Présidence de M. François-Noël Buffet, président, et de M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication -
La réunion est ouverte à 17 heures.
Monsieur Mélin-Soucramanien, nous vous remercions de votre présence. Professeur des universités en droit public, vous êtes co-auteur du rapport remis au Premier ministre en 2013 « Réflexions sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie ».
À la suite de la dernière consultation à l'autodétermination de ce territoire, qui a eu lieu en décembre 2021, et du choix de la Nouvelle-Calédonie de demeurer au sein de la République française, une nouvelle période institutionnelle s'ouvre. Le Sénat, et particulièrement la commission des lois, a engagé un travail de fond afin de réfléchir à cette évolution - sachant que nous attendrons, le moment venu, la position et les propositions de l'État.
Un groupe de contact a également été mis en place par le président du Sénat, au sein duquel nous échangeons avec les parties prenantes sur ce sujet.
Philippe Bas, Jean-Pierre Sueur, Hervé Marseille et moi-même avons été nommés rapporteurs de la mission d'information que nous avons constituée sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. Philippe Bas, Jean-Pierre Sueur et moi-même nous rendrons sur place du 22 au 29 juin. En prévision de ce déplacement, nous avons décidé d'auditionner un certain nombre de spécialistes de la Nouvelle-Calédonie, notamment dans le domaine institutionnel. Cependant, nous n'ignorons pas l'importance des questions économiques, sociales, et géopolitiques. La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées travaille particulièrement sur ce dernier sujet, au travers d'une mission d'information dont le rapport doit paraître en octobre.
A également été convié à cette audition le président de la délégation sénatoriale aux outre-mer, Stéphane Artano.
Nous sommes entrés depuis six mois dans une période de discussion, prévue pour dix-huit mois à partir de janvier 2022, donc devant se terminer en juin 2023. Certains s'inquiètent de voir le temps s'écouler. Nous sommes en effet à un an de l'échéance fixée par le Gouvernement.
Merci à vous, monsieur le président, et aux membres de votre mission d'information, de vous emparer de ce sujet. Tout laisse à penser qu'à l'Assemblée nationale le temps de réaction sera plus long compte tenu du contexte électoral. Cette initiative du Sénat, qui s'inscrit dans une autre temporalité, est donc à saluer.
J'ai de la période actuelle une vision qui n'est pas très pessimiste. Plusieurs personnes déplorent le temps perdu, regrettant que l'on tourne autour du sujet depuis plusieurs dizaines d'années sans en atteindre le coeur. Pour ma part, cela fait plus de dix ans que je travaille sur ce sujet. Professeur des universités, je n'ai aucun intérêt privé, moral ou financier en Nouvelle-Calédonie. Je suis intervenu à titre d'expert sur la question de son statut institutionnel à plusieurs reprises, la première fois à la demande de François Fillon, alors Premier ministre.
Depuis dix ans, un certain nombre de voies ont été fermées, d'autres ont été ouvertes ou esquissées. Il serait faux de dire que les gouvernements successifs n'ont pas travaillé, même s'ils l'ont fait avec plus ou moins d'ardeur selon les cas. Dans la période récente, les choses ont avancé. Les trois référendums ont été organisés dans une période très courte, et leur régularité sur le plan juridique est incontestable. L'État a donc bien fait son travail, cela alors même que certains ne jugeaient pas réellement envisageable la tenue des trois consultations successives prévue par l'accord de Nouméa. La première consultation a eu lieu en 2018, et a été suivie d'une deuxième puis d'une troisième.
Nous nous trouvons actuellement dans une phase très nébuleuse de l'accord. Après trois référendums ayant conclu au « non », l'accord de Nouméa prévoit en effet, par une ellipse formidable, que « les partenaires politiques se réuniront pour examiner la situation ainsi créée ».
Une chose est certaine : par trois fois, la population comprise dans la liste électorale spéciale constituée pour cette consultation référendaire - appelée liste électorale spéciale consultation (LESC) - a répondu « non » à la question de savoir si elle voulait que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante. C'est un peu comme le reniement de Pierre. L'un des rédacteurs de l'accord de Nouméa ne nie pas d'ailleurs avoir eu cette image en tête lorsqu'il a prévu les trois consultations possibles.
Nous en sommes donc au moment où les partenaires politiques doivent se réunir pour examiner la situation ainsi créée.
