Commission d'enquête sur l'immigration clandestine

Réunion du 31 janvier 2006 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La commission d'enquête a tout d'abord entendu M. André Nutte, directeur de l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations (ANAEM).

Debut de section - Permalien
André Nutte

a introduit son propos par une brève présentation de l'ANAEM, dont il a rappelé que c'était un établissement public récemment créé en application de la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale et dont le conseil d'administration s'est réuni pour la première fois à la fin du mois de juillet 2005.

Décidée dans le cadre de la nouvelle politique d'intégration, la mise en place de l'Agence, qui réunit deux entités préexistantes, l'Office des migrations internationales (OMI) et l'association Service social d'aide aux émigrants (SSAE), permet d'offrir aux publics auxquels elle s'adresse des prestations plus complètes et comportant en particulier un important volet de suivi social.

Observant que la mission de l'ANAEM était pour l'essentiel centrée sur l'accueil des primo migrants en situation régulière, M. André Nutte a exposé que l'agence n'en intervenait pas moins, à travers certaines de ses missions, sur des questions liées à l'immigration irrégulière.

En ce qui concerne tout d'abord le travail illégal, il a indiqué qu'en application d'un texte en vigueur depuis 1976, l'ANAEM était chargée de recouvrer une amende administrative due, sans préjudice d'éventuelles poursuites judiciaires, par tout employeur d'un étranger dépourvu d'un titre de travail, dès lors que cette infraction a été constatée par un des services de contrôle compétents -inspection du travail, police nationale, gendarmerie, douanes- qui doivent transmettre le dossier à l'agence.

Le montant de cette amende, due pour chaque travailleur étranger employé, est fixé à 1.000 fois le montant du taux horaire du minimum garanti, soit 3.110 €. Soulignant le caractère dissuasif de cette sanction, M. André Nutte a relevé, pour le regretter, que l'application du texte qui la prévoit avait manqué du suivi nécessaire, ce qui a conduit l'ANAEM à mettre l'accent, dans le cadre des travaux du comité interministériel de contrôle de l'immigration, sur l'intérêt de mieux l'appliquer.

Une circulaire interministérielle du 6 décembre 2005 a donc rappelé aux services déconcentrés de l'Etat et aux préfets leur responsabilité dans la mise en oeuvre de cette procédure. Notant qu'en 2005, l'ANAEM n'avait été saisie que d'un nombre très faible d'infractions, notamment pour certains départements, M. André Nutte s'est félicité de la volonté interministérielle qui s'était ainsi manifestée de relancer l'application d'un dispositif qui peut représenter, à côté des sanctions pénales, un instrument utile de dissuasion et de sanction du travail clandestin.

Il a cependant indiqué que l'ANAEM était également confrontée à un problème de recouvrement des amendes : elle ne perçoit en effet qu'environ 20 % de leur montant. Il a observé que ce faible taux de rendement tenait sans doute en partie au fait que les entreprises en infraction peuvent être difficiles à identifier, qu'elles ont souvent une durée de vie très courte et qu'entre le moment où l'infraction est constatée et celui où l'ANAEM est saisie du dossier, elles peuvent avoir disparu, organisé leur insolvabilité ou été mises en liquidation. M. André Nutte a indiqué que, dans ce dernier cas, le taux de recouvrement des amendes pourrait être amélioré si l'Agence n'était plus considérée comme un créancier chirographaire mais comme un créancier privilégié.

Evoquant ensuite d'autres missions de l'ANAEM ayant un lien avec l'immigration irrégulière, M. André Nutte a mentionné en premier lieu les activités de l'agence dans le cadre des programmes d'aide au retour volontaire destinés aux demandeurs d'asile, aux déboutés du droit d'asile ou aux personnes ayant fait l'objet d'une invitation à quitter le territoire. Il a regretté que les résultats de ces programmes d'aide au retour ne soient pas toujours à la hauteur des ambitions. Il a cité à cet égard l'exemple du tout récent programme expérimental d'aide au retour volontaire pour les étrangers en situation irrégulière, mis en oeuvre depuis octobre 2005 dans 28 départements. Ce programme, qui permet d'accorder une aide au retour de 2.000 € par personne, en plus de la prise en charge des frais de voyage, ainsi qu'un accompagnement social au départ et à l'arrivée, ne concernerait en effet que 240 départs potentiels.

