Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

Réunion du 23 octobre 2019 à 9h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Mon général, nous sommes heureux de vous accueillir dans le cadre de cette audition sur le projet de loi de finances pour 2020. Vous nous parlerez sûrement de la situation des ressources humaines, qui constitue votre priorité, des grands programmes - transport ou chasse -, des drones, mais aussi de la modernisation de la dissuasion - futur missile, système de combat aérien du futur (SCAF).

Sans doute aborderez-vous aussi les problèmes d'infrastructures, du soutien, du maintien en condition opérationnelle (MCO), question à laquelle notre commission est toujours attentive. Nos rapporteurs ne manqueront pas de vous interroger à ce sujet.

Pour ma part, je voudrais vous adresser quatre questions plus particulières.

La première concerne l'avenir de notre base H5 en Jordanie, dans le contexte de l'intervention de la Turquie dans le Nord-Est syrien. Cette base retrouve une importance stratégique. Quel est votre point de vue à son sujet ? Une décision se profile-t-elle ?

Ma deuxième question porte sur l'accord de Toulouse entre Mme Merkel et le Président de la République, notamment sur les exportations du SCAF. L'arrangement qui semble avoir été trouvé vous convient-il ? N'y a-t-il pas encore quelques difficultés dans le détail ?

J'aimerais également vous entendre à propos du développement par les grandes puissances de vecteurs hypersoniques capables de pénétrer nos systèmes de défense. Est-ce préoccupant ? Comment la France va-t-elle y faire face ?

Enfin, ma dernière question touche à l'espace, qui devient une composante de l'armée de l'air. Vous allez vous-même en devenir chef d'état-major. Êtes-vous satisfait des moyens qui sont consacrés à ce nouveau commandement ?

Général Philippe Lavigne, chef d'état-major de l'armée de l'air. - Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je vous remercie de m'accueillir au sein de votre commission.

Il y a un an, je vous présentais mon projet pour l'armée de l'air, mon « plan de vol » et je vous faisais part de mon enthousiasme à prendre le commandes de cette armée de l'air dans une période très favorable et pleine de perspectives que nous n'avions pas connues depuis des années.

Un an après, mon enthousiasme reste entier. Le plan de vol se déroule conformément à la planification, grâce aux efforts et aux engagements pris en faveur de la défense.

Avant de revenir sur les belles réalisations opérationnelles et capacitaires que vous avez commencé à évoquer, j'ai une pensée pour le commandant Baptiste Chirié et la capitaine Audrey Michelon, tragiquement disparus le 9 janvier dernier, à bord de leur Mirage 2000, dans le Jura. J'ai également une pensée pour leur famille et leurs proches. Ils sont allés jusqu'au bout de leur engagement au service de la France.

Ceci nous rappelle l'importance de la préparation opérationnelle qu'effectue l'armée de l'air, comme la marine ou l'armée de terre, dans des conditions aussi proches que possible de celles rencontrées en opérations, ainsi que l'importance de la sécurité aérienne.

Ces deux sujets sont pour moi l'objet d'une attention permanente et constituent le fil rouge de mes priorités pour 2020.

Ces priorités s'inscrivent dans un nouveau contexte géopolitique et militaire, qui nous incite à développer de nouvelles stratégies, adaptées à de nouveaux champs de confrontation. Comme l'a rappelé devant vous Madame la ministre il y a quelques jours, le projet de loi de finances 2020 va nous permettre de poursuivre la remontée en puissance de nos armées, notamment de l'armée de l'air, pour continuer à assurer notre mission de protection des Français.

Revenons tout d'abord sur l'année 2019, qui est une belle année pour l'armée de l'air, marquée par le franchissement de jalons structurants sur des enjeux majeurs.

L'armée de l'air est encore, en 2019, au rendez-vous des opérations. Elle a la capacité de conduire l'intégralité du spectre des missions dans la troisième dimension, grâce aux 3 000 aviateurs et 90 aéronefs de l'armée de l'air qui sont engagés en permanence en mission opérationnelle, sur les théâtres extérieurs, sur le territoire national, ou en tant que forces de souveraineté et de présence, en Guyane ou à Djibouti par exemple.

Tout d'abord, l'armée de l'air participe à la protection du territoire national, en particulier de l'espace aérien et des points d'intérêts vitaux que sont par exemple les bases aériennes, mais aussi les centrales nucléaires. À l'heure où le trafic aérien se densifie considérablement - 12 000 aéronefs transitent chaque jour dans l'espace aérien français -, et où les petits vecteurs de type drones se multiplient, comme nous l'avons vu sur l'aéroport de Gatwick en décembre 2018), à l'heure où des avions à long rayon d'action russes descendent de plus en plus régulièrement le long de nos côtes, la capacité à détecter, identifier, voire engager est primordiale.

La posture permanente de sureté aérienne (PPS) assure la défense du territoire contre toute menace aérienne avec une grande réactivité.

Au premier semestre 2019, l'armée de l'air a réalisé 140 décollages sur alerte pour assister des aéronefs en difficulté ou contraindre ceux en infraction.

Elle a conduit cinq dispositifs particuliers de sûreté aérienne sur des évènements majeurs, comme Le Bourget, le 75e anniversaire du débarquement en Normandie ou le G7, mettant en oeuvre une combinaison de moyens air allant du commandement et du contrôle - radars, AWACS -, à l'alerte en vol - Rafale, Fennec -, en passant par la défense sol/air et le renseignement - drone Reaper -, en lien avec les forces de sécurité intérieures. Ce type de dispositif préfigure le combat collaboratif connecté, sur lequel je reviendrai dans la deuxième partie de mon intervention.

L'armée de l'air participe également à la mission de dissuasion au travers de la composante nucléaire aéroportée.

2019 a vu l'arrivée du deuxième MRTT Phoenix, le tir d'évaluation des forces d'un missile ASMPA sans charge nucléaire tiré par un Rafale au large de la côte Atlantique.

