Commission de la culture, de l'éducation et de la communication

Réunion du 16 juin 2022 à 10h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

Nous poursuivons ce matin nos auditions avec la commission des lois, présidée par François-Noël Buffet, sur les incidents survenus au Stade de France le 28 mai dernier. Nos auditions sont retransmises en direct sur le site internet du Sénat et sur Public Sénat. Nous recevons aujourd'hui M. Michel Cadot, préfet, que je remercie d'avoir accepté notre invitation.

Monsieur Cadot, nous avons l'habitude de vous recevoir en tant que président de l'Agence nationale du sport (ANS), poste éminemment stratégique pour le développement de la pratique sportive dans notre pays. Toutefois, nous vous recevons aujourd'hui en tant que délégué interministériel aux jeux Olympiques et Paralympiques 2024 (Dijop), d'une part, et délégué interministériel aux grands événements sportifs (Diges), d'autre part. À ce titre, le Gouvernement vous a confié la préparation d'un rapport sur l'organisation de la finale de la Ligue des champions et le renforcement du pilotage des grands événements sportifs. Nous avons lu ce document avec beaucoup d'attention. Vous nous en présenterez les grandes lignes dans quelques instants.

Ce document est précieux à plus d'un titre. Il rappelle les faits, leur ampleur et leur gravité, ainsi que leur déroulement, et il tire des enseignements dans la perspective de l'organisation des grands événements à venir, notamment de la Coupe du monde de rugby et des jeux Olympiques et Paralympiques (JOP). Surtout, il s'agit, avec l'audition conjointe des ministres de l'intérieur et des sports par nos commissions respectives le 1er juin dernier, du seul document officiel sur lequel nous pouvons, à ce stade, nous appuyer dans le cadre de la conduite de nos travaux pour comprendre la position de l'État sur le sujet et l'analyse qu'il fait des dysfonctionnements constatés.

Comme vous, nous cherchons à comprendre les raisons qui expliquent qu'un événement aussi festif qu'une finale de Ligue des champions puisse se transformer en cauchemar pour des milliers de spectateurs.

À cet égard, votre rapport évoque une « préparation soignée » de l'événement, tout en reconnaissant des failles - je cite - « dans l'orientation et dans la gestion de la foule, dans l'insuffisante information entre la RATP et les postes de commandement (PC), dans le manque d'anticipation des itinéraires de délestage, dans la coordination et le dialogue imparfaits entre les parties représentées au PC, avec une configuration cloisonnée, et dans la non-lecture de signes avant-coureurs de la présence d'individus malveillants venus en grand nombre commettre des actes de délinquance ».

Comment la coordination entre les acteurs, avant et pendant l'événement, peut-elle être si confuse ? Ces dysfonctionnements viennent mettre en doute la capacité de notre pays à organiser les JOP de 2024 et la Coupe de monde de rugby en 2023. Nous attendons donc des précisions sur votre lecture des événements et sur les enseignements à en tirer, notamment en matière de responsabilités.

Debut de section - Permalien
Michel Cadot, délégué interministériel aux jeux Olympiques et Paralympiques 2024 et délégué interministériel aux grands événements sportifs

Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je m'adresse à vous en ma qualité principale de délégué interministériel aux grands événements sportifs (Diges) et en ma qualité de délégué interministériel aux jeux Olympiques et Paralympiques (Dijop). Mes missions sont fixées par des décrets, qui prévoient que le délégué interministériel, dans le respect des compétences des préfets, a pour mission de faciliter l'animation et la coordination entre les acteurs, entre autres les administrations d'État, les collectivités locales et les comités d'organisation des grands événements sportifs, notamment internationaux.

Ma présentation s'appuie sur le rapport qui m'a été demandé par la ministre des sports et par le ministre de l'intérieur, le 30 mai dernier, à l'issue de la première réunion de travail qui s'est tenue au ministère des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques. Rédigé dans les dix jours impartis, il a été remis à la Première ministre le vendredi 10 juin et publié immédiatement. L'objectif du rapport est double : premièrement, analyser les explications possibles de ces dysfonctionnements, qui ont conduit à une situation grave, très défavorable à notre réputation internationale en matière d'organisation des événements sportifs ; deuxièmement, proposer des recommandations générales d'amélioration.

Compte tenu des délais dans lesquels nous avons rédigé le rapport, ce dernier s'appuie uniquement sur les éléments qui m'ont été transmis, à ma demande, par les services chargés de la sécurité et de l'organisation de l'événement, par exemple le consortium du Stade de France. Les éléments sont parfois arrivés la veille ou l'avant-veille de la finalisation du rapport, avant que la question des enregistrements vidéo ne soit posée.

Le rapport s'intéresse à la préparation de la manifestation, au déroulement de la journée et aux conditions dans lesquelles la crise a été gérée ; ensuite, j'ai préconisé un certain nombre d'améliorations pour de grands événements internationaux, des événements de grande ampleur ou présentant des enjeux très particuliers. Le Stade de France ne constitue qu'une petite part de la mission de sécurisation et de réussite de l'organisation des jeux, que je suis chargé de coordonner en qualité de Dijop.

La préparation de la finale de la Ligue des champions a été réalisée de manière assez sérieuse. Les réunions de coordination ont été très nombreuses. J'en ai moi-même présidé trois, la dernière d'entre elles s'étant tenue le 19 mai. Une autre réunion, sur le terrain, avec les services de transport, a eu lieu le 27 mai. Ce travail de coordination entre les acteurs, assez dense et satisfaisant, a conduit à ce que la plupart des informations soient parfaitement partagées entre toutes les parties prenantes. La physionomie du public, dans les notes que nous avons reçues tant du milieu sportif que des autorités de police, n'indiquait pas de risque particulier de hooliganisme, contrairement à d'autres matchs. En revanche, ces notes indiquaient l'arrivée d'un grand nombre de supporters sans billet venus profiter de la fête et de l'événement.

Nous avons essayé, dans ces réunions préparatoires, de dimensionner correctement les moyens, en réponse à ces informations. Des zones d'accueil et de visionnage, à Paris, ou dans le parc de la Légion d'honneur à Saint-Denis, ont été créées en peu de temps. Ces zones ont complètement rempli leur rôle en matière de jauge, pendant toute la durée de l'événement, en journée comme en soirée, lors du match. Les moyens ont été également renforcés dans les transports et dans la sécurité privée. Concernant les forces de sécurité intérieure, le préfet de police a reçu 29 unités de forces mobiles, pour l'ensemble de l'événement.

Un certain nombre d'éléments sont survenus plus tardivement dans le processus de préparation. Le 19 mai dernier, l'Union européenne des associations de football (UEFA) a demandé de distribuer des billets papier plutôt que des billets électroniques - scénario de départ -, en totalité pour les billets des supporters de Liverpool et pour 40 % des supporters du Real Madrid, dans un souci de continuation et de simplification au regard des matchs précédents. S'est ajoutée la grève du RER B, qui a été notifiée dans des délais impartis. Sa prise en compte avait été préparée au plan local.

Les difficultés sont survenues au moment de l'exécution des mesures, principalement à cause d'une gestion des flux mise en défaut. Premièrement, environ 30 000 personnes supplémentaires - nombre important - sont arrivées en transports en commun ; le système de transport lui-même a été efficace. En revanche, l'orientation de ces passagers a été réalisée, au sein du système de transport, de manière trop massive vers le RER D, en raison de la grève du RER B Sud ; il n'y a pas eu de suivi fluide des arrivées, notamment pour orienter les passagers en fonction des contraintes existantes, à savoir des contrôles de préfiltrage et des contrôles aux portes du stade. Ainsi, le nombre de supporters était sensiblement plus élevé que d'habitude, de quelques dizaines de milliers.

Deuxièmement, des difficultés ont été rencontrées dans l'adaptation du système de préfiltrage et d'orientation vers ces préfiltrages ; par ailleurs, la prise en compte de phénomènes de délinquance ou de petites agressions a été lente. Ces phénomènes, constatés dès 14 heures, se sont développés au fur et à mesure que la foule s'accumulait et se sont enfin amplifiés quand le préfiltrage au niveau du cheminement du RER D a conduit à l'envahissement du parvis du stade, en amont des portes, par plusieurs centaines de personnes, parmi lesquelles se trouvaient des fauteurs de troubles, des voleurs à la tire et de jeunes délinquants.

