Commission des affaires européennes

Réunion du 16 juillet 2020 à 8h35

Résumé de la réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Le premier point de notre ordre du jour concerne l'Union européenne et la santé. Début avril, j'avais réuni le Bureau de notre commission pour évoquer la façon dont celle-ci pouvait organiser ses travaux dans la période exceptionnelle de confinement décidée en réponse à l'épidémie de Covid-19. Déjà à cette date, le Bureau s'était inquiété du jour d'après : nous étions alors confrontés à une pandémie qui touchait tous les États membres et à des réponses qui étaient, dans un premier temps, essentiellement nationales. Le Bureau, conscient de la nécessité d'une réponse européenne plus consistante sur ce sujet sanitaire transfrontière, avait alors proposé de confier le soin de préparer un rapport sur l'Union européenne et la santé à nos collègues Mmes Laurence Harribey et Pascale Gruny, qui suivent les sujets santé pour notre commission. Ce rapport devait permettre d'évaluer la réponse sanitaire de l'Union européenne et de ses agences à la pandémie de Covid-19, au regard de leurs moyens et de leurs compétences, et d'envisager les évolutions nécessaires en ce domaine, afin de garantir l'autonomie stratégique de l'Union en matière sanitaire.

Nos collègues n'ont eu que quelques semaines pour travailler et élaborer leur rapport. Elles vont nous le présenter aujourd'hui ; je crois qu'il dessine des perspectives intéressantes, qui mériteront d'être approfondies dans les mois à venir. La santé est une compétence régalienne des États, mais le virus ne connaît pas de frontières et une réponse coordonnée est donc nécessaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Les délais ont été brefs. Nous avons réalisé de nombreuses auditions, mais il reste beaucoup à faire et ce rapport constitue un rapport d'étape.

La pandémie de Covid-19, qui a durement frappé tous les États membres de l'Union européenne et porté atteinte aux libertés qui fondent le marché intérieur, nous pousse à nous interroger sur le rôle de l'Union en matière de santé. Le caractère transfrontalier de la menace a nourri une attente légitime d'action européenne dans le domaine sanitaire. Pourtant, le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ne donne à celle-ci qu'un rôle limité en ce domaine : il prévoit que l'Union n'a qu'une compétence d'appui et de coordination de l'action des États membres.

Cette compétence s'est pourtant étoffée à la suite des différentes crises sanitaires que l'Union européenne a connues. Ainsi, c'est à la suite du scandale du sang contaminé que le Traité de Maastricht a consacré un article à la santé publique. Plus tard, la crise de la « vache folle » permettra que soient incluses dans le Traité d'Amsterdam des dispositions permettant à l'Union d'adopter des mesures contraignantes fixant des normes élevées de qualité et de sécurité des organes et substances d'origine humaine, du sang et des dérivés du sang.

Aujourd'hui, les compétences de l'Union dans le domaine de la santé sont régies par l'article 168 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Celui-ci attribue notamment à la Commission une compétence réglementaire pour prendre des mesures fixant des normes élevées de qualité et de sécurité des médicaments et des dispositifs à usage médical. Toutefois, il rappelle également que les États membres sont compétents pour définir leurs politiques de santé.

Cette compétence limitée de l'Union explique la faiblesse du budget consacré à la santé publique dans les différents cadres financiers pluriannuels. Pour 2014-2020, ce budget était de seulement 439 millions d'euros. À titre de comparaison, pour la même période, le budget consacré par l'Union européenne à la recherche était de 80 milliards d'euros. Dans cette enveloppe, la recherche médicale mobilise un budget d'environ 7 milliards d'euros.

Ce modeste programme « santé » vise essentiellement à promouvoir la coopération entre États membres et à financer des mesures pour répondre à certaines urgences sanitaires. Ainsi, il a permis de développer des actions pour limiter la propagation des virus Ebola et Zika et faciliter l'accès aux soins de santé des migrants arrivés en 2015 et 2016.

Ce programme ne finance donc pas de projets structurels au sein des États membres, comme la construction d'un hôpital par exemple. Ce type de projet ressort plutôt du Fonds social européen (FSE). Avant la pandémie, il était question de fondre le programme santé dans le FSE. Cette idée a été abandonnée depuis.

Par ailleurs, l'Union européenne a institué différentes agences indépendantes permettant notamment l'évaluation du risque. Pour permettre une centralisation des autorisations de mise sur le marché des produits entrant dans l'alimentation et des médicaments, elle a respectivement créé l'Agence européenne de sécurité des aliments et l'Agence européenne des médicaments (EMA). C'est sur la base de leurs avis scientifiques que l'Union européenne autorise ou non la mise sur le marché, via une procédure de comitologie.

À ces deux agences s'ajoute le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, l'ECDC. Créé en 2005 à la suite de l'épidémie de SRAS, l'ECDC a pour objectif de renforcer les défenses de l'Union contre les maladies infectieuses en identifiant et évaluant la menace que représentent ces maladies.

Enfin, face aux menaces sanitaires transfrontières graves, la décision 1082/2013/UE du Parlement européen et du Conseil organise la réponse de l'Union en instituant un Comité de sécurité sanitaire composé de représentants des États membres chargés d'apporter une réponse coordonnée à la crise. Cette décision prévoit également que, pour soutenir les États membres, la Commission pourra mettre en oeuvre une procédure conjointe de passation de marché pour garantir les approvisionnements.

Si on analyse ces éléments, l'action de l'Union européenne en matière de santé publique semble limitée. Pourtant, son impact est plus important qu'il n'y paraît. En effet, le principe de libre circulation s'applique aux dispositifs médicaux et aux médicaments d'une part, et aux professionnels de santé et aux patients, d'autre part. C'est aussi l'Union européenne qui définit les caractéristiques techniques que doivent respecter les dispositifs médicaux mis sur le marché et c'est l'Agence européenne du médicament qui délivre les autorisations de mise sur le marché des médicaments. L'Union définit également les droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers, ainsi que les conditions de reconnaissance des qualifications des professionnels de santé.

De plus, dans le cadre du semestre européen qui renforce la discipline budgétaire au sein des États membres, l'Union fait des recommandations pour la maîtrise des dépenses publiques liées à la santé.

