éolien flottant : si les ancrages requièrent peu de temps et de moyens, et qu'ils peuvent être préparés partout, l'intégration d'énormes flotteurs, qui font tout de même 80 mètres d'empattement, nécessite des quais solides, avec une certaine profondeur d'eau. Seuls deux ports, un sur la façade atlantique, l'autre sur la façade méditerranéenne, sont vraiment adaptés pour ces flotteurs.
Un flotteur, pour une plateforme semi-submersible, ce sont trois gros tubes métalliques ou éventuellement en béton reliés par des bracons, l'ensemble ayant un empattement de 80 mètres.
La quasi-totalité de la préfabrication et de la fabrication peut être faite sur place, comme à Fos-sur-Mer, ou en ce moment même à Port-la-Nouvelle pour les projets pilotes, mais cela nécessite beaucoup de place quand de nombreux flotteurs sont fabriqués en même temps. Il faut également s'assurer que la main-d'oeuvre est compétitive, ou que les appels d'offres permettent de la payer correctement. On peut sinon préfabriquer à l'étranger, amener les différentes briques sur des bateaux de taille raisonnable, et faire uniquement l'assemblage final sur un port français.
Nous estimons, par notre expérience à l'étranger, les montants nécessaires à la mise à niveau des infrastructures portuaires à plus de 250 millions d'euros. Étant donné le nombre de ports intéressés pour soutenir cette filière en France, le coût va sans doute s'élever à plus d'un milliard d'euros, alors que 300 millions seulement sont aujourd'hui prévus.
Pour sa fabrication, l'éolien flottant est tributaire de la capacité des infrastructures portuaires, là où l'éolien posé dépend de la capacité des bateaux d'installation. La fabrication des flotteurs peut être faite à terre ou en mer, selon les matériaux utilisés, béton ou acier. Pour avoir des infrastructures portuaires qui soient capables de manipuler du béton et de supporter des portances très lourdes, il faut des investissements très importants. Les constructeurs qui adoptent la technologie béton peuvent alors choisir de produire les modules à terre mais de les assembler en mer, la structure complète, qui pèse plus de 20 000 tonnes, ne pouvant être manipulée à terre. Les deux techniques peuvent être utilisées.
La faisabilité en mer qui vient d'être évoquée correspond à une typologie côtière un peu particulière : pour pouvoir accoster ces modules dans de bonnes conditions, il faut être dans des zones suffisamment abritées, comme les fjords, mais ce n'est pas possible en mer ouverte. Des logiques d'assemblage pertinentes à un endroit donné ne pourront pas toujours être déployées ailleurs.
Pour un flotteur de très grande taille, peut-on imaginer un assemblage en mer de ses différentes briques ?
Un tel assemblage n'est pas possible en pleine mer : contrairement aux fjords, les côtes françaises ne sont pas assez abritées.
En matière d'industrialisation, l'option qui me semble la plus crédible est d'utiliser la préfabrication, peu coûteuse et modulaire, et de prévoir un assemblage final rapide. Cette rapidité d'exécution est essentielle, car on ne dispose pas de place suffisante pour stocker ces ouvrages dans les ports.
Pour répondre à votre question sur les prototypes, j'évoquerai Floatgen, celui que nous avons mis en service en 2018 au large du Croisic. Ses résultats sont prometteurs, avec une production électrique record en France. L'École centrale de Nantes qui l'exploite nous fournit un retour d'expérience important.
La question des ressources humaines et des compétences, est un point extrêmement important, transversal à toutes les filières électriques. Nous y travaillons beaucoup avec l'Union française de l'électricité. Certains métiers, présents à la fois dans le nucléaire et dans les énergies renouvelables, comme soudeur ou chaudronnier, sont en tension. Il est de notre intérêt de mutualiser les investissements, les compétences, pour ces différentes filières. Un volet « emploi-formation » dans la programmation pluriannuelle de l'énergie serait opportun, et un certain nombre de programmes de France 2030 pourraient également aller en ce sens. Pour la filière éolienne en mer, 20 000 emplois sont prévus en France à l'horizon 2035. Il faudrait particulièrement investir au niveau régional, puisque les emplois et formations relèvent d'une compétence régionale forte, et que nous travaillons déjà avec les collectivités.