La dissuasion aéroportée repose désormais sur le couple Rafale/ASMPA-MRTT, dont la première capacité opérationnelle nucléaire a été signée le 3 octobre. Et elle a célébré, le 4 octobre dernier, 20 000 jours d'alerte sans interruption depuis 1964.

Dans le cadre de la fonction intervention, l'armée de l'air est présente de la BSS au Levant en passant par l'Europe, et ce depuis 2014.

Dans l'opération Barkhane, nous déployons un éventail complet de capacités - renseignement, surveillance, frappes, aérotransport et largage -, et nous nous appuyons sur des bases aériennes projetées, à N'Djamena et Niamey, qui constituent de véritables systèmes de combat modulaires et réactifs. Dans cette zone grande comme l'Europe, la mobilité aérienne joue un rôle central.

Capable de mener une opération en autonome, l'armée de l'air s'insère également dans des dispositifs interarmées et interalliés, comme l'illustre l'opération de juillet 2019, où trois Mirage 2000, un C-135, deux Reaper, un américain et un français, deux hélicoptères Tigre, une section de commandos et deux avions légers de surveillance et de reconnaissance ont neutralisé un dispositif ennemi de véhicules et de personnels armés.

Dans le cadre de l'opération Chammal, la composante aérienne représente l'effort majeur de la France, au travers d'un large éventail de missions.

Le dispositif déployé démontre, encore une fois, toute la pertinence de la base aérienne projetée en Jordanie et de la coopération interalliée, car nous travaillons aux côtés de nos alliés, notamment allemands, avec leurs capacités chasse et de ravitaillement en vol.

Si l'armée de l'air a joué un rôle déterminant dans la défaite territoriale de Daech, le combat n'est pas pour autant terminé. Une nouvelle période, incertaine, a débuté, où se mêlent de nombreux acteurs. Daech a basculé en mode insurrectionnel, retranché dans les déserts où l'arme aérienne conserve toute sa pertinence.

Ces succès en opérations sont rendus possibles d'une part grâce à la modernisation des équipements : il y a un an, je vous annonçais des perspectives de régénération et de modernisation, offertes par le projet de loi de finances pour 2019.

Au bilan, ont notamment été livrés en 2019 les derniers PC-21, le quinzième A400M, le premier KC-130J ravitailleur, trois drones Reaper (et la capacité d'armement arrive en fin d'année), un deuxième MRTT, un C-130 H modernisé, ainsi qu'un certain nombre de radars pour la PPS.

Sur le Rafale, la première capacité opérationnelle du standard F3R, équipé de missiles Meteor, sera déclarée en novembre 2019. Nous en avons déjà une vingtaine.

Nous avons également un deuxième ALSR en location, dans l'attente des deux que nous aurons en 2020.

Par ailleurs, je n'oublie pas les aviateurs, vraie richesse de notre système de combat. Après une déflation conséquente, de 30 % de ses effectifs entre 2008 et 2016, notre format croît de nouveau : nous avons compté 99 postes supplémentaires en 2019. Je reviendrai sur le sujet des ressources humaines qui est l'une de mes priorités pour l'année à venir.

Je ferai néanmoins un focus sur un sujet qui me tient à coeur : la connexion entre l'armée de l'air et la jeunesse, comme je l'avais inscrit dans mon « plan de vol ». En 2019, cinq escadrilles Air Jeunesse ont été créées à Salon-de-Provence, Évreux, Luxeuil-les-Bains, Dijon et Nancy. Elles ont pour but, sans se substituer à d'autres dispositifs existants, de développer les liens avec la jeunesse à travers l'aéronautique, les valeurs de l'aviateur, son histoire et ses traditions.

Pour terminer ce bilan de l'année 2019, je ne peux passer sous silence les jalons structurants que nous avons franchis, sur des sujets qui comptent parmi les priorités du ministère des armées : le 17 juin 2019, la signature au Bourget de l'accord de coopération entre la France, l'Allemagne et l'Espagne dans le cadre du programme SCAF jusqu'en 2030 et, le 3 septembre 2019, la création du commandement de l'espace. Je reviendrai sur ces sujets qui font partie de mes priorités pour 2020.

Ces décisions majeures sont motivées par les mutations de la guerre, que nous devons intégrer, car elles influeront sur nos besoins opérationnels et nos futures stratégies d'action. C'était la thématique de l'Université d'été de la défense 2019, à laquelle j'ai eu le plaisir de vous accueillir sur la base aérienne 702 d'Avord les 12 et 13 septembre derniers.

Ces mutations sont de deux ordres, celles liées à l'environnement - trafic aérien congestionné, multiplication des drones, comme déjà évoqué -, et au développement de stratégies de contestation de nos adversaires, après trente ans d'hyperpuissance occidentale. On parle ici de fugacité, d'ambiguïté, de ruptures technologiques telles que les armes à énergie dirigée, l'hypervélocité, la furtivité, la prolifération de moyens de déni d'accès, comme les chasseurs de sixième génération, l'émergence de systèmes de détection lointains et discrets, mais également l'espace exo-atmosphérique, qui fait lui aussi l'objet d'une contestation croissante. La supériorité aérienne et opérationnelle est désormais contestée.

L'armée de l'air, au service des opérations, doit donc s'adapter et prendre en compte ces nouveaux champs de confrontation. En conséquence, j'ai défini 5 priorités pour 2020.

La première, c'est la protection de l'espace aérien et des sites sensibles, enjeu de souveraineté pour la France, pour lequel l'armée de l'air dispose d'expertises et doit développer des capacités encore peu explorées. Les deux enjeux que j'identifie sont d'une part la lutte anti-drones, sur laquelle l'armée de l'air travaille au travers de programmes classiques, mais aussi dans le cadre de l'innovation en coopération avec l'Agence de l'innovation de la défense et Aéroports de Paris, pour expérimenter de nouveaux équipements et, d'autre part, le successeur du système de commandement et de conduite des opérations aériennes, au travers du programme ACCS de l'OTAN, qui a connu des difficultés et pour lequel 2020 sera une année clé pour en décider la poursuite.

