La commission examine les amendements sur la proposition de loi constitutionnelle n° 779 (2013-2014), présentée par M. Jacques Mézard, visant à rétablir à sept ans la durée du mandat du Président de la République et à le rendre non renouvelable.
La semaine dernière, notre commission a rejeté la proposition de loi constitutionnelle visant à rétablir le septennat, mais on ne peut pas présumer du vote en séance publique. Nous devons donc formuler un avis sur l'amendement n° 1 de M. Leconte, qui porte sur le droit de dissolution.
L'article 12 de la Constitution permet au Président de la République de dissoudre l'Assemblée nationale, sous deux réserves : l'interdiction de dissoudre à nouveau dans l'année suivant une dissolution et l'interdiction de dissoudre pendant le recours à l'article 16. Il s'agit donc d'un droit que le Président exerce souverainement, voulu comme tel par le constituant.
Sous la IIIème République, le droit de dissolution n'a été utilisé que par Mac Mahon, de sorte que son usage a été perçu comme antirépublicain. La Constitution de 1946 a, elle aussi, prévu la dissolution mais dans des conditions draconiennes. Il fallait deux crises ministérielles dans les formes constitutionnelles pour qu'elle soit possible. Cette configuration ne s'est rencontrée qu'une seule fois, avec Edgar Faure.
Edgar Faure est tombé sur un texte visant à avancer la date des élections législatives, ce qui lui a permis de demander la dissolution au chef de l'État, ce qui a conduit à avancer les élections...
Edgar Faure a ensuite été exclu du parti radical, permettant à Pierre Mendès France d'en prendre la tête.
En 1958, Michel Debré et le Général de Gaulle ont voulu donner au Président de la République le droit souverain de dissoudre quand il le jugerait utile, conformément à sa fonction d'arbitrage.
Limiter le droit de dissolution va à l'encontre de l'esprit des institutions comme en témoigne la pratique du septennat avant 2002. On recense cinq dissolutions, qui correspondent à quatre types d'utilisation : en 1962, en réponse au renversement du Gouvernement par l'Assemblée nationale, en 1968, pour faire face à une situation de grave crise sociale, en 1981 et 1988, pour trouver une nouvelle majorité parlementaire après l'élection présidentielle, et en 1997, pour avancer la date des élections. Ainsi, l'usage du droit de dissolution dépend uniquement de l'appréciation du Président de la République, en fonction des circonstances. Limiter son usage à une fois par mandat présidentiel, comme le propose l'amendement, est donc tout à fait contraire à l'esprit des institutions.
Je veux faire un parallèle avec l'usage du troisième alinéa de l'article 49, que l'on a restreint en 2008, après un usage excessif par Raymond Barre, Pierre Mauroy ou, encore, Michel Rocard. Cette restriction a été possible car le Premier ministre dispose d'autres armes pour intervenir dans la discussion parlementaire, par exemple le vote bloqué. En revanche, le Président de la République n'a que l'arme de la dissolution : en limiter l'usage, ce serait porter lourdement atteinte à ses prérogatives constitutionnelles.
Je propose un avis défavorable à l'amendement.
Je ne regrette pas d'avoir déposé cet amendement, même si la commission a déjà rejeté la proposition de loi la semaine dernière. Je sais que sa durée de vie sera sans doute très brève.
M. Mézard justifie explicitement sa proposition de loi constitutionnelle en disant qu'il faut déphaser l'élection présidentielle et les élections législatives, en vue de renforcer la fonction présidentielle. Dans cette configuration, sauf en cas de crise, le Président de la République n'a donc pas vocation à être le chef de la majorité parlementaire, mais seulement le chef de l'État, ce qui explique mon amendement.
De plus, cet amendement apporterait une clarification permettant à nos institutions d'être plus en cohérence avec celles de nos partenaires européens.
Je présente donc cet amendement pour contribuer à la réflexion sur l'évolution de nos institutions.
Notre collègue a présenté un amendement d'appel pour ouvrir le débat sur le droit de dissolution, en complément de la proposition de loi sur le rétablissement du septennat. Nos institutions méritent mieux qu'un texte qui n'aborde que quelques aspects de la question. Nous avons besoin d'une réflexion plus large sur l'avenir de nos institutions, pour en approfondir le caractère démocratique, en évitant qu'elles ne reposent que sur un seul homme, en donnant plus d'espace au Gouvernement. Je ne sais pas si la mission créée par M. Bartolone sera suffisante.
Cette proposition de loi constitutionnelle lance le débat, mais n'a pas vocation à prospérer, et je ne voterai pas cet amendement.
Un argument de M. Leconte m'a beaucoup surpris : dans l'Union européenne, on aurait vocation à avoir des institutions semblables à celles de ses voisins. Mais l'Union européenne n'est pas un État fédéral ! Lorsque nous élisons le Président de la République, nous n'élisons pas le gouverneur du Texas. Et quand bien même, la Constitution américaine n'interdit pas aux États fédérés d'avoir des institutions différentes, mais seulement de rétablir la monarchie.
Si vous l'avez compris de cette manière, je le regrette. J'avais dit que c'était un devoir pour nous d'avoir les institutions les mieux adaptées pour peser auprès de nos partenaires européens, c'est-à-dire adaptées à leurs propres systèmes politiques. Tout faire procéder de l'élection présidentielle ne nous permet pas de nous faire comprendre de nos partenaires. Ce n'est pas l'Union européenne qui nous dicte de changer nos institutions, mais c'est un devoir pour nous.
Laisser le Gouvernement responsable devant l'Assemblée nationale sans ouvrir l'accès au droit de dissolution, c'est créer un grave déséquilibre dans nos institutions. Les pouvoirs du Président de la République sont conçus pour soutenir le Gouvernement face à une Assemblée nationale sans majorité solide. L'actualité récente nous montre d'ailleurs que l'arme virtuelle de la dissolution peut faire réfléchir une majorité parlementaire.
Vous auriez dû présenter un deuxième amendement pour éteindre la disposition permettant d'engager la responsabilité du Gouvernement.
La plupart du temps, c'est plutôt l'opposition au Président de la République qui propose d'en réduire les pouvoirs. Cet amendement me paraît donc assez singulier.
Je vous remercie, mon cher collègue, pour ce commentaire indispensable !
La commission émet un amendement défavorable à l'amendement n° 1.
La réunion est levée à 9 h 50