Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation

Réunion du 6 novembre 2019 à 16h35

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • PIA
  • actionnaire
  • cession
  • investissement

La réunion

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Victorin Lurel

L'exercice auquel je me livre pour la troisième année est, vous le savez, très particulier. Il me revient de vous éclairer sur un pan entier de l'action publique, à savoir l'État actionnaire et son portefeuille représentant pas moins de 110 milliards d'euros, à partir d'un vecteur budgétaire quelque peu baroque. Deux éléments motivent cette appréciation.

D'abord, la lisibilité du compte est fortement réduite par son périmètre large. Il ne retrace pas uniquement les opérations de l'État actionnaire, conduites par l'Agence des participations de l'État (APE), mais porte également d'autres opérations en capital, à l'instar des versements au titre des programmes d'investissements d'avenir. Vous trouverez des éléments à ce sujet dans mon rapport : en 2018, plus d'un quart des dépenses du compte n'a aucun lien avec l'État actionnaire.

Ensuite, la capacité d'action du Parlement est foulée aux pieds de la confidentialité des opérations de cessions. Soyons réalistes : il ne serait ni souhaitable, ni même envisageable que les cessions fassent l'objet d'une prévision comme pour toute autre opération budgétaire. Pour autant, faire examiner au Parlement un montant conventionnel de crédits et attendre la loi de règlement pour constater l'exécution a posteriori revient à reléguer la représentation nationale à une chambre d'enregistrement.

Nous ne sommes pas, mes chers collègues, des poinçonneurs ! Des propositions existent pour définir un meilleur équilibre des pouvoirs dans l'examen du compte : j'ai moi-même eu l'occasion d'en formuler l'an dernier.

Ces réserves préliminaires posées, j'en viens à la présentation du compte pour 2020. Comme l'an dernier, le montant conventionnel proposé est majoré pour tenir compte des cessions autorisées par la loi « Pacte » et s'élève à plus de 12 milliards d'euros en recettes et en dépenses. Il intègre une contribution au désendettement de l'État d'un montant de 2 milliards d'euros, identique à celui prévu pour 2019 - j'y reviendrai.

L'année 2020 sera donc marquée par la concrétisation de la loi « Pacte » et les deux cessions qu'elle autorise pour la Française des jeux et Aéroports de Paris.

Vous apprécierez l'à-propos de notre calendrier d'examen budgétaire : l'intense campagne de publicité conduite par le Gouvernement vous aura permis de ne pas passer à côté, l'introduction en bourse de la Française des jeux débute dès demain et se terminera le 20 novembre prochain. Toutes les conditions sont réunies pour une cession rapide, sans doute d'ici à la fin du mois. Je me tiens prêt à répondre à vos questions sur ce sujet.

La donne est différente pour Aéroports de Paris, à tous points de vue. Le Gouvernement se fait plus discret sur le processus de recueil des soutiens à la proposition de loi déposée en application de l'article 11 de la Constitution. Initiée le 13 juin dernier, elle doit se poursuivre jusqu'à la mi-mars 2020, le projet de cession étant entretemps suspendu. Certes, le point d'étape à mi-parcours laisse augurer que le seuil requis ne sera pas atteint. Le Gouvernement devra alors décider de la forme que prendra l'opération, ce qui déterminera la structure actionnariale ultérieure de l'entreprise.

Les discussions ont été enflammées sur ces différents projets. Le Sénat a exprimé son opposition.

Au-delà des débats relatifs au caractère stratégique de ces actifs, laissez-moi vous faire part de leurs conséquences budgétaires. Les dividendes seront perdus, ce qui représente une perte de recettes annuelle d'environ 200 millions d'euros pour le budget général. Voilà qui renforcera une tendance de fond : entre 2012 et 2019, les dividendes perçus par l'État ont été divisés par deux.

Surtout, ces cessions réduiront fortement les marges de manoeuvre de l'État actionnaire. Depuis son entrée en fonction, le Gouvernement a asséché le solde du compte de 60 %. Il atteint un seuil historiquement bas, qui risque d'assujettir l'État actionnaire à l'État gestionnaire.

