Nous examinons la proposition de loi du groupe socialiste et républicain visant à rendre effectif et à renforcer le plafonnement des frais bancaires. Pour des raisons sanitaires, nous avons restreint la présence en commission et je remercie nos collègues qui ont accepté de ne pas venir physiquement et de participer à nos travaux par visioconférence, sachant qu'ils pourront débattre, mais sans prendre part au vote, lequel, hors les délégations de vote, exige une présence physique.
La proposition de loi visant à rendre effectif et à renforcer le plafonnement des frais bancaires constitue une initiative du groupe socialiste et républicain, parmi lesquels nos collègues Vincent Éblé et Rémi Féraud. Elle s'appuie sur des études menées par l'Observatoire de l'inclusion bancaire et par des associations de consommateurs. Ces dernières estiment à 6,5 milliards d'euros le montant des frais d'incidents bancaires payés par les ménages français, chiffre que la Banque de France et la Fédération bancaire française (FBF) contestent cependant.
Le nombre de personnes en situation de fragilité bancaire est estimé à 3,5 millions de personnes environ. Après la crise des « gilets jaunes », le Gouvernement et les responsables des établissements bancaires français ont cherché à juguler l'augmentation des frais bancaires, considérés comme trop élevés pour les ménages modestes, en les limitant à 25 euros par mois pour les personnes en situation de fragilité financière, et à 20 euros par mois pour les personnes ayant souscrit l'offre bancaire spécifiquement dédiée à cette clientèle.
Depuis 1984, plusieurs dispositions législatives contraignantes ont concerné l'inclusion bancaire, de la création d'un droit au compte à la mise en place d'une offre spécifique pour les clients en situation de fragilité financière. La définition de ces publics n'est cependant pas complètement fixée par la loi ni même par voie règlementaire, car il apparaît difficile d'apprécier la situation de chacun selon des critères identiques. De fait, le coût de la vie varie en fonction des régions, de la composition des familles et des choix de vie des ménages. Aussi, la liste des personnes bénéficiaires de l'offre spécifique est-elle laissée à l'appréciation des établissements bancaires à partir de lignes directrices fixées par voie réglementaire, prenant par exemple en compte le niveau des ressources, le nombre d'incidents sur le compte, etc.
Au terme de l'engagement pris par la profession bancaire en décembre 2018, un plafonnement de l'ensemble des frais d'incidents bancaires s'applique pour les clients fragiles financièrement, au-delà du cadre juridique qui plafonne l'ensemble des commissions d'intervention ainsi que certains frais de rejet, pour tous les Français. La proposition de loi élargit le champ du plafonnement auquel les banques se sont engagées à la facturation des frais et des services bancaires dans leur intégralité. Une telle disposition modifierait considérablement la relation entre les clients et les établissements bancaires. En effet, les services proposés diffèrent d'un établissement à l'autre et relèvent de la politique commerciale. Le texte reviendrait donc à contraindre les banques dans leur stratégie commerciale. En France, de telles dispositions coercitives sur les prix de services n'existent que dans le secteur de l'électricité.
La proposition de loi prévoit un plafonnement réduit, au maximum à un tiers du montant général, pour les personnes ayant souscrit l'offre spécifique. Il s'agit d'une offre de services limitée, par exemple, à une carte à autorisation systématique et sans autorisation de découvert. Sur les 3,5 millions de personnes en situation de fragilité bancaire, 497 000 personnes en bénéficient. En 2018, il est apparu que l'offre spécifique, introduite par la loi en 2013, n'était pas suffisamment diffusée. Depuis la rencontre entre le Gouvernement et les établissements bancaires faisant suite à la crise des « gilets jaunes », 110 000 nouveaux clients l'ont souscrite. Les associations de consommateurs expliquent le recours encore limité au dispositif par son caractère stigmatisant et par le fait qu'il ne correspond pas toujours aux besoins des ménages. De fait, d'autres offres, à l'instar du compte Nickel proposé par BNP-Paribas, rencontrent un large succès.
Si je partage l'objectif de limiter les frais bancaires pour les personnes les plus fragiles, l'idée de plafonner l'ensemble des services et des frais bancaires de toute nature me semble quelque peu hasardeuse, et pourrait même présenter des risques constitutionnels au titre de la liberté de la concurrence.
