Commission des affaires économiques

Réunion du 4 avril 2019 à 16h15

Résumé de la réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Nous avons le plaisir de recevoir aujourd'hui Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, Agnès Pannier-Runacher, qui nous dressera un premier bilan - très attendu - des négociations commerciales annuelles entre fournisseurs et distributeurs de produits alimentaires.

Cette loi repose sur deux mécanismes : une construction des prix agricoles en marche avant ; un ruissellement de l'aval vers l'amont, c'est-à-dire du distributeur au producteur, à travers la hausse de 10 % du seuil de revente à perte pour les produits alimentaires et un encadrement renforcé des promotions.

Pour cette construction curieuse, les négociations commerciales annuelles de 2019 sont le premier test grandeur nature. Lors des tables rondes organisées au mois de février devant notre commission, des inquiétudes étaient apparues. Nous avons les premiers retours et ils sont assez préoccupants.

Pour l'Association nationale des industries alimentaires (ANIA), 90 % des entreprises interrogées considèrent que la relation fournisseur-client s'est dégradée entre 2018 et 2019 ; 81 % déclarent que l'augmentation des coûts des matières premières n'a pas été prise en compte ; 77 % des fournisseurs sont confrontés à des demandes de déflation de principe par la grande distribution.

Certaines filières tireraient leur épingle du jeu comme le lait ou la pomme de terre. Mais la hausse des tarifs accordés couvre-t-elle la hausse des coûts de ces matières premières constatée sur les marchés en fin d'année dernière ?

Pour d'autres filières, la situation continue de se dégrader, notamment pour les produits frais non laitiers comme la charcuterie, une partie de la filière volaille ou certaines filières fruits et légumes. C'est d'ailleurs paradoxal puisque l'augmentation des marges sur les produits de grandes marques grâce au seuil de revente à perte (SRP) devait permettre d'améliorer la situation de ces produits.

Au total, pour l'ensemble des produits alimentaires, on constaterait - notez mon conditionnel - une déflation de 0,5 % pour les industries agroalimentaires en 2019. On serait donc loin d'un ruissellement réussi. Cet avis semble d'ailleurs partagé par votre collègue ministre de l'agriculture qui a dit hier devant notre assemblée : « Je ne crois pas, pour ma part, à la théorie du ruissellement ».

Quoiqu'il en soit, il est impératif que la situation s'améliore à court terme. Notre groupe de suivi de la loi Egalim travaille à bien mesurer, tout au long de son application, les effets de cette loi. Loin de toute considération médiatique, il n'arrêtera pas ses travaux dans six mois en rendant un rapport, mais poursuivra ses travaux avec un objectif de long terme : améliorer le revenu des agriculteurs. Si nous constatons que les effets de la loi n'atteignent pas les objectifs attendus, nous proposerons dès lors les correctifs nécessaires. Les premiers retours sur ces négociations nous invitent à être très vigilants.

Certes, nous attendons les résultats définitifs de l'Observatoire unique des négociations commerciales. Mais nous souhaiterions avoir un retour sur les premiers éléments chiffrés portés à votre connaissance sur ces négociations 2019. Vous présidez en effet avec Bruno Lemaire et Didier Guillaume le comité de suivi des relations commerciales qui devrait se saisir du sujet très prochainement.

Quelle est la tendance générale rencontrée sur les prix des contrats signés ? Quelles filières tirent leur épingle du jeu et quelles filières rencontrent davantage de difficultés ? Enfin, avez-vous constaté une évolution des pratiques commerciales ?

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances

La loi Egalim, adoptée le 30 octobre 2018, est un texte important pour les acteurs de notre économie, notamment nos agriculteurs et l'industrie agroalimentaire. Vous connaissez son esprit : rendre la valeur au producteur en favorisant une meilleure répartition de la valeur entre l'ensemble des acteurs, producteurs, transformateurs, distributeurs, conformément à ce qui était sorti des États généraux de l'alimentation. Pour le ministère de l'économie et des finances, cela s'est traduit par deux mesures phares : l'encadrement des promotions et le relèvement du seuil de revente à perte.

