Nous poursuivons nos auditions sur le financement des établissements de santé avec M. Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la caisse nationale d'assurance maladie, ainsi que de l'union nationale des caisses d'assurance maladie, structure commune au régime général, au régime des agriculteurs et à celui des indépendants.
L'assurance maladie est le principal financeur des établissements de santé. Pouvez-vous nous préciser son rôle dans la prise de décision, tarifaire et budgétaire, comme dans le suivi de l'activité des établissements et nous dire votre appréciation sur les modes actuels de financement des établissements ? La tarification à l'activité, la T2A, qui visait à une meilleure adéquation entre les besoins et les ressources des hôpitaux, a-t-elle atteint cet objectif ? Observe-t-on des effets inflationnistes ou un rationnement des soins au profit des actes les plus rentables ? Avez-vous développé des outils d'analyse comparables à ceux dont vous disposez pour la médecine de ville et qui permettraient de faire évoluer les tarifs vers la promotion des meilleures pratiques ? La part de l'enveloppe demeurant en dotation non tarifaire pour les missions d'intérêt général (Mig) et les aides à la contractualisation (AC) vous paraît-elle satisfaisante, bien utilisée ? Nous aurons encore d'autres questions sur le contrôle et le financement des investissements.
La Cnam étant appelée chaque année à émettre des propositions sur les produits et les charges de l'assurance maladie, nous travaillons sur la productivité des offreurs de soins et la tarification en abordant les processus transversalement, de manière à optimiser la prise en charge par les différents offreurs de soin - hôpital, soins de ville, médico-social.
La T2A, mise en place pour que les hôpitaux qui se développent puissent bénéficier de ressources complémentaires, permet d'évaluer le coût des séjours, ce que la dotation globale ne permettait pas, et par conséquent, de réfléchir à des stratégies d'optimisation du parcours de soins. Or, l'amélioration du rapport qualité-prix de notre système de santé repose en grande partie sur celle des modalités de prise en charge.
Nous sommes associés aux arbitrages préalables à l'élaboration du projet de loi de financement de la sécurité sociale et nous participons ensuite aux travaux du comité de l'Ondam qui suit son exécution tout au long de l'année.
Nous n'avons cependant pas la même visibilité sur le suivi des dépenses entre l'hôpital public et les cliniques privées, pour lesquelles nous bénéficions d'une connaissance plus fine - les actes sont facturés un à un - et plus ancienne. En outre, les GHS y sont stabilisés depuis 2005. En ce qui concerne l'hôpital, nous en sommes encore à une facturation globale via les agences régionales de santé (ARS) à partir du programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI). Notre vision n'est donc pas aussi fine que pour le privé, bien que nous ayons désormais accès, après une période difficile, au PMSI ; nous disposons donc tout de même d'une information détaillée par établissement à trois mois. D'ailleurs, nous mettons en ligne sur Ameli-direct des informations sur le prix et le nombre des opérations par établissement. Demeurent quelques difficultés pour certains grands établissements, qu'il faut travailler à convaincre de l'utilité de la transparence. Et l'expérimentation en cours vers une facturation individuelle ne débouchera qu'en 2013-2014.
Les informations fournies par l'Atih, agence technique de l'information sur l'hospitalisation, avec laquelle nous avons échangé des méthodes de retraitement inspirées de l'Insee, nous aident également dans notre suivi. Le fait est que pour analyser les fluctuations conjoncturelles, il faut un recul suffisant en nombre d'années de référence et un travail collégial d'échange de données est indispensable pour porter une juste appréciation.
Quant à la préparation des tarifs, assurée par la direction générale de l'offre de soins (DGOS), c'est le Conseil de l'hospitalisation, créé en 2005, qui y est associé. Les propositions sur les principaux postes, notamment les volumes estimés pour la T2A, sont transmises au ministre, qui arbitre. Nous ne sommes guère associés à cette étape qui fixe les 2 300 tarifs dans un temps très court, entre février et mars. Nous découvrons les GHS avec l'arrêté tarifaire. Les fédérations hospitalières le sont vraisemblablement plus que nous, ce qui pourrait surprendre du point de vue du régulateur.
Il est vrai que nous exploitons encore insuffisamment les données, pour des raisons historiques : d'une part, si le codage du médicament remonte à 1995, GHM et PMSI sont plus récents ; d'autre part, c'est traditionnellement la DGOS qui se chargeait des établissements, et nous de la ville.
Nous nous investissons beaucoup sur les processus de soins et nous intégrerons cette problématique dans notre rapport de juillet prochain. Nous pensons qu'il reste une marge d'amélioration dans le ratio qualité des soins- prix, si l'on utilise les ressources hospitalières à bon escient, et la T2A permet une meilleure évaluation du dispositif d'ensemble.
L'expérience Fides (facturation individuelle des établissements de santé), que j'ai évoquée, amènerait à changer substantiellement les modes de facturation. Elle concernera cinquante-cinq établissements volontaires, dont quatre ont déjà basculé en facturation directe. Si dans les débuts, le taux de rejet lié à la vérification des droits, à l'application du 100 % ou à des erreurs de codification était de 40 %, il a été ramené à moins de 10 % en huit mois. Cela témoigne de la capacité d'apprentissage des établissements, qui ont su mieux coordonner services administratifs et médicaux pour une bonne anticipation des parcours de soin des patients à l'intérieur de l'établissement.
Jean-François Mattei, qui a voulu la T2A, était convaincu de sa nécessité pour que les ressources des établissements évoluent en fonction de leur activité. Il est exact qu'elle a d'abord provoqué de fortes secousses. J'ai même déclaré publiquement, ce qui m'a valu de vives réactions, que ses effets avaient été plus percutants encore que ceux de la création des agences régionales de l'hospitalisation (ARH), tant le mode de financement structure l'équilibre interne des établissements. Qui plus est, la concomitance avec la crise et la réforme de l'assurance maladie n'a pas nécessairement simplifié les choses.
La décision, surtout, de faire monter la T2A en puissance, de 35 % à 100 %, sur une seule année, n'a pas aidé. Je ne suis pas sûr que ce choix ait été fondé sur des simulations adaptées. Je préconisais, pour ma part, une montée en charge progressive, pour accompagner les réorganisations. Résultat, une période de flottement s'est ouverte, au cours de laquelle il a fallu faire évoluer les dotations liées aux missions d'intérêt général et aide à la contractualisation (Migac) pour parer aux difficultés, tandis que les tarifs stagnaient, ce qui a réduit l'intérêt de la T2A. Dans une deuxième étape, pour tenter de mieux maîtriser l'évolution des dotations non tarifaires, on a inversé la tendance. Soucieux du respect de l'Ondam, nous soutenions d'ailleurs les conclusions du rapport Briet en faveur d'une régulation des dotations Migac. Il fallait également tenir compte des effets du codage comme d'autres pays ont pu en faire l'expérience : les conséquences du rattrapage et certaines tentatives d'optimisation, des établissements ayant même recours à des cabinets de conseil à cette fin, ont abouti à mésestimer l'évolution du volume des actes tarifés.
