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Interventions sur "prison" de Robert Badinter


37 interventions trouvées.

... le champ de la détention provisoire en étendant celui du placement sous surveillance électronique. Il n’est rien de plus naturel ni de très original ; toutes les avancées en ce domaine sont positives. Mais le plus intéressant, ce sont les possibilités qui sont ouvertes à tous les niveaux aux magistrats pour leur permettre de substituer des aménagements de peine ou des mesures alternatives à l’emprisonnement. À y regarder de près, ce qui exige du temps et de la patience, on constate que le plafond des peines visé par l’aménagement des peines est porté de un an à deux ans. Or 60 % des condamnés le sont à des courtes peines. Dorénavant, les magistrats auront la possibilité de prononcer dès le départ des aménagements de peine. C’est dire l’importance d’une telle ouverture. J’irai au-delà. Il rés...

Je ferai deux observations préliminaires, puis une remarque plus importante qui me paraît au cœur du sujet. D’abord, madame la garde des sceaux, je dirai non à l’impunité, non à la prison, sauf lorsque l’on ne peut faire autrement, ce que nous venons aujourd’hui de voter après tant de règles pénitentiaires. Je n’ai jamais cru en l’impunité. Mais je connais trop les effets dévastateurs de la prison pour ne pas me réjouir que nous en arrivions enfin à ces possibilités redonnées aux magistrats, ou accrues, d’aménagement de la peine. Ensuite, madame la garde des sceaux, vous avez év...

J’en viens au problème clé qui nous occupe à présent. En l’espace de vingt-cinq ans, c'est-à-dire depuis j’ai quitté la Chancellerie, le pourcentage de personnes atteintes de troubles psychiatriques dans les prisons françaises est passé de 7 % à 8 % environ à plus de 25 % aujourd'hui. Nous savons tous que les jurés, parce qu’ils pensent non pas à l’acte ou à la personne, mais à sa dangerosité éventuelle, punissent de peines plus sévères lorsqu’ils ont affaire à une personne dont la responsabilité est atténuée. C’est là non pas un paradoxe, mais l’effet de la crainte. À l’évidence, il sera très difficile d...

...la advienne –, c’est méconnaître un autre aspect, celui auquel s’attache le plus la Cour européenne des droits l’homme, à savoir, non pas la dangerosité, mais l’état mental du détenu soumis à ce traitement de longue durée. Je veux citer deux arrêts récents. Dans l’arrêt Keenan contre Royaume-Uni, au sujet de cet homme qui s’est suicidé en cellule disciplinaire, la Cour a rappelé que le cas d’un prisonnier qui souffre de troubles mentaux et qui présente des risques suicidaires appelait des mesures particulièrement adaptées en vue d’assurer la compatibilité avec cet état. Le plus important est que la Cour a considéré que le fait d’infliger à Mark Keenan une sanction disciplinaire qualifiée de lourde – sept jours d’isolement dans le quartier disciplinaire, puis vingt-huit jours supplémentaires – ...

...a garde des sceaux, mes chers collègues, chacun comprendra que je rende d’abord un hommage particulier au rapporteur de la commission des lois, M. Jean-René Lecerf, non seulement pour le talent dont il a fait preuve et pour tout ce qu’il a apporté à ce texte de loi, mais également, et surtout, pour l’humanité avec laquelle il consacre, depuis si longtemps, tant d’efforts et de temps à visiter les prisons, à écouter les personnels pénitentiaires, à observer les expériences des pays proches et à concilier les différents impératifs de l’institution carcérale. Monsieur le rapporteur, vous avez eu de grands prédécesseurs ; je pense, notamment, à un homme qui m’a fait longtemps rêver – mais j’ai beaucoup rêvé à la commission des lois, sans succès –, et dont le nom devrait orner l’entrée de la salle d...

...let du texte ; j’étais habitué à entendre des communications fracassantes sur les innovations pénales et les modifications des textes de procédure. Les enjeux du titre II du présent projet de loi ne sont pas, loin s’en faut, indifférents. De quoi s’agit-il ? Il nous est proposé de revenir à un principe qui n’aurait jamais dû être perdu de vue : l’impératif de l’individualisation des peines ; l’emprisonnement ne doit être qu’un dernier recours. Je me réjouis également des modalités qui sont offertes aux magistrats – ce sont eux qui en ont la responsabilité au premier chef – pour prononcer des mesures alternatives à l’emprisonnement ou pour recourir à des aménagements de peines. En pratique, de telles possibilités sont complètement oubliées. Aujourd'hui, moins de 20 % des détenus bénéficient d’a...

