Au cours d'une troisième réunion tenue dans l'après-midi, la commission entend Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer, sur le projet de loi de finances pour 2015 - mission « Outre-mer ».
Il est de tradition à la commission des lois d'entendre les ministres dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2015. Nous venons de recevoir Mme Marylise Lebranchu pour la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et nous souhaitons vous écouter pour le budget de la mission « Outre-mer ».
La présentation du projet de budget des outre-mer est un moment important dans un contexte de fortes tensions sur le budget de la Nation. Dans ce contexte difficile, le Gouvernement a voulu s'attacher à apporter des réponses précises aux attentes de nos concitoyens d'outre-mer. J'ai voulu que chacun de nos départements et de nos collectivités puisse trouver dans les crédits de la mission outre-mer les moyens budgétaires et financiers adaptés à ses problématiques spécifiques.
En 2015, en structure constante, le montant total des crédits de la mission s'élèvera à 2,064 millions d'euros en crédits de paiement, soit une progression globale de 0,3 % par rapport à 2014. Sur l'ensemble du budget triennal, cette progression des crédits de paiement atteindra 5,5 %, hors les dépenses de personnel. Si on fait abstraction de la mesure de périmètre qui touche les exonérations de charges sociales, la progression est encore beaucoup plus marquée, atteignant 2,7 % en évolution annuelle et 8,3 % sur trois ans.
Le budget des outre-mer pour 2015 fait en premier lieu ressortir la priorité qui est faite à l'emploi. Avec plus de 1,12 milliard d'euros, le poste de compensation des exonérations de charges sociales est de loin le plus important de la mission outre-mer.
Son importance est appelée à se renforcer puisque les arbitrages que j'ai obtenus en faveur des secteurs exposés se traduiront par un niveau supérieur d'exonération de charges sociales. En 2016, les secteurs les plus exposés feront l'objet d'allègements de charges renforcés à hauteur ou à l'équivalent d'un crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) renforcé, au-delà de 9 %. Je souligne également que les entreprises des départements d'outre-mer bénéficieront par ailleurs d'un CICE qui est fixé au taux de 7,5 % en 2015 et à 9 % en 2016, contre 6 % en métropole. En régime de croisière, l'impact économique du CICE dans ces départements atteindra 880 millions d'euros. Une structure établie dans un département d'outre-mer et qui aurait une masse salariale de 260 000 euros bénéficiera d'un avantage fiscal de plus de 23 000 euros, contre 15 000 euros environ en métropole.
Ce budget est également, conformément aux orientations présidentielles, axé sur la jeunesse et la formation. Avec des crédits qui progressent de 3% sur le budget triennal pour atteindre 154 millions d'euros par an en 2017, le service militaire adapté (SMA) est doté de moyens lui permettant de remplir les objectifs du programme SMA 6.000. Ce sera également une augmentation des crédits de l'agence de l'outre-mer pour la mobilité (LADOM) qui passent à plus de 35 millions d'euros, en intégrant la dotation de l'association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA). Mon objectif pour LADOM est de conforter l'opérateur dans ses missions et de sanctuariser les crédits affectés au « passeport mobilité études » et au « passeport formation professionnelle ». J'ai pris dans ce domaine plusieurs décisions importantes : les crédits du passeport mobilité études seront augmentés de 2 millions d'euros ; nous créerons la possibilité pour les candidats aux concours qui veulent tenter une deuxième chance de bénéficier d'un deuxième billet dans la même année. Enfin, le deuxième accompagnant d'un enfant mineur pourra bénéficier d'une aide, lorsque l'accompagnant principal bénéficie d'une prise en charge par la sécurité sociale. Vous le savez, ces choix politiques impliquaient en parallèle de rationaliser les prestations sur l'aide à la continuité « tout public ». Rationaliser ne signifie pas dégrader : pour la majeure partie des bénéficiaires, le changement de rythme du droit au déplacement n'aura aucune incidence sur leurs habitudes de déplacement. Par ailleurs, le Gouvernement garantit le maintien du niveau d'aide majorée à son taux actuel, faisant ainsi le choix de se concentrer sur le coeur de cible, à caractère social, du dispositif. Je crois nécessaire de réaffirmer ce caractère social du dispositif de continuité territoriale, qui doit être tourné principalement vers les jeunes et les catégories sociales défavorisées, ce qu'on a eu parfois tendance à oublier, dans certains endroits.
