La réunion est ouverte à 9 heures 30.
Mes chers collègues, nous examinons ce matin deux avis budgétaires, l'un sur les crédits consacrés à l'énergie, l'autre sur les crédits dédiés à la pêche et à l'aquaculture, et je cède sans plus attendre la parole à notre rapporteur pour avis, Bruno Sido, qui nous présente le premier de ces deux rapports.
Merci monsieur le Président. Avec l'intégration des charges et des recettes de la « contribution au service public de l'électricité », la CSPE, dans le budget de l'État votée fin 2015, le périmètre des crédits consacrés à l'énergie dont notre commission se saisit chaque année pour avis s'est considérablement élargi, dans son volume comme dans ses finalités.
Ainsi, au-delà du champ traditionnel des crédits du programme 174 dédiés à l'accompagnement des anciens mineurs, des dépenses fiscales associées ou du compte d'affectation spéciale pour l'électrification rurale - le CAS « FACÉ » -, le Parlement est désormais conduit à examiner les dépenses de soutien aux énergies renouvelables, retracées dans le CAS « Transition énergétique », et les autres charges de service public de l'énergie, qui sont regroupées au sein du nouveau programme 345. Disons-le d'emblée : si la budgétisation de ces charges est un progrès, le rôle du Parlement restera toutefois très limité tant l'évolution de ces dépenses, très largement contraintes, lui échappe.
Avant d'entrer dans le détail, quelques chiffres sur les grandes masses concernées. Sur les 9,5 milliards d'euros de charges rapatriées dans le budget, 6,9 milliards sont logés dans le nouveau CAS pour, d'une part, financer le soutien aux énergies renouvelables, à hauteur de 5,7 milliards, et, d'autre part, apurer la dette due à EDF en raison du défaut de compensation passé de la CSPE, pour 1,2 milliard ; les 2,5 milliards restants figurent au programme 345, dont 1,4 milliard pour la péréquation tarifaire de l'électricité, 500 millions pour les tarifs sociaux et un peu plus de 500 millions pour le soutien à la cogénération gaz.
Environ 450 millions sont ouverts au titre du programme 174 pour financer, principalement, les droits des anciens mineurs. Les dépenses fiscales rattachées au programme représentent quant à elles 2,7 milliards, dont près d'1,7 milliard pour le seul « crédit d'impôt pour la transition énergétique », le CITE. Enfin, un peu moins de 400 millions sont dédiés aux aides à l'électrification rurale.
Au total, nous examinons donc 13,1 milliards d'euros de crédits ou de dépenses fiscales, étant précisé que d'autres mécanismes interviennent encore dans le domaine de l'énergie, qu'il s'agisse des certificats d'économies d'énergie, les CEE, des aides de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, ou encore d'une tuyauterie bien opaque, dite « fonds de financement de la transition énergétique » sur laquelle je reviendrai.
Premier poste de dépenses du CAS « Transition énergétique », les subventions versées aux énergies renouvelables électriques progressent cette année encore à un rythme très soutenu : + 915 millions, à 5,6 milliards d'euros, soit une hausse de 19 % sur un an et de 34 % sur deux ans, pour une production subventionnée de 48 TWh qui représente environ 9 % de la production nationale. Cette progression des charges s'explique logiquement par l'augmentation des capacités installées, qui ne faiblit pas - et la file d'attente des projets à raccorder est très conséquente -, mais aussi par la baisse des prix sur les marchés de gros de l'électricité, qui augmente mécaniquement le coût du soutien public. En 2017, le photovoltaïque représentera encore 55 % des coûts alors qu'il ne compte que pour 19,4 % de la production soutenue, signe que, malgré la baisse des prix observée sur les derniers appels d'offres, le poids des contrats passés pèse encore lourdement.
En outre, on notera le démarrage encore très progressif du nouveau mécanisme de soutien « prime + marché », le complément de rémunération, qui n'occasionnerait que 5,6 millions d'euros de dépenses en 2017, ce qui s'explique notamment par les dispositions transitoires prévues par la loi « Transition énergétique » pour basculer vers ce nouveau régime et par le temps de « sortie » des nouveaux projets éligibles.
Au-delà des énergies renouvelables électriques, le CAS soutient encore, d'une part, l'injection de biométhane dans les réseaux de gaz naturel, dont les volumes sont encore très faibles - 0,6 TWh visé en 2017 - mais qui progresse rapidement - une multiplication par sept des surcoûts d'achat est attendue entre 2015 et 2017, à 50 millions d'euros ; d'autre part, l'effacement de consommation électrique, pour lesquels les premiers appels d'offres issus de la loi « Transition énergétique » n'interviendront qu'en 2018, ce qui justifie qu'aucun crédit ne soit inscrit pour 2017 ; d'ici là, un dernier appel d'offres issu de la loi « NOME » sera lancé mais n'apparaît pas dans le budget parce que financé par le tarif d'utilisation des réseaux, le TURPE.
Second gros poste de dépenses du CAS, le remboursement de la dette contractée à l'égard d'EDF, qui avait supporté seule, à partir de 2009, la différence entre le montant fixé pour la CSPE et les charges qu'elle était censée couvrir, pour une dette cumulée de 5,7 milliards d'euros. Conformément à l'échéancier fixé par l'État, 1,2 milliard sera remboursé cette année au titre du principal et 99 millions d'euros au titre des intérêts, dont on peut au passage à nouveau s'étonner qu'ils soient retracés dans le programme 345 et non dans le CAS, alors qu'ils participent bien du coût total de la dette.
Pour financer les dépenses du CAS, le Gouvernement avait annoncé, l'an dernier, la stabilisation de la CSPE à son niveau de 2016, soit 22,5 euros par MWh, et l'élargissement de l'assiette du financement de la transition énergétique aux énergies fossiles, par un relèvement de la « taxe carbone » à 30,5 euros la tonne en 2017.
