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Interventions sur "prostitution" d'Esther Benbassa


33 interventions trouvées.

Dans cet hémicycle, nous avons longuement débattu de la prostitution les années précédentes. Or nous n’avons voté que la prohibition, et nous n’avons jamais pris de mesures pour orienter et accompagner les personnes prostituées ni pour éduquer les jeunes. Nous n’avons voté aucune mesure positive pour éviter que des personnes ne se prostituent. Pourquoi revenir de nouveau sur cette question puisque la pénalisation des clients a été décidée ici même, surtout si c’es...

Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, le 2 octobre 2012, je déposais, au nom du groupe écologiste, une proposition de loi visant à l’abrogation du délit de racolage. Depuis ce jour, soit près de trois ans et demi, la question de la prostitution n’a cessé de revenir dans le débat parlementaire : déjà par le biais de ma proposition de loi, adoptée par notre Haute Assemblée le 28 mars 2013, puis via la proposition de loi d’initiative socialiste renforçant la lutte contre le système prostitutionnel. Tout au long du processus parlementaire, chacun aura eu l’occasion de faire valoir ses convictions sur un sujet qui est apparu pour le ...

Je voudrais tout d’abord réagir aux propos de Mme la ministre sur l’éducation sexuelle. Je ne sais pas si vous avez enseigné dans le secondaire, madame la ministre. Pour ma part, j’y ai enseigné pendant quinze ans – certes, il y a longtemps – et je n’ai jamais vu l’éducation sexuelle abordée dans les livres scolaires. J’ignore si la société véhicule toujours l’idée que la prostitution permet de faire l’apprentissage de la sexualité, mais nos manuels scolaires en sont restés à la sexualité des abeilles et des insectes ! Nos jeunes ne savent pas grand-chose sur la sexualité en sortant de l’école, contrairement aux pays nordiques, où des cours de sexualité sont dispensés, et où l’on apprend également ce qu’est un homosexuel, une lesbienne. Nous en sommes bien loin ! Ensuite, pén...

Je rectifie donc mon amendement en demandant la suppression des mots : « , ayant cessé l'activité de prostitution » et leur remplacement par : « qui, engagé dans un processus de cessation de son activité, est engagé dans le parcours de sortie... ».

... demain les mêmes effets dévastateurs que la création, hier, du délit de racolage. De cela, la majorité des membres du groupe écologiste se réjouit, pour le moment... De fait, dès sa première mouture, un tel texte aurait dû avoir pour seuls objectifs : l’abrogation du délit de racolage, la mise en place d’un véritable accompagnement des personnes prostituées souhaitant effectivement sortir de la prostitution, étrangères comprises, et une relance efficace du combat contre la traite des personnes prostituées et contre le proxénétisme. Tout en reconnaissant l’importance de la sensibilisation dès le plus jeune âge au fait que le corps des femmes n’est pas une marchandise et que la sexualité ne se réduit pas à l’achat des corps ni ne peut en impliquer la domination par la contrainte, on ne peut que déplo...

Même si elle se déploie aujourd’hui au nom d’une émancipation, que je qualifierais de forcée, de la femme, cette approche « moralisatrice » n’est pas nouvelle. Relisez, mes chers collègues, Les filles de noce : misère sexuelle et prostitution aux XIX e et XX e siècles, un ouvrage publié en 1978 par le grand historien Henri Corbin : il décrit notamment le processus par lequel la prostitution, d’objet de tolérance, est devenue un objet de prohibition. Au début de la IIIe République, déjà, le problème était au cœur du débat de société et de la vie littéraire ! Huysmans, Edmond de Goncourt, Zola publient, presque en même temps, des r...

Cet amendement a pour objet de supprimer la mention selon laquelle des policiers et des gendarmes siégeront au sein de l’instance départementale chargée d’organiser et de coordonner l’action en faveur des victimes de la prostitution.