Exposant ensuite le rôle en matière d'accueil des demandeurs d'asile de l'ANAEM, qui est chargée de la coordination et de la gestion des places en centre d'accueil des demandeurs d'asile (CADA), M. André Nutte a souligné que l'on pouvait s'interroger sur la composition de la population résidant en CADA, qui comporte 60 % de demandeurs d'asile pour 40 % de personnes ayant obtenu le statut de réfugié ou ayant été définitivement déboutées.

Enfin, M. André Nutte a mentionné deux autres missions développées par l'ANAEM, d'importance encore modeste mais présentant un certain intérêt, qui portent sur le retour volontaire et la prise en charge dans leur pays d'origine, notamment en Bulgarie, de jeunes personnes en situation de détresse, et sur l'accompagnement, dans les mêmes conditions, de mineurs isolés, ces actions concernant environ 25 personnes par an. En conclusion, M. André Nutte a souligné qu'à travers ses différentes missions et ses réseaux, l'Agence disposait d'une bonne connaissance des populations migrantes et du « vécu » des problèmes auxquels elles peuvent être confrontées.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

a voulu savoir pourquoi certaines aides au retour ne pouvaient être accordées aux candidats originaires de « pays sûrs ».

Debut de section - Permalien
André Nutte

a précisé que l'aide expérimentale mise en place en octobre 2005 ne pouvait être proposée aux ressortissants de certains pays considérés comme sûrs : il convient en effet, alors que les ressortissants de ces pays n'ont pratiquement aucune chance d'obtenir le statut de réfugié et que le montant de l'aide proposée est conséquent, de ne pas favoriser l'apparition d'un « effet d'aubaine » pouvant inciter à des détournements de procédure.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

a interrogé M. André Nutte sur l'importance des effectifs de primo migrants en situation régulière accueillis par l'ANAEM.

Debut de section - Permalien
André Nutte

a répondu que le flux annuel de primo migrants hors CEE titulaires d'un visa d'une durée supérieure à trois mois était de l'ordre de 130.000 personnes -133.000 en 2004, sans doute un peu moins en 2005- dont 100.000 environ ayant vocation au « long séjour », c'est-à-dire à l'attribution d'une carte de séjour d'un an renouvelable. Il a souligné que cette immigration se caractérisait par l'importance des entrées pour motif familial, l'immigration de travail au sens strict étant en revanche très minoritaire, de l'ordre de 8.000 personnes en 2004 pour les migrants ayant la perspective de pouvoir bénéficier d'un CDI. Il a précisé que la législation permettait aux immigrants pour motif familial d'exercer une activité et donc de s'inscrire à l'ANPE ou de prétendre à une formation professionnelle.

a rappelé que l'ensemble des primo migrants ayant vocation au long séjour pouvait bénéficier du dispositif d'intégration prévu dans le cadre du contrat d'accueil et d'intégration (CAI) et mis en oeuvre par l'ANAEM. Ce dispositif donne aux nouveaux arrivants la possibilité de bénéficier d'un apprentissage gratuit du français ; il les oblige à suivre une formation civique d'une journée portant sur les principes fondateurs de la République et comportant notamment un éclairage sur l'égalité entre les sexes ; il leur offre enfin, si cela paraît nécessaire, un suivi par une assistante sociale. M. André Nutte a indiqué que des « plates-formes d'accueil » étaient organisées pour présenter aux migrants l'ensemble du dispositif, leur proposer un bilan linguistique et social ainsi que la possibilité d'un entretien avec une assistante sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

a demandé si l'on observait des évolutions quant aux pays d'origine des primo migrants.