Si notre commission en avait approuvé le principe - dès lors qu'il n'est pas absurde de faire contribuer les énergies carbonées à la décarbonation de l'économie, au lieu d'augmenter encore la fiscalité sur l'électricité qui est déjà très largement décarbonée grâce, il faut le rappeler, au nucléaire et à l'hydraulique -, nous avions défendu deux principes.
En premier lieu, que ces recettes supplémentaires de taxe carbone soient affectées au CAS à la hauteur du besoin de financement, ce que n'avait pas entendu à l'époque le Gouvernement ; dix mois plus tard, il se rallie à l'analyse du Sénat mais a proposé successivement deux schémas de couverture des charges. Dans la version initiale du budget, le CAS continuait à être financé par une part de CSPE mais était abondé par une fraction des taxes intérieures de consommation sur le pétrole, le gaz et le charbon - les TICPE, TICGN et TICC - « pour un montant représentatif de la hausse » de la taxe carbone en 2017. Mais à l'Assemblée, le Gouvernement a modifié ce schéma en excluant totalement la CSPE et la TICGN des recettes du CAS et en l'alimentant exclusivement par les taxes sur le pétrole et le charbon.
Ce changement de « tuyauterie » s'explique en fait par une demande de la Commission européenne qui a souhaité supprimer tout lien d'affectation entre la CSPE et le CAS finançant les aides aux énergies renouvelables, au motif que l'électricité renouvelable importée, bien qu'étant assujettie à la CSPE, ne bénéficiait pas en retour de ces aides, ce qui pouvait s'assimiler à un droit de douane contraire aux principes de l'Union douanière.
En second lieu, le Sénat avait exigé, sans plus de succès, le respect du principe de compensation intégrale de la taxe carbone fixé par les lois « Grenelle I » et « Transition énergétique » et qui, du reste, avait été appliqué pour les 4 premiers milliards de taxe carbone, compensés par le crédit d'impôt compétitivité-emploi, le CICE, et par des taux réduits de TVA. En fin d'année dernière, le secrétaire d'État au budget nous avait répondu que la hausse serait compensée par la stabilisation de la fiscalité électrique ; or, même en admettant l'idée de compenser une hausse par l'annulation d'une autre hausse prévisible, ce qui est déjà contestable, le compte n'y est pas : selon les hypothèses de rendement de la taxe carbone retenues, ce sont encore entre 196 et 440 millions d'euros de prélèvements supplémentaires qui pèseront sur les consommateurs en 2017 - et plus encore en 2018 et 2019 - et qui s'ajoutent à l'explosion de la CSPE déjà subie par le passé. Aujourd'hui, le Gouvernement se contente de dire que cet écart sera compensé mais on ne voit toujours rien venir...
De même, l'exclusion des produits issus de la biomasse du relèvement de la taxe carbone, pourtant prévu par la loi, n'est toujours pas effective et le Gouvernement annonce y réfléchir pour 2018. Or, si les problèmes de traçabilité sont réels, ils ne me semblent pas insurmontables...
Autre motif d'insatisfaction, les montages retenus pour financer certaines actions liées à la transition énergétique s'avèrent particulièrement complexes, voire opaques. J'évoque ici le fameux « fonds de financement de la transition énergétique » et sa sous enveloppe dite « enveloppe spéciale transition énergétique », l'ESTE. Sans rentrer dans le détail des circuits financiers mis en place, l'enveloppe spéciale n'est aujourd'hui dotée que de 250 millions, ouverts en loi de finances rectificative pour 2015 pour régulariser des avances déjà faites par la Caisse des dépôts et consignations, et de 250 autres millions avancés par la Caisse en 2016 et qui devraient à nouveau être régularisés a posteriori dans le prochain collectif, soit 500 millions au total, ce qui reste bien en-deçà du milliard et demi annoncé pour le fonds à l'origine. Nous avons enfin obtenu cette année quelques éléments d'information sur les actions financées mais encore ne s'agit-il que de grandes masses : ainsi, 354 millions auraient par exemple déjà été engagés, ou seraient en passe de l'être, pour soutenir les projets des « territoires à énergie positive pour la croissance verte », les TEPCV. Plus étonnamment, l'enveloppe spéciale financera aussi, pour 10 millions, un projet de plateforme scientifique dérivante dans l'Arctique. En revanche, il n'y a toujours rien sur le doublement du fonds chaleur de l'Ademe...
J'en viens maintenant aux autres charges de service public de l'énergie financées par le nouveau programme 345. La péréquation tarifaire de l'électricité, qui manifeste la solidarité entre le continent et les territoires insulaires et ultramarins, devrait voir son coût baisser en 2017 de 6,1 %, à 1,4 milliard, sous l'effet, principalement, d'un moindre recours aux moyens thermiques liée à l'anticipation d'une hydraulicité normale ainsi qu'à la mise en service d'une centrale thermique plus performante en Guadeloupe.
En matière de lutte contre la précarité énergétique, les tarifs sociaux de l'électricité et du gaz représenteront environ 400 millions en 2017 pour un nombre de bénéficiaires qui croît encore légèrement, après la forte montée en charge observée entre 2011 et 2015 grâce aux réformes successives, mais qui plafonne depuis autour de 3,3 millions de ménages. Pour toucher la cible des 4 millions de foyers précaires énergétiques, le chèque énergie, basé sur un critère fiscal unique qui évitera les « pertes en ligne » liées au croisement de fichiers complexes des tarifs sociaux, est expérimenté depuis mai 2016 dans quatre départements, avant d'être généralisé au 1er janvier 2018.
Or, les premiers résultats de cette expérimentation en termes d'atteinte des publics cibles sont encourageants, avec une hausse de 37 % des bénéficiaires par rapport aux tarifs sociaux, même si le nouveau dispositif, qui suppose une démarche active du bénéficiaire pour son affectation, nécessitera un accompagnement important. Ainsi, seuls 55 % des chèques avaient été effectivement utilisés cinq mois après leur distribution, avec en plus une complexité introduite dans le dispositif obligeant à échanger son chèque contre un autre chèque pour financer des travaux au-delà de la durée de validité du titre initial...