Avec la T2A, l'argent suit le patient, comme disent certains syndicalistes. Quand on soigne davantage, on attire davantage, et l'on reçoit plus de ressources, ce qui n'était pas le cas avec la dotation globale. Inversement, les établissements qui deviennent de moins en moins attractifs reçoivent de moins en moins de ressources, ce qui les oblige à réajuster leur périmètre. Et le pilotage et la maîtrise des coûts sont facilités, puisque l'on se met en mesure de comparer les établissements entre eux pour faire évoluer les moins performants, étant entendu, toutefois, que la T2A ne se comprend qu'accompagnée d'une dotation fixe destinée à compenser les surcoûts liés à des missions d'intérêt général.
Il existe aussi, comme dans tout mode de rémunération, des effets moins positifs. Le passage à l'activité a son revers : il peut pousser à des opérations intempestives par exemple - une dérive régulièrement dénoncée. A nous d'y parer, en identifiant ces actes inutiles.
Autre effet négatif possible, le risque d'une analyse implicite de la rentabilité du patient, contraire à l'esprit même du forfait. On voit de fait apparaître une réflexion par catégorie de patients, et les établissements demander un éclatement des tarifs pour se rapprocher du coût unitaire par catégorie de patient, ce qui n'était évidemment pas l'objet. Multiplier les GHM n'est pas judicieux médicalement et ouvre des capacités d'optimisation du codage.
Un autre risque tient au contenu du panier de soins : s'il n'est pas bien encadré, il pourrait devenir une variable d'ajustement à des coûts considérés comme fixes. De fait, il est plus facile de raccourcir la durée du séjour, quitte à mettre le patient en soins de suite et de réadaptation (SSR), plutôt que d'ajuster ses propres coûts de prise en charge. Réduire la durée du séjour, oui, si c'est à bon escient, mais pas inconsidérément, en tronçonnant les séjours, ce qui aboutit in fine à augmenter les coûts. Rien ne sert de raccourcir le temps de séjour en maternité - dont je précise qu'il est, en France, supérieur à la moyenne de l'organisation de coopération et de développement économique (OCDE), au contraire de pathologies comme l'infarctus du myocarde - si c'est pour le faire suivre d'un temps d'hospitalisation à domicile.
C'est en raison de ces risques que nous avons mis en ligne sur internet les caractéristiques des établissements hospitaliers, parmi lesquels les durées de séjour, pour aider les assurés à objectiver la prise en charge et encourager la qualité.
Par ailleurs, un inconvénient du pilotage actuel réside dans sa stricte annualité. Les gestionnaires d'établissements manquent de visibilité sur l'évolution des tarifs. Comment convaincre les équipes de s'adapter si les règles du jeu peuvent changer, parfois substantiellement, chaque année ? La réactivité de gros hôpitaux, où travaillent des milliers de personnes, ne se mesure pas à quelques mois. Pour mesurer l'impact d'un investissement, il faut sept ans en moyenne.
A la suite de l'interpellation de la FHF, la fédération hospitalière de France, nous avons réfléchi sur les meilleures pratiques, la pertinence des actes, et nous sommes fixé cinq axes de travail : adéquation de l'aval de l'hôpital, maîtrise de la prescription externe, pertinence des soins, accompagnement des établissements sur les données T2A, correction des atypies.
Traiter la question de la pertinence des soins est complexe. Prenons l'exemple des césariennes programmées. Nous n'étions guère favorables à l'idée, avancée par le ministère, de les soumettre à entente préalable. Nous avons saisi la Haute Autorité de santé (HAS) qui a mis presque deux ans pour élaborer un référentiel médical encadrant le recours à la césarienne. Certes, notre taux est plutôt bas par rapport à d'autres pays de l'OCDE, mais il est très variable selon les services et par exemple plus élevé dans les établissements les plus huppés d'Ile-de-France.
Mieux vaut généralement, pour l'entente préalable, adopter une stratégie ciblée sur les établissements les plus atypiques sur certaines techniques, les plus utilisées, ce qui touche la césarienne, l'appendicectomie ou la chirurgie du canal carpien. Sur le cas de l'appendicite, nous avons conduit une analyse et défini des indicateurs de ciblage pour déceler les atypies : nombre d'interventions sur trois à cinq ans, part de celles-ci dans les actes de chirurgie digestive, âge et sexe des patients, taux opératoire hebdomadaire, conformité à l'imagerie. Nous attendons un référentiel. Si l'on s'intéresse aux variations géographiques sur les moins de vingt ans, on constate que les taux opératoires peuvent varier du simple au triple - même si on les a, comme ailleurs, beaucoup réduits en quinze ans. Et je suis sûr que si l'on y regarde de près, on trouvera parmi les établissements qui opèrent plus que les autres autant d'établissements publics que privés. En tout cas, ce n'est que sur le fondement d'un tel travail que l'on peut engager une politique de mise sous accord préalable, à partir du ciblage des établissements décalés et l'utilisation d'indicateurs, comme l'analyse des tissus. Si l'on fonctionne dans une vraie transparence, on verra aisément que certains établissements ont des résultats d'anatomie pathologique décalés. Même si le diagnostic n'est pas toujours facile, on peut évaluer la pertinence des actes. Il est également possible de s'intéresser au nombre d'accouchement par césarienne les jeudis et vendredis...
Moduler la T2A en fonction d'indicateurs de qualité ? L'idée, proposée il y a deux ou trois ans, d'introduire une part de rémunération à la qualité mérite d'être suivie, pour valoriser les bonnes pratiques. Je reste néanmoins persuadé que l'on obtiendra davantage par la transparence que par la rémunération. Il y a des exemples concrets à l'étranger. La publication par l'hôpital presbytérien de New-York du détail de ses résultats cliniques a eu un effet direct sur la prise de conscience par les soignants de l'importance de ces indicateurs ; et en Angleterre, les hôpitaux qui s'engagent à rendre publics leurs résultats ont vu significativement augmenter la qualité de leurs soins.
La transparence constitue un facteur déterminant d'évolution de la qualité. Les choses bougeraient beaucoup plus vite avec des indicateurs par professionnel de santé que par la rémunération. Cependant, les données individuelles sont à manipuler avec doigté, et il faut aussi savoir tenir compte des catégories de patients, certains étant plus réceptifs aux recommandations que d'autres - c'est ainsi que le taux de vaccination contre la grippe A différait sensiblement entre l'Ouest et l'Est parisien.
