Commission des affaires européennes

Réunion du 6 décembre 2023 à 16h30

Résumé de la réunion

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  • commerce
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La réunion

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Photo de Jean-François Rapin

Monsieur l'Ambassadeur, je vous remercie très sincèrement pour les réponses que vous nous avez apportées.

La réunion est close à 14h40.

- Présidence de M. Jean-François Rapin, président -

La réunion est ouverte à 16 h 30.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Rapin

Nous nous réunissons cet après-midi pour entendre M. Olivier Becht, ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger.

Cette audition est captée et diffusée sur le site Internet du Sénat. Elle est ouverte aux membres du groupe de suivi des accords commerciaux de l'Union européenne, qui viennent d'être désignés par les trois commissions compétentes.

Les enjeux commerciaux sont au coeur de l'actualité européenne et ont connu ces dernières semaines des développements que je qualifierais « en dents de scie ».

La Commission européenne, dans son dernier programme de travail, s'était montrée très volontariste. Elle n'atteindra clairement pas ses objectifs. Certes, deux accords commerciaux sont en phase d'aboutissement : celui conclu avec la Nouvelle-Zélande, le processus de ratification au niveau de l'Union s'étant achevé le 27 novembre, et les deux accords avec le Chili, dont la signature devrait intervenir dans les prochains jours.

En revanche, l'accord avec le Mexique n'a pas pu être finalisé. Le projet d'accord avec l'Australie, qui semblait à portée de main, a été refusé par le Premier ministre australien, notamment en raison du volet agricole. Quant à l'accord avec le Mercosur, en dépit des nombreuses pressions exercées par la Commission européenne, par la présidence espagnole du Conseil, comme j'ai pu le mesurer lors de la dernière Conférence des organes spécialisés dans les affaires de l'Union (Cosac), avec Didier Marie et Claude Kern, mais aussi par notre voisin allemand, il n'aboutira pas demain. Vous savez que le Sénat s'était montré très vigilant et opposé à des concessions hâtives pour obtenir un accord à tout prix. Nous constatons désormais que les autorités argentines, y compris le gouvernement sortant, ne veulent pas non plus de cet accord.

Cette séquence interroge néanmoins sur la dynamique à l'oeuvre au niveau de l'Union européenne, ainsi que sur la manière dont les États membres et les parlements nationaux sont associés au processus de négociation des accords.

En s'appuyant sur sa « stratégie européenne en matière de sécurité économique », la Commission européenne a voulu forcer la main, en cette fin de mandature, en mettant en avant les enjeux géopolitiques, voire géostratégiques, notamment pour sécuriser l'accès à certains matériaux critiques pour les transitions écologique et numérique. Nous ne nions ni ces enjeux ni la stratégie de déploiement agressive de la Chine, mais nous considérons que nous devons affirmer avec force les intérêts français, qui ne sont pas moins importants que les intérêts espagnols ou allemands.

Nous serons donc heureux d'entendre votre analyse de ces enjeux commerciaux.

Peut-être pourrez-vous nous rendre compte des résultats du dernier Conseil « commerce », qui s'est tenu le 27 novembre dernier, au cours duquel, outre le calendrier de signature de l'accord avec le Chili, trois points importants ont été évoqués ?

Premièrement, la préparation de la treizième conférence ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), la remise en ordre de marche de l'organe d'appel du mécanisme de règlement des différends restant une priorité pour l'Union européenne, qui est certainement le bloc le plus engagé en faveur du multilatéralisme, même si nous devons prendre garde au procès en « protectionnisme vert » qu'on voit monter à notre encontre dans certains pays en développement et que certains concurrents utilisent contre nous.

Deuxièmement, les relations commerciales entre l'Union et les États-Unis, l'acier et l'aluminium demeurant des enjeux majeurs.

Troisièmement, les perspectives de négociation des accords commerciaux, alors que plusieurs négociations sont encore ouvertes, notamment avec l'Inde.

Au-delà de ces thèmes déjà très substantiels, je veux également vous dire que nous accordons une grande attention à la mise en oeuvre des outils de défense commerciale. Nous avons échangé à plusieurs reprises avec Denis Redonnet, le directeur général adjoint de la DG (direction générale) Commerce, qui pilotera notamment l'enquête antisubventions concernant l'industrie automobile électrique chinoise. Vous pourrez nous faire part de votre analyse des enjeux.

Nous avons le sentiment que l'Union européenne est réellement sortie d'une forme de naïveté en la matière mais, manifestement, des progrès peuvent encore réalisés pour permettre aux petites et moyennes entreprises (PME) qui n'appartiennent pas à des fédérations puissantes et structurées, de faire valoir leurs droits et de défendre leurs intérêts. Elles ne sont quelquefois même pas informées des possibilités qui leur sont offertes.

Debut de section - Permalien
Olivier Becht, chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger

ministre délégué auprès de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger. - Merci de me donner l'occasion de revenir sur le Conseil des ministres de l'Union européenne (UE) dédié au commerce qui a eu lieu le 27 novembre dernier.