...uille - la nôtre est souvent agitée -, nous n'aurions pas procédé comme nous l'avons fait, après l'affaire Evrard. Le crime odieux de Francis Evrard a mobilisé, à juste titre, la sensibilité de l'opinion publique. Pour autant, il s'agit d'une affaire unique. Un criminel a été condamné pour acte grave de pédophilie à une peine de vingt-cinq ans de détention ; il en purge dix-sept. À sa sortie de prison, il récidive. Je me suis demandé combien de cas similaires on recensait depuis trente ans, et j'ai choisi cette durée à dessein. J'ai interrogé, entre autres, les chroniqueurs spécialistes de ces faits divers terribles. Selon les informations que j'ai obtenues, mais je ne demande qu'à avoir la preuve du contraire, l'affaire est unique. Or, quand se produit une affaire de cette nature, encore une...

Après avoir salué le travail remarquable accompli par le rapporteur pour préparer l'examen du projet de loi, M. Robert Badinter a regretté que le Parlement n'ait pas au préalable été saisi du projet de loi pénitentiaire annoncé depuis plusieurs mois. La très forte présence des détenus atteints de maladie mentale dans les prisons françaises (environ 20 % de la population carcérale) lui a semblé un problème crucial. Dans ce contexte, il a estimé nécessaire d'améliorer le sort réservé à ces détenus dans le respect des principes constitutionnels. a souligné le faible nombre de non-lieux rendus dans des affaires dans lesquelles l'auteur de l'infraction est atteint de troubles mentaux. Il a prôné l'exemple hollandais où le c...

a noté que le rattachement de la rétention de sûreté à une décision de justice répondait aux exigences de la Cour européenne des droits de l'Homme. Il a craint néanmoins que ce dispositif n'incite les cours d'assises à prononcer des peines d'au moins quinze ans d'emprisonnement pour permettre le recours à la rétention de sûreté, estimant que la mention « à titre exceptionnel » n'aurait en pratique qu'une valeur très relative. Il a néanmoins mis en avant l'utilité de cette précision qui traduit l'intention du législateur sur les modalités d'application du dispositif.

...a question de la sécurité personnelle est différente : il faut la laisser à l'appréciation du contrôleur général en fonction des circonstances. Mes chers collègues, il est très important, au regard de nos obligations internationales, que nous ne donnions pas le sentiment de nous limiter à certaines interventions au cours desquelles, par la force des choses et sans que nous puissions remettre les prisonniers ou les personnes interpellées à l'autorité nationale, nous serions amenés à les garder. La conjoncture internationale actuelle est telle qu'il nous faut mettre en place un dispositif qui nous mette à l'abri de toute critique et de tout soupçon.

Voilà déjà bien longtemps que nous attendions l'instauration d'un contrôleur général des prisons. La nécessité d'une telle institution avait été reconnue dès 2000, dans le rapport Canivet, puis dans les rapports très importants des deux commissions compétentes du Parlement, du Sénat dans un premier temps, puis de l'Assemblée nationale, enfin, dans une proposition de loi votée sur l'initiative de M. Jean-Jacques Hyest. On a trop tardé, mais c'est maintenant chose faite ! Il s'agit d'un pr...

...dent, madame la ministre, mes chers collègues, je le dis clairement d'emblée, en matière carcérale, s'agissant de la France, je suis un pessimiste actif. Voilà cinquante-cinq ans que j'ai, pour la première fois, mis les pieds dans la maison d'arrêt de Fresnes, comme avocat stagiaire, venu en mobylette et trempé de pluie. Cela fait trente-cinq ans que je ne cesse de lutter pour l'amélioration des prisons. Je n'ai pas le sentiment que, dans ce domaine, les nombreux efforts que j'ai vus autour de moi, portés par tant de femmes et d'hommes de coeur, aient véritablement abouti à ce que nous souhaitions. Il y a trop d'exemples de rapports internationaux, trop de constats faits par les commissions parlementaires, pour ne pas s'interroger sur la condition singulière du monde carcéral en France, en dép...

...t l'autorité personnelle, non seulement les pouvoirs dont nous déterminerons l'étendue, mais aussi les moyens. Car rien ne relève plus de l'hypocrisie que de faire naître des institutions dépourvues des moyens de réaliser leur mission, comme, hélas ! aujourd'hui la CNIL à juste titre le fait savoir. Il est là de notre devoir de souligner que par exemple en Angleterre, où il existe pour les seules prisons un service compétent, près de quarante contrôleurs sont placés sous les ordres de l'inspecteur général. Cela veut dire pour la France, où le champ d'activité, avec 5 500 lieux à contrôler, est plus large, au moins une soixantaine, peut-être quatre-vingts contrôleurs assistant le contrôleur indépendamment des autres services. C'est dire qu'il faut un budget, et je souhaiterais, puisque, à cet ég...