En matière de gestion de crise, la première mesure, qui a consisté à laisser s'écouler le surplus de personnes au niveau du préfiltrage au débouché du tunnel sous l'autoroute A1, à l'arrivée de l'autoroute A86, a été globalement pertinente. Certes, cet embouteillage n'aurait pas dû se produire, grâce à une meilleure orientation des flux en amont. Le rétablissement de ce préfiltrage a été nécessaire et s'est effectué dans des délais raisonnables, d'environ une quinzaine de minutes. Il était difficile de faire beaucoup plus vite, vu le positionnement des forces.

La gestion de la délinquance et le rétablissement de l'ordre public au niveau du parvis ont rendu le gazage nécessaire, dans des conditions qui ne sont pas complètement satisfaisantes et qui appellent incontestablement une approche différente, notamment en ce qui concerne le positionnement des moyens humains autour des portes et la répartition entre forces de sécurité, sécurité privée et stadiers. Voilà pour le déroulé des faits.

J'en viens aux recommandations que nous pouvons en tirer.

Il est souhaitable que, pour des événements de cette ampleur, la responsabilité de l'organisation de proximité entre le consortium du Stade de France, l'UEFA, la Fédération française de football (FFF), les autorités de transport et les services de police - la préfecture de police de Paris est compétente en la matière, et non le préfet de Seine-Saint-Denis - soit validée à un niveau national, au moment de la mise en place du dispositif et quelques jours avant la fin du dispositif. Ce regard extérieur, à un haut niveau d'autorité - celui du ministère de l'intérieur, des douanes et des aéroports -, est nécessaire. J'ai proposé d'organiser une coordination nationale pour un nombre restreint de grands événements, afin de garantir cette validation.

Ce système existe déjà pour les jeux. J'ai proposé aux deux ministres de l'instituer dès le mois de juillet ou début septembre pour la Coupe du monde de rugby, qui se déclinera dans neuf sites, également en province ; nous pourrons ainsi échanger avec les préfets, qui ont tous instauré un comité local, pour disposer d'une vision d'ensemble de la question.

En matière de gestion des flux, des progrès sont possibles autour du Stade de France. L'organisation des flux doit tenir compte, à tout moment, des imprévus, en planifiant des scénarios possibles. Cela implique un travail étroit, au niveau international d'abord, grâce à des informations le plus en amont possible, en matière de renseignement, de surveillance dans les trains et dans les gares, de caractérisation du public, du niveau national jusqu'à la gestion de proximité. L'approche des transports doit être enrichie par une approche similaire en matière de gestion des points de contrôle et de préfiltrage. Ce point est très important pour les grands événements. Il s'agit aussi d'impliquer beaucoup plus systématiquement les usagers : quand il n'y a pas de risque de violences avérées ou prévisibles, il ne faut pas hésiter à renforcer l'accompagnement des spectateurs grâce à une véritable expérience spectateur. Cela consiste à instaurer une signalétique, une prise en charge dès la gare par des bénévoles identifiables facilement, en attendant de disposer de systèmes plus digitaux. Un dispositif d'accompagnement permettrait rapidement de réorienter des flux - très clairement, des voies d'entrée ont été sous-utilisées, alors que d'autres étaient surchargées, notamment celles du RER D.

La troisième recommandation porte sur le renforcement d'un concept de service d'ordre qui soit beaucoup plus flexible, réactif et partagé avec les acteurs. Cela n'a pas été réellement possible, sans doute en raison d'un délai plus court dans la préparation de ce match. Cela suppose une préparation anticipée et l'instauration de protocoles de sécurité. Nous travaillons à ces protocoles depuis janvier 2021 pour les JOP et novembre 2021 pour la Coupe du monde de rugby ; ils définissent les règles et les responsabilités de chacun, de manière structurée, pour des événements inédits.

Nous devons aussi intégrer systématiquement la prise en compte de la délinquance dans la gestion des foules nombreuses. Il s'agit de positionner systématiquement des brigades anticriminalité et des personnels en civil, qui peuvent intervenir rapidement. Les PC de site doivent plus se parler ; actuellement, au Stade de France, le système est un peu cloisonné, nous pouvons sans doute l'améliorer.

Quand il faut agir, au moyen d'instruments d'ordre public, il faut aussi privilégier, quand cela est encore possible, la prévention, en diffusant des messages par haut-parleurs ou écrans, pour sensibiliser les foules et prévenir l'escalade des tensions. Nous pouvons aussi envisager la présence de brigades montées, à l'instar d'autres pays.

Ces recommandations ne sont pas neuves, mais diversement appliquées. Du fait du confinement et de la réouverture des matchs avec des jauges sanitaires, impliquant un double contrôle, il semble nécessaire de rappeler à l'ensemble des préfets cette méthode dans une circulaire et de les aider à la mettre en place.

Le point suivant intéressera le législateur. Il existe un projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi) : dans la perspective des jeux, l'utilisation de l'intelligence artificielle a été envisagée au sein de ce texte pour identifier, sans aucune technique de reconnaissance faciale, des mouvements de foule et ainsi prévenir les situations d'engorgement progressif. Ce dispositif, qui permet de réagir très vite, semble justifié pour les zones où nous attendons beaucoup de monde, notamment dans le centre de Paris, entre la place de la Concorde, le Trocadéro, la tour Eiffel et l'esplanade des Invalides.

La billetterie constitue un enjeu majeur. La pratique du sport se doit d'être beaucoup plus digitale et beaucoup plus itérative entre l'usager et l'autorité. Nous pouvons, pour ces grands événements sportifs internationaux (Gesi), imposer une forme de billetterie électronique. Cela permet de réduire les risques de fraude. Cette disposition, prévue pour les jeux, est déjà instaurée pour la Coupe du monde de rugby. L'expertise de l'État en matière de billetterie électronique doit être renforcée. Les ministères des sports et de l'intérieur y semblent favorables. L'inspection générale de l'administration (IGA), dans son prochain rapport sur la sécurité, pourrait faire des recommandations en la matière.

Une billetterie interactive, beaucoup plus personnalisée, permettrait de donner des renseignements sur les accès, d'intégrer rapidement les évolutions de l'état du réseau de transport et de diffuser des informations, comme c'est le cas à Roland-Garros.

Le Stade de France présente de sérieuses contraintes, même si nous pouvons mettre à notre crédit la réussite de grands événements, jusqu'à présent. Il est souhaitable de recréer un schéma de circulation, en matière de transports en commun comme de circulation routière, en y associant le préfet du département, qui a la compétence de terrain et qui connaît les lieux, les élus, les maires, le maire de Saint-Denis, les organisateurs d'événements et le consortium du Stade de France. Des marges de progrès existent. Nous pourrions instaurer, aux abords du stade, des barrages et des sas, au service de circulations beaucoup plus fluides et organisées.

S'agissant des JOP, beaucoup de ces recommandations sont mises en oeuvre. Nous travaillons depuis plusieurs années avec l'instance de coordination nationale pour la sécurité des jeux Olympiques et Paralympiques 2024 et des grands événements sportifs internationaux (CNSJ), le ministre de l'intérieur et le ministre des sports.

De nouvelles voies d'accès seront à disposition : la ligne 14 arrivera jusqu'à Saint-Denis-Pleyel et il sera possible d'emprunter la ligne H et la ligne 12. Des solutions complémentaires existent pour des flux de transport collectif qui seront encore plus importants, en raison des épreuves au centre aquatique olympique et des épreuves d'escalade au Bourget, qui pourront avoir lieu concomitamment : 80 000 personnes au total sont alors attendues. Il faut donc planifier, et utiliser toutes les solutions de manière réactive pendant l'événement.

Je conclus en exprimant beaucoup de regrets, parce que l'engagement de beaucoup d'acteurs, comme la FFF et les forces de police, pour préparer cet événement a été réel. Cet échec est important et il nous blesse. Le travail mis en place pour les jeux, qui sera infiniment plus compliqué, s'inscrit dans les recommandations que je vous ai présentées et qui me semblent être de nature à répondre à l'ensemble des risques et des enjeux, en matière de terrorisme, de cybersécurité, d'accès et de gestion des flux et de satisfaction des spectateurs, dans ce qui doit rester un événement festif sécurisé.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Concernant l'organisation, vous avez dit que le préfiltrage mis en place n'avait pas de cadre légal. Pourriez-vous préciser ce qui est autorisé et ce qui ne l'est pas ? Envisagez-vous de rendre cette pratique légale ou de trouver d'autres solutions pour les événements futurs ?