En matière de qualité, les attentes de nos concitoyens sont très fortes. Lorsque l'on a mis en place un service d'information téléphonique sur les tarifs, je n'aurais jamais pensé que la première question posée serait en fait : où trouver un bon médecin près de chez moi ?
Le bilan en matière d'incitations tarifaires ? Selon une étude de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), elles auraient peu d'effets, étant mal connues, tandis que pour la société savante de chirurgie ambulatoire européenne, l'incitatif le plus puissant serait le tarif unique entre ambulatoire et hospitalier.
Reste que la mise sous accord préalable d'actes chirurgicaux dans certains établissements de santé, procédure rendue possible grâce au Sénat, alors que le gouvernement de l'époque n'en voulait pas, a eu un effet très puissant sur les petits établissements : les trois mois de délai de mise en oeuvre ont suffi pour déclencher bien des réorganisations et l'hôpital public a repris des parts de marché au privé : les patients préfèrent rentrer chez eux plus vite et le risque d'infection nosocomiale s'en trouve réduit d'autant. L'accord préalable aura donc été un déclencheur et un accélérateur. En vérité, le mix entre le travail des sociétés savantes pour diffuser la connaissance, l'évolution tarifaire favorable, la demande des patients et les contraintes imposées par le payeur a produit ses effets. Nous restons pourtant encore en retard sur d'autres pays, parce que des freins persistent.
En matière de dotations non tarifaires, la France doit préparer une stratégie européenne : on risque de nous demander un jour de justifier les dotations au titre des Migac comme pour les aides d'Etat dans d'autres secteurs économiques. Si ces dotations se justifient par les contraintes d'intérêt général, s'il peut être légitime de maintenir un établissement dans une zone peu peuplée pour assurer l'équité dans l'accès aux soins, il faut néanmoins évaluer les conséquences financières des décisions et apporter des dotations en conséquence. Faute de quoi, on en viendra à fixer des tarifs trop élevés, qui génèreront une rente au profit des établissements de soins qui ne supportent pas les mêmes contraintes d'intérêt général. Pour prévenir le risque européen, il est nécessaire de mieux définir le contenu de ces Mig. Des comptabilités analytiques montreront que les dotations sont économiquement justifiables. Si des progrès ont été enregistrés, il reste des marges d'amélioration.
Attribuer les dotations Mig en fonction du statut, public ou privé, des établissements ? Dans certaines zones, par exemple en Aquitaine, de petits établissements privés assurent un accès aux soins à la population : il est justifié de leur attribuer une dotation pour mission d'intérêt général sous réserve qu'ils acceptent les contraintes qui y sont attachées, notamment en matière de tarification et de dépassements d'honoraires.
En matière d'aide à la contractualisation, faire porter la régulation financière par les dotations sur les seules AC nous semble une erreur. Résultat, les directeurs généraux d'ARS ont dû rétablir leurs marges de manoeuvre à travers le fonds d'intervention régional voté cette année. Une capacité financière d'accompagnement à la contractualisation ne saurait financer un déficit récurrent pas plus que des aides à l'investissement ne doivent combler un déficit de fonctionnement.
La convergence tarifaire, sujet délicat, oppose souvent secteur public et secteur privé. Nous l'avons soutenue dans une certaine mesure, avec le point de vue de l'assureur : pourquoi payer des sommes très différentes pour des soins dont le contenu est relativement proche ? Une double échelle tarifaire telle que la nôtre, selon les catégories d'établissement, ne se retrouve pas en Allemagne. Il est vrai pourtant que les Anglais réfléchissent à un tarif plus bas pour leurs cliniques, fondé sur la comparaison des patients. En France, nous avons d'autres indicateurs, comme la comorbidité.
La double échelle induit aussi d'autres problèmes : le remboursement des patients est très différent selon le type d'établissement fréquenté. L'assurance maladie rembourse une opération du genou à hauteur de 8 000 euros dans le public et 7 100 euros dans le privé, somme qui inclut le remboursement de la prothèse : 2 400 à 2 500 euros dans le public, contre 2 800 à 2 900 euros dans le privé, pour un prix d'achat moyen de 1 800 à 1 900 euros. Dans le privé, c'est 2 800 euros de prothèse, 1 200 euros d'honoraires des soignants, hors dépassements, le solde, soit 3 100 euros, pour la clinique. A la fin des fins, l'assurance maladie paye 900 euros de moins que pour une opération à l'hôpital public, soit plus de 10 % d'écart. Ce système ne paraît pas bon et l'assureur public et solidaire que nous sommes ne peut que s'interroger.
Dès lors que le patient est libre de choisir entre public et privé, la concurrence doit se faire par la qualité plutôt que par le prix et il serait logique que les tarifs soient proches, quitte à ajuster les Mig. Pour une même catégorie de soins, le remboursement devrait être à peu près équivalent - sous réserve que l'on encadre les dépassements d'honoraires.
En ce qui concerne le contrôle de la facturation, nous avons revendiqué son indépendance par rapport à la mission d'allocation des ressources de l'établissement de soins, mais il en a été décidé autrement. L'organisation du contrôle est encadrée par les articles L. 162-22-17 et 18 du code de la sécurité sociale et les priorités nationales du contrôle sont définies par le conseil de l'hospitalisation, présidé par le directeur général de l'offre de soins. L'article R 162-42-10 définit les modalités du contrôle. En cas de facturation erronée, à la hausse ou à la baisse, l'indu ne peut être calculé que sur les dossiers vérifiés, la sanction couvrant l'extrapolation de l'indu sur la totalité du champ du contrôle ; peut s'y ajouter une sanction supplémentaire pour dissuader l'établissement. Le champ et les conditions de facturation de la T2A sont définis par le Gouvernement. Le contrôle est piloté par le directeur général de l'ARS, qui y associe l'assurance maladie. Le guide du contrôle est en cours de refonte, en concertation avec les fédérations hospitalières.
Nous recherchons les atypies de facturations. Le ciblage, par l'outil Datim de l'Atih et l'exploitation de nos bases, fait que l'on trouve généralement ce que l'on cherche. C'est sur cette base, et sur celle du programme national de contrôle, que sont choisis les établissements à contrôler, en fonction de l'analyse de leur production PMSI. En 2011, nous avons contrôlé 208 établissements sur 1 487 susceptibles de l'être, soit 14 % ; seuls 37 l'avaient également été en 2010. La circulaire d'octobre 2011 prévoit un délai d'un an entre les contrôles pour que les établissements aient le temps de faire évoluer leurs pratiques.