Le programme 345 couvre aussi, pour plus de 500 millions, les tarifs d'achat historiques des installations de cogénération gaz de moins de 12 MW. Ces contrats ont vocation à s'éteindre progressivement et seront remplacés par de nouveaux mécanismes de soutien en application des lignes directrices européennes et de la loi « Transition énergétique » : tarifs d'achat, complément de rémunération ou appels d'offres selon la puissance, y compris au-delà de 12 MW pour les cogénérations industrielles sous certaines conditions, 60 millions supplémentaires étant prévus pour ce dernier dispositif en 2017.
Objet historique de notre saisine pour avis, les crédits de l'après-mines poursuivent quant à eux leur baisse - - 10,3 % cette année, à un peu plus de 450 millions -, en cohérence avec la réduction « naturelle » du nombre des anciens mineurs et de leurs conjoints. Pour mémoire, sont financées, pour l'essentiel, des avantages en nature (chauffage et logement) et des prestations de pré-retraite, même si l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs, l'ANGDM, provisionne aussi des sommes croissantes (58,5 millions) au titre de demandes d'indemnisation liées aux expositions à l'amiante ou à d'autres produits cancérigènes pour lesquelles certains anciens salariés l'assignent en justice.
Le programme 174 finance encore « la lutte contre le changement climatique » à hauteur de 27,5 millions - dont 24,5 millions pour le dispositif national de surveillance de la qualité de l'air -, soit une enveloppe pratiquement stabilisée après deux années de forte contraction, et, enfin, quelques dépenses très spécifiques telles que la subvention pour charge de service public versée à l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, l'ANDRA, pour 2,8 millions.
Au-delà des crédits budgétaires, dix-sept dépenses fiscales sont rattachées au programme pour un coût total de 2,7 milliards dont l'essentiel tient, d'une part, aux taux réduits de taxes intérieures de consommation en faveur des industries grandes consommatrices d'énergie, pour 550 millions, et, d'autre part, au CITE, pour 1,7 milliard. Ces deux postes expliquent à eux seuls la forte dynamique des dépenses observée depuis deux ans : + 1 milliard en 2016, en raison de la première année pleine d'application du crédit d'impôt réformé en 2015 et de la montée en charge des taux réduits ; et encore + 200 millions attendus en 2017, le coût des taux réduits augmentant mécaniquement avec la hausse de la taxe carbone.
S'agissant des industries grandes consommatrices d'énergie, on rappellera qu'un grand nombre de dispositifs ont été mis en place ces trois dernières années pour préserver leur compétitivité, ce dont on ne peut que se réjouir mais qui appellerait néanmoins une évaluation globale de la cohérence de ces diverses mesures - le cas échéant pour aller au-delà si cela s'avérait nécessaire. Ainsi, si l'on additionne les taux réduits du présent programme, les taux réduits de CSPE et la « compensation carbone » relevant de la mission « Économie », la rémunération de l'interruptibilité ou la réduction de TURPE créés par la loi « Transition énergétique », on parvient à un total de près d'1,5 milliard de soutien à ces industries, sous la forme soit de moindres rentrées fiscales, soit de dépenses budgétaires, soit de coûts financés par les autres consommateurs ou utilisateurs de réseaux.
S'agissant du CITE, une évaluation de son efficacité s'avère, au vu du quasi-doublement de son coût, encore plus indispensable, d'autant que certains chiffres posent question : en effet, si la hausse de la dépense s'explique logiquement, d'une part, par la réforme intervenue en 2015 qui en a relevé les taux et élargi les conditions d'éligibilité et, d'autre part, par l'augmentation du nombre des travaux déclarés (+ 29 % en 2015), en revanche, le nombre de bénéficiaires lui continue à diminuer, à 660 000 ménages en 2015 contre 720 000 en 2014 et 850 000 en 2013 sans que l'on sache aujourd'hui, faute d'évaluation, à quoi serait due cette concentration de la dépense fiscale. L'an dernier, nous appelions déjà le Gouvernement à évaluer le dispositif ; en mai dernier, la Cour des comptes regrettait, je cite, que « l'efficacité économique de cette dépense n'ait pas fait l'objet d'une évaluation avant sa prorogation, en vue de s'assurer qu'elle ne soit pas qu'un soutien au secteur du bâtiment et qu'elle contribue réellement efficacement à la transition énergétique », ce dont une étude de l'UFC-Que Choisir pouvait laisser douter. Finalement, nos collègues députés ont voté cette année une demande d'évaluation d'ici au 1er septembre 2017, amendement dont j'approuve le principe sinon la rédaction, sans doute un peu trop large.
Pour conclure, je dirai quelques mots du CAS « électrification rurale » dont les crédits sont, cette année encore, reconduits à l'identique, à 377 millions d'euros. Cette stabilité de l'enveloppe globale masque cependant quelques mouvements de crédits entre sous-enveloppes, au bénéfice des travaux de sécurisation des fils nus et au détriment du renforcement, de l'extension et de l'enfouissement. Notre collègue Jacques Genest, rapporteur spécial du CAS, propose donc de revenir partiellement sur ces mouvements en rappelant non seulement que l'enfouissement n'a pas qu'une finalité esthétique et contribue aussi à sécuriser le réseau, mais aussi que les travaux d'extension accompagnent le développement des territoires ruraux.
Bien qu'il comporte certains points positifs, à commencer par la possibilité enfin donnée au Parlement de voter les charges de CSPE, mais avec les réserves rappelées en introduction, ce projet de budget est marqué par au moins deux défauts majeurs : d'une part, une absence de compensation de la hausse de la taxe carbone tout simplement contraire à la loi et qui occasionnera encore des prélèvements supplémentaires sur les consommateurs d'énergie ; d'autre part, des instruments de financement de la transition énergétique qui restent opaques et, surtout, bien en-deçà des besoins, ou même des annonces initiales du Gouvernement.
