Nous souhaitons une cordiale bienvenue à M. Vincent Capo-Canellas qui rejoint notre commission en remplacement de M. Michel Mercier qui nous a quittés.
Membre du groupe Union centriste-UDI, M. Capo-Canellas est officier des Arts et des Lettres ; il est également maire du Bourget. Nous l'accueillons très cordialement.
La commission examine, en deuxième lecture, le rapport de Mme Catherine Tasca et le texte qu'elle propose pour le projet de loi n° 492 (2013-2014), modifié par l'Assemblée nationale en première lecture, modifiant la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté.
Nous examinons, en seconde lecture, la proposition de loi que j'ai eu l'honneur de déposer, avec les membres du groupe socialiste et apparentés, et qui apporte plusieurs modifications à la loi du 30 octobre 2007 instituant le Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Compte tenu de l'encombrement du calendrier parlementaire et de l'interruption des travaux due aux élections municipales, je me félicite qu'elle nous revienne moins de quatre mois après un premier vote au Sénat acquis à l'unanimité. Je salue l'engagement de l'Assemblée nationale, et en particulier de la rapporteure de sa commission des lois, Laurence Dumont, ainsi que celui du Gouvernement, qui a accepté d'inscrire ce texte sur son ordre du jour prioritaire.
La proposition de loi tire les enseignements des six premières années d'existence du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, en remédiant à un certain nombre de difficultés ou de lacunes identifiées par Jean-Marie Delarue et en renforçant ses prérogatives. Le Contrôleur général accédera désormais à davantage d'informations - notamment, sous certaines conditions, à celles couvertes par le secret médical - et protègera mieux ses interlocuteurs, qu'il s'agisse de personnes privées de liberté ou de membres des personnels qui travaillent dans ces lieux, contre toute forme de sanction ou de représailles.
Alors que le nombre de détenus a franchi au 1er avril le seuil de 68 859 personnes pour 57 680 places, soit une augmentation de 2 % sur un an, une autorité indépendante chargée de veiller au respect des droits fondamentaux des personnes privées de liberté et dotée des prérogatives afférentes apparaît plus que jamais indispensable.
La commission des lois de l'Assemblée nationale a amélioré notre rédaction sur plusieurs points. Elle a précisé la qualité des collaborateurs du Contrôleur habilités à accéder à des informations couvertes par le secret médical, et levé une ambiguïté en garantissant au Contrôleur les mêmes prérogatives dans le cadre des enquêtes que dans celui des visites de contrôle.
Nous avions autorisé le Contrôleur général à prendre connaissance des procès-verbaux de déroulement de garde à vue ; l'Assemblée nationale a élargi cette possibilité à l'ensemble des procès-verbaux relatifs au déroulement d'une mesure privative de liberté mise en oeuvre par la police, par la gendarmerie ou par la douane, ce qui couvrira les procès-verbaux de retenue pour vérification du droit au séjour ou de retenue douanière.
Les députés ont expressément permis au Contrôleur général d'adresser aux autorités responsables des avis sur les projets de construction, de restructuration ou de réhabilitation de tout lieu privatif de liberté. Cela aurait été bien utile avant le lancement du programme « 13 200 », avec ses prisons surdimensionnées ou ses centres de semi-liberté difficilement accessibles, comme l'a souligné notre collègue Jean-René Lecerf dans ses avis budgétaires...
Les députés ont supprimé la peine d'emprisonnement encourue pour le nouveau délit d'entrave, ne laissant subsister qu'une amende de 15 000 euros. En incluant dans le champ de l'infraction le fait de sanctionner une personne pour les liens qu'elle aurait établis avec le Contrôleur général ou pour les pièces ou les informations qu'elle lui aurait fournies, ils ont donné plus de poids à l'article 2 de la proposition de loi, qui pose le principe de nullité de telles sanctions. En pratique, l'intéressé ne pourra pas être placé en garde à vue mais pourra être poursuivi devant le tribunal correctionnel. L'Assemblée nationale a jugé qu'une peine d'emprisonnement n'était pas justifiée ; je n'y vois pas d'objection. Il est en effet temps, comme nous y invite la garde des sceaux, de cesser de considérer l'emprisonnement comme la peine de référence pour toute infraction pénale. Toutefois, la suppression de la peine d'emprisonnement ne doit pas laisser penser qu'il serait moins grave de faire entrave à l'action du Contrôleur général que, par exemple, à celle de la CNIL. Les différents délits d'entrave prévus par notre droit ne sont pas punis des mêmes peines. Un quantum commun serait sans doute souhaitable.
Enfin, à l'initiative de M. Sergio Coronado, l'Assemblée nationale a modifié la loi du 30 octobre 2007 afin de permettre expressément aux députés européens élus en France de saisir le Contrôleur général des lieux de privation de liberté.
