Nous accueillons aujourd'hui Mme Ylva Johansson, Commissaire européenne chargée des affaires intérieures. Merci d'avoir accepté cette audition par visioconférence.
Le 23 septembre dernier, la Commission européenne a présenté un nouveau Pacte sur la migration et l'asile, après plusieurs mois de report, dus non seulement à la crise sanitaire, mais aussi à la sensibilité du sujet. La précédente Commission, qui a été confrontée à une arrivée massive de migrants sur nos côtes, n'est pas parvenue à faire adopter ses propositions de réformes de l'asile, tant le sujet divise les États membres. Aujourd'hui, vous nous présenterez un nouveau pacte dans un contexte différent : la pression démographique aux portes de l'Europe est moins forte, ce qui peut être propice pour trouver le compromis espéré entre responsabilité et solidarité entre États membres.
Le bureau de notre commission a reçu, il y a quelques jours, le vice-président de la Commission Margaritis Schinas à ce sujet : il a jugé que les situations inacceptables comme les camps de migrants dans les îles grecques ou dans l'ancienne « jungle » de Calais n'étaient pas le fait de l'Europe, mais résultaient de la « non-Europe ».
Comment refonder un système européen efficace d'asile et de migration ? Cela doit se faire à différents niveaux : dans les pays tiers, pour que l'émigration n'y apparaisse pas comme la seule issue possible ; aux frontières extérieures de l'Union européenne, pour accueillir dignement ceux qui sont légitimes à recevoir l'asile et pour reconduire efficacement les immigrés irréguliers, ce qui exige des moyens supplémentaires aux frontières ; entre États membres enfin, en répartissant mieux la charge et en organisant une solidarité, au besoin de manière volontariste.
Pensez-vous que le nouveau projet de pacte permettra d'agir sur ces trois plans ? La solidarité entre États membres pourrait-elle n'être que financière ? Les moyens budgétaires que le cadre financier pluriannuel prévoit d'affecter au nouveau pacte seront-ils suffisants, notamment pour assurer la montée en puissance nécessaire de l'agence Frontex ?
Merci pour votre invitation à présenter la proposition de la Commission pour un nouveau pacte sur la migration et l'asile. Avant toute chose, je tiens à vous dire combien je suis choquée par les attaques terroristes que la France a subies à Conflans-Sainte-Honorine, Nice et Lyon : l'Union européenne pleure avec vous et reste avec vous dans la lutte contre la violence terroriste. Ce qui affecte la France affecte l'ensemble de l'Union.
Chaque année, 2 à 3 millions de migrants arrivent en Europe et obtiennent un permis de séjour, 1 million pour le travail, la majorité pour des motifs personnels, y compris pour le regroupement familial ; dans le même temps, 1 à 1,5 million d'étrangers quittent notre continent : nous enregistrons donc un solde positif compris entre 1 et 2 millions d'étrangers qui s'établissent chaque année en Europe. C'est une bonne chose car nous en avons besoin, compte tenu de notre population vieillissante. Chaque année aussi, 700 000 étrangers sont naturalisés et l'on peut penser qu'ils resteront toute leur vie sur notre continent. L'an dernier, environ 140 000 étrangers sont arrivés irrégulièrement et quelque 450 000 personnes sont arrivées sans visa et demandent l'asile - le problème se pose alors d'organiser le retour des irréguliers dans leurs pays d'origine. C'est à cette difficulté que nous nous adressons dans le nouveau pacte sur la migration et asile.
En préparant ce pacte, nous avons dialogué avec le Parlement européen, les États membres, les parlements nationaux, les Nations unies, avec des organisations non gouvernementales (ONG), pour mieux comprendre les problèmes à régler et évaluer les solutions utilisées jusqu'à ce jour.
La migration a toujours existé ; c'est un phénomène mondial qui prend ses sources à l'extérieur de notre contient et c'est pourquoi nous avons besoin d'une politique globale, à l'échelle européenne : aucun État membre ne peut le régler seul, ni sans partenariat avec les pays d'origine. Il nous faut travailler avec les pays d'origine pour les aider à maîtriser les flux de population, à mieux contrôler leurs frontières, à lutter contre les réseaux criminels organisés et les trafics d'êtres humains, et nous devons aussi coopérer pour qu'ils reprennent leurs nationaux qui ne sont pas admis à rester en Europe. Nous devons les soutenir dans leur développement économique pour s'attaquer aux causes fondamentales des migrations et des trafics d'êtres humains.