Ce Conseil des ministres a commencé par débattre de la position de l'Union et des États membres lors de la prochaine réunion ministérielle de l'OMC qui se tiendra du 26 au 29 février 2024 à Abu Dhabi. Son enjeu principal portera sur la réforme des institutions de l'OMC, notamment le déblocage de l'organe de règlement des différends, paralysé depuis de nombreuses années par les États-Unis qui ne nomment pas les personnes qu'ils devraient nommer. Tout processus de règlement des litiges, qui doit présider au multilatéralisme établi dans le cadre de l'OMC, est bloqué. C'est important pour l'UE, car plus de 40 % de nos accords commerciaux internationaux sont régis par les règles de l'OMC. Ne pas pouvoir régler les différends de manière juridictionnelle fragilise les règles et remet en cause la possibilité de ce multilatéralisme commercial. Cette situation ouvre une perspective de retour à des comportements unilatéraux qui peuvent être très préjudiciables, non seulement au commerce, mais aussi à l'ensemble de notre économie avec le retour de barrières tarifaires et non tarifaires qui feraient peser un coût supplémentaire sur les consommateurs et pourraient réduire le pouvoir d'achat de nos concitoyens.

Je me rendrai la semaine prochaine aux États-Unis pour discuter des solutions envisageables pour débloquer cet organe d'appel. Mais à Abu Dhabi, nous discuterons aussi des secteurs dans lesquels accroître encore nos efforts en matière de réglementation commerciale. Nous avons obtenu de justesse l'an dernier, lors de la douzième conférence, un accord pour interdire les subventions aux pêches illégales, mais beaucoup reste encore à faire, y compris sur la mise en oeuvre de cet accord et son élargissement aux subventions à la pêche légale.

Le deuxième point que nous avons abordé concerne les relations avec les États-Unis, au-delà de la question de l'organe de règlement des différends. Elles sont marquées par deux contentieux que nous avons depuis plusieurs années.

Le premier, vous y faisiez allusion, concerne l'acier-aluminium depuis 2018. En 2021, un accord temporaire a permis de suspendre les droits de douane supplémentaires imposés par les Américains et les mesures que l'Union européenne avait prises en réponse à ces droits de douane. Nous recherchons une solution pérenne, qui paraît compliquée puisque, lors du dernier sommet UE-États-Unis, les Américains n'ont pas fait de proposition en ce sens. Nos discussions portent essentiellement sur les quotas d'acier dans un contexte mondial où la production reste excédentaire par rapport à la demande, mais aussi sur les quotas par pays.

La probabilité que nous trouvions un accord pérenne d'ici à la fin de l'année est faible, mais les discussions se poursuivent pour a minima proroger l'accord temporaire en vigueur avant que la mandature de l'administration Biden prenne fin et avancer sur le règlement de la fameuse mesure 232 américaine (section 232 du Trade Expansion Act de 1962). Nous souhaitons avant tout éviter le retour des droits de douane qui peuvent entraver un certain nombre de nos acteurs et pourraient gêner d'autres filières, comme celle des vins et spiritueux, au travers des mesures prises en représailles de part et d'autre en 2018. Nous ferons tout notre possible pour protéger nos filières d'un retour des droits de douane ou de contingents supplémentaires.

Nous travaillons en parallèle sur le contentieux Airbus-Boeing en cherchant également une solution pérenne à l'accord temporaire que nous avons avec les Américains.

Le troisième point abordé lors du Conseil du 27 novembre dernier concerne le rapport de la Commission européenne sur la mise en oeuvre des accords commerciaux. Des progrès ont été faits avec la mise en place d'un Chief Trade Enforcement Officer (responsable de l'application des règles commerciales) qui veillera à la bonne mise en oeuvre des accords et au démantèlement des barrières tarifaires - chaque année, cela représente un gain de 3 milliards d'euros pour nos entreprises.

En parallèle, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères met en place avec celui de l'Economie des événements pour informer nos filières, notamment agricoles, afin qu'elles puissent utiliser de manière optimale ces accords commerciaux et minimiser les droits de douane à payer. Fournir ces informations est essentiel et nous le faisons de manière très dynamique car les petites entreprises ne savent pas toujours bien se servir de ces accords commerciaux. C'est pourquoi nous avons inscrit ce point dans le plan « Oser l'export », pour faire en sorte que chaque entreprise ait la capacité de tirer le meilleur parti de ces accords.

Cela m'amène au dernier point abordé par le Conseil. La décision de signature de l'accord avec la Nouvelle-Zélande a été ratifiée par le Conseil des ministres de l'UE la semaine dernière. Concernant les relations commerciales avec le Chili, la décision de signature des deux accords - l'accord global et l'accord intérimaire - a été validée hier par le Conseil., Ces accords, qu'on peut considérer comme définitifs, sont largement favorables à la France, notamment à nos filières agricoles sur les vins et spiritueux ou les fromages.

Nous pourrons évoquer le sujet de la viande ovine qui a suscité quelques crispations mais je tiens à vous rassurer : la Nouvelle-Zélande utilise cet accord comme une précaution pour réduire les risques, dans des situations géopolitiques compliquées, avec certains des acteurs qui sont aujourd'hui ses clients. Mais la Nouvelle-Zélande n'utilise pas la totalité de ses contingents OMC. Elle en utilise moins de 70 % sur la viande ovine. Il est donc peu probable que les 38 000 tonnes équivalent carcasse qu'elle a obtenues dans l'accord soient réellement envoyées vers l'Union européenne. Il n'y a pas de péril pour notre filière ovine du fait de cet accord avec la Nouvelle-Zélande.