Ces échanges sur l'assemblage et la mise à l'eau du flotteur sont pour moi typiques de la difficulté que nous pouvons avoir à fournir aux ports un cahier des charges solide et intelligible. L'ensemble des possibles ne pouvant être atteint pour un port, il nous faut absolument affiner ce cahier des charges, et interagir avec les ports en amont. Je pense que nous nous accordons tous sur une logique de façade maritime : il ne faut surtout pas qu'il y ait de compétition entre les ports, mais que chacun joue un rôle particulier, afin d'utiliser au mieux l'argent investi. Qu'il s'agisse de l'assemblage des flotteurs, de leur type, de la taille des turbines, nous avons la responsabilité collective - délicate à appréhender - d'inscrire correctement les ports dans cette feuille de route.
Quant aux turbiniers, il y a de nombreuses façons d'aborder le sujet, qu'il s'agisse de l'augmentation de la taille des turbines, de la santé des turbiniers ou encore de la taille des rotors. En effet, pour une production optimale, il faut adapter la taille du rotor à celle de la nacelle. La puissance unitaire de la nacelle ne constitue probablement pas une limite - nous savons bien faire de très belles locomotives de train -, et nous avons donc encore une marge de progression. C'est sans doute un peu moins le cas pour la taille des rotors, où des logiques de qualité de fabrication de ces objets, qui vont demain mesurer de 100 à 150 mètres, sont en jeu. Il faut également prendre en compte la vitesse minimum de rotation de la machine : avec 10 tours par minute environ pour un rotor d'un peu plus de 200 mètres, la vitesse en bout de pale est déjà de 400 km/h, ce qui doit nous amener à considérer la question de l'érosion et de l'intégrité à long terme des rotors. Sera-t-elle de 30, 25 ou 32 ans ? À nous d'essayer de le prévoir le plus justement possible.
Les nacelles que nous allons installer, sur le parc Provence Grand Large et sur les autres fermes pilotes, sont typiques d'une locomotive de TGV : elles pèsent 450 tonnes et ont une puissance de 10 mégawatts.
Les monopieux enfoncés dans le sol, qui soutiennent les éoliennes posées, pèsent jusqu'à 2 000 tonnes. Un flotteur peut peser jusqu'à 4 000 tonnes aujourd'hui, ce qui est vraiment très lourd.
Je voudrais évoquer la phase « opération et maintenance » : nous parlons beaucoup de la phase de construction, mais cette partie ultérieure génère aussi énormément d'activité pour les ports, ainsi qu'une activité locale, puisque des équipes se rendent quotidiennement sur site, en bateau, pour les opérations de maintenance. Cette phase crée un énorme gisement d'emplois et d'activités non délocalisables, contrairement à la phase de construction, qui nécessite d'énormes emplacements de chantier - des yards - que nous n'avons pas toujours, ou seulement en partie, en France.
Pour revenir sur les questions sociales et sociétales, effectivement essentielles, plusieurs points me semblent devoir être évoqués sur la manière de susciter l'adhésion et d'accompagner le changement.
On relève tout d'abord un intérêt conjoint des industriels et des différents usagers de la côte autour de la question de la planification. La planification doit donner de la visibilité, comme pour un grand projet d'aménagement urbain. Je prends souvent l'exemple de la ville de Marseille avec le projet Euroméditerranée : lorsque le projet a été décidé il y a une quinzaine d'années maintenant, les transformations à venir ont tout de suite été rendues visibles aux usagers de la ville, qu'il s'agisse de l'emplacement des réseaux de chaleur, de l'hôpital ou du lycée international. Il faut que nous fassions de même sur les façades maritimes, et que nous puissions donner à l'ensemble des usagers de la mer et des riverains des éléments sur lesquels échanger, comme par exemple le nombre de parcs à horizon 15 ou 30 ans, ou les modalités de développement en termes de taille et d'éloignement par exemple. Cette visibilité à long terme est un point essentiel, parce le fonctionnement au coup par coup génère de vraies difficultés pour les différents usagers. Cette planification répondra aussi à des enjeux d'infrastructures industrielles et de financement.