Ainsi, l'Union intervient plus largement qu'au titre des seules dispositions des traités relatives à la santé publique. Cette situation a également pu être observée durant la pandémie comme va vous l'expliquer Laurence Harribey.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Harribey

L'Union européenne, en effet, est intervenue dans au moins quatre domaines différents pour tenter de faire face à la crise sanitaire. Elle a tout d'abord tenté d'éviter une pénurie de dispositifs médicaux et de médicaments. Pour cela, la Commission européenne a lancé quatre procédures conjointes de passation de marché afin de permettre aux États membres de disposer de certains équipements sanitaires à un tarif plus avantageux. Elle a également publié de nouvelles lignes directrices recommandant aux États membres d'encadrer les ventes en pharmacie pour prévenir la constitution de stocks et de s'assurer que les entreprises présentes sur leur territoire augmentent leur production.

En outre, la Commission européenne a demandé à l'Agence européenne des médicaments d'identifier les besoins des États membres et d'évaluer les capacités de production des industriels pour les médicaments utilisés dans les unités de soins intensifs.

Enfin, la Commission a négocié directement avec les autorités indiennes pour obtenir un assouplissement des restrictions à l'exportation de principes actifs mises en place par l'Inde.

Toutefois, l'Union a eu le plus grand mal à obtenir des États membres qu'ils renoncent aux restrictions à l'exportation de dispositifs médicaux et de médicaments que plusieurs d'entre eux avaient instaurées. Chaque État membre a voulu constituer ses propres stocks, aggravant ainsi la pénurie dans d'autres États membres.

En parallèle, la Commission européenne a assoupli, dans le cadre du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, les règles relatives aux aides d'État et aux ententes.

Concernant les aides d'État, l'Union a publié une communication le 19 mars 2020 présentant un assouplissement temporaire des conditions dans lesquelles les États membres peuvent soutenir leurs entreprises nationales. Cette aide peut notamment prendre la forme de subventions directes, de garanties sur les prêts contractés par des entreprises auprès d'une banque, d'avances remboursables et d'avantages fiscaux.

Concernant les ententes, la Commission a publié, le 8 avril dernier, une communication présentant le cadre temporaire pour l'appréciation des politiques anticoncurrentielles dans les coopérations mises en place entre les entreprises pour réagir aux situations d'urgence découlant de la pandémie de Covid-19. Cela permet aux entreprises de disposer d'un cadre juridique clair pour coopérer.

Troisièmement, son intervention dans le domaine de la recherche et de la protection civile a renforcé son action dans le domaine strictement sanitaire. Ainsi, l'Union a débloqué plus d'un milliard d'euros pour la recherche, notamment au travers du programme Horizon 2020. Elle prévoit, pour le prochain cadre financier pluriannuel, de consacrer 3 milliards d'euros à l'Instrument d'aide d'urgence, dont 300 millions au profit de la réserve d'équipements médicaux RescEU, permettant de financer des stocks de matériel médical.

Enfin, l'Union et ses agences, notamment le Centre européen de protection et de contrôle des maladies, ont publié plusieurs recommandations pour tenter de coordonner l'action des États membres, que ce soit en matière de dépistage ou de sortie du confinement.

Après avoir analysé l'action de l'Union durant la pandémie, il nous est apparu qu'elle disposait des compétences nécessaires pour apporter un concours efficace aux États membres, mais encore faut-il qu'elle en ait les moyens.

Le programme « UE pour la santé », présenté le 28 mai dernier, doit permettre d'accroître la capacité de l'Union à répondre aux crises sanitaires et améliorer à moyen terme la résilience des systèmes de santé nationaux. Il serait financé à hauteur de 1,946 milliard d'euros sur le budget de l'Union européenne et de 8,451 milliards d'euros provenant de l'instrument de l'Union européenne pour la relance, soit un total de 10,397 milliards d'euros et 23 fois plus qu'en 2014-2020. Si ce programme fixe des objectifs ambitieux, les modalités pour les atteindre ne sont pas encore définies. Pour nous, il est nécessaire de s'appuyer sur les acteurs de terrain et notamment les collectivités locales.

Enfin, la pandémie nous impose de réfléchir à comment restaurer la souveraineté sanitaire de l'Union, le virus n'ayant pas de frontières. Pour les médicaments, il faudra se concentrer sur un certain nombre d'entre eux, dont les principes actifs devraient être produits au sein de l'Union. Favoriser l'investissement, notamment par une politique fiscale adaptée, pourrait permettre d'accroître la production européenne. Il faut aussi prévoir de valoriser, par le biais des marchés publics, la capacité des entreprises à garantir les approvisionnements. La stratégie industrielle de l'Union doit désormais intégrer un objectif de souveraineté en matière sanitaire. Tout cela est possible dans le cadre juridique actuel et la question est plutôt celle du renforcement des moyens.

Voilà, tracées à grandes lignes, les perspectives futures qui nous semblent devoir orienter le développement d'une Union européenne de la santé. Nous aurons encore besoin d'approfondir le sujet et l'occasion nous en sera certainement donnée par la Conférence sur l'avenir de l'Europe, qui devrait être lancée à l'automne pour permettre aux Européens d'exprimer leurs attentes envers l'Union.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Rapin

Voilà un moment que l'on dit que la santé devrait être au coeur de l'Europe. Sentez-vous une volonté de tous les États membres d'avancer sur ce sujet pour parvenir à une véritable Europe de la santé ? De même, peut-on identifier un pilote : est-ce la commissaire européenne à la santé chypriote, que l'on a découverte avec la crise, ou bien les États membres ?

Debut de section - PermalienPhoto de Véronique Guillotin

La santé est un sujet qui me tient à coeur. Elle est au coeur de notre vie quotidienne. Élue de Meurthe-et-Moselle, à la frontière entre la France, le Luxembourg et la Belgique, je sais que nos concitoyens attendent une Europe du quotidien qui facilite la vie de tous les jours, et apporte de la fluidité plutôt que des complexités administratives. Nous allons quotidiennement au Luxembourg pour travailler, acheter notre essence, faire nos courses, etc. Oui il faut maintenir la souveraineté nationale, mais j'ai vu l'effet de la crise sanitaire sur les frontières. Les décisions de fermeture des frontières ou de restriction des déplacements devraient être précédées d'une concertation en amont. Il faut éviter les décisions unilatérales, car ces mesures ont un fort impact sur la vie de nos concitoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

J'ai l'impression qu'il y a un trou dans la raquette dans les propositions de la Commission en matière de santé : nous manquons d'un instrument de régulation des coopérations médicales et sanitaires entre les États membres et des pays tiers. La France a ainsi fourni à la Chine un laboratoire P4 et formé les médecins chinois aux transplantations d'organes. Mais, la France a été progressivement exclue du pilotage. Aucun Français ne siège au conseil d'administration de l'Institut Pasteur à Shanghai ! Finalement, on a réalisé un transfert gratuit de technologies médicales, dont on peut s'interroger sur les usages en Chine. Si une enquête internationale était conduite sur la pandémie de Covid-19, la France pourrait sans doute être incriminée pour avoir coopéré avec la Chine sans transparence, ni conditionnalité, ni ou obligation de rendre des comptes (accountability). Il faut donc que l'Union européenne se dote de règles et protège ses États membres.