L'accord avec le Chili est très important d'un point de vue minéro-critique, puisqu'il ne sert à rien de produire des voitures si l'on n'a pas de lithium pour les batteries. Or le Chili détient l'une des premières réserves mondiales de lithium : c'est donc un partenaire important et je m'y suis rendu en juin dernier pour cette raison.

L'accord avec l'Australie n'a pas pu aboutir malgré les discussions que nous avons eues en marge du G7 à Osaka en octobre dernier, et ce pour plusieurs raisons, notamment parce que les Australiens nous demandaient l'équivalent accordé aux Néo-Zélandais en matière de viande ovine, c'est-à-dire 38 000 tonnes équivalent carcasse, ce qui n'était pas possible. En effet, l'Australie est actuellement en situation de surproduction car elle a perdu des marchés importants au Moyen-Orient. En ouvrant de tels quotas, nous aurions vu arriver cette production sur le marché européen, ce qui aurait mis en péril nos filières, car cela aurait représenté près de 12 % de la production européenne. Nous avons donc été extrêmement fermes, la Commission européenne nous a suivis et a défendu le secteur agricole français. En ce qui concerne les standards environnementaux, en revanche, nous nous acheminions vers un accord parfait avec l'Australie.

Ce n'est pas le cas avec le Mercosur : l'accord signé en 2019, négocié depuis 1999, avait fait l'objet de recours par la France et d'autres pays de l'Union au motif qu'il n'était pas conforme à la nouvelle approche que nous souhaitions imposer aux accords commerciaux, c'est-à-dire remettre l'humain et la planète au centre. Nous sommes ouverts sur le monde, mais pas à n'importe quelles conditions. Nous attendons une réciprocité et l'adaptation aux standards actuellement en vigueur au sein de l'Union sur le droit du travail et le droit de l'environnement : les conventions de l'Organisation internationale du travail (OIT) sur l'interdiction du travail forcé, l'interdiction du travail des enfants, le respect des accords de Paris, l'interdiction de la déforestation, l'alignement du chapitre relatif au commerce et au développement durable sur les standards de l'Union européenne, avec la possibilité de prendre des sanctions en cas de non-respect et, enfin, des clauses miroirs, pour que les normes sanitaires et environnementales imposées à nos produits le soient également aux produits importés.

Certains pays du Sud disent qu'il s'agit d'une sorte de néoimpérialisme, alors qu'il s'agit pour toute exportation vers l'Union de respecter les standards que celle-ci s'impose. Nous ne pouvons pas appliquer des standards toujours plus ambitieux à nos propres producteurs et ouvrir nos marchés à des exportations qui ne les respecteraient pas. Cela protège aussi nos consommateurs. Nous avons tenu bon sur cette position, en conformité avec la ligne de conduite adoptée par l'Assemblée nationale et le Sénat, et avons réaffirmé notre position lors de chaque Conseil des ministres de l'Union, formel ou informel, ainsi qu'auprès des Etats membres qui partagent notre vision. Certains Etats membres ne la partagent pas et estiment que nous devrions signer cet accord à tout prix, pour « dé-risquer » des positions industrielles prises notamment en Chine. Nous le comprenons et nous soutenons l'industrie de ces pays ; nous souhaitons qu'ils puissent trouver de nouveaux marchés, mais cela ne peut pas se faire au détriment de nos propres intérêts et de nos propres standards ou des ambitions que l'Union européenne porte avec ses États membres en matière environnementale, de lutte contre la déforestation ou de bien-être animal.

L'Argentine a fait savoir qu'elle n'était pas prête à signer ce traité, dont l'avenir reste incertain. Deux positions divergentes coexistent : au sein du Mercosur, les États sont en désaccord sur la manière de traiter la position de l'UE ; et au sein de l'UE, quand bien même le traité serait signé par la Commission européenne, il ne serait pas nécessairement ratifié par ses États membres car, en l'état, les conditions de ce traité ne sont pas acceptables, au moins pour la France.

Les discussions se poursuivent avec l'Inde. Deux sujets sont sensibles. D'une part, se pose la même question des standards européens environnementaux à respecter. D'autre part, il est compliqué d'envisager l'application des engagements fédéraux au niveau des États fédérés, car le gouvernement fédéral ne peut y garantir la mise en oeuvre des accords. Cela reviendrait à dire, par exemple sur les marchés publics, qu'en réciprocité, les Indiens seraient éligibles aux marchés publics lancés par la Commission européenne, mais qu'il leur faudrait ensuite négocier avec chacun des 27 États membres de l'UE pour chacun de leurs marchés, ce qui est évidemment infaisable. Ces négociations présentent moins d'intérêt stratégique sur le plan agricole pour la France que celles avec le Mercosur mais nous les suivons également avec une très grande vigilance.

Je répondrai maintenant avec plaisir à vos questions, notamment sur l'Accord économique et commercial global (Ceta) qui est un sujet sensible au sein de votre Haute Assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Rapin

Avant de donner la parole à mes collègues, je souhaite faire une observation concernant le Mercosur . Nous resterons vigilants. Certes, les Argentins nous sauvent la mise pour le moment mais le nouveau président argentin sera vite rendu aux réalités régionales et reviendra peut-être à la charge avec le Brésil.