La mise en oeuvre de cette loi a été rapide : l'ensemble des textes relevant du ministère de l'économie ont été pris ou sont en cours d'examen par le Conseil d'État. L'encadrement des promotions en valeur est en vigueur depuis le 1er janvier 2019 et le relèvement du seuil de revente à perte est effectif depuis le 1er février 2019 ; l'encadrement des promotions en volume est applicable à tous les contrats au plus tard à compter du 1er mars - donc à l'ensemble des négociations qui ont eu lieu durant l'hiver 2018-2019 ; la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a publié début février des lignes directrices pour expliciter l'application de ces nouvelles dispositions ; sont enfin en cours d'examen par le Conseil d'État et devraient être prochainement publiés le projet d'ordonnance relatif au prix abusivement bas et le projet d'ordonnance modifiant le titre IV du livre IV du code de commerce.

Ces mesures déjà en vigueur sont-elles efficaces ? Il est évidemment trop tôt pour le dire. Comme vous le savez, l'encadrement des promotions et le relèvement du seuil de revente à perte sont des dispositifs expérimentaux pour une période de deux ans, dont le but est de permettre une meilleure rémunération des agriculteurs sans induire d'effets inflationnistes trop importants pour les consommateurs. On ne juge pas au bout de deux mois l'efficacité d'un dispositif expérimental mis en place pour deux ans. L'efficacité de ces mesures, et donc le bien-fondé de leur pérennisation, devraient être évalués dans la durée ; le Gouvernement le fera avec l'appui d'économistes et d'experts reconnus et se réjouit de votre suivi attentif.

L'année 2019 sera consacrée au contrôle de la bonne application de ces dispositions et à une évaluation de son efficacité : 6 000 contrôles de la bonne application du dispositif d'encadrement des promotions sont prévus par la DGCCRF, dont 1 300 ont déjà eu lieu. Les acteurs de la filière agroalimentaire semblent commencer à s'approprier les nouveaux dispositifs : on relève des changements, notamment sur des produits où les producteurs sont directement concernés, comme le lait. On peut voir le verre à moitié vide et déplorer que ce soit le seul exemple avec la pomme de terre ; on peut aussi voir le verre à moitié plein et se réjouir que ce secteur qui a connu une situation économique difficile ces dernières années ait su s'engager dans une dynamique vertueuse de contractualisation entre agriculteurs, transformateurs et distributeurs.

Les 300 contrôles menés sur la qualité des négociations commerciales livrent une tendance également plus positive. De l'aveu même des négociateurs côté transformateurs, les distributeurs auraient adopté un comportement moins agressif, surtout avec les PME : les demandes de déflation des distributeurs sont près de deux fois plus faibles que l'année dernière. Les segments des produits frais en libre-service, comme les produits laitiers ou les fruits et légumes, avec une hausse de prix de 0,90 %, et les PME, avec plus 0,71 %, semblent avoir particulièrement bénéficié de cette évolution, alors même qu'ils représentent le coeur de l'objectif de la loi Egalim. C'est un signal positif, mais nous avons besoin de continuer à contrôler et à encadrer ; Didier Guillaume a raison, le ruissellement ne se fera pas naturellement, il faudra qu'il soit sollicité, appuyé et contrôlé par l'État.

Des comportements condamnables sont toujours à déplorer mais tous les manquements seront sanctionnés. Le Gouvernement est pleinement déterminé à faire respecter l'ordre public économique.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

Le Sénat avait souhaité améliorer le texte et nous regrettons que le travail parlementaire n'ait pas pu aboutir autant que nous le souhaitions. Vous avez raison, ce n'est pas en trois mois qu'on peut évaluer cette loi. C'est pourquoi ce groupe de suivi va travailler sur trois ans.

Sur l'ensemble de vos contrôles, combien de déréférencements les entreprises ont-elles subi ? On ne l'évoque pas beaucoup, mais cette pratique continue.

Même s'il y a effectivement des signaux sur le secteur laitier, ils ne sont pas aussi puissants que l'embellie que vous laissez imaginer, surtout concernant les marques de distributeurs (MDD). Pouvez-vous nous apporter des réponses très concrètes, à la fois sur les négociations commerciales pour les MDD et sur la montée en gamme ?