La France a fourni des moyens à la Chine, mais celle-ci n'a pas respecté les règles de la coopération. Le laboratoire P4 de Wuhan est aux mains des militaires et les experts internationaux de l'Organisation mondiale de la santé n'y ont pas accès. On a joué la carte de la coopération médicale gratuite en échange de contrats commerciaux, mais, finalement, cela va à l'encontre de nos intérêts. Je compte prendre une initiative sur ce sujet. La pandémie transnationale illustre la nécessité que nos coopérations soient respectueuses de l'éthique en matière de santé. Ces coopérations sont faites au nom de la science, pour sauver des vies et améliorer la santé dans le monde, mais elles ont donné lieu à des dérives : une industrie considérable du transfert d'organes s'est développée en Chine, toutefois nul ne sait où ils trouvent les organes... L'Union européenne ferme les yeux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Votre intervention dépasse le cadre de ce rapport, mais elle est fondamentale.

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

Votre rapport indique qu'en 2016, l'Union européenne estimait qu'avec 6,4 lits d'hôpital pour 1 000 habitants, contre 4,8 en moyenne dans les pays de l'OCDE, la France avait des surcapacités et pouvait faire des économies. L'Union européenne a-t-elle réalisé une évaluation plus récente ? La crise a montré que l'on manquait de places dans les hôpitaux. Il serait intéressant de disposer d'une étude comparative avec l'Allemagne, qui a accueilli beaucoup de nos patients.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Il n'est pas sûr que les États soient prêts à déléguer la compétence santé à l'Union européenne. Nous avons travaillé à partir du cadre juridique existant sans vouloir le bouleverser. L'Union européenne facilite la coopération entre les États, et intervient déjà sur de nombreux sujets comme la reconnaissance des qualifications des professionnels de santé. Aller plus loin semble difficile. C'est pourquoi nous avons préféré mettre l'accent sur les moyens : la politique européenne de la recherche, par exemple, passe par des appels d'offre tous les cinq ans, mais ceux-ci s'achèvent souvent à leur terme sans être reconduits, faute de moyens. C'est dommage.

Les frontaliers ont l'habitude de passer les frontières pour aller travailler, faire leurs courses, etc. Il faut évoquer aussi la question fiscale. J'ai écrit au ministre à ce sujet. De nombreux Français qui travaillent et résident au Luxembourg ont dû faire du télétravail à domicile pendant la crise, ce qui les a conduits à dépasser le plafond des jours autorisés par la convention fiscale, au risque de devoir être imposés en France. Le Luxembourg en est mécontent, d'autant que le pays a accueilli des patients français pendant la crise. Donc on réclame plus d'Europe, mais c'est toujours compliqué. La Commission a des prérogatives importantes, mais le Conseil reste toujours déterminant.

M. Gattolin a raison : nous devons nous protéger et exiger la réciprocité et le respect de l'éthique dans nos accords internationaux.

Enfin, je n'ai pas la réponse dans l'immédiat sur les lits à l'hôpital. La France manquait plus précisément de lits de réanimation.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Harribey

Il n'y a pas un pilote, mais deux, car la compétence est duale : une compétence d'appui d'un côté, une compétence dérivée liée au marché unique de l'autre. Une approche transversale est souhaitable, sur le modèle de l'interministériel en France. Une politique européenne de la santé ne suppose pas nécessairement une modification de la compétence : celle-ci doit rester d'appui, mais la crise a montré la nécessité d'une coopération entre les niveaux européen, national et infranational. Il faut donc plutôt réfléchir sur la méthode et les moyens.

La crise a aussi posé la question du sens de l'Europe ; il ne faut plus regarder la santé et les autres politiques européennes au travers du prisme des critères de Maastricht, mais en fonction du sens que l'on veut lui donner. C'est comme cela qu'il faut poser la question de l'articulation entre la souveraineté nationale et la souveraineté européenne. Il faut réaffirmer le modèle européen et dépasser une vision étriquée de la construction européenne. La suspension du Pacte de stabilité pendant la crise illustre ce point et remet en perspective la question des objectifs, même si on ne peut pas non plus s'abstraire totalement des impératifs économiques et financiers. Enfin, on voit apparaître chez les acteurs une prise de conscience de la nécessité de disposer d'un outil de régulation des accords internationaux en matière de santé et d'une structuration européenne de la filière sanitaire. Nous avons manqué de temps pour étudier la façon dont chaque pays a abordé la question européenne pendant la crise.

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

Vous avez évoqué les appels d'offre. Il faut dénoncer le poids de la charge bureaucratique européenne. Le directeur de l'Institut Pasteur au Cambodge me disait, il y a quelques années, qu'il avait besoin d'un collaborateur à plein temps pour répondre aux appels d'offre européens, tant les dossiers sont volumineux et complexes. La situation ne s'est pas améliorée depuis...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Le concept d'Europe au quotidien est fondamental. Je relève par ailleurs que les décisions de certains États pour accompagner d'autres États extra-européens peuvent avoir des répercussions géopolitiques importantes.

À l'issue du débat, la commission autorise, à l'unanimité, la publication du rapport d'information.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

C'est très bien d'autoriser la publication : le rapport imprimé sera diffusé à vingt ou trente exemplaires seulement. Pour le surplus, il sera sur internet, où nul n'ira le consulter : c'est la numérisation par l'absurde !

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

Oui, c'est l'air du temps, mais je le regrette, car les travaux de notre commission sont moins connus. Autrefois, on imprimait le rapport à des centaines d'exemplaires...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Je comprends vos regrets. Il s'agit d'une décision des plus hautes autorités du Sénat qui évite des gaspillages. Nous pouvons réfléchir aux moyens d'assurer malgré tout la meilleure diffusion à nos travaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Nous sommes saisis d'une proposition de résolution européenne (PPRE) qui a été déposée le 25 juin dernier par plusieurs de nos collègues : Sylviane Noël, Frédérique Puissat, Michel Savin, Jean-Pierre Vial, Colette Giudicelli, Cyril Pellevat et Martine Berthet. Ce texte vise à modifier le classement dont bénéficie le loup au sein de la Convention de Berne. Notre commission a confié son examen à notre collègue Cyril Pellevat, qui en est l'un des signataires et qui connaît déjà bien ce sujet, non seulement en qualité d'élu alpin confronté aux dégâts que font les loups sur les troupeaux, mais aussi parce qu'il en traite déjà à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, devant laquelle il vient de présenter un rapport sur l'application de la loi Montagne II.