Par ailleurs, vous nous rassurez concernant la ratification par les parlements nationaux. Alain Cadec avait posé une question sur le sujet, relevant le passage en force de la Commission en quelque sorte, par le biais d'un accord intérimaire sans ratification, ce qui était insupportable. Le Gouvernement a aussi été interrogé à ce sujet la semaine dernière lors de la séance de questions d'actualité.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Marie

Je souhaite d'abord vous poser une question sur la stratégie globale de l'Union européenne, illustrée par l'accord avec la Nouvelle-Zélande. Comment concilier la dimension géopolitique des accords commerciaux, comme la sécurisation de nos approvisionnements en matières premières critiques et en composants divers, et le respect de l'exigence climatique ?

Je partage votre argumentaire sur le Mercosur, on ne peut pas ratifier cet accord dans les termes proposés. L'accord avec la Nouvelle-Zélande, aussi positif soit-il, est-il compatible avec les objectifs que je viens de mentionner ? Sachant que le pays se situe à 20 000 kilomètres de l'Union européenne, que l'on sait sa production agricole très émettrice de gaz à effets de serre - méthane et protoxyde d'azote - et que de nombreux échanges existent déjà dans le cadre de l'OMC, ne faudrait-il pas réviser totalement la doctrine de l'Union européenne en matière d'accords commerciaux ?

Ma deuxième question porte sur la place des parlements nationaux dans le processus de négociation et de validation de ces accords. S'il est normal que la Commission ait la priorité, étant donné sa compétence exclusive en matière commerciale, le fait que les parlements nationaux ne soient pas associés à la ratification de ces accords lorsqu'ils ne comportent pas de dispositions relatives à l'investissement est problématique. En outre, j'observe que le Ceta, qui est un accord mixte, est en vigueur à titre provisoire depuis plusieurs années et qu'il n'a toujours pas été soumis au Sénat pour ratification. Quand le Gouvernement saisira-t-il notre assemblée à cette fin ?

Enfin, je veux évoquer un sujet qui ne relève pas du thème de notre audition mais qui entre dans le champ de vos compétences ministérielles. Avec quelques collègues, nous vous avons sollicité sur la mise en oeuvre du devoir de vigilance. Vous nous avez répondu de manière détaillée mais quelques éléments restent en suspens. D'une part, quelle est la position du Gouvernement sur le seuil de salariés et d'entreprises ? D'autre part, les entreprises du secteur financier seront-elles concernées par le dispositif adopté ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Cadec

Il est vrai que depuis quelques mois, si ce n'est quelques années, la Commission fait feu de tout bois pour favoriser l'ultralibéralisme et le libre-échange, chers au commissaire Dombrovskis.

Le chancelier allemand et le président brésilien souhaiteraient manifestement une ratification rapide de l'accord avec le Mercosur. Quelle est la position de la France concernant ces éventuelles pressions ? Les Allemands ne seraient-ils pas encore en train de nous « la faire à l'envers », si vous me permettez cette expression ?

Je partage votre analyse sur le Chili. C'est un bon accord pour la France et l'Union européenne en particulier, même s'il faut être vigilant. En revanche, concernant la Nouvelle-Zélande, si certaines barrières ont été posées, que répondez-vous aux craintes légitimes de notre filière agricole ?

Dans quel sens souhaitez-vous moderniser l'accord avec le Mexique, toujours en suspens, mais déjà daté ?

Concernant le Ceta, nous sommes, depuis sa mise en oeuvre provisoire il y a six ans, dans une période de transition. La Commission peut l'imposer tant qu'elle veut, puisque tous les parlements des 27 pays membres n'ont pas encore ratifié ce traité. Le Gouvernement français entend-il demander au Sénat de ratifier cet accord qui, au passage, comporte quelques trous dans la raquette ?

(Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Louis VOGEL

La France est très bien placée dans l'accueil de projets d'investissement. On ne compte plus les annonces de gigafactories, comme « la vallée de la batterie » dans le nord du pays. En revanche, quelle est votre politique pour que les territoires ruraux accèdent à cette attractivité retrouvée ?

Debut de section - Permalien
Olivier Becht, ministre délégué

Monsieur Marie, vous m'interrogez sur la pertinence de conclure des accords avec des pays éloignés. Chacun le sait, les flux du commerce, à l'époque moderne comme dans l'Antiquité, sont liés aux avantages comparatifs et à la réciprocité d'ouverture. Pourquoi importer de la poudre de lait ou du kiwi de Nouvelle-Zélande, alors que nous pourrions en obtenir de pays plus proches ? Dans le sens inverse, pourquoi exporter des avions Airbus en Nouvelle-Zélande ?

Si l'on suit ce raisonnement, on aboutit au localisme, autrement dit le fait de tout produire localement, ce qui est impossible. Si chaque pays se mettait à produire ses avions, le modèle ne tiendrait pas. Tout le monde ne pourrait pas atteindre la masse critique ni assumer les dépenses technologiques nécessaires ; ce serait un appauvrissement global. C'est pourquoi nous commerçons avec les pays d'à peu près toute la planète.

Je considère donc que s'interdire de faire du commerce avec un pays au prétexte qu'il est loin n'est pas viable. D'autant que nous sommes en excédent commercial avec la Nouvelle-Zélande. Si l'on arrêtait le commerce avec ce pays, on appauvrirait de fait le nôtre, notamment en termes d'emplois.