Si la consultation référendaire du 12 décembre 2021 a été marquée par un mot d'ordre de non-participation lancé par les partis indépendantistes et ses résultats contestés sur le plan politique et sur la scène internationale, ces derniers n'en sont pas moins incontestables du point de vue juridique. Il faut désormais passer à la négociation.
Je voudrais aborder cette question sous deux angles. Premièrement, quelle pourrait être la méthode de cette négociation ? Deuxièmement, quel pourrait en être le résultat ?
Plusieurs méthodes ont été éprouvées en application de l'accord de Nouméa, notamment au travers du comité des signataires de l'accord. Toutefois, le statut juridique de l'accord est incertain. Il avait en effet été conclu en 1998 pour une durée de vingt ans. Bien que l'on étire autant que possible sa durée d'application, sa base est devenue fragile et il ne pourra durer indéfiniment.
Au-delà de l'échéance de juin 2023, les élections provinciales de 2024 constitueront à mon sens un moment de vérité.
Cela étant, des dispositions transitoires ont été introduites dans la Constitution par voie législative. La loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie prise en application de l'accord de Nouméa n'est en outre pas frappée de caducité. Certains éléments sont donc un peu plus solides que d'autres. Tout cela n'en reste pas moins fragile et repose sur une forme de fiction. Il est vrai néanmoins que le droit se nourrit de fictions. Reste cependant que, sur le plan de la méthode, le comité des signataires ne constitue peut-être pas le bon cénacle pour la réflexion à mener.
Des initiatives comme les vôtres sont très louables et parviendront, je l'espère, à faire avancer le dossier.
Pour ma part, sans être un partisan de la démocratie participative à tout crin, je suis convaincu que cette question devra se régler en Nouvelle-Calédonie, moyennant une plus grande participation de la société civile. Un grand écart sépare en effet souvent les aspirations quotidiennes concrètes de la population des mots d'ordre politiques. L'un des enjeux du moment est de rapprocher la population de ces mots d'ordre, parfois outranciers, qui sont portés tantôt par les indépendantistes tantôt par les non-indépendantistes.
Il ne me revient évidemment pas de dire ce qu'il faudrait faire. Néanmoins, le gouvernement précédent avait déjà eu l'intuition de la nécessité de consulter la société civile, et cela avait produit d'assez bons résultats. Je pense que ce procédé devrait être amplifié.
Tout le monde aspire à sortir de l'indétermination, et des statuts temporaires fixés pour dix, vingt ou trente ans. Or, pour y parvenir, l'adhésion de la population sera capitale, et l'on ne peut imaginer une telle adhésion si elle n'a pas participé à l'élaboration du projet de société choisi.
Mon sentiment est par ailleurs que le problème de la Nouvelle-Calédonie tient moins à ses rapports avec la France qu'à un problème de vivre-ensemble interne. C'est pourquoi il serait bon que par le biais d'une sorte de conférence de citoyens la population s'exprime durant cette période. Le délai imparti étant court et les questions juridiques à traiter nombreuses, il sera toutefois difficile de l'organiser sérieusement. Ce sera néanmoins l'une des clés de résolution du problème.
J'en viens à présent au résultat possible du processus. Dans le rapport que Jean Courtial et moi-même avons rédigé en 2014 à la demande du Gouvernement, nous évoquions quatre voies possibles. Aujourd'hui, deux voies médianes sont encore à l'ordre du jour dans le débat : l'autonomie étendue et la pleine souveraineté avec partenariat. Celle du statu quo et de l'immobilisme n'est en revanche plus envisageable.
La voie de l'autonomie étendue est celle qui ressort le plus nettement des trois référendums négatifs. En effet, si nous prenons leurs résultats à la lettre, la Nouvelle-Calédonie a, par trois fois, déclaré qu'elle voulait rester sous la souveraineté de la République française. La difficulté concrète est de savoir comment lui donner davantage d'autonomie, ou comment lui en accorder une meilleure.
La Nouvelle-Calédonie dispose de toutes les compétences, à l'exception des compétences régaliennes et des trois compétences citées à l'article 27 de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie : l'enseignement supérieur, le statut des communes et la communication audiovisuelle. Nous pourrions imaginer de transférer ces dernières, mais cela ne constituerait pas une grande avancée.
La piste à creuser est sans doute celle d'une meilleure autonomie. Cela passerait par le chantier de la répartition des compétences internes entre l'entité Nouvelle-Calédonie et les provinces, et entre celles-ci et les communes. Les communes calédoniennes, au nombre de trente-trois, pourraient se voir attribuer d'autres compétences, notamment sur les questions coutumières. Il s'agirait donc d'accorder « mieux d'autonomie » plutôt que « plus d'autonomie ». Nous pourrions imaginer à ce titre un projet qui serait proposé au vote.