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Duplomb

Plus d'un an après le discours d'Emmanuel Macron à Rungis, qui avait mis un peu de baume au coeur des agriculteurs qui ont eu le tort de le croire, nous devons faire un constat imparable et factuel : l'année 2017-2018 a engendré pour les éleveurs une baisse de revenus de 1 800 à 3 500 euros par unité de main d'oeuvre (UMO). Le plus lourd tribut a été payé par ceux qui ont effectué la montée en gamme que vous souhaitiez, comme l'agriculture biologique, avec une baisse de 8 900 euros. La montagne - un secteur qui devrait être protégé pour garder une agriculture sur la totalité des territoires - n'y échappe pas, avec une baisse de 6 000 euros. Ces baisses sont liées à une augmentation très forte des charges et par la sécheresse de 2018.

Sur Egalim, ce que nous disent les entreprises, c'est que plus des trois quarts d'entre elles ont dû concéder encore une fois une baisse des tarifs à la grande distribution : ils demandaient en moyenne plus 3, et ils ont eu moins 1 ! Si c'est faux, c'est que ceux qui le disent sont des menteurs !

Les grandes et moyennes surfaces (GMS) - ma collègue Anne-Catherine Loisier vous le confirmera - ont augmenté de 10 % leurs cartes de fidélité, de façon à ne pas perdre leurs clients. Sur ces 10 %, 3 points iront à leurs marges et les 7 points restant serviront à favoriser les marques distributeurs. Or ce sont les marques d'entreprises qui font la valeur ajoutée de nos entreprises territoriales, qu'elles soient coopératives ou privées, et qui valorisent le prix des producteurs. Tout cela ne fera que mettre encore un peu plus l'agriculture française à la botte des grands de la grande distribution...

Dernière chose, dont j'ai parlé à la directrice de la concurrence : les GMS sont en train de s'organiser au niveau européen de façon à rétribuer une partie de ces 10 % aux grandes marques, qui négocieront non plus au niveau national mais au niveau européen et bénéficieront aussi de leur part du gâteau - il est bien normal que Coca-cola récupère une part de l'augmentation des prix, qui devaient normalement bénéficier uniquement aux agriculteurs...

Enfin, il est anormal de ne parler que du titre premier de la loi. N'oublions pas que le titre II, c'est une nouvelle stigmatisation des agriculteurs - qui se trouvent déjà dans une situation psychologique suffisamment compliquée -, c'est une augmentation des charges que nous constatons dès cette année par une baisse du revenu, c'est l'interdiction des rabais, remises et ristournes sur les produits phytosanitaires, c'est une augmentation de 100 millions d'euros de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), c'est la séparation du conseil et de la vente, qui fera augmenter le prix du conseil aux agriculteurs.

Si ruissellement il y a, c'est celui de l'orage en plein été, c'est-à-dire l'érosion, l'érosion de notre agriculture et de nos agriculteurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Janssens

Depuis la mise en oeuvre de la loi Egalim et des ordonnances liées à la fixation des prix, le climat s'est dégradé entre les producteurs et les distributeurs : aux tensions habituelles liées aux négociations commerciales s'est ajouté un vrai doute sur le respect des règles du jeu fixées par la loi. Le gouvernement a mis en place un mécanisme de redistribution par ruissellement, qui devait garantir un prix plus juste aux producteurs, certes, mais en réalité, il a créé une confusion dommageable pour tous les acteurs. La DGCCRF explique qu'elle sera extrêmement vigilante sur le contrôle des mauvaises pratiques et qu'elle sanctionnera les contournements de la loi, mais comment s'assurer qu'elle en aura véritablement les moyens ? En déconnectant le revenu du producteur du fruit de sa production, on risque de mettre en place un énième mécanisme de soutien qu'il sera facile d'oublier ou de contourner dès que nos paysans ne feront plus la une de la presse. Il est temps de mettre en place des moyens concrets et de long terme pour une juste rémunération de ceux qui nous nourrissent ; il est temps d'en faire un enjeu national.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Louault