Le projet de budget pour 2015 poursuit les efforts qui ont été consentis, depuis 2012, dans le domaine du logement, et particulièrement du logement social. En complément du dispositif d'incitation fiscale à l'investissement, les crédits de la ligne budgétaire unique sont maintenus en termes de moyens de paiement pour favoriser la réalisation des opérations lancées. Le projet de budget pour 2015 représente de 247 millions d'euros en autorisation d'engagement qui resteront stables pendant trois ans. Les crédits du fonds régional d'aménagement foncier et urbain et de la résorption de l'habitat insalubre (RHI) seront dimensionnés au regard de la consommation des années précédentes et l'aide à l'accession de l'habitat privé sera maintenue à hauteur de 10 millions d'euros.
Dans le domaine du logement intermédiaire, nous avons, conformément aux engagements du Président de la République, assuré l'application outre-mer du plan national en faveur du logement, en particulier en faveur du logement intermédiaire. Le plafond du « dispositif Duflot-Pinel » s'élève à 18 millions d'euros : c'est une importante avancée qui va faciliter la réalisation d'opérations mieux adaptées au marché locatif des outre-mer.
Dans la logique de la stratégie en faveur du logement que j'ai présentée aux acteurs institutionnels, nous avons pu enregistrer un premier succès avec l'adaptation du bouquet de travaux prévu dans le cadre du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) aux caractéristiques des géographies ultramarines. Je suivrai avec intérêt les travaux du Parlement sur ce point, plusieurs amendements significatifs étant susceptibles d'être déposés pour améliorer encore le dispositif.
Sur la rénovation des immeubles sociaux de plus de vingt ans ou bien la réouverture de la défiscalisation pour la location en accession sociale, je me tiendrai naturellement à vos côtés pour faire avancer les propositions qui me paraissent s'inscrire dans l'intérêt général.
L'une des priorités que traduit le projet de budget pour 2015 de ce ministère est donc celle du soutien de l'investissement des collectivités locales si important pour les économies ultramarines. L'effort collectif de diminution de la dépense publique a conduit à diminuer les crédits du fonds exceptionnel d'investissement à 40 millions d'euros par an pour 2015 et 2016. Mais ils seront portés de nouveau, en fin de période, à 50 millions d'euros. Surtout, les crédits de paiement continueront à progresser pendant toute la période triennale, permettant de maintenir et de pérenniser le programme de rattrapage des investissements structurants.
Cette priorité est également illustrée par le déploiement de crédits dédiés à la politique contractuelle. Ces crédits progressent de 6,5 % dès 2015 et de 11 % sur la période triennale. Avec 137 millions d'euros en 2015, la contribution de l'État aux contrats de projet État-région est en augmentation dans toutes les régions d'outre-mer, par rapport aux contrats de projets 2007-2013. En moyenne, la progression est de + 27 % à périmètre comparable. L'effort de l'État par habitant est près de trois fois plus important outre-mer que dans l'hexagone. Mayotte et la Guyane bénéficient d'un taux d'aide par habitant encore plus élevé. La progression des crédits en faveur de la politique contractuelle au sein de la mission outre-mer permettra aussi le renouvellement, à enveloppe constante, des contrats en Polynésie française en 2015, en Nouvelle-Calédonie en 2016 et à Wallis-et-Futuna en 2017, de même que la poursuite des contrats actuels dans les autres collectivités d'outre-mer.
Je me félicite de l'arbitrage qui a été rendu au plus haut niveau de l'État en ce qui concerne la baisse de la dotation globale de fonctionnement de quatre régions d'outre-mer. Sans contester l'idée d'une participation de tous aux efforts de maîtrise de nos dépenses publiques, je me réjouis d'avoir obtenu que la part d'effort de ces collectivités soit proportionnelle à la réalité des finances publiques outre-mer, en tenant compte des charges particulières des régions concernées.