Le texte propose, en outre, qu'un président de conseil départemental, un président de centre communal d'action sociale (CCAS) ou la Banque de France puissent enjoindre un établissement bancaire à proposer l'offre spécifique à l'un de ses clients. Or, les banques doivent déjà proposer l'offre spécifique à leurs clients en difficulté, tandis qu'un travailleur social peut assister toute personne en situation de fragilité dans le cadre des démarches bancaires. Dès lors, l'intervention d'un tiers dans le dispositif ne semble pas nécessaire. Elle existe en matière de droit au compte. Or j'observe que, selon l'Observatoire de l'inclusion bancaire, seules deux désignations sont intervenues en 2018 à la suite de l'intervention d'un CCAS et d'une association de consommateurs.
Au regard de mes observations, je vous propose de ne pas adopter la présente proposition de loi, trop contraignante et risquée pour les opérateurs bancaires comme pour les clients. La crise actuelle rend d'autant plus essentiel le rôle des banques dans le développement et le soutien de l'économie. Elles doivent, à cet effet, disposer des moyens suffisants. En outre, le risque existe que le réseau bancaire, dense dans notre pays, ne s'étiole au profit des services numériques.
Cette proposition de loi du groupe socialiste et républicain, très brève, est l'aboutissement de débats que nous avons déjà eus, notamment dans le cadre de l'examen du projet de loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire. Son objectif est de donner suite aux engagements pris à l'occasion du mouvement des « gilets jaunes » en matière d'encadrement des frais bancaires.
Nous avons en effet fait le choix de prendre en compte l'ensemble des frais bancaires dans le plafonnement, qu'ils couvrent les services ou les incidents de paiement. Certes, la seconde catégorie est la plus importante, mais il convient de traiter l'ensemble des frais en raison du manque de transparence en la matière, malgré les engagements pris par les banques. Les tarifs des services bancaires sont un véritable maquis, dont la complexité est probablement volontaire. Pour toucher l'ensemble de la clientèle bancaire, les plus fragiles feraient l'objet d'un plafonnement spécifique plus bas que celui de la clientèle générale.
Je ne crois pas que cela relève d'une logique d'économie administrée appliquée seulement au secteur bancaire : nous avons bien obtenu du Gouvernement qu'il plafonne le prix des gels hydroalcooliques et masques chirurgicaux. Il s'agit non pas d'aboutir à un tarif unique, mais d'établir un plafonnement dont le montant sera fixé au niveau réglementaire. Les incidents de paiement font au demeurant l'objet d'un engagement de plafonnement à 25 euros par les banques, mais cet engagement n'est pas pleinement mis en oeuvre.
Enfin, nous proposerons un amendement tenant compte du contexte de la crise sanitaire. Le texte ayant été déposé avant cette crise, il convenait d'ajouter une exonération de frais bancaires au titre d'incidents de paiement pour les personnes au chômage partiel, les étudiants ou encore les personnes bénéficiaires du fonds de soutien. Les frais bancaires, en cette période, ne font qu'aggraver les difficultés, d'autant que les engagements pris par les banques en 2019 n'ont pas été suivis de changements significatifs. Cet amendement reprend un article introduit par le Sénat dans le texte de prorogation de l'état d'urgence sanitaire, mais supprimé par la suite à l'Assemblée nationale sur l'initiative du Gouvernement.
Cette proposition de loi doit faire avancer le débat. Je note qu'après le dépôt de ce texte, les banques ont pris de nouveaux engagements : son adoption les aiderait dans cet effort.
Je suis partagé.
D'un côté, dans un secteur concurrentiel, la règle doit être en principe : que le meilleur gagne. Faut-il réglementer l'économie, prévoir des tarifs et des plafonnements ? Après tout, se nourrir est, par les temps qui courent, un service essentiel, et l'on ne va pas, pour autant, réguler les prix dans les boulangeries. On a vu, par le passé, les résultats économiques de telles politiques.
D'un autre côté, il est également possible de considérer, avec Rémi Féraud, que le service bancaire est essentiel, que des abus sont commis dans les frais imposés aux publics les plus fragiles.
Cependant, ce texte est-il nécessaire au regard de l'offre disponible aujourd'hui ? Michel Canevet a cité le compte Nickel. Je viens de consulter les tarifs de la Banque postale, la mieux implantée sur le territoire national et parmi la clientèle fragile : les frais de tenue de compte sont de 1,10 euro par mois, la carte bancaire coûte 25 euros par an ; retraits et virements en ligne sont gratuits. Il y a une sélectivité de fait : les publics les plus fragiles ne se tournent pas vers les banques dont les services ne répondent pas à leurs besoins. Le mieux est de garantir la transparence à travers une concurrence réelle, alors que les taux bas et la crise actuelle nous mènent plutôt à une réduction du réseau, voire de l'offre.