Il ne faut pas exclure néanmoins l'hypothèse de la pleine souveraineté avec partenariat. La difficulté juridique est qu'elle a été exclue par les trois consultations. Toutefois, cet objet politique demeure dans le débat.
Dans cette hypothèse, à l'image des consultations qui ont eu lieu au Québec, les questions suivantes seraient posées, lors d'une consultation référendaire, aux personnes inscrites : « Voulez-vous accéder à l'indépendance et à la pleine souveraineté et, le cas échéant, acceptez-vous ce projet qui vous lie à telle ou telle puissance - le Canada, dans le cas du Québec ? ». Cela reviendrait à rétrocéder les compétences régaliennes à la puissance en question.
Ces deux projets arrivent exactement au même résultat. Dans les deux cas en effet, la République française conserve les compétences régaliennes, ce qui est important du point de vue géopolitique et en matière d'ordre public sur le territoire. La différence symbolique qui les sépare est cependant non négligeable, la colonisation de ce territoire étant relativement récente et ayant été particulièrement violente. Il est probable néanmoins que la seconde option reviendra sur la table des négociations.
La question de la constitution du corps électoral est par ailleurs essentielle. Ces deux hypothèses peuvent se décliner en une multitude de variantes en fonction de la population qui participerait au référendum de projet prévu en principe en juin 2023.
La question est en outre de savoir sur quel fondement juridique ce référendum pourrait être organisé.
L'application de l'article 72-1 de la Constitution - qui a joué, par exemple, dans le cas de Mayotte - paraît exclue, car cet article renvoie à une consultation sur l'organisation d'une collectivité territoriale. Or l'entité Nouvelle-Calédonie n'est plus elle-même une collectivité territoriale, même si elle en contient en son sein.
Par conséquent, le fondement juridique le plus sûr, bien qu'il ne soit pas le plus solide, serait le préambule de la Constitution, qui a été utilisé pour la Corse.
La question la plus importante reste cependant celle de la définition du corps électoral. À ce sujet, deux thèses s'opposent : celle d'un corps électoral de droit commun et celle d'un corps électoral restreint. Selon la première, l'accord de Nouméa prévoyant trois consultations référendaires, et ces trois consultations ayant eu lieu, le corps électoral spécial constitué pour l'occasion n'a plus de raison d'être. Selon la seconde, on ne peut consulter la population générale de Nouvelle-Calédonie, il faut donc maintenir le corps électoral restreint de la LESC.
Il paraît peu probable que le Gouvernement désigne un corps électoral de droit commun pour voter sur le projet proposé. La question de la définition de ce corps fera sans doute l'objet d'une discussion intense. Toutefois, compte tenu du délai très réduit qui a été fixé, il sera difficile de déterminer un autre corps que celui qui était prévu par l'accord de Nouméa. Il n'est donc pas impossible que ce corps soit réanimé pour une quatrième et dernière apparition, faute de mieux. Ce sera l'objet de négociations. Cependant, s'il devait l'être, cela devrait probablement s'appuyer sur la loi organique et devrait faire préalablement l'objet d'un avis circonstancié du Conseil d'État.
Le concept de « souveraineté partagée » se traduit-il par une pleine souveraineté avec partenariat, ou s'agit-il d'une troisième voie susceptible de prospérer et de se révéler fédératrice ?
La souveraineté en principe ne se partage pas. Ces mots n'ont donc pas vraiment de sens, juridiquement. La souveraineté est ou n'est pas, selon Jean Bodin. Cela dit, un partage de fait s'est bien effectué en Nouvelle-Calédonie. Le congrès de la Nouvelle-Calédonie est une assemblée législative, qui vote des lois du pays.
Même si cette formule sonne bien politiquement, je ne vois pas en quoi une telle « souveraineté partagée » serait différente des hypothèses déjà à l'étude.
Dans le cadre des institutions de l'Union européenne, les États membres exercent en commun une partie des attributs de la souveraineté. L'accord des deux parties, calédonienne et hexagonale, ne pourrait-il déterminer l'exercice de certaines compétences ?
Si les compétences que la France a transférées à l'Union européenne peuvent toujours lui être reprises - même si cela se fait difficilement, comme le montre l'exemple de la Grande-Bretagne -, dans le cas de la Nouvelle-Calédonie, les transferts de compétences sont irréversibles. Le rapport quasi fédéral entre la France et la Nouvelle-Calédonie va donc plus loin que celui qui unit la France à l'Union européenne.