Ma deuxième priorité concerne l'espace. Elle est portée au plus haut niveau et a été confiée à l'armée de l'air en juillet dernier. Un nouveau programme à effet majeur nommé « Maîtrise de l'espace » va être lancé. Il intègrera deux volets, la surveillance, que nous faisons déjà mais dont les moyens doivent être améliorés, et la défense active de nos satellites. Cette montée en puissance sera le fruit d'un travail d'équipe avec l'EMA, la DGA, le SGA et le CNES.

Cette approche collaborative est également celle qui guide les travaux sur le SCAF. C'est ma troisième priorité. Ce programme a été pensé pour répondre, en coopération, à l'évolution des menaces et à l'accélération du tempo des ruptures technologiques.

Au coeur du SCAF, se trouvera l'avion de combat, autour duquel s'agrégeront des capacités de commandement, de renseignement, et des effecteurs. Tous ces moyens seront aussi des capteurs. Je travaille actuellement avec mes homologues allemands et espagnols pour garantir la bonne prise en compte du besoin opérationnel dans les travaux menés au niveau politique, avec la DGA et les industriels. Les alliances sont en effet désormais primordiales pour disposer de la force militaire, en qualité et en quantité, lorsqu'elle est nécessaire. Le nombre redevient un élément décisif pour emporter une victoire.

Mes préoccupations sont aussi celles du quotidien, et notamment la disponibilité des moyens en service, permettant d'atteindre un niveau d'activité cohérent avec les missions qui nous sont confiées au regard de ses effectifs et moyens. La remontée de l'activité repose en partie sur la réussite de la réforme du MCO aéronautique, qui constitue ma quatrième priorité.

Ce sujet est primordial pour le succès des opérations, mais également pour la préparation opérationnelle et pour le moral du personnel.

Comme vous le savez, la ministre des armées a décidé la mise en place d'un plan de transformation afin d'améliorer la gouvernance et la performance du MCO aéronautique. La direction de la maintenance aéronautique (DMAé) a ainsi été créée en avril 2018.

L'armée de l'air est proactive et pleinement mobilisée aux côtés de la DMAé pour que ce plan de transformation soit un succès et qu'il amène des résultats positifs à la remontée de l'activité.

À ce titre, nous avons développé le projet NSO 4.0, qui vise à optimiser notre organisation, en constituant des équipes de maintenance pluridisciplinaires pour les chantiers. Il s'agit également d'optimiser l'ordonnancement des chantiers grâce à des systèmes d'information performants et à des méthodes de lean management.

Nous créons en outre des instances de dialogue permanentes réunissant tous les acteurs du MCO afin d'optimiser la maintenance en temps réel. Des premiers résultats ont déjà été enregistrés, comme la diminution de moitié du temps nécessaire à la dépose-remontage d'un moteur A400M et, sur C-160, un gain de quatre semaines sur les vingt semaines de durée moyenne d'une visite de maintenance.

Il nous faudra aussi continuer de disposer d'hommes et de femmes formés, en nombre nécessaire et suffisant, et que l'on parvienne à fidéliser. J'ai ainsi évalué à 11 150 le seuil minimal de mécaniciens militaires nécessaires à maintenir notre capacité. Il m'en manque mille aujourd'hui.

Ceci me permet une transition naturelle vers le sujet des ressources humaines. Pour mémoire, la LPM 2019-2025 a octroyé 1 246 postes à l'armée de l'air, mais cela reste éloigné des besoins souhaités, évalués à près de 3 000 postes, qui permettraient de réparer le présent et d'absorber l'apparition de métiers nouveaux, comme le cyber-renseignement ou l'espace.

Dans le même temps, nous faisons face à une recrudescence de départs non souhaités, leur nombre ayant doublé depuis 2015.

Ce phénomène peut en partie s'expliquer par l'ouverture des droits à pension pour les fortes cohortes recrutées au début des années 2000. Il est en revanche exacerbé par la surcharge de travail, les absences prolongées, les aspirations différentes des nouvelles générations et la concurrence du secteur privé. Il était donc impératif de trouver des leviers de fidélisation.

En parallèle du plan famille lancé par Mme la ministre, nous avons mis en place le méta projet DRHAA 4.0, qui vise à moderniser les politiques d'attractivité, de gestion et de fidélisation. Le défi est de taille : il s'agit de passer de l'incitation au départ à l'incitation à rester, de la gestion par flux à la gestion des compétences.

Pour cela, nous prenons en compte l'évolution de la société et des modes de vie, grâce au plan famille. Une crèche va par exemple être ouverte à Bordeaux-Mérignac.

La reconnaissance des spécificités d'emploi des aviateurs doit également être prise en compte au travers d'indemnités liées à des spécialités exposées. Un gros travail a déjà été commencé en 2019, avec par exemple l'obtention de la prime ATOM pour les militaires mettant en oeuvre des armements nucléaires et une prime de lien au service pour fidéliser certaines compétences duales très recherchées dans le secteur civil. Ce travail doit se poursuivre dans la perspective de la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM), prévue pour 2022.

Pour revenir sur le coeur du sujet pour lequel nous sommes aujourd'hui réunis ici, le projet de loi de finances 2020 offre des perspectives très favorables pour poursuivre le travail de régénération et de modernisation, en regard des priorités que je vous ai énoncées.

Ce PLF est conforme aux prévisions de la LPM et devrait permettre de suivre une trajectoire de remontée d'activité planifiée, que j'appelle de mes voeux.

Notre ressource est de 5 milliards d'euros d'autorisations d'engagement, couvrant la totalité des besoins exprimés en LPM. Nos crédits de paiements atteignent 2,3 milliards d'euros, hors surcoûts OPEX. L'armée de l'air a obtenu la quasi-totalité de ses demandes car elles s'inscrivaient dans les objectifs politiques de la ministre en termes de modernisation, d'innovation mais également de coopération, ainsi que dans la priorité opérationnelle donnée au renseignement.