L'Union européenne doit montrer qu'elle prend sa part dans ces politiques migratoires et faire preuve de leadership en matière de droit d'asile, car c'est un droit fondamental correspondant à nos valeurs. Les réfugiés ont un droit à l'accueil et à l'installation sur notre continent. Les conditions dans lesquelles nous faisons appliquer ce droit fondamental nous engagent. Le monde nous regarde, nous devons montrer que nous accueillons et aidons ceux à qui nous reconnaissons le droit à l'asile. Il y a donc un enjeu dans l'application de ce droit fondamental d'accueil et d'intégration des réfugiés et des migrants légaux, pour lesquels nous devons stabiliser nos règles juridiques, pour qu'elles soient claires et effectives et qu'elles facilitent l'entrée des migrants que nous accueillons comme réfugiés ou que nous sommes prêts à accueillir pour d'autres motifs. Il y a ainsi un double mouvement, consistant à conforter, en la garantissant, la protection des étrangers qui entrent sur notre continent par des voies légales, qui se voient reconnaître leur place dans notre économie et dans notre société, et ceux qui entrent par des voies illégales, pour lesquels nous devons adopter des procédures plus rapides et plus effectives.
À cette fin, le nouveau pacte prévoit de soumettre les arrivants à une procédure d'examen approfondie et sérieuse dans un délai de cinq jours à la frontière européenne, destinée à contrôler le profil de l'arrivant, sa situation personnelle, en particulier au regard de la sécurité, et à vérifier également, dans la base de données Eurodac, si la personne adresse une première demande d'accueil ou bien si elle a déjà fait une demande par le passé. Les empreintes digitales seront alors prises et cet examen limité à cinq jours devra déterminer quel pays est responsable de la procédure en cas de demande d'asile. S'il n'y a pas de demande d'asile et si la personne n'a pas le droit de rester sur notre continent, la procédure de cinq jours devra alors déboucher sur un retour immédiat dans le pays d'origine.
Nous voulons une procédure plus courte et plus efficace. Actuellement, un migrant qui demande l'asile en Grèce dispose de dix-huit mois avant d'obtenir une réponse définitive, et il peut ensuite tenter sa chance dans un autre pays de l'Union. Nous voulons changer ce système pour savoir plus rapidement si la personne est susceptible d'être accueillie et agir en conséquence. Nous souhaitons qu'un examen de demande d'asile puisse, à la frontière même, être conduit en douze semaines, de façon que, s'il débouche sur un refus, la personne puisse être reconduite dans son pays d'origine avant qu'elle n'ait eu le temps, comme cela se passe aujourd'hui, de s'installer dans nos sociétés. L'examen actuel de la demande à la frontière est limité à quatre semaines. En passant à douze semaines, le délai donne ses chances à une procédure plus complète, où la personne reçoit une réponse claire, ce qui rend plus crédibles des retours plus massifs dans les pays d'origine.
Actuellement, les deux tiers des migrants irréguliers qui demandent l'asile se voient refuser le statut de réfugié. Cependant, les flux sont encouragés par les trafiquants qui font croire que la simple arrivée en Europe autorise à y rester. Nous voulons inverser les choses, en montrant que, sans besoin reconnu de protection internationale, le retour est organisé dans le pays d'origine. Il y a aussi beaucoup de progrès à faire dans les politiques de retour : en moyenne, environ 30 % des décisions de retour sont exécutées, et environ 14 % seulement en France. Nous pouvons faire mieux ! Les procédures sont aujourd'hui si longues que les migrants ont le temps de s'ancrer dans les sociétés européennes avant de recevoir la décision définitive ; cet ancrage rend le retour plus difficile. En prenant des décisions plus rapides, nous éviterons ces difficultés en nous assurant plus rapidement que seuls les éligibles à notre droit d'asile peuvent rester.