Enfin, ce budget s'inscrit dans le « manque de vision stratégique » qu'a justement souligné notre collègue Jean-François Husson, rapporteur spécial de la mission « Écologie » et dont on peut citer deux exemples parmi tant d'autres : en premier lieu, l'annonce présidentielle, en janvier, d'un prix plancher du carbone pour la production électrique nationale, limité ensuite aux seules centrales charbon avant d'être finalement abandonné, alors que les difficultés posées par une telle fixation unilatérale étaient identifiées dès l'origine ; en second lieu, l'inconséquence de la programmation pluriannuelle de l'énergie, censée décliner opérationnellement les objectifs de la loi « Transition énergétique » mais qui ne dit rien sur la façon dont on réduirait la part du nucléaire à 50 % de la production électrique en moins de dix ans désormais, ce que nous comprenons fort bien pour avoir dénoncé le caractère irréaliste de cet objectif mais qui n'est, du point de vue du Gouvernement, guère cohérent. Peut-être la ministre, que nous entendrons le 23 novembre prochain, pourra-t-elle nous en dire plus...
En attendant, je vous propose, comme c'est l'usage en pareil cas, de réserver notre avis - dont vous aurez cependant, je n'en doute pas, compris la tonalité générale - pour nous prononcer après l'audition de la ministre.
Merci monsieur le rapporteur pour cette présentation très pédagogique de l'ensemble des dispositifs budgétaires et fiscaux intervenant dans le domaine de l'énergie.
C'était effectivement une présentation très complète mais vous admettrez que nous puissions porter une appréciation différente sur un certain nombre de points. De l'énergie à la transition énergétique, le lien est direct et de la transition énergétique à l'Accord de Paris sur le climat, il n'y a qu'un pas ! À cet égard, la France peut être fière de l'entrée en vigueur de l'accord intervenue le 4 novembre dernier. La transition énergétique est une boîte à outils dont on peut dire qu'elle fonctionne plutôt bien, comme en atteste le succès des territoires à énergie positive, désormais au nombre de 500, du CITE et des créations d'emplois dans le secteur du bâtiment qu'il a permis ou encore du développement des énergies renouvelables, soutenu à hauteur de 7 milliards d'euros. Je signale au passage que 80 % des textes d'application de la loi « Transition énergétique » sont aujourd'hui parus, dont la PPE qui fixe des objectifs clairs pour le mix énergétique.
Concernant les crédits du programme 174, la baisse s'explique principalement, comme l'a dit monsieur le rapporteur, par la réduction du nombre des bénéficiaires, les mineurs retraités. Ce programme comporte des points positifs, comme la mise en oeuvre du plan de réduction des polluants atmosphériques, dont je rappelle qu'ils causent chaque année 48 000 décès en France et que cela frappe aussi bien les villes de plus de 100 000 habitants, avec une espérance de vie réduite de quinze mois, que le milieu rural, où cette espérance est raccourcie de neuf mois. Je voudrais encore signaler, comme points positifs, le maintien du CITE ou encore la préservation de la compétitivité de nos entreprises électro-intensives.
Concernant le programme 345, on peut aussi apprécier que les crédits augmentent de 24 % au bénéfice d'une solidarité renforcée avec les zones non interconnectées, du soutien à la cogénération ou de la protection des consommateurs en situation de précarité énergétique. Sur ce dernier point, on a constaté, d'une part, que le nombre de bénéficiaires effectifs des tarifs sociaux restait inférieur aux 4,5 millions de ménages éligibles et, d'autre part, qu'il existait une inégalité entre les consommateurs chauffés au gaz, qui cumulaient tarifs sociaux de l'électricité et du gaz, et les autres, qui ne bénéficiaient que des premiers. Mais peut-être la solution à ces deux problèmes viendra-t-elle du chèque énergie, en cours d'expérimentation avant sa généralisation. Autre sujet de préoccupation : dès lors que les compétences du Médiateur de l'énergie ont été élargies à toutes les énergies, ce qui devrait augmenter le nombre de saisines, ne faudrait-il pas augmenter aussi son budget ?
Enfin, l'autoconsommation, qu'elle soit individuelle ou collective, est appelée à se développer fortement, ce qui permettra du reste d'accroître la part des énergies renouvelables et de rééquilibrer le mix énergétique. Pour accompagner cette évolution, ne pensez-vous pas qu'un cadre à la fois stable et simple, pour ne pas décourager les clients, mais aussi rigoureux, pour éviter certains contournements des règles, devrait être établi ? De ce point de vue, l'ordonnance du 27 juillet dernier devrait, à mon sens, être revue et complétée.
Cela dit, nous soutiendrons bien entendu les crédits qui nous ont été présentés ce matin.
Monsieur Courteau, je n'ai pas dit que tout était négatif dans ce budget mais qu'à tout le moins, le compte n'y était pas pour financer toutes les annonces qui avaient été faites. Vous avez évoqué des crédits en forte hausse : c'est certes vrai d'un strict point de vue arithmétique mais c'est en fait purement technique puisque 2017 sera la première année pleine d'application de la réforme de la CSPE, qui n'avait été que partiellement intégrée dans le budget en 2016. Concernant la précarité énergétique, vous avez parfaitement raison : les tarifs sociaux, en raison des croisements de fichiers complexes qu'ils impliquent, ne sont pas parvenus à toucher l'ensemble des ménages éligibles. Le chèque énergie devrait résoudre cette difficulté, de même que l'inégalité entre les consommateurs selon l'énergie utilisée. S'agissant du Médiateur, il dit lui-même qu'il participe de l'effort budgétaire public. Comme vous, je me félicite de ce que la dette due à EDF, qui n'a pas vocation à être le banquier de l'État, commence à être remboursée, ce qui est d'autant plus nécessaire au vu de la situation financière actuelle de l'entreprise. Quant à l'autoconsommation, il s'agit en effet d'un phénomène nouveau sur lequel nous aurons prochainement à examiner le projet de loi ratifiant l'ordonnance que vous évoquiez, qui est en cours de discussion à l'Assemblée nationale.