Le B.A.-BA de tout gestionnaire d'actif tient à la diversification du portefeuille. L'exécutif semble l'avoir oublié : les cessions vont accentuer encore davantage la concentration de notre portefeuille sur les valeurs énergétiques, qui en représentent près de la moitié.

Pour qualifier sa stratégie, le Gouvernement convoque un élément de langage en parlant de « respiration » du portefeuille. Je suis désolé d'être brutal, mais j'y vois plutôt le dernier souffle de l'État actionnaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Victorin Lurel

Pourtant, les défis à relever seront nombreux et cruciaux pour l'avenir de notre pays - je pense en particulier à la transition énergétique et à ses conséquences pour EDF. L'entreprise fait face à des difficultés importantes, ce qui porte fortement atteinte à la performance du portefeuille de l'État. Le Gouvernement attend de l'entreprise qu'elle fasse des propositions de réorganisation au cours du premier semestre 2020. La question essentielle tient à la refonte de la régulation du nucléaire. Je sais les inquiétudes que suscite ce projet, comptez sur moi pour être vigilant.

De ce point de vue, je ne peux cautionner le choix du Gouvernement de mobiliser le compte pour le désendettement de l'État. Certes, je mesure le caractère symbolique de cette contribution. Mais le symbole ne doit pas s'opérer à rebours des intérêts patrimoniaux de l'État alors que les conditions de marché sont exceptionnelles. Permettez-moi de citer un ancien ministre, qui indiquait en 2016 devant notre commission que « patrimonialement, ce serait se tirer une balle dans le pied que d'utiliser le capital du compte pour se désendetter ». Entretemps, l'ancien ministre a quitté Bercy pour l'Élysée et son regard a, semble-t-il changé, alors que le contexte macroéconomique demeure similaire.

Quel est le risque ? Une utilisation opportune du compte, en faisant fi des considérations patrimoniales. La dette publique tutoie désormais le seuil hautement symbolique des 100 % du PIB. La contribution au désendettement prévue explique à elle seule le reflux de 0,1 point de PIB du ratio attendu par le Gouvernement en 2020. Aussi, je vous propose un amendement pour réduire la contribution au désendettement de 2 milliards d'euros à 1 milliard d'euros, montant traditionnellement inscrit sur le compte au stade du projet de loi de finances.

Je terminerai mon propos par quelques remarques sur le fonds pour l'innovation et l'industrie. C'est, vous le savez, l'objectif des cessions : doter un fonds pour l'innovation de rupture à hauteur de 10 milliards d'euros. Dans l'attente, il bénéficie d'une dotation transitoire, intégrant des titres EDF et Thalès confiés par l'État, ce qui lui permet d'être effectif en 2019.

Vous êtes nombreux dans cette commission à avoir parcouru le projet de loi de finances à la recherche du « budget vert ». Je dois concéder que je ne saurai vous éclairer sur ce point. En revanche, je suis en mesure de vous faire part de « l'usine à gaz » budgétaire que met en oeuvre le Gouvernement. Le schéma que je vous propose dans mon rapport atteste de la complexité du mécanisme, comme me l'a concédé Martin Vial.

L'enrobage est volontiers moderniste, convoquant nombre d'anglicismes pour étayer ce qui reste une opération de débudgétisation, au détriment des capacités d'analyse du Parlement. Surtout, ses conséquences sont préjudiciables aux finances publiques. En 2019 et 2020, le versement en actions du dividende d'EDF conduira l'État à racheter au fonds les actions perçues par le fonds au titre de son dividende. Ce sont ainsi 125 millions d'euros qui seront déboursés de façon inutile par le budget général. Dans un contexte budgétaire contraint, cela vient grever les marges d'action de véritables politiques publiques.

Sous réserve de l'adoption de l'amendement que je vous propose, je vous recommanderai d'adopter les crédits du compte.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

Ce sont des sujets complexes, avec des milliards d'euros en jeu. Comment est gérée l'APE ? Quels sont ses effectifs ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

Quel montant le Gouvernement attend-il de la cession de ses parts dans la FDJ ? Les perspectives de valorisation semblent bonnes. Pourquoi le Fonds pour l'innovation et l'industrie ne ferait-il pas recette ? Quant à votre amendement : à quoi servirait le milliard réaffecté ?