Petit témoignage : près de chez moi, en Touraine, lorsque la petite coopérative agricole laitière qui fabrique des produits plutôt haut de gamme a renégocié les prix avec les GMS début janvier, elle n'a pas obtenu un centime d'augmentation. Au 1er mars, elle a constaté que le prix de tous ses produits avait augmenté de 3 à 5 % : la loi Egalim est devenue un prétexte pour faire monter les prix sans le moindre retour auprès des éleveurs. Ne nous faisons pas d'illusions : ce sont des gens qui ne travaillent que sous la contrainte de sanctions. Si nous l'oublions, les agriculteurs se feront toujours berner par des géants de la distribution qui sont au minimum en entente et quelquefois en situation de monopole.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Tissot

Vous prévoyez 6 000 contrôles et vous en avez effectué 1 300 ; quels sont les types de contrôles qui ont été effectués, et où ? Dans quelle mesure pourrions-nous avoir les résultats de ces contrôles ? Si nous attendons deux ans, cela sera peut-être trop tard. Si nous avions les résultats avant, nous pourrions réorienter les décisions.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Écoutons maintenant M. Michel Raison et Mme Anne-Catherine Loisier, qui furent les deux rapporteurs de la loi Egalim.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Raison

Depuis 2003, je suis de très près les dossiers des relations entre fournisseurs et distributeurs : je suis arrivé à la conclusion qu'il ne fallait plus toucher à la loi, pour faciliter la tâche de la DGCCRF ; à chaque fois qu'on la modifie, les grands distributeurs trouvent une nouvelle solution pour la contourner, on en a encore la preuve, cette fois-ci. Le sujet est moral, or la loi n'a jamais réglé les problèmes moraux.

Deuxième remarque, les agriculteurs ne vendent pas tous leurs produits à la grande distribution ; c'est donc un peu facile de prendre la grande distribution comme bouc-émissaire de la baisse du revenu agricole : c'est le meilleur moyen de ne pas régler les autres problèmes. Le revenu agricole n'est pas fait non plus que du prix du produit agricole.

La hausse du SRP tend à valoriser les grandes marques en assurant aux distributeurs une meilleure marge sur ces produits, qu'il s'agisse du Nutella ou du Ricard, et cela se fait au détriment de nos PME et en particulier des fabricants de MDD - ces mêmes PME qui ont dû consentir cette année une baisse de leurs prix nets souvent sans contrepartie, puisque les commerçants ont décidé de réduire leur assortiment. Il y a toujours des effets pervers et entre une baisse des volumes et une baisse de prix, les industriels connaissent une double peine, voire une triple peine avec une hausse très inquiétante des pénalités, comme par exemple pour les produits sous signe de qualité. Que peut faire la DGCCRF contre ces actions ? Entrent-elles dans le champ du déséquilibre significatif ?

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Catherine Loisier

Le pouvoir de négociation des centrales d'achat n'a jamais été aussi fort. Lundi dernier, par exemple, la DGCCRF a constaté que de 2013 à 2015, la centrale d'achats Leclerc avait imposé une remise additionnelle de 10 % à une vingtaine de ses fournisseurs pour des produits qui étaient l'année précédente également commercialisés par un concurrent. Vous avez rapidement réagi et pris une position claire en demandant une amende de plus de 100 millions d'euros pour sanctionner ces pratiques. Pouvez-vous nous en dire plus ? Comment les négociations commerciales se sont-elles déroulées ? Qu'en est-il des autres mécanismes abusifs pratiqués ouvertement et de manière immorale par un certain nombre de grands distributeurs qui remettent en cause la crédibilité de la loi de notre dispositif ? Je ne peux pas résister à l'envie de vous montrer ceci (Mme Anne-Catherine Loisier brandit un prospectus indiquant 10 % de réduction avec une carte de fidélité), qui circule largement : voilà où nous en sommes, après des mois de discussions Egalim...

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Cabanel

Cette loi avait pour but d'enrayer la guerre des prix que se font les distributeurs. Cela a-t-il réussi ? Elle habilitait le Gouvernement à prendre des ordonnances sur la coopération ; or sur la question des prix abusivement bas, vous souhaitez rapprocher les coopératives des entreprises. Il serait injuste de les assimiler, car si elles vendent les produits des coopérateurs, elles ne les leur achètent pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Montaugé

Quelle est la méthode d'analyse et d'évaluation que vous allez suivre ? Il serait utile et éclairant de reconstruire les chaînes de valeur, de mettre en évidence les différents points de création de valeur par filière, par territoire, par type de structure, par type d'exploitation, selon que le produit passe par une coopérative ou non, selon le type de commercialisation. Il serait intéressant de constater par exemple que les circuits courts génèrent plus de valeur et plus de retour de valeur que des circuits plus longs - même si tous les produits ne peuvent évidemment pas se vendre sur ce modèles. Comment conduirez-vous cette évaluation, afin que nous puissions en tirer des modifications de ce texte qui ne nous paraît pas d'emblée répondre aux objectifs fixés ?