Debut de section - PermalienPhoto de Cyril Pellevat

Cette PPRE, dont je suis co-signataire, traite d'un sujet qui a déjà été abordé à plusieurs reprises au Sénat : la situation du loup. Je l'ai d'ailleurs évoqué hier, en effet, devant la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, à l'occasion de ma communication sur le développement économique de la montagne. Je vous rappelle que le loup bénéficie d'un niveau très élevé de protection en application, à la fois, de la Convention de Berne et de la directive européenne « Habitats, faune, flore ».

La convention de Berne de 1979 relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe, ratifiée par la France en 1989, assure la protection de certaines espèces de flore et de faune sauvages et de leurs habitats naturels. L'annexe II de cette convention classe le loup parmi les espèces strictement protégées. Toute forme de capture intentionnelle, de détention ou de mise à mort intentionnelle du loup est ainsi interdite.

Le loup est également une espèce d'intérêt communautaire, relevant de la directive européenne « Habitats, faune, flore » du 21 mai 1992 et de son annexe IV, transposée aux articles L. 411-1 et suivants du code de l'environnement. Il fait l'objet d'une protection stricte à ce titre.

La protection du loup n'est bien sûr pas absolue. En droit international, aux termes de l'article 9 de la Convention de Berne et, en droit européen, aux termes de l'article 16 de la directive « Habitats, faune, flore », il est possible de déroger à la protection du loup, sous réserve que trois conditions soient réunies : qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, que la dérogation ne nuise pas à la survie de l'espèce et que des dommages importants aux cultures ou à l'élevage soient constatés.

La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), comme elle l'a montré dans deux arrêts récents, exerce un contrôle vigilant des dérogations à la protection accordée au loup, octroyées en application de l'article 16 de la directive « Habitats, faune, flore ». En France, des arrêtés autorisent chaque année des dérogations à la protection du loup, en permettant des tirs de défense et, le cas échéant, des tirs de prélèvement, dans la limite d'un plafond.

Un dispositif expérimental a été mis en place depuis 2018, distinguant différents cercles en fonction des attaques dont les troupeaux font l'objet. En 2020, l'arrêté fixe ainsi un plafond global de destruction de loups de 19 % de l'effectif moyen de loup estimé annuellement.

Le régime de protection dont bénéficie le loup a indéniablement été un succès pour la survie de cette espèce. Alors qu'elle avait disparu du territoire national, elle est réapparue en passant par les Alpes et, année après année, le nombre de loups ne cesse de croître, pour s'élever aujourd'hui à plus de 580 individus, selon les données communiquées lors du dernier groupe national « loup » début juin.

Le plan national « Loup et activités d'élevage 2018-2023 » fixait un objectif de 500 loups, ce nombre étant considéré comme le seuil de viabilité démographique de l'espèce, à la suite d'une étude scientifique conduite en 2016 par le Muséum national d'histoire naturelle et l'Office national de la chasse et de la faune sauvage. Le seuil de viabilité de l'espèce en France a donc été franchi de manière significative et avec beaucoup d'avance sur le cadre prévu.

En janvier 2020, l'Office français de la biodiversité faisait état de 97 zones de présence permanente du loup et de 80 meutes. Les derniers chiffres communiqués au mois de juin font état de 580 loups en France, soit une augmentation de 10 % par rapport à 2018. La dynamique de progression de l'espèce ralentit mais elle demeure significative. Et, même si la présence du loup est particulièrement concentrée dans les régions Provence-Alpes-Côte d'Azur et Auvergne-Rhône-Alpes, elle concernerait désormais les deux tiers du territoire national.

Il faut donc en tirer toutes les conséquences au niveau national, notamment en rehaussant, comme cela a été fait ces deux dernières années, les taux de destruction, mais aussi au niveau européen en ajustant le niveau de protection dont bénéficie cette espèce.

C'est un sujet très sensible en territoire de montagne, et particulièrement dans les Alpes, pour les éleveurs qui pratiquent le pastoralisme qui, je veux le souligner, fait partie de notre patrimoine et contribue de manière essentielle au maintien d'une agriculture extensive de qualité, au développement économique de la montagne, à l'entretien de nos paysages, à la préservation de la biodiversité et à la lutte contre certains risques naturels.

Le nombre d'attaques de loups ne cesse de progresser. Le dernier bilan exposé par le préfet coordonnateur du plan « loup et activités d'élevage » fait état de 3 742 attaques en 2019, en progression de 4 %, ayant occasionné 12 451 victimes, pour l'essentiel des brebis.

Cette évolution et ces tensions ne sont pas propres à la France. Il suffit pour s'en convaincre de lire les propositions de résolution déposées au Parlement européen par des députés européens italiens ou de consulter la presse allemande. Quant à la Suisse, elle a présenté il y a deux ans un amendement devant le comité permanent de la Convention de Berne pour tenter d'obtenir un déclassement du loup du niveau de protection le plus élevé.

Cet objectif, c'est aussi celui de cette proposition de résolution européenne, dont le titre est explicite. Elle me paraît aller dans le bon sens au regard des évolutions constatées. Je vous propose toutefois de l'amender pour bien préciser les différents niveaux d'intervention.

Je propose tout d'abord de compléter les visas, afin de faire référence aux textes applicables, à la jurisprudence de la CJUE, à la récente communication de la Commission européenne sur la stratégie en faveur de la biodiversité, aux travaux du Sénat, mais aussi à ceux du Parlement européen et du Comité européen des régions.

Au-delà de quelques amendements rédactionnels, je vous propose de renforcer les considérants en évoquant l'évolution du nombre de loups dans d'autres États membres et en développant les aspects positifs du pastoralisme. Sur ce point, j'ai repris, en les synthétisant, différents éléments que le Sénat avait adoptés dans sa résolution sur le pastoralisme du 2 octobre 2018.