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

Votre rapport évoque un projet de scission d'EDF en deux entreprises. En quoi cela améliorerait-il la situation ? Quel intérêt pour l'État actionnaire ?

Debut de section - PermalienPhoto de Victorin Lurel

Oui, c'est un sujet complexe, et une usine à gaz, comme l'a reconnu Martin Vial lui-même. J'avais fait des propositions sur le statut de l'APE. Son personnel, qui compte une cinquantaine de personnes, dépend d'un programme de la mission « Économie ». Il faut revoir cette présentation du compte, qui permet des débudgétisations et met le Parlement à l'écart pour améliorer la présentation des crédits tout en préservant la confidentialité des opérations.

L'État fait une grosse publicité pour améliorer la valorisation de la FDJ, qui n'est pas cotée. La commission des participations et des transferts fixera le prix plancher en-deçà duquel l'entreprise ne pourra être cédée ; la recette pour l'État devrait s'élever à environ 2 milliards d'euros. La presse dit que la plupart des privatisations ont échoué car l'État avait vendu au plus haut. Il est vrai que le contexte va changer : l'organisation de la régulation va évoluer, le régime fiscal de la nouvelle société va être adapté.

Le Fonds pour l'innovation et l'industrie est un objet complexe, sa dotation en numéraire doit atteindre 10 milliards d'euros à terme. Pour l'instant, il a été doté à titre temporaire de 1,6 milliard d'euros en numéraire, et du complément sous forme de titres EDF et Thalès confiés par l'État. Sa dotation en numéraire est censée rapporter 2,5 %, taux calqué sur celui des OAT à 50 ans - même si ce taux n'a jamais été de 2,5 % mais plutôt, en moyenne, de 1,7 %. En fait, l'État a retenu un taux très au-dessus du marché. De plus, l'arrêté précise qu'un processus de révision interviendra en 2023, ce qui pourrait conduire à constater un trop-perçu de 400 millions d'euros. Voilà qui est contraire à l'objectif de cette usine à gaz, censée garantir la rapidité et la stabilité ! On aurait pu faire plus simple avec des crédits budgétaires - mais ceux-ci sont contrôlés par le Parlement, alors que celui-ci n'est pas représenté au conseil de l'innovation, instance ad hoc créée en 2018.

Autre astuce : consacrer deux milliards d'euros pour maintenir le ratio d'endettement en-dessous de 100 %. En 2018, aucune contribution effective au désendettement de l'État n'était intervenue, à l'exception de 100 millions d'euros utilisés pour désendetter le CEA auprès d'Areva. Pour répondre à Michel Canévet, le milliard d'euros que mon amendement propose de récupérer sur la contribution au désendettement servira à abonder la trésorerie du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État », dont le niveau n'a jamais été si faible. L'État actionnaire, qui se doit de défendre les intérêts de la France, cède le pas à l'État gestionnaire : il a rigidifié son portefeuille, au risque de trop dépendre du secteur énergétique et de perdre en autonomie et en contrôle. C'est pourquoi je vous propose un amendement destiné à redonner à l'État actionnaire des marges de manoeuvre.

Nous avons entendu des représentants de la direction d'EDF. Ils travaillent, dans le cadre d'un rapport au Gouvernement, sur la régulation nucléaire et sur la reconversion stratégique de l'entreprise. Les salariés se sont émus du risque de démantèlement de la société. Nous avons été rassurés sur ce point, mais la restructuration durable de l'entreprise n'est envisageable qu'à la condition de réviser la loi du 7 décembre 2010 relative à la nouvelle organisation du marché de l'électricité, dite NOME. Le prix imposé du kilowattheure à 42 euros pour l'électricité nucléaire historique, en-deçà du prix de revient pour EDF, prive l'entreprise de moyens pour assurer sa compétitivité et disposer de marges de manoeuvre pour financer la transition énergétique.