La question du bilan carbone est légitime, mais la solution réside plutôt, à mon sens, dans notre capacité à décarboner les transports, en l'occurrence les cargos et le fret aérien. Nous y travaillons dans le cadre de France 2030. J'étais il y a quelques semaines à Saint-Nazaire, sur le site des Chantiers de l'Atlantique, où se mettent en place des prototypes de bateaux véliques, dotés de voiles gigantesques et de moteurs alimentés en gaz naturel liquéfié (GNL), qui nous permettront demain de ne plus être dépendants des moteurs diesel.

La deuxième question portait sur la doctrine des accords commerciaux. J'ai le sentiment qu'il sera de plus en plus compliqué de signer des accords globaux : on ne peut aligner tous les pays du monde sur nos standards du jour au lendemain. En même temps, se priver des capacités de commerce dans un certain nombre de secteurs, comme les minéraux critiques qui sont indispensables à notre propre transition énergétique, c'est également se mettre en difficulté.

L'avenir se fera davantage avec des accords sectoriels, pays par pays, sur des matières qui présentent un intérêt stratégique convergent. Nous verrons si cette approche est partagée par la Commission européenne et nos partenaires.

J'en viens à la question de la ratification du Ceta. Normalement, lorsqu'un accord est strictement commercial, la compétence revient exclusivement à l'Union européenne ; nous la lui avons transférée par référendum au moment du traité de Maastricht. Mais lorsque l'accord est mixte, c'est-à-dire qu'il comprend à la fois une dimension d'investissement et une dimension commerciale, la compétence est partagée avec les parlements nationaux qui sont au nombre de 47, si l'on ajoute les parlements fédérés d'Allemagne et de Belgique - ce qui fait un certain nombre d'assemblées !

L'Assemblée nationale a déjà ratifié le Ceta. Je suis très favorable à ce qu'on ait cette discussion ici, au Sénat. Selon les chiffres dont nous disposons, le Ceta est très bénéfique à la France : + 37 % d'exportations, notamment sur le textile, + 95 % pour les chaussures du fait de l'abaissement des droits de douane, + 61 % pour les produits chimiques et cosmétiques. Même la filière agricole en bénéficie, puisque nos exportations sont en augmentation de 45 %. La catastrophe qu'on nous avait prédite sur le boeuf n'a pas eu lieu : on exporte trois fois plus de boeuf au Canada qu'on importe de boeuf canadien en France.

Nous avons donc tout intérêt à ratifier ce traité. En outre, cela montrerait à la Commission européenne que nous savons faire la part des choses et ratifier les traités lorsque cela est justifié. Si nous nous en tenons au contraire à une opposition de principe, nous sommes certains que la Commission trouvera toutes les procédures possibles pour contourner les parlements nationaux.

S'agissant du devoir de vigilance, les seuils proposés sont de 500 salariés, pour un chiffre d'affaires net mondial de 150 millions d'euros. Les seuils sont abaissés pour les secteurs à fort impact à 250 salariés et 40 millions d'euros de chiffre d'affaires - cela concerne les secteurs de l'agriculture et du textile.

Sur ce point, la position de la France n'est pas d'exclure le secteur de la finance. En revanche, un devoir de vigilance appliqué aux clients paraît très compliqué. Surveiller les clients ferait peser sur les entreprises des contraintes qu'elles ne peuvent matériellement pas assumer. Il faut être pragmatique et réaliste.

Monsieur Cadec, concernant la volonté du Chancelier Scholz et du Président Lula de ratifier rapidement ce traité, nous avons exprimé notre position : nous ne soutiendrons pas un traité qui ne répond pas aux conditions que nous avons posées. Même si l'Argentine avait été en faveur de l'accord, cela n'aurait rien changé. Nous avons été clairs auprès de tous les partenaires, que ce soit les Allemands, les Brésiliens ou encore les Uruguayens.

Au demeurant, je suis sensible, en tant qu'Européen, au fait de ne pas fragiliser l'industrie allemande, tout comme les Allemands peuvent être sensibles aux problématiques agricoles françaises. Si cela ne peut pas se faire par un accord global, regardons une autre échelle.

Rappelons tout de même que nous partageons avec nos amis allemands la même préoccupation concernant les standards environnementaux. Il est impossible d'imaginer un compromis qui fasse table rase des questions de déforestation et de l'accord de Paris.

Concernant les craintes de la filière agricole liées à l'accord avec la Nouvelle-Zélande, j'y ai répondu précédemment, notamment sur la question des quotas OMC non remplis. Il est peu probable qu'ils le soient avec l'ouverture de ce traité. Au demeurant, on voit bien les intérêts stratégiques de nos filières agricoles, notamment celle des vins et spiritueux, celle des fromages ou encore celle des céréales. Comme avec le Ceta, l'accord est profitable pour notre pays.

Je rassure toujours les filières à ce sujet lorsque je les rencontre : je comprends leurs craintes au regard des volumes, mais nous savons dire non quand il le faut. C'est ce que nous avons fait, notamment, vis-à-vis de l'Australie.