Debut de section - Permalien
André Nutte

Faisant référence à l'expérience acquise, avant la mise en place de l'Agence, par l'OMI et le SSAE, M. André Nutte a observé qu'en longue période, la structure des flux migratoires apparaissait intimement liée à l'histoire de notre pays. Ainsi, les migrants originaires des pays du Maghreb représentent peu ou prou 40 % du flux annuel des arrivants, cette proportion variant peu d'une année sur l'autre. Les flux en provenance des pays d'Afrique de l'Ouest apparaissent également assez réguliers, ainsi que la proportion des migrants en provenance de Turquie. Cet ensemble de pays constitue, de façon constante, le « noyau dur » de l'immigration hors CEE, et représente une proportion de l'ordre de 50 % des primo arrivants.

Pour le surplus, on peut noter la rapide progression des flux en provenance de la Chine (5 à 6.000 personnes il y a cinq ans, 12 à 13.000 en 2005), ainsi qu'un développement de l'immigration de ressortissants des pays de l'Europe de l'Est. Mais, au-delà de ces évolutions récentes, on constate une grande stabilité et la persistance des flux migratoires en provenance du Maghreb.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

a posé une question sur l'organisation de la formation linguistique offerte aux primo migrants, sa durée et ses résultats.

Debut de section - Permalien
André Nutte

En réponse à cette question, M. André Nutte a tout d'abord observé que les deux tiers environ des primo migrants accueillis par l'agence avaient une connaissance du français sommaire mais suffisante pour tenir une conversation courante, ce qui s'explique par l'origine géographique des flux migratoires. Pour les autres, le Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations (FASILD) a mis en place des actions de formation en faisant appel à des organismes implantés au niveau des départements et spécialisés dans les formations linguistiques destinées aux étrangers. Ce réseau est appelé à couvrir progressivement l'ensemble du territoire. Le problème est ensuite celui de l'assiduité des bénéficiaires de ces formations, en particulier les femmes, qui éprouvent souvent des difficultés à les suivre « dans la durée » : on constate actuellement un taux d'abandon de l'ordre de 40 %. Quant à la durée, une formation de 200 heures est considérée comme permettant un accès au français parlé, l'apprentissage du français écrit étant naturellement beaucoup plus long.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Revenant sur le sujet du travail clandestin, M. Bernard Frimat, jugeant peu satisfaisant le taux de recouvrement des amendes infligées aux employeurs d'étrangers en situation irrégulière, a demandé si l'interdiction de continuer leur activité ou de gérer une société ne constituerait pas une sanction efficace pour les employeurs en infraction. Il s'est également interrogé sur les raisons pour lesquelles les demandeurs d'asile accueillis en CADA avaient des chances beaucoup plus importantes que les autres de se voir reconnaître le statut de réfugié.

Debut de section - Permalien
André Nutte

Sur le premier point, M. André Nutte a estimé que la récente circulaire interministérielle permettrait sans doute de mobiliser les services de contrôle et d'améliorer la transmission des dossiers à l'Agence et il a rappelé que, selon l'ANAEM, le règlement des amendes serait facilité si l'Agence avait le statut de créancier privilégié. Convenant que l'interdiction de poursuivre leur activité pouvait également dissuader les employeurs d'étrangers en situation irrégulière, il a néanmoins observé que, dans le cas de micro-entreprises peu structurées et susceptibles de disparaître très rapidement, l'efficacité de cette sanction pouvait se révéler limitée.