Il est à noter que le volume élevé d'autorisations d'engagements est dû aux importants marchés pluriannuels liés à la verticalisation du soutien. Il faudra se montrer vigilant quant aux surcoûts possibles de ces marchés.

Les principaux équipements attendus dans l'armée de l'air en 2020 pour être au rendez-vous des opérations sont 40 Rafale au standard F3R - pod Talios, missile Meteor, troisième MRTT, deux A400M portant le total à dix-sept livrés fin 2020, un deuxième KC-130J, un système Reaper et un nouveau standard, le Block 5, un deuxième satellite CSO, les deux premiers Mirage 2000D rénovés, etc.

Il convient toutefois d'être attentif sur la flotte de transport, qui est vieillissante et encore sous-dimensionnée jusqu'en 2025, et sur la flotte hélicoptère de manoeuvre Puma, hors d'âge et dont le volume d'appareils récents est insuffisant pour les missions de sauvetage, au combat en particulier.

Un projet de remplacement des Puma par vingt hélicoptères d'occasion est en cours d'étude avec l'EMA, la DGA et la DMAé. Cette opération est urgente et prioritaire pour moi afin de pouvoir tenir mes contrats opérationnels.

Monsieur le président, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, si je devais résumer l'armée de l'air aujourd'hui, je dirais qu'elle agit vite, loin, dans la durée, en national ou en coalition, en parfaite interopérabilité avec nos alliés. Je me réjouis encore une fois de ces perspectives favorables.

Notre armée de l'air se modernise et étend son champ d'action pour continuer à gagner en opération. C'est une armée de l'air collective, moteur dans le développement de la défense européenne (avec le SCAF). Elle s'appuie sur l'engagement sans faille de ses hommes et de ses femmes et s'investit dans la jeunesse (avec les escadrilles Air Jeunesse).

Vous êtes les bienvenus dans l'armée de l'air et sur nos bases aériennes, pour constater par vous-mêmes que nous sommes au travail et que nous tenons le cap. Je vous invite d'ores et déjà sur la base aérienne 105 d'Évreux, le 4 décembre prochain, pour une présentation des missions et matériels de l'armée de l'air aux côtés des promotions 2019 de l'IHEDN et de l'École de guerre.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Allizard

Mon général, il semblerait que l'aéronautique et le spatial soient bien dotés en matière de crédits d'études amont. Hormis le SCAF et la dissuasion, quelles devraient être selon vous les autres priorités ?

Concernant le SCAF, où en sont le projet de lancement de démonstrateur et la convergence entre l'Allemagne et la France sur la polyvalence de l'avion, qui doit répondre à des besoins semble-t-il très éloignés, notamment, concernant la France, une capacité de pénétration en profondeur dans un espace fortement défendu pour délivrer l'arme nucléaire ?

Le premier Hercule KC-130J, qui permet de ravitailler les hélicoptères, participe-t-il déjà aux opérations ? Par ailleurs, l'A400M va-t-il bientôt être capable de ravitailler les hélicoptères en vol ?

Enfin, hormis le SCAF, quelles sont les premières avancées concrètes du traité d'Aix-la-Chapelle pour l'armée de l'air ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Boutant

Mon général, l'an passé, notre rapport pointait la stagnation des crédits versés à l'ONERA. Le DGA, il y a quelques jours, nous a dit que le ministère des armées n'était pas opposé à une augmentation des crédits affectés à l'ONERA, à l'exemple de ce que font les pays voisins pour des organismes de même nature.

Pourrait-on connaître votre appréciation à ce sujet ?

Debut de section - PermalienPhoto de Cédric Perrin

Mon général, je voudrais vous faire part de mes inquiétudes concernant le programme EuroMALE.

Nos amis allemands viennent, dans le cadre du programme Pegasus, de retenir deux drones monomoteurs pour remplacer le Triton, qu'ils vont abandonner pour des raisons budgétaires. C'est assez cocasse, lorsqu'on sait que ce sont eux qui nous ont imposé la double motorisation, qui a contribué à plomber l'EuroMALE. Ne va-t-on pas se retrouver avec des budgets exorbitants en matière de drones ?

Je pense en effet que le prix va doubler, sans gap technologique. Or nous partageons la technologie et les chaînes de production avec nos amis allemands, espagnols et italiens, qui pourraient ne plus être intéressés si le prix est trop élevé.

Certes, ceci nous permettra maintenir la souveraineté de l'Europe en la matière, mais ne serait-il pas intéressant d'essayer de trouver un vecteur sur étagère et d'y intégrer un système européen qui offrirait une solution acceptable politiquement et industriellement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Mon général, il semblerait que nos amis anglais soient assez confiants sur l'avancée qu'ils peuvent réaliser sur le programme Tempest avec leurs partenaires suédois et italiens. Où en sommes-nous avec le SCAF ? Nous n'avons pas besoin de deux avions européens. Échangez-vous avec vos homologues anglais ?

Par ailleurs, l'A400M rencontre-t-il encore des difficultés, en particulier en matière de transport tactique et stratégique ? Le largage de parachutistes a connu quelques problèmes qui paraissent réglés aujourd'hui. Pouvez-vous nous le confirmer ?

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Guerriau

Mon général, vous avez évoqué une possibilité de 1 246 recrutements, tout en notant que vous aviez besoin de 3 000 militaires supplémentaires. Comment se déroule le plan de recrutement ? Rencontrez-vous des difficultés ?

Certains métiers rencontrent-ils des tensions en la matière ?

Vous avez indiqué par ailleurs que la cyberdéfense constitue une priorité. Avez-vous développé des partenariats avec le privé permettant de créer un parcours RH qui réponde aux difficultés de recrutement dans certaines spécialités ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Roger

Mon général, la question de la base H5 me paraît essentielle.

En second lieu, en quoi la prime de fidélisation est-elle utile pour éviter l'évasion des personnels vers les entreprises privées ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Bockel

Mon général, la réforme du MCO était une urgence, la disponibilité des aéronefs ayant baissé globalement de 10 % en quinze ans, alors que les coûts de maintenance, durant la même période, se sont envolés de 40 %.

