Nous concluons aujourd'hui nos travaux. Nous avons entendu 45 personnes dans le cadre de notre commission d'enquête, demandée par le groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste (CRCE). Je remercie tous les membres de la commission pour leur travail, les vice-présidents qui m'ont épaulé pour les 41 auditions et notre rapporteur, Pierre-Yves Collombat, dont je salue l'engagement personnel et la motivation, tant dans le travail d'enquête que dans les propositions.
Après six mois de travaux, notre commission d'enquête se termine aujourd'hui. Demain, je l'espère, nous aurons remis nos travaux et autorisé la publication du rapport, ainsi que de la position personnelle du rapporteur.
Nous avons abouti à un consensus pour que nos travaux débouchent sur deux volumes : un premier reprend les 33 préconisations, un court texte explicatif, les réponses aux questionnaires et les comptes rendus des auditions. Je vous propose d'intituler ce rapport « Préconisations pour une réforme de la haute fonction publique ».
Le deuxième volume serait la position personnelle du rapporteur dont notre commission autoriserait la publication, mais qui n'engagerait que son auteur, et non la commission d'enquête.
Je vois dans le projet de sommaire qu'il est fait mention du corps des Ponts et Chaussées qui n'existe plus depuis 2007. Le corps est désormais le corps des ingénieurs des ponts, des eaux et des forêts (IPEF).
La fusion entre les anciens corps relevant du ministère de l'agriculture et du ministère de l'équipement est-elle réelle ou fictive - ce dont j'ai plutôt l'impression ?
Le corps de gestion est unique depuis 2007, mais il y a toujours deux corps d'inspection, le Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) et le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD). Un annuaire unique rassemble tous les ingénieurs, mais ceux diplômés avant 2007 sont mentionnés comme ex-Ponts ou ex-GREF (génie rural, eaux et forêts).
N'existe-t-il pas d'autres organes de gestion des corps, des amicales ?
L'Union des Ingénieurs des Ponts, des Eaux et des Forêts (UnIPEF) regroupe tous les membres, quel que soit leur corps d'origine.
Au-delà de l'intitulé, qui sera modifié, quel ordre choisir pour les corps mentionnés ? Nous les avons mentionnés par ordre chronologique de réponse aux questionnaires.
Cet ordre évite de s'interroger sur d'éventuelles préséances.
Le principe d'une présentation en deux tomes et l'intitulé du rapport, « Préconisations pour une réforme de la haute fonction publique », sont adoptés.
Plusieurs propositions de modification des préconisations nous sont parvenues.
À la préconisation n° 21, Mme Costes et M. Bascher proposent de préciser que l'avis émis lors du retour du fonctionnaire, après examen des fonctions exercées dans le secteur privé, doit être conforme, par similitude avec l'avis conforme donné par la Commission de déontologie pour autoriser un départ.
La proposition n° 1 est adoptée.
M. Bascher propose de cibler plus spécifiquement la préconisation n° 31 sur la fusion de l'IGF et du Contrôle général économique et financier (CGefi).
Dans tous les corps, il y a de nombreux grades correspondant au grade d'attaché, de cadre A. Mais prenons garde aux anciennes appellations. Certains corps, qui sembleraient être des corps d'inspection, sont en fait des corps qui administrent, comme celui d'un directeur d'une trésorerie locale, par exemple.
À la préconisation n° 13, M. Vallini suggère de réduire la durée maximale des disponibilités à une fois trois ans, et non deux fois trois ans. Nous en avons déjà débattu. Certains d'entre nous auraient souhaité interdire toute possibilité de disponibilité, mais ce n'est pas la position de la majorité de la commission. Deux fois trois ans est une solution satisfaisante.
Même si je suis sensible à cet argument, voyez les récents débats, notamment sur Laurent Olléon, ancien directeur de cabinet, membre de la commission des infractions fiscales du Conseil d'État, qui est désormais recruté dans un cabinet d'avocats fiscalistes américain - qui explique dans une publicité qu'il prodiguera ainsi de meilleurs conseils en défiscalisation...
Comme le disait mon mentor, Louis Mermaz, le Sénat rédige d'excellents rapports, mais on ne sait pas ce qu'ils deviennent ensuite... Il faudrait transformer ce rapport en proposition de loi ; en proposant d'abord des disponibilités d'une fois trois ans, on aboutirait à un consensus sur deux fois trois ans...
Même si je comprends les arguments de mon collègue, je préfère un parallélisme des formes avec le détachement, qui peut être renouvelé, dans un autre corps ou à l'extérieur.
Je comprends également l'esprit de la proposition mais il faut de la visibilité et de la cohérence.
Qu'en est-il des « disponibilités pour convenance personnelle » ? Sur le site « service-public.fr », ce n'est pas seulement pour aller dans le privé, mais également pour créer une entreprise ou assurer un mandat d'élu local...
La préconisation précise que nous ne souhaitons limiter que la durée des disponibilités pour convenance personnelle « pour occuper un poste dans le secteur privé ».
Je suis favorable à la proposition de M. Vallini. Une partie de la haute fonction publique est dans une situation qui diffère de celle des autres corps. Il faudrait modifier la formulation car le rapport entre le public et le privé n'est pas le même.