Sur le second point, il a rappelé que l'ANAEM gérait environ 30 % des places en CADA et il a mis en relief l'effort considérable qui avait été consenti pour porter, en cinq ans environ, le nombre de ces places de 4.000 à 19.000. Il a estimé que l'accueil en CADA constituait une bonne réponse aux besoins d'hébergement des demandeurs d'asile et était en outre moins coûteux que l'hébergement d'urgence en chambres d'hôtel. Il a également reconnu que les gestionnaires de ces centres avaient une fonction sociale qu'ils avaient à coeur d'assumer et qu'ils offraient un véritable accompagnement aux demandeurs d'asile, notamment pour les aider dans la rédaction de leurs dossiers : on ne peut en effet que constater que les demandeurs d'asile bénéficiant de ce soutien ont de meilleures chances de voir aboutir leur demande que ceux qui sont hébergés dans des centres d'urgence sans encadrement social et qui n'ont pas les moyens de recourir à des conseils.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

a demandé si l'expérience professionnelle de M. André Nutte lui avait donné l'occasion de constater l'existence de réseaux ou de filières d'immigration clandestine.

Debut de section - Permalien
André Nutte

a observé qu'il pourrait paraître naïf de considérer que l'immigration clandestine en direction de la France résulte uniquement de lois naturelles. Il a indiqué que les services de police connaissaient l'existence de réseaux organisés, soulignant que de tels réseaux étaient extrêmement lucratifs pour leurs organisateurs et comportaient pour eux moins de risques, notamment au niveau des sanctions pénales, que d'autres trafics illicites. Il a remarqué que, bien souvent, les immigrés en situation irrégulière étaient contraints de rembourser à ces réseaux le prix de leur passage, ou redevables des sommes qu'ils avaient empruntées pour payer ce prix et que, tant qu'ils ne s'étaient pas acquittés de cette dette, il leur était très difficile d'accepter l'idée d'un retour.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

a souhaité avoir des précisions sur les conditions d'attribution des aides au retour et il s'est enquis des raisons de leur insuccès et des moyens de les rendre plus efficaces.

Debut de section - Permalien
André Nutte

Précisant que sous réserve des nuances sur lesquelles l'avait interrogé le rapporteur, les aides au retour pouvaient concerner toute personne faisant l'objet d'une invitation à quitter le territoire français, à condition qu'elle se manifeste dans un délai raisonnable, M. André Nutte a souligné que l'ANAEM s'efforçait de diffuser largement une information écrite et orale sur les aides au retour -dans les CADA, dans les antennes de l'Agence, dans les préfectures, sur Internet- et que toute personne intéressée pouvait obtenir sur ces aides des renseignements personnalisés ainsi que la garantie de leur caractère volontaire.

Il a cependant observé que le choix du retour volontaire était souvent difficile pour les immigrés en situation irrégulière, tant qu'ils pensent pouvoir espérer une régularisation ou avoir des chances d'échapper à un retour forcé. Il a également souligné que dans certains pays le fait de revenir « sans avoir rempli son contrat » était très mal ressenti. L'ANAEM ne relâche cependant pas ses efforts pour développer les aides au retour, et certains programmes peuvent connaître des résultats encourageants, tel celui tendant à apporter une aide à la création d'activités au Mali et qui permet de soutenir environ 200 projets par an.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Gautier

Evoquant le cas, rencontré par la commission d'enquête en Guyane, d'immigrés irréguliers exploités par des trafiquants qui souhaitent retourner dans leur pays d'origine mais en sont empêchés parce qu'ils ont été dépouillés de leurs documents d'identité, Mme Gisèle Gautier a demandé si l'ANAEM pouvait aider des candidats au retour se trouvant dans cette situation à obtenir de nouveaux papiers d'identité.

Debut de section - Permalien
André Nutte

Indiquant que les programmes d'aide au retour pouvaient porter sur la prise en charge des frais de retour, sur un accompagnement social et sur le soutien à des projets, M. André Nutte a estimé que la solution du problème soulevé par Mme Gisèle Gautier ne pouvait relever que des services diplomatiques et consulaires des pays d'origine.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Demandant à M. André Nutte de bien vouloir communiquer à la commission d'enquête un état détaillé des programmes d'aide au retour et un bilan de leur coût et de leurs résultats, M François-Noël Buffet, rapporteur, a également posé une question sur le délai d'examen d'une demande de regroupement familial. M. André Nutte a indiqué que ce délai dépendait du dossier mais n'était pas inférieur à 6 mois.