Le redressement est fonction d'un barème fixé par décret en Conseil d'Etat. Après la notification de payer les sommes indues sur l'échantillon, le directeur général de l'ARS arrête la sanction. L'établissement se voit au préalable notifier la sanction maximale qu'il encourt ; en général, le directeur général de l'ARS en réduit le montant de 60 %. La sanction maximale est encadrée : bornée par le taux des anomalies constatés, incluant sur-cotations et sous-cotations, elle ne peut excéder dix fois le montant des indus constatés sur l'échantillon ni 5 % de la recette annuelle de l'établissement. Son objet est de dissuader : souvent, elle est diminuée quand l'établissement s'engage à adopter de bonnes pratiques.
La T2A représente 50 milliards d'euros. Pour la campagne 2009, la sanction maximale théorique atteignait 141 millions d'euros, sur 246 établissements, dont 139 publics et 107 privés. Les sanctions notifiées par les ARS se sont finalement élevées à 51 millions. La campagne 2010 a été suspendue de juin à octobre 2011 en raison des débats entre le Gouvernement et les fédérations sur la refonte des textes. Seuls 5 millions ont été retenus et notifiés : on voit bien l'impact de la modification du barème - nous ne sommes que le vecteur de l'application des textes règlementaires. Nous veillons à donner des instructions techniques homogènes pour l'ensemble du réseau et utilisons des logiciels nationaux pour le ciblage.
Comment améliorer le contrôle ? L'Ondam n'est pas respecté quand l'application de la T2A n'est pas conforme aux textes. L'absence de contrôle entraînerait une inflation liée au surcodage, d'autant que nous courons derrière des sociétés spécialisées. A mon sens, le contrôle des fonctions d'allocation des budgets et de surveillance des équilibres doit être indépendant, dès lors qu'il est encadré. Le directeur général de l'ARS de Bourgogne a récemment exonéré le CHU de toute sanction. Si l'on veut mettre fin aux dérives, contrôles et sanctions sont un mal nécessaire. Une sanction minimale en fonction de l'indu constaté éviterait l'annulation pure et simple d'une sanction par le directeur général de l'ARS... même si je doute que cela plaise aux fédérations.
La dernière modification des textes va dans le sens de l'équité, en tenant mieux compte des sur- et sous-facturations et en diminuant le rapport entre l'échantillon contrôlé et le champ du contrôle. Il faut en effet accroître la représentativité de l'échantillon. Autres pistes : désigner une caisse unique pour l'ensemble du processus de contrôle et aligner les modalités de recouvrement des sanctions sur celles des pénalités financières.
Le bon pilotage de l'hôpital suppose celui de l'investissement. Or il y a une incohérence entre l'évolution des tarifs et les investissements parfois sur-capacitaires qui ont été autorisés par de précédents gouvernements. Il faut que les décisions d'investissement soient soutenables et cohérentes avec l'Ondam pluriannuel. Si l'on surinvestit, si l'on ne vérifie pas l'équilibre d'exploitation des investissements lancés, on crée un déficit ! L'AP-HP a une capacité de financement positive, mais elle amortit ses investissements passés.
Je retiens de votre exposé que vous êtes dans l'ensemble favorable au maintien de la T2A, sous réserve de quelques améliorations à la marge. Toutefois, si la T2A a en effet été introduite par M. Mattei, elle n'aurait pas existé sans le PMSI qui date du début des années 1980 ! Le levier de la transparence était déjà un élément clé, même à l'époque de la dotation globale.
Je ne suis pas d'accord avec vous sur la convergence tarifaire, car les comparaisons sont faussées, par manque de transparence précisément. Les crédits ne sont pas attribués équitablement selon que l'on est hôpital public ou clinique privée. Il conviendrait, sinon de supprimer, du moins de suspendre durablement la convergence le temps d'assurer une transparence parfaite et d'évaluer précisément les différences de coûts.
Les modalités de construction des tarifs sont souvent critiquées : faible représentativité de l'échantillon utilisé pour déterminer l'échelle nationale des coûts, complexité de la tarification, manque de lisibilité et de prévisibilité des tarifs, déconnexion entre les coûts et les tarifs, tout cela nourrit la méfiance envers le système. Dans quelle mesure ces critiques vous paraissent-elles justifiées, et comment y répondre ?
Mesurer le coût global de la coordination du parcours de soins suppose une meilleure coopération entre établissements et médecine de ville. La T2A est-elle selon vous un obstacle ou une opportunité en la matière ?
La Cour des comptes s'interroge sur le manque de sélectivité dans l'allocation des crédits Merri destinés à l'enseignement et à la recherche, malgré l'amélioration récente des modes de calcul. Comment y remédier ?
On se félicite ces temps-ci de la bonne maîtrise des dépenses en 2011. Quelle est la part des établissements hospitaliers ? La T2A a-t-elle apporté un plus, sachant que le dépassement des dépenses de T2A dans l'Ondam 2011 s'élève à 200 millions d'euros ?
Y a-t-il à votre avis trop d'établissements de santé en France ? L'Allemagne en compte moitié moins. On parle beaucoup du parcours de soins mais nous sommes écartelés entre deux facteurs qui peuvent être opposés : le souhait d'un accueil de proximité et l'éloignement au fur et à mesure que l'on demande de plus en plus de technicité.
Selon l'OCDE, l'Allemagne compte en effet moins d'établissements de santé que la France mais davantage de lits et une durée de séjour en médecine, chirurgie et obstétrique plus longue, le tout avec des coûts plus faibles... Preuve qu'il faut encore creuser la comparaison. En Allemagne, un établissement ne peut opérer de cancers du colon qu'à compter d'un seuil de cinquante opérations, contre trente en France : avec le seuil allemand, la moitié des établissements français ne seraient pas autorisés à opérer.
Les enquêtes montrent que pour les soins programmés, la majorité des Français sont prêts, si nécessaire, à sacrifier la proximité à la qualité. Il y a encore des progrès à faire dans l'arbitrage entre proximité et spécialisation ; il n'est pas facile de faire accepter le départ d'une équipe chirurgicale, surtout en province, où l'établissement est souvent le premier employeur. La démographie médicale peut offrir une opportunité de faire évoluer progressivement les choses, à condition que la mobilité des personnels soignants soit accompagnée.
La légère sous-exécution de l'Ondam hospitalier en 2011 est plutôt le fait des établissements privés. Elle n'est due qu'au gel des dotations AC, à hauteur de 338 millions d'euros. La tarification, elle, a dépassé le budget initial. On avait déjà constaté un écart entre prévision et réalisation en 2010. Avec une dotation à l'activité, l'incertitude est plus grande même si, au regard des masses en jeu, les estimations se révèlent finalement robustes. Non, la T2A n'a pas concouru à la maîtrise de l'Ondam ; ce sont les dotations à la main de l'Etat qui ont équilibré la mésestimation de l'évolution des volumes.