Nous nous interrogeons sur les échanges et les relations entre les autorités de transports et la FFF pendant l'événement. Cette dernière nous a dit ne pas avoir reçu beaucoup d'informations pendant les événements. À la page 11 de votre rapport, nous apprenons que la FFF avait demandé un système de jalonnement assez important pour orienter les flux de spectateurs, notamment ceux arrivant de la ligne du RER D, afin qu'ils soient en partie réorientés vers les cheminements de la ligne B. Les cheminements de la ligne D aboutissaient à une dizaine de portes, alors que ceux de la ligne B conduisaient à une vingtaine. Or le système élaboré par la FFF a dû être levé à la demande du préfet de police, qui a dit qu'il n'en voulait pas. Cela a conduit à un échec cuisant.

J'en viens à la sécurité. L'utilisation de gaz lacrymogènes a étonné ; les supporters ne représentaient pas de danger particulier. Le préfet dit que c'est la doctrine d'emploi, et qu'il ne peut en aller autrement. Cet argument vous convainc-t-il, compte tenu de la situation ?

Outre ces points, nous soulignons deux problèmes. Premièrement, les images de vidéosurveillance n'ont pas été conservées, alors que le stade compte 200 caméras. Seules les images de la préfecture de police semblent être conservées, et partiellement celles de la SNCF. Au Stade de France, personne n'a jugé utile de conserver ces images, alors qu'elles nous auraient permis de mieux apprécier la situation.

Deuxièmement, les actes de délinquance à l'encontre des supporters britanniques et madrilènes s'élèveraient à 400 ou 500. Or nous apprenons que ces actes ont commencé dès 14 heures autour du Stade de France. Le préfet, lui, dit s'être concentré sur la gestion des déplacements et non sur la sécurité publique. Nous avons des difficultés à accepter de tels arguments. Sur tous ces points, nous avons besoin d'éclaircissements.

Debut de section - Permalien
Michel Cadot, délégué interministériel aux jeux Olympiques et Paralympiques 2024 et délégué interministériel aux grands événements sportifs

En matière de cadre légal, aucun protocole spécial n'a été mis en place pour répartir les responsabilités entre préfiltrage et filtrage. Les opérateurs du Stade de France ont une très grande expérience des accès au site. Dans le temps imparti, limité, il semblait inutile d'adapter ce cadre.

Le cadre législatif, précisé par l'article L. 226-1 du code de sécurité intérieure, rappelle qu'il ne peut y avoir de contrôle, pour ce type d'événements, à la différence des aéroports, sans accompagnement des agents de sécurité privée par des officiers de police judiciaire (OPJ) ou des fonctionnaires de gendarmerie et de police. Le cadre légal existe, il est clair et connu. Il s'agit ensuite de décliner ce cadre, en définissant la répartition des effectifs.

Les échanges entre les transports et les forces de police sont bons, de manière générale. Cette coordination est assurée par le Centre de coordination opérationnelle de sécurité (CCOS), renforcé au niveau de la préfecture de police, centre dans lequel siègent des représentants de la RATP et de la SNCF. Les informations ont été très régulièrement transmises par la RATP ou la SNCF, indiquant l'importance des flux et les gares d'entrée comme de sortie.

Le problème résulte de la montée en charge d'effectifs beaucoup plus importants de spectateurs dans le RER D, même par rapport aux grands matchs, et de l'existence de cheminements beaucoup plus complexes pour atteindre le stade. Voilà qui aurait dû susciter une réaction des transports plus rapide, pour inciter les spectateurs à prendre le RER B en surface, puisque des trains supplémentaires avaient été affrétés. Il aurait aussi fallu réorienter rapidement et de manière anticipée les spectateurs, pour assurer un meilleur filtrage. Le préfiltrage a été aussi ralenti par la présence de nombreuses personnes sans billet.

Il n'y a pas eu de coupure dans la transmission des informations. Cependant, l'engorgement n'était connu qu'au niveau du PC local ; c'est la bonne utilisation de cette information qui a fait défaut. Il aurait fallu réorienter rapidement les spectateurs vers d'autres trains ou d'autres cheminements, en diffusant des messages pour indiquer que le match débuterait plus tard, afin de rassurer les spectateurs. Cela aurait permis de faire baisser la pression. Toutefois, un tel dispositif, en continu, suppose une très bonne connaissance du terrain et demande à être testé sur d'autres matchs. Au Stade de France, des éléments nouveaux devront être pris en compte : une passerelle permettra de rejoindre le centre aquatique ; quant à la présence du village olympique, qui sera proche, elle posera la question de l'arrivée des athlètes.

Concernant le volet sécuritaire, vous me mettez un peu en difficulté. Il est difficile d'adapter les dispositifs de maintien de l'ordre public une fois qu'ils ont été positionnés. Les effectifs étaient importants : suffisants pour les situations d'urgence et la gestion des mouvements de foule, mais sans doute insuffisants en matière de lutte contre la délinquance. Il est toujours préférable de gérer les risques en amont des grilles de contrôle, pour éviter l'enfoncement de ces grilles, risque que le préfet a dû gérer, impliquant l'utilisation des gaz lacrymogènes. L'enchaînement des faits n'appelait guère d'autres décisions que celles prises par le préfet de police, dont je pense qu'elles étaient les seules adaptées pour éviter une situation beaucoup plus grave.

Concernant la délinquance, je suis sûr que la police peut traiter le problème avec les moyens classiques, si le dispositif est bien préparé en amont, en proximité. La cérémonie d'ouverture des jeux pourra ainsi bien se dérouler, l'expérience et l'expertise en la matière sont grandes. L'enjeu est de bien préparer les dispositifs, d'abord en proximité, de manière approfondie.

Légalement, il est possible de conserver les images de vidéosurveillance pendant trente jours, mais les coûts sont considérables, d'où un remplacement automatique des fichiers. Je comprends que les citoyens puissent avoir de la peine à comprendre qu'il ne s'agisse que d'une affaire d'automaticité.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

Nous souhaitons comprendre qui est responsable de quoi, notamment en phase de préparation. Vous avez indiqué que des réunions de préparation avaient eu lieu, dont trois sous votre autorité et les autres sous l'autorité du préfet de police. Vous-même, êtes-vous présent lors des réunions organisées par le préfet de police, et inversement ? In fine, quelle est l'autorité hiérarchique entre le préfet de police et vous-même ? Qui, finalement, décide ?

Cet exemple de la gestion des flux à la sortie du RER interroge beaucoup. Le préfet de police a pris la décision de ne pas installer la signalétique proposée par la FFF : avez-vous eu votre mot à dire ? Quelle a été la coordination entre les deux principaux responsables de l'État en matière de gestion de cet événement ?

Debut de section - Permalien
Michel Cadot, délégué interministériel aux jeux Olympiques et Paralympiques 2024 et délégué interministériel aux grands événements sportifs

Si cette décision avait été évoquée, je l'assumerais pleinement, même si elle était erronée. Cependant, cela n'a pas été le cas.

Je pense que cette décision n'a sans doute pas été prise au niveau du préfet de police lui-même, mais de ses équipes sur le terrain, probablement au vu des perspectives de difficultés de trafic sur le RER B. Cependant, nous pourrions aussi penser qu'une signalétique supplémentaire aurait pu être nécessaire, étant donné que moins de spectateurs arrivaient en transport collectif.

J'ignorais totalement cette décision. Elle n'a jamais été évoquée au niveau des comités de coordination nationaux. Nous avons évoqué d'autres sujets, comme la création de zones de visionnage, que personne ne souhaitait au départ pour des raisons de complexité de mise en oeuvre. Voilà où intervient la Diges.

La responsabilité ne peut pas être partagée en matière de gestion de proximité. Elle peut se préparer, s'anticiper, dans un esprit collaboratif, où l'on entend et écoute les demandes de chacun. Les réunions étaient à mon initiative, je les présidais. Le directeur de cabinet du préfet de police, un ami et collègue, était présent ; il faisait valider les décisions par sa hiérarchie. J'ai par ailleurs eu gain de cause sur les points que nous avons pu évoquer lors de ces réunions.

Cependant, le schéma est établi dans le respect des compétences des préfets, sauf si une commission nationale est formalisée, qui, pour des événements particuliers, permettrait, avec un regard extérieur, de se poser les bonnes questions. Dans tous les cas, cela ne relève pas de mon domaine.

La dernière réunion a eu lieu le 19 mai, et cette question n'a pas été évoquée.