Présidence de M. Alain Gournac.-

La commission d'enquête a ensuite entendu le général Claude Vicaire, sous-directeur de la sécurité publique et de la sécurité routière à la direction générale de la gendarmerie nationale.

Après avoir relevé que la lutte contre l'immigration irrégulière constituait l'une des priorités du gouvernement, le général Claude Vicaire a souligné l'implication croissante de la gendarmerie dans cette mission, en indiquant qu'elle pouvait être appréciée à l'aune de trois indicateurs : le nombre des centres de rétention administrative pris en charge, les résultats obtenus en matière d'interpellation d'étrangers en situation irrégulière et les efforts consentis pour les améliorer.

Il a exposé, en premier lieu, que la gendarmerie gérait actuellement trois centres de rétention administrative, situés au Mesnil-Amelot, à Geispolsheim et à Rivesaltes. Il a précisé que ces centres disposaient respectivement de 140, 36 et 22 places et connaissaient un taux d'occupation de 96,55 %, de 90,75 % et de 83 %, soit un total de 198 places et un taux moyen d'occupation de 90 %, pour un taux moyen national de 83 %.

Il a annoncé que la capacité d'accueil des centres gérés par la gendarmerie serait portée à 481 places en 2008, en précisant que trois nouveaux centres de rétention administrative étaient en construction à Rennes (30 places en 2006, 60 places en 2007), Metz (30 places en 2006 et 95 places en 2007) et Perpignan (50 places en 2007), ce dernier devant se substituer à celui de Rivesaltes, et que le centre du Mesnil-Amelot disposerait, en 2008, d'un nouveau bâtiment de 240 places.

Il a attiré l'attention de la commission sur le fait que cette extension des capacités d'accueil des centres gérés par la gendarmerie serait réalisée à budget et effectifs constants, donc au détriment de ses autres missions.

Le général Claude Vicaire a observé, en deuxième lieu, que les résultats obtenus par la gendarmerie en matière de lutte contre l'immigration irrégulière avaient connu une augmentation régulière depuis 2001 mais s'étaient avérés contrastés en 2005.

Il a ainsi souligné que le nombre des infractions à la législation sur les étrangers constatées était passé de 5.475 en 2001 à 12.250 en 2005, soit une progression de 125 %, mais que le nombre des infractions constatées était passé :

en métropole, de 3.323 en 2004 à 6.528 en 2005, soit une progression de 96,5 % ,

outre-mer, de 6.416 en 2004 à 5.722 en 2005, soit une diminution de près de 11 %.

Le général Claude Vicaire a jugé cette baisse des résultats obtenus outre-mer conjoncturelle et directement liée à la situation de la Guyane et de Mayotte.

Il a ainsi souligné qu'en Guadeloupe, le nombre des infractions à la législation sur les étrangers était passé de 278 à 631 entre 2004 et 2005, soit une progression de 126,97 %, en précisant que la gendarmerie s'efforçait d'interpeller les immigrants clandestins au moment de leur arrivée sur les côtes françaises et de réprimer le travail illégal. Il a toutefois observé qu'une partie de l'immigration irrégulière alimentait l'économie locale, ce qui pouvait constituer un frein à l'action des forces de l'ordre.

Le général Claude Vicaire a indiqué qu'à Mayotte, le nombre des infractions à la législation sur les étrangers avait en revanche connu une diminution de 13,87 %, passant de 2.768 en 2004 à 2.384 en 2005. Il a souligné qu'il avait été extrêmement difficile, pendant un temps, de reconduire les personnes interpellées aux Comores en raison de l'absence de liaison aérienne avec Anjouan et de l'état de délabrement des deux bateaux de l'armée. Il a estimé que la livraison d'une nouvelle embarcation et l'établissement d'une liaison aérienne avec Anjouan devraient permettre de lever ces difficultés.