La coopération avec la médecine de ville ? La T2A est un outil de mesure et de comparaison. Les Anglo-saxons ou les Néerlandais pratiquent le bundle payment, paiement global pour la totalité de l'épisode, afin d'encadrer les coûts et de pousser à la coopération. C'est un sujet délicat, car tout dépend de qui gère l'enveloppe. Les Britanniques la confient à ceux qui dépensent le moins...
La T2A peut faciliter l'appréhension du parcours de soins car l'argent suit le patient. Aux Pays-Bas, le paiement forfaitaire est confié aux médecins de ville organisés en groupe. Jusqu'où va le paiement global ? Telle est la question. Souvent, il s'arrête avant l'hôpital... En réalité, on observe plutôt une inflation des coûts.
Il ne paraît pas raisonnable de faire piloter l'accès à l'hôpital par le généraliste. La valorisation du parcours hospitalier autorise à développer des stratégies d'optimisation du parcours de soins de façon chiffrée et objectivée.
L'hôpital public ne maîtrise pas sa masse salariale qui est contrainte réglementairement et statutairement : le coût est supérieur de 10 % à celui supporté par les cliniques privées.
C'est le point le plus délicat.
Pour obtenir le même tarif, il faudrait soit réduire le traitement des agents et des médecins hospitaliers, soit en réduire le nombre ! Il y aura toujours un écart : la convergence tarifaire est illusoire.
J'ai parlé de tarifs comparables, pas identiques. Selon une étude de l'inspection générale des affaires sociales (Igas), le secteur privé paye ses médecins plus cher que le public, son personnel paramédical moins cher, mais les charges y sont plus importantes.
Autre problème : on ne compare que les soins programmés. Or l'activité non programmée ne fait que croître et a un impact qu'il a été, jusqu'à aujourd'hui, impossible de chiffrer. L'hôpital public est tenu de soigner tous ceux qui se présentent à sa porte, ce qui entraîne d'importantes déprogrammations.
On peut organiser le non programmé en fonction de la taille de l'établissement. Si l'obligation de prendre en charge des patients en urgence est facteur de perte de productivité, faut-il en tenir compte dans la tarification ou dans le niveau des Mig ? Il s'agit après tout d'une mission d'intérêt général. Les conséquences des modifications des plannings opératoires ne sont pas bien estimées ; il existe des marges d'amélioration en termes d'organisation.
On sait mesurer la productivité des plateaux techniques. Je suis favorable à une amélioration de la transparence sur le périmètre de prise en charge.
Nous poursuivons par l'audition de Thomas Fatome, nommé directeur de la sécurité sociale en février dernier, après des passages au ministère de la santé, à la caisse nationale d'assurance maladie (Cnam), dans plusieurs cabinets ministériels en lien avec les affaires sociales puis à la présidence de la République.
La Mecss s'intéresse au financement des établissements de santé et aux récentes réformes de la tarification. Quel est le rôle de la direction de la sécurité sociale (DSS) dans la préparation puis l'exécution de la campagne budgétaire des établissements de santé ? Quelle est votre responsabilité dans la détermination et le suivi de l'Ondam hospitalier ? Comment votre direction appréhende-t-elle les activités hospitalières par rapport à d'autres dépenses ? Comment jugez-vous les moyens d'analyse dont vous disposez ? Que pensez-vous de l'introduction d'indicateurs de qualité dans la tarification ? Comment concevez-vous le contrôle de l'activité hospitalière et de sa tarification par l'assurance maladie ? Enfin, quelle est votre appréciation globale sur la tarification à l'activité ? L'équilibre entre la T2A et les autres sources de financement des hôpitaux vous paraît-il satisfaisant ?
La DSS a une responsabilité générale d'élaboration et de suivi de l'Ondam, qui a des conséquences particulières sur l'Ondam hospitalier. Ce dernier est toutefois de la responsabilité de la direction générale de l'offre de soins (DGOS). Nous suivons bien entendu son évolution avec attention, compte tenu de son poids : 75 milliards d'euros.
Nous travaillons en lien avec la DGOS sur la préparation de l'Ondam hospitalier, l'évaluation du tendanciel des dépenses, les mesures à prendre pour atteindre les objectifs fixés et, plus généralement, les parts respectives de l'hôpital, des soins de ville et du médico-social dans l'enveloppe globale. S'agissant de la campagne elle-même, nous dialoguons avec la DGOS sur l'évolution des volumes, les tarifs, les enveloppes financées à l'activité et les enveloppes forfaitaires. Au ministre ensuite d'arbitrer.
A la suite du rapport Briet, qui préconisait un renforcement du suivi de l'Ondam, ont été mis en place un groupe de suivi statistique qui se réunit tous les mois et un comité de pilotage, dont les rendez-vous sont trimestriels. Ce dispositif nous a aidés à affiner le suivi de l'exécution de l'Ondam sur la période 2010-2011, et notamment de l'Ondam hospitalier, grâce à l'importante collaboration de l'agence technique de l'information sur l'hospitalisation (Atih), de la Cnam et des services du ministère. Nous sommes aujourd'hui mieux à même qu'il y a quelques années d'apprécier la dynamique de la dépense et les risques de dérive.
Les mises en réserve de crédits comptent aussi, depuis maintenant deux exercices, parmi les outils importants pour tenir l'Ondam. Elles touchent l'ensemble de ses champs, principalement l'enveloppe hospitalière. Ce mécanisme constitue un élément de crédibilité du pilotage de l'Ondam qui a permis d'absorber ces deux dernières années la dynamique de la dépense sur la partie activité des établissements de santé.
La crédibilité de l'Ondam tient enfin pour beaucoup à la cohérence des hypothèses des tarifs et des volumes. Les choix d'évolution sont de plus en plus proches de la réalité, et cela est d'autant plus important que c'est la qualité de la construction initiale qui permet de respecter l'enveloppe sur l'année. En effet, la régulation infra-annuelle est techniquement compliquée et le juge administratif nous a condamnés l'année où nous l'avons pratiquée.
Restent des progrès à accomplir en matière de pilotage microéconomique. Si nous sommes mieux outillés pour apprécier les dynamiques macroéconomiques, mois par mois, nous avons encore des marges de progression pour mieux affiner la compréhension des évolutions au niveau des établissements. Ces dernières années, nous avons observé une dynamique importante des volumes. Mais faut-il l'attribuer à une meilleure appréhension de l'activité hospitalière, grâce au codage, à l'organisation de l'hôpital ou à la consommation de soins ? Nos travaux à venir aideront à mieux comprendre les ressorts de la dynamique de la dépense hospitalière et à prendre les mesures en conséquence.