J'entends bien que l'ouverture de compte est un service indispensable : on ne peut percevoir de revenus ou certaines prestations sans compte bancaire désormais. Cependant, l'offre existante ne serait pas améliorée par l'article unique de cette proposition de loi.
Je ne suis pas spécialiste du sujet. Monsieur le rapporteur, pourriez-vous nous éclairer sur le contrôle des plafonnements existants ? Est-il effectif et assorti de sanctions ? Des abus caractérisés ont-ils été constatés ? Le rapporteur général a cité la Banque postale ; existe-t-il un classement comparatif des frais bancaires au titre des découverts, des commissions de service, des rejets de paiement, des commissions d'intervention ?
Notre commission a entendu voici quelques jours Mme Maya Atig, directrice générale de la Fédération bancaire française. La France compte encore un très grand nombre d'agences bancaires, alors que les banques ont massivement réduit leur présence physique dans les autres pays européens. L'une des plus grandes banques françaises, BNP Paribas, est engagée dans des fermetures de guichets. C'est pour couvrir les frais liés à la tenue de toutes ces agences que les banques ont augmenté les frais bancaires. Le modèle économique a changé.
Je suis sensible à l'idée de plafonner les frais bancaires, qui ont augmenté. La Banque postale, que le rapporteur général a citée, a des tarifs raisonnables ; d'autres, disons-le, pratiquent des prix délirants. Mais il faut avoir conscience de ce qu'une limitation des tarifs bancaires se traduira par une réduction de la présence des agences sur notre territoire, et plutôt dans les zones rurales qu'à Paris. Et on déposera alors une proposition de loi pour augmenter le nombre de distributeurs...
Rémi Féraud a précisé que le champ du texte couvrait l'ensemble des frais bancaires. Les 6,5 milliards d'euros mentionnés dans l'exposé des motifs correspondent-ils à la facturation des seuls incidents bancaires, ou au total des frais ?
Des mécanismes sont nécessaires pour limiter l'impact des frais bancaires, qui tombent en cascade sur ceux qui ont déjà des difficultés. Jusqu'où faut-il aller ? Attention aux effets de bord de la disposition qui donne à la Banque de France, au président du conseil départemental, au président du centre communal ou intercommunal d'action sociale la possibilité de donner des injonctions aux établissements bancaires. Dans des territoires comme la Seine-Saint-Denis, si un président de CCAS peut imposer des tarifications aux banques, celles-ci fermeront tout simplement leurs agences sur le territoire. Si nous allons trop loin, seule la Banque postale restera dans certaines zones, ou alors les autres banques sélectionneront leurs clients.
Merci au rapporteur pour sa pédagogie. Comme le rapporteur général, je suis assez partagé. Si je suis sensible à l'objectif visé, je suis interpellé par les effets de bord et les conséquences indésirables de ce genre d'initiative. Plus qu'un service essentiel, c'est un service obligatoire auquel personne ne peut se dérober, faute de pouvoir percevoir le moindre revenu ou de payer impôts et taxes. Je ne suis pas choqué par l'idée de réglementer un service obligatoire. Reste à définir les modalités.
La Banque postale est déjà la banque des pauvres sur nos territoires. À Persan, 13 000 habitants, dont j'ai été maire pendant seize ans, il ne reste plus qu'une des trois agences bancaires qui existaient il y a vingt ans, celle de la Banque postale - et nous avons dû nous battre pour obtenir deux malheureux distributeurs de billets supplémentaires. Cette ville est la deuxième la plus pauvre du département du Val-d'Oise, en revenu moyen des ménages. Elle n'a rien à envier à certaines communes de la Seine-Saint-Denis.
En ce moment, le manque d'agences pose des problèmes, au vu des conditions d'accès aux établissements recevant du public. Il y a des files de cinquante personnes souhaitant percevoir leurs prestations sociales. L'accessibilité aux services bancaires est problématique de manière générale.
Aborder cette question est une excellente initiative, même si cette proposition de loi n'apporte pas forcément la meilleure réponse. Le sujet est d'importance pour notre commission pour les années qui viennent.