S'agissant du dispositif lui-même, je propose plusieurs modifications, afin de bien distinguer les différents modes d'action de l'Union. Je vous rappelle en effet que la Convention de Berne est un traité international signé sous l'égide du Conseil de l'Europe et que, si l'Union y est partie, elle ne peut pas le modifier directement.

Je vous propose d'abord de prendre acte de la communication relative à la stratégie de l'Union européenne en faveur de la biodiversité à l'horizon 2030. La Commission y propose notamment de mettre en place, au sein de l'Union, un cadre de gouvernance global pour piloter la mise en oeuvre des engagements en matière de biodiversité contractés au niveau national, européen ou international, ce qui inclurait un mécanisme de suivi et de réexamen de ces engagements.

La Commission souligne notamment les enjeux de mise en oeuvre des dispositions relatives à la protection des espèces incluses notamment dans la directive concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages et elle évoque, le cas échéant, un réexamen et une révision de la législation européenne ayant une incidence sur la biodiversité. Il y a donc une fenêtre d'opportunité pour réévoquer la situation du loup et il me semble qu'il faut la saisir.

Dans la perspective de ce réexamen, je vous propose, d'une part, d'appeler la Commission à développer un processus d'évaluation réactif afin de permettre de modifier le statut de protection d'une espèce dans une région donnée, dès que le niveau de conservation souhaité est atteint ; d'autre part, de demander en particulier une adaptation des annexes de la directive concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, afin de prendre en compte la croissance du nombre de loups dans certains États membres ou certaines régions. C'est en effet l'annexe IV de cette directive qui arrête la liste des « espèces animales et végétales d'intérêt communautaire qui nécessitent une protection stricte ». L'annexe V vise quant à elle les « espèces animales et végétales d'intérêt communautaire dont le prélèvement dans la nature et l'exploitation sont susceptibles de faire l'objet de mesures de gestion » : le loup est aujourd'hui inclus dans ce régime dans deux régions de l'Union européenne : en Espagne, au nord du Duero, et en Grèce, au nord du 39e parallèle.

Je me suis inspiré pour cette rédaction de la résolution du Parlement européen sur un plan d'action pour le milieu naturel, la population et l'économie, adoptée en 2017.

Je vous propose ensuite de préciser l'action qui pourrait être entreprise au niveau de l'Union européenne s'agissant de la Convention de Berne, à laquelle tous les États membres et l'Union en tant que telle sont parties.

C'est au comité permanent de cette Convention que revient le pouvoir d'évaluer l'état de conservation des espèces et, par conséquent, de revoir leur inscription dans les listes des annexes de la Convention. Tout amendement portant sur ces annexes doit être adopté à la majorité des deux tiers des parties contractantes.

Des amendements sont régulièrement déposés. La Norvège soutient ainsi l'abaissement du niveau de protection de la bernache nonette. La Suisse a de son côté présenté, en 2018, un amendement visant à abaisser le niveau de protection dont bénéficie le loup.

À l'époque, la Commission européenne avait adressé aux États membres, sur le fondement de l'article 218 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, une proposition prônant le report de ce vote, jusqu'à ce que des données actualisées sur l'état de conservation du Loup gris dans l'Union soient disponibles. Elle considérait à l'époque que l'état de conservation du loup demeurait défavorable dans plusieurs États membres dans lesquels cette espèce bénéficie d'une protection stricte.

Compte tenu de l'évolution observée depuis lors, et au regard des compétences de l'Union, je vous propose d'amender la proposition de résolution afin d'inviter la Commission à proposer au Conseil de soutenir une proposition visant à transférer le loup de l'annexe II de la Convention de Berne (« Espèces de faune strictement protégées ») vers son annexe III (« Espèces de faune protégées »), lors d'une prochaine réunion du comité permanent de cette convention. Je souhaiterais évidemment qu'un tel amendement soit présenté par la France.

Enfin, je propose de préciser la fin du dispositif. Premièrement, en demandant à la Commission de reconnaître, au travers d'un plan d'action spécifique, l'importance de la contribution du pastoralisme au maintien d'une agriculture extensive de qualité, au développement économique de la montagne, à l'entretien des paysages, au maintien de la biodiversité ainsi qu'à la prévention des risques naturels. Deuxièmement, en appelant à un suivi scientifique des enjeux d'hybridation, et en en tirant les conséquences juridiques : c'est un point que j'avais souligné dans le rapport que j'avais rendu sur le plan loup au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Troisièmement, en appelant la Commission et les États membres à prendre rapidement des mesures concrètes afin de permettre le contrôle et la gestion de la prolifération des prédateurs dans certaines zones de pâturage. L'enjeu est clair : il s'agit de ne pas compromettre le développement durable des zones rurales, et il faut s'appuyer sur les possibilités offertes par l'article 16 de la directive « Habitats, faune, flore » en vue de prévenir notamment des dommages importants à l'élevage. Enfin, en soulignant la nécessité pour les États membres d'accorder les dérogations au régime de protection du loup prévues par la directive, et ce sans exclure a priori aucun territoire du champ de dérogation.

Des tirs de défense et de prélèvement sont nécessaires, mais la CJUE veille scrupuleusement à l'encadrement des dérogations à la protection du loup.

Ces rédactions font écho à des formules retenues par le Parlement européen dans ses résolutions de 2017 sur un plan d'action pour le milieu naturel, la population et l'économie, et de 2018 sur la situation actuelle et les perspectives pour l'élevage ovin et caprin dans l'Union.

Enfin, par coordination avec le fond du texte, je vous propose d'ajuster le titre de la proposition de résolution, afin de préciser que le régime de protection dont bénéficie le loup devra être adapté à la fois au sein de la Convention de Berne et dans la législation européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Ce sujet, d'apparence simple, est plus complexe qu'il n'y paraît.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

Dans les Alpes-Maritimes, c'est un sujet très sensible, depuis des années. L'augmentation progressive de la présence du loup dans les arrière-pays ruraux et en zones de montagne fait que le moral est au plus bas dans l'activité pastorale. Les bergers manifestent, parfois violemment, tant ils sont exaspérés par les attaques régulières dont leurs troupeaux sont victimes. J'avais déposé une proposition de loi sur le sujet, il y a quelques années, qui s'était heurtée à la Convention de Berne, dont nous devons changer à présent le niveau de protection. Il est évident que des dérogations supplémentaires sont nécessaires. Il y a une vraie interrogation sur le comptage des loups en France. Le seuil de conservation est de 500, mais il serait bon que la comptabilité soit plus fiable. Bien sûr qu'il faut protéger le loup, qui était en voie d'extinction. À présent, il est à l'abri, et il faut protéger le pastoralisme : aujourd'hui, de nombreux bergers abandonnent, à la suite de trop nombreuses attaques. Certains disent qu'ils sont contents de toucher les indemnisations, mais c'est absurde. Chez nous, il y a de nombreuses réflexions sur le sujet, et la révision de la Convention de Berne arrive toujours en conclusion de nos débats. Un groupe de réflexion a aussi travaillé sur le sujet au Sénat. J'espère que cette proposition de résolution européenne aura un effet.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

