La commission a procédé à l'examen du rapport pour avis sur le projet de loi n° 302 (2009-2010) relatif à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée.
a commencé par rappeler que le projet de loi relatif à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL) a pour but d'éviter que des entrepreneurs individuels qui connaissent un revers de fortune professionnel se trouvent ruinés parce qu'ils sont responsables sur la totalité de leur patrimoine des dettes résultant de leur activité. Le Parlement s'est déjà saisi par le passé de la question de la protection du patrimoine des entrepreneurs individuels, ce qui l'a conduit à créer deux dispositifs, l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, ou EURL, et la déclaration d'insaisissabilité. Cependant, pour des raisons diverses, les créateurs d'entreprise ne se sont jamais emparés de ces deux outils, et n'ont cessé de réclamer la mise en place d'un dispositif d'affectation du patrimoine. Ce texte répond donc à une demande ancienne des entrepreneurs individuels.
a estimé que cette réforme marque un progrès d'un triple point de vue :
- elle étend la gamme des outils de protection patrimoniale offerts aux entrepreneurs ;
- elle rétablit l'équité entre les entrepreneurs, puisque la prise de risque est désormais la même, quelle que soit la forme juridique choisie pour l'activité ;
- elle met en adéquation les formes juridiques avec la réalité économique des petites entreprises, en évitant que, afin de contourner les risques patrimoniaux inhérents à l'entreprise individuelle, certains entrepreneurs optent pour une forme d'entreprise sociétaire inadaptée à leurs besoins.
s'est également réjoui que les députés aient étendu aux entreprises agricoles le champ d'application de l'EIRL, réparant ainsi une injustice contenue dans le texte initial.
Il est ensuite revenu sur les difficultés pratiques et juridiques soulevées par le patrimoine d'affectation.
En premier lieu, se pose la question de son articulation avec le droit des procédures collectives, des régimes matrimoniaux, des successions, ainsi qu'avec les règles applicables au surendettement des particuliers. Malgré le recours à la procédure d'examen accéléré par le Parlement, ces sujets sont renvoyés à une ordonnance qui doit être ratifiée dans le délai d'un an après la publication de la loi. M. Michel Houel, rapporteur pour avis, a souligné que la Chancellerie est à l'origine de la demande d'habilitation du Gouvernement parce qu'elle redoute des difficultés juridiques. Il apparaît cependant que ces problèmes ont été surestimés et que les régimes matrimoniaux et les successions pourraient être retirés du champ de l'ordonnance.
En second lieu, le patrimoine d'affectation pose la question de la conciliation entre la protection des entrepreneurs et celle des créanciers. Pour que ces derniers acceptent de soutenir un entrepreneur individuel malgré la restriction du droit de gage à une fraction seulement du patrimoine, il faut en effet leur offrir des garanties sur la composition et la valeur du patrimoine affecté. Cela passe par le respect d'un formalisme comptable et d'une publicité minimum. Le projet de loi doit cependant arbitrer entre souplesse et confiance : pour les très petites entreprises (TPE), les formalités de constitution et de gestion imposées doivent, en effet, rester simples et peu coûteuses, sans quoi les entrepreneurs ne pourront les assumer ; en même temps, on ne peut pousser trop loin la recherche de la souplesse sans risquer de saper la confiance des créanciers.
Le dispositif prévu par le projet de loi résulte de la recherche d'un équilibre satisfaisant entre ces deux exigences contradictoires. Concrètement, le texte impose à l'EIRL le respect de plusieurs formalités nouvelles, à savoir, principalement : l'inscription de la déclaration d'affectation sur un registre public, le passage devant notaire en cas d'affectation d'un bien immobilier, la certification de la valeur des actifs de plus de 30 000 euros par un professionnel du chiffre, l'assujettissement aux règles de la comptabilité commerciale et, enfin, le dépôt annuel du bilan qui vaut actualisation de la composition du patrimoine affecté.
a souligné que le non-respect de ces formalités peut conduire à la remise en cause, par le juge, de la séparation entre patrimoines personnel et professionnel. La maîtrise du dispositif et donc la qualité de l'accompagnement, de l'information et du conseil des entrepreneurs, notamment par les chambres consulaires, seront ainsi décisives pour le succès de l'EIRL.
a conclu en indiquant qu'OSEO aurait un rôle à jouer dans le soutien au nouveau dispositif en assurant, à hauteur de 70 %, la garantie des prêts consentis aux EIRL. Saluant ce nouvel accroissement du rôle d'OSEO, M. Michel Houel, rapporteur pour avis, a estimé qu'il rendait nécessaire l'adoption de la réforme d'OSEO prévue dans le cadre du projet de loi de régulation bancaire et financière. La loi sur l'EIRL peut être l'occasion d'anticiper, par voie d'amendement, la fusion des trois branches d'OSEO au sein de la société anonyme OSEO. Par ailleurs, M. Michel Houel, rapporteur pour avis, a estimé que l'agriculture doit être explicitement incluse dans le champ d'intervention d'OSEO, afin que les EIRL agricoles bénéficient elles aussi d'un accompagnement financier.