Dans le cadre d'une réflexion plus générale sur le pilotage, nous voulons favoriser des organisations plus efficientes, des prises en charge plus légères, et donc moins onéreuses que la prise en charge hospitalière classique (développement de la chirurgie ambulatoire, transfert de soins vers la médecine de ville ou vers des centres plus légers).
Introduire des indicateurs de qualité dans la tarification ? Nous sommes favorables à ce que le dialogue entre ARS et établissements se fonde sur des indicateurs reconnaissant la qualité - il y en a déjà pour les affections nosocomiales. Nous travaillons au décret prévu par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 qui introduit dans le contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens des indicateurs simples sur la durée moyenne de séjour ou la chirurgie ambulatoire. Mais cette démarche ne va pas jusqu'à faire des indicateurs de qualité un élément de la tarification. La discussion reste ouverte sur la faisabilité technique d'un tel projet.
Veillons cependant à préserver un équilibre : trop de sophistication nuirait à l'intelligibilité de la T2A. Plus on introduira d'éléments, moins elle deviendra lisible pour les acteurs et maîtrisable pour ceux qui sont chargés du pilotage. Ceci étant, d'autres pays ont introduit des indicateurs de qualité ou des baisses de tarifs en fonction du volume d'actes, autre évolution que nous pourrions envisager.
Qu'en est-il du contrôle ? Le montant de l'enveloppe soumise à la T2A, 45 milliards, justifie de contrôler le respect de la nomenclature et du codage. Les représentants des fédérations, pourtant très critiques, admettent eux-mêmes qu'il a évité, notamment au démarrage, des dérives coûteuses et le risque de l'iniquité. Cependant, le pilotage ne peut se faire par le seul contrôle et se substituer à la correcte appréhension par les établissements de l'outil de tarification. A la suite des remarques que nous ont adressées les fédérations, sur l'insuffisance du contradictoire, le mode de calcul des indus et le manque d'équité entre les régions en matière de sanctions, nous avons fait évoluer les choses par un décret de décembre 2011. Nous répondons ainsi à la plupart des objections, sans pour autant désarmer le contrôle en le rendant insuffisamment dissuasif.
De façon générale, la T2A a apporté un progrès substantiel dans le pilotage des moyens. Un outil de tarification qui fonctionne bien reflète l'activité de l'établissement, assure la juste répartition des ressources, paye au même prix des prestations identiques et est lisible pour les acteurs. L'équilibre entre part financée à l'activité et dotations forfaitaires permet de répondre à ces objectifs. Tous les pays ayant un système hospitalier équivalent à celui de la France ont mis en place des mécanismes de tarification à l'activité, et revenir là-dessus serait malvenu. Les objectifs de juste répartition des ressources et de tarification équivalente pour des prestations identiques conduisent à des débats intenses sur le processus de convergence tarifaire, levier important de maîtrise de l'enveloppe de dépenses. Cependant, dans le processus de pilotage, le dialogue avec les fédérations sur le diagnostic à tirer des évolutions est resté lacunaire, ce qui explique certains blocages et la virulence de certaines interventions. Acteurs publics et privés ont chacun le sentiment que les arbitrages leur sont défavorables. C'est peut-être là le symptôme que le système n'est pas si mauvais.
La facturation directe constitue un outil structurel pour le pilotage en ce qu'elle aide à la compréhension des mécanismes de soins et des parcours des patients. Sur un sujet aussi lourd pour l'organisation des hôpitaux, l'assurance maladie et les comptables publics, la mobilisation de moyens à la hauteur des enjeux a été tardive. Si cela va encore prendre du temps, nous sommes maintenant engagés dans une démarche qui permettra d'améliorer le suivi des flux après 2013.
La construction des tarifs a été critiquée - faible représentativité de l'échantillon, complexité, manque de lisibilité, de prévisibilité, déconnexion avec les coûts. Jugez-vous que ces critiques sont fondées et en ce cas, comment les atténuer ?
Autre question : disposez-vous d'éléments laissant à penser que la T2A a pu avoir une incidence sur les décisions de soins - réalisation d'actes non nécessaires ou réduction de la qualité de la prise en charge ?
Vous semble-t-il souhaitable d'introduire des indicateurs de qualité et de pertinence ? Si oui, sous quelle forme ? La nomenclature comporte 2 300 tarifs, c'est sans doute déjà trop ; n'est-il donc pas possible d'introduire des incitations sans complexifier encore ?
Sans vouloir botter en touche, la DSS n'est pas en première ligne sur la construction des tarifs et le pilotage de l'échelle des coûts, qui reviennent à l'Atih et à la DGOS. Avec un seul bureau pour l'hôpital et le médico-social, et un autre pour tous les sujets d'économie de la santé, nous n'avons pas l'expertise pour analyser de façon fine la construction des tarifs. L'épisode de la nomenclature V11 est la meilleure illustration des inconvénients de la sophistication : alors que les acteurs hospitaliers demandaient très fortement une nomenclature plus fine, les critiques ont été nombreuses.
Il est probable que la nouvelle nomenclature n'est pas neutre, en effet. La capacité du pilote à en maitriser les impacts reste d'ailleurs limitée. Après la mise en place de la V11, le ministère a voulu plus de stabilité, la décision est sage. Les acteurs veulent deux choses contradictoires : une nomenclature fine et un outil simple. Notre grille est plus sophistiquée que celle d'autres pays, ce qui mérite réflexion.
Sur la question des indicateurs de qualité, je reste agnostique mais serais plutôt favorable à une logique d'abattement en fonction des volumes. Que les ARS utilisent des critères de qualité pour l'attribution des crédits liés aux missions d'intérêt général (Mig) et aux aides à la contractualisation (AC), laissons la tarification refléter les coûts.
Ils peuvent être utiles pour les dotations, comme les AC. Mais pour la T2A, j'en doute. Il y a des écarts considérables de prise en charge, par exemple dans le champ de l'ambulatoire, qui ne sont pas liés à des différences épidémiologiques. Ce qui rejoint le débat sur la pertinence des actes. Le ministère a saisi la Haute Autorité de santé (HAS) pour qu'elle élabore des référentiels, que l'on attend. Nous sommes en retard, en France, et nous conservons des marges de progression substantielles. Cependant, la variabilité des pratiques, la diversité des cultures de prise en charge selon les structures ne reflètent pas une course à l'activité liée à une volonté de faire de la recette. On observe le même phénomène dans la médecine de ville.