Nous devons travailler sur les retours, établir un meilleur système sur les réadmissions, négocier pour parler d'une seule voix avec les pays d'origine. Nous avons besoin d'être plus efficaces. C'est le rôle d'un coordonnateur européen qui travaille en lien avec les responsables nationaux sur les retours. Nous ne devons pas perdre de vue que, si nous avons une responsabilité collective, avec le droit d'asile, et des devoirs liés à nos engagements internationaux aussi bien que des devoirs moraux, comme le sauvetage des gens en mer, il nous faut aussi assurer une solidarité au sein de l'Union européenne. Certains États membres sont en effet en première ligne, plus exposés à l'arrivée de migrants. Ce principe de solidarité entre les États membres doit jouer sur l'ensemble de la politique migratoire - cela inclut l'aide au retour aussi bien que le sauvetage des vies humaines en mer.
Quand un État membre est sous pression, comme Malte en ce moment, alors nous avons besoin d'un mécanisme obligatoire d'aide, car nous constatons que les contributions volontaires ne suffisent pas. Le nouveau mécanisme laisserait le choix aux États membres entre une aide à la relocalisation et une aide au retour, ou encore à la combinaison des deux, la Commission étant chargée d'établir dans quelle mesure le pays soumis à la pression doit être aidé. Un pays refusant la relocalisation devra prendre la responsabilité de conduire la procédure de retour. Il lui reviendra d'instruire le dossier individuellement, Frontex intervenant ensuite pour l'aider dans les modalités pratiques du retour - l'instruction des procédures individuelles ne peut revenir à la Commission.
Cette répartition des tâches, avec des responsabilités clairement établies, nous aidera à être collectivement plus efficaces dans la politique de retour et apportera une aide concrète aux pays qui sont en première ligne et qui n'ont pas toujours les ressources, en particulier diplomatiques, pour négocier avec les pays d'origine. Le pays qui refuse la relocalisation, dans cette répartition, ne pourra donc se contenter d'une aide monétaire pour assumer sa responsabilité : il recevra un mandat plus précis et ciblé sur des dossiers individuels.
J'ai le sentiment que les citoyens européens sont d'accord pour accueillir les migrants qui ont besoin de protection individuelle et ceux qui sont utiles à notre économie, mais qu'ils veulent que notre droit assure le retour des migrants qui n'entrent pas dans les critères d'accueil. En tout état de cause, nous devons garantir un traitement digne à tous ceux qui se présentent sur notre continent, une dignité à laquelle ils ont droit en tant qu'êtres humains.
J'espère que ces règles seront acceptées par l'ensemble des États membres et que nous parviendrons rapidement à un plan d'action. Il faut établir un dialogue rapproché entre les États membres - leur réaction a d'ores et déjà été très constructive. Je suis optimiste, nous avons besoin de dédramatiser le débat sur les migrations. La situation des migrants peut être dramatique, mais, comme législateur, nous devons être pragmatiques et parvenir, comme pour d'autres secteurs, à avancer pas à pas vers un compromis satisfaisant. Je ne crois pas aux systèmes parfaits ; notre objectif est de parvenir à des règles acceptées par tous les États membres. Je n'ignore pas les difficultés, mais j'espère que nous parviendrons à un accord. Le diable est dans les détails, c'est vrai, mais les possibilités aussi, et il y a de la place pour la négociation ; notre projet peut être amendé. L'accueil très favorable que j'ai reçu me rend optimiste.
Le calendrier est difficile à prévoir. La crise sanitaire y ajoute des contraintes, les négociations nécessaires devant se faire en présentiel plutôt qu'à distance. Mais la plus grande difficulté reste la situation de blocage à laquelle nous sommes parvenus - s'il y a la volonté politique d'en sortir, nous pourrions aboutir rapidement. Le travail a commencé et il se déroule bien jusqu'à présent.
J'allais vous poser la question du calendrier, vous y avez répondu. Je note votre optimisme notamment sur la solidarité des États membres, c'est important. Je crois en la volonté commune de maintenir les migrants dans leurs pays d'origine, de renforcer les contrôles aux frontières, mais la solidarité entre États membres me semble beaucoup plus difficile à obtenir, tant les points de vue divergent sur la question.