Debut de section - Permalien
Olivier Becht, ministre délégué

Non seulement nous avons su dire non, mais nous avons pu dire non, les yeux dans les yeux, à Don Farrell, le ministre du commerce australien. Même si je l'apprécie beaucoup, au demeurant, je ne pouvais accepter des quotas qui auraient mis en péril la filière ovine française.

Concernant l'accord avec le Mexique, tant que l'équipe mexicaine ne revient pas à la table des négociations, il n'est pas à l'ordre du jour.

Monsieur Vogel, nous avons en effet la chance d'être depuis quatre ans le pays le plus attractif d'Europe - c'est le fruit de notre ouverture commerciale et des réformes votées au sein de cette majorité. Chaque année, nous accueillons autour de 1 750 projets d'investissements étrangers. Ce sont le plus souvent des extensions d'usines, parfois des créations de plain-pied, mais avec le fameux objectif « zéro artificialisation nette » (ZAN) des sols, il est plus compliqué de trouver du foncier pour de nouvelles usines.

Vous avez raison de porter une attention à l'équilibre territorial de ces implantations. Elles se trouvent être pour moitié à destination des territoires ruraux ou périurbains, de moins de 200 000 habitants.

Lors du dernier sommet Choose France, 28 grandes annonces ont été faites, représentant au total 13 milliards d'euros d'investissements et 8 000 créations d'emplois. Elles correspondent concrètement à des projets allant de Sarreguemines à Gron, Fécamp, Annonay, Bourbon-Lancy, Rambouillet, Bussac, Marnay, La Chaussée-Saint-Victor, Lannion ou encore Honfleur.

Je veille de manière très scrupuleuse à cet équilibre. Il répond à la fois à la nécessité de réindustrialiser les territoires ruraux et au sentiment de fracture révélé par la crise des gilets jaunes, entre les grandes métropoles sorties gagnantes de la mondialisation et les territoires ruraux ou périurbains laissés en marge.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathilde OLLIVIER

N'est-ce pas un paradoxe de signer des accords à l'autre bout de la planète, compte tenu de nos objectifs environnementaux ? Votre réponse oppose, d'un côté, les avantages comparatifs et, de l'autre, l'idée du localisme, mais il y a un juste milieu entre les deux.

L'objectif n'est pas d'interdire le commerce avec la Nouvelle-Zélande, mais de réfléchir, dans notre économie mondiale, à la manière de ne pas aggraver les émissions de gaz à effet de serre. Par ailleurs, ce n'est pas forcément la technologie qui nous permettra d'y répondre. Elle doit nous permettre de réduire nos émissions, et non de compenser celles que créent ces accords commerciaux. Comment comptez-vous faire évoluer nos accords commerciaux pour qu'ils répondent aux objectifs de réduction fixés ?

Y a-t-il un lien entre l'accord commercial avec la Nouvelle-Zélande et celui signé dans le cadre du programme Horizon Europe ?

Enfin, s'agissant de la réforme de l'OMC, il me semble que l'objectif était, à la rentrée, de parvenir à un accord d'ici à février 2024 à Abu Dhabi. Quels sont les éléments de blocage qui nous empêchent actuellement d'avancer vers cet accord ? Je pense à la question du règlement des différends. Les objectifs de développement durable sont-ils également inclus dans la réforme ?

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Henno

Le multilatéralisme est en crise, on l'entend un peu partout, plus encore dans le domaine du commerce. Se pose donc la question d'accords commerciaux bilatéraux, ou régionaux, qui nécessiteront des choix géostratégiques.

Lundi, un forum sur l'Asie du Sud-Est était justement co-organisé ici, au Sénat, par les groupes interparlementaires d'amitié concernés et Business France. L'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (Asean) souhaite ouvrir l'étau entre la Chine et l'inde. Ces pays sont très friands d'accords commerciaux avec l'Europe et la France, qui dans leur esprit s'articulent ainsi : leur technologie contre nos vins et spiritueux.

Quel serait l'impact d'un monde qui ne serait plus multilatéral ? Et quel serait alors le rôle des parlements sur ces questions d'intérêts géostratégiques ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Bonneau

Alors que le déficit du commerce extérieur de la France n'a cessé de progresser ces dernières années, et que l'on entend ici ou là des industriels particulièrement tentés par ce que proposent les Américains, notamment avec l'Inflation Reduction Act (IRA), que comptez-vous faire pour éviter que certaines entreprises choisissent de s'installer ailleurs ?

Debut de section - Permalien
Olivier Becht, ministre délégué

Madame Ollivier, nous sommes totalement favorables aux circuits courts et nous les encourageons partout où cela peut se pratiquer. Toutefois, certains produits sont inadaptés à cette logique. Les bananes ne poussant pas en métropole, je ne suis pas sûr qu'on y renonce simplement parce qu'elles viennent de loin.

C'est un juste équilibre à trouver. Lorsque j'étais maire, j'ai évidemment encouragé la culture de tomates à proximité des cantines scolaires et des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) de ma ville, ainsi que la création d'associations pour le maintien d'une agriculture paysanne (Amap), mais lorsque des avantages comparatifs entrent en jeu, on a tout intérêt à échanger certains produits au long cours.

Pour reprendre l'exemple de l'avion, cela n'aurait pas de sens que chaque pays dans le monde se dote d'une industrie aéronautique. Cela aboutirait à une catastrophe, avec des avions moins sûrs et des développements technologiques, y compris pour le futur, dont on se priverait.