Le phénomène d'augmentation de l'activité hospitalière lié à la mise en oeuvre du codage, que les Anglo-Saxons appellent DRG creep, est par ailleurs bien connu et a mis du temps à se produire en France.
La pression pour le retour à l'équilibre justifie un codage exhaustif qui me semble légitime. Au-delà, il peut certes y avoir des stratégies pour générer des recettes...
C'est toute la logique de l'état prévisionnel des recettes et des dépenses (EPRD) : générer des recettes pour ensuite caler les dépenses. Il est humain pour un gestionnaire de vouloir optimiser ses recettes.
S'il s'agit de pousser à une activité qui pourrait être faite à moindre coût par d'autres acteurs, c'est vrai qu'il y a un problème. C'est bien pourquoi le rôle de l'ARS est de susciter les réorganisations, pour que l'hôpital se concentre sur ses missions. Je ne connais pas de situation où l'inflation des actes due à la T2A aurait une incidence en termes de santé publique.
Quelle est votre appréciation sur les dotations non tarifaires attribuées aux établissements ? La dotation qui finance les Mig est-elle déterminée de manière satisfaisante ? Certaines fédérations et organisations professionnelles proposent de réduire la part de T2A dans le financement des établissements et d'augmenter celle des dotations forfaitaires. Qu'en pensez-vous ?
C'est un sujet compliqué. Nous cherchons à objectiver autant que possible le paramétrage et l'utilisation des dotations forfaitaires, avec des justifications bien identifiées, un cahier des charges et des objectifs en lien avec les politiques publiques. L'utilisation des enveloppes Merri s'est également améliorée. Il est toutefois difficile, faute de suivi et de remontée d'informations, de mesurer si les crédits forfaitaires destinés aux autres missions d'intérêt général ont effectivement été affectés aux priorités définies.
La Cour des comptes a souligné un manque de sélectivité des crédits Merri, malgré une amélioration.
La réforme de 2010-2011 répond largement au constat de la Cour, en liant le financement à la réalité de l'activité de recherche : laissons-lui le temps de produire ses effets. Le point le plus important, pour nous, est la bonne utilisation des enveloppes consacrées aux AC.
Nous sommes comptables du respect de l'Ondam, sans négliger l'équilibre budgétaire des hôpitaux, sachant que le déficit public consolide celui de toutes les administrations publiques.
En effet, à cause de volumes plus dynamiques que prévu. Ce dépassement, moins élevé que les années précédentes, a été couvert par les crédits mis en réserve.
La mise en réserve était une préconisation du rapport Briet. Le Gouvernement n'est-il pas tenté d'annuler ces crédits mis en réserve au lieu de les réinjecter ?
La règle du jeu est claire : il s'agit bien d'une mise en réserve, non d'une annulation ex ante. L'objectif est que l'Ondam soit respecté. Dès lors que les dépenses hospitalières sont tenues, les enveloppes sont déléguées ; s'il y a dépassement, elles ne le sont pas. Cependant, mesurer la réalité du risque de dépassement de chaque enveloppe en cours d'année est un exercice délicat : on parle de 200 millions de dépassement, sur un Ondam hospitalier de près de 75 milliards ! Pour l'exercice 2011, nous avons dégelé 100 millions d'euros en fin d'année, car nous avions la quasi-certitude que l'enveloppe serait tenue. Voilà bien la preuve que nous avons joué le jeu.
Il est surprenant d'entendre les fédérations assimiler le gel de crédits à de l'argent non donné : s'il y a dépassement, c'est qu'il y a eu des recettes d'activité par ailleurs. Certes les enveloppes sont différentes mais sans la mise en réserve, l'Ondam aurait été dépassé de 200 millions. Plutôt que de geler les crédits, nous pourrions choisir de définir l'Ondam à partir d'hypothèses de volume plus élevées et baisser les tarifs. Je ne pense pas que les fédérations hospitalières seraient très favorables à cette méthode.
Plus nous serons crédibles sur la construction de la campagne, plus nous comprendrons l'évolution des dépenses hospitalières et plus nous pourrons dégeler de crédits. La DSS y est très attachée. Il ne s'agit pas de tout annuler, en adoptant une posture purement budgétaire. Afin d'établir un dialogue serein avec les fédérations, les établissements et les médecins hospitaliers, il faut pouvoir dégeler des crédits, ce qui suppose de tenir l'enveloppe. A cet égard, l'exercice 2011 n'a pas été mauvais. Certes, il y a eu 400 millions de sous-exécution : rendez donc des crédits, diront certains, puisqu'il y a de la marge ! La maitrise de l'outil est difficile : on ne peut garantir un atterrissage sur la ligne.
Le rapport de notre collègue Jean-Jacques Jégou sur les Migac préconisait une allocation par la performance. Qu'en pensez-vous ?
J'y suis très favorable, comme à la justification au premier euro des Migac et à l'attribution de crédits qui ne visent pas uniquement à limiter les déficits. Les sommes importantes à la main des ARS doivent être mieux justifiées qu'elles ne le sont.
A votre avis, y a-t-il trop de CHU ? L'activité strictement universitaire et de recours ne représente guère plus de 5 % du total ; tout le reste est activité de proximité et pourrait être réalisé par un établissement non universitaire. A l'inverse, de gros établissements comme ceux du Mans ou du Havre ne sont pas des CHU.
Cette question ressort plus du champ de la DGOS que de celui de la DSS...
L'important est d'avoir des outils de recherche compétitifs au niveau international, des lieux d'excellence. La concentration des moyens au travers du grand emprunt a ainsi donné naissance aux six instituts hospitalo-universitaires. La question n'est pas celle du nombre de CHU, mais de l'efficience de leur multi-activité, entre soins de pointe et soins de proximité. Il s'agit d'éviter que ces acteurs, par nature plus coûteux, accaparent des soins que d'autres réaliseraient à un coût moins élevé.
L'amélioration de la situation financière des trente-deux CHU et CHR dans l'exercice comptable 2011 peut-elle être imputée aux vertus de la T2A ?
Il faudrait mener une analyse approfondie. Il est certain que le mix de tarification actuel leur profite plutôt. En prenant le virage de la T2A, les CHU ont rattrapé leur retard en matière de transcription intégrale de leur activité et de maîtrise de leurs outils de nomenclature, d'où l'amélioration de leur situation financière. Les activités de recherche restent insuffisamment financées par les Merri et les Migac et l'on ne peut dire que les CHU sont sur-financés par la T2A.
C'est pourtant le procès qui leur est fait par les hôpitaux non universitaires.
Les CHU subissent des contraintes importantes, qui rendent leur adaptation plus difficile. Il faut porter un regard nuancé.