Il y a un sujet sur les frais bancaires, qu'on le veuille ou non, au-delà la concurrence. L'engagement pris fin 2018 par le secteur bancaire de geler les tarifs n'est pas venu par hasard, mais de la pression sociale dans notre pays. L'engagement a-t-il été tenu à 100 % par toutes les banques ? Dans une interview en février, le ministre de l'économie et des finances, M. Bruno Le Maire, disait que globalement, cela avait été respecté, mais que certaines banques n'avaient pas joué le jeu. Il disait avoir demandé à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) de procéder à un name and shame en publiant leurs noms. Le Gouverneur de la Banque de France, M. Villeroy de Galhau avait annoncé que nous aurions un bilan complet de la situation en mai ou juin de cette année. Il existe un vrai problème pour la clientèle la plus fragilisée, qui se compte malheureusement par millions dans notre pays ; les moindres frais viennent charger la barque.
À l'occasion d'un stage en début d'année à la Banque de France, j'ai découvert que les microcrédits avaient des taux d'intérêt supérieurs aux taux du marché au prétexte que le risque était plus élevé, ce qui est faux, car le public concerné est accompagné par des travailleurs sociaux, ce qui diminue le risque de non-remboursement du prêt. Cela m'a scandalisé. C'est sidérant. Cette proposition de loi est tout à fait bienvenue ; elle aura notre soutien.
Je partage globalement l'intérêt pour le sujet. En revanche, je m'inscris dans la préoccupation générale et je partage la position d'équilibre de notre rapporteur général. À la suite de la crise des « gilets jaunes », un nouveau dispositif se met en place : allons jusqu'au bout et voyons objectivement s'il parvient à un plein accomplissement - je pense à l'offre spécifique. Souvenons-nous qu'il a fallu des années pour que le système d'aide à la complémentaire santé monte réellement en puissance. Pendant plusieurs années, seuls 10 % à 40 % des bénéficiaires potentiels y avaient recours. Beaucoup d'efforts de communication ont été nécessaires. Regardons comment faire monter en puissance le dispositif.
Il existe un équilibre général des services bancaires. On ne peut pas dissocier ce sujet de la présence physique des banques sur le territoire - encore plus en pleine crise sanitaire. Les banques affirment qu'à moins de trois salariés dans une agence, celle-ci ne peut pas être ouverte, pour diverses raisons de roulement des effectifs, d'accessibilité ou de sécurité. Dans trop de territoires, le manque de distributeurs de billets est criant. Dans mon département de Meurthe-et-Moselle, certains doivent parcourir 25 minutes en voiture pour atteindre un distributeur. J'ai lu tous les rapports de la Banque de France et des autres. C'est comme le droit au compte : les mêmes populations peuvent être victimes de plusieurs effets de bord.
Il faut de la concurrence dans les services. Regardons comment les opérateurs se positionnent.
Le sujet peut être pris sous plusieurs angles. La baisse des revenus des banques est liée à la réduction des marges sur les taux d'intérêt. Entre les taux des prêts et leur refinancement sur les marchés, la rémunération des banques a fortement baissé. Les rémunérations des placements, pour les banques de dépôt, ont également baissé. Auparavant, entre la rémunération qu'elles fournissaient à leurs clients et leurs placements, il y avait également une marge. Les banques ont donc cherché à se rémunérer différemment, sur les services et sur les incidents. Comme l'a dit Jérôme Bascher, leur modèle a changé. Cela ne nous exonère pas d'examiner la pertinence des frais bancaires qui ont une base légale.
Il y a un vrai maquis des frais bancaires et une transparence en petits caractères. Les banques envoient de plus en plus de documentation, mais 99 % des détenteurs de compte ne la lisent pas. Il y a un vrai problème. On arrive à des aberrations, lorsque ce sont les frais bancaires qui font passer à découvert et enclenchent des pénalités. C'est un effet boule de neige intolérable qui touche principalement les publics les plus fragiles.
J'ai découvert un jour l'arsenal des banques, en ayant une commission de lecture de bilan pour un compte presque inactif. Ce n'est plus contractuel ! Si j'achète un service, c'est normal que je le paie et que la banque dispose d'une certaine liberté pour me le proposer. Mais fournir un bilan est une obligation : l'entreprise n'a pas le choix. Il n'y a donc pas de prestation.
L'approche de la proposition de loi n'est peut-être pas tout à fait la bonne dans la mesure où elle est trop catégorielle. Il est difficile de définir réellement les publics fragiles. Surtout, pourquoi ne pas inclure les publics susceptibles de devenir fragiles, comme un artisan en difficulté ?