La question du localisme, et surtout de la relocalisation, pose aussi celle du prix. Sur le principe, tout le monde est d'accord pour faire du made in France, mais bien souvent le consommateur voudrait qu'il le soit au prix du made in China ! Je suis un peu caricatural, mais il faut avoir conscience que si on rapatrie tout chez nous, cela coûtera 35 % plus cher au consommateur, d'où l'intérêt des accords commerciaux pour avoir la meilleure qualité au meilleur prix.

En ce qui concerne Horizon Europe, un accord a en effet été signé en juillet 2023 entre l'Union européenne et la Nouvelle-Zélande, mais il n'a aucun lien avec l'accord de libre-échange.

S'agissant de la réforme de l'OMC, le coeur de la discussion porte sur la capacité d'un organe d'appel à créer sa jurisprudence. Les Américains veulent un organe de première instance, mais sont réservés à l'égard de l'organe d'appel car ils craignent que ceux qui y siègent développent une jurisprudence autonome. Ils souhaitent l'application nette du droit afin d'éviter de se retrouver, à un moment ou un autre, avec des contrats dont les règles ont été interprétées dans un sens pour lequel ils n'ont pas signé. C'est le sujet principal pour nos amis américains.

Les objectifs de développement durable (ODD) sont-ils introduits dans les accords signés avec l'OMC ? Oui, chaque fois qu'on peut le faire. L'exemple le plus parlant est le dernier accord signé lors de la douzième conférence ministérielle sur les subventions à la pêche illégale. Il respecte clairement les objectifs de développement durable.

Monsieur Henno, les choix géostratégiques sont en effet fondamentaux, mais j'ai la conviction qu'il faut tout faire pour sauver le multilatéralisme. Renoncer au multilatéralisme implique de rentrer dans un monde où chacun agit de manière unilatérale et généralement brutale. J'en veux pour preuve tous les pays qui s'en sont éloignés ces dernières années. Cela implique généralement des mesures de protectionnisme, qui ont un effet tout à fait délétère sur les prix. C'est toujours le consommateur ou le contribuable qui paye la facture à la fin.

Si la pandémie nous a éclairés sur le fait qu'il était dangereux de mettre tous nos oeufs dans le même panier, rien n'empêche de préserver le multilatéralisme tout en veillant à une diversification des approvisionnements. Celle-ci peut se pratiquer en « colocalisation », c'est-à-dire en fabriquant le produit sur différents sites afin d'éviter qu'à un moment ou à un autre, si l'un d'eux fait l'objet d'un choc sanitaire, géopolitique, climatique ou autre, l'ensemble de la production mondiale ne soit remise en cause.

Comme vous le soulignez, nous avons un intérêt à signer des accords avec les pays de l'Asean. Nous sommes actuellement en train de moderniser ceux qui existent déjà, notamment avec l'Indonésie ou encore le Vietnam, dans une optique de rapport gagnant-gagnant, y compris d'un point de vue technologique.

À chacun de mes déplacements dans les pays de l'Asean, je fais en sorte de nouer des partenariats entre les entreprises françaises et ces acteurs majeurs de la zone indopacifique. Ils représentent à eux seuls 40 % du PIB mondial et 60 % du commerce mondial, c'est fondamental.

Monsieur Bonneau, si nous continuons la discussion avec nos amis américains sur l'IRA, nous aurons du mal à aboutir à une solution globale et totalement satisfaisante, car la majorité pour modifier la loi votée par le Congrès a disparu.

Nous travaillons entre autres à des accords sur les minéraux et sur la transparence en matière de subventions publiques, mais également à notre propre réponse européenne et nationale à l'IRA pour faire en sorte que les investissements restent chez nous.

Lorsqu'on regarde les chiffres cités précédemment sur l'attractivité, nous ne constatons pas pour l'instant de départ massif vers les États-Unis de projets français ou de projets portés par des investisseurs étrangers prévus en France. Pour autant, cela ne veut pas nécessairement dire que nous sommes à l'abri d'un tel phénomène.

Nous avons déployé nos propres outils, notamment le plan France 2030, doté de 54 milliards d'euros de subventions, rien que pour la France, pour les projets de décarbonation et d'innovation. Nos outils européens devraient achever de convaincre les investisseurs de rester chez nous.

J'ajoute que la détente des marchés sur les prix de l'énergie est une réponse satisfaisante pour l'Europe, là où nous étions l'année dernière dans une position extrêmement difficile. L'énergie étant essentiellement à base de pétrole et de gaz de schiste aux États-Unis, les prix énergétiques étaient beaucoup plus compétitifs là-bas qu'ils ne l'étaient en Europe, y compris chez nous, lorsque nos centrales nucléaires étaient à l'arrêt et que le prix de l'électricité avait, comme le prix du gaz, été multiplié par trois.

Même si chacun a sa compétitivité, nous devons, entre amis et entre alliés, converger sur des procédures qui n'exacerbent pas la compétition de part et d'autre de l'Atlantique. Auquel cas nous en sortirions l'un et l'autre perdants vis-à-vis de nos vrais concurrents, situés plutôt sur le continent asiatique.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Marie

Monsieur le Ministre, nous ne suggérons pas de cesser le commerce avec les pays du monde entier.

