La commission a tout d'abord entendu une communication de Mme Catherine Dumas sur son rapport à M. le Premier ministre intitulé « Les métiers d'art, d'excellence et du luxe et les savoir-faire traditionnels : l'avenir entre nos mains ».
a souligné que le fil d'Ariane reliant l'ensemble des métiers d'art était la passion de ceux qui les exercent. Elle a relevé que la diversité de ces métiers était une force mais qu'elle posait également certains problèmes, qui avaient conduit le Premier ministre à lui confier une mission, afin de dresser un état des lieux de la situation de l'ensemble des métiers d'art et d'avancer des propositions suivant trois axes : assurer la transmission des savoir-faire, encourager la dynamique d'innovation et améliorer la gouvernance.
Après avoir entendu une centaine de personnes et réalisé de nombreux déplacements au cours de sa mission, Mme Catherine Dumas a insisté sur le fait que la « grande famille des métiers d'art » devait :
- veiller à ce que les savoir-faire ne disparaissent pas, ce qui pose la question des formations ;
- s'adapter au monde contemporain pour répondre à l'évolution de la demande et aux problèmes de concurrence ;
- mutualiser ses interlocuteurs.
Son rapport avance vingt propositions dans ce sens. Par ailleurs, deux chambres syndicales ont réalisé des modules vidéo qui pourraient servir d'exemple à une campagne de communication en faveur de ces métiers.
La diversité de ces métiers en France, de même que l'attachement ancestral des Français à leur égard, confèrent une place spécifique à notre pays dans ce domaine. Cela doit d'abord conduire à inscrire dans un texte normatif une définition officielle des métiers d'art, qui se situent entre les artistes et les artisans, comme étant « des métiers de la main, associant savoir-faire et création artistique, pour produire, en intégralité, des objets utilitaires, uniques ou en petite série ». Il serait également souhaitable de compléter la liste officielle des 217 métiers, qui date de 2003, en y inscrivant les arts culinaires. L'ensemble de ces 218 métiers a le dessin pour dénominateur commun.
a indiqué que les métiers d'art regroupaient à la fois des métiers de tradition, des métiers de restauration du patrimoine et des métiers de création. Elle a souligné l'importance à la fois de leur place dans l'identité culturelle de la France et dans la vie économique. Leur poids économique direct est estimé à 40 000 entreprises, sans compter le secteur du luxe, 7,8 milliards d'euros de chiffre d'affaires, et 100 000 emplois. Si l'on ajoute le secteur du luxe, qui n'existe pas sans les métiers d'art, le poids économique indirect de ces filières est encore plus conséquent, ce secteur réalisant 22 milliards d'euros de chiffre d'affaires, dont 80 % à l'exportation. Enfin, ces métiers participent à l'image de la France à l'étranger et à l'attractivité touristique de notre pays. Ils sont concentrés aux trois quarts en Ile-de-France, mais de nombreux pôles régionaux existent et les trente-six salons français liés aux métiers d'art jouent un rôle essentiel.
Pour ce qui concerne les projets d'avenir, Mme Catherine Dumas a cité la reconstruction du château des Tuileries, dont l'étude est prête et qui pourrait servir de vitrine, ainsi que le projet d'implantation d'une « Villa Médicis » à la française dans l'Hôtel de la Marine sur la place de la Concorde, projet privé qui permettrait aux créateurs et acheteurs de se rencontrer.
a présenté ensuite les principales propositions de son rapport en vue d'encourager la dynamique d'innovation, au moyen à la fois des nouvelles technologies et du design, ce dernier permettant de revisiter des collections anciennes et de développer des nouveaux produits. A cette fin, il serait souhaitable :
- de mettre en place un « pôle d'excellence de la création » sur le modèle des pôles de compétitivité, à partir d'un pôle « textile et mode » en Ile-de-France dans le cadre du Grand Paris ;
- d'inclure le design dans la définition de l'innovation prise en compte pour bénéficier des aides de soutien à la croissance des petites et moyennes entreprises (OSEO) ;
- de pérenniser le crédit d'impôt en faveur des métiers d'art au-delà de 2010, ainsi que le propose un amendement en ce sens, déposé sur le projet de loi de finances pour 2010, et dont le coût serait très réduit.