Debut de section - Permalien
Michel Cadot, délégué interministériel aux jeux Olympiques et Paralympiques 2024 et délégué interministériel aux grands événements sportifs

Ensuite, je ne sais pas si la question a été évoquée. Pour les autres réunions de la préfecture de police, la Diges est présente, car un certain nombre de sujets nous concernent, comme la relation avec les aéroports, les vols de nuit, les cars. Un certain nombre de sujets demandaient des arbitrages, comme à la direction générale de l'aviation civile (DGAC) ou auprès d'Aéroports de Paris (ADP).

Pour la gestion proprement dite, elle revient aujourd'hui au préfet de police. Le préfet de Seine-Saint-Denis devrait être davantage impliqué, car il connaît les lieux et les acteurs et agit au quotidien à leurs côtés.

Je ne pense pas qu'il soit pertinent, sauf s'il y a un désaccord entre les parties, de remonter la responsabilité de la gestion du terrain à un niveau qui déresponsabilise ceux qui en assument la responsabilité et qui sont seuls légitimes pour donner des instructions à leurs troupes.

Toutefois, en tant que Diges, j'assume ma part de responsabilité dans cet échec.

S'il ne semble pas possible de modifier l'organisation actuelle, en revanche, il serait pertinent de se réunir, notamment si plusieurs sites sont concernés, avec chacun des préfets, sous l'autorité du ministre de l'intérieur et de la ministre des sports, avec tous les acteurs et les directions centrales. Cela permettrait de dépasser la vision un peu cloisonnée d'un préfet dans son territoire et de voir si l'événement est bien préparé. C'est le rôle de la CNSJ pour ce qui concerne le ministère de l'intérieur et de la Diges pour l'ensemble des questions interministérielles. Il serait bon d'assurer cette préparation pour les événements les plus complexes, à l'image de ce qui se fait déjà pour les JOP.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

Si je résume, dans un langage peut-être moins rigoureux que le vôtre, ce jour-là et en amont, l'autorité incombe au préfet de police ; une liaison avec vous existe, mais dans un flou administratif qui ne vous permet pas forcément d'intervenir sur un certain nombre de points pour lesquels vous disposez pourtant d'une expertise.

Debut de section - Permalien
Michel Cadot, délégué interministériel aux jeux Olympiques et Paralympiques 2024 et délégué interministériel aux grands événements sportifs

Oui, la Diges anime et coordonne, mais sans se substituer aux autorités légitimement compétentes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Lozach

Je débuterai par la fin de votre propos liminaire. Un sondage d'Odoxa relatif au regard des Français sur les débordements ayant eu lieu au Stade de France a montré que 89 % d'entre eux sont au courant des événements survenus ce soir-là, et s'intéressent aussi aux grands événements à venir.

À la lumière de cette soirée, ne pensez-vous pas que la cérémonie d'ouverture des jeux Olympiques est compromise ? Sinon, quelles mesures prendre, très rapidement, pour être prêts le jour J ? On n'évoque pas l'association des supporters aux grands événements sportifs internationaux. Le moment n'est-il pas venu d'associer leurs organisations, sous une forme qui reste à déterminer, à la préparation de ces événements ?

Vous avez installé le 4 mars, monsieur le préfet, un groupe de liaison, créé sur votre initiative et qui a joué un rôle décisif dans la préparation de cet évènement. Vous en évoquez les parties prenantes : je suis étonné que ne figure pas parmi elles le consortium du Stade de France. Est-ce un oubli ?

Debut de section - Permalien
Michel Cadot, délégué interministériel aux jeux Olympiques et Paralympiques 2024 et délégué interministériel aux grands événements sportifs

Oui, c'est un oubli dans la rédaction ; celui-ci était systématiquement représenté par sa directrice générale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Lozach

Pouvez-vous nous confirmer que, dans ce groupe de liaison, personne n'avait mis en garde contre les risques de fraude à la billetterie papier demandée par les supporters de Liverpool ?

Vous avez répondu tout à l'heure à la question portant sur le dispositif d'information dans la répartition des flux entre les deux RER. À la lecture de votre rapport, on se demande tout de même qui est responsable de l'absence d'alternative de délestage et même d'espace de traitement des litiges. C'est un élément qui a contribué à l'engorgement et à la saturation des points de passage.

Avez-vous été destinataire, monsieur le préfet, de la fameuse note de la division nationale de lutte contre le hooliganisme (DNLH) du 25 mai dernier ? Si oui, avez-vous alerté d'autres acteurs de son contenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Vous dites que le système de traitement, en sécurité publique, des mouvements de délinquance dans les grands rassemblements de foule, est éprouvé, et que seuls des facteurs circonstanciels liés à la saturation des accès ont empêché son bon fonctionnement.

Pouvez-vous nous donner un ordre de grandeur du nombre de cas dans lesquels les équipes sur place procèdent à des interpellations, par rapport au nombre de plaintes reçues ensuite ? Autrement dit, sur ce type d'évènements, quel est le taux d'efficacité en termes d'interpellations directes ?

Je reste insatisfait de la réponse apportée aussi bien par le ministre que par vous-même à la saturation des flux de transport sur la ligne D. La grève sur la ligne B, qui faisait obstacle à l'écoulement normal du public, était connue depuis plusieurs jours ; l'arrivée d'un nombre bien plus élevé que d'habitude d'utilisateurs des transports, également.

Le nombre d'événements sportifs qui se produisent à Saint-Denis pour lesquels ce sujet a déjà été éprouvé rend difficile à comprendre les défaillances dans la gestion des flux de piétons à la sortie des rames - chacune apportant 1 500 personnes, et ce toutes les deux minutes et demie. Il est étonnant qu'on n'ait pas su orienter directement le public vers d'autres chemins piétons. Pendant les jeux, ce problème va se poser de nouveau pour un grand nombre d'évènements prévus à Saint-Denis, sur différents sites, et avec des flux probablement très élevés.

Vous suggérez une modification législative pour introduire l'utilisation d'un mécanisme d'intelligence artificielle permettant de repérer des mouvements inhabituels dans une foule. Je suis à peu près sûr que des gens de la RATP m'ont expliqué qu'ils disposaient d'un tel système depuis longtemps, pour la prévention des phénomènes de panique dans le métro. Êtes-vous sûr qu'il y ait besoin d'une disposition législative supplémentaire ?

Pour ce qui concerne la suppression des images, il y a une procédure. Pour autant, les enquêteurs et les autorités, de police en l'occurrence, peuvent tout de même adresser une notification aux détenteurs d'images, au cas où le substitut compétent n'aurait pas adressé la demande de préservation des images dans le délai requis. Je suppose que cela se produit parfois.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Paccaud

J'ai bien noté votre sérénité sur la capacité des forces de l'ordre à faire face à des problématiques de délinquance lors de ce type d'événement. Si elles ont été débordées cette fois-là, c'est donc qu'il y a eu un problème dans la préparation. J'ai posé deux fois la même question à M. Lallement, mais aussi au ministre, sur la notion de match à risque. Vous avez déclaré vous-même que ce n'était pas un match à risque. Vous n'avez pas utilisé exactement ce terme, mais vous avez parlé d'hooliganisme, en disant qu'il n'y avait pas de crainte à avoir, et qu'il n'y avait pas de risque prévisible de violences avérées. Je suis très surpris que, à l'inverse, le match Nice-Nantes ait été classé comme à risque, alors qu'il n'a donné lieu à aucun problème de délinquance. Je ne sais si la finale de la Coupe de France était de votre ressort...

Au Stade de France, n'y a-t-il pas eu une sous-estimation du risque ? Il y a le risque venant des hooligans et celui causé par ceux que vous avez appelés les jeunes délinquants. Dans votre rapport, vous déplorez « la non-lecture de signes avant-coureurs de la présence d'individus malveillants venus en grand nombre près du stade pour commettre des actes de malveillance ». Qu'est-ce que cette non-lecture ? Qui aurait dû voir ces signes avant-coureurs ? Quels étaient ces risques ?

Vous avez indiqué que des actes malveillants avaient été mis en évidence dès 14 heures, c'est-à-dire six heures avant que le gros du problème ait lieu. Il n'y a eu aucune adaptation ou réaction. Cela ne pose-t-il pas de problème ? Vous avez été préfet de police. Si vous l'étiez toujours, qu'auriez-vous fait ?