Il a relevé que le nombre des infractions à la législation sur les étrangers constatées en Guyane avait également connu une baisse de 22,43 % entre 2004 et 2005, soit de 3.334 à 2.586. Il a expliqué cette baisse en observant que la réussite des opérations « Anaconda » menées en 2004 avait conduit les orpailleurs clandestins à créer de petits sites d'exploitation, disséminés et dissimulés. Il a par ailleurs souligné l'impossibilité, pour les cinq escadrons de gendarmerie présents en Guyane, de contrôler le terrain.

Le général Claude Vicaire a exposé, en troisième lieu, les mesures prises pour améliorer la lutte contre l'immigration irrégulière.

Il a souligné que la gendarmerie ne disposait pas d'unité exclusivement dédiée à cette tâche mais avait formé 1.071 « formateurs relais immigration irrégulière » afin que chaque groupement dispose de quelques agents spécialisés.

Il a expliqué qu'en Guadeloupe, la gendarmerie s'attachait à intercepter les yoles utilisées par les passeurs pour faire venir les immigrants clandestins en provenance d'Haïti, via Saint Dominique et la Dominique, à leur retour et non au moment de leur arrivée sur les côtes françaises, afin d'éviter que leurs passagers ne soient jetés à la mer. Après avoir exposé qu'une mission du groupe spécial d'intervention de la gendarmerie nationale (GSGIN) avait conclu, au mois de novembre 2005, à la difficulté juridique et matérielle d'un projet consistant à tirer sur les yoles des passeurs, depuis un hélicoptère, afin de détruire leur moteur, il a indiqué que la gendarmerie utilisait à titre expérimental un intercepteur mis à sa disposition par les services des douanes et envisageait d'en acquérir un si les résultats s'avéraient probants.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

l'a interrogé sur les moyens qu'il conviendrait, selon lui, de déployer en Guyane afin d'enrayer l'immigration irrégulière.

Le général Claude Vicaire a estimé que les politiques de répression, parfois violente, engagées récemment par le Brésil et le Surinam avaient provoqué un afflux d'orpailleurs clandestins en Guyane. Employant une métaphore météorologique, il a comparé le territoire de cette collectivité à une zone de basse pression prise entre deux zones de haute pression. Mettant en garde contre le développement de l'orpaillage clandestin et l'apparition de favelas où, comme au Brésil, même l'armée n'oserait plus pénétrer, il a souligné que le contrôle du territoire guyanais constituait un enjeu stratégique, notamment en raison de la présence de la base spatiale de Kourou.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

a comparé la tâche de la gendarmerie en Guyane à celle de Sisyphe. Il a observé que l'importance du travail illégal témoignait d'une certaine complicité de la population locale avec les immigrants clandestins. Aussi, tout en convenant de la nécessité de réprimer les violences commises par les orpailleurs, il a jugé nécessaire de trouver d'autres solutions pour enrayer l'immigration irrégulière.

S'exprimant en tant que citoyen, le général Claude Vicaire s'est demandé s'il ne convenait pas de mettre le développement du travail illégal en regard du taux de chômage, observant que des employeurs comme des chômeurs pouvaient trouver un avantage financier à recourir au travail dissimulé plutôt qu'au travail déclaré.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

a souhaité connaître les suites données aux interpellations d'étrangers en situation irrégulière.

Le général Claude Vicaire a indiqué que les étrangers en situation irrégulière étaient conduits dans un centre de rétention administrative, dans la limite des places disponibles, puis faisaient l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière. Il a toutefois observé qu'en raison des difficultés d'obtention de laissez-passer consulaires, entre 30 % et 35 % seulement des étrangers placés dans un centre de rétention étaient effectivement reconduits dans leur pays d'origine. Il a estimé que l'amélioration du taux de reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière supposait, d'une part, d'augmenter le nombre des places dans les centres de rétention administrative, d'autre part, de lever les contraintes juridiques empêchant les reconduites.