Je ne vais pas hurler avec les loups... Je suis un défenseur de l'agropastoralisme, mais je trouve qu'il est un peu facile de s'attaquer à la Convention de Berne. Sur le fond, concernant la stratégie de l'Union européenne en faveur de la biodiversité, pourquoi se contenter de « prendre acte » de la volonté de la Commission ? Pourquoi ne pas la soutenir ? En Italie et en Espagne, il y a beaucoup plus de loups que chez nous ; les nôtres arrivent d'ailleurs de là-bas. J'aurais préféré un texte qui demande plus d'aide pour que les agriculteurs puissent faire face au phénomène. Au-dessus de chez moi, il y a une estive, avec un troupeau de plus de 500 têtes, gardé par un chien Patou. Les bergers me disent qu'il est très compliqué de toucher des aides de l'État pour financer des clôtures ou des protections. Au fond, le problème survient si on laisse les moutons vaquer sans surveillance. S'il y a un berger, il n'y a pas d'attaques. Chez moi, il y a des bergers, grâce à un financement tenant compte de la présence du loup. Je préfère cette approche : je ne suis pas un écologiste des métropoles ! S'attaquer à la Convention de Berne serait dangereux, et n'enverrait pas un bon signal. Mieux vaudrait demander de meilleures aides pour les agriculteurs. À titre personnel, je ne voterai pas cette proposition de résolution européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Cyril Pellevat

Lors de l'évaluation du « plan loup 2018-2023 », nous avions fait une quinzaine de propositions, parmi lesquelles figurait la volonté d'une déclassification du loup dans la directive « Habitats, faune, flore » et la Convention de Berne. Ces textes remontent au début des années 1980, à une époque où nous n'avions pas de loups en France. Actuellement, des agents de l'Office national de la biodiversité estiment que nous en avons peut-être 750. La comptabilisation est difficile car des associations environnementales ont tendance à supprimer les traces du loup pour empêcher le comptage. Nous avons aussi besoin d'une définition juridique du loup. Déjà, en 2018, le ministère de la transition écologique et celui de l'agriculture n'étaient pas d'accord entre eux. Quant aux patous, il faut les former pendant deux ans, et non six mois, si l'on ne veut pas qu'ils attaquent les touristes. La volonté de tous n'est pas l'extermination des loups mais la cohabitation, avec un objectif de zéro attaque. Les bergers disent aussi qu'ils ne peuvent pas rester en continu dans les alpages : ils ont des familles ! Les prochaines années apporteront sans doute des innovations techniques, comme les drones, qui aideront à protéger les troupeaux. Les bergers veulent protéger leurs bêtes, pas toucher des indemnisations. Mais le loup est une espèce intelligente et parvient toujours à passer à travers les mailles du filet. L'espèce étant viable en France, cette proposition de résolution européenne a pour but de faciliter la cohabitation, pour préserver l'agropastoralisme. Si les bêtes sont descendues en plaines, les alpages ne sont plus entretenus, sont envahis par les ronces, ce qui n'est pas bon pour les stations de skis, et on perd les appellations d'origine protégée, les circuits courts, de la biodiversité...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Merci pour ces interventions, de sensibilités diamétralement opposées, mais exprimées avec modération, et pour les réponses apportées par le rapporteur. Tout le monde s'accorde pour dire que l'agropastoralisme est l'avenir de ces territoires et que la préservation de la biodiversité est essentielle. Je vous propose, comme le demande M. Sutour, de remplacer les mots « prend acte » par « soutient ».

Il en est ainsi décidé.

La modification de la Convention de Berne consisterait en un changement de ses annexes. Ce n'est pas neutre, mais c'est un message que nous pouvons adresser au Gouvernement. Je sais l'affection qu'un éleveur peut avoir pour ses bêtes. Les voir détruites, dépecées, est difficile à supporter.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

On s'en prend au loup, mais ce n'est pas toujours lui le coupable. Le vautour fauve, aussi, est redoutable. On dit qu'il crève les yeux des veaux... J'en ai vu récemment une centaine qui nettoyaient le cadavre d'une vache.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

Puisque la rédaction a évolué, je ne voterai pas contre ce texte, mais m'abstiendrai.

À l'issue du débat, la commission adopte la proposition de résolution européenne suivante dans la rédaction issue de ses travaux ainsi que l'avis politique qui en reprend les termes et qui sera adressé à la Commission européenne.

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe, signée à Berne le 19 septembre 1979 (STE n° 104),

Vu l'article 218 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,

Vu la décision 82/72/CEE du Conseil du 3 décembre 1981 concernant la conclusion de la convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe,

Vu la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages,

Vu le rapport d'information du Sénat sur la protection et la mise en valeur du patrimoine naturel de la montagne (384, 2013-2014) - 19 février 2014 - de Mme Hélène MASSON-MARET et M. André VAIRETTO, fait au nom de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire,

Vu la résolution du Parlement européen du 15 novembre 2017 sur un plan d'action pour le milieu naturel, la population et l'économie,

Vu le rapport d'information du Sénat relatif au Plan national d'actions 2018-2023 sur le loup et les activités d'élevage (433, 2017-2018) - 17 avril 2018 - de M. Cyril PELLEVAT, fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable,

Vu la résolution du Parlement européen du 3 mai 2018 sur la situation actuelle et les perspectives pour l'élevage ovin et caprin dans l'Union,

Vu la proposition de décision du Conseil établissant la position à prendre au nom de l'Union européenne lors de la trente-huitième réunion du comité permanent de la convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe en ce qui concerne des amendements aux annexes II et III de ladite convention, COM(2018) 731 final, Dossier interinstitutionnel 2018-0379 (NLE),

Vu la résolution n° 1 (2018-2019) du Sénat sur le pastoralisme, adoptée le 2 octobre 2018,

Vu l'avis du Comité européen des régions sur le pastoralisme, adopté le 9 octobre 2019,