Concernant les problématiques de sécurité, je tenais à mentionner ici que nos capacités opérationnelles ont été préservées pour assurer toutes les missions qui leur sont dédiées. Je citerai par exemple pour la Guyane, la lutte contre l'orpaillage avec la mission HARPIE mise en oeuvre depuis 2008 ou la lutte contre la pêche illégale dans nos zones économiques exclusives. À l'horizon 2016, plusieurs bâtiments de la Marine Nationale seront remplacés par trois bâtiments multi-missions pour maintenir notre opérabilité sur les océans. En ce qui concerne les moyens humains déployés dans les outre-mer, les effectifs de la police et de la gendarmerie n'ont pas baissé. Au contraire, 29 gendarmes supplémentaires y ont été affectés en 2014. Ainsi, sur l'ensemble des territoires ultra-marins, nous enregistrons une baisse des atteintes aux biens de 1,5 % et une baisse des cambriolages dans tous les territoires avec un recul de 1,2 %. La création des quatre zones de sécurité prioritaires - Fort-de-France, Pointe-Pitre, Cayenne et Kourou - a contribué également à ces bons résultats.
Enfin, je voudrais vous donner mon sentiment sur les problématiques institutionnelles et statutaires outre-mer. La Nouvelle-Calédonie est actuellement dans la phase de sortie de l'Accord de Nouméa, qui prévoit cinq types de transferts qui se veulent progressifs et, une fois effectués, irréversibles. Compte-tenu des enjeux que représente l'effectivité des transferts de compétences, des attentes exprimées localement et de l'échéance relative à l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie, le Premier ministre a décidé, en accord avec les parties prenantes de l'Accord de Nouméa, la création d'une « commission interministérielle de suivi des transferts de compétences ».
Je voudrais enfin saluer l'intérêt de sénateurs de métropole pour les outre-mer, dans le sillage de votre ancien collègue Christian Cointat.
Je vous remercie, madame la ministre, non seulement pour votre présence mais aussi pour vos propos, qui sont susceptibles de rassurer les outre-mers confrontés depuis de longues années à de grandes difficultés. En effet, dans un contexte budgétaire contraint, qui appelle des efforts de chaque collectivité et de chaque citoyen, le budget qui leur est dévolu est, pour la troisième année consécutive, épargné. Un tel engagement est légitime compte tenu du retard accumulé et du chemin qui reste à parcourir pour offrir aux collectivités ultra-marines le développement qu'elles méritent.
Beaucoup de sujets ultra-marins pourraient être évoqués mais dans le cadre de l'avis, j'ai choisi de me consacrer cette année à l'application outre-mer des textes adoptés en métropole.
Les premières questions que je souhaiterais vous poser concernent l'administration centrale des outre-mer. Quel bilan tirez-vous de la réorganisation de la délégation générale de l'outre-mer, devenue direction générale des outre-mer à partir de 2009 ?
La diversité des compétences normatives dévolues aux différentes collectivités ultra-marines rend le droit ultra-marin de plus en plus complexe. La direction générale dispose-t-elle de l'expertise suffisante pour faire face à cette complexité et, surtout, faire entendre sa voix auprès des autres ministères ?
Le recours aux ordonnances pour adapter les normes métropolitaines aux spécificités ultramarines tend à devenir de plus en plus systématique, comme si ces questions étaient jugées secondaires lors de l'élaboration du texte d'origine. Quelle est votre analyse sur ce point ?
Lors du prochain renouvellement des conseils régionaux, en 2016, la Guyane et la Martinique basculeront dans le régime d'une collectivité unique. Avez-vous été alertée sur des difficultés de mise en oeuvre de ce basculement ?
Lors du récent débat sur la carte territoriale, le Sénat a adopté un amendement relatif à une future collectivité unique ou assemblée unique en Guadeloupe qui, nonobstant les problèmes juridiques qu'il soulève, vise principalement à affirmer la volonté d'aller de l'avant. Pensez-vous toutefois que les mêmes conditions qui avaient permis cette évolution en Guyane et en Martinique se trouvent réunies aujourd'hui en Guadeloupe ?
En 2019, l'État devra organiser, en Nouvelle-Calédonie, une consultation sur son accession à une pleine souveraineté. Pouvez-vous nous présenter le dernier état des négociations sur la question cruciale de l'élaboration des listes électorales en vue de cette consultation ?