Debut de section - Permalien
Michel Cadot, délégué interministériel aux jeux Olympiques et Paralympiques 2024 et délégué interministériel aux grands événements sportifs

Sur la cérémonie d'ouverture des jeux, un travail a été engagé depuis plus d'un an de manière extrêmement méthodique. Ce sera un évènement inédit, nouveau, qui doit être une fête populaire, comme il s'en est déjà déroulé, avec des centaines de milliers de personnes, autour des Champs-Élysées, dans d'autres circonstances - ou dans d'autres pays, comme nous l'avons vu encore tout récemment de l'autre côté de la Manche. Nous sommes capables de faire cela, mais il faut un dispositif précisément planifié, aussi bien sur les risques proprement nautiques que sur ceux liés à l'accès, au contrôle, à la fluidité de circulation ou au nombre de points d'entrée pour éviter des engorgements par des flux qui convergeraient sur les mêmes lieux.

Un traitement différencié est prévu entre les quais bas, réservés aux tribunes payantes, et les quais hauts, qui seraient, pour la première fois dans l'histoire des jeux, ouverts gratuitement au grand public, aux familles et aux visiteurs.

Cet évènement pose objectivement un défi considérable de logistique et d'organisation. Il nous reste deux ans pour le préparer. Sa définition tiendra compte de ce que nous sommes en train d'évoquer sur le cas très particulier de l'accès au Stade de France et à ses abords. Nous aurons à filtrer un public nombreux, venu en principe pour partager une fête et un très beau moment - le risque terroriste est un autre sujet. Nous aurons aussi à le trier, entre ceux qui auront acheté une place dans les tribunes et ceux qui souhaiteront simplement déambuler sur les quais hauts.

Nous sommes capables, je le répète, d'organiser une telle cérémonie, même si cela sera compliqué. Trois groupes de travail sont réunis pour la préparer, avec la ville de Paris, la préfecture de police et la préfecture de région Île-de-France. Nous travaillons aussi avec tous les acteurs sur chacun des points. À la fin du mois, nous ferons un point d'étape pour les trois groupes. L'idée est de valider le concept à la fin du mois d'août ou au début du mois de septembre, et de le faire approuver d'ici à la fin de l'année 2022 au plus tard - et sans doute un peu avant, puisqu'il y aura des conseils décisionnaires en décembre.

Voyez ce qui s'est passé en Angleterre récemment : sur le bord de la Tamise, pour le Jubilé, il y avait une foule extrêmement nombreuse - dans un contexte différent, certes. Nous savons faire cela en prenant toutes les précautions de sécurité tout en respectant les attentes du public.

Je n'ai pas été destinataire du rapport de la DNLH, qui a été communiqué aux services assez tardivement, après la réunion du 19 mai. Les éléments qu'il comportait confirmaient ce que nous savions depuis plusieurs semaines déjà, c'est-à-dire qu'il y avait toujours un nombre important de visiteurs sans billet qui accompagnaient les supporters et qui souhaitaient, d'une façon ou d'une autre, profiter de la fête ; à Madrid, il y en avait près de 50 000... C'est pourquoi nous avons choisi une zone de visionnage, pour les fixer. Nous n'avons pas pu l'installer à côté du Stade de France, car l'espace y est trop contraint, mais il y a toujours eu 45 000 personnes dans cette zone, y compris pendant le match. Lorsqu'une douzaine de milliers de personnes l'ont quittée vers 17 heures, on pouvait penser qu'une partie importante d'entre eux avaient leur billet.

L'accélération du problème autour du RER D se voit bien dans les chiffres : dans les événements classiques à jauge pleine, le Stade de France remplit 48 000 environ de ses quelque 80 000 places par les transports collectifs. C'est dans ce schéma que s'organisent généralement les dispositifs. Traditionnellement, il en vient plus de 20 000 du RER B - 21 600 en moyenne -, alors qu'il en vient moins de 10 000 du RER D : 9 600 en moyenne. De fait, l'accès depuis le RER D n'est pas commode. Enfin, il en vient 16 000 environ par la ligne 13 du métro. Il ne s'agit que d'une évaluation, bien sûr : pour ces grands matchs, on lève les contrôles de billets aux sorties. Cela dit, pour la ligne 13, l'évaluation est faite à la station La Fourche, soit six stations de métro avant la gare du stade. Du coup, il y a aussi beaucoup de gens qui rentrent chez eux, tout simplement, surtout un samedi soir. L'évaluation est donc globale : on compte le nombre de rames, le nombre de personnes qu'elles contiennent, et on aboutit aux ordres de grandeur que je vous ai donnés.

Pour la Coupe de France, il y a eu 9 000 personnes dans le RER D, 9 000 dans le RER B et 30 000 sur la ligne 13. Personne n'est venu sans billet : les 48 000 personnes avaient leur place, et 30 000 personnes supplémentaires sont venues en car ou en voiture, dont 20 000 en car, 6 000 en taxi et 4 000 en voiture. Pour la Ligue des champions, les comptages réalisés entre 17 heures et 21 heures aboutissent à 80 000 personnes arrivées en transports collectifs, soit 30 000 de plus.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Ils étaient identifiés depuis plusieurs jours.

Debut de section - Permalien
Michel Cadot, délégué interministériel aux jeux Olympiques et Paralympiques 2024 et délégué interministériel aux grands événements sportifs

Disons que nous savions qu'il y aurait un tel volume ; c'est pourquoi nous avions prévu une zone de visionnage. Cette zone ne s'est pas vidée de 30 000 personnes dans l'après-midi. C'est donc que d'autres personnes sont arrivées par des moyens individuels. C'est là où le travail en profondeur en amont paie : aux frontières, dans les trains... Depuis plusieurs jours, il n'y avait plus de places dans l'Eurostar, par exemple. C'est là où la coordination internationale est essentielle.

Nous n'avons eu que 6 200 personnes dans le RER B, lequel avait été renforcé pour avoir une capacité nettement supérieure, avec six rames en interconnexion. Sur le RER D, nous sommes passés de 9 000 personnes pour la Coupe de France, ou 9 600 pour les événements ordinaires, à 37 000. Il est évident que cette montée du flux était l'élément clé, que la RATP connaissait parfaitement. Avec la SNCF, elle a surtout la préoccupation de ne pas voir s'accumuler des personnes sur les quais, car cela accroît les risques de chute. Tout s'est bien passé, puisqu'il n'y a eu aucun incident de transport. La ligne 13 a aussi démontré sa capacité à transporter beaucoup plus de monde : 36 000 personnes au final, au lieu des 30 000 de la Coupe de France et des 16 000 des matchs ordinaires.

Ces chiffres très précis me semblent rassurants pour l'avenir. Notre capacité de transport est à sa limite, mais les responsables de la RATP et de la SNCF ont bien rempli leur mission. Évidemment, celle-ci s'exerce sur un terrain ayant ses propres contraintes.

Je ne connais pas précisément le taux d'efficacité des interpellations. Nous connaissons le nombre de personnes interpellées, et le poste de police du Stade de France a été bien rempli ! Sur les 300 ou 400 personnes qui ont pénétré sans contrôle sur le parvis, il semble que plusieurs dizaines ont été interpellées, ce qui est un taux très correct.

L'usage de l'intelligence artificielle est un choix politique, et doit évidemment être entouré de garanties de transparence. C'est très utile pour le comptage des flux dans les transports. En l'espèce, cela aurait émis un signal d'alerte lorsque la barre des 20 000 personnes dans le RER D aurait été franchie. Pour les mouvements de foule et le cheminement, c'est un autre système, certes connecté, mais qui ne compte pas les individus. Un tel travail de suivi des masses serait sans aucun doute utile, notamment pour la cérémonie d'ouverture des jeux.

Le préfiltrage a été compliqué par la masse de personnes sans billet. Si les postes avaient été mieux répartis, toutefois, le dispositif aurait mieux résisté. Les billets falsifiés qui ont été comptabilisés aux portes représentent entre 10 % et 12 % des billets papier qui avaient été attribués à Liverpool : soit quatre fois plus que ce qui avait été constaté en 2018 au Parc des Princes pour le match PSG-Liverpool. Certains billets ont fait l'objet d'un nombre considérable de photocopies, vendues à des prix si faibles que leurs acquéreurs ne pouvaient pas ignorer qu'il s'agissait de faux.

Qu'aurais-je fait si j'avais été en charge ? Je ne l'étais pas, et je ne souhaite pas du tout me mettre à la place de ceux qui le sont...

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Paccaud

Vous n'avez pas répondu à ma question sur la non-lecture des signes avant-coureurs.

Debut de section - Permalien
Michel Cadot, délégué interministériel aux jeux Olympiques et Paralympiques 2024 et délégué interministériel aux grands événements sportifs

Les signes avant-coureurs n'ont pas été traduits en actions de manière suffisamment anticipée pour éviter l'enchaînement que j'ai décrit. Il y a donc eu un manque de dialogue entre les acteurs : cette anticipation ne pouvait pas se faire des semaines à l'avance, elle ne pouvait se faire que dans le PC, au fur et à mesure de l'évolution de la situation.