Un deuxième point important - déjà traité lors des nombreux débats au cours de la loi d'accélération des énergies renouvelables - est le partage de la valeur associée au développement des énergies renouvelables. Ce partage est essentiel, avec les communes bien sûr, et aussi pour soutenir la transition énergétique d'autres secteurs d'activité co-usagers de la mer : les pêcheurs, notamment, qui doivent engager une reconversion de leur flotte de bateaux, du fioul à l'hydrogène par exemple. Un travail doit être fait sur les modalités d'accompagnement, sur l'usage de ces investissements en mer, pour contribuer à la décarbonation d'autres secteurs d'activité, notamment le transport de marchandises en mer et la pêche, pour que les bénéfices communs soient partagés.
Enfin, il nous faut faire preuve de beaucoup plus de pédagogie sur ce changement sans précédent que constitue la décroissance organisée et programmée de la consommation d'énergie fossile, celle-ci représentant aujourd'hui encore 60 % de notre bilan énergétique. On ne met pas suffisamment en lumière le fait que, pour remplacer ces 60 % de consommation d'énergie importée - puisqu'on n'a quasiment pas de gisements fossiles sur le territoire national -, il va falloir produire l'énergie, notamment à travers les énergies renouvelables, sur notre territoire terrestre et maritime. Je pense que ce changement n'est pas encore clair dans l'esprit de beaucoup de nos concitoyens, et ces projets, notamment dans le cas d'un futur débat public sur l'éolien offshore, sont l'occasion d'expliquer et d'illustrer ce que représentent ces énergies.
Dans le projet de loi sur les énergies renouvelables actuellement discuté à l'Assemblée nationale et au Sénat, nous avons fait le choix d'éloigner un peu l'éolien maritime des côtes. N'est-ce pas une complication inutile ?
S'éloigner des côtes permet à la fois d'éviter des problèmes de nuisance visuelle pour les riverains, et de favoriser l'accélération du flottant, n'est-ce pas ?
La géographie compte aussi. En Méditerranée, loin des côtes, il y a des canyons sur lesquels on ne peut pas construire. Sur la façade Manche-Est Mer du Nord, on a évoqué tout à l'heure le rail de navigation transmanche, autour duquel il faut ajouter une distance de sécurité. Si on s'éloigne trop, on supprime ainsi toute possibilité de développement.
Sur l'Atlantique, la profondeur augmente très rapidement. On peut donc technologiquement passer à du flottant. Hélas, on ne sait pas encore raccorder au-delà de cent mètres.
Plus exactement, on ne sait pas raccorder à un coût raisonnable au-delà de cent mètres.
Concernant les coûts, c'est l'éloignement combiné à la puissance du parc à raccorder, qui fait passer des technologies de courant alternatif vers les technologies de courant continu. Le parc Centre Manche 1, d'une puissance d'un gigawatt, et le parc Centre Manche 2, d'une puissance de 1,5 gigawatt, seront nos premiers parcs ainsi raccordés en courant continu. Ils combinent une puissance importante et un éloignement de l'ordre de 100 kilomètres du point de connexion terrestre. Les seuils à retenir pour le choix du raccordement en courant continu sont les suivants : 130 km pour une puissance d'un gigawatt, et 100 km pour 2 gigawatts. L'explication est assez simple : en courant alternatif, les coûts liés au câble augmentent avec l'éloignement de façon linéaire, alors qu'en courant continu, l'essentiel des coûts d'investissement porte sur les stations de conversion terrestres et maritimes. Dit autrement, en courant continu, le coût initial est élevé, mais s'éloigner coûte ensuite assez peu.
Pourquoi cette différence entre courant alternatif et courant continu ?
En courant alternatif, pour 750 mégawatts par exemple, on doit utiliser trois câbles. En courant continu, il y a moins de perte : un aller-retour est nécessaire. Cela dépend bien sûr si l'on est en monopôle ou en bipôle, mais globalement, on gagne aussi sur la consistance générale de l'ouvrage.