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Vous avez cité la politique de contractualisation. Celle-ci a été mise en place après la nuit de l'élevage à l'initiative du président Larcher au moment de la crise du lait. Nous avions voté peu après une loi qui avait permis à la filière lait d'entamer le travail qui donne aujourd'hui ses fruits, travail renforcé par la loi Egalim.

On parle beaucoup de partage de la valeur, mais encore faut-il savoir où elle est, et s'il en reste. J'ai bien peur qu'elle ne soit plus nulle part. La vraie question qui vaille - et ne me parlez pas de montée en gamme - c'est comment recréer de la valeur, y compris sur les produits de base ?

Comme l'a dit M. Laurent Duplomb, l'amélioration du revenu des agriculteurs dépend à la fois du prix de vente et des charges qui pèsent sur l'entreprise. Si nous avons aujourd'hui des outils en train d'être mis en place pour mesurer l'évolution des prix, qu'en est-il de la surveillance des charges ?

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État

Comment se sont déroulées les négociations ? L'Ania elle-même parle d'une déflation de moins 0,5 % en 2019, pas de moins 1 % ; 49 % des entreprises ont signé en déflation : cela signifie qu'une sur deux a des prix en inflation, et une sur deux en déflation. Nos chiffres sont fondés sur à peu près 300 contrôles qui ont été menés sur l'ensemble du territoire et qui ont visé 150 PME, 115 entreprises de taille intermédiaire (ETI) et plus d'une vingtaine de très grandes entreprises - ayant plus d'un milliard d'euros de chiffre d'affaires - et ce dans toutes les régions de métropole. Nous constatons une tendance légèrement déflationniste de - 0,27 % par rapport à une entame de négociation de déflation qui était à - 1,9 % en 2019, contre - 3 % en 2018.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État

Il faut être prudents : certains peuvent entamer sur une déflation basse mais demander en fait beaucoup de contreparties... Lorsqu'on regarde plus en détail, on s'aperçoit qu'il y a effectivement un secteur qui a tiré son épingle du jeu : le frais en libre-service, dont la moyenne d'évolution des prix est aux alentours de + 1 %, avec une très bonne appréciation du comportement des acheteurs et une bonne appréciation des comportements des contreparties négociées. Mais la façon dont se sont passées les négociations est variable en fonction de la taille des acteurs et du secteur d'activité, ou du type de produit qu'il offrait. Les entreprises qui ont eu les négociations les plus difficiles sont plutôt les plus grosses et plutôt les entreprises spécialisées dans les spiritueux... L'appréciation du comportement est très dégradée comme l'appréciation des contreparties - il y a donc une homogénéité des comportements.

La situation a donc été globalement meilleure pour les transformateurs proches des agriculteurs que pour les grands groupes - même si vous trouverez toujours un contre-exemple. C'est ce qui ressort des enquêtes menées en direct avec les sociétés en question.

La deuxième étape des contrôles consiste désormais, grâce aux résultats issus de la première phase qui nous donne des éléments d'analyse de risques, à pratiquer, là où nous pensons pouvoir trouver des pratiques abusives, des contrôles ciblés sur la base des contrats qui ont été signés et de toute la documentation, y compris les échanges de mails.

Oui, il y a eu des pratiques de déréférencement, mais elles ne peuvent pas être chiffrées : vous pouvez retirer quelques références, les retirer de temps en temps, les retirer deux semaines avant de les faire revenir... ce n'est pas nouveau.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État

Ce ne sera chiffrable que quand on descendra dans une société où on pourra en mesurer l'impact. Nous avons des retours d'appréciation du comportement qui vont de « très bons » à « dégradés ». Ils sont donc très hétérogènes. Par rapport à l'objectif, nous avons fait bouger les lignes, puisque ce sont les secteurs qui sont le plus proches du revenu des agriculteurs qui ont bougé positivement et puisque ce sont les PME qui ont été les mieux traitées.