Le point de préfiltrage, qui était le premier point d'arrivée de la foule, révélait déjà que celle-ci n'avançait quasiment plus. Un suivi plus réactif aurait permis de réorienter en temps réel les arrivants, ce qui aurait évité une telle accumulation. Il aurait fallu mobiliser du personnel de police pour assurer l'accompagnement et la traversée des axes de circulation.

Certaines personnes qui connaissaient les lieux ont pris l'initiative de rejoindre l'itinéraire qu'ils auraient pris s'ils étaient arrivés par le RER B, sur lequel les points de filtrage sont plus nombreux. Ce ne pouvait pas être le cas des supporters anglais...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Raymond Hugonet

Merci pour la clarté et l'honnêteté de vos réponses. L'adage dit qu'on apprend de ses erreurs et, justement, votre rapport donne des pistes d'amélioration.

Le ministre de l'intérieur est venu ici devant nous et, en audition, il a pris comme première excuse le fait que l'organisation de cette finale devait initialement incomber à la Russie, ce qui n'a laissé à la France que quatre mois pour préparer cet événement, contre dix-huit mois en général. Je note tout de même que la France, qui n'est pas un tout petit pays, a déjà organisé il y a bien longtemps, en 2006, ce type de finale, exactement dans le même stade, et déjà avec une équipe anglaise et une équipe espagnole. J'ose espérer que notre pays est capable de faire face à ce type d'organisation ; sinon, il n'aurait pas présenté la candidature de Paris.

Certes, le Stade de France n'est pas le stade le mieux implanté qui soit - et c'est un grand amateur de ballon rond qui vous parle. Pour s'y rendre, c'est un vrai parcours du combattant ! Mais tout indique que de grandes défaillances ont eu lieu dans l'organisation. Vous avez été un préfet de police reconnu et apprécié. Vous avez insisté sur le partenariat. Quel est le niveau de relations et d'articulation entre le préfet Lallement et M. Jérôme Foucaud, qui gère l'une des directions en charge de ces événements ? La coopération a-t-elle, selon vous, été idéale ? On a constaté un manque d'agilité : alors que des signes avant-coureurs montraient un problème en début d'après-midi, il n'y a pas eu de réaction. Et devant l'urgence, toujours plus pressante, il n'y avait plus que les gaz lacrymogènes. Pour notre pays, cela n'a pas été un « plus » !

Debut de section - PermalienPhoto de Céline Brulin

Vous avez évoqué des améliorations à apporter sur le suivi des masses et la fluidification des foules qui se déplacent. En fait, les principaux problèmes sont aux frontières des missions des uns et des autres. Je ne suis pas complètement convaincue par ce que vous avez dit sur une nouvelle approche qui coordonnerait mieux ces différents acteurs, notamment les opérateurs de transports et les services de sécurité. Vous avez évoqué la nécessité de faire appel à l'intelligence artificielle ou à des suivis vidéo. Mais pour le transport automobile, les modélisations de Bison Futé permettent de prévoir que tels flux auront telles conséquences : pourquoi ne saurait-on pas faire la même chose quand il s'agit de foules qui se déplacent par les transports en commun, ou pour des piétons ?

Vous avez suggéré que les confinements et les diminutions de jauge que nous avons connus ces derniers temps auraient eu pour conséquence une forme de perte de savoir-faire dans l'organisation de ces grands événements. Vous avez même évoqué la nécessité d'adresser des circulaires aux préfets. N'y aurait-il pas encore davantage à faire pour procéder à une remise à niveau, si une telle perte de savoir-faire était avérée ?

Sans vous mettre à la place du préfet de police actuel, vous avez clairement dit qu'il y avait d'autres méthodes que celles qui consistent à gazer ou à charger. Le préfet Lallement, lui, nous a expliqué que, dans certaines situations présentant un risque d'écrasement des foules sur les grillages, il n'y avait qu'une seule alternative, gazer ou charger. Pensez-vous que le ministère de l'intérieur devrait explorer les autres pistes que vous évoquez pour les événements à venir ?

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Monsieur le préfet, votre rigueur et votre sens du travail en équipe rendent votre témoignage précieux - sans parler de vos fonctions actuelles, avec la perspective des jeux Olympiques.

Lors d'un événement de ce type, surmédiatisé, 20 000 places sont attribuées à chaque équipe, et 27 000 places sont données aux sponsors. Il n'y a que 7 000 places en vente libre. Cette manière d'associer le grand public n'est-elle pas à la base même d'un risque majeur ?

Je sais que vous travaillez avec le Comité international olympique (CIO), par exemple, pour la cérémonie d'ouverture des jeux, à mettre à disposition des places à 15 euros, etc.

Même remarque pour la délinquance : tout le monde sait que, sur cette esplanade, il y a des milliers d'euros en liquide dans les poches des arrivants qui désirent acheter une place. Le délinquant sait qu'il peut y faire son mois, si ce n'est son année... La gestion de l'ordre consiste à gérer ce qui a ainsi été généré !

Vous nous avez décrit un système où, en termes de prévention, de préparation, les choses ont été relativement bien faites, mais où au niveau opérationnel, face aux imprévus toujours inévitables, il y a un sujet.

Un préfet a la responsabilité : en général, par délégation du préfet de police, c'est au préfet du département de gérer ces événements. Pourquoi n'était-ce pas le cas ce jour-là ? Même s'il n'a pas une délégation totale, connaissant le terrain, il est le mieux à même de coordonner l'ensemble. Le préfet de police, lui, est dans une salle à Paris, la salle de commandement, et non sur le terrain. Cela aurait pu régler la question du préfiltrage des arrivées par le RER. Pensez-vous que le préfet de département doive être plus étroitement associé ?

S'agissant des images, vous bottez en touche, en nous disant ce que nous savons déjà : que celles-ci s'écrasent au bout de sept jours. Imaginez l'ampleur du scandale s'il y avait eu envahissement ; il y aurait bien eu quelqu'un qui serait intervenu pour qu'on garde les images. Qui aurait dû décider de cela ? C'est une question importante. D'abord, pour les instructions judiciaires, mais aussi parce que tout le monde tient pour acquis qu'une foule allait s'écraser sur les grilles, alors que nous n'avons aucune image qui le suggère. Je n'ai vu, sur les images privées, que des individus qui brandissaient leurs billets pour montrer aux stadiers qu'ils en avaient de vrais, et qui ont été gazés sans discrimination - femmes enceintes, enfants, etc. Je n'ai pas vu de preuve qu'il y aurait eu 15 000 personnes faisant pression sur les grilles... Qui devait prendre la décision de conserver ces images avant que la justice les réquisitionne ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre de La Gontrie

Quelques demandes de précisions par rapport à vos travaux. Je n'ai pas trouvé dans votre rapport la liste des personnes que vous auriez entendues. Cette précision serait utile, d'autant que je rejoins tout à fait la suggestion et la demande de Jean-Jacques Lozach : nous devons entendre les supporters de Liverpool et de Madrid, ainsi que le maire de Saint-Denis. Nous avons d'ailleurs formulé une demande en ce sens auprès des présidents de commission.

J'ai cru vous entendre dire que vous aviez présidé deux réunions. Laurent Lafon y a fait référence, nous ne comprenons pas très bien qui était l'autorité hiérarchique de l'ensemble de cette organisation. Pouvez-vous nous apporter quelques précisions sur ce point ?

Enfin, pouvez-vous nous confirmer qu'il n'y avait pas d'autre solution que d'utiliser les gaz lacrymogènes ? Nous avons tous été interpellés par ce que nous a dit le préfet de police.

Vous avez affirmé dans votre propos liminaire que la grève du RER B était connue - c'est exact - et prise en compte. Or la FFF a affirmé qu'elle n'avait pas disposé de cette information. C'est un peu étrange, car elle figurait sur les réseaux et tout le monde était au courant.

Dernière chose, vous avez dit que votre rapport ne prenait pas en compte la question des vidéos. Or il s'agit d'un point très important. Mon groupe et moi-même souhaiterions que votre rapport soit complété par une annexe portant sur ce sujet. De telles précisions seraient fort utiles dans le cadre de nos travaux.

Monsieur le président, j'ai lu dans la presse que nos deux commissions devaient rendre leurs conclusions cet après-midi : il doit s'agir d'une erreur ?