Je suis étonné que vous ne mentionniez pas la situation de la pandémie de covid-19 et ses impacts économiques et sociaux. Notre économie recule et je ne suis pas certain que les perspectives de reprise soient celles qu'évoque la Commission. En revanche, les conséquences sont là, en particulier l'augmentation du chômage et des retours en Europe de centaines de milliers de nos concitoyens qui ne savent pas s'ils pourront retourner vivre à l'étranger et qui vont rechercher du travail dans nos pays. Il y a aussi le Brexit, avec pour conséquence que les demandes d'asile se réorientent vers la France. Vos propositions ne devraient-elles pas reconsidérer le niveau d'entrées en Europe pour raisons économiques ? Comment tenez-vous compte de cette situation consécutive à la pandémie ?
Je salue la réactivité, l'organisation entre États membres ces dernières années pour gérer le défi de l'immigration, car le moins qu'on puisse dire, c'est que l'Union européenne n'était pas préparée à une vague migratoire de cette ampleur. Sachant que le taux de retour n'est que de 14 % dans notre pays, on comprend le manque de confiance dans l'opinion et la crispation populiste - on le voit aussi en Italie. Je souhaiterais une politique européenne plus coercitive. Des voix demandent à coupler la politique d'aide au développement à l'acceptation d'un niveau de retour : qu'en pensez-vous ? Vous ne mentionnez pas, ensuite, l'idée qu'avait émise Jean-Claude Juncker d'un grand plan Marshall pour l'Afrique : est-ce que l'idée a été abandonnée ?
Votre proposition repose sur le traitement des demandes d'asile à la frontière en douze semaines pour les migrants originaires des pays à faible taux de protection. Comment organiser concrètement les choses ? Nous avons le problème des demandeurs d'asile refusés dans un pays, qui se présentent dans un autre - par exemple, en France, les Afghans qui demandent l'asile. Quelles sont vos propositions pour diminuer ces « rebonds » ? Ensuite, si la Commission est chargée de la négociation d'accords avec les pays d'origine, envisagez-vous une conditionnalité de l'aide au développement économique ?
La pandémie de covid-19 affecte considérablement la situation : le nombre d'arrivées a diminué cette année et les retours sont plus difficiles à organiser. Il y a cette urgence que nous devons traiter. Le pacte que je propose ne s'inscrit pas dans le même calendrier : il ne sera pas appliqué l'an prochain ; nous avons encore besoin de temps pour le négocier. L'immigration économique, ensuite, relève de la compétence nationale, pas européenne, alors que, pour le droit d'asile, nous avons des engagements communs. Et je pense, pour ma part, que, même avec notre taux de chômage, notre démographie fait que nous aurons longtemps besoin de migrants dans notre économie.
Le faible taux de retour nourrit effectivement le populisme en Europe. Notre manque d'efficacité ravive l'opposition aux politiques européennes. C'est pourquoi nous voulons mieux distinguer les migrants qui sont éligibles à l'asile de ceux qui ne le sont pas, ceux qui peuvent rester de ceux qui doivent rentrer dans leur pays d'origine. Comment négocier avec les pays d'origine ? Je crois que tous les outils sont utiles pour obtenir le meilleur partenariat de réadmission, ce qui inclut le commerce, les visas, le programme Erasmus, aussi bien que l'aide au développement. Nous avons, par exemple, introduit de nouvelles règles sur les visas : elles prévoient que la Commission évalue la coopération sur la réadmission ; le lien est ainsi établi avec la politique de visas. Nous avons des outils, il faut les utiliser. Nous serions plus forts, cependant, si les États membres et la Commission travaillaient ensemble, mais certains préfèrent travailler seuls. Je crois aussi que, dans l'établissement d'un partenariat, inspirer de la peur n'est pas la bonne voie. Nous devons obtenir une coopération mutuellement bénéfique, mais pas par la menace.
Qu'en est-il de l'idée d'un plan Marshall pour l'Afrique ? La Commission a fait la proposition de soutenir le continent africain, dans le cadre de Next Generation EU. Nous avons dû réduire nos moyens du fait de compromis budgétaires nécessités par le plan de relance, mais il ne fait aucun doute que l'Afrique a toute son importance dans la stratégie de la Commission.