...l'article 6, que le contrôleur général « reçoit des autorités responsables du lieu de privation de liberté toute information ou pièce utile à l'exercice de sa mission ». Or il n'y a pas que les autorités responsables qui sont sources d'informations importantes. Parmi les personnes qui sont susceptibles de donner ces informations, je veux citer les représentants des associations, les visiteurs de prisons, les assistantes sociales, les éducateurs, les membres du Groupement étudiant national d'enseignement aux personnes incarcérées, le GENEPI. Tous prennent part à la vie des lieux privatifs de liberté et peuvent, le cas échéant, fournir des informations au contrôleur. Or ce ne sont pas des « autorités responsables » et elles ne relèvent d'ailleurs pas, pour la plupart d'entre elles, du pouvoir hi...

...de vos efforts, aboutissant au vote d'une nouvelle loi pénitentiaire, trop longtemps différée et depuis tant d'années souhaitée par le Sénat tout entier. S'agissant du projet de loi que vous nous présentez aujourd'hui, je traiterai seulement de la partie générale. Mes amis interviendront ensuite successivement sur la question spécifique, et très importante, des mineurs, sur la situation dans les prisons et sur le tribunal de Bobigny, qui constitue un cas particulier. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je veux souligner avec force que ce texte est inutile, implicitement vexant pour la magistrature et, plus grave encore, potentiellement dangereux. Pourquoi inutile ? C'est une évidence : nous ne vivons pas dans un désert législa...

...e qualités que le public ne lui en reconnaît habituellement, et qu'en tout cas le laxisme et la faiblesse à l'égard des récidivistes n'ont jamais été et ne seront jamais ses caractéristiques ! Plus grave encore, ce texte risque d'emporter de fâcheuses conséquences. Je le répète, il est inutile, vexatoire et même, je le crains, dangereux. En effet, il n'indique qu'une seule direction, celle de la prison !

...ri Robert, si elle avait rendu son rapport, aurait souligné de façon saisissante que les sociétés anglo-saxonnes, qu'elles soient américaine, canadienne ou britannique, qui ont eu fortement recours à la peine plancher constatent aujourd'hui que ses effets ne sont pas ceux qu'elles attendaient, puisqu'elle engendre souvent un accroissement de la récidive. Le foyer premier de la récidive, c'est la prison, nous le savons ! Les maisons d'arrêt confinent dans les mêmes cellules des chevaux de retour et des primo-délinquants qui n'ont pas encore été jugés, c'est-à-dire des professionnels du crime et des jeunes gens. Et ces derniers en ressortent avec les adresses, les indications, pour ne pas dire les leçons qui les transformeront en criminels ou en délinquants plus dangereux. Le constat est ancien ...

...pte la énième et dernière modification intervenue. Et, pendant ce temps, sur le terrain, il n'y a rien, ou presque rien, pas de moyens ! Certains praticiens estiment que, dans ces conditions, un suivi peut, avec le temps, devenir contre-productif. De ce point de vue, il est essentiel d'étudier la pertinence des suivis qui peuvent être prononcés sans limitation de durée à l'issue d'une peine d'emprisonnement parfois très longue. En conclusion, si, dans l'absolu, on ne peut qu'être favorable à l'extension de la peine de suivi socio-judiciaire et de l'injonction de soins, ...

... nous votons, pas plus que d'études d'impact. Cette commission, dont les membres ont été choisis par M. Clément, a rendu le 8 juin 2007 un avis sur le projet dont nous débattons, avis dont je regrette que la commission des lois n'ait, semble-t-il, pas eu connaissance. Je tiens à en lire les premiers paragraphes tant ils sont éclairants. « La commission observe que ce projet vise à favoriser l'emprisonnement comme réponse à la récidive simple ou multiple et qu'il aura nécessairement comme conséquence l'augmentation de la population carcérale des majeurs et des mineurs. » On ne saurait être plus clair ! « À cet égard, elle souhaite rappeler que, en France, les peines minimales ont existé et ont été abandonnées sous la pression de la pratique par étapes successives entre 1832 et 1994. » Cette c...

... l'axiome juridique sur la valeur des dispositions spéciales par rapport à celle des dispositions générales -, toutes ses dispositions spéciales doivent prévaloir sur les dispositions générales du code pénal. On doit en déduire - et c'est la raison d'être de l'amendement - que le juge doit d'abord s'interroger sur la nécessité de prononcer une sanction pénale ; il ne doit prononcer une peine d'emprisonnement que par exception, et en motivant sa décision.