Quant à la profondeur, à partir de 100 mètres, le problème est davantage économique que technologique - même si l'on imagine les jambes d'acier nécessaires pour supporter une plateforme de 20 000 tonnes... C'est plus d'un étage de la Tour Eiffel, au minimum. L'impact environnemental est considérable. Les coûts de construction sont gigantesques, sans parler de l'entretien de la mécanique immergée, qui n'est pas notre coeur de métier et que l'on déléguera.
Au sujet du développement du flottant, nous nous intéressons déjà à la manière de réduire ou de contenir ces coûts. Lorsque c'est possible, on mutualise les infrastructures : c'est ce que l'on va faire pour les parcs Sud Bretagne et les deux parcs en Méditerranée, en construisant un poste électrique de 750 mégawatts qui va permettre d'accueillir sur le même poste en mer les premiers parcs ainsi que les extensions attendues.
On essaie également de standardiser : pour les raccordements des parcs Centre Manche 1 et Centre Manche 2, on prévoit ainsi deux plateformes de courant continu d'une puissance de 1,25 gigawatt. On vient de modifier notre avis de marché pour inclure la plateforme qui sera prévue pour le raccordement de l'appel d'offres AO7 Sud-Atlantique. Cela signifie que l'on standardise le design pour rendre possible l'achat de trois plateformes auprès d'un consortium industriel, en espérant que la répétitivité permettra de contenir le coût.
Je suis très frappé de ce qui s'est passé en mer du Nord, où une communauté d'acteurs s'est formée et a su solliciter les fonds européens. La mer du Nord est une cuvette, avec une profondeur de 50 à 60 mètres partout : cela convient bien aux technologies posées. Aujourd'hui, un standard de plateforme posée de 2 gigawatts de courant continu est en train d'être porté par les opérateurs allemands et néerlandais (TenneT au premier chef, Amprion, etc.) et soutenu par l'industrie allemande, Siemens faisant partie des grands fournisseurs de courant continu.
Pour le flottant, rien n'est encore organisé. Or nous devrions conduire le même type de réflexion sur les avantages ou les inconvénients géographiques. La France doit trouver des alliés. En Europe, il y a les Irlandais, les Norvégiens, les Portugais, et les Espagnols.
Quant au fléchage des fonds européens pour aider au développement de l'éolien en mer, il serait bon que l'on puisse faire en sorte de réduire le coût et d'accélérer l'industrialisation, pas uniquement en mer du Nord, mais également sur l'arc atlantique, parce que l'on pourrait associer a minima le Portugal, l'Espagne, la France et l'Irlande - c'est plus compliqué pour la Norvège. Cela nous permettrait de lever les verrous technologiques que j'évoquais tout à l'heure.
Est-il absurde de dire que le raccordement électrique représente un quart ou un tiers du budget ?
Pour le posé, l'ordre de grandeur est entre 25 % et 30 % du coût du parc. Pour le flottant, on ne sait pas encore - à vrai dire, le marché mondial est lui-même flottant.
Je confirmerai ce que dit Régis Boigegrain : 80 % de la ressource éolienne marine potentielle est en flottant, mais nous sommes confrontés à des limites technico-économiques. Les parcs attribués sur la côte ouest des États-Unis vont être développés par un kilomètre de fond. Plusieurs Joint Industry Projects sont en cours pour développer ces fermes flottantes.
Nous sommes du même avis. Géographiquement, trois quarts du marché potentiel est flottant, mais il va falloir du temps avant que le marché du posé soit saturé.
Je pense aussi qu'il y a encore beaucoup de choses à faire en posé. Le marché potentiel du flottant est effectivement considérable, mais la question demeure de savoir quelle part de ce marché se réalisera effectivement.
Je confirme que le potentiel de l'éolien flottant est énorme, et cela ira sans doute plus vite que certains le pensent.
Sur les 40 gigawatts prévus en 2050, 10 ou 12 gigawatts seulement se feront avec un raccordement flottant. Cela équivaut à cinq plateformes. Ce sera certainement insuffisant pour que nous puissions amortir les coûts. Sans doute faut-il tout de suite chercher des alliés et viser un marché au-delà de la France, voire de l'Europe.