L'amendement n° 1 est adopté.

La commission décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État », sous réserve de l'adoption de son amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

J'ai découvert avec un grand intérêt le programme d'investissements d'avenir (PIA), dossier modeste mais passionnant géré par une équipe ad hoc d'une trentaine de personnes rattachée aux services du Premier ministre. Le troisième PIA a été lancé en loi de finances initiale pour 2017 et été doté de 10 milliards d'euros. Il a été intégré, en 2018, au Grand plan d'investissement.

Le PIA 3 succède aux PIA 1 et 2, qui représentaient respectivement 35 et 12 milliards d'euros, soit une enveloppe globale de 57 milliards d'euros. Le premier PIA avait été lancé en 2010, au lendemain de la grande crise financière, inspiré par le rapport commis par Alain Juppé et Michel Rocard qui proposait, pour augmenter le potentiel de croissance de l'économie française, de mobiliser massivement l'investissement public en faveur de projets ciblés, principalement dans les domaines de la recherche, du numérique, de l'industrie et du développement durable.

La mission « Investissements d'avenir », qui retrace les crédits du PIA 3, est un peu particulière à plusieurs titres. D'abord, contrairement aux autres missions, nous ne nous prononçons que sur des crédits de paiements, car les autorisations d'engagements ont été votées, sans aucun crédit de paiement, lors de la loi de finances pour 2017. Notre collègue Albéric de Montgolfier, en qualité de rapporteur spécial, avait alors critiqué avec justesse ce qui constituait une « astuce de budgétisation » reportant sur les exercices ultérieurs tout impact sur le déficit et la dette publics. Ensuite, les crédits de paiement sont intégralement versés à des opérateurs chargés de la mise en oeuvre opérationnelle des actions du PIA : Bpifrance, l'Agence nationale de la recherche (ANR), la Caisse des dépôts et consignations et l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe). Sous le contrôle de l'État, et plus précisément du Secrétariat général pour l'investissement, ils lancent des appels à projets, instruisent les candidatures en vue de leur sélection par un jury indépendant puis, sous réserve d'une décision de financement favorable de l'État, accompagnent les projets sélectionnés. Enfin, les crédits sont versés aux opérateurs sous plusieurs formes, en fonction des actions et du niveau de maturité des projets visés : dotations décennales, subventions, avances remboursables ou dotations en fonds propres. L'année dernière, notre collègue Christine Lavarde a produit un rapport de contrôle très instructif sur les mérites des avances remboursables, particulièrement adaptées pour financer l'amorçage de projets à risque tout en conservant un intéressement pour l'État.

Les dotations du PIA poursuivent en commun l'objectif de faire levier sur les cofinancements publics et privés, voire de générer des retours sur investissement. Il s'agit d'une modalité particulièrement moderne d'intervention publique dans la sphère économique, suivie également par le plan Juncker qui est parvenu, en trois ans, à lever 315 milliards d'euros avec seulement 21 milliards d'euros d'argent public pour le financement de projets, notamment dans le domaine industriel. Il nous faut nous habituer à ces nouveaux mécanismes, compte tenu de la raréfaction de l'argent public. Je suis moi-même admiratif de tels artifices qui ont permis l'émergence de grands projets européens. J'ai souvenir que le Sénat avait désapprouvé la mouture initiale du plan Juncker, qui excluait l'agriculture, et avait contribué à en modifier le périmètre. Nous réfléchissons, au sein de la commission des affaires européennes, à compenser en partie la réduction des crédits consacrés au deuxième pilier de la politique agricole commune (PAC) par des crédits du plan Juncker. Nous y travaillons avec M. Ambroise Fayolle, vice-président de la Banque européenne d'investissement (BEI).

Les crédits de paiement demandés pour 2020 s'élèvent à 2,18 milliards d'euros, soit près du double du montant voté l'an passé, ce qui témoigne incontestablement de la montée en puissance du PIA 3. La nouvelle programmation triennale prévoit ensuite une stabilisation autour de 2 milliards d'euros pour les années 2021 et 2022.