La Nouvelle-Calédonie compte maintenant trois usines métallurgiques d'extraction et de traitement du nickel. La Nouvelle-Calédonie peut-elle fixer une stratégie rendant cohérentes les stratégies provinciales ? Quelle maîtrise les institutions calédoniennes doivent-elles avoir sur les acteurs économiques du nickel ?
L'agence de développement rural et d'aménagement foncier acquiert des terres coutumières pour les restituer aux clans qui les possédaient avant la colonisation. Son transfert est-il toujours envisagé ? La réduction, une nouvelle fois, de son budget ne met-elle pas en péril le bon accomplissement de ses missions ?
Une loi du pays a été adoptée par le Congrès de la Nouvelle-Calédonie le 25 juin 2013 pour lutter contre les pratiques anticoncurrentielles. Pouvez-vous nous indiquer quand l'autorité locale de la concurrence, chargée de mettre en oeuvre ces règles, sera installée ?
Lors du déplacement à Wallis-et-Futuna cette année d'une délégation de notre commission, l'administration locale a fait part des difficultés qu'elle rencontrait pour lutter contre la vie chère, faute de disposer de pouvoirs équivalents à ceux de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur ce point ?
L'agence de santé de Wallis-et-Futuna fait face à de réelles difficultés financières. L'État, son autorité de tutelle, lui apportera-t-il son aide ?
Le service militaire adapté n'existe pas à Wallis-et-Futuna. Votre prédécesseur avait indiqué, en réponse à une question orale de notre collègue Robert Laufoaulu, qu'un projet d'importation existait. Qu'en est-il ?
S'agissant de l'administration centrale, le ministère des outre-mers a contribué à l'effort budgétaire en reversant des emplois via une mutualisation des fonctions support avec le ministère de l'intérieur. Un renfort d'effectifs serait bienvenu, mais il n'est pas envisageable dans le contexte actuel de nos finances publiques.
Nos missions sont transversales et couvrent un large spectre : nous fonctionnons à flux tendu. Cette situation contraignante a ses avantages : nous acquérons une connaissance experte d'un vaste ensemble de sujets ; nous devons sensibiliser à ces problématiques les ministères avec lesquels nous travaillons. D'ailleurs, si le ministère des outre-mer était plus fréquemment associé à l'élaboration des textes - ce qui constituerait la meilleure méthode -, nous n'aurions pas à recourir autant aux ordonnances après adoption de ces mêmes textes. Permettez-moi de souligner le rôle que les parlementaires ont parfois joué pour imposer très tôt le respect de préoccupations ultra-marines dans l'élaboration de certains textes. Je pense en particulier à la loi sur l'agriculture ou à celle sur l'énergie.
Vous avez souligné combien la diversité des compétences normatives des collectivités ultra-marines rendait le droit des outre-mer plus complexe. Cette diversité est toutefois un progrès puisqu'elle permet de tenir compte de la spécificité du territoire. La bonne solution est alors d'accroître l'expertise des services ministériels pour gérer les multiples régimes législatifs. Le ministère que je dirige s'y emploie.
S'agissant de la Guyane et de la Martinique, l'évolution vers une collectivité unique rencontre quelques difficultés parce qu'elle suscite des inquiétudes, notamment des personnels qui craignent de voir leurs emplois supprimés dans un contexte de fort chômage. L'État est sollicité pour contribuer à la fusion par des subventions, ce que ne permet pourtant pas le contexte budgétaire actuel. Une commission tripartie, qui réunit l'État, le conseil régional et le conseil général, est chargée d'aplanir les difficultés. De ce point de vue, le report de la création des élections et, par voie de conséquence, de la création des collectivités uniques offre du temps supplémentaire pour lever les derniers obstacles. Une autre façon d'accompagner ce mouvement serait de publier les ordonnances requises ou d'offrir, s'il était demandé, l'appui des inspections générales. Si la fusion est bien une simplification dans le long terme, elle ne l'est pas dans un premier temps et doit être accompagnée.
S'agissant de la Guadeloupe, l'idée d'une collectivité unique ou d'une assemblée unique a été initialement écartée, comme à La Réunion.