Aujourd'hui, compte tenu du volume des projets, le raccordement devrait correspondre à environ un quart des coûts. Pour l'amortir, il faudra des volumes de l'ordre de 2 gigawatts, comme sur les projets de la côte Ouest aux États-Unis. C'est la mutualisation dont parlait Régis Boigegrain.
Que pense TotalEnergies, dont le marché est mondial, d'une mutualisation ? Y a-t-il réellement un marché français ?
La France a beaucoup de potentiel. Le problème est celui du calendrier : il ne faut pas se laisser distancer par le rythme mondial.
Une stratégie française d'alliance pour un type de produit ne serait donc pas absurde...
Je ne sais pas quoi vous répondre...
Deux questions n'ont pas été évoquées, celles portant sur les notions d'impact et d'acceptabilité.
Oui, quelques questions à ce sujet ont justement été posées sur la plateforme en ligne. Ce n'est pas directement l'objet de l'audition aujourd'hui, mais c'est bien de l'évoquer.
La tendance est à l'éloignement croissant des parcs, notamment pour éviter leur impact visuel, qui est subjectif. Les autres conséquences, sur la faune, la flore, les usages, l'avifaune, le benthos, sont difficiles à préciser et relèvent encore de l'imaginaire : on ne sait pas quantifier quelles populations sont présentes sur ces zones lointaines. Et l'on ne dispose que de très peu de retours d'expérience, contrairement aux premiers kilomètres à proximité des côtes.
Il y a donc un réel effort à mener pour caractériser ce qu'on appelle l'état initial, et ensuite pour déterminer les impacts de manière objective. Actuellement, chacun interprète à sa façon telle ou telle évolution de population ; or seules des approches écosystémiques objectives pourront permettre de caractériser l'impact de tous les projets dans l'écosystème global.
Nous travaillons de manière très rapprochée avec toutes les parties prenantes, que ce soient les développeurs de projets ou les autres acteurs de la filière, pour apporter les éléments qui permettront une caractérisation scientifique. C'est un point sur lequel il faut des investissements et des efforts conséquents. C'est seulement après que nous pourrons prendre des décisions de manière objective, et passer aux méthodes dites « ERC » pour éviter, réduire et compenser les impacts.
À l'Ademe, nous travaillons beaucoup sur le paysage, notamment avec l'École nationale supérieure de paysage de Versailles, avec les appels à projets Plan de paysage, ou avec la Direction de l'Habitat, de l'Urbanisme et des Paysages (DHUP) au sein du ministère de la Transition écologique et solidaire. Nous avons notamment produit un imagier de la transition énergétique qui permet de voir la façon dont les paysages ont évolué au cours de l'histoire, avec la transformation des systèmes énergétiques, et comment ils vont continuer à évoluer.
La question du paysage nous paraît vraiment essentielle pour l'appropriation des projets. Quant aux enjeux socio-économiques, nous menons, avec France Énergies Marines et beaucoup d'autres partenaires, un projet de recherche sur le long terme qui s'appelle EOLENMER, destiné à faire un « point zéro » sur les sites en termes de tourisme, de pêche, d'emplois, etc. Après ce diagnostic territorial vient un suivi thématique dans chacun de ces domaines, et enfin un suivi ouvert interdisciplinaire. EOLENMER associe une cinquantaine de chercheurs du CEA, du CNRS, de l'Ifremer, de l'IFPEN, de l'IRD et des universités. Mentionnons enfin ce centre de ressources énergies renouvelables et biodiversité que l'on souhaite construire, et sur lequel nous travaillons conjointement avec l'Office français de la biodiversité.
Au sujet du partage de données et de la mutualisation, il y a effectivement des choses à faire. En commençant par la demande de l'État de partager toutes les données collectées au cours du développement jusqu'à la mise en service.
Il y a une dimension de savoir-faire importante. Dans le cadre de la future implantation de Provence Grand Large, nous sommes en train d'installer une caméra pour compter les oiseaux, savoir comment vole telle espèce et où elle va, avec des outils qui sont en constante évolution et avec un peu d'intelligence artificielle. Sur le parc de Fécamp, des drones ont été équipés pour compter les oiseaux sur la falaise et caractériser un état initial. Nous répéterons cela tous les ans.