A la demande de M. Bernard Frimat, le général Claude Vicaire a expliqué que la tâche des gendarmes était rendue plus complexe en Guyane, en raison de l'impossibilité de notifier à un étranger en situation irrégulière interpellé dans la forêt une invitation à quitter le territoire français. Il a estimé que, pour juguler l'immigration irrégulière, il fallait détruire le matériel des orpailleurs et ainsi, supprimer l'intérêt économique qu'ils avaient à venir en France. Il a toutefois observé que les orpailleurs ayant ainsi été privés de leur matériel se livraient à des actes de délinquance en zone urbaine et volaient des véhicules pour pouvoir reprendre leurs activités.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

ayant souligné la difficulté de la tâche de la gendarmerie en Guyane, confrontée à des criminels, le général Claude Vicaire a rappelé qu'un commandant de brigade était récemment décédé au cours d'une opération. Il a observé une augmentation de 40 %, entre 2004 et 2005, des faits de voie publique, soulignant que les gendarmes et la population locale étaient confrontés à des orpailleurs clandestins extrêmement organisés et violents. A titre d'exemple, il a indiqué qu'un grutier ayant prêté son concours à la gendarmerie pour détruire les carbets d'orpailleurs clandestins avait vu son habitation détruite en guise de représailles, précisant que les orpailleurs avaient organisé une opération de diversion pour détourner l'attention des gendarmes chargés d'assurer la protection du grutier.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Gautier

a observé que des gendarmes avaient dû effectuer un déplacement de plusieurs jours pour enquêter sur un meurtre commis au cours d'une rixe dans un village d'orpailleurs clandestins en Guyane. Elle s'est demandé si, compte tenu de l'insuffisance des effectifs des forces de l'ordre dans cette collectivité, il ne convenait pas de leur assigner d'autres priorités.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

a rappelé que les gendarmes étaient parvenus à arrêter le meurtrier et jugé leur intervention nécessaire pour assurer l'autorité de l'Etat.

Le général Claude Vicaire a observé que dans certains pays anglo-saxons les forces de l'ordre ne conduisaient une enquête qu'après avoir comparé son coût et ses chances de succès. Il a souligné qu'en France, les forces de l'ordre n'avaient pas recours à de telles méthodes et étaient tenues d'intervenir dès lors qu'un crime était commis.

a souhaité connaître les résultats obtenus par la gendarmerie dans l'arrestation des passeurs.

Le général Claude Vicaire a déclaré qu'il ne disposait pas de statistiques pour apporter une réponse précise à cette question. Il a toutefois indiqué que la gendarmerie avait récemment démantelé plusieurs réseaux d'immigration irrégulière en Guadeloupe.

Soulignant que chaque collectivité située outre-mer présentait des particularités, il a exposé que la lutte contre l'immigration irrégulière impliquait, en Guadeloupe, de détruire les yoles des passeurs et, en Guyane, de contrôler le terrain, c'est-à-dire d'organiser des patrouilles régulières et dissuasives. A cet égard, il a estimé que l'armée de terre pourrait apporter un concours utile à la gendarmerie.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

a relevé que le maire de Saint-Laurent du Maroni avait préconisé le recours à la légion étrangère pour lutter contre l'immigration irrégulière en Guyane.

Le général Claude Vicaire a rappelé que seules la police et la gendarmerie étaient compétentes en matière de maintien de l'ordre public, précisant que la première avait la charge des concentrations de population, soit 5 % du territoire national et 50 % de ses habitants, et la seconde de l'espace, soit 95 % du territoire national et 50 % de ses habitants. Il a souligné qu'il n'existait pas, en dehors des zones de police et des zones de gendarmerie, une troisième zone confiée à l'armée de terre. Aussi a-t-il souligné qu'une intervention de cette dernière en Guyane ne pourrait être conçue qu'en complément et sous le contrôle de la gendarmerie.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

A la demande de M. Bernard Frimat, il a précisé que, dans son esprit, l'armée de terre pourrait être chargée exclusivement de réaliser des patrouilles, dans un but préventif, et de signaler à la gendarmerie les infractions constatées afin que cette dernière, seule investie de missions de police judiciaire, intervienne.