Au-delà de l'augmentation des crédits, nous pouvons affirmer qu'après un démarrage relativement poussif, le PIA 3 est désormais pleinement mis en oeuvre. Quatre chiffres en témoignent : 90 % des autorisations sont consommées, 26 conventions État-opérateurs sur 27 ont été signées, et 820 projets sont actifs, donnant lieu à un investissement de 1,7 milliard d'euros.

Le PIA 3 permet le financement d'un nombre plus élevé de projets, dont une majorité concerne la recherche et sa valorisation, qui constituent une préoccupation ancienne des PIA. L'action « Programmes prioritaires de recherche », dotée de 400 millions d'euros illustre les forces et les faiblesses du modèle et en traduit bien l'esprit : elle émane d'un État stratège qui fixe le cap en matière de recherche fondamentale en définissant les principaux chantiers éligibles à un financement, en s'appuyant sur un opérateur, l'ANR, pour la mise en oeuvre cette ambition.

Parmi ces chantiers, je me félicite de trouver celui de l'intelligence artificielle. L'Europe et la France ont accumulé trop de retard dans ce domaine et le concours de 75 millions d'euros apporté par le PIA à la constitution des nouveaux instituts interdisciplinaires d'intelligence artificielle, les 3IA, respectivement établis à Paris, Toulouse, Grenoble et Nice, n'est pas de trop. La France devrait investir, en partenariat avec l'Allemagne, 1,5 milliard d'euros dans l'intelligence artificielle d'ici 2022. L'effort mérite d'être salué, même s'il demeure sans comparaison avec les 15 à 20 milliards d'euros investis dans ce domaine par les États-Unis et par la Chine.

Je suis en revanche plus dubitatif concernant la thématique « recherche dans le domaine du sport de très haute performance », dotée de 20 millions d'euros au sein de cette même action, qui me semble parfaitement étrangère aux objectifs du PIA. Il en va de même de l'inscription exceptionnelle, dans les appels à projets de plusieurs actions, de thématiques liées aux Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 et du projet, repoussé mais pas enterré, de financer la rénovation du Grand palais avec les crédits du PIA. Il ne s'agit pas de remettre en cause le bien-fondé d'un soutien public à de telles initiatives mais de constater que les actions du PIA 3 n'en constituent pas l'instrument adapté. Le PIA je le rappelle, a été instauré pour accroître le potentiel de croissance de l'économie française en investissant dans des chantiers prioritaires définis par un État stratège, non pour concourir au financement d'évènements ponctuels ou à la rénovation de notre patrimoine.

Le PIA 3 ne se limite pas au soutien à la recherche ; ses actions visent également à l'accélération de la modernisation des entreprises. L'augmentation des crédits demandés pour 2020 est d'ailleurs la plus marquée dans ce domaine : 1,12 milliard d'euros y seront consacrés.

Une caractéristique du PIA 3 réside dans la prépondérance des dotations en fonds propres au service d'actions relevant du capital-risque, en finançant, par des prises de participations, des projets de start-up à fort contenu innovant. Avec une première dotation de 250 millions d'euros destinée à ce type d'opérations, l'année 2020 marquera notamment le lancement de l'action « Grands défis », dont la mise en oeuvre suivra les recommandations formulées par Philippe Tibi dans son récent rapport sur le financement des entreprises technologiques.

Le PIA constitue un instrument pertinent pour financer les entreprises innovantes en phase de croissance. Parmi les 6 238 de projets soutenus depuis l'origine, je citerais le soutien accordé à l'entreprise Qwant, dont le moteur de recherche lancé en 2013 constitue une initiative extrêmement prometteuse pour parvenir à imposer un modèle européen d'économie numérique à la fois compétitif sur le plan économique et responsable en matière d'exploitation des données.