Un mot concernant l'autoconsommation : c'est là une idée très séduisante mais je mets en garde contre les dérives possibles et la mise en cause du tarif péréqué car si tout le monde produisait l'électricité qu'il consomme, qui financerait les réseaux ? Le particulier aura certes toujours besoin d'accéder au réseau mais on voit bien que les tentatives se multiplient : lors de la discussion de la loi sur les métropoles dite « loi MAPAM », certaines métropoles avaient envisagé de devenir des producteurs d'énergie pour alimenter leurs habitants. De même, lorsqu'il avait été proposé de faire sortir du réseau les îles bretonnes dans le débat sur la loi « Transition énergétique », j'avais alerté la ministre, en séance, sur les risques qu'une telle initiative comportait. Le principe de la péréquation tarifaire, qu'il nous faut absolument défendre, est très original. C'est un socle, que je qualifierais presque de républicain, de notre système électrique. Aussi faudra-t-il que nous soyons réalistes lorsqu'il s'agira d'examiner cette question de l'autoconsommation qui, à tout le moins, devra être fortement encadrée.
S'agissant des îles bretonnes, nous avions proposé d'expérimenter une forme d'autoconsommation dans des territoires bien circonscrits. J'ajoute qu'il existe d'autres modèles, à commencer par celui de l'Allemagne, qui, grâce à la décentralisation de la production, présentent autant d'intérêts, sinon plus, pour favoriser le développement des énergies renouvelables et leur appropriation par le citoyen. A contrario, le système électrique français est hyper-centralisé autour d'un acteur, EDF, et je défendrai pour ma part une évolution vers une territorialisation des politiques énergétiques.
C'est prendre le risque qu'il existe différents tarifs et à ce compte-là, ce sont les territoires ruraux qui seront les grands perdants...
L'enjeu de la péréquation tarifaire est en effet fondamental et doit demeurer l'une des caractéristiques fortes de notre modèle national. Il faudra trouver un compromis, si ce n'est un équilibre, entre le développement de ces nouveaux territoires énergétiques et les principes de péréquation et d'égal accès à l'énergie sur l'ensemble du territoire. Par ailleurs, si la production d'énergies renouvelables a fait l'objet d'un soutien financier considérable, y compris en mobilisant des fonds européens, j'attire votre attention sur les difficultés rencontrées par certaines installations pour équilibrer leur modèle économique ; il serait très dommageable, voire incompréhensible au vu des investissements réalisés, que la pérennité de certaines d'entre elles soit menacée.
Je partage totalement ces deux points de vue. Comme le rapporteur l'a suggéré, je vous propose donc de réserver notre avis après l'audition de la ministre.
Nous en venons à l'examen des crédits en faveur de la pêche et de l'aquaculture figurant au budget du ministère de l'environnement.
L'année dernière, à la même époque, à l'occasion de l'examen des crédits consacrés à la pêche et l'aquaculture figurant au projet de loi de finances pour 2016, je vous avais indiqué que la conjoncture s'était bien améliorée pour la pêche française. Cette tendance se poursuit encore cette année, avec des prix du gasoil qui restent bas - autour de 40 centimes le litre durant les 6 derniers mois - ; une consommation de poissons et crustacés qui se maintient - à hauteur de 35 kg par personne et par an en France, contre 23 kg en moyenne en Europe - ; des prix en criée qui sont en légère hausse et un taux d'invendus faible et qui baisse de 2 % cette année.
Un signe ne trompe pas : les professionnels recommencent à investir dans de nouveaux navires : le nombre de permis de mise en exploitation de navires neufs en métropole était d'à peine 14 en 2009, il a été de 57 en 2015 et il est de 55 sur les 9 premiers mois de l'année 2016 ; la plupart des « gros armateurs » se sont engagés dans le renouvellement complet de leur flotte hauturière : France pélagique, Compagnie des pêches de Saint-Malo, Euronor ....
Cette embellie, qui dure depuis deux à trois ans, ne doit pas nous faire oublier que la crise a été particulièrement rude : la France a perdu 800 navires de pêche en 10 ans, et sa flotte en métropole est descendue en dessous des 4 500 navires, dont moins de 1 000 de plus de 12 mètres. Les petits ports de pêche se retrouvent aujourd'hui avec un nombre faible de navires pour faire vivre les criées et les activités à terre. Il ne faut pas oublier que pour un emploi en mer, la pêche génère 3 à 4 emplois à terre.
Il est donc indispensable de profiter de l'embellie de la conjoncture pour donner plus de force à la pêche française. Publiée en juin dernier après un an de débats, la loi Économie bleue contient quelques dispositions visant à encourager la pêche et l'aquaculture : assouplissement du statut de la société de pêche artisanale, création d'un statut spécifique des marins-pêcheurs, distinct de celui des marins en pêche de commerce, assouplissements des exigences en matière de casier judiciaire pour les patrons pêcheurs, création d'un statut pour les fonds de mutualisation en matière de pêche.
L'instrument de soutien européen, le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) doit aussi être mobilisé en faveur du secteur, même si la politique commune de la pêche (PCP) ne permet malheureusement plus de subventionner l'acquisition de navires. Il faudrait que cette possibilité revienne.
L'année dernière, je soulignais qu'il était indispensable d'accélérer la mise en oeuvre effective du FEAMP 2014-2020, doté pour la France de 588 millions d'euros. Le processus est lent : le règlement européen a été adopté le 20 mai 2014, et le programme opérationnel pour la France a été validé par la Commission européenne le 3 décembre 2015.
La gestion de ce fonds est largement décentralisée : près de la moitié des crédits du FEAMP sont en réalité gérés par les régions. Pour l'instant, seulement 25 millions d'euros ont été mobilisés sur le nouvel instrument financier européen. Nous vivons encore avec les crédits non consommés du Fonds européen pour la pêche (FEP) 2007-2013. Lors des auditions que j'ai effectuées, la direction des pêches maritimes et de l'aquaculture (DPMA) m'a indiqué que la dynamique était lancée et que l'année 2017 allait voir une montée en puissance effective du FEAMP. C'est indispensable.