Vu l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (deuxième chambre) du 10 octobre 2019 (affaire C-674/17 dite « Tapiola »),

Vu la communication de la Commission européenne du 20 mai 2020, « Stratégie de l'UE en faveur de la biodiversité à l'horizon 2030 - Ramener la nature dans nos vies, COM(2020) 380 final »,

Vu l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (deuxième chambre) du 11 juin 2020 (affaire C-88/19),

Vu le rapport d'information du Sénat sur l'application de la loi Montagne II (635, 2019-2020) - 15 juillet 2020 - de M. Cyril PELLEVAT, fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable,

Considérant que le loup (canis lupus) bénéficie d'un statut très protecteur, en application à la fois de la Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe, à laquelle l'ensemble des États membres et l'Union européenne sont parties, et de la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages ;

Considérant que le nombre de loups a connu une augmentation significative dans plusieurs États membres et que le loup ne peut plus être considéré comme une espèce en voie d'extinction sur le territoire français puisqu'un minimum de 580 spécimens est recensé ;

Considérant que le nombre d'attaques de loup sur les troupeaux est en constante augmentation ces dernières années, ce qui menace la conduite et le maintien durable des activités pastorales ;

Considérant que l'agropastoralisme promeut une agriculture extensive de qualité et qu'il contribue au développement économique de la montagne, à l'entretien des paysages, au maintien de la biodiversité ainsi qu'à la prévention des risques naturels ;

Soutient la volonté de la Commission, exprimée dans sa communication relative à la stratégie de l'Union européenne en faveur de la biodiversité à l'horizon 2030, de proposer la mise en place, au sein de l'Union, d'un cadre de gouvernance global pour piloter la mise en oeuvre des engagements en matière de biodiversité contractés au niveau national, européen ou international, incluant un mécanisme de suivi et de réexamen de ces engagements ; relève que la Commission souligne en particulier les enjeux de mise en oeuvre des dispositions relatives à la protection des espèces incluses dans la directive concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages et qu'elle évoque, le cas échéant, un réexamen et une révision de la législation européenne ayant une incidence sur la biodiversité ;

Appelle dans cette perspective la Commission à développer un processus d'évaluation réactif afin de permettre de modifier le statut de protection d'une espèce dans une région donnée, dès que le niveau de conservation souhaité est atteint ; demande en particulier une adaptation des annexes de la directive concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, afin de prendre en compte la croissance du nombre de loups dans certains États membres ou certaines régions ;

Invite la Commission à proposer au Conseil de soutenir une proposition visant à transférer le loup (canis lupus) de l'annexe II de la Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe (« Espèces de faune strictement protégées ») vers son annexe III (« Espèces de faune protégées »), lors d'une prochaine réunion du comité permanent de cette convention ;

Demande à la Commission de reconnaître, au travers d'un plan d'action dédié, l'importance de la contribution du pastoralisme au maintien d'une agriculture extensive de qualité, au développement économique de la montagne, à l'entretien des paysages, au maintien de la biodiversité ainsi qu'à la prévention des risques naturels ;

Estime nécessaire d'assurer un suivi scientifique des enjeux d'hybridation entre loups et chiens et d'en tirer les conséquences juridiques ;

Appelle, dans l'attente d'une révision de la législation européenne, la Commission et les États membres à prendre rapidement des mesures concrètes afin de permettre le contrôle et la gestion de la prolifération des prédateurs dans certaines zones de pâturage et de ne pas compromettre le développement durable des zones rurales, en s'appuyant sur les possibilités offertes par l'article 16 de la directive concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages en vue de prévenir notamment des dommages importants à l'élevage ;

Souligne en particulier la nécessité pour les États membres d'accorder les dérogations aux interdictions prévues par l'article 12 de cette directive, sans exclure a priori aucun territoire du champ de ces dérogations ;

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

L'agriculture, nous le savons, est une activité économique différente des autres : elle produit des biens, certes marchands, mais d'importance vitale. C'est pourquoi le marché agricole mérite une régulation spécifique appropriée, y compris dans le cadre du marché unique européen, pour garantir un revenu convenable aux producteurs et assurer notre autonomie alimentaire.

Tel n'est pourtant pas le cas. Car en Europe, contrairement aux États-Unis, le primat donné au droit de la concurrence l'emporte encore très nettement sur les objectifs de la Politique agricole commune (PAC). Notre commission a consacré à cette question pas moins de trois rapports d'information depuis 2012 et l'a aussi visée dans les quatre résolutions européennes adoptées par le Sénat au sujet de la PAC depuis juillet 2017.

Nous sommes amenés aujourd'hui à y revenir, car les agriculteurs français et européens pâtissent fortement de l'extrême réticence avec laquelle les institutions européennes s'engagent dans la voie d'une meilleure régulation. C'est cette voie que le présent rapport d'information se propose d'explorer.

L'histoire des rapports entre la PAC et la politique de la concurrence est celle d'un compromis déséquilibré à la complexité byzantine.

Le principe de primauté de la PAC sur les règles de concurrence figurait pourtant, dès l'origine, dans le traité de Rome de 1957. Mais ce principe a été rapidement vidé de sa substance. Aujourd'hui encore, les règles de concurrence ne sont applicables à la production et à la commercialisation des produits agricoles que dans la mesure déterminée par le Parlement et le Conseil, et compte tenu des objectifs de la PAC.

En dépit d'améliorations récentes, l'économie générale du règlement 1308/2013 dit « organisation commune des marchés » (OCM), clé de voûte de la mise en oeuvre sur ce point des traités, demeure restrictive, et ne protège pas suffisamment nos agriculteurs.

En résumé, les organisations de producteurs peuvent déroger au cadre général de la réglementation de la concurrence, sous la forme de décisions et de pratiques concertées, à condition de satisfaire l'un des objectifs de la PAC. Mais la détermination des prix demeure prohibée. Une étape importante aura été marquée avec l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 14 novembre 2017 dit « endives », qui a donné raison aux producteurs, qui s'étaient courageusement regroupés pour refuser de vendre leur production à perte.

Dans notre pays, la demande est concentrée sur la base de seulement quatre centrales d'achat. Cet oligopole dispose d'une puissance de négociation et d'achat incomparable, face à un secteur agricole atomisé, dont l'offre est peu concentrée et les filières, insuffisamment structurées.