L'année 2020 marque le dixième anniversaire du PIA et, partant, l'occasion d'en tirer un premier bilan. Il nécessite une évaluation minutieuse et complexe. Je me limiterai simplement à quelques remarques. En 2010, le PIA 1 avait été présenté comme une initiative exceptionnelle, un « grand emprunt » visant à investir l'avenir et tourner la page de la crise. Dix ans et deux PIA plus tard, nous pourrions craindre une banalisation de l'exceptionnel et déceler la tentation des gouvernements successifs de proroger indéfiniment ces dispositifs dérogatoires aux règles budgétaires habituelles et aux effets décalés dans le temps sur le déficit et la dette. Le Secrétariat général pour l'investissement, comme les opérateurs, tend au contraire à considérer que cette stabilité fait la force du dispositif, contribuant à faire du label PIA un outil que les agents économiques se sont approprié et à donner de la crédibilité au soutien public à l'innovation sur le long terme. Il nous reviendra de trancher ce débat. Le comité de surveillance des investissements d'avenir, aux travaux duquel participent quatre de nos collègues, parmi lesquels Bernard Lalande et Claude Nougein, devrait publier prochainement un rapport dressant un bilan des PIA 1 et 2. Son évaluation constituera un préalable incontournable à toute décision sur l'avenir des investissements d'avenir.

En dépit des quelques réserves précédemment exposées quant aux risques de détournement du PIA de son objet, je vous propose néanmoins d'adopter les crédits de la mission.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Je m'inquiète de la débudgétisation rampante envisagée pour les travaux de rénovation du Grand Palais, estimés à la somme délirante de 450 millions d'euros avant même de débuter. La dérive budgétaire risque d'être aggravée par le recours au PIA !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Delcros

Le PIA représente, dites-vous, un outil d'investissement moderne, dont l'effet de levier apparaît mesurable et réel. Depuis dix ans, plus de 6 000 projets ont ainsi été financés. Disposons-nous de données sur leur répartition territoriale ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

Je remercie notre rapporteur spécial pour sa présentation. La gestion du programme par un secrétariat général ad hoc vous semble-t-elle constituer une solution pertinente ? Un opérateur financier comme Bpifrance ou la Banque des territoires ne représenterait-il pas un choix plus judicieux ? Quels sont les projets susceptibles d'être financés par le PIA ? Je m'étonne que certains, relevant des domaines du sport ou de la culture, puissent y prétendre. Existe-t-il des garde-fous pour éviter des investissements inadaptés ? Vous avez mentionné le dispositif Juncker qui est parvenu à un effet de levier d'un à quinze, alors qu'il dépasse à peine un s'agissant du PIA. À l'heure où les taux bancaires demeurent bas, voire négatifs, ne devrions-nous pas nous inspirer de l'expérience européenne pour l'améliorer l'effet de levier du PIA ?

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

Je souhaitais évoquer la place de la France et de l'Europe dans le domaine de l'intelligence artificielle. Vous avez cité les niveaux d'investissement de la Chine et des États-Unis et je suis encore moins rassuré...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Rapin

Je me suis intéressé à l'intelligence artificielle au titre de mon rapport spécial sur les crédits de la recherche. La transparence budgétaire ne peut s'envisager sans clarté budgétaire. Le Président de la République a annoncé, à la fin de l'année 2018, une enveloppe de 1,5 milliard d'euros pour l'intelligence artificielle, mais je doute que nous y arrivions : seulement 17 millions d'euros ont été débloqués en 2019 et 38 millions d'euros le seront en 2020 sur la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Lalande

J'ai la chance d'être membre du comité de surveillance du PIA. Vous démontrez, dans votre rapport spécial, que l'État sait efficacement se montrer stratège lorsqu'il le souhaite, ce qui ne semble pas être le cas à l'endroit des territoires et des petites entreprises... Au sein du comité de surveillance, les parlementaires veillent à ce que les fonds du programme ne conduisent pas financer des projets sans rapport avec l'objet du PIA, comme certaines activités sportives ou les travaux de rénovation du Grand Palais. L'outil sert, à la mesure de la France, au développement des territoires. D'ailleurs, les entreprises le soutiennent, comme les régions.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Bazin