Certaines entités comme France Énergies Marines ont effectivement une vocation collaborative, loin de la compétition qu'on peut se livrer par ailleurs entre développeurs. La rationalisation des débats est dans notre intérêt commun. Il y a quelques jours est ainsi paru un article très positif, indiquant que les oiseaux de mer semblent s'accommoder assez bien des parcs éoliens.
La pêche est l'activité économique la plus perturbée par les parcs qu'on implante. Nous devons faire beaucoup d'efforts pour que les pêcheurs puissent travailler dans les parcs. Certains pays l'interdisent, la Belgique par exemple.
Un point important est de veiller à donner aux pêcheurs une vision d'ensemble. Il est très irritant pour eux d'avoir des informations sur les projets au coup par coup. La planification leur est utile.
Dans la construction d'un parc comme celui de Saint-Nazaire, la possibilité de la pêche est prévue. À Fécamp, un couloir a même été aménagé au milieu du parc pour que les bateaux n'aient pas à faire le tour. Et pendant la construction elle-même, un phasage était établi pour libérer des zones au fur et à mesure.
La concertation est longue, parce qu'elle demande de comprendre les différents types de pêche et les impératifs de chacune. Mais la coactivité s'opère correctement. Elle est importante pour nous parce que les pêcheurs restent près du parc toute leur vie. Il est dans notre intérêt que ça se passe bien pour eux, et on pense y parvenir correctement sur des parcs comme ceux-là.
Il y avait une question sur les raisons pour lesquelles la France ne s'était pas dotée d'une éolienne de R&D. Je viens du monde de l'industrie et il est vrai qu'on voit beaucoup de projets pilotes ou de démonstrateurs dont les efforts dispersés ne bénéficient pas à l'ensemble de la filière. Pour la mise en place de ce type d'infrastructures, dont les coûts sont très importants, de l'ordre de centaines de millions d'euros, une mutualisation des efforts permettrait d'aller plus loin dans les tests, actuellement limités, de briques technologiques.
Je ne sais pas si tous les industriels autour de la table sont enthousiastes à l'idée de cette initiative. Il faut pourtant que la France dispose de ces outils bénéficiant à l'ensemble de la filière. Il n'est pas seulement question de la validation de briques technologiques, mais de la formation, de développements locaux à travers lesquels la filière industrielle commence à se mettre en marche. Nous soutenons un certain nombre d'initiatives dans ce sens, dont vous entendrez peut-être parler au cours de l'année.
L'enjeu concerne le côté opérationnel des technologies. Nous devons encore améliorer notre compétitivité. Si l'on arrive à faire gagner 2 % ou 3 %, voire 5 %, sur les coûts opérationnels ou les coûts de construction de ces systèmes, sachant que l'on parle de centaines, voire de milliers de systèmes, cela chiffre très vite. On a donc tout intérêt à travailler sur la recherche et le développement pour améliorer la montée en puissance et la compétitivité de la filière.
Je signale que l'on va bientôt publier un rapport, commandé à France Énergies Marines, sur les impacts environnementaux de l'éolien en mer, qui rassemble un très grand nombre de données européennes, représentant trente années de retour sur expérience. Nous aurons plaisir à vous l'adresser d'ici quelques semaines.
Je vous suis très reconnaissant d'avoir consacré une matinée complète à l'enrichissement de la connaissance des députés et sénateurs sur ce sujet difficile. Le débat sur l'énergie est engagé. Le président de la République a pris des initiatives.
Ce qui me préoccupe le plus est la compatibilité entre notre intérêt national et le projet industriel mondial. Comment faire en sorte que nous ne perdions pas la main sur le plan industriel alors que nous pouvons peut-être encore la garder ? La mondialisation a beaucoup d'avantages en termes de pouvoir d'achat, mais elle a aussi parfois des inconvénients en termes d'ambition industrielle - pas toujours cela dit, car il nous arrive de gagner. Mais notre balance commerciale est déficitaire. Je vous remercie une nouvelle fois pour votre présence ce matin.
La réunion est close à 12 h 20.
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