En donnant le primat à la concurrence dans le fonctionnement de la PAC, on néglige le caractère de maillon faible des agriculteurs dans la chaîne de production et de commercialisation. Il en va tout à l'inverse du droit antitrust américain, depuis le Capper-Volstead Act du 18 février 1922. Ce texte de référence consacre un principe de faveur pour les associations agricoles. Il autorise aussi la fixation de prix communs de cession par les vendeurs, ce que le droit de l'Union européenne sanctionne en règle générale.

Le rapport d'information que je vous présente plaide résolument en faveur de la transposition du dispositif américain dans le droit européen.

La situation sinistrée de la filière viande bovine française représente, à elle seule, une illustration de l'impérieuse nécessité de sortir du statu quo en matière d'application des règles de concurrence à l'agriculture.

La filière bovine handicape par ricochet notre pays dans l'appréciation des résultats des négociations commerciales, menées par la Commission européenne pour le compte de la France et des autres États membres. On le voit particulièrement pour la ratification du traité CETA avec le Canada : certaines filières seraient gagnantes, mais nous sommes « tirés vers le bas » par la filière viande bovine, fragilisée par son incapacité à se réformer. Pourtant, l'agriculture française ne se résume pas à cette seule filière et l'économie française dans son ensemble, encore moins. En résumé, comme me l'a confié un grand responsable agricole français, il apparaît impossible de toujours se caler sur le maillon faible de notre agriculture, d'autant qu'il tarde à se réformer.

Un électrochoc est indispensable ! Il appartient donc aux pouvoirs publics français d'aller jusqu'à contraindre financièrement les producteurs de viande bovine à sortir du piège dans lequel ils sont pris, car leur production ne correspond plus aux attentes des consommateurs. Pour ce faire, il convient de privilégier des animaux moins lourds et plus jeunes, à l'origine d'une viande plus tendre et goûteuse, ce qui permettrait également de réduire l'empreinte carbone et, par là même, de contribuer favorablement au succès de la transition écologique, dans le cadre du Green Deal.

Plus précisément, on pourrait conditionner la perception de la totalité de l'Aide aux bovins allaitants (ABA) à l'abattage des animaux avant seize mois. Ainsi, le ministre de l'agriculture interviendrait utilement sur l'offre. Techniquement, il pourrait le faire par voie réglementaire, même s'il ne faudrait pas le faire de manière autoritaire. Les auditions nous ont montré que l'ABA est de facto directement perçue par les abatteurs ! C'est une déviance.

Pour conclure, je dois reconnaître que la question de l'application des règles de concurrence à l'agriculture se heurte encore à un très fort attachement de la Commission européenne au statu quo. Mme Vestager a tenu devant nous un discours si convenu, que je souhaite que nous auditionnions prochainement son chef de cabinet, l'un des rares Français tenant un poste-clé à Bruxelles.

Cette incapacité à trancher le noeud gordien figure au coeur de bon nombre de nos difficultés actuelles : aussi bien l'insuffisante réactivité et le manque d'efficacité des mécanismes de gestion des crises, que la faiblesse structurelle de plusieurs de nos filières agricoles, sans oublier la réforme mal engagée de la PAC 2021/2027, dont la crise de Covid-19 devrait logiquement conduire à reconsidérer les termes. Si l'on inversait la hiérarchie entre politique agricole et politique de la concurrence, nous aurions besoin de moins d'argent public pour le monde agricole... La Nouvelle-Zélande, dans les années 1990, a complètement bouleversé sa politique agricole, auparavant comparable à la nôtre. De même, Mme Vestager devrait songer à « accrocher » le volet agricole à la politique industrielle. Le rapport de force entre quatre acheteurs et des producteurs atomisés ne peut qu'être déséquilibré... Et les principes de bon sens de la loi Egalim sont systématiquement contournés par la grande distribution. Nous devons aller plus loin que la limite fixée par le règlement « Omnibus » du 13 décembre 2017, grâce en particulier à l'action déterminée de l'ancien député européen, Michel Dantin.

En dernière analyse, la concurrence en matière agricole mérite d'être considérée non pas comme une fin en soi, mais comme un instrument, au service de la réalisation des objectifs de la PAC, au nombre desquels figure la sécurisation de l'indépendance alimentaire de l'Europe. Un cadre juridique rénové donnerait assurément des armes nouvelles aux agriculteurs français et européens pour s'imposer dans la compétition économique : à eux ensuite de s'en emparer, pour en faire l'outil d'une reconquête de leur pouvoir de marché ! Je souhaite que l'on revienne à l'esprit du traité de Rome de 1957.

C'est le troisième rapport que nous consacrons au sujet. J'en ai parlé au ministre de l'agriculture cette semaine. Nous devons rendre aux agriculteurs la noblesse de leur métier, qui est de vivre directement du fruit de leur travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Le revenu des agriculteurs, qui n'ont aucun poids sur les prix de vente - contrairement aux commerçants - est un vrai sujet. Vous dites que les budgets sont contraints. Depuis quelques semaines, la crise a donné le sentiment d'ouvrir grand les robinets, avec de l'argent que nous ne rembourserons pas ! Il faudrait que cela profite aussi aux agriculteurs. Pour le verdissement, il faudrait peut-être donner du temps au temps. Avant de supprimer un produit, il faut savoir par quoi le remplacer. Si l'on remplace un passage dans le champ par quatre ou cinq, avec un produit qui reste en suspension dans l'air, c'est encore plus dangereux pour la santé... À titre d'illustration, cette année, la jaunisse de la betterave va être une catastrophe. Elle découle de la suppression des néonicotinoïdes, sans produits de remplacement, et aboutira à des fermetures d'usines. Enfin, les circuits courts sont une bonne chose, aussi, pour la qualité de l'alimentation. Ils ont bien fonctionné pendant la crise, mais moins aujourd'hui. Là où l'on produit du blé et de la betterave, ils ont leurs limites.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

J'ai pris conscience récemment, en écoutant les professionnels, que la France avait pour originalité d'abattre des animaux lourds. Nous avons le plus grand nombre de races - qu'il faut conserver. Mais plus un animal est lourd, moins la viande est tendre. Les autres États abattent les animaux plus jeunes. C'est notamment le cas de l'Irlande, qui a transformé sa filière à la suite de la crise de la vache folle. Or, prolonger la vie d'un animal d'un an et demi, pour qu'il gagne plus d'une centaine de kilos correspond à une empreinte environnementale importante. Nous devrions utiliser l'ABA pour inciter à abattre les animaux plus jeunes, avec une marge d'adaptation selon les races. Cela correspondrait mieux aux goûts des consommateurs, et le revenu des agriculteurs serait supérieur.