La flotte d'hélicoptères Puma est hors d'âge. Vous prévoyez d'ailleurs une flotte de vingt hélicoptères d'occasion pour pallier les insuffisances. S'agit-il d'un achat ou de location ? Comment leur MCO sera-t-elle financée ?

Par ailleurs, les objectifs fixés à la DMAé prennent en compte les demandes des états-majors, auxquelles est opposé l'état des flottes. Est-ce satisfaisant ? Avez-vous le sentiment d'être suffisamment entendu, puisque c'est sur vous que repose l'exécution des contrats opérationnels ? Quels sont vos objectifs prioritaires d'amélioration de la disponibilité technique opérationnelle pour 2020 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Prunaud

Mon général, vous avez annoncé cet été, lors d'une audition, que le Centre de préparation opérationnelle du combattant d'Orange a mis en place en 2019 un stage de projection concernant l'opération Sentinelle ou les opérations extérieures. Avez-vous réellement pu mutualiser les formations des aviateurs dans deux types de déploiement aussi différents ?

Vous avez également annoncé revisiter la formation des personnels navigants afin d'avoir moins de changement d'avions dans la phase d'instruction, car les projections de format concernant les pilotes d'ici 2025 sont assez préoccupantes. Quelles solutions comptez-vous mettre en oeuvre pour répondre à cette situation ?

Enfin, quand pensez-vous atteindre la norme d'activité individuelle de 180 heures de vol par pilote de chasse ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Le Nay

Mon général, dans la logique du programme SCAF, Safran a été désigné comme chef de file principal sur la partie relative aux moteurs, mais les parlementaires allemands ont remis en cause cette organisation proposée par la France et acceptée par le gouvernement fédéral. Ils souhaitent une parité dans le leadership entre MTU et Safran, d'où la difficulté de coopérer avec l'Allemagne.

Pourtant, selon l'accord signé entre les deux groupes, la répartition des rôles s'est faite sur le principe du « meilleur athlète ». Comment sauvegarder notre leadership dans nos coopérations militaires, surtout lorsqu'il s'agit de nos domaines d'expertise ?

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Mon général, permettez-moi de vous poser une question sur la base aérienne 942 de Lyon-Mont Verdun. Cette base est un centre névralgique de la défense aérienne française et compte environ 1 300 personnels, qui travaillent souvent dans des galeries enterrées et hautement sécurisées.

Or cette base rencontre des problèmes de fidélisation de ses personnels, qui ont souvent un très haut niveau de qualification. Leur travail est difficile et s'effectue en milieu confiné. Il semble par ailleurs que les salaires ne soient malheureusement pas très attractifs.

J'ai visité cette base plusieurs fois. Le renouvellement des personnels pose de grands problèmes : lorsqu'un militaire s'en va, il faut en recruter un autre à haut niveau de qualification, à des conditions de salaire peu attractives, et prendre en charge sa formation. Ceci peut déstabiliser les services. Quel regard portez-vous sur ce sujet ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain CAZABONNE

Mon général, quel est cet appareil qui ressemble à un râteau de télévision et que l'on voit sur certaines images ?

Debut de section - PermalienPhoto de René Danesi

Mon général, l'armée de l'air envisage-t-elle un moyen de transport des hélicoptères plus souverain que les Chinook de Boeing récemment déployés par les Britanniques pour appuyer la force Barkhane au Mali ?

La LPM prévoit après 2028 l'acquisition des hélicoptères interarmées légers, qui remplaceront plusieurs types d'appareils actuellement en service. Votre prédécesseur, le général Lanata, considérait en 2016 que ces appareils conviendraient pour les missions de sûreté aérienne assurées aujourd'hui par les Fennec mais que, s'agissant du remplacement des Puma, un hélicoptère de manoeuvre serait préférable. Où en sont vos réflexions à ce sujet ?

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Mon général, ma question porte sur les appareils de transport. Ce sont des investissements très importants. Avez-vous des projets en la matière ? Ne pourrait-on imaginer développer des appareils de grande capacité et de long rayon d'action ?

Général Philippe Lavigne. - Tout d'abord, s'agissant de la base aérienne projetée H5, la pertinence de sa constitution et des effets produits s'exprime pleinement dans le contexte actuel : participation directe au combat contre Daesh par des actions cinétiques et des actions de renseignement, protection des forces de la coalition (en appui aérien notamment), pivot logistique et présence française significative au coeur du Proche et Moyen Orient.

Le positionnement de la BAP H5 est en effet idéal, à proximité des zones de combat, dans un environnement sécuritaire favorable, permettant une action la plus autonome possible sur le théâtre syro-irakien (moindre besoin de ravitaillement en vol, réactivité). H5 est également un point nodal du circuit logistique de toute la zone.

En termes économiques, les investissements nécessaires à son activité ont été réalisés et sont en cours d'amortissement. Moins de 300 aviateurs y sont déployés ; la BAP fonctionne à un coût maitrisé et a atteint un niveau de polyvalence optimal.

Le concept est d'ailleurs au coeur des réflexions de l'armée de l'air américaine.

Comme je l'ai rappelé, Daech a évolué dans sa forme de combat en devenant insurrectionnel et s'est retranché dans les déserts. L'arme aérienne est plus que jamais pertinente en termes de renseignement et de fulgurance pour pouvoir traiter les objectifs qui nous sont fixés.

Ce système de combat est modulaire, réactif et réversible. La décision concernant l'avenir de la base aérienne H5, qui peut accueillir des avions de combat, de transport ou de renseignement, appartient bien évidemment au chef d'état-major des armées.