Comment mieux organiser la procédure à la frontière ? Les États membres doivent apporter leurs ressources et les agences européennes y contribuer. Il faut une procédure rapide : la lenteur tient aussi au manque de ressources, alors que nous pouvons aller beaucoup plus vite en particulier avec les migrants qui proviennent de pays qui posent peu de problèmes en termes de protection. Dans l'examen individuel, si le délai de douze semaines ne suffit pas, il pourra être prolongé. Mais nous voulons poser cette limite pour éviter que les demandeurs ne soient oubliés dans les limbes de la procédure comme c'est le cas actuellement : les choses peuvent durer des années, causant ensuite des problèmes bien plus difficiles à régler.
Les États conserveront la faculté d'accepter qu'un candidat refusé à l'asile par un autre État membre dépose sa demande sur son territoire, mais la législation européenne ne l'obligera pas à accepter ces « rebonds ». Si un pays veut être plus généreux, il le pourra. Le fort taux d'Afghans présentant en France une demande d'asile en « rebond » tient d'ailleurs à ce que la France se montre plus ouverte que d'autres pays européens pour la reconnaissance de l'asile aux Afghans. Le nouveau pacte propose une plus grande harmonisation des procédures, mais la compétence du droit d'asile reste une compétence nationale.
Vous voulez développer les entrées régulières et diminuer les entrées irrégulières de migrants en Europe. Un temps, la Commission avait proposé d'organiser des hotspots hors de l'Union européenne : abandonnez-vous cette idée ? Ensuite, vous parlez d'une obligation pour les États membres d'aider un autre État membre sous pression, la Commission décidant le niveau d'obligation en la matière. Une telle perspective a déjà conduit au blocage, comment pensez-vous que cela puisse fonctionner ?
Le hotspot hors de l'Union européenne est difficile à mettre en oeuvre, la solidarité est bien souvent une posture morale, et la géographie place les pays du sud de l'Europe en première ligne, d'où se tiennent loin les pays du Nord. Dans ces conditions, quels sont les leviers pour forcer la solidarité ? Quelle est la part des migrants irréguliers dans les procédures d'asile et d'immigration en général ? Que reste-t-il des négociations avec le président turc qui a ouvert un temps sa frontière avec la Grèce pour laisser passer des migrants ?
Enfin, vous évoquez douze semaines de délai pour l'instruction des demandes d'asile à la frontière : si la personne est libre de circuler, cela lui laisse largement le temps d'arriver au bord de la Manche, par exemple. Dans ces conditions, que pensez-vous de l'idée d'instaurer des centres de résidence temporaire pour accueillir ces migrants ? De tels centres permettraient de retrouver les demandeurs et leur éviteraient la situation sanitaire épouvantable qu'ils ont souvent à connaître.
Attention à ne pas parler de l'Afrique seulement comme une menace migratoire pour l'Europe ! Le continent présente bien des opportunités économiques et connaît des migrations internes bien plus fortes qu'il n'envoie de migrants de l'autre côté de la Méditerranée. Que pensez-vous de la protection des données enregistrées sur la base de comparaison d'empreintes digitales Eurodac ? Est-il réaliste de l'étendre sur l'ensemble du territoire européen, incluant par exemple les outre-mer français ? Comment, ensuite, garantir une solidarité sans reconnaissance mutuelle, entre États membres, des décisions d'éloignement ? Le magazine allemand Der Spiegel a récemment dénoncé le push back de certains pays contre les migrants : pensez-vous qu'un contrôle doive être confié à une autorité indépendante ? Faut-il, enfin, qu'une partie du budget européen finance spécifiquement les politiques d'accueil des migrants en lieu et place des États membres ?
Je dois être sommaire pour répondre, dans le temps imparti, aux questions importantes et nombreuses que vous me posez.
Les hotspots dans les pays tiers ne peuvent pas fonctionner, non seulement parce qu'il pourrait s'y présenter des foules sans commune mesure avec ce que nous connaissons en Europe, mais aussi parce qu'il faut respecter le droit de demander l'asile dans les pays européens. Il vaut mieux traiter les demandes sur notre continent et améliorer notre efficacité, en particulier sur les retours.