Les MDD sont parfois produits par des groupes qui font aussi des marques : dans le secteur de de l'huile alimentaire, par exemple, le groupe qui commercialise Lesieur, Puget et Carapelli fait également toute une partie de son chiffre d'affaires en MDD. Pour faire la différence, il faudrait séparer dans le chiffre d'affaires ce qui relève de la MDD de ce qui relève des grandes marques : ce n'est pas net. Il y a de plus deux types de MDD : celle produite sur la base d'un cahier des charges partagé avec la GMS, où vous pouvez avoir une construction du prix, et celle en marque blanche avec un cahier des charges général - première pression à froid ou pas - et une bouteille en plastique sur laquelle est collée une étiquette avec la marque du distributeur, où l'intervention dans la négociation n'est pas une construction mais une co-construction.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État

Le SRP ayant été mis en place au 1er février, je suis certaine que la GMS a fait sa pelote, mais une pelote sur très exactement deux mois et quatre jours. Je rappelle que c'était une demande formelle des agriculteurs au moment des États généraux de l'agriculture, avec l'idée que cela permettrait d'envoyer un signal prix et d'avoir un report sur des marques qui bénéficieraient le plus aux agriculteurs.

Oui, monsieur Janssens, le revenu agricole est un enjeu national.

L'évolution des prix pour le consommateur du SRP a été de plus 0,6 % en février, avec effectivement des produits d'appel qui ont vu leur prix augmenter - ce qui n'est pas forcément une mauvaise chose, parce que ça fait de la place pour les MDD : lorsque les voitures de luxe sont à 10 000 euros, vous aurez du mal à vendre à ce prix une voiture qui n'est pas une voiture de luxe.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État

Nous avons effectué des contrôles sur les promotions, sur le SRP et sur les négociations commerciales.

Sur les promotions, les premiers contrôles ont été pédagogiques et éventuellement assortis d'avertissements ; nous avons maintenant à notre disposition quatre possibilités de sanctions. Si nous constatons pour la deuxième fois des tentations de contournement notamment par le cagnottage et les cartes de fidélité, cela donnera lieu à des sanctions. Celles-ci sont assez automatiques puisque ce sont des sanctions administratives qui ne passent pas par le juge.

Merci, monsieur Raison, d'avoir rappelé que le revenu agricole ne dépend pas que de la GMS et que la stabilité de la loi est importante. Concernant les pénalités abusives notamment sur la logistique, nous avons publié un guide le 7 février. Nous y avons été d'autant plus attentifs que dans le cadre de la crise des gilets jaunes, il y a eu d'authentiques problèmes de livraison et que les routiers et les producteurs subissaient des pénalités un peu trop automatiques. Nous surveillons deux types de pratiques : les niveaux de service inatteignables, comme 100 % des livraisons à l'heure, et les pénalités qui tombent à partir de 30 minutes de retard.

Vous l'avez relevé, Leclerc applique un abattement complémentaire de 10 % sur le prix qui nous a conduits à porter la situation devant le juge. Nous avons réclamé que 83 millions d'euros soient reversés aux entreprises qui ont payé plus 20 millions de pénalités. Nous n'avons pas d'éléments nouveaux à vous communiquer sur cette affaire en cours.

Sur la guerre des prix, il faut avoir en tête que le secteur de la grande distribution est en transformation, qu'il est lui-même sous pression du e-commerce et qu'il n'y a pas tellement de richesse à distribuer. Sur les coopératives et les prix abusivement bas, la discussion est en cours ; le gouvernement sait bien que le modèle coopératif a des spécificités, mais il peut être amené à devoir protéger les producteurs contre des comportements qui pourraient s'apparenter à ceux des sociétés commerciales.