Concernant les vecteurs hypersoniques, effectivement les grandes puissances développent désormais des missiles capables de bouleverser l'équilibre des forces mondiales : la Russie, la Chine, comme les Etats-Unis, n'hésitent pas à afficher leur savoir-faire dans un milieu réputé pourtant ultra-secret. Dans les airs, la bataille du futur passe par la maitrise de la vélocité. Ces vecteurs, capables de porter des charges conventionnelles comme nucléaires, permettraient à leurs détenteurs de frapper n'importe où sur de longues distances et dans un périmètre large. La France a pris la mesure de cette menace. Mme la ministre a en effet estimé que la France ne pouvait plus attendre pour en faire de même, d'autant qu'elle dispose de toutes les compétences pour cela ; elle a annoncé début 2019 qu'un démonstrateur de planeur hypersonique, appelé V-MAX, effectuerait un premier vol d'ici fin 2021. Il permettra d'étudier les atouts qu'apporte cette capacité, dans le domaine offensif, ainsi que les mesures à prendre face à cette nouvelle menace.

S'agissant de l'accord de Toulouse, la France et l'Allemagne ont réaffirmé leur volonté de coopérer, sur le volet espace d'abord, dans le domaine de l'évaluation de la menace, de la promotion des normes de comportement responsable dans l'espace, du programme GALILEO qui vise à renforcer l'autonomie européenne en matière de navigation par satellite, ou de la coordination des capacités dans le domaine de la sécurité spatiale.

Cette coopération structurée permanente s'appuie sur les fonds européens de défense et constitue une action complémentaire à celle de l'OTAN.

S'agissant du système de combat aérien futur, la notification d'un contrat de recherche et technologie annoncée pour fin janvier 2020 est une bonne chose pour tenir l'objectif d'un démonstrateur d'avion de combat de nouvelle génération d'ici à 2026.

Pour revenir sur l'espace, vous m'avez questionné Monsieur le président, sur les moyens alloués, alors que vient d'être créé le Commandement de l'Espace au sein de l'armée de l'air. 3,6 milliards d'euros y sont consacrés dans la LPM 2019-2025 et un programme à effet majeur « maitrise de l'espace », de 700 M€, va être lancé, qui, comme je vous l'ai dit en introduction, intégrera les volets surveillance spatiale et défense active de nos satellites.

Nous disposons déjà de moyens de surveillance que nous travaillons à renforcer, qu'il s'agisse du renseignement image (le satellite CSO-1 a été lancé le 19 décembre 2018) ou du renseignement électromagnétique (le satellite CERES, qui devrait être lancé en 2020, doit permettre de détecter, de caractériser et de suivre les émissions électromagnétiques sur les théâtres d'opération. Une étude est déjà menée sur son successeur, CELESTE).

Nous coopérons activement avec nos voisins allemands et italiens, notamment au travers de leurs systèmes d'observation radar SAR-Lupe et Cosmo-Skymed, et leurs successeurs (SARah et CSG).

En matière de télécommunications, le programme Syracuse IV doit être lancé entre 2021 et 2022. La commande d'un troisième satellite est annoncée. Il sera plus spécialement dédié à la connectivité. Les satellites étant de plus en plus nombreux et petits, les systèmes doivent être de plus en plus efficaces. Je pense notamment à GRAVES et à la trajectographie SATAM, dont une rénovation est prévue au titre de la LPM 2019-2015.

Enfin, la protection active de nos satellites fait aujourd'hui l'objet d'études : quelle doit être notre doctrine ? Quels sont nos besoins ? Nous travaillons actuellement sur une feuille de route.

S'agissant des ressources humaines, vous m'avez interrogé sur les leviers que l'armée de l'air a mis en place pour recruter, en quantité et en qualité, et pour fidéliser.

Entre 2008 et 2017, l'armée de l'air a perdu plus de 15000 aviateurs, soit 30% de ses effectifs, alors qu'elle était plus engagée que jamais. Les conséquences ont été significatives, sur l'équilibre des flux RH et sur la pyramide des compétences associées. Aujourd'hui, certains métiers sont en tension, impactant directement les capacités opérationnelles (commandos, mécaniciens, spécialistes infrastructures, ...), en particulier pour les métiers d'expertises longues à acquérir (pilotes de chasse, experts des systèmes d'information et de communication, ...).

En conséquence, un effort majeur est porté sur le recrutement, passé de 1 300 à plus de 3 000 par an en 5 ans. Pour cela, nous avons adopté des méthodes basées sur le démarchage systématique, par le biais du e-sourcing ou des réseaux sociaux ; nous menons une communication attractive et innovante (notre prochaine campagne paraitra d'ailleurs prochainement). Nous renforçons et professionnalisons notre chaine de recrutement, et nous modernisons profondément nos formations initiales et professionnelles. Tout cela afin d'attirer les nouvelles générations, plus « pressées » d'exercer un métier.

En matière de formation, l'armée de l'air dispose d'instructeurs, qui savent enseigner et qui connaissent les besoins opérationnels. Nous développons des partenariats avec l'éducation nationale et l'enseignement supérieur.

S'agissant plus spécifiquement de la formation des personnels navigants, la livraison des dix-sept PC21 à Cognac a grandement contribué à moderniser la formation initiale des pilotes de chasse. Le projet « Mentor » vise à compléter cette modernisation par la rationalisation des phases amont (à Salon de Provence) et aval (aujourd'hui sur Alphajet à Cazaux), ce qui aura pour effet de diminuer les durées et coûts de formation des équipages. Il permettra de former plus tôt les stagiaires à l'utilisation d'un système de combat et offrira un rôle capital à la simulation.

Au total, nous devrions gagner douze mois de formation sur quatre ans. Cela répond à un besoin urgent de renforcer les unités opérationnelles et de motiver les jeunes pilotes. A la question posée de la remontée d'activités des équipages chasse, celle-ci est prévue en LPM à compter de 2022, pour atteindre la norme de 180 heures en 2025.

S'agissant de la fidélisation, dans un contexte de remontée en puissance sous tension opérationnelle et de compétences intéressant le secteur privé, il est essentiel de fidéliser les aviatrices et les aviateurs, dont le savoir-faire précieux contribue au succès des missions de l'armée de l'air et des autres entités du ministère. J'ai ainsi validé en début d'année 2019 une feuille de route « fidélisation » qui repose sur six axes : niveau de rémunération attractif, progression dynamique, compétences valorisées, dialogue, conditions de vie améliorées et entreprises concurrentes partenaires.