Le référendum que vous avez évoqué pour juin 2023, visant à faire approuver un nouveau statut, est-il réellement incontournable, et l'échéance de juin 2023 l'est-elle également ?
Une révision constitutionnelle est incontournable. Or il paraît difficile de le faire sans consulter les Calédoniens, d'autant que l'Organisation des Nations Unies (ONU) tance régulièrement la France sur le sujet. L'existence de dispositions constitutionnelles transitoires a en outre de quoi surprendre, et justifie cette révision.
Quant à l'échéance de juin 2023, elle a été fixée par le précédent gouvernement en janvier 2022 à la suite de la consultation référendaire du 12 décembre 2021 et au vu de la décision d'une partie du corps électoral de ne plus discuter avec le Gouvernement. Une période transitoire de dix-huit mois s'est donc ouverte, dont six mois viennent de s'écouler sans apporter d'élément notable.
Ce délai de dix-huit mois n'a pas de base juridique, il découle d'une simple déclaration du Gouvernement. Les discussions pourraient donc durer indéfiniment !
Les élections provinciales de 2024 que j'évoquais précédemment marqueront néanmoins un retour à la réalité, sans compter les questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) qui seront certainement émises par tel ou tel spécialiste du contentieux. La véritable échéance est donc à attendre en 2024, celle de juin 2023 relevant davantage d'un mot d'ordre politique.
Les signataires de l'accord de Matignon avaient imaginé un jour « J » auquel serait défini un statut définitif pour la Nouvelle-Calédonie. En réalité, à des fins d'apaisement, ils ont enclenché un processus qui en a lui-même entraîné un autre. Même si certains, peu nombreux, estiment que, les trois référendums prévus par l'accord de Nouméa ayant eu lieu, tout est terminé, ce processus se poursuit. N'y a-t-il pas là une vision du droit un peu atypique ?
Ne faudrait-il pas enclencher un nouveau processus, impliquant d'une part la question des élections provinciales, qui a pour corrélat celle de l'examen préalable des listes électorales, un travail sensible indispensable ? D'autre part, ne faudrait-il pas prévoir de reposer, à un moment ou à un autre, la question de l'autodétermination, comme plusieurs personnes le jugent nécessaire, et même si cela risquerait de déplaire à certaines autres ?
De manière générale, un nouveau processus juridique paraît s'ouvrir, nonobstant une série de réalités économiques, financières et sociales dont on ne peut faire abstraction.
L'accord de Matignon avait effectivement pour but de ramener la paix sur le territoire calédonien. L'accord de Nouméa visait pour sa part la construction d'un projet institutionnel. Il était tendu vers l'hypothèse de l'émancipation et de la décolonisation. Or cette hypothèse ne s'est pas concrétisée. Tout le problème vient de là. L'accord de Nouméa avait en effet été rédigé dans une logique de décolonisation, dénoncée par certains et louée par d'autres. Plusieurs acteurs imaginaient qu'il déboucherait vers l'acquisition de la pleine souveraineté, ce qui n'a pas été le cas.
La question du rapport au temps est par ailleurs primordiale. Une grande partie de la population est en attente d'une forme de sécurité dans le temps et de visibilité - pour les générations futures, comme pour des raisons économiques et financières.
Nous pourrions imaginer d'inclure dans le nouveau projet qui serait rédigé une clause de revoyure, assortie d'un rendez-vous fixé dans dix ou vingt ans. Pour ma part je ne suis pas persuadé que ce soit la meilleure solution, car cela reviendrait à reporter le problème et à créer une forme d'incertitude.
Le fait de ne rien prévoir n'est toutefois pas non plus une solution, d'autant que le droit à l'autodétermination, ou droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, est perpétuellement ouvert en France depuis 1946. Dans le cadre des négociations, une clause pourrait donc être inscrite quelque part, indiquant qu'une majorité qualifiée au congrès doublée d'une partie significative de la population pourrait décider l'organisation d'une consultation sur l'autodétermination - sans fixer de date, pour ne pas créer d'incertitude.
Je remercie le président François-Noël Buffet de son invitation, laquelle témoigne à la fois de l'importance des réflexions du Sénat sur ces sujets statutaires et du souci d'une bonne coordination des travaux des différentes structures internes à la Haute Assemblée.