Cela étant, nous partageons avec le Gouvernement sa volonté de soumettre et faire respecter un certain nombre de conditionnalités dans les accords commerciaux. À cet égard, quels moyens et quels instruments la Commission met-elle en place pour le suivi de ces accords ? Il serait intéressant de pouvoir, le cas échéant, diligenter des enquêtes et, pourquoi pas, imposer des sanctions quand celles-ci sont prévues dans les accords ?

Un accord a été signé avec le Kenya. Que pensez-vous de la stratégie à adopter à l'égard de l'Afrique en matière de commerce international ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nadège Havet

Vous avez annoncé il y a quelque temps un plan pour mieux préparer et accompagner les très petites entreprises (TPE) et PME françaises à l'international. Il existe un outil : le volontariat territorial export (VTE). Comment fonctionne-t-il ? Comment une PME peut-elle le mettre en place si elle le souhaite ?

Debut de section - Permalien
Olivier Becht, ministre délégué

Monsieur Marie, bien entendu, nous défendons le principe de réciprocité et un certain nombre de conditionnalités en matière de politique commerciale de l'Union européenne - nous sommes ouverts, je l'ai dit, mais pas à n'importe quelles conditions.

Pour ce faire, nous avons plusieurs outils. D'une part, les clauses miroirs qui permettent de poser des conditions à l'entrée des produits. Elles sont inscrites dans les accords commerciaux. D'autre part, les mesures miroirs, inscrites dans la législation européenne, qui s'imposent également hors de nos accords commerciaux.

Par exemple, pour des pays comme les États-Unis et la Chine, avec lesquels nous n'avons pas d'accord commercial, une mesure miroir s'applique quand même. On ne fait pas entrer dans l'Union européenne un produit qui ne respecterait pas nos normes sanitaires ou environnementales.

Pour nous assurer du respect de nos propres normes ainsi que des accords commerciaux eux-mêmes, nous avons, entre autres, mis en place les instruments antisubventions et anticoercition. Ils ont permis récemment à la Commission européenne de lancer la fameuse enquête sur les subventions accordées par la Chine à l'industrie des véhicules électriques. Elle aboutira à un rapport et, potentiellement, à des mesures de protectionnisme français, face à une industrie qui utiliserait des subventions massives pour fausser les prix sur le marché.

En ce qui concerne l'Afrique, un accord de partenariat économique avec le Kenya devrait en effet être ratifié par le Conseil des ministres de l'Union européenne dans les prochaines semaines - je le souhaite.

À mes yeux, l'Afrique est le continent de la croissance du XXIe siècle : la croissance démographique - le continent passera de 1,5 milliard à plus de 2,5 milliards d'habitants d'ici à 2050 -, d'une part, et la croissance financière, d'autre part. Même si seulement 20 % des plus de 2 milliards d'Africains ont le niveau de vie d'un Européen ou d'un Nord-Américain, cela représente 400 millions de personnes. C'est un marché très important que nous aurions tort de négliger.

Pour tordre le cou à une idée répandue par certains ou par les réseaux sociaux, qui affirment que la France serait en déclin en Afrique ou que nous en serions chassés, la réalité est tout autre : aujourd'hui notre pays investit trois fois plus et compte deux fois plus d'entreprises en Afrique qu'il y a dix ans. Nos grands groupes, et à présent nos PME, ont pris le chemin de l'Afrique. Je les accompagne sur le continent, avec les missions de Business France ou du Medef International.

Enfin, Madame Havet, nous avons lancé le 29 août dernier le volontariat territorial export (VTE). Il se rapproche de l'esprit du volontariat international en entreprise (VIE), que vous connaissez déjà, et qui consiste à envoyer un jeune bien formé à l'étranger pour prospecter les marchés. Sa rémunération est en partie prise en charge par l'État.

Pour le VTE, le profil est le même, à savoir un jeune bien formé, pris en charge à 50 % par l'État pour un montant maximum de 12 000 euros par an, mais cette fois-ci placé au sein de l'entreprise.

Les chefs d'entreprise nous disent souvent regretter de n'avoir ni le temps ni les compétences internes pour développer leur stratégie à l'export, trop occupés qu'ils sont déjà à se battre pour maintenir leur PME sur le marché local ou national. L'objectif du VTE est de leur donner ce temps et ces compétences.

Je suis certain que cet outil aura le même succès que le VIE, qui vient de célébrer le mois dernier son 100 000ème contrat. On en compte actuellement 11 500 en poste. Il répondra tout autant à notre envie de porter davantage nos petites et moyennes entreprises à l'export. En quatre ans, nous sommes passés de 120 000 entreprises exportatrices en France à 150 000 aujourd'hui, mais c'est un progrès relatif en comparaison de l'Italie et de l'Allemagne, qui en comptent respectivement 200 000 et 350 000. On peut mieux faire.

Par ailleurs, cette mesure contribuera à réduire notre déficit commercial, en complément bien sûr de la transition énergétique, qui permettra de moins importer l'énergie, et de la réindustrialisation de la France qui permettra de reproduire sur le territoire et d'exporter ce que nous ne produisons pas aujourd'hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Rapin

Merci, Monsieur le Ministre, pour vos réponses précises et, je le crois, appréciées.

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 17 h55.