Nous avons également développé des partenariats avec certains industriels ou campus, qui ont déjà mis en place des outils d'ingénierie de formation très utiles pour moderniser l'instruction de nos jeunes.

Sur la rémunération et la valorisation des compétences, la différence entre le salaire des militaires et celui proposé par certaines sociétés est une réalité. Nous avons donc créé ou étendu certaines primes de qualifications ou de lien au service. En outre, une étude sur la nouvelle politique de rémunération des militaires est en cours. Elle doit permettre une meilleure lisibilité et une plus grande cohérence. L'armée de l'air a la particularité de mener des opérations depuis ses bases aériennes. Cela doit être pris en compte dans la rémunération des militaires concernés ; je pense notamment au personnel qui, sur la base de Lyon-Mont Verdun, conduit des opérations à partir de l'ouvrage enterré, vous l'évoquiez madame la sénatrice Goy-Chavent.

J'ai également évoqué, parmi les axes de fidélisation, l'amélioration des conditions de vie et de travail. À Lyon-Mont Verdun, une salle de sport a été créée à l'intérieur de l'ouvrage enterré. A Saint-Dizier, des bâtiments destinés à l'hébergement ont été réhabilités et la construction de bâtiments pour l'escadron de protection d'Istres est prévue en 2020. Et, parce que l'amélioration des conditions de vie doit s'appliquer autant au militaire qu'à sa famille, deux maisons familiales ont été aménagées à Villacoublay pour permettre la visite d'enfants aux parents séparés. A Solenzara enfin, une maison des assistantes maternelles tenue par les conjoints des militaires est en cours de création.

Concernant le programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense », comme vous l'avez souligné monsieur le sénateur Allizard, une partie des ressources servira à financer les études portant sur le renouvellement des composantes de dissuasion nucléaire et les études de maturation des différentes briques technologiques qui seront utilisées par les aéronefs du SCAF. C'est notamment le cas des travaux relatifs aux évolutions du Rafale, principalement dans les domaines de la localisation et de la guerre électronique. S'agissant des missiles, seront pris en compte les travaux concernant le démonstrateur de planeur hypersonique que j'ai évoqué précédemment. Par ailleurs, se poursuivront les programmes conduits en coopération avec les Britanniques, dont le Futur missile anti-navire/Futur missile de croisière. L'année 2020 verra en outre le lancement d'études en matière de gestion des drones et d'autoprotection des aéronefs de transports.

Enfin, le programme 144 porte le financement des travaux sur la préparation des moyens spatiaux futurs de renseignement d'origine image et électromagnétique, ainsi que sur le futur satellite de communication militaire, dont l'architecture de la charge utile sera définie en cours d'année.

Monsieur le sénateur Boutant, vous m'avez interrogé sur l'ONERA. Cet établissement public est l'un des principaux centres de recherche français du secteur aéronautique, spatial et défense, ayant travaillé sur les programmes Rafale, missiles, moteurs et radars de l'armée de l'air.

En matière de recherche, nous coopérons non seulement avec l'ONERA, mais également avec le CNRS ou le CNES. La co-implantation sur la base aérienne de Salon de Provence d'un centre de l'ONERA avec l'Ecole de l'air, favorise les échanges entre chercheurs et dans le cadre de la formation des officiers (soufflerie, spatial).

Pour revenir sur le SCAF, sur lequel vous m'avez posé plusieurs questions, j'espère qu'il n'y aura au final qu'un seul système européen. Comme l'a dit Mme la ministre, le SCAF sera ouvert en temps utile à d'autres partenaires. Avec le Royaume-Uni, la coopération se poursuit dans le cadre du traité de Lancaster House. En atteste le projet majeur du futur missile de croisière et missile anti-navire, créé en 2017 et dont les engagements contractuels sont attendus en 2020 des deux côtés de la Manche. Les travaux d'interopérabilité guident aussi nos activités entre les systèmes de combat F35 britannique et Rafale français. Cette interopérabilité est une priorité à court ou moyen terme, sur laquelle nous travaillons notamment au travers d'exercices majeurs tels qu'Atlantic Trident avec nos alliés américains et britanniques.

S'agissant du SCAF, nous nous réunissons régulièrement avec mes homologues allemands et espagnols pour remettre l'« opérationnel » au coeur du système. Un document appelé « HLCORD » en précise les grandes caractéristiques. Nous sommes en train de les décliner pour faire en sorte que l'architecture et les développements industriels les prennent en compte. Trois officiers allemands ont rejoint la Combined Project Team du SCAF en octobre 2019 ; les premiers officiers espagnols sont attendus début 2020.

Nous partageons de plus les feuilles de route de nos aviations de combat respectives afin d'assurer l'interopérabilité des appareils dits « de deuxième cercle du SCAF » et d'améliorer les capacités de combat collaboratif dans une démarche incrémentale.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Quelle est la place des Espagnols ?

Les Anglais assurent le leadership du Tempest et laissent la porte ouverte à tous ceux qui veulent les rejoindre, mais nous sommes entrés quant à nous dans un partenariat avec les Allemands. J'ai du mal à comprendre.

Général Philippe Lavigne. - Nous avons les mêmes objectifs et les mêmes besoins opérationnels. Comme je l'ai dit, nous allons travailler sur la déclinaison de ces besoins. Je laisserai le DGA répondre pour ce qui concerne le partage industriel.

D'un point de vue opérationnel, je le redis, nous partageons la volonté d'échanger sur les feuilles de route de nos aviations de combat afin d'en garantir l'interopérabilité.