Puis Mme Catherine Dumas a exposé ses propositions de nature à améliorer la reconnaissance des métiers d'art :
- lancer une campagne nationale de promotion des métiers d'art, ces derniers jouant un rôle important d'ascenseur social, et favoriser la mise à disposition d'ateliers au profit des amateurs ;
- mettre en place une labellisation commune aux produits d'art, qui garantirait et protégerait l'excellence des méthodes de fabrication et la qualité des produits ;
- créer un département ministériel chargé de la coordination des différentes politiques en faveur des métiers d'art et du luxe ;
- améliorer la prise en charge des métiers d'art par les directions régionales des affaires culturelles.
Enfin, Mme Catherine Dumas a évoqué les propositions de son rapport visant à préserver les métiers d'art et notamment la transmission des savoirs :
- doubler le nombre de maîtres d'art, pour atteindre environ 200, les ouvrir sur toutes les disciplines et leur permettre de former plusieurs élèves successivement, voire par binômes pour les formations très rares ;
- créer un conservatoire national des outils sur Internet, permettant de mettre en relation les artisans désirant cesser leur activité et ceux souhaitant s'installer ou s'équiper ;
- renforcer l'enseignement du dessin à l'école ;
- créer un diplôme supérieur des métiers d'art ;
- remédier au problème de répartition de la taxe d'apprentissage dans le secteur des métiers d'art ;
- introduire dans les marchés publics un critère de qualité, certifié par l'attribution du label « entreprise du patrimoine vivant » (EPV), ce label devant être généralisé au niveau européen ;
- ouvrir le « 1 % artistique » aux objets d'art ;
- étudier et arrêter les mesures en faveur de cette filière dans le cadre « d'Etats généraux des métiers d'art », proposition d'ailleurs retenue par le Premier ministre et qui devrait être mise en oeuvre à la fin du premier semestre 2010.
s'est réjouie que son rapport, et la valorisation permise par sa présentation au Premier ministre devant deux cents représentants de ces métiers, ait créé un sursaut, notamment au sein des acteurs publics. Elle a souhaité que les mesures proposées soient mises en place dès que possible pour mieux soutenir les métiers d'art.
Après l'avoir félicitée, M. Jacques Legendre, président, l'a incitée à se mettre en relation avec la commission de la culture du Conseil de l'Europe, cette dernière s'étant préoccupée de la conservation des métiers d'art européens traditionnels.
Evoquant le succès du salon d'art qui s'est déroulé à Nantes pour la douzième année consécutive, Mme Monique Papon a relevé que la réputation incontestable de l'Ile-de-France ne devait pas masquer la présence importante des métiers d'art dans les régions. Ces derniers méritent d'être mieux reconnus au niveau national et l'organisation des Etats généraux apparaît souhaitable.
Après avoir soutenu la proposition consistant à recenser l'ensemble des manifestations existantes et à fédérer l'ensemble des réseaux professionnels, autour de l'organisation annuelle d'une journée nationale de promotion des métiers d'art, elle s'est interrogée sur l'importance des débouchés permettant de concrétiser une passion en un métier.
Après avoir souligné le caractère très exhaustif de cette étude et l'importance économique des secteurs concernés, M. Jean-Pierre Plancade a salué la précaution tendant à distinguer l'industrie du luxe des métiers d'art, même s'ils ne sont pas sans liens. Il a relevé aussi que des salons, tel que celui consacré à la maison et aux objets, constituaient d'intéressants outils d'évolution de la pensée.
a relevé le lien entre ce sujet et ceux touchant à la beauté ainsi qu'à l'apprentissage. Elle a demandé comment renforcer le compagnonnage dans les métiers d'art et suggéré que ces derniers soient pris en compte dans l'orientation scolaire des jeunes.