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Oui, soyez rassurée, ma chère collègue. Le président Lafon et moi-même avons essayé d'organiser ce matin l'audition des supporters ou de leurs représentants, mais cela n'a pas été possible. Cette audition est donc toujours en cours d'organisation et les supporters seront entendus ultérieurement. Nous devons encore également auditionner le maire de la commune de Saint-Denis. Notre travail n'est donc pas terminé ; c'est simplement un point d'étape qui aura lieu en fin d'après-midi.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Savin

Merci de toutes les réponses que vous avez apportées aux différents points qui ont déjà été évoqués. Ma question, très simple, porte sur votre rôle dans le cadre de vos missions.

À plusieurs reprises, lors de nos auditions, le délai d'organisation très court de cette rencontre - trois mois - a été évoqué. Lors des auditions, j'ai demandé aux représentants de la FFF s'ils avaient été associés à la décision prise par le Président de la République d'accueillir cette rencontre à Paris. La question leur a été posée à trois reprises. Au vu de l'absence de réponse, nous avons bien compris que cette instance, qui a eu en charge l'organisation de la rencontre, n'avait pas été associée à cette décision.

Monsieur le préfet, vous qui avez pour mission de contribuer à préparer les événements dans les meilleures conditions et qui, je l'ai entendu précédemment, assumez aujourd'hui votre part dans l'échec de l'organisation de cette rencontre, avez-vous été associé à la décision prise par le Président de la République ?

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

Durant la phase de préparation, mais aussi pendant l'événement, tous les interlocuteurs ont semblé être très franco-français. Or l'événement visait à accueillir 20 000 spectateurs anglais et 20 000 spectateurs espagnols. Des contacts ont-ils eu lieu entre les autorités françaises et leurs homologues étrangers ou les représentants des deux clubs, en amont de la préparation ou pendant l'événement ?

Debut de section - Permalien
Michel Cadot, délégué interministériel aux jeux Olympiques et Paralympiques 2024 et délégué interministériel aux grands événements sportifs

Nous avons eu évidemment des échanges assez nombreux, par l'intermédiaire de l'UEFA, avec les milieux sportifs de l'Union européenne pour déterminer, dans l'hypothèse où Liverpool arriverait en demi-finale, ce qui n'a été confirmé que le 3 mai dernier, comment se passeraient le transport et les achats de billets. Nous avons étudié les précédents, examiné la question des autorisations. C'est à ce moment-là, d'ailleurs, que nous avons pris conscience de la nécessité d'une zone de stockage, notamment du public accompagnateur et non-détenteur de billets.

Les services de la Diges, en amont - on avait en effet reçu des demandes de garanties, de facilitation et de simplification pour les visas, etc. -, ont eu des contacts avec les différents services : c'est le rôle de la Diges d'assurer cette liaison interministérielle au niveau des administrations centrales. Elle doit également respecter le rôle des autorités territoriales dans la gestion de proximité du dispositif. Je ne suis pas en mesure de vous dire dans l'immédiat avec qui exactement les contacts ont été noués, mais des entrevues ont certainement eu lieu compte tenu de la présence de délégations étrangères. Je crois me souvenir que des contacts ont été établis avec l'ambassade de France à Londres. Cela ne répond pas complètement à votre question. Quoi qu'il en soit, la liaison avec le club a été recherchée par l'intermédiaire de l'UEFA, puisque c'était notre interlocuteur.

L'UEFA participait d'ailleurs à deux des trois réunions que j'ai présidées moi-même. Elle était également représentée lors des réunions intermédiaires auxquelles la Diges a participé.

Le court délai dont nous disposions est-il à l'origine des importantes difficultés rencontrées ? La réponse est non, car nous sommes parfaitement à même, dans un site comme le Stade de France, auquel les équipes devraient être préparées, d'organiser un grand événement de cette nature en trois ou en quatre mois. Il ne s'agit pas d'un événement inédit sur ce site, qui a déjà accueilli de grandes épreuves de cette nature. Certes, le délai était court : cela exigeait de ne pas perdre de temps et d'anticiper sur les vrais sujets, mais nous en étions capables.

Il y a eu des difficultés, c'est indéniable ; il y a eu un dysfonctionnement grave. Mais c'est quelque chose qui se récupère très vite. Par exemple, lorsque j'étais préfet de police, j'ai essuyé un échec lors de l'organisation de la Coupe de France de football le 21 mai 2016. Je n'étais pas en poste depuis longtemps, mais je me suis retrouvé dès le lendemain chez M. le ministre pour en tirer les leçons. Trois semaines après, nous avons organisé l'Euro 2016 dans des conditions de risque terroriste majeur, et tout s'est bien passé. C'est la preuve que l'on peut tirer rapidement les enseignements d'un vécu négatif. Nous disposons pour ce faire de l'expérience nécessaire, nous avons des personnes qui connaissent le problème : le tout est de les avoir au bon moment, ensemble et au bon niveau de décision. C'est pourquoi, en tant que délégué interministériel aux grands événements sportifs, je n'ai pas creusé davantage certains sujets. Je sens bien que c'est l'un de vos questionnements, mais je crois qu'il faut respecter les compétences des acteurs.

Cela me conduit à répondre à votre troisième question : je pense qu'effectivement dans la conception des responsables au PC du Stade de France et dans l'organisation du dispositif par la préfecture de police, a sans doute été privilégié de manière trop prioritaire le volet ordre public. L'accent a, selon moi, trop été mis sur la direction de l'ordre public et de la circulation (DOPC).

Comme chacun le sait, en dehors du problème territorial entre le préfet de département et le préfet de police, se pose la question de la pluralité de directions. Il existe une direction de la sécurité de proximité de l'agglomération parisienne (DSPAP), qui gère la délinquance courante : elle est sur le terrain, c'est elle qui s'occupe des brigades anticriminalité (BAC). Elle était finalement moins associée que nécessaire et nous aurions pu bénéficier d'un renfort s'il y avait eu une réaction sur ce volet. Je ne pense pas du tout qu'il s'agisse d'un problème d'articulation entre le directeur de la DOPC et le préfet. Le directeur de la DOPC faisait son travail, de la manière qui avait été décidée et avec les moyens accordés. Mais, in fine, le défi n'était pas exactement celui pour lequel ses moyens avaient été dimensionnés...

Enfin, vous m'avez interrogé sur la réactivité face aux faits de délinquance. Ce qui s'est produit à 14 heures, ce n'était pas la même chose que ce qui s'est produit dans la foule, puis sur le parvis. Dans la foule, il y avait beaucoup de pickpockets et nous avons assisté à de nombreuses opérations d'arrachage de biens ; il s'agissait surtout de tirer profit du public étranger, qui constituait une cible facile.

Ce qui s'est produit à 14 heures, c'est autre chose : nous avons été confrontés à de petites bandes et à des tentatives d'intrusion. Des individus sont arrivés autour du stade - on rejoint ici la question des billets - et il y a eu des bagarres. Bref, c'était une autre forme de délinquance : il s'agissait non pas d'une délinquance d'appropriation, mais d'une délinquance procédant par des opérations « coups de poing », si je puis m'exprimer ainsi, pour parvenir à accéder au stade.

Madame la sénatrice, pour ce qui concerne le suivi des foules, oui, il faut sans doute une approche plus collaborative entre les opérateurs de transports et les services de sécurité. Les dispositifs d'information sont disponibles, mais il faut les actionner de manière adaptée à l'évaluation des risques faite dans le schéma d'organisation. Le système de comptage et de suivi de la RATP est destiné à s'assurer qu'il n'y a pas d'engorgement et vise à orienter les flux en fonction des stations. Celui du PC du Stade de France est davantage appuyé par la vidéo - la vidéo du stade et autour du stade, celle de la ville de Saint-Denis et, éventuellement, celle de la préfecture de police. C'est le suivi de cette foule qui aurait pu être amélioré, grâce à l'intelligence artificielle et à l'emploi de quelques algorithmes sur les flux ou sur leur accumulation. À dire vrai, ce n'est sans doute pas l'enjeu technique le plus important pour le stade, mais il le sera pour les jeux Olympiques. C'est la raison pour laquelle je me suis permis d'insister sur ce point, car ce serait un ajout législatif utile dans ce cadre-là.