Après l'exposé du rapporteur pour avis, un débat s'est engagé.
a formulé plusieurs remarques :
- le recours à la procédure d'examen accéléré ne s'impose pas pour un texte de cette nature, d'autant que son application est subordonnée à la ratification d'une ordonnance dans le délai d'un an ;
- la rupture inédite avec le principe d'unicité du patrimoine aura des conséquences dont on ne mesure pas encore la portée ;
- l'EURL est un dispositif à la fois protecteur et simple, qu'il ne paraît pas utile de remplacer ;
- les banques contourneront ce dispositif en demandant des sûretés réelles ou personnelles ;
- l'EIRL aura un coût pour les finances publiques, du fait des possibilités d'optimisation fiscale et sociale ouvertes par le dispositif ;
- comme l'auto-entreprise, l'EIRL pose la question de la qualité de la protection sociale de l'entrepreneur individuel ;
- le texte comporte plusieurs cavaliers législatifs et sa rédaction est d'une qualité incertaine.
a apporté les réponses suivantes :
- le texte examiné n'est pas parfait, mais il contribue à répondre à un besoin de sécurité fort et légitime des petits entrepreneurs, qui, d'ailleurs, ont exprimé par la voix de leurs représentants, au cours des auditions, leur satisfaction à la perspective de son adoption ;
- la frilosité des banques est un phénomène ancien et réel, mais l'intervention d'OSEO est de nature à lever leurs réticences dans un certain nombre de cas ;
- il est important que les règles d'intervention d'OSEO dans le domaine agricole évoluent. Aujourd'hui, pour des raisons liées à la réglementation européenne, cette intervention n'est possible que pour les entreprises agricoles dont le chiffre d'affaires dépasse 750 000 euros, ce qui exclut les EIRL agricoles ;
- un auto-entrepreneur salarié bénéficie d'une protection sociale liée à son statut salarial et contribue au financement de sa protection sociale, notamment de sa retraite, par les cotisations sur son salaire ;
- les articles 8 et 9 du projet de loi n'entrent pas dans le champ de saisine du rapport pour avis.
a soulevé plusieurs questions :
- sachant la réticence des banques à s'engager auprès des petites entreprises, on peut craindre que ce nouveau dispositif complique encore l'accès des entrepreneurs au crédit ;
- il existe sans doute un problème de suréquipement des agriculteurs ;
- de nombreuses entreprises qui se créent sont, de façon manifeste, vouées à l'échec parce qu'elles reposent sur des études préparatoires insuffisantes ; il faut donc être prudent dans l'aide à la création d'entreprise pour ne pas encourager des projets défaillants ;
- créer des sécurités en aval est superflu si l'on a réalisé en amont une bonne évaluation des risques de l'entreprise lors de la définition du projet.
a apporté les précisions suivantes :
- l'appui d'OSEO n'est pas automatique ; OSEO étudie et évalue les projets et ne soutient que ceux qui présentent des chances raisonnables de succès ; il n'y a donc pas un encouragement à prendre des risques inconsidérés ;
- le but du projet de loi n'est pas de faire disparaître le risque économique inhérent à l'entreprise ; il est d'empêcher que de mauvaises affaires aient des conséquences disproportionnées, en plongeant dans la précarité un entrepreneur et sa famille.
a salué ce projet de loi parce qu'il s'inscrit dans une démarche qui vise à faciliter la création d'entreprise et d'emplois en allégeant les formalités et en réduisant les risques. Le fait que le texte ne soit pas parfait ne doit pas conduire à le condamner.
Après ce débat, M. Michel Houel, rapporteur pour avis, a présenté ses propositions d'amendement à la commission.
Le premier vise à limiter le coût de l'affectation d'un bien immobilier reçue par acte notarié. Il prévoit que les émoluments attachés à la rédaction de cet acte ne soient pas proportionnels à la valeur du bien affecté, mais qu'ils soient établis selon un taux fixe.
a souhaité savoir si cette disposition respectait l'égalité entre les citoyens.
a précisé que cette disposition existe déjà pour la déclaration d'insaisissabilité, et que la rédaction retenue dans l'amendement ne fait que reprendre celle du dernier alinéa de l'article L. 526-2 du code de commerce.
Le deuxième amendement présenté par le rapporteur pour avis, dans le souci de faciliter l'accès au nouveau dispositif, inclut, parmi les personnes habilitées à évaluer les biens affectés au patrimoine professionnel, les notaires et les associations de gestion et de comptabilité.
Le troisième amendement, réparant un oubli des députés, précise le sort du patrimoine d'affectation en cas de transmission par donation entre vifs.
Le quatrième amendement crée un répertoire national de métiers, dont la tenue est confiée à l'Assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat.
Le cinquième amendement supprime l'article 6 du projet de loi et maintient la déclaration d'insaisissabilité du patrimoine foncier prévue par le code de commerce.
Le dernier amendement anticipe la réforme d'OSEO, qui devait initialement intervenir dans le cadre du projet de loi de régulation bancaire et financière. Au passage, il précise explicitement que les garanties OSEO sont ouvertes aux entreprises agricoles.
La commission a ensuite adopté les six amendements et le rapport présentés par le rapporteur pour avis.