Il ne faut pas fragiliser le système bancaire, mais encadrer les pratiques : agir sur les principes plutôt que sur le niveau des commissions et les rémunérations, et bien faire la distinction entre les services et la tarification des incidents. Cette dernière mériterait un meilleur encadrement. Nul besoin d'une catégorisation. On peut tarifier les incidents de façon générale : automatiquement, ce sont les publics les plus fragiles qui en bénéficieront. C'est différent, mais cela répond au souhait des auteurs de la proposition de loi. L'intention de cette dernière est bonne, mais dans la pratique, répond-elle au problème ? Je n'en suis pas sûr.
Ce sujet extrêmement important a été ravivé par la crise des « gilets jaunes ». Je remercie les auteurs de cette proposition de loi, même si l'on peut s'interroger sur son caractère opérationnel.
Nous devons continuer à travailler sur le suivi de l'engagement de frais bancaires de 25 euros mensuels maximum pour les publics les plus fragiles, ou de 20 euros par mois pour ceux qui avaient souscrit à l'offre spécifique. Voyons où nous en sommes.
Nous devons surtout travailler sur la transparence de l'information et sa clarté. La définition des critères des personnes fragiles laisse beaucoup de marge aux banques. Peut-être faut-il travailler d'abord sur les critères d'accès, et que les banques communiquent davantage sur les bénéficiaires du dispositif. Les banques doivent aussi renforcer la transparence des prix.
Le groupe LaREM est plutôt sur une position d'abstention, avec l'idée d'approfondir le sujet.
Je reprends la distinction de M. Jean-Marc Gabouty entre les services, qui peuvent être payants - et il faut laisser la liberté aux banques, qui souffrent de la désintermédiation, et qui ne peuvent plus se rémunérer sur les taux d'intérêt - et les frais pour incidents. C'est davantage sur cet aspect qu'il faut se pencher.
On m'a fait part de coûts de 130 euros ou de 150 euros pour des incidents, ce qui semble exorbitant par rapport au travail fourni par la banque. Or, les incidents concernent les personnes les plus fragiles ou les moins attentives.
Disposer d'agences bancaires dans nos territoires est nécessaire. C'est une demande des citoyens. Dans le contexte actuel, certaines banques, notamment mutualistes, ne facturent pas certains actes : on ne peut pas seulement opposer les vilaines banques aux gentils consommateurs. On a multiplié les contraintes sur les banques, les documents à remplir, ce qui coûte de l'argent. Simplifier la relation bancaire leur ferait faire des économies.
Je le redis, intéressons-nous surtout aux incidents, sur lesquels il y a des abus.
Je vous remercie de vos interventions. Cette proposition de loi a la qualité et le défaut de prendre en compte l'ensemble des frais bancaires, pour poser l'intégralité du problème. L'objectif prioritaire porte sur les frais pour incidents bancaires. Les 6,5 milliards d'euros cités sont les frais pour incidents bancaires ; l'ensemble des frais bancaires s'élèvent à plus de 30 milliards d'euros. Il ne s'agit pas de supprimer les frais pour incidents bancaires, mais de les plafonner. En moyenne, les frais pour incidents bancaires s'élèvent donc à 100 euros par Français ; c'est beaucoup, et les frais sont encore plus élevés pour les plus modestes, pour lesquels ils peuvent atteindre plusieurs milliers d'euros par an. Ces frais mettent sous l'eau la tête de personnes déjà en difficulté.
C'est pour cela que le Président de la République a cité ce point dans son intervention télévisée lors de la crise des « gilets jaunes ».
La Banque postale a des tarifs bien inférieurs à tout plafonnement. L'objectif n'est pas que cette banque accueille toute la clientèle fragile, mais qu'il y ait un partage entre les banques.
J'entends vos remarques quant aux effets pervers du mécanisme d'injonction de la proposition de loi. Même à Paris, certains quartiers manquent de distributeurs automatiques. Il est important de rendre effectif non pas le droit à zéro frais bancaires, mais le droit à l'offre spécifique. Nous en débattions hier sur un autre sujet, le droit au compte pour les Français de l'étranger : comment rendre effectif un droit qui est parfois refusé à certains ? Cette proposition de loi mériterait d'être enrichie sur la transparence, pour avoir une exhaustivité de l'information sur l'ensemble des frais bancaires.
Les banques se sont engagées à faire payer 25 euros de frais maximum par mois pour les incidents bancaires ; mais elles mettent en oeuvre ce dispositif souvent trop tard, et pour trop peu de personnes. Les banques font sortir leurs clients de ce plafonnement plus vite que prévu, dans une logique punitive.