Après avoir souligné le soutien important souvent apporté aux métiers d'art par les collectivités territoriales, M. Serge Lagauche a proposé qu'un label spécifique, reconnu nationalement, puisse être reconnu aux collectivités les plus actives en ce domaine. Ces dernières constitueraient un véritable réseau, à l'instar des villes du label « ville fleurie » dans un autre domaine.
a attiré l'attention sur la difficulté pour les maires de trouver des artisans, alors même qu'ils manifestent de l'intérêt pour le patrimoine de leur commune et expriment leur intention de le restaurer. Il a suggéré d'encourager la création de lieux ressources permettant de recenser des artisans exerçant leur activité dans le domaine des métiers d'art.
Après avoir évoqué l'initiative de la région Rhône-Alpes qui a permis la création d'un atelier de restauration recevant des commandes nationales et internationales, M. Jean-Jacques Pignard a souligné les difficultés liées au fait que les commandes publiques privilégient souvent le moins disant. Puis il s'est interrogé sur l'existence d'autres initiatives publiques de ce type.
S'appuyant sur l'exemple de la région Aquitaine, Mme Françoise Cartron a estimé qu'un outil d'ingénierie devrait être créé pour aider les maires à analyser les besoins en termes de restauration du patrimoine de leur commune et à identifier les personnes habilitées à y procéder. Elle a soutenu l'idée d'une labellisation et a jugé le niveau régional pertinent à cet égard.
a demandé si, outre les métiers de la vigne et du vin, d'autres savoir-faire liés à l'agro-alimentaire, tels que la fabrication de fromages, pouvaient être reconnus en tant que métiers d'art.
a apporté les éléments de réponse suivants :
- l'ensemble du territoire français regorge de trésors en matière de métiers d'art, même s'il existe de grands pôles historiques ;
- les métiers d'art sont pleins d'avenir et comportent des débouchés pour les jeunes qui s'y dirigent. Le secteur du luxe représente à lui seul un chiffre d'affaires identique à celui de l'automobile ;
- les compagnons sont très actifs et souvent remarquables, mais il convient de mieux communiquer pour le faire savoir, notamment auprès des jeunes en recherche d'orientation ;
- la labellisation devrait s'appuyer surtout sur l'entreprise ou sur le métier. Néanmoins, il serait intéressant de proposer également un label pour les villes qui soutiennent les métiers d'art, sous réserve de définir un strict cahier des charges ;
- une meilleure mutualisation et reconnaissance par les organismes publics, et notamment les directions régionales des affaires culturelles (DRAC), permettrait de favoriser l'identification des ressources d'un territoire en matière d'artisanat d'art ;
- la société d'encouragement aux métiers d'art (SEMA) a créé un annuaire permettant de recenser les métiers d'art par départements et par villes, tant sous forme papier qu'électronique et cette initiative a été lancée au Sénat ;
- un certain nombre d'initiatives publiques locales existent afin de favoriser l'activité des artisans d'art. La Lorraine en constitue un bon exemple (avec la cristallerie, la broderie...) ;
- enfin, la réticence initiale des professionnels à reconnaître les arts culinaires au titre des métiers d'art n'existe plus aujourd'hui.
Au cours de la même réunion, la commission a demandé à être saisie pour avis de la proposition de loi n° 93 (2009-2010) visant à mieux garantir le droit à la vie privée à l'heure du numérique et a nommé Mme Catherine Morin-Desailly rapporteur pour avis.
Enfin, la commission a demandé à être saisie pour avis du projet de loi de finances rectificative pour 2009 n° 2070 (AN - XIIIe législature) et a nommé M. Michel Thiollière rapporteur pour avis.