Quant à l'A400M, il a certes connu des débuts difficiles, mais ses capacités opérationnelles se développent désormais de manière satisfaisante, au rythme de la disponibilité des avions et des fortes sollicitations opérationnelles. Ainsi, la capacité d'aérolargage de matériel par gravité a récemment été testée à Kidal au Mali et devrait être mise en service opérationnel d'ici fin 2019. Le largage des parachutistes à grande hauteur est validé depuis début 2019. Quant au largage par les portes latérales, il vient d'être expérimenté avec succès par 80 parachutistes. Nous espérons une autorisation d'emploi d'ici fin 2020.

Les contre-mesures électroniques constitueront la dernière phase de ces essais.

S'agissant du ravitaillement en vol des hélicoptères sur A400M, nous commençons à y travailler avec Airbus pour une mise en service attendue en 2021. D'ores et déjà, à la demande de la DGA, un H160 a effectué avec succès un ravitaillement en vol à partir d'un A400M le 24 septembre 2019.

Pour ce qui est justement du futur hélicoptère interarmées léger, le Guépard a vocation à remplacer le Fennec de l'armée de l'air dans sa mission de posture permanente de sureté aérienne, en particulier dans le cadre des dispositifs particuliers de sureté aérienne comme celui déployé pour le G7 à Biarritz ou pour le 14 juillet. Ces missions engendrent deux exigences opérationnelles : une capacité de détection et de liaison de données tactiques pour la mission de police du ciel, et une vitesse de 150 noeuds permettant l'interception d'aéronefs lents.

Cet hélicoptère aura, de par sa taille (6 tonnes au lieu de 2 tonnes pour le Fennec aujourd'hui), une capacité de sauvetage double de celle du Fennec.

Enfin, au-delà des missions remplies actuellement par le Fennec, l'armée de l'air utilisera le Guépard Air en accompagnement du Caracal, dans son action dans la profondeur. Pour cela, la capacité de ravitaillement en vol est jugée primordiale pour l'armée de l'air. Comme je vous le disais, l'A400M nous permettra prochainement de ravitailler nos flottes hélicoptères, et le KC130J que nous avons reçu en octobre à Orléans nous le permet d'ores et déjà.

Le calendrier de livraison des HIL prévoit que l'armée de l'air soit la dernière servie, ayant fait le choix de ne pas avancer le calendrier de livraison afin de disposer d'une flotte cohérente, remplissant les missions telles qu'exprimées, avec une cadence régulière de livraison de trois appareils par an à partir de 2030.

Le remplacement des hélicoptères Puma, hors d'âge pour les deux tiers de la flotte, constitue une priorité alors que le coût de l'heure de vol croît de manière exponentielle. L'état-major des armées a proposé deux solutions reposant sur des opérations de location-vente, de 20 H225, ou de 12 H225 complétés d'un transfert de 8 Caracal de l'Armée de terre vers l'Armée de l'air d'ici 2026. Les ressources financières permettant la location avant 2025 reposent essentiellement sur le P178 (diminution d'entretien Puma et récupération des montants d'un contrat actuel de location d'heures de vol H225 à Cazaux).

Concernant le programme d'hélicoptères de transport lourd (HTL), contrairement à de nombreux pays de l'OTAN, la France ne dispose pas de capacité propre et a recours à des moyens de coopération (britannique et bientôt danois) en Bande sahélo-saharienne. S'agissant du transport aérien de manière plus globale, un travail de cohérence est aujourd'hui nécessaire, intégrant la manoeuvre logistique et les besoins exprimés par les forces spéciales, et en prenant en compte les capacités grandissantes de l'A400M, ainsi que la question de l'avenir du C-130. Rien ne figure à ce stade dans la LPM.

Sur le HTL, l'armée de l'air est en train de réfléchir à un partenariat avec l'Allemagne, à l'image de celui que l'on va conduire à Évreux au sein de l'escadron franco-allemand de C130J.

Une capacité de transport lourd et très volumineux est utile pour les opérations militaires comme pour certaines missions civiles (humanitaires notamment). Nous pourrions imaginer une flotte de transport européenne, comme celle de l'OTAN avec ses AWACS.

Vous avez posé une question à propos du brouilleur destiné à la lutte anti-drones que nous apercevons dans le film qui a illustré mon propos introductif. C'est un des effecteurs que nous mettons en place à cette fin. J'en ai fait une priorité, eu égard aux évènements qui ont paralysé les aéroports de Gatwick et Francfort et, plus récemment, à l'attaque des installations pétrolières en Arabie saoudite le 14 septembre dernier. Je m'inscris aussi dans l'objectif des Jeux Olympiques de 2024 et de la coupe du monde de rugby de 2023, chère à mon coeur.

S'agissant de l'Eurodrone, Mme la ministre s'est exprimée devant cette commission. Nous avons détaillé nos besoins opérationnels, dont le principal est la non-régression par rapport au système actuel. La négociation avec les industriels est en cours : le coût ne doit pas avoir d'effet d'éviction vis-à-vis d'équipements et performances jugés primordiaux.

Debut de section - PermalienPhoto de André Vallini

Quelle est la différence entre supersonique et hypersonique ? C'est une question de vitesse ?

Général Philippe Lavigne. - En effet, lorsque la vitesse atteint Mach 5, on parle de vitesse hautement supersonique ou hypersonique.

Enfin, s'agissant du maintien en condition opérationnel et de la disponibilité, c'est en équipe que nous allons gagner, tout en étant tous individuellement plus forts. Je l'ai détaillé dans mon introduction car ce sujet compte aujourd'hui parmi mes priorités. La DMAé a notamment lancé des contrats de verticalisation, longs, dédiés à chaque flotte, pour rationaliser les responsabilités et enrayer les deux principaux inducteurs d'indisponibilité : attente de pièces et attente de décision. Nous avons d'ores et déjà obtenu des résultats, les attentes de décision sur le marché MCO Rafale ont significativement diminué. Pour poursuivre vers une remontée de disponibilité effective, nous devons agir sur l'organisation, mais aussi sur l'ordonnancement, avec les industriels et le Service industriel de l'aéronautique (SIAé), en coordination avec la DMAé.