Lors de l'examen en deuxième lecture du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, le Sénat avait adopté un amendement du sénateur Jacques Gillot, autorisant la collectivité départementale et la collectivité régionale de Guadeloupe à fusionner.
Cette disposition posait de véritables difficultés constitutionnelles. Si la fusion avait été votée, y aurait-il eu une obligation pour les élus de Guadeloupe de se réunir pour délibérer puis valider cette fusion ? Une loi peut-elle imposer une telle fusion aux collectivités territoriales de Guadeloupe ?
Ce problème est pour l'instant écarté puisque la commission des lois de l'Assemblée nationale, qui examine actuellement le projet de loi en deuxième lecture, vient de supprimer la disposition en cause.
S'agissant de la Nouvelle-Calédonie, elle traverse actuellement une phase délicate de son évolution statutaire. Plusieurs questions se posent encore concernant la sortie de l'Accord de Nouméa et la consultation sur l'accession à la souveraineté du territoire : qui vote ? qui examine la validité des listes électorales ?
L'élaboration des listes électorales ne fait pas, pour l'instant, l'objet d'un consensus. Cette question a donc été renvoyée à un groupe de travail qui se réunit, en Nouvelle-Calédonie, sous la direction du Haut-Commissaire de la République.
En tout état de cause, les personnes qui se prononceront sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie devront avoir un lien direct avec ce territoire. Ne pourront être prises en compte les voix des « personnes de passage ». Le consensus sur la composition du corps électoral est essentiel pour que la légitimité du scrutin ne puisse pas être mise en doute. Le vote doit pouvoir se dérouler avec un corps électoral incontesté. Sur le fonctionnement des commissions administratives, si nous ne trouvons pas de solution d'amélioration, elles fonctionneront selon la procédure habituelle.
Ces différentes questions doivent être réglées rapidement car la consultation peut intervenir à partir de maintenant sur demande du Congrès de la Nouvelle-Calédonie et, en tout état de cause, interviendra en 2019.
Quant à la question du nickel, elle est très importante, puisqu'elle permet d'assurer l'autonomie économique de la Nouvelle-Calédonie. Le rééquilibrage du partage de la gestion du nickel en faveur des autorités locales est au centre du débat.
Les partis veulent aller plus loin dans ce rééquilibrage qui était déjà l'un des éléments de fond de l'Accord de Nouméa. Or, la situation n'est plus la même qu'il y a vingt ans. L'État n'a plus la main sur la société Le Nickel. Il n'a plus les mêmes pouvoirs.
Il faut également prendre en compte ce qui a été fait. À cet égard, le Président de la République devrait inaugurer très bientôt la nouvelle usine du Nord, symbole du rééquilibrage.
Concernant ensuite la redistribution des terres coutumières, le rôle de l'Agence de développement rural et d'aménagement foncier (ADRAF) est très important et ses travaux doivent être salués. Or, la baisse de la dotation qui lui est accordée pour 2015 ne va pas faciliter sa tâche.
Cet organisme devrait être transféré à la Nouvelle-Calédonie, mais la question se pose de savoir si ce transfert doit avoir lieu en l'état ou s'il est nécessaire d'attendre que cet organisme ait avancé dans ses travaux. Ce point de discussion devra faire l'objet d'une proposition conjointe avec le ministère de l'agriculture.
Enfin, concernant l'autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie, les membres du collège sont en cours de recrutement. L'Etat apporte son soutien à ce transfert. C'est d'ailleurs ainsi qu'il faut procéder pour tous les transferts de compétences : favoriser les « allers-retours » entre les lois nationales et les lois du pays.
S'agissant de Wallis-et-Futuna, il y a eu un vif mouvement des agents l'an dernier. Une mission a été envoyée pour examiner le statut des personnels. Sur la question de la vie chère, nous devons lutter ensemble pour le pouvoir d'achat et donc trouver le moyen de renforcer les pouvoirs des agents locaux du service économique, qui sont aujourd'hui insuffisants. Vous avez fait une proposition récemment qui peut être améliorée pour ne pas priver d'autres agents de ces pouvoirs.