Le Gouvernement a déposé un amendement à l'Assemblée nationale contre l'exonération des frais bancaires en période d'état d'urgence sanitaire voté par le Sénat en invoquant un effet d'aubaine. Les banques veulent un effet d'alerte des clients pour limiter les découverts, mais ceux-ci augmentent souvent à cause des frais bancaires. Notre proposition de loi ne propose pas de supprimer les frais bancaires pour incident - sauf pendant l'état d'urgence sanitaire. Conservons un système d'alerte avec des frais limités pour aider les gens à s'en sortir, sans qu'il se transforme en spirale infernale.
Merci de vos interventions. Il faut aller vers plus de transparence, et instituer dans la loi les engagements que les banques ont pris.
Sylvie Vermeillet, le contrôle des pratiques bancaires, réalisé par l'ACPR, s'est intensifié. La procédure de name and shame à l'égard des réseaux bancaires qui ne respectent pas la réglementation, annoncée par le ministre de l'économie et des finances, devrait être rapidement instituée. Selon l'ACPR, les pratiques ont évolué, même si certaines banques demeurent en dehors des clous. La prise de conscience des banques est assez récente depuis les incidents de 2018 et les obligations instaurées par le Gouvernement.
Jérôme Bascher, le modèle des réseaux change. Si on institue une limitation des services bancaires, l'incidence sur les réseaux sera extrêmement forte. Le chiffre de 6,5 milliards d'euros de frais pour incidents bancaires est contesté tant par la Banque de France que par la Fédération bancaire française. La Banque de France n'arrive pas à un tel niveau.
L'obligation de transparence comprend une obligation de reporting, qui doit être beaucoup plus forte. L'Observatoire de l'inclusion bancaire, composé de représentants d'institutions bancaires et d'associations de consommateurs, doit disposer d'éléments fiables.
Arnaud Bazin, la Banque postale accueille la moitié des clients français en fragilité financière, avec des tarifs attractifs ; elle doit avoir les moyens de continuer sa mission particulière, comme me le rappelait son président.
Éric Bocquet, vous soulevez un vrai problème. Le microcrédit n'est pas traité comme il le devrait, alors qu'il a une mission sociale importante. Il n'est pas normal que le taux de prêt soir largement supérieur à celui du marché.
Je suis d'accord avec Jean-Marc Gabouty : il faut des frais bancaires qui ne soient pas surréalistes. La création de plus de cent commissions diverses par les banques doit être davantage encadrée. Mais la relation entre les banques et leurs clients doit rester commerciale, et donc synonyme de liberté. Il faut distinguer les frais pour services de ceux pour incidents bancaires.
En conclusion, il n'est pas possible, en l'état actuel de la rédaction du texte, de l'adopter. Il faut prendre le temps de la réflexion en vue de l'examen en séance. Je pense en particulier à l'offre spécifique : avoir un arsenal d'intervenants supplémentaires n'apporterait pas grand-chose. Actuellement la loi impose déjà aux banques de proposer cette offre, et les clients peuvent être accompagnés. Il faut une meilleure transparence et un meilleur reporting.
Quant à l'amendement relatif à la situation de crise, je ne sais pas s'il est nécessaire que la moitié des Français soient considérés comme un public en difficulté : 12,7 millions d'entre eux accèdent au chômage partiel, d'autres aux aides du fonds de solidarité... Est-ce la meilleure façon de traiter le sujet ? Prenons surtout en compte les personnes qui risquent de perdre leur emploi. Certaines personnes sont en difficulté, d'autres ont plutôt profité de la crise pour épargner davantage. Ciblons davantage le dispositif au lieu de créer une mesure généralisée...
Le rapporteur propose de ne pas adopter la proposition de loi et donc de ne pas établir de texte de commission. Je vous propose, si les auteurs de la proposition de loi et de l'amendement en sont d'accord, de voter sur la proposition du rapporteur.
La proposition de loi n'est pas adoptée. En conséquence, l'amendement COM-1 rectifié devient sans objet.
Conformément au premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance portera en conséquence sur le texte initial de la proposition de loi déposée sur le Bureau du Sénat.
Le rapporteur propose, pour délimiter le périmètre du texte au titre de l'article 45 de la Constitution, de retenir, d'une part, le plafonnement des frais d'incidents et de services bancaires des personnes physiques n'agissant pas pour des besoins professionnels et, d'autre part, les conditions dans lesquelles les personnes physiques n'agissant pas pour des besoins professionnels en situation de fragilité financière peuvent souscrire une offre bancaire spécifique.
Le périmètre de la proposition de loi est ainsi défini.