J'approuve les efforts de l'Assemblée nationale pour améliorer le texte. Tout cela conforte et renforce l'institution du Contrôleur général qui, en six ans d'exercice, a fait la preuve de son utilité et de sa légitimité. L'expérience nous montre à quel point le Sénat a été bien inspiré de refuser l'intégration du Contrôleur dans le Défenseur des droits. Les missions de l'un et de l'autre ne sont pas concurrentes mais complémentaires ; la convention signée en 2011 par les deux institutions aidera à mieux les articuler.
Cette proposition de loi me semble comporter désormais les mesures nécessaires pour répondre aux difficultés ou lacunes identifiées au cours des six premières années de pratique. Le texte améliorera la protection des droits des personnes privées de liberté, tout comme les conditions de travail des personnels qui en ont la charge. Je salue à nouveau la hauteur de vue avec laquelle Jean-Marie Delarue a donné corps à cette institution ; je forme le voeu que son successeur ait les mêmes qualités d'intelligence, de compétence et de discernement. Compte tenu de l'intérêt attaché à ce que ce texte entre rapidement en vigueur, afin que le successeur de M. Delarue, dont le mandat expire le 13 juin, puisse s'en saisir pleinement, je vous propose d'adopter la proposition de loi dans le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale. Et je souhaite que son examen en séance publique le 15 mai aboutisse à un vote conforme.
Je suis gêné par la réduction des peines en matière de délit d'entrave. J'avais cru entendre que ces entraves constituaient une vraie difficulté pour l'exercice de sa mission. Tout en comprenant la position de l'Assemblée nationale, je crains d'envoyer un mauvais signal. Si la peine d'emprisonnement ne se justifie pas, ne pourrait-on au moins mettre en oeuvre des sanctions disciplinaires contre les agents qui se rendent coupables de tels agissements ?
On veut un vote conforme, soit. Mais il faudra bien, un jour, harmoniser les sanctions des entraves. Or ce texte va dans le sens opposé...
Cette proposition de loi marque un progrès, et je me félicite qu'elle soit bientôt définitivement adoptée. Il faudra toutefois avancer sur la question du secret médical. Le régime de l'autorisation donnée par la personne n'est pas adapté aux problèmes posés par la présence, surtout dans les maisons d'arrêt, de personnes malades, de dangereux psychopathes. Faut-il rappeler le crime horrible commis dans une cellule de la prison de Rouen ?
Les peines de prison sont-elles jamais prononcées ? Sur 8 000 incriminations, combien sont utilisées par les parquets ? L'équilibre du code pénal que nous avions bâti a été progressivement détruit, au point de le rendre incompréhensible. Les peines ont été aggravées de manière inconsidérée, dans l'espoir qu'elles seraient davantage prononcées. L'important, c'est que le fonctionnaire qui ne respecterait pas la volonté du législateur risque de se retrouver devant le tribunal correctionnel, ne serait-ce que pour une peine d'amende. Harmoniser les peines ? Oui, un jour...
D'accord pour voter le texte conforme, mais je regrette la suppression de la peine d'emprisonnement pour le délit d'entrave. De même que le recel est plus grave que le vol, s'opposer à l'exécution de la loi mérite d'être sanctionné sévèrement.
Amende de 15 000 euros et passage devant le tribunal correctionnel, la sanction reste lourde. S'y ajoute l'arsenal des sanctions disciplinaires, qu'il faut effectivement mettre en oeuvre, comme vous l'avez rappelé, monsieur Cointat.
Je regrette l'absence d'harmonisation entre les peines sanctionnant les différents délits d'entrave. C'est un travail auquel le Sénat pourrait s'attacher, monsieur Reichardt. L'harmonisation ne se fera pas nécessairement par le bas, monsieur Michel : l'on peut imaginer que les principaux délits d'entrave soient punis d'une peine d'emprisonnement. Reste que le texte de l'Assemblée introduit une différence de traitement entre la CNIL et le Défenseur des droits d'une part, le Contrôleur général de l'autre. Il doit être bien clair, toutefois, que faire entrave à la mission du second n'est pas moins grave que s'opposer aux premiers.
Les observations de M. Lecerf sur le secret médical sont fondées : on touche là à une réalité inquiétante. Même si les sévices et violences physiques ou psychiques commises sur un mineur ou sur une personne incapable de se protéger échappent à l'exigence de l'accord de l'intéressé, le problème demeure, quand on sait ce qui se passe dans les cellules... Nous devons y réfléchir.
Le texte apporte des garanties nouvelles et importantes. Je souhaite que celles-ci entrent en application dans les meilleurs délais, et prône donc un vote conforme.
La proposition de loi est adoptée sans modification.