La solidarité est actuellement volontaire ; elle n'est pas suffisante. Nous avons besoin de mécanismes obligatoires, c'est le prix de la régulation. Aujourd'hui, nous manquons de régulation et nous constatons que nos mécanismes ne suffisent pas. C'est le sens du pacte d'apporter des solutions.
Les relations avec la Turquie sont allées dans la mauvaise direction : nous avons des difficultés sur bien des sujets, mais nous avons besoin de coopérer sur les questions migratoires. Nous continuons de soutenir la Turquie pour les réfugiés syriens qui ont besoin d'aide - la Turquie est le pays qui accueille le plus de réfugiés syriens au monde.
Sur la rétention des demandeurs d'asile dans des centres, je rappelle que le droit n'autorise pas la détention sur le seul fondement de la demande d'asile, mais seulement s'il y a un risque de fuite.
La reconnaissance mutuelle des décisions de retour est effectivement indispensable à l'équilibre de la politique européenne.
Eurodac a beaucoup de lacunes. On y enregistre les demandes d'asile, par les demandeurs d'asile, ce qui permet plusieurs demande par personne. C'est pourquoi nous voulons réformer le système. En particulier, nous ne disposons pas véritablement de fichiers individuels ; il faut y remédier.
Le push back aux frontières n'est pas acceptable. Nous devons assurer, protéger le droit de demander l'asile. Il revient à chaque État membre d'instituer une agence de contrôle indépendante pour vérifier l'accès au droit d'asile. Nous allons proposer des conseils de méthode pour le travail de telles agences.
Merci encore, Madame la Commissaire, nous ne manquerons pas de vous inviter de nouveau pour le suivi de votre action.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
Il nous faut désigner plusieurs rapporteurs : d'abord, notre collègue Catherine Morin-Desailly a déposé une proposition de résolution européenne pour la localisation européenne des données personnelles. Notre commission doit l'examiner dans le mois suivant son dépôt. Ce texte touche à la question de la protection des données personnelles mais aussi à la stratégie industrielle de l'Union européenne, et finalement à celle de la souveraineté numérique de l'UE, à laquelle le Sénat a consacré une commission d'enquête en 2019. Je vous propose de confier l'instruction de ce texte à nos collègues Laurence Harribey et Christophe-André Frassa, que nous avons récemment chargés du suivi des sujets relatifs à la protection des données.
Par ailleurs, je vous propose quelques aménagements dans la composition du groupe de travail sur la Politique agricole commune, qui est commun à notre commission et à celle des affaires économiques : Pierre Médevielle a accepté de céder la représentation du groupe des Indépendants dans ce groupe de travail à Franck Ménonville qui sera désigné par la commission des affaires économiques ; aussi, je vous propose de désigner à sa place notre collègue Henri Cabanel, qui représentera le groupe RDSE. En outre, le nouvel effectif du groupe de travail ayant été porté à 19, le groupe Union centriste peut y avoir un 3ème représentant : je propose à cet effet la nomination de notre collègue Pierre Louault.
Nous avions aussi évoqué la création de deux groupes de travail internes à notre commission. Il est temps d'en nommer les membres pour leur permettre de se mettre à l'ouvrage.
Concernant le groupe sur Strasbourg, capitale européenne, je vous propose d'y inclure les Alsaciens de la commission : MM. Fernique, Haye, Kern, Reichardt et Mme Schalck, ainsi que Pascale Gruny, ancienne députée européenne. Didier Marie et moi-même en serions également membres et serions coprésidents de ce groupe de travail.
Il en est ainsi décidé.
Concernant le groupe sur les questions institutionnelles dans la perspective de la conférence sur l'avenir de l'Europe: je propose qu'il se compose d'un membre par groupe politique, comme le suggérait André Gattolin qui représenterait donc le groupe RDPI. Laurence Harribey pour le groupe socialiste et moi-même assurerions la coprésidence de ce groupe de travail. Naturellement, en serait membre Jacques Fernique, seul représentant de son groupe à la commission. Catherine Morin-Desailly y représenterait le groupe UC et Pierre Laurent le groupe CRCE. Les groupes RDSE et Indépendants ont-ils chacun un nom à proposer ?
Il en est ainsi décidé.
La réunion est close à 10 h 20.