Quid des autres pistes que le gazage ? Je n'ai pas de solution miracle. Chaque pays a sa propre approche en termes d'ordre public. Je pense, néanmoins, qu'il serait utile d'explorer quelques pistes nouvelles. On pourrait, lorsqu'il n'y a pas d'accumulation d'une foule trop dense, faire appel aux brigades montées. Ce genre de supervision un peu impressionnante pourrait sans doute permettre, sur un parvis comme celui du Stade de France, de mieux accompagner la surveillance. C'est un sujet complexe, sans doute faudrait-il interroger des spécialistes de la sécurité, notamment au niveau national.

M. Assouline m'a questionné sur la répartition des places entre les différents acheteurs, qu'il s'agisse des clubs, des hospitalités, des partenaires ou du grand public. Il est allé jusqu'à dire que certains actes de délinquance pouvaient s'expliquer par cette répartition. Je ne le crois pas. Dans le cadre de ce match, la ville de Saint-Denis - c'est l'un des points que nous avions évoqués lors des réunions de préparation que je présidais - a obtenu plus de 500 billets pour sa population, qu'elle a distribués. Le soir, comme vous le savez, elle a prévu sur la fan zone, installée dans le parc de la Légion d'honneur, 6 000 places à destination du public séquano-dionysien.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Globalement, la rareté des places, au vu de leur répartition, explique peut-être le fait que, sur les 40 000 supporters de Liverpool qui voulaient entrer, seuls 20 000 ont pu le faire. Le commerce qui existe autour de ce type de manifestation exclut tellement de monde que cela fragilise l'événement.

Debut de section - Permalien
Michel Cadot, délégué interministériel aux jeux Olympiques et Paralympiques 2024 et délégué interministériel aux grands événements sportifs

C'est en raison de cette évolution qu'il nous semble indispensable pour les jeux Olympiques et Paralympiques de procéder autrement. Vous l'avez souligné, il faut se tourner vers l'avenir, et c'est bien l'objectif.

Voilà pourquoi l'une de nos motivations prioritaires pour la cérémonie d'ouverture ou pour les épreuves est de permettre au public d'assister aux jeux Olympiques sans pour autant acheter un billet, en allant sur la place de la Concorde, en y passant, mais sans entrer à l'intérieur des podiums qui seront installés, par exemple, pour les sports urbains. Cette « expérience spectateur » - je reprends le terme que j'ai appris depuis deux ans à utiliser - constitue l'un des critères à mettre en oeuvre.

Tout cela, bien évidemment, doit aussi s'inscrire dans un modèle économique pérenne pour l'organisateur, car nous avons plus que jamais une obligation de maîtrise budgétaire dans le contexte de difficultés économiques, budgétaires et sociales que nous connaissons. Tout cela doit aussi être compatible avec des conditions de sécurité en termes de moyens capacitaires. La concentration en Île-de-France des événements autour des jeux rend ce défi particulièrement élevé. Je rappelle que 85 % des épreuves se dérouleront en Île-de-France. C'est donc là que devront être concentrées un très grand nombre de forces de sécurité, privées ou publiques.

Quant aux raisons des difficultés opérationnelles que vous avez évoquées, monsieur le sénateur Assouline, j'aurais tendance à dire qu'elles sont liées au fait qu'il est difficile de faire changer de direction une foule aussi importante. Il était quasiment impossible de lui faire faire demi-tour alors que des flux continus arrivaient. Il aurait fallu disposer pour cela d'un espace très vaste, ce qui n'était pas le cas. En conséquence, ce sont les plans de suivi et de comptage qui doivent permettre d'activer le plan de déviation vers l'entrée du RER B. Une fois que les personnes se sont engagées sur des passages dont on sait qu'ils sont relativement étroits, au fur et à mesure que l'on se rapproche du point de préfiltrage, on n'a plus beaucoup de possibilités pour leur faire faire marche arrière. Le PC, de ce point de vue, à partir d'un certain moment, n'avait plus la capacité de faire faire demi-tour au public. Il a essayé de le faire, mais c'était trop tard : la mesure n'a pas été opérante.

Par ailleurs, le chiffrage donné est tout de même de l'ordre d'une quinzaine de milliers de personnes qui s'étaient accumulées sur cette entrée, ce qui est tout à fait cohérent par rapport aux chiffres des transports collectifs qui nous ont été donnés pour le RER D.

C'est au niveau du préfiltrage qu'il y aurait eu des risques très sérieux d'écrasement, non pas tellement contre les grilles, mais contre les barrières. Des personnes ont d'ailleurs traversé à pied l'autoroute qui est sur le côté. Une partie de la foule s'est déportée sur le parvis et s'est rapprochée, non pas des points de contrôle immédiatement, mais des barrières, c'est-à-dire vers le système de tortillons ou de serpentins.

Debut de section - Permalien
Michel Cadot, délégué interministériel aux jeux Olympiques et Paralympiques 2024 et délégué interministériel aux grands événements sportifs

En ce qui concerne les images, la décision relève d'abord du Parquet puisqu'il y avait une procédure judiciaire. C'est donc peut-être à ce niveau-là qu'aurait dû être demandée la conservation des images.

Les capacités de stockage auraient-elles permis de conserver les images et de les transférer, tout en continuant à assurer le suivi nécessaire au quotidien ? Je n'en sais rien - je ne suis pas un technicien -, mais cette question mérite d'être posée au consortium et à l'autorité judiciaire.

Pour ce qui est des personnes entendues, je n'ai aucune qualité pour auditionner qui que ce soit. J'ai simplement examiné les rapports que nous avions demandés avec l'équipe de la Diges et de la Dijop. Certains de ces rapports ont d'ailleurs été reçus tardivement. Nous avons travaillé jour et nuit pour les analyser, recenser les petits points d'incohérence et faire des recommandations, que nous avons présentées loyalement et honnêtement devant vous et devant les deux ministres. Il s'agissait d'un travail rapide, non pas d'audition, mais de bonne compréhension de l'enchaînement des faits, afin de faire des propositions de renforcement pour les grands événements sportifs internationaux et pour les jeux Olympiques.

Quant à la répartition des décisions, je l'ai expliqué assez clairement tout à l'heure : tout ce qui relève de la coordination et de l'animation entre l'ensemble des ministères, ou des arbitrages en cas de désaccords entre les partenaires, peut remonter au niveau de la Diges. C'est le rôle de la Diges que de trancher tous ces points ou de demander un arbitrage politique, s'il y a lieu. Ce travail a été fait pendant les premières semaines, qu'il s'agisse de garanties, de lettres d'engagement ou de problèmes d'aspect réglementaire rencontrés par l'organisateur pour les questions d'arrivée. Pour le reste, c'est ensuite au niveau local, au-delà des réunions de concertation, que les décisions se prenaient.

Enfin, le sénateur Savin m'a demandé si la FFF avait été associée à cette décision. Jusqu'ici, lors des réunions auxquelles j'ai participé, la FFF n'avait jamais mentionné que ces délais courts pouvaient être la cause des difficultés rencontrées. Elle considérait que c'était plutôt le nombre excessif de personnes sans billet ou avec des billets falsifiés, ainsi que les difficultés de réactivité pour réorienter les flux, qui étaient la cause de ces dysfonctionnements.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

M. le préfet n'a pas répondu à ma question relative au préfet du département. J'ai pourtant été assez précis.

Debut de section - Permalien
Michel Cadot, délégué interministériel aux jeux Olympiques et Paralympiques 2024 et délégué interministériel aux grands événements sportifs

Je me range derrière l'appel à la sagesse du président de la commission de la culture...

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre de La Gontrie

Je n'ai pas eu de réponse à certaines de mes questions, notamment sur le point de savoir si M. le préfet complétera ses travaux en abordant le sujet des vidéos.

Debut de section - Permalien
Michel Cadot, délégué interministériel aux jeux Olympiques et Paralympiques 2024 et délégué interministériel aux grands événements sportifs

Ce dossier fait l'objet d'un suivi judiciaire. C'est dans ce cadre-là que ces investigations doivent être conduites. Je n'ai pas la qualité d'un juge, encore moins celle d'un procureur. Cela n'entre d'ailleurs pas dans la mission de la Diges. Je formule uniquement des recommandations, qui ont été remises en temps et en heure. En tout état de cause, il ne m'est pas possible de m'immiscer dans le suivi de vidéos qui - pour ce qu'il en reste - relèvent clairement de la responsabilité de l'autorité judiciaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

Je vous remercie de votre participation.

Mes chers collègues, nous en avons terminé avec cette audition. Je vous rappelle que nous nous rendrons cet après-midi au Stade de France pour examiner sur place, in situ, l'organisation des flux et pour rencontrer les responsables du consortium du Stade de France.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 12 h 30.