La recherche de l'équilibre financier dans certains CHU en difficulté ne se fait-elle pas au détriment de la qualité des soins ? Le CHU de Reims, par exemple, supprime des lits, réduit le personnel dans les blocs opératoires, n'investit plus depuis deux ans, tout en étant soumis à une forte concurrence avec le privé. Ne risque-t-il pas de se retrouver très affaibli, ayant raté des étapes pour sa modernisation ?
Les efforts demandés aux acteurs hospitaliers sont indispensables pour leur donner la capacité d'investir et de s'adapter, tout en participant au redressement des finances publiques. Nous pouvons rechercher des gains d'efficience sans dégrader la qualité des soins, à travers une meilleure organisation interne, le développement de la chirurgie ambulatoire, une meilleure relation avec la médecine de ville, une réduction des inadéquations, etc. Ce n'est pas facile, mais les projets menés par l'agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (Anap) montrent qu'un hôpital peut gagner en efficience et redresser ses comptes tout en offrant une qualité de soins équivalente, voire meilleure.
Les comparaisons avec les autres pays, avec le privé...
Comparaison n'est pas raison. Prenons l'exemple de la convergence tarifaire : on oublie que l'hôpital public ne maitrise pas sa masse salariale, qui lui coûte 10 % de plus que dans le privé ! De même, l'hôpital public est obligé d'accueillir tous ceux qui se présentent à sa porte, ce qui limite ses possibilités de programmation et entraîne des coûts supplémentaires. Difficile donc de comparer. D'où la nécessité de la transparence, qui est, comme nous le disait M. Van Roekeghem, un levier plus puissant que la rémunération pour faire bouger les établissements. Malheureusement, les acteurs ne sont pas près de se mettre autour de la table, les fédérations s'invectivent...
Assumons les différences de missions, de contraintes et gardons-nous, en effet, de comparaisons hâtives. Néanmoins, à regarder des établissements comparables dans le secteur public, on observe des différences substantielles. Le travail de l'Anap montre que d'importants gains de productivité sont possibles pour certaines activités. Les inadéquations coûteraient 2 milliards, les incohérences de parcours des personnes âgées, 2 milliards ! Je suis persuadé que nous pouvons tenir l'Ondam hospitalier et équilibrer les finances hospitalières sans dégrader l'accès aux soins, la permanence des soins, la qualité de la prise en charge. La France ne compte pas plus de lits que l'Allemagne mais le nombre d'équivalents temps plein par lit est nettement plus élevé chez nous. Pourquoi ? Voyez notre retard en matière de chirurgie ambulatoire, pour la cataracte par exemple. Sur toute une série de sujets, il faut chercher des gains d'efficience sans dégrader l'accès aux soins.
On voit actuellement les limites de la recherche de la productivité et de la rentabilité à tout prix. Le risque d'une perte de qualité apparaît au fil des auditions que nous menons. Faut-il aller encore plus loin ? Nous, qui avons longtemps eu la meilleure médecine au monde, sommes à un tournant.
Notre système hospitalier, public et privé, en lien avec la médecine de ville, est de grande qualité au regard de celui de pays comparables. Voyez ce que l'Espagne est en train de faire de son secteur hospitalier : nous sommes heureusement à l'abri d'une telle rigueur.
On est toujours en retard sur la chirurgie ambulatoire...
qui est aussi un bon mode de prise en charge, et qui coûte moins cher. Nous pourrions réaliser des gains de plusieurs centaines de millions d'euros.
Je suis relativement d'accord avec vous. Nous avons également eu beaucoup de retard sur la coeliochirurgie ; il s'est réduit, tout comme pour la chirurgie ambulatoire.
L'endettement des CHU continue d'enfler (9,2 milliards en 2010), alors que l'investissement reste identique et l'activité stable. Comment inverser la courbe ?
Cette situation est largement liée aux lourdes opérations d'investissement de ces dernières années. La persistance des déficits contribue aussi au problème, et c'est bien pourquoi une amélioration de la situation financière des hôpitaux aiderait à contenir la dette. Notre politique doit être dimensionnée aux besoins.
Ne pourrait-on imaginer d'autres voies de financement des investissements et des équipements lourds ?
Qui paie si l'établissement ne dégage pas une capacité d'autofinancement ?
Différents modes d'accompagnement des stratégies d'investissement existent : par exemple, le fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés prend en charge les intérêts d'emprunt. On a également aidé à des opérations en capital par le biais des AC.
Certainement. Ma principale préoccupation est de savoir qui paiera, si l'établissement n'en est pas capable. Notre capacité à dégager des marges de manoeuvre pour l'investissement hospitalier est faible. Comme nous manquons de moyens, il nous faut sélectionner des investissements adaptés à la réalité des besoins et qui ne renchérissent pas les coûts.
Les plans « Hôpital 2007 » à « Hôpital 2012 » successifs étaient-ils inclus dans l'Ondam ?
Oui, mais il faut savoir que certains investissements, comme le désamiantage du CHU de Caen, réclament des centaines de millions d'euros. Le plan « Hôpital 2012 » a été plus sélectif que le précédent. Alors que l'on veut développer la chirurgie ambulatoire, il s'agit de ne pas construire des hôpitaux surdimensionnés. La capacité de financement des hôpitaux s'est améliorée en 2009, est restée stable en 2010. Or le taux d'endettement a augmenté et les capacités d'endettement ont atteint une limite et nous les avons davantage encadrées. Nous avons mobilisé des moyens exceptionnels pour accompagner les conséquences de la contraction du crédit bancaire. Au-delà, où serait l'enveloppe publique disponible ?
Même avec un Ondam à 3 %, cela restera difficile.
Le partenariat public privé (PPP) de l'hôpital sud-francilien vous paraît-il un bon choix ? Au final, l'exploitation reviendra très cher.
Ce dossier, complexe à tous points de vue, me semble trop spécifique pour que l'on puisse en tirer des leçons sur la pertinence de l'outil PPP.
Ce système de financement tend pourtant à s'étendre...
Où en est-on de la T2A sur les soins de suite et de réadaptation (SSR) ? On nous a parlé à l'Atih d'une mise en place en 2013. Les directeurs d'établissement sont inquiets de l'absence de visibilité. On aurait besoin d'un modèle plus robuste.
Les travaux techniques sur le modèle de tarification et l'échelle des coûts avancent. Si la T2A est un bon outil, il n'y a pas de raison de laisser les SSR de côté. Je manque d'éléments pour vous répondre sur la date de 2013.
Pour le coup, je ne crains pas de me tromper en vous disant que nous ne serons pas prêts en 2013, ni en 2014.