L'année dernière, j'avais évoqué les difficultés structurelles auxquelles se heurtait la pêche française. Celles-ci sont encore d'actualité. Tout d'abord, la pêche doit en permanence s'adapter aux exigences environnementales. La première exigence consiste à respecter des quotas fixés pour ne pas épuiser les ressources halieutiques. De ce point de vue, la situation s'améliore plutôt en mer du Nord, dans la Manche et en mer celtique et plus généralement dans l'Atlantique-Nord. Les bilans publiés chaque année par la Commission européenne montrent plutôt une reconstitution des stocks. Mais il existe des inquiétudes sur certaines espèces comme la sole ou encore le bar, qui pourrait faire l'objet de mesures de restriction voire d'interdiction de pêche. En Méditerranée, la disponibilité du poisson est également très préoccupante, ce qui risque d'amener à la mise sous quotas de la pêche à l'espadon. Les mesures de baisse de quota ou d'interdiction de pêche peuvent avoir des conséquences dramatiques pour certains ports très spécialisés. Le renforcement des exigences environnementales avec la dernière réforme de la PCP constitue aussi un vrai défi : ainsi, l'interdiction des rejets en mer se met en place progressivement et devrait être totalement effective en 2018. Concernant la pêche en eaux profondes, une interdiction des captures au-delà de 800 mètres de profondeur devrait être respectée par les acteurs de la pêche hauturière.
Une autre difficulté pour la pêche maritime tient à un certain désintérêt pour cette activité malgré la bonne conjoncture. Une quinzaine de lycées maritimes forment des jeunes à la pêche, et un BTS pêche vient d'être lancé par le Gouvernement mais les recrutements et la fidélisation de marins-pêcheurs sont difficiles. Les investisseurs français ne se pressent pas non plus dans le secteur de la pêche maritime : la quasi-totalité des grands armements est passé sous le contrôle d'investisseurs étrangers, en particulier hollandais et espagnols. Outre-mer, on constate le même type de phénomène : ainsi, les navires thoniers battant pavillon français pêchent dans les eaux françaises autour de la Réunion mais débarquent les prises aux Seychelles. Nos poissons sont ensuite réimportés sur notre territoire.
Le coût des investissements nécessaires pour moderniser les équipements ou pour s'installer comme patron-pêcheur reste également élevé : plusieurs millions d'euros pour un navire neuf de 20 mètres. Les jeunes pêcheurs débutent plutôt avec des navires d'occasion, qu'ils doivent acheter cher car, dans le prix du bateau, il y a une valorisation implicite des droits de pêche qui y sont attachés.
Il existe une inquiétude supplémentaire pour la pêche maritime cette année : la perspective du « Brexit » fait courir de nouveaux risques pour la pêche française. Les pêcheurs des Hauts-de-France passent 75 % de leur temps dans les eaux britanniques et ceux de Normandie et de Bretagne 50 %. D'après les informations qui m'ont été fournies, les captures françaises dans la zone économique exclusive du Royaume-Uni représentent 22 % en valeur et 16 % en volume de l'ensemble de la pêche française. À Boulogne-sur-Mer, 44 % des débarquements concernent du poisson venant des eaux britanniques, qui y est transformé et conditionné. Or, avec le Brexit, les anglais pourraient remettre en cause le libre accès par les navires de l'Union européenne, et donc français, à leur zone économique exclusive. Si nous n'avons plus accès aux eaux britanniques, beaucoup de navires de notre façade Nord-Ouest resteront à quai.
Un autre risque porte sur les quotas de pêche. Les négociations ont lieu aujourd'hui chaque année au sein de l'Union européenne, en respectant le principe de stabilité relative, c'est-à-dire en répartissant les quotas entre pays avec les mêmes clefs de répartition. Le Royaume-Uni pourrait considérer que la clef de répartition historique est injuste ou ne reflète pas la répartition géographique des stocks, qui bien que situés dans la zone exclusive britannique, sont attribués majoritairement aux autres États membres, comme par exemple le lieu noir. Le Brexit ouvre donc la voie à une renégociation dure des quotas entre Union européenne et Grande-Bretagne, qui ne peut être qu'au détriment de l'Union européenne.
Enfin, une clef de répartition moins favorable à l'Union européenne pourrait conduire les autres États membres comme l'Espagne, l'Irlande ou les Pays-Bas, à demander une révision complète de la stabilité relative, avec pour conséquence une baisse, au sein de l'Union européenne, de la part revenant à la France.
Il convient donc d'exercer dès maintenant une grande vigilance sur les conséquences du Brexit sur la pêche. Cette vigilance m'avait été demandée par les pêcheurs de Lorient dans les jours qui ont suivi le vote britannique. Nous disposons de moyens de négociation : la Grande-Bretagne a besoin d'accéder au marché européen pour écouler sa production. La France est d'ailleurs, la première destination des produits aquatiques anglais et représente 507 millions d'euros, soit 28 % de la valeur des exportations britanniques dans l'Union européenne - coquilles Saint-Jacques, cabillaud, langoustine. L'accès des anglais à notre marché ne saurait être accepté si, dans le même temps, les anglais empêchaient nos pêcheurs d'accéder à leurs eaux dans des conditions proches de celles d'aujourd'hui.
Il convient de s'intéresser à l'aquaculture, qui est dans une situation délicate : en ostréiculture, la production a baissé de 113 000 tonnes en 2007 à 80 000 tonnes ces dernières années. Certes, les prix ont augmenté de l'ordre de 20 % mais cela ne compense pas le manque à gagner. La France reste au premier rang européen pour la production d'huîtres mais doit faire face depuis 2008 à un problème récurrent de surmortalité dont la cause est connue - virus OsHV-1 - mais les mécanismes mal identifiés. En outre, des fermetures de zones viennent parfois perturber la production d'huîtres à la suite de contrôles de qualité des eaux mettant en évidence la présence d'agents pathogènes : c'est arrivé par exemple sur l'étang de Thau à la mi-septembre. Ce phénomène a aussi été constaté dans le Morbihan.
En mytiliculture, la France, qui est au 2ème rang mondial, et dispose d'une production très qualitative avec les moules de bouchot, qui bénéficient d'une reconnaissance au titre des spécialités traditionnelles garanties (STG), les producteurs sont aussi confrontés à un problème très préoccupant de surmortalité depuis 2014, qui peut atteindre 70 %. Un plan de soutien de 4 millions d'euros a d'ailleurs été annoncé par le Gouvernement en mai dernier.
Enfin, la pisciculture marine reste confidentielle et ne se développe absolument pas : la France produit de l'ordre de 5 000 tonnes de poissons par an dans ses élevages marins, contre 12 000 tonnes en Italie, 44 000 tonnes en Espagne et 95 000 tonnes en Grèce. On ne compte que 27 entreprises et aucun projet nouveau depuis dix ans.
Les crédits inscrits au sein du programme 205 en faveur de la pêche et de l'aquaculture s'inscrivent dans la continuité des précédents projets de loi de finances. Avec 45,6 millions d'euros, ce budget baisse de 2,64 % par rapport à l'année dernière. Sur cinq ans, l'érosion des crédits est de 14 %.
La répartition interne des crédits entre les différentes priorités est inchangée :
- 6,45 millions d'euros, contre 6,8 millions d'euros dans le budget précédent, sont consacrés au suivi scientifique et statistique et à la collecte de données, dont 3 millions pour le programme d'observation à la mer. Le reste des crédits finance les conventions avec l'Ifremer, l'Institut de recherche et de développement ou encore le Muséum national d'histoire naturelle.
- 5,9 millions d'euro, contre 6,2 millions d'euros dans le budget précédent sont consacrés au contrôle des pêches, notamment les moyens informatiques.
- 3,5 millions d'euros environ, comme dans le précédent budget, financent l'assistance technique ou encore les frais de participation aux instances internationales.
- 6,4 millions d'euros, contre 6,5 millions d'euros dans le précédent budget couvrent la participation de l'État aux caisses chômage intempéries, indemnisant les marins-pêcheurs en cas de mauvais temps.
Les crédits d'intervention économique représentent plus de la moitié de l'enveloppe budgétaire : 23,4 millions d'euros, en baisse de 400 000 euros par rapport au précédent budget. Il s'agit essentiellement des contreparties nationales aux dépenses engagées dans le cadre du FEAMP. Une petite part est consacrée à des programmes purement nationaux : repeuplement des civelles dans le cadre du plan anguilles, plan chlordécone III en Martinique et Guadeloupe,
D'autres crédits provenant du budget de l'État, non retracés dans cette enveloppe de 45,6 millions d'euros, concourent aussi à la politique de la pêche : ainsi, les contrôles des pêches reposent sur les moyens de la gendarmerie maritime, des affaires maritimes, des douanes, ou encore de la DGCCRF, figurant dans d'autres budgets.
Enfin, il faut noter que le soutien à la pêche maritime dépend aussi d'un acteur interprofessionnel qui est devenu indispensable dans le paysage de la pêche : France filière pêche. Grâce à une dotation de 31 millions d'euros, France filière pêche a pu déployer une politique d'encouragement de la consommation de poisson français à travers le pavillon France. Un tiers du budget a été dépensé en publicité et actions d'animation pour faire connaître le label. Le reste de l'enveloppe a servi à financer des actions de recherche scientifique (par exemple le programme sursole sur la survie de la sole en cas de prise accessoire) ou encore l'investissement dans les navires : 2 400 bateaux ont pu bénéficier de ces aides, ce qui est massif.
La première convention de France filière pêche arrive à expiration. J'ai reçu en audition le président de France filière pêche, qui m'a indiqué que la grande distribution allait s'engager à reconduire son soutien pour la période 2017-2020, à hauteur de 18,6 millions d'euros par an pendant deux ans et 15,5 millions par an les deux années suivantes, montants moindres qu'auparavant mais qui devraient permettre de continuer à agir. La notoriété du pavillon France étant établie, l'essentiel des financements concerneront la modernisation des navires et la recherche appliquée.
Je terminerai mon propos en rappelant que les pouvoirs publics doivent garder un oeil vigilant sur la pêche et l'aquaculture. La situation s'est améliorée pour les pêcheurs mais cette embellie conjoncturelle doit être consolidée. Une étude de FranceAgrimer de juin 2016 montre que notre pêche, plutôt vertueuse sur le plan environnemental et social, a cependant des problèmes de compétitivité par rapport à nos voisins anglais ou espagnols. Il faut donc s'orienter plutôt vers une politique de compétitivité hors-prix, par exemple en améliorant l'information à l'avance sur les débarquements, ou encore en modernisant la première transformation : filetage, conditionnement ...
La pêche peut avoir des effets d'entraînement bénéfiques pour des secteurs voisins. Ainsi la déconstruction des navires pourrait être développée, à côté de l'activité de construction. Aujourd'hui, cette activité est tout à fait marginale. Or, nous disposons d'un savoir-faire et de sites propices (Marseille, Bordeaux, Lorient, Concarneau). Il y a aussi un véritable marché de la déconstruction, lorsqu'on étend l'analyse aux bateaux de plaisance : 4 000 navires seraient concernés. Encore faudrait-il que des acteurs économiques s'y intéressent un peu plus.
Pour conclure, je propose à la commission de réserver son avis sur les crédits relatifs à la pêche figurant au sein de la mission « Écologie, développement et aménagements durables », dans l'attente de l'audition de la ministre.
Un navire d'occasion coûte-t-il aussi cher qu'un navire neuf, compte tenu de la nécessité pour un navire d'occasion de récupérer les droits de pêche ?
S'il est positif que le secteur de la pêche aille mieux, ce n'est pas sain que ce soit grâce aux prix bas du pétrole, car un jour la situation va changer et il faut s'y préparer. Concernant la pêche en eau profonde, les pêcheurs devront se conformer à l'interdiction d'aller au-delà des 800 mètres, car le règlement européen a été voté. L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) travaille sur la mortalité des huîtres, notamment les huîtres triploïdes. L'OPECST travaille aussi sur la fertilité de ces huîtres. Enfin, avec le ministère de l'environnement, un travail est mené sur la reconnaissance des huîtres naturelles à travers une spécialité traditionnelle garantie, à défaut d'obligation d'étiquetage. Concernant la mytiliculture, la surmortalité est préoccupante. Dans tous les domaines, on souhaite être productifs et on sélectionne les variétés, au point de les rendre plus fragiles. En outre, les concentrations de moules attirent les étoiles de mer, qui sont des prédateurs pour ces espèces. Alors que notre pêche se porte mieux, le Brexit constitue une claire menace.
Quel rôle et quels moyens sont alloués à l'Ifremer, qui est à mon sens central dans la politique halieutique ? À Concarneau, un navire de l'Ifremer ne navigue plus et reste à quai. Je m'interroge sur le saumon : n'y a-t-il pas une menace sur l'approvisionnement. Les Norvégiens semblent ne plus pouvoir produire davantage. Concernant la pêche hauturière dans l'Océan indien autour des Kerguelen, les Japonais ont-ils une activité prédatrice sur la ressource halieutique et quels sont les contrôles ? Je souhaiterais aussi rappeler que le premier port thonier est à Concarneau, mais grâce aux prises en Atlantique Sud et dans l'Océan indien. Concernant le Brexit, les anglais pêchent-ils aussi dans les eaux françaises ? Enfin, concernant l'aquaculture, il ne faut pas oublier qu'une des raisons de son absence de développement réside dans l'opposition des riverains aux fermes aquacoles.
Le FEAMP est en augmentation de 70 % pour la période 2014-2020, mais on a dépensé seulement 25 à 28 millions d'euros. La France dispose de la deuxième enveloppe européenne. Comment faire pour engager effectivement ces fonds. La première réévaluation des fonds européens aura lieu début 2017. Les comités État-région doivent se réunir pour faire un point mois après mois. J'avais écrit avec Gérard César un rapport sur la façade Atlantique. Il serait intéressant de rencontrer le ministre Alain Vidalies pour faire un point sur les enjeux de pêche, de transports, et de façade maritime.
Il est temps que la France décide des orientations de sa politique sur sa zone économique exclusive. C'est en outre-mer que cette zone est le plus étendue. Un rapport avait été fait par le Sénat sur ce sujet il y a quelques années. Il faut maintenant décider. À la Réunion, les quotas de légine, attribués par l'Union européenne, sont exploités par des navires basés à la Réunion mais travaillant aux Seychelles. Dans le Pacifique, toute la politique de pêche est dictée par la Chine. La France défend-elle ses intérêts ? Concernant la zone caraïbe, j'attire votre attention sur les initiatives des Coréens. Ceux-ci veulent investir pour exploiter les eaux poissonneuses de la zone. Lors d'une rencontre à Cuba, ceux-ci m'ont exprimé clairement leur projet. Or, les États de la zone Caraïbe doivent pouvoir décider librement de ce qu'ils veulent faire de leur espace maritime commun. Quelle est la position de la France ? Je trouve notre pays très absent.
Concernant l'aquaculture et les fermes marines, je suis étonné que l'on ne mette pas l'accent sur les questions d'origine et de qualité. Nous devons être exigeants. La pisciculture du delta du Mékong me semble préoccupante. Concernant les contrôles, l'Union européenne devrait renforcer ses exigences : certains navires étrangers ne sont pas contrôlés. Au demeurant, les professionnels ont pu constater que les quotas ont amélioré la ressource. Enfin, j'attire votre attention sur le fait que les espagnols achètent les navires français pour avoir accès aux quotas français, mais ils ont la liberté de débarquer leurs prises en France ou en Espagne. Or, nos criées doivent être préservées. L'interdiction de subventions publiques constitue un handicap.
Certains navires d'occasion ne coûtent que 400 à 500 000 euros, mais si le patron-pêcheur veut pouvoir disposer des antériorités du navire dans la distribution des quotas, le coût peut être élevé. Il faut éviter d'aller vers des quotas individuels transférables, qui renchérissent l'accès à la ressource.
L'embellie en matière de prix du pétrole est une opportunité pour les pêcheurs. Il faut en profiter pour moderniser la flotte, notamment en rénovant les navires, en les rendant aussi plus confortables pour l'équipage afin de rendre l'activité de pêche plus attractive.
Le règlement sur la pêche en eau profonde a été adopté par le Parlement européen et doit être appliqué.
La surmortalité des huîtres est multifactorielle, et tient aussi à la pollution des eaux littorales, notamment avec la multiplication des stations d'épuration, due à l'augmentation de la population dans les zones littorales. Les huîtres triploïdes sont affectées mais aussi les huîtres diploïdes.
La surmortalité des moules s'explique vraisemblablement par des facteurs génétiques. L'Ifremer, doit nous éclairer.
L'Ifremer est en effet l'organisme de recherche de référence, doté d'un budget annuel de 210 millions d'euros. Je regrette toutefois la fermeture de la station Ifremer de La-Trinité-sur-Mer, dont l'activité a été transférée à Brest.
Concernant la régulation des pêches hors des eaux européennes, la France participe à des instances internationales de recherche et de gestion spécialisées.
Concernant l'aquaculture, on ne peut qu'être désolé de son absence de développement, mais l'opposition des populations constitue un réel obstacle.
Concernant le FEAMP, il convient d'accélérer la mise à disposition des crédits. Les régions sont aussi un levier important, car elles disposent de la moitié de l'enveloppe.
Concernant les Seychelles, les enjeux de fiscalité pèsent aussi sur les choix de localisation des entreprises de pêche.
La commission décide de réserver son avis jusqu'à l'audition de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer.
Michel Magras est nommé rapporteur sur la proposition de résolution européenne n°65 (2016-2017) présentée en application de l'article 73 quinquies du Règlement, sur l'inadaptation des normes agricoles et de la politique commerciale européenne aux spécificités des régions ultrapériphériques.
La réunion est close à 11 heures.