La délégation sénatoriale aux outre-mer s'est emparée particulièrement de cette question institutionnelle en 2020, au sein du groupe de travail sur la décentralisation mis en place par le président du Sénat et chargé de repenser l'organisation des pouvoirs locaux.
Mon prédécesseur, Michel Magras, s'est attaché à approfondir le volet ultramarin de la réflexion sénatoriale. Ses recommandations ont fait l'objet d'un rapport rendu public en septembre 2020, axé sur la différenciation territoriale outre-mer, pour lequel Michel Magras a consulté l'ensemble des exécutifs et des présidents des assemblées territoriales des outre-mer - afin de recueillir leurs appréciations sur l'application des statuts actuels et de mesurer leurs attentes -, ainsi que plusieurs juristes éminents, dont Ferdinand Mélin-Soucramanien.
Nous avons eu l'occasion d'échanger, en présence de nos collègues députés de la délégation aux outre-mer de l'Assemblée nationale, sur les souhaits d'évolution institutionnelle à court et moyen termes dans les territoires ultramarins.
Une réunion commune est en outre prévue le 29 juin au Sénat, avec l'Association des juristes en droit des outre-mer (Ajdom), comportant une séquence sur la Nouvelle-Calédonie à laquelle participera Alain Christnacht, conseiller d'État honoraire, ancien haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.
Au travers de la question de l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie et du caractère incontournable de son adaptation, le chantier des évolutions statutaires est devant nous.
Je salue la présence de Pierre Frogier, mais également celle de nos collègues de Guyane, de Guadeloupe, de Mayotte, de Wallis-et-Futuna ou encore de Polynésie française. Comme le débat sur la citoyenneté polynésienne l'a récemment montré, ces questions statutaires seront inscrites à l'agenda parlementaire des prochains mois. La crise du covid-19 et les derniers résultats électoraux ont mis en lumière la profondeur de la crise actuelle. Elle appelle des solutions, inédites et d'une grande technicité.
Le cycle d'auditions que vous entamez aujourd'hui est donc particulièrement opportun afin de permettre de préparer ces débats, décisifs pour l'avenir, sur le meilleur cadre juridique constitutionnel possible. Le directeur de la chaire des outre-mer de l'Institut d'études politiques (IEP) de Paris, Martial Foucault, pourra vous apporter son expertise. Vous pourrez compter sur la contribution des élus de la délégation aux outre-mer à vos travaux.
Monsieur le professeur, vous avez insisté sur un point essentiel : la question est moins celle des relations entre la Nouvelle-Calédonie et l'État que celle de la capacité à faire vivre ensemble plusieurs populations sur le territoire. Il semble d'abord nécessaire de faire en sorte que tout le monde trouve sa place. Avez-vous des pistes pour y parvenir ?
Le « destin commun » mentionné dans l'accord de Nouméa constitue un objectif, un idéal dont force est de constater qu'il ne s'est pas traduit dans la réalité. Le partage des voix recueillies lors des deux premiers référendums - 56,7 % en faveur du « non » pour le premier, 53,3 % lors du deuxième - montrait que la minorité des partisans du « oui » était loin d'être négligeable. Le « non » massif exprimé lors du troisième référendum l'a été par ailleurs dans les conditions de participation que nous connaissons. Ces trois référendums sont donc intervenus dans le cadre d'une société divisée. Ces résultats électoraux traduisent non seulement une scission territoriale, mais aussi une scission ethnique.
Ce dernier terme peut être employé ici, la Nouvelle-Calédonie constituant la seule partie du territoire de la République française où les statistiques ethniques sont autorisées.
Le destin commun peut toujours être affiché en étendard, ces difficultés n'en demeurent pas moins.
Le projet de partition présenté par Pierre Frogier a l'avantage de fournir des éléments à la discussion. J'ai pour ma part des réserves à son endroit, cette solution recelant, selon moi, plus de dangers que d'avantages.
Il faut garder à mon sens la boussole de l'universalisme, même si elle est un peu détraquée aujourd'hui. C'est pourquoi je privilégierais une méthode qui permette aux différents acteurs de travailler ensemble. Le projet que nous défendons depuis la Révolution française est le projet universaliste. Même si une forme d'impasse semble se présenter en Nouvelle-Calédonie, nous ne pouvons aller vers autre chose sans risquer de nous renier.
Merci, monsieur le professeur, nul doute que nous aurons besoin à nouveau, à un autre moment, de vos lumières. Merci à tous.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site internet du Sénat.
La réunion est close à 18 h 00.