Il y avait justement un amendement permettant de donner à ces agents des pouvoirs identiques à ceux de la répression des fraude dans le projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises que nous venons d'examiner en première lecture. Or, le Gouvernement a demandé le retrait de cet amendement, s'engageant à proposer rapidement une nouvelle solution.
Il ne faudrait pas laisser passer cette occasion d'ajuster les pouvoirs de cette administration dans les îles Wallis et Futuna.
Nous sommes conscients de la difficulté, mais il nous faut réfléchir à la rédaction d'un dispositif qui réponde au besoin exprimé à Wallis-et-Futuna.
S'agissant de l'Agence de santé, nous touchons à un sujet qui empoisonne les relations des Wallisiens et Futuniens avec la Nouvelle-Calédonie depuis trop longtemps. Le projet de budget pour 2015 marque un tournant après une sous-évaluation chronique des crédits : désormais, il y a une adéquation entre les moyens et les missions de cette agence. Cela vaut pour l'avenir, mais il nous faut gérer l'arriéré. Nous travaillons avec le ministère des affaires sociales pour combler cet arriéré, en tenant compte des spécificités, en particulier du fait que les cotisations sont différentes. Les fonctionnaires en poste à Wallis-et-Futuna ne cotisent pas sur place contrairement à la pratique usuelle. Par ailleurs, il est nécessaire de fournir à ce territoire les équipements indispensables : scanner, mammographie, salle d'obstétrique. Cela coûtera certes neuf millions d'euros, mais cela permettra des économies en termes de transport à moyen terme.
Le service militaire adapté (SMA) n'existe pas à Wallis-et-Futuna. Actuellement, les Wallisiens et les Futuniens sont donc accueillis sur le bassin de Nouméa et on observe un taux d'insertion favorable. On envisage toutefois un détachement du SMA à Wallis, ce qui nécessiterait de trouver de nouvelles ressources pour assurer l'encadrement. Ou alors, on pourrait procéder à des recrutements complémentaires fléchés pour les Wallisiens et les Futuniens qui seraient affectés à Nouméa.
Si vous le permettez, j'ai une question complémentaire à poser à madame la ministre concernant l'évolution institutionnelle de Mayotte.
J'ai déposé une proposition de loi visant à modifier le mode de scrutin dans le département. Aujourd'hui, sur le modèle des élections départementales, le vote s'effectue selon un scrutin uninominal à deux tours. Or, j'estime que ce mode de scrutin ne facilite pas la gestion d'un département qui exerce en outre les compétences d'une région. L'élection se produit effectivement en deux phases : en un premier temps, chaque canton élit de son côté son conseiller général, et ce n'est qu'en un second temps qu'on élit la présidence du conseil général. Je propose donc un scrutin de liste car la constitution de listes en amont obligerait à davantage de cohérence dans l'élaboration du programme à mettre en oeuvre. Cependant, le calendrier électoral ne permet pas que l'on modifie le mode de scrutin pour les prochaines élections. Mais pour les suivantes, que pensez-vous de cette proposition ?
Mayotte connaît à l'heure actuelle des changements rapides : sa population, les évolutions juridiques à l'oeuvre...
Vous estimez le dispositif institutionnel du conseil général inadapté car celui-ci exerce les compétences régionales. On peut effectivement imaginer un nouveau mode de scrutin puisqu'aujourd'hui on constate que chaque collectivité s'organise, pour ainsi dire, « à la carte ». Pour ma part toutefois, je suis attachée au scrutin départemental tel qu'il sera mis en oeuvre à partir de l'an prochain, avec un binôme paritaire.
Dans le cadre des réflexions pour Mayotte 2025, on peut tout à fait envisager une évolution du mode de scrutin et faire évoluer le statut, à condition de prendre le temps de la consultation.
Par ailleurs, au-delà de la question du mode de scrutin, je pense que ce dont Mayotte a besoin est avant tout de formation de ces élus et de ces cadres administratifs. De nouvelles compétences, importantes, comme la gestion des fonds européens ou de grands équipements, nécessitent une formation.
Permettez-moi de vous indiquer que la proposition de loi que j'ai déposée l'a été à la demande unanime des membres du conseil général.
C'est un sujet que l'on peut raisonnablement mettre à l'examen.
La réunion est levée à 17 h 30