Notre rapporteur spécial a décrit les différentes modalités d'intervention du PIA, notamment les avances remboursables qui apparaissent comme un outil moderne de financement. Existe-t-il une règle présidant au choix de tel ou tel mode de financement ? Dans le domaine de la recherche fondamentale, les dotations acquises s'imposent, mais tel n'est pas le cas de tous les projets.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Je remercie à mon tour notre rapporteur spécial pour la qualité de sa présentation. Disposons-nous d'informations sur les retombées du PIA région par région et sur d'éventuelles inégalités de traitement entre les métropoles et le reste du territoire ? En d'autres termes, le PIA accompagne-t-il la centralisation observée ? S'agissant de la sélection des projets, existe-t-il des critères de résultat, notamment dans le domaine de la recherche appliquée et du développement industriel ? Avez-vous connaissance d'éléments de performance ? Enfin, sur quel type de projet l'Ademe intervient-elle ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Le PIA constitue un dossier passionnant ! Monsieur le rapporteur général, le Grand Palais se trouve écarté du programme en 2020, mais sa direction reste pugnace pour l'intégrer en 2021.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

La Réunion des musées nationaux (RMN) m'a affirmé le contraire !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Il ne serait pas convenable que le PIA finance un tel projet ! Le problème se pose également dans le domaine du sport...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Je serai attentif à éviter toute dérive. Messieurs Delcros et Longuet, les documents budgétaires ne fournissent pas de données sur la répartition territoriale des investissements réalisés. Seule la qualité du projet est jugée par un comité ad hoc, pas son intérêt en matière d'aménagement du territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Delcros

Il serait intéressant, pourtant, de savoir si le PIA y contribue.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Michel Canévet, la formule de gouvernance choisie me semble efficace, d'autant que les quatre opérateurs précités représentent les bras armés du programme. Quant aux garde-fous, seule est jugée la pertinence du projet. Veillons à ne pas confondre les dispositifs : certes, dans le cadre du plan Juncker la dotation initiale a permis à la BEI de mobiliser 63 milliards d'euros pour financer des projets ; de sorte que l'effet d'entraînement réel du plan Juncker sur les cofinancements s'approche davantage de cinq que de quinze, il n'en reste pas moins que cet effet de levier reste supérieur à celui constatés pour les PIA. Cette différence tient au profil des projets soutenus : le PIA laisse une place plus grande à la recherche et aux projets d'investissements innovants les plus risqués.

Antoine Lefèvre, les Chinois et les Américains possèdent effectivement une avance considérable dans le domaine de l'intelligence artificielle. Imaginez que la Chine dispose de 50 millions de chercheurs et qu'elle consacre, comme les États-Unis, entre 15 et 20 milliards d'euros chaque année à l'intelligence artificielle ! La commission des affaires européennes a entendu Thierry Breton sur le sujet : Atos, sa société, représente le seul fabricant européen de supercalculateurs, alors que la Chine en compte une dizaine.

Il est exact, Jean-François Rapin, que nous assistons à un flou budgétaire et à un saupoudrage des crédits destinés à l'intelligence artificielle : 190 millions d'euros proviennent du fonds pour l'innovation et l'industrie (F2I), 55 millions d'euros du Grand plan d'investissement et 392 millions d'euros du PIA, soit des sommes très éloignées des investissements chinois et américains en la matière. Il serait d'ailleurs intéressant d'y consacrer un contrôle budgétaire...

Bernard Lalande, l'État sait effectivement se montrer stratège lorsqu'il le souhaite. Au sein du comité de surveillance siègent des industriels, ce qui me semble constituer un gage de sérieux et de réalisme.

Le comité de pilotage détermine, Arnaud Bazin, les modalités d'intervention, en fonction du caractère plus ou moins risqué du projet. Compte tenu des taux fort bas sur les prêts, les temps sont davantage à l'utilisation des dotations en fonds propres.

Enfin, Gérard Longuet, les régions financent également les projets sélectionnés. Elles ont aussi - je pense notamment à la région Nouvelle-Aquitaine - bénéficié du plan Juncker. L'Ademe intervient dans le cadre du PIA pour les projets liés à l'environnement et à la transition énergétique, ce qui me semble pertinent.

La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Investissements d'avenir ».

La réunion est close à 17 h 40.