...vée et familiale », délivrée à des victimes ayant déposé plainte contre les réseaux de proxénétisme. Il a pour objet de permettre aux personnes qui ont cessé de se prostituer, mais aussi à celles qui n’ont pas cessé d’exercer cette activité, de bénéficier d’une carte de séjour temporaire. Il n’est pas justifié d’instaurer un traitement différent entre les personnes qui poursuivent l’activité de prostitution et celles qui ont arrêté. Malgré cela, certaines préfectures exigent des victimes d’exploitation sexuelle ayant déposé plainte qu’elles aient cessé de se prostituer pour leur délivrer un titre de séjour. Limiter la délivrance d’un titre aux seules personnes ayant cessé d’exercer l’activité de prostitution conduit à fragiliser une catégorie de victimes. Il apparaît donc nécessaire d’exclure clair...

À l’image de l’amendement n° 14 rectifié de mes collègues, je propose, au travers de cet amendement, une nouvelle rédaction de l’article L 316-1-1 créé dans le CESEDA par la proposition de loi. Il ne s’agit pas d’exiger de la victime qu’elle ait cessé définitivement toute activité de prostitution pour bénéficier d’une autorisation provisoire de séjour, mais il faut qu’elle ait engagé des démarches réelles pour arrêter cette activité. La rédaction actuelle de l’article n’est pas satisfaisante. Une autorisation provisoire de séjour d’une durée minimale de six mois ne peut être délivrée qu’à une personne ayant cessé l’activité de prostitution. Quid des femmes et des hommes qui souha...

À un moment donné, il faut renoncer aux présupposés idéologiques et voir la réalité des êtres humains. En l’occurrence, nous sommes dans la théorie. Nous ne pouvons pas continuer ainsi ! Nous sommes tous contre la prostitution forcée, et nous sommes d’accord sur de nombreux points. Aussi, arrêtons de durcir les choses de cette façon ! Il s’agit d’un raidissement idéologique, dans lequel vous nous entraînez. On ne peut pas continuer aujourd’hui le débat en deuxième lecture de ce texte avec la même démarche. Madame la secrétaire d’État, pardonnez-moi, mais je ne suis vraiment pas d’accord avec vous !

...litionniste voté par l’Assemblée nationale. La commission spéciale de la Haute Assemblée en a fait un texte prohibitionniste, avec le rétablissement du délit de racolage, que le Sénat avait pourtant abrogé en 2013 en adoptant à l’unanimité une proposition de loi que j’avais déposée au nom du groupe écologiste. Le titre même de la présente proposition de loi gomme la diversité de la réalité de la prostitution. De quel « système » parlons-nous ? Ce concept, créé de toutes pièces, réduit le phénomène de la prostitution aux réseaux de proxénétisme et donne à la puissance publique un seul but : arracher des griffes de leurs proxénètes de « pauvres femmes étrangères ». En Europe, la traite dont nous parlons rapporterait environ 3 milliards de dollars par an. Cela représente un marché criminel colossal. Re...

...précise : « au nom de la sauvegarde de leur dignité, on va priver d’un coup beaucoup de gens de la liberté d’arbitrer entre divers maux dans une situation d’inégalités sociales subies de facto. [...] On peut préférer se prostituer pour abriter son enfant du besoin. [...] Mépriser les gens qui font des choix si graves ne convaincrait d’ailleurs vraiment que si, au lieu de dénoncer la prostitution seule, on dénonçait les inégalités en bloc. » Ne transformons pas le code pénal à la seule fin d’un affichage idéologique. Sachons écouter les premières intéressées ; ne les traitons pas en mineures privées de parole. Ayons d’autres soucis que celui, fort politicien, des « bonnes mœurs ». Chacun peut-il, oui ou non, librement disposer de son corps ? Les féministes avaient fait de cette exigence...

... intellectuelle ! §Oui, monsieur Kaltenbach, les scientifiques ont une certaine honnêteté intellectuelle ! En juillet 2012, l’ONU constatait que, depuis le début de son application en 1999, la loi suédoise, loin d’améliorer les conditions de vie des personnes prostituées, les avait au contraire aggravées. Selon la police, le commerce sexuel dans la rue a diminué de moitié en Suède. Toutefois, la prostitution dans son ensemble est restée au niveau qui était le sien avant la promulgation de la loi : elle est simplement devenue en grande partie clandestine. Son exercice s’est en effet reporté vers les hôtels et les restaurants, ainsi que vers internet et le Danemark. Selon les services suédois de police judiciaire, il est devenu plus violent. Le même constat a été établi par la Belgique, qui a pour cett...

...s forte aux proxénètes, qui disposent de studios, d’appartements ou de structures d’accueil où les prostituées se rendront après avoir pris rendez-vous avec les clients, ainsi que de l’acceptation plus large de pratiques à risques, telles que les rapports sans préservatif. Les prostituées étrangères migreront vers des pays où le client n’est pas pénalisé, ce qui ne soustraira pas ces femmes à la prostitution. Celles qui resteront en France, à savoir les prostituées traditionnelles ou occasionnelles, devront, pour maintenir leurs revenus, entrer plus avant dans la clandestinité. Soyons pragmatiques, mais surtout honnêtes ! Avec la pénalisation des clients, cette proposition de loi, loin d’atteindre l’objectif affiché de protéger les prostituées, aggravera encore la précarité de leur condition. Lutton...

Ce texte s’est trompé de cible dès le début et il finit sous une forme prohibitionniste. C’était son sort ! Si nous voulons aider à l’émancipation des femmes, il faut leur donner la possibilité de s’émanciper, en s’attaquant par exemple avec vigueur aux réseaux, en investissant des fonds suffisants pour soutenir celles qui veulent sortir de la prostitution, en prévoyant en amont l’éducation des jeunes à l’égalité femmes-hommes, et surtout en faisant en sorte que l’inégalité sociale n’aboutisse pas à l’exercice de la prostitution. Ni la répression ni la vertu, comme vous le savez, n’ont jamais réglé la question de la pauvreté ou de la misère. Mon groupe ne votera pas ce texte détricoté.

...uillet 1990 tendant à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe, remet chaque année au Premier ministre depuis plus de vingt ans son rapport annuel sur la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie. Le rapport 2014 sera remis au Premier ministre le 8 avril 2015. Je n’ai pas compris pourquoi la commission spéciale a rejeté cet amendement. La traite des êtres humains et la prostitution sont-elles un domaine à ce point spécifique qu’elles ne sauraient relever que d’une structure interministérielle ? Il n’est pas possible d’être à la fois juge et témoin. Nous devons peut-être réfléchir sur ces questions, j’attire votre attention sur ce point.

...isse du nombre de faits passibles de poursuites pour racolage, qui a chuté de 1 030 en 2003 à 815 en 2011. L’instauration du délit de racolage n’a donc pas rendu la traque des proxénètes plus efficace. En revanche, et ce point fait consensus, les conséquences de la loi de 2003 ont été terribles pour les personnes prostituées : dégradation de leur état de santé et des conditions de pratique de la prostitution, augmentation de l’isolement et de la clandestinité, elle-même propice à la multiplication des violences. De surcroît, on a assisté à un développement de la prostitution « indoor » – en appartement, dans les hôtels, bars, salons de massage, sur internet –, facteur d’isolement et de vulnérabilité supplémentaires, et qui coupe les personnes prostituées des associations de prévention et d’ai...

J'ai sous les yeux le rapport du comté de Stockholm qu'a mentionné Jean-Pierre Godefroy. Qu'il me suffise d'en extraire quelques chiffres : en 1995, avant l'entrée en vigueur de la loi pénalisant le client, 650 femmes travaillaient dans la prostitution de rue, et il est vrai qu'elles ne sont plus aujourd'hui que 200 à 250. Mais cela est à mettre en regard d'une autre réalité : quand le nombre de call girls ou de femmes se livrant à la prostitution via internet était, en 1995, de 304, il est aujourd'hui de 6 965.

...ous ne sommes guère optimistes, au vu du budget que vous entendez y allouer - 2,4 millions d'euros actuellement auxquels s'ajouterait le produit des amendes - sur l'efficacité de cet accompagnement. Outre que je crains que la pénalisation du client ne fragilise la situation des personnes prostituées, j'estime, pour avoir accompagné des maraudes, que l'on ne saurait ramener le problème à la seule prostitution étrangère. Si le Gouvernement mettait plus de moyens dans la chasse aux proxénètes, au lieu de se contenter d'y affecter cinquante policiers spécialisés pour toute la France, la lutte serait sans doute plus efficace. On sait que le proxénétisme est le péché originel de la prostitution. On ne peut se contenter d'aborder le problème sous le seul angle de la victimisation. D'autant que certaines fem...