Vous avez raison, monsieur Cabanel, il faut reconstruire l'échelle de valeur ; c'est parce qu'il l'a fait que le secteur du lait a été capable de conclure des contrats de moyen terme avec des augmentations de prix. Didier Guillaume reviendra vous en parler avec plus de détails, mais il faut que chaque filière s'organise pour effectivement fournir des éléments sur son prix de revient - car il faut de la transparence sur toute la chaîne. Certaines filières commencent à s'organiser sur le sujet : la pomme de terre, les fruits et légumes vont plus vite que le porc, où il y a une tentation pour écraser la valeur. Nous n'avons pas encore pu faire une analyse par territoire, par type d'exploitation et par type de circuit de distribution.

Didier Guillaume vous éclairera sur l'évolution des charges car, en effet, le revenu des agriculteurs en dépend aussi. Il ne faut donc pas mettre trop de contraintes sur les agriculteurs pour leur permettre de faire face à l'évolution des prix à la fois des intrants et de leur production.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

Je sais que l'exercice n'est pas facile. Mais ouvrez les yeux : la montée en gamme à laquelle on assiste apporte des charges nouvelles, mais pas de revenu supplémentaire. Je peux citer de nombreux exemples comme celui que j'ai cité hier en séance. Ce ne sont pas les paysans qui sont à la manoeuvre, mais les GMS. Les paysans n'ont pas d'autre choix : soit vous êtes capables de suivre, soit vous disparaissez. Nous avons le même problème pour les MDD.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État

Si vous connaissez des pratiques abusives, signalez-les nous !

Concernant la montée en gamme, il faut noter que le label rouge peut donner plus de valeur au producteur, plus que sur le bio, qui pose des problèmes de non-continuité. Les producteurs préfèrent donc se positionner sur le label rouge, même lorsqu'ils sont bio. Les consommateurs sont prêts à le payer.

Il y a un vrai travail à faire sur certains labels à forte valeur ajoutée. Attention cependant au développement des micro-labels - « issus de tel territoire » ou « élevés comme cela » - sur lesquels la DGCCRF doit contrôler la réalité de la promesse marketing, car ils peuvent faire croire à du qualitatif alors que la valeur n'est pas prouvée. De la même façon, nous sommes attentifs à la dénomination « équitable » ou « santé ».

Cela parlera sans doute à des élus de la Nation proches des collectivités : il y a un travail à faire sur les cahiers des charges des marchés publics des cantines pour privilégier les circuits courts. J'ai demandé à la direction des affaires juridiques du ministère de l'économie et des finances qu'elle prépare des clauses toutes prêtes pour privilégier de tels approvisionnements. Cela permet de surcroît de travailler sur les questions de gaspillage.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Buis

Il existe un outil pour cela, Agrilocal, lancé par le département de la Drôme, que 36 départements utilisent désormais. J'étais gestionnaire de collège... je peux vous dire que cela marche très bien. On pourrait l'étendre aux hôpitaux ou aux établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad)...

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

M. Gremillet le dit bien : si la demande va sur la montée en gamme, l'essentiel des volumes n'est pas concerné ; n'oublions pas ces produits. La montée en gamme occasionne des charges supplémentaires pour les agriculteurs ; il faut bien s'assurer que le résultat est positif en bas à droite de la page...

Sur les cantines, c'est un processus entamé depuis plusieurs années dans les collectivités. Je remercie la DGCCRF de tout ce qu'elle pourra faire pour faciliter la vie des maires, et notamment ne pas attaquer les maires qui ont choisi d'acheter local...

Nous poursuivrons ce travail au long des prochains mois et des prochaines années. Merci de votre présence.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État

Sur les cahiers des charges des marchés publics, le message est passé. Vous parlez de la Drôme... Je crois qu'un certain Didier Guillaume connaît très bien ce dispositif qui nous inspire.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Notre commission a mis en place un groupe de suivi sur la stratégie industrielle de l'Union européenne, en commun avec la commission des affaires européennes, qui devrait entamer ses travaux prochainement et se pencher sur les pistes d'évolution du droit européen de la concurrence, au regard des enjeux de politique industrielle.

Je vous propose qu'Alain Chatillon, familier de ces sujets pour avoir présidé l'an passé la mission d'information sur Alstom et la stratégie industrielle du pays, assume les fonctions de vice-président et co-rapporteur du groupe.

Monsieur Alain Chatillon est désigné vice-président et co-rapporteur du groupe de suivi sur la stratégie industrielle de l'Union européenne.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 17 h 15.