La durée actuelle est de dix ans, elle est ramenée à deux fois trois ans. Une majorité de la commission est favorable à cette solution.
La proposition n° 3 n'est pas adoptée.
À la préconisation n° 26, qui prévoit que soient introduits « dans la première partie de la scolarité à l'ENA des stages d'observation sur des postes de catégories A ou B, y compris au sein des collectivités locales et sur différents territoires », Mme Costes souhaiterait qu'ils soient effectués prioritairement dans les territoires ruraux. Cette « priorité » me gêne, mais nous pourrions mentionner ces territoires ruraux, ainsi que les banlieues.
C'est déjà possible à la mairie de Paris. Ce n'est pas révolutionnaire...
Soyons audacieux, envoyons les hauts fonctionnaires, durant quelques semaines, sur un territoire rural profond. C'est incroyable de devoir insérer cela dans le rapport, mais le problème est réel.
Certains territoires sont peu visités, mais ils dépendent aussi de la haute administration. Ils doivent être mieux connus. On pourrait raffiner encore davantage, avec la haute montagne ou les abîmes profonds ! Mais les deux zones proposées sont les principales. Lorsqu'ils sont en stage en préfecture, sauf quand le préfet sait de quoi il parle, les énarques ne vont jamais voir les services techniques. Préciser qu'il faut aller dans des territoires avec des difficultés spécifiques ne me paraît pas révolutionnaire mais souhaitable.
Je suis favorable à la proposition de modification, mais trouve regrettable qu'il faille le faire. Quelle est la durée de ces stages ?
Les stages sont actuellement de six mois mais nous proposons de créer un nouveau type de stage.
J'y pense probablement un peu tard, mais combien de femmes sont concernées? Il semble y avoir beaucoup d'entre-soi, de mariages de hauts-fonctionnaires entre eux : cela renforce le microcosme... Certains couples font même carrière ensemble. Quels sont les chiffres ?
Effectivement, cette demande arrive un peu tardivement. Nous savons que le phénomène existe, mais nous ne l'avons pas étudié précisément. Nous ne connaissons pas les raisons exactes des demandes de disponibilité des femmes, ni combien sont concernées. Il semble difficile de rédiger quelque chose à ce stade.
Actuellement, toutes les politiques mettent en avant la place des femmes - dont certaines font carrière.
L'ENA a publié en 2018 une étude sur les femmes dans la haute fonction publique ; elle vous sera communiquée.
Les études rapprochent les étudiants, il en est de même pour les professeurs !
Je propose donc d'ajouter à la préconisation n° 26 « notamment dans les territoires ruraux et en banlieue ».
Il y a une asymétrie entre la mobilité des administrateurs civils et celle des administrateurs territoriaux. Il est facile de passer de la fonction publique d'Etat à la fonction publique territoriale, mais pour l'inverse, les dispositions applicables sont trop rigides. J'ai subi cette situation. Rééquilibrons la situation entre les deux fonctions publiques.
Nous pourrions rajouter « notamment entre administrateurs civils et territoriaux » ?
Nous avons été obligés de circonscrire le problème, et nous nous sommes concentrés sur la haute voire très haute fonction publique d'État.
Tout à fait, mais notre rapport se concentre sur la haute fonction publique d'État.
Votre proposition est comprise dans la formulation actuelle, est-il vraiment nécessaire de le préciser ?
On faciliterait alors le passage des administrateurs territoriaux vers la fonction publique d'État, alors qu'il n'y a pas de problème de départ d'administrateurs territoriaux vers le privé. Notre commission d'enquête s'est centrée sur la haute fonction publique d'État.
Corrigeons l'asymétrie en mentionnant « notamment entre les administrateurs territoriaux et les administrateurs civils ».
Préférons « notamment entre la haute fonction publique territoriale et la haute fonction publique d'État ».
À propos de la préconisation n° 4 sur l'intégration des primes au traitement des fonctionnaires, ces primes sont-elles imposables ?
Sur la préconisation n° 30, le poste de Secrétaire général de l'Autorité de la concurrence est aussi réservé à un conseiller d'État...
Ce n'est pas de la même importance. La préconisation n° 30 fait état de l'influence d'une juridiction sur une autre... Nous nous sommes limités à l'essentiel, car nous serons déjà très critiqués ! Si nous obtenons gain de cause sur la moitié des préconisations, nous pourrons sabler le champagne...
Cette préconisation devra faire l'objet d'un volet normatif, par exemple dans une future proposition de loi.
Tout à fait. Nous restons dans des considérations générales, reste à préciser la mise en oeuvre.
L'ensemble des préconisations, ainsi modifiées, sont adoptées.
La commission d'enquête adopte le rapport à l'unanimité.
Conformément aux règles applicables aux commissions d'enquête, je vous propose d'autoriser la publication des documents qui nous ont été transmis comme réponse à notre questionnaire adressé aux grands corps, le compte-rendu de nos auditions et réunions, y compris celle-ci, et le texte rédigé par notre rapporteur qui paraîtra à la suite du rapport comme sa position personnelle.
La commission d'enquête autorise à l'unanimité la publication des documents annexés et de la position personnelle du rapporteur.
Je vous propose d'autoriser le secrétariat à procéder aux modifications de forme nécessaires à la publication.
Il en est ainsi